Deuxième partie
p. 129-162
Texte intégral
II
De Poitiers à Breslau (août 1552-janvier 1553) de Breslau à Padoue (avril-septembre 1553)
1Comme l’année 1552 commençait, je m’étais résolu à regagner ma patrie. Après avoir reçu, le 2 août, une lettre d’amis, et acheté des chevaux, je quittai Poitiers le 4 du même mois. Mais comme, à cette époque, la France foisonnait de guerres au plus haut point et qu’il était impossible de traverser la Lorraine en sûreté1, je décidai de passer plutôt par Lyon, car je n’avais jamais eu l’occasion de visiter cette ville auparavant ; de la sorte, une route vers l’Allemagne s’ouvrait à moi, plus pratique et plus sûre, par la Savoie et la Suisse.
Itinéraire de Poitiers à Lyon
De Poitiers à Chauvigny | 5 |
À Saint-Savin | 4 |
À Ingrandes | 2 |
Au Blanc en Berry | 2 |
2Ces bourgs ont été signalés plus haut2.
À Saint-Gaultier | 6 |
À Saint-Marcel | 2 |
À Neuvy | 5 |
À la Châtre | 3 |
À Châteaumeillant | 3 |
3À cet endroit, ma santé a été mise en grand péril, le pire que j’aie jamais connu jusqu’à présent3.
À St.-Christophe | 3 |
À Épineuil | 4 |
À Cosne en Bourbonnais | 5 |
4C’est un bourg situé à la frontière entre le Berry et le duché de Bourbon.
Au Montet-aux-Moines | 4 |
À Verneuil | 4 |
À Varennes | 2 |
5C’est un endroit où la route de Paris rejoint la route de Lyon, et où l’on peut voir des hospices tout à fait magnifiques4.
À Lapalisse ; il y a là un très beau château5 | 4 |
À la Pacaudière | 4 |
À Roanne | 4 |
À Saint-Symphorien | 3 |
À Tarare | 3 |
À l’Arbresle | 4 |
Lugdunum, vulgairement nommé Lyon | 3 |
6Lyon est une ville très vaste et fort belle par ses édifices, très plaisante par son site car la Saône la coupe par le milieu et le Rhône la longe. Le confluent de ces deux illustres fleuves est situé à mille pas de la ville. Tous deux sont agrémentés de ponts de pierre très élégants. Cette ville voit affluer les marchands de toutes les nations, car c’est l’entrepôt le plus fameux de toute la France, ce qui explique sa forte population. Par l’admirable commodité de sa situation entre deux fleuves bien connus, presque au centre de l’Europe, elle surpasse tous les sites continentaux6.
7À l’époque des Romains elle fut autrefois très florissante, au point de servir même de domicile à de nombreux princes romains et Sénèque écrit qu’il y avait là tant d’œuvres superbes que quelques-unes suffiraient à embellir plusieurs villes séparément, et il ajoute : inter cœtera nostrœ tamen memoriœ templum ab uniuersis Gallis communi designatum impensa et Augusto Cœsari dicatum. Eo in loco ibi Araris et Rhodani est coitio, œdificatum est ; adest et ara dignitatis eximiœ gentium sexaginta numero inscriptum habens titulum earumque singularum statua una7.
8Dans le mur de l’église Saint-Paul, du côté du cimetière, on voit une antique épitaphe portant l’inscription suivante :
D.M. et memoriœ œternœ CL. Messoris et FL.
Dyonisides coniunx, quœ sibi uiua posuit
utrisque quœ uix sine ulla quœrela.
qvæ foelix fato si non plena doloris. Quœ filios duos carnit, cuius unius nati mortem non interfuit longeque peregre quœ mater Orphana uiua sibi, et posuit suis, et sub ascia dedicauit8.
9Dans l’église ou le couvent de la nation florentine, on voit dans une chapelle de très belles colonnes de marbre, de la couleur du fer, au nombre de quatre si je ne me trompe9.
10Je demeurai quelques jours à Lyon, puis, le 20 août, j’en partis en compagnie de Maître Sébastien Boschman, originaire de Heidelberg10. C’est ainsi que je résolus de gagner l’Allemagne par la Savoie et la Suisse, et de passer par Strasbourg pour y rendre visite à mes amis d’autrefois.
Itinéraire de Lyon à Strasbourg :
11Aussitôt sorti des murs de la ville de Lyon, on entre dans le duché de Savoie.
De Lyon à Montluel | 3 |
À Saint-Maurice | 3 |
À Cerdon | 3 |
À Nantua | 3 |
À Saint-Germain | 3 |
À Collonges | 4 |
À Genève | 3 |
12La ville de Genève est située près de l’endroit où le Rhône sort du lac Léman ; elle surgit d’en bas et est allongée sur une colline. Le Rhône la divise en formant pratiquement deux cités qui sont réunies par un pont de bois. La majeure partie occupe le côté sud, l’autre le côté opposé11. Il y avait à cette époque-là à Genève un théologien très savant, Jean Calvin, dont j’allai écouter l’enseignement12.
13Presque tout le territoire de la Savoie est soumis aux Suisses de Berne : il a été enlevé à son duc en 1530, quand les Genevois revendiquaient leur liberté et étaient menacés par les pillages du roi de France13.
De Genève à Nyon | 3 |
À Rolle | 3 |
À Morges, où se trouve un assez puissant château appartenant aux Bernois14 | 2 |
14En face de Morges, on peut voir un autre très beau château15
À la ville de Lausanne | 2 |
15La route tout entière allant de Genève à Lausanne s’étend sur la rive très agréable du lac.
16Lausanne est une assez belle cité, et possède un site admirable : elle occupe en effet deux collines opposées et la vallée intermédiaire. La cathédrale et le bâtiment des chanoines occupent la colline du nord, tandis que, de la colline opposée, commence la grande descente vers le lac16.
De Lausanne à Moudon, en allemand Milden17 | 3 |
À Payeme | 3 |
Aventicum, communément Avenches | 1 |
17Avenches, qui fut jadis, à l’époque de Jules César, la capitale des Helvètes, est appelée aujourd’hui par les Allemands Wiffelsburg18. C’est un bourg ordinaire situé sur une colline. Lui qui était autrefois très vaste, montre l’étendue de ses ruines et de ses antiques murailles.
18Il y a en certains endroits des pierres qui portent des lettres romaines gravées19. Une haute colonne surgit également dans un pré, non loin du bourg, mais devant elle s’étalent les restes d’un mur extrêmement résistant. Le peuple raconte qu’elle supportait autrefois une idole debout : aujourd’hui, elle sert de domicile et de nid aux cigognes20.
D’Avenches à Morat | 1 |
19Morat est un bourg situé sur un lac. Il est surtout célèbre à cause de la bataille où Charles le Téméraire de Bourgogne fut tué en 147621. En souvenir de cet événement, on a construit hors des murs un local à l’endroit où avait eu lieu la bataille. Il est rempli des ossements des morts et témoigne encore aujourd’hui de l’ampleur du carnage et du nombre des hommes qui succombèrent. On aperçoit encore sur les crânes et les os mêmes de certains d’entre eux les traces des blessures infligées22.
20À partir de ce bourg on parle allemand et nous estimerons désormais les distances en milles germaniques23.
De Morat à Aarberg | 3 milles germaniques. |
À Büren | 1 |
À Soleure | 1 grand [mille] |
21Soleure est une assez belle cité très ancienne sur la rivière Aare. On pense qu’elle doit son nom à une ancienne tour que l’on voit encore en place au milieu de la cité et qui, dit-on, avait été dédiée au Soleil, si bien qu’on l’a nommée Solothurum, c’est à dire la Tour du Soleil24.
22C’est en cet endroit que saint Ursus, de la légion thébaine, fut décapité avec soixante-six de ses compagnons, au nom du Christ, sous le règne de Dioclétien César et le gouvernement d’Hyrtacus. Il y est également enterré25.
De Soleure à Wiedlisbach | 1 |
À Balsthal | 1 |
23Traversant ensuite le Jura, une montagne très âpre, (nous atteignîmes) une chute d’eau inaccessible nommée die Wasserfalle, c’est à dire “l’eau tombante”.
24À Dornach 2 On voit dans ce village un édicule où l’on conserve les ossements des morts de la bataille menée en vain par l’empereur Maximilien vers l’année 1499, où paraissent encore les traces visibles des blessures et des coups d’épée et de javelot26.
25De Dornach à Bâle 1 mille Bâle est une très belle ville, au site fort agréable qui embrasse les deux rives du Rhin ; les deux cités quasi distinctes sont réunies par un magnifique pont : l’une est dite le Grand-Bâle, l’autre le Petit-Bâle27. Elle est très renommée pour son université28. J’ai peine à me rappeler avoir vu un site qui la surpasse par son agrément. La rivière Birs l’entoure presque entièrement ; elle recueille toutes les ordures des caves et conduits souterrains dont la ville est pleine, et finit par se jeter dans le Rhin29.
26Dans le chœur de la cathédrale est enterrée Anne, épouse de l’empereur Rodolphe de Habsbourg, avec son fils Hartmann noyé dans le Rhin, et Charles, son enfant30.
27Didier Érasme est également enterré dans cette église avec l’épitaphe suivante, gravée dans du marbre de Rhétie :
C’HR’(IST)O SERVA
TORI.
S.
Desiderio Erasmo Rotherodamo uiro omnibus modis maxime cuius incomparabilem in omni disciplinarum genere eruditionem, pari coniunctam prudentia, posteri et admirabantur et prædicabunt, Bonifacius Amerbachius, Hieronymus Frobenius, Nicolaus Episcopus, hœres et nuncupati supremœ suœ uoluntatis uindices patrono optimo nostro (sic pro non) memoriœ quam immortalem sibi editis lucubrationibus comparauit, iis tantisper dum orbis terrarum stabit superfuturo, ac eruditis ubiquegentium collocuturo, sedem (sic pro sed) corporis mortalis quo reconditum sit ergo hoc saxum posuere. Mortuus est quarto Idus Iulii iam septuagenarias, anno a Christo nato m.d.xxxvi31
28Sur le marbre qui couvre son tombeau est sculpté un terme. Les Anciens concevaient autrefois le terme sous la forme d’un buste d’homme dépourvu de bras et de jambes, figuré à partir du nombril et se terminant en pierre brute. Cet emblème était en effet familier à Érasme. Les lettres suivantes y étaient gravées :
Des (iderium) Erasmum Roterodamum, amici sub hoc saxo
condebant quarto Idus Iulias, anno Domini m.d.xxxvi.32
29À la Chartreuse se voit le tombeau de Louis, le dernier duc de Teck, patriarche d’Aquilée et primat d’Italie33 et le buste de Louis Pontano, jurisconsulte d’admirable mémoire, orné par Æneas Sylvius d’une épitaphe honorifique34.
30Près de l’église Saint-Pierre on voit, gravée dans le marbre, l’épitaphe de Jean Froben :
Arida Iohannis tegit hic Lapis ossa Frobeni
Orbe uiret toto nesciafama morí
Moribus hanc niueis menait, studiisque iuvandis
Quœ nunc mœsta iacent orba parente suo
Rettulit. ornauit ueterum monumenta sophorum.
Arte, manu, curis, cere, fauore, fide.
Huic uitam in cœlis date numina iusta perennem
Per nos in terris fama perennis erit35.
De Bâle à Kembs | 2 milles |
À Ottmarsheim | 1 |
31Aux alentours de ce bourg commence la région d’Alsace.
À Hirtzfelden | 2 |
À Colmar : c’est une assez belle cité impériale36 | 2 |
De Colmar à Sélestat | 3 |
32Sélestat est une cité impériale assez plaisante et belle37. L’Ill l’entoure presque totalement avant de se diriger vers Strasbourg.
À Benfeld | 2 |
Argentina38, vulgairement nommée Strasbourg | 3 |
33Je suis arrivé à Strasbourg le dernier jour d’août 1552. À cause de la rumeur faisant état des dangers des routes (notre empereur rassemblait alors une armée et toutes les routes étaient encombrées de soldats), et de la venue de l’empereur avec son armée (des bruits sûrs disaient qu’il passerait par Strasbourg pour aller assiéger Metz), j’avais décidé d’y assister et, pour toutes ces raisons, je demeurai à Strasbourg trois semaines entières.
34Ce fut donc le 15 septembre que l’armée conduite par l’empereur atteignit Strasbourg. Il est vrai qu’elle n’entra pas en ville et établit ses quartiers dans les prairies proches de la cité. Les fantassins allemands étaient au nombre de 54 enseignes, les Espagnols 27, les Italiens 8 et il y avait 2 000 cavaliers. Je suis moi-même sorti quelques fois de la ville pour parcourir attentivement leur camp.
35Le 19 du même mois, l’empereur et sa cour accompagnés de quelques cavaliers entrèrent en ville. Il fut reçu avec les plus grands honneurs par les Strasbourgeois. Il y resta environ trois heures, puis s’en alla avec toute son armée dans la direction de Haguenau39.
36Les jours suivants, soit le 22 du même mois, je pris moi-même la route de Nuremberg.
37Strasbourg est une ville très vaste et parfaitement fortifiée. Elle est surtout remarquable par ses édifices ; elle est ornée entre tous d’une très belle et très élégante tour dont on dit qu’il n’en est point de semblable en Europe40.
38Cette ville, outre le Rhin qui l’entoure sur une longueur de mille pas, possède trois autres rivières, le Kintzgum (sic), l’Ill qui traverse toute l’Alsace, et la Bruche qui coupe la cité en deux parties inégales41.
Itinéraire de Strasbourg à Nuremberg :
39De Strasbourg à Lichtenau 3 Possession des comtes de Hanau42
À Stollhofen | 1 |
À Rastatt | 3 |
40Possession des marquis de Bade
À Ettlingen, belle bourgade | 2 |
À Pforzheim, cité assez élégante | 2 |
À Hammerdingen | 2 |
41À cet endroit commence le territoire du duc de Wurtemberg. Au nord se trouve en effet le fameux et très puissant château des ducs de Wurtemberg nommé Hohen Asperg, sur une colline médiocre mais entourée de toutes parts d’une fort vaste plaine43.
De Hammerdingen à Cannstatt | 2 |
42À droite et à deux milles se situe le bourg de Stuttgart. On peut voir de front, dans un site très agréable, le château de Wurtemberg d’où tirent leur nom les ducs de Wurtemberg44.
De Cannstatt à Schorndorf | 3 |
43Ce bourg est puissamment protégé et l’on dit qu’il ne s’en trouve pas de semblable pour les fortifications dans toute l’Allemagne. Il ne nous a pas été permis d’y entrer45.
44Au monastère de Lorch, qui est aussi agréable par son site que par ses bâtiments46, passe la frontière entre le duché de Wurtemberg et une partie de la Souabe.
À Minden, ville de Souabe | 1 |
45C’est une assez belle ville impériale47. À sa droite se trouve le château de Hohenrechberg48.
De Minden à Hüttlingen | 2 |
46À Ellwangen 1 Sur une colline proche est situé un château-fort49 où l’officier qui détient la juridiction suprême de la cité a l’habitude de résider généralement. Dans l’église du monastère se trouve le monument à épitaphe des fondateurs de ce monastère, avec l’inscription suivante :
Armo Dominicas Incarnationis D.CCLXIII regnantibus Carolomanno et Pipino fratribus constructum est hoc monasterium Elwangense a Beato Hariolfo et Erlolfo fratre eius. Lingonicœ urbis episcopo, huius locifundatoribus in tumulo hoc quiescentibus50.
D’Ellwangen à Dinkelsbühl, cité impériale51 | 2 |
À Rut (sic), propriété de l’évêque d’Eichstätt52 | 3 |
À Eschenbach | 1 |
À Windsbach, appartenant à Albert, marquis de Brandebourg53 | 1 |
À Rudelsdorf | 1 |
À Schwabach | 1 |
Nuremberg | 2 |
47J’arrivai à Nuremberg le 28 septembre. La ville était misérable à voir, avec ses champs, hameaux, maisons et châteaux tout à l’entour dévastés, tout récemment incendiés par le margrave Albert de Brandebourg qui l’avait assiégée. Elle offrait encore un spectacle sinistre54. J’avais décidé de ne passer ici que peu de jours et je me préparais au voyage lorsque ma mauvaise santé et des douleurs au pied gauche, très aiguës, me détournèrent de mes projets55. Ajoutez-y l’arrivée de Maître Florian Grispeck, conseiller du roi des Romains56, envoyé à Nuremberg : c’était un ami de mon père – louée soit sa mémoire57. Tout cela me retint à Nuremberg deux mois entiers.
48Ma santé s’étant rétablie et Maître Grispeck se préparant à partir, je me joignis à lui et nous nous dirigeâmes en voiture et en droite ligne vers la Bohême.
49Tandis que j’étais à Nuremberg, je me suis rendu à Ansbach, car Maître Grispeck avait des affaires royales à traiter avec le plus jeune fils du margrave de Brandebourg, Georges58. Nous y sommes restés quelques jours et avons été reçus magnifiquement par le prince. Ces questions réglées, nous sommes revenus à Nuremberg.
50Sur la route entre Ansbach et Nuremberg, on peut voir le monastère de Heilsbronn, beau par son site, sa taille et ses bâtiments ainsi que par le nombre fort agréable de ses sources rejetant une eau très pure59.
51Nous avons quitté Nuremberg le 28 novembre 1552. Nous n’avons pas pris, à vrai dire, la route directe, car Maître Grispeck devait rendre visite à des amis un peu partout en Bohême.
Itinéraire de Nuremberg à Prague :
De Nuremberg à Lauf | 3 |
À Reichenschwand | 1 |
52C’est un très beau château appartenant à Furtenbach60, un citoyen de Nuremberg, où nous sommes restés presque deux jours et avons été somptueusement reçus.
À Hersbruck, bourgade dépendant de Nuremberg | ½ |
À Sulzbach | 3 |
À Hirschau | 2 |
Juederweidenn | 3 |
À Novum Oppidum, vulgairement Neustadt | 10 |
53Il y a là le très beau château des barons de Heydeck61 où nous avons passé la nuit et avons été magnifiquement traités.
54Non loin de ce fort commence la forêt de Bohême, proprement appelée hercynienne,
à Bärnau | 3 |
à Gotsch (sic) | 1 |
55C’est l’agréable château d’un cousin germain de Maître Grispeck62. Nous y sommes restés six jours, passant le temps à chasser. Nous avons été invités pour nous distraire par un comte (Schlick)63 dans son bourg nommé die Plan et nous y sommes transportés en carrosse : il n’était éloigné que de deux milles du château de Gotsch. Nous y avons bénéficié d’une hospitalité fort empressée.
De Gotsch à Weseritz | 2 |
56Il s’agit d’une très belle forteresse64 : nous y avons passé la nuit chez le noble propriétaire de ce château, un Elbogen65 ; il nous a admirablement traités.
De Weseritz à Breitenstein | 2 |
57C’est un château appartenant au seigneur Grispeck ; il est situé sur un rocher et croule presque de vétusté66. Après y être restés quatre jours à chasser, nous sommes repartis.
De Breitenstein à Katzerau | 3 |
58C’est un château de Maître Grispeck, encore inachevé, vraiment remarquable par son très beau plan et ses bâtiments ; il occupe un site fort agréable et est environné d’un grand nombre de hameaux et de bourgs qui dépendent du même seigneur67. Nous y sommes restés six jours avec Maître Grispeck. Pendant ce temps, je suis allé visiter Plzen, célèbre et belle cité de Bohême, à cinq milles germaniques de Katzerau. Après mon retour, nous sommes partis en voiture pour Prague avec Maître Grispeck.
De Katzerow à Bernau, une belle cité | 5 |
à Prague | 3 |
59Entre Prague et Bernau, à un mille de Prague, on aperçoit une modeste colline située dans une très vaste plaine. On affirme qu’elle a été élevée par accumulation de terre : après la victoire remportée en ce lieu par les Bohêmiens contre les Saxons, chaque soldat a rempli son casque de terre et l’a déposée en tas68.
60Prague est une très vaste et belle cité, pourvue d’un fort beau pont de pierre de 24 arches69. Son château royal est magnifique, mais en majeure partie défiguré par un incendie70 ; son université aussi est fameuse71.
61Rodolphe, le fils de l’empereur Rodolphe, y est enterré72. J’ai quitté Prague le 23 décembre, et repris la route de ma patrie par la Lusace.
Itinéraire de Prague à Breslau :
62Comme j’avais décidé de passer par la Lusace pour y rendre visite à certains de mes amis, j’ai renoncé à prendre la route directe vers ma patrie.
De Prague à Mühlfelsen (sic)73, appartenant à Maître Grispeck | 3 |
à Raudnitz | 2 |
63Comme on approchait alors de Noël, nous sommes restés deux jours chez le capitaine de ce château74 et j’ai bénéficié de sa part d’une hospitalité et d’honneurs extrêmes.
À Lippe, une belle bourgade | 4 |
À Sita | 4 |
64Sita est une assez belle ville de Lusace qui est située au pied des Monts de Bohême.
À Görlitz | 4 |
65Comme à cette époque sévissait particulièrement la peste, les habitants de Görlitz qui craignaient la contagion avaient abandonné la ville et se tenaient dans leurs propriétés de campagne75. J’y rencontrai Maître François Schniter, un consul de Görlitz76. Reçu quelques jours par lui et par Maître Frentzel à Königshain77 dans le plus grand faste, je décidai, cédant à leurs prières, d’attendre la célébration d’un mariage qu’ils préparaient. C’est ainsi que, tandis que je séjournais là presque quatorze jours durant, je reçus de mon frère une lettre éplorée contenant la bien triste nouvelle de la mort inattendue de ma sœur Hedwige, des suites d’un accouchement78. Tout triste et affligé au milieu de la noce et de la joie, je me préparai au voyage et gagnai directement ma patrie.
De Görlitz à Boleslavia, vulgairement Büntzel | 6 |
À Haya | 2 |
À Liegnitz | 2 |
66C’est une belle ville très fortifiée qui a donné son nom aux ducs de Liegnitz et à la région environnante79.
De Liegnitz à Breslau | 5 |
67Je suis arrivé à Breslau, ma très chère patrie, avait l’aide du Tout-Puissant, le 15 janvier 1553. Je Lui adresse des remerciements éternels pour tant de bienfaits prodigués et pour m’avoir rendu à ma patrie sain et sauf après un voyage si long. Je le supplie de m’apporter à l’avenir aide et assistance. Amen !
68Quelques jours plus tard, reposé de la fatigue et des inconvénients du voyage, je demandai à mes tuteurs et curateurs le compte de tous mes biens. Il passèrent presque deux mois à ce travail : tous mes comptes furent heureusement apurés avec mes curateurs et mon frère ; les curateurs ayant été approuvés par le sénat, ils me transmirent mes biens en mains propres. J’avais alors 22 ans et six mois environ80 Une fois réglées toutes ces questions, je tournai mon esprit vers l’Italie : j’avais à cœur depuis longtemps de visiter ce pays.
69Tout était chez moi en bon ordre et réglé. Mon frère81 et mon beau-frère, Maître Pierre Nonhardt82 s’offrirent pour m’accompagner jusqu’à Venise. Quittant donc Breslau le 20 avril 1553, nous gagnâmes directement l’Italie en passant par l’Autriche.
Itinéraire de Breslau à Vienne en Autriche :
De Breslau à Ohlau | 4 |
À Neisse, une très belle ville, résidence de l’évêque de Breslau83 | 7 |
À Zuckmantel, où il y a des mines d’or84 | 3 |
À Mons Angelí, vulgairement Engelsberg | 3 |
À Hausen | 3 |
70Non loin de ce bourg situé à la frontière du duché de Silésie et du marquisat de Moravie, on dit que, dans le passé, une forêt longue de deux milles ou plus et large d’un mille (voire deux mille pas à certains endroits) avait été renversée par un tourbillon et une horrible tempête et bouleversée de fond en combles, les arbres arrachés avec leurs racines. Nous pûmes voir avec la stupeur et l’étonnement qu’il méritait ce prodige incroyable certes, et extraordinaire85
De Hausen à Sternberg | 1 |
À Olmütz | 2 |
71Capitale de la Moravie, cette cité paraît fort belle à voir et agréable par ses édifices.
D’Olmütz à Prossnitz | 2 |
72Non loin de ce bourg, on trouve des champs d’une immense étendue qui paraissent cendreux et brûlés par le feu. Cette plaine contient très souvent du feu caché dans les entrailles de la terre et est prompte à s’enflammer, de temps en temps, de jour comme de nuit. Sans doute, c’est certain, cette terre contient-elle du bitume ou du soufre dont s’alimente le feu ; elle présente une couleur noire et c’est, par Hercule, un prodige de la nature bien digne d’être vu86 !
De Brosnitz (sic) à Scharatitz | 4 |
À Wisternitz | 3 |
À Staatz | 3 |
73Ce château, situé sur un roc très élevé entouré d’une plaine immense, est très bien protégé, tant naturellement qu’artificiellement87
À Mistelbach | 1 |
À Ulrichkirchen | 3 |
À Vienne | 3 |
74Vienne, capitale de l’archiduché d’Autriche, est aujourd’hui le boulevard de la Chrétienté contre le Turc très cruel88 Ville extrêmement fortifiée, elle est très célèbre par ses édifices magnifiques et son université tout à fait splendide89 Parmi les nombreux ornements de cette cité on compte une fort belle forteresse royale90 et une église consacrée à saint Étienne, dont le clocher est d’un art et d’une beauté incroyables91 Dans l’église se voit le très beau tombeau de marbre de l’empereur Frédéric, avec une épitaphe suspendue92
75Il y a également nombre d’autres monuments dans cette église, à la mémoire de plusieurs ducs et héros, ainsi que des épitaphes très élégantes.
76Dans l’église consacrée à saint [vacat]93 on peut voir le monument d’un marbre très blanc élevé au comte Nicolas de Salm : il est digne d’être admiré, tant pour sa beauté que pour ses ciselures et l’art de ses sculptures94.
77J’ai vu alors à Vienne un éléphant, le plus grand et le plus sage de tous les animaux ; Maximilien, roi de Bohême et fils du roi Ferdinand, l’avait ramené avec lui d’Espagne. C’est un prodige comme il ne nous est jamais arrivé d’en voir dans nos régions, je crois95.
Itinéraire de Vienne à Venise :
De Vienne à Neustadt | 8 |
78Nova Civitas, vulgairement nommée Neustadt, est une ville assez élégante, ornée d’un magnifique château royal96, et d’un vivarium ou parc – comme on dit – fort vaste, où l’on observe avec le plus grand plaisir des daims roux et blancs et d’autres bêtes sauvages du même genre, parfaitement apprivoisées, en très grand nombre97. On y voit aussi un jardin bien fait pour venir à bout des chaleurs de l’été, admirablement et soigneusement planté d’arbres en forme de labyrinthe, mais il est vrai qu’il a presque disparu par manque de soins et par négligence98.
79À cette époque se trouvaient dans la ville la fille de l’empereur Charles, épouse du roi Maximilien99, et la veuve du duc de Mantoue, héritière du roi des Romains Ferdinand, récemment fiancée au roi de Pologne100.
De Neustadt à Neunkirchen | 2 |
À Schottwien | 2 |
80Nous traversâmes une montagne très élevée qui formait frontière entre l’Autriche et le marquisat de Styrie.
À Mürzzuschlag | 2 |
À Kriglach | 2 |
À Kapfenberg, château des barons de Stubenberg101 | 3 |
À Bruck | 1 |
À Leoben | 2 |
À Sankt-Michæl | 1 |
À Knittelfeld | 3 |
81Cette bourgade est située à la frontière qui sépare la Styrie du duché de Carinthie.
À Judenburg | 2 |
À Unzmarkt | 3 |
À Scheifling | 1 |
À Neumarkt | 2 |
À Friesach | 2 |
À Sankt-Veit | 4 |
À Feldkirchen | 3 |
À Villach | 3 |
82Villach est une assez belle cité, mais pas très grande ; c’est la métropole de la Carinthie.
À Klein Tarvis | 4 |
À Saifnitz | ½ |
À Pontafel | 2 |
83À ce bourg commence le territoire et l’État de Venise.
À Clausa Arx | 2 |
84Ce château inexpugnable qui s’élève parmi des monts et des rocs enneigés, occupe la route d’Italie et la ferme si bien que personne ne peut poursuivre contre la volonté de sa garnison102.
À Felach | 1 |
À Venzone, en allemand Peitscheldorf | 2 |
À Sankt-Daniel | 3 |
À Spillenberg | 1 |
À Siciel | 4 |
À Kuniglian (sic) | 3 |
À Trévise | 3 |
85Taurisum, vulgairement Treviso, est une belle et élégante ville, très bien protégée tant par l’artifice de la rivière Silis (qu’on peut maintenir étroitement à l’intérieur des murs de la ville et, à l’approche d’un ennemi, répandre dans toute la région située autour du bourg, pour la submerger) que par l’épaisseur de son enceinte et la largeur de ses fossés103.
À Mestre | 2 |
86À mille pas de ce bourg, nous nous sommes embarqués et avons traversé les marais maritimes qui entourent Venise. Nous avons abordé à Venise le 8 mai 1553. Je passerai sous silence la beauté de son site admirable, la splendeur de ses édifices tant publics que privés, car ils sont connus de tous. Je me bornerai à parler brièvement de ce qui est important et digne d’être vu.
87L’église principale consacrée à saint Marc, revêtue de mosaïques de marbre doré que l’on appelle opus musivum, apparaît tout à fait splendide avec son plafond lambrissé d’or ; son pavement mosaïqué de marbres de diverses sortes est composé avec une technique et un art admirables, comme si des images peintes apparaissaient aux yeux de tous104.
88Derrière le grand autel, comme on dit, on voit quatre colonnes d’albâtre qui paraissent transparentes dans la lumière : on affirme qu’elles ont été rapportées du temple de Salomon à Jérusalem105.
89À côté du grand autel, il y a deux chaires soutenues par deux colonnes ornées de pierres précieuses106.
90Au-dessus de cet autel se trouve un globe orné de gemmes et de perles d’un très grand prix107.
91Au même endroit, un panneau fort riche et artistement fait, doré et orné d’un grand nombre de pierreries, a été rapporté de Constantinople108.
92Dans le vestibule de l’église, on voit trois colonnes antiques en marbre de Synnada, élevées aux portes de l’église sans avoir à supporter aucune charge. Selon l’opinion populaire, elles ont été rapportées du palais de Pilate, mais d’autres affirment, il est vrai, qu’elles se trouvaient dans le temple de Salomon109.
93Dans le même vestibule encore, à l’entrée de l’église, on voit l’emplacement marqué d’un petit carré de marbre où l’empereur Frédéric Barberousse a présenté au pape sa nuque pour qu’il la foule du pied110.
94Non loin de cet endroit on voit le tombeau d’un cardinal en bronze très artistement fait111.
95Devant l’entrée de l’église, au-dessus de la porte, sont visibles quatre statues antiques de chevaux en bronze doré, faites par une main extrêmement habile112.
96En face de l’église s’élève la tour Saint-Marc dont la base, ornée de plaques et de colonnes de marbre, de porphyre, d’ophite et autres très nobles marbres, ainsi que de statues de bronze, suscite assurément l’étonnement par la beauté de sa facture113.
97Près de la tour, les Vénitiens édifient une bibliothèque consacrée à saint Marc, en marbre blanc, d’un luxe admirable d’art et de beauté, qui est ornée d’une grand nombre de colonnes ; certaines surtout sont en ophite, un marbre antique qui provient de la ville de Pola, en Dalmatie114
98On peut voir aussi deux colonnes de marbre d’un grand diamètre élevées sur la place ; l’une est dédiée à saint Marc, l’autre à saint Théodore et c’est entre elles que l’on inflige leur châtiment aux criminels115 Quant au palais du prince et de la république de Venise, il n’est pas possible de dire de quelle splendeur il brille, avec quelle variété de marbres et quel art il a été édifié116 A l’intérieur, on nous a permis de voir des armoires secrètes où sont conservés de nombreux trophées117
99Le Navale ou armamentarium des Vénitiens, vulgairement appelé l’Arsenal, mesure jusqu’à quatre mille pas de circonférence. Il est fortifié tout autour par un mur et des tours et l’on peut y voir un très grand nombre de trirèmes et de navires de guerre, des machines de toutes sortes et un nombre incroyable d’instruments guerriers118
100Fort nombreuses sont en ville les très belles églises, les monastères illustres et les chapelles somptueuses, entre autres l’hôpital et son l’église consacré à saint Roch119 remarquable par sa très belle architecture, l’ordonnancement et le nombre de ses colonnes.
101Également, l’église éminente des saints Jean et Paul120 où l’on peut voir plusieurs monuments des doges de Venise121 ainsi que d’autres personnages célèbres et leurs épitaphes. Parmi eux, se voient deux statues équestres dorées d’une extraordinaire beauté ; l’une, élevée à Nicolas Ursino, présente l’inscription suivante :
Nicolao Vrsino Nolæ Petilianique Principi longe clarissimo Senensium Florentini populorum II Sexti, Innocentii, Alexandri Pontificum Maximorum, Ferdinandi Alphonsique iunioris Regum Neapolitanorum Imperatore felicissimo Venetæ demum Reipublicæ per XV annos magnis clarisque rebus gestis nouissime a grauissima omnium obsidione. Patauio conseruata uirtutibus et fidei singularis S. V.M.H.P.P. obiit œtatis anno lxviii. m.d.ix.122
102L’autre porte cette inscription :
Leonardum Prœthum militem fortissimum et ex prouocatione semper uictorem, Prœfectum Ferdinandi iunioris et Friderici Regum Neapolitanorum ob uirtutem terrestris (sic) naualibusque prœliis felicissimum magnis clarissimisque rebus pro Veneta Republica gestis pugnantem ab hoste cœsum Leonardus Lauredanus Princeps et amplissimus ordo senatorius. prudentiœ et fortitudinis ergo statua hac equestri donandum censuit123.
103Au-dessus de la porte méridionale de la même église s’élève une statue en pied avec l’inscription suivante :
Imperator ductor, eques milesque Dyonisii Naldi conditur (sic) hic ossa. Hic iuniorem Ferdinandum regno a Gallis pulsum restituit, Florentinam Rempublicam peditatui prœf(...) pec : ornauit. Veneti(s) dignitatem Ingenii (sic pro Imperii) sustinuit, fide et fortitudine incompar(abili) inter alios Duces peditatus (sic) prœf(ectus) Patauium seruauit moriens et nimiis vigiliis, hoc uirtutis suœ perpetuum monumentum clarissimo Lauredano Principe ex Amplissimi Senatus autoritate meruit. Obiit œtatis anno 45 Anno : m. d. x.124
104Sur la place des mêmes saints se trouve une autre statue équestre de bronze doré, très belle et artistement faite, avec sa base de marbre où on lit gravé : Bartholomeo Coleono Bergomensi ob militare imperium optimegestum S.C. Anno Sal(utis) m.cccc.lxxxxv125 Là-dessus Bembo a écrit ce qui suit dans son Histoire de Venise : “Ces mêmes jours, le Sénat a jugé bon de faire élever une statue équestre de bronze doré sur la place des saints Jean et Paul, à Bartolomeo Colleoni, son général, parce qu’il a mené de nombreuses guerres avec un courage exceptionnel et une loyauté incomparable, qu’il a restauré la situation militaire ruinée par la négligence des généraux précédents et que, ayant mérité au mieux de la république, il lui a légué à sa mort par testament la somme de dix mille livres d’or’’.126. La ville elle-même est entourée d’îles et de monastères très plaisants, en particulier l’île de Murano, fameuse dans toute l’Europe pour les verreries très connues qu’on y fabrique, vulgairement dites cristallines127.
105Également l’île Saint-Georges, située en face du palais ducal, et où se trouve un très beau monastère orné d’un jardin fort élégant par le charme et à la variété de ses arbres128.
106À l’est de la ville se trouvent deux forts très bien équipés qui gardent le passage de la mer à la lagune de Venise129.
107Au sud, le très célèbre port de Malomocco (sic), un bourg autrefois nommé Metamaucum où se trouve le mouillage fréquenté par les navires venant à Venise130.
108Comme les Vénitiens célèbrent particulièrement la fête de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ131, ils ont coutume de montrer au peuple le trésor de Saint-Marc conservé dans cette église le jour même de la fête de l’Ascension. On lui en donne à voir l’admirable profusion : il est impossible de décrire le nombre et le prix de ces richesses, ni leur élégance, ni de les détailler une à une – admiratif que l’on est devant une telle profusion ; je crois qu’on peut le comparer avec le trésor des rois de France que j’ai vu auparavant au bourg de Saint-Denis près de Paris132, du moins pour le nombre des objets. Aussi me bornerai-je brièvement à l’essentiel.
109Onze couronnes royales en or avec autant de cuirasses d’or ; douze couronnes ou bonnets de doge ornés de rubis, de diamants, d’émeraudes, de grosses perles, de toutes sortes de pierres précieuses d’un prix inestimable ; en outre, deux cornes de monoceros ou licorne, comme on dit, d’une très grande valeur, mais pas aussi grandes que celle que je me souviens avoir vue un jour dans le trésor des rois de France133.
110On pouvait contempler également un grand nombre de pierres précieuses, aussi belles que coûteuses, parmi lesquelles surtout deux rubis que l’on nomme vulgairement “balais”, fixés sur des sceptres d’argent de taille remarquable.
111Il y avait aussi un nombre tel d’ornements ecclésiastiques et de vases de tous genres en agathe, chalcédoine, turquoise, dorés et argentés, et l’on voyait éparses tant de richesses posées dans des corbeilles, qu’on ne peut ni se les rappeler, ni les exprimer avec des mots134.
112Lors de cette même fête de l’Ascension, il est de tradition, selon une habitude venue des ancêtres, que le prince s’embarque, en compagnie des chefs du Sénat, sur un magnifique vaisseau de la république tout orné d’or et de pourpre nommé le Bucentaure, afin de gagner la haute mer et là, près des forts de l’estuaire, à l’entrée de la mer, après maintes cérémonies effectuées par l’évêque, qu’il jette dans la mer un anneau d’or pour l’épouser et la posséder en éternelle propriété. Lors de cette solennité, on pouvait contempler un nombre incroyable de navires et plusieurs milliers de barques, au point que l’estuaire lui-même en paraissait couvert135.
113Le 18 mai, je m’embarquai avec mon frère à Venise et nous nous transportâmes à Padoue, ville distante de 25 000 pas de Venise, par le Brenta. Mon frère resta quelques jours à Padoue pour visiter la ville, puis rentra à Venise et repartit le 30 mai pour notre patrie.
114Quant à moi, comme je l’avais décidé en quittant ma patrie, je décidai de rester à Padoue car l’été approchait dont l’ardeur, avais-je appris, y est plus clémente qu’en tout autre lieu.
115À la fin du mois de mai, comme le doge de Venise François Donato venait de vivre ses derniers jours, je me suis rendu à Venise pour assister aux obsèques préparées dans le plus grand cérémonial, au milieu de l’affliction extrême du Sénat et d’un immense concours de peuple136.
116On n’avait pu célébrer les fêtes du Corps du Christ137 décidées pendant l’interrègne et à l’occasion desquelles on célèbre habituellement des supplications et des cérémonies publiques particulières, et on avait remis ces solennités à l’élection du nouveau doge. Le mois suivant, c’est à dire en juin, le nouveau doge Marc Antoine Trevisan venant d’être nommé, le Sénat le présenta au peuple selon une cérémonie triomphale plus ample encore que de coutume138.
117Le doge en personne, vêtu d’un habit d’or, accompagné du Sénat en vêtements de pourpre139, offrait un spectacle très plaisant, au milieu de la gravité sénatoriale, de la blancheur des cheveux et de la beauté des corps.
118C’est ainsi que, après qu’on eût écouté des sermons divins dans l’église Saint-Marc, fut célébrée cette solennité sur la place. Et il y avait tant d’ornements aux murs, tant de spectacles variés présentés, une telle unisson des sacrés collèges et de toutes les classes de tous les âges, une telle pompe cérémonielle, une si grande quantité d’argent et d’or ciselés, et de pierres précieuses, d’emblèmes portés à la ronde à main d’homme et dans des paniers et des corbeilles, que cela plongea à juste titre tous les spectateurs dans la stupeur devant toutes ces richesses et dans l’admiration de cette profusion de spectacles.
119Vers le 26 juin, je séjournais à Padoue lorsque je ressentis mes très graves malaises habituels. J’éprouvai une très vive douleur oculaire, l’écoulement et les humeurs gâtées, descendant dans mes membres inférieurs, se localisèrent dans mon talon gauche, où ils suscitèrent enflure et douleurs, comme lors de la maladie dont j’avais souffert à Nuremberg. Puis le mal s’en prit à mes cuisses avec de telles conséquences et une douleur telle que je ne pouvais ni m’asseoir, ni me tenir debout, ni m’allonger ; il m’assaillit au point de m’enlever tout sommeil et repos pendant quelques nuits et quelques jours. Les médecins consultés pronostiquèrent un mauvais début de goutte. Finalement, grâce au Tout-Puissant, cette douleur quitta mes cuisses et regagna les talons. Aujourd’hui elle s’y est retirée, jusqu’à présent, et la tumeur est plus tolérable : j’ai bon espoir de voir ma santé se rétablir. Que Dieu Tout-Puissant veuille bien me délivrer entièrement de ce mal140 !
120Ce qu’il faut voir à Padoue :
121Padoue est une très grande ville bien protégée. Elle brille surtout par son université très connue141, mais on la célèbre surtout pour son ancienneté. On affirme en effet qu’elle fut fondée par Anténor, un compagnon d’Énée, dont on montre le tombeau en public, dans la paroisse Saint-Laurent : il est posé sur quatre colonnes et l’épitaphe suivante y est sculptée (fig. 1) :
Inclytus Antenor patriam vox nisa quietem
Transtulit huc Enetum Dardanidumque fugas,
Expulit Euganeos Patavinam condidit urbem,
Quem tenet hic humili marmore cœsa do mus142.
122Cette ville a toujours eu d’excellents savants, les uns natifs du lieu, les autres produits par son université.
123Mais entre tous (elle possède) le prince des historiens Tite-Live dont l’épitaphe, transportée au prœtorium, est visible en ce lieu très célèbre – on dit qu’on ne peut en trouver de semblable en Italie pour les dimensions et l’architecture143 : elle y a été placée par les Padouans au milieu d’un grand concours d’ornements144.
124On peut voir également en ce lieu un portrait du même Tite-Live145, accompagné d’une épitaphe comportant le texte suivant (fig. 2) :
V.F.
T LIVIVS
LIVIAE TF.
QVARTAE. L.
HALYS
CONCORDIALIS
Pataui
Sibi et suis omnibus146
125Cette épitaphe est entourée d’ornements de bronze, de colonnettes et accompagnée d’une plaque de bronze où est gravé ce texte :
Ossa tuumque caput, cives tibí maxime Livi,
Prompto animo hic omnes composuere tui
Tufamam œternam Romæ patriœque dedisti,
Huic oriens, illi fortia facta canens
At tibi dat patria hœc etsi majora liceret,
Hoc totus stares aureus ipse loco.
T. Livius quarto imperii Tiberii Cœsaris anno vita excessif, œtate (sic pro : œtatis) vero suœ lxxvi147
126À droite de cette épitaphe en sortant se trouve une porte et au fronton de cette petite porte est gravé dans la pierre :
OSSA
T(iti). LIVII ΡΑΤΑ’VI’NI VNIVS
O(MN)IVM MORTALIV(M). IVDICIO DIGNI
CVTVS Prope invicto calamo
invicti P(opuli) R(omani) Res gestœ
conscriberentur148
127Non loin de la cathédrale, Tite-Live, dit-on, avait sa demeure qui a conservé aujourd’hui encore son nom et s’appelle la maison de Livius : on peut y voir des épitaphes, des pierres et des inscriptions antiques149.
128Dans le vestibule de la porte sud du prœtorium on peut contempler le portrait de Pierre de Abano, mathématicien, astrologue et mage illustre150.
129On voit également dans le prœtorium le portrait du tyran Actiolinus151.
130Il y a en outre dans la ville la très belle basilique Saint-Antoine152 qui contient une fort belle chapelle où l’on peut contempler, sculptée dans un marbre très blanc l’histoire de saint Antoine, avec un talent incroyable bien qu’elle soit restée inachevée à cause de la mort de l’artiste153.
131Au milieu de l’église on voit la statue et le portrait du cardinal Petro Bembo, sculpté sur le vif dans le marbre par un excellent artiste154.
132On peut y voir aussi beaucoup de monuments et épitaphes de personnages très connus, avant tout le monument, avec son épitaphe, d’Emerita (sic), femme de Fulgosius (sic)155 et en face celui du très éminent jurisconsulte Alvaroti156.
133Sur la place Saint-Antoine on peut voir la statue équestre en bronze d’Érasme Gattamelata, élevée par la république de Venise et réalisée de la main du plus remarquable des artistes157.
134Dans l’église Sainte Marie des Servi158 se trouve la magnifique épitaphe du très célèbre jurisconsulte Paul de Castro, gravée dans le bronze, et l’on peut aussi y voir son portrait en bronze159.
135Dans l’église des Franciscains160, l’épitaphe élevée par Petro Bembo à Christophe de Longueil, avec le texte suivant :
Christophoro Longolio Belg(a)e Romanam Civitatem propter eximiam in studiis literarum prœstantiam adepto, summo ingenio, incredibili industria, omnibus bonis artibus prœdito, supra juventœ annos in qua extinctus est, magno cum Italiœ dolore, cui ingentem spem sui nominis excitaverat Petrus Bembus amico et hospiti posuit.
Te juvenem rapuere Deœ fatalia ne(n)tes
Stamina, cum scirent moriturum tempore nullo
Longoli tibí si canos seniumque dedissent161.
136Dans l’église des moines ermites162 où l’on voit des sépultures de la nation germanique, se trouvent aussi un grand nombre de monuments et d’épitaphes de très savants juristes et médecins163.
Notes de bas de page
1 Ce sont évidemment les événements de Lorraine qui inquiètent R. : infra, n. 39. Le 10 avril, en effet, Henri II – qui a déclaré la guerre à Charles Quint le 12 février – va occuper Toul et Metz, gagner le Rhin puis faire retraite et s’emparer de Verdun le 12 juin. Charles Quint rassemble, quant à lui, ses forces pour récupérer ces trois villes : voir infra, n. 39 ; Barnavi 2001, 540-541.
2 Voir supra I, n. 313-315.
3 Sur les problèmes de santé de Seyfried, voir I, n. 325.
4 Les hospices de Varennes-sur-Allier sont assez peu connus. Une maladrerie ou léproserie y est attestée au XVIe siècle (1548), créée, à une époque indéterminée, par les seigneurs de Gayette, et probablement située en dehors du bourg. D’autre part, il y avait à Varennes, en 1680, un hôpital (ou Maison-Dieu) du Saint-Esprit, dans le quartier de Vouroux (Ajax 1932, 27-29 et plan, 36-37 ; nos remerciements à M. Gabriel Dufour). Existait-il à l’époque de R. ?
5 Des tours rondes et un fragment d’enceinte du xiiie siècle ont été remployés dans un château du xve siècle profondément remanié à la Renaissance (Genermont 1938 ; Salch 1977, 48 ; Babelon 1989, 176-178, no 61).
6 De Beatis : “Lyon est habitée par de nombreux marchands de toutes nations, principalement des Italiens” [Aragon (HM), 207].
7 Attribution erronée à Sénèque ; en réalité, c’est une traduction assez fidèle d’un passage de Strabon (Géogr., 4.3.2) : Τό τε íερòν τò ἀναδειχθἐν ὑπò πάντων xοινῆ τῶν Γαλατῶν Καίσαρι τῶ Σεβαστῶ πρò ταὐτης ίδρυται τῆς πόλεως ἐπì τῇ συμβολῇ τῶν ποταμῶν.·ἔστι δὲ βωμòς ἀξιόλογος ὲπιγραφὴν ἔχων τῶν ἐθνῶν ἐξήκοντα τòν ἀριθμòν καί εικόνες τούτων έκάστου μία… Il s’agit évidemment du sanctuaire fédéral des Trois Gaules ad Confluentem (Lemerle 2005,111-112).
8 CIL, XIII, 2103.
9 Il y avait à Lyon un consulat de la nation florentine doté de nouveaux statuts en 1501 (les Florentins dominaient le commerce et la banque lyonnaise). Elle disposait, à l’emplacement de l’actuelle place des Jacobins, d’une chapelle fondée au couvent jacobin Notre-Dame de Confort (démolie en 1818), où elle enterrait ses morts depuis 1464. Cette chapelle était également utilisée par les hommes d’affaires allemands (Rouche 1912 ; Boucher [1994], 147).
10 Sébastien Boschmann n’était pas originaire de Heidelberg (c’était son université), mais de Haguenau. On le trouve immatriculé en droit à Heidelberg le 25 octobre 1546 (Tœpke 1886, 490 : Sebastianus Boschman ex Hagenaw, dioc. Argentinensis), à Tübingen le 16 novembre 1547 (Hermelink 1906, 334, no 20 : Sebastianus Boschman Hagennœnsis), à Orléans (nation germanique) en 1550 (il y est encore en 1552) (Ridderikhoff 1988,113 et 141).
11 Les deux cités étaient Genève proprement dite et Saint-Gervais, séparées par le Rhône. Saint-Gervais ne s’intègra vraiment à Genève qu’au milieu du xvie siècle. Lors de son séjour à Genève en 1597-1598, le Rochelais Jacques Esprinchard notera : “Il i a deux villes en icelle encore aujourd’huy, par le milieu desquelles le Rhosne passe, sur lequel i a un pont de bois long de cent vint et cinq pas, et une belle isle entre deux qui conjoint ces deux villes. La grande est du costé du midy. La petite qui porte le nom de S. Gervais a cause de l’Église du lieu qui est ainsi appelée, est du costé du septentrion” : Esprinchard (LC), 232 ; Winiger-Labuda, dir. 2001, passim.
12 Calvin a enseigné la théologie pendant toute la durée de son ministère à Genève, soit de 1536 à 1538 et de 1541 à 1564. Ses leçons réunissaient en 1561 jusqu’à un millier d’auditeurs (Borgeaud 1900, 57 et 638).
13 R. exagère ici et se trompe de date. C’est en janvier-février 1536 que les Bernois ont pris au duc de Savoie le pays de Vaud, le Châblais et une partie du Faucigny et du Genevois. Ils avaient été appelés à l’aide par Genève assiégée par le duc Charles III (blocus en décembre 1535) et redoutant une intervention de la France. Berne était liée à Fribourg, Lausanne et Genève par des traités de combourgeoisie. La Savoie a subi en même temps l’attaque des Bernois et de François Ier. À la suite de leur victoire, les Bernois ont tenté d’assujettir Genève et Lausanne. L’opération a échoué contre Genève, mais Lausanne est devenue en 1536 chef-lieu d’un bailliage bernois (Gilliard 1936 ; Junod 1982,156-164 ; Körner 1983, 8).
14 Le château de Morges a été construit par Louis de Savoie en 1286 (il fonde en même temps la ville neuve de Morges). Il a servi de résidence occasionnelle aux comtes et ducs de Savoie. Après la conquête bernoise de 1536, le bailli bernois s’y installa (Bissegger 1992).
15 Il s’agit probablement du château de Vufflens, près de Morges, édifié vers 1100, centre d’une seigneurie inféodée à l’évêque de Lausanne, puis aux comtes de Genevois. Henri de Colombier, qui en hérita vers 1390, le rasa et fit élever l’imposant château qui existe encore, avec son donjon carré de 30 m de haut, et date du début du xve siècle (Forel-Bæzinger & Granjean 1996).
16 La principale colline de Lausanne constitue la Cité, ville du seigneur, le comte-évêque : Lausanne est le siège d’un évêché depuis l’installation de l’évêque d’Avenches à la fin du vie-première moitié du viie siècle. S’y élèvent la cathédrale Notre-Dame, reconstruite à la fin du xiie-première moitié du xiiie siècle (église consacrée en 1275), et un puissant chapitre de chanoines. Sur la colline opposée, les autorités ont construit au xe siècle l’église Saint-Laurent, centre d’un faubourg jusqu’au milieu du xiiie siècle, sur une hauteur séparée de la colline épiscopale par le vallon de la Louve (Anex-Cabanis 1982, 84-86 ; Dubuis 1982,122-126, plan 129).
17 Le nom antique de Moudon était Minnodunum. L’allemand Milden n’est plus usité : Kaiser, éd. 1968,19.
18 Le nom de Wibili figure pour la première fois dans une chronique du viie siècle attribuée à Frédégaire (II, 40) qui date la destruction de la ville par les Alamans de 260. Wibili a servi à forger le nom allemand Wiflisburg : “Après avoir dévasté par assaut Aventicum, qu’on appelle autrement Wibil, et la plus grande partie de la Gaule, les Alamans passèrent en Italie” (Stähelin 1931, 251, n. 2 ; Favrod 1990 ; Blanc et ai. 2001, 84).
19 Des vestiges de l’Avenches romain, chef-lieu de la civitas Helvetiorum, sont restés visibles en surface pendant des siècles : de grands fragments de l’enceinte et sa porte orientale ; la colonne dite “du Cigognier” ; la concavité de l’amphithéâtre et la colline du théâtre. Les inscriptions romaines y ont été retrouvées en grand nombre et très tôt : Ægidius Tschudi a pu, dès c. 1530, en relever dix-neuf ; il fut suivi par Johannes Stumpf et Sébastien Münster (qui évoque le “Cigognier” dans sa Cosmographia parue en 1544) (Drack & Fellmann 1988, 337-340 ; Frei-Stolba 1992).
20 La Storchensäule (le Cigognier) d’Avenches est une colonne de presque 13 m de hauteur qui faisait partie de la façade d’un temple datant peut-être du règne de Trajan, peut-être sanctuaire municipal du culte impérial (Bridel 1982 ; Étienne 1985 ; Drack & Fellmann 1988, 344).
21 Erreur de R. ; Charles le Téméraire est mort devant Nancy entre le 5 et le 7 janvier 1477. La bataille de Morat eut lieu le 22 juin 1476 (Prévost 1959).
22 Une modeste chapelle commémorative existait dès juillet 1481, la chapelle définitive en 1506 (dotée des armes de Berne et Fribourg, puis d’une inscription à partir de 1560). Un ossuaire lui fut adjoint par la suite. Elle sera détruite le 3 mars 1798, lors de l’entrée des Français, par des patriotes helvétiques et des Bourguignons de l’armée d’invasion, et les ossements dispersés (Merz 1928 ; voir l’inscription chez Chytræus 1594, 558-559 ; cf. aussi le témoignage d’Esprinchard : Esprinchard (LC), 228-229).
23 L’avancée des parlers germaniques a été ici profonde, Avenches constituant un centre de résistance romane depuis l’installation de l’évêque de Windisch au milieu du vie siècle (la cité est ruinée en 610) (Musset 1965,175, carte, et 178). Le mille germanique (deutsche Meile) valait c. 7,5 km (Szabó 2007).
24 Le nom antique de Soleure est Salodurum. L’étymologie fournie par R. est pratiquement la même que celle d’Esprinchard, quelques années plus tard : “Antonin en son itinéraire l’appelle Solothurn, à cause comme on croit, d’une ancienne tour, qui se voit au milieu de la ville, comme si on disoit Solis turris” [Esprinchard (LC), 227].
25 Ursus (Ours) et Victor étaient les saints patrons de Soleure. Ils sont souvent représentés tenant leurs têtes sous leur bras. Ils auraient été des soldats de la “légion thébaine”, décimée vers 300 près d’Agaune (Saint-Maurice, en Valais). Au xie siècle fut construite une église romane Saint-Ours à Soleure. En 1473, on découvrit dans cette ville d’autres reliques de martyrs thébains, ce qui imprima un nouvel élan au pèlerinage. En 1519, le cercueil de saint Ours contenant deux squelettes fut repéré sous l’autel du chœur de cette église. Le culte des deux saints connut une immense renommée, qui fut à peine amoindrie par les progrès de la Réforme (Widmer 1990). Inscription sur lame d’argent : condit(ur) hoc s(an)c(tu)s / tumulo Thebaidus Vrsus (Kettler 1992, 55-58, no 15, pl. 6,18).
26 Il s’agit de la victoire remportée en 1499 par les Suisses (cantons de Schwyz, Uri, Unterwalden, Lucerne, Zurich, Glaris, Zug et Berne) sur l’empereur Maximilien Ier, qui eut pour conséquence la reconnaissance de leur indépendance à la paix de Bâle. Peu après la bataille, une chapelle faisant office d’ossuaire fut élevée à proximité immédiate du lieu (consacrée le 26 septembre 1512). Elle fut placée sous le vocable de Marie-Madeleine, car l’événement s’était déroulé un 22 juillet, fête de la sainte, et devint l’objet d’un pèlerinage. La vieille chapelle s’effondrera peu à peu, et sera remplacée vers 1640 par un nouveau bâtiment à proximité, lui-même disparu et situé sous le monument moderne (Schubiger 1999, 303-305 ; Hollegger 2010).
27 Cf. le témoignage de De Beatis : “Dans la ville, un pont de bois très large et très long, appuyé sur des piliers de maçonnerie, est jeté sur le fleuve. Et, sur la rive droite que l’on gagne par ce pont, on trouve beaucoup de maisons et de belles rues, mais elles ne sont pas habitées par des gens aussi aristocratiques que ceux de la Cité ; on appelle ce côté : le Petit-Bâle” [Aragon (HM), 56].
28 L’université a été fondée par Pie II en 1460.
29 R. nomme la Birse (all. Birs) au lieu de la Birsig. Toutes deux sont des rivières bâloises, mais c’est la Birsig, dont la source se trouve en France (commune de Wolschwiller), qui avait mérité le nom de große Kloake. Elle est aujourd’hui presque totalement souterraine.
30 Gertrud von Hohenberg (1225-1281), fille du comte Burkhard III, avait épousé, avant le 8 mars 1254, Rodolphe Ier de Habsbourg (1218-1291). Après l’élection de son mari au royaume de Germanie (1er octobre 1273), elle prit le nom d’Anne. Quand elle n’accompagnait pas Rodolphe, elle résidait le plus souvent, comme comtesse à Brugg an der Aare, comme reine à Rheinfelden, à l’est de Bâle. À partir de 1277, le couple vint résider à Vienne, où elle mourut, le 16 janvier 1281, des suites de la naissance de son dernier fils. Elle est enterrée avec son fils Karl, mort en 1276, peu après sa naissance, dans un sarcophage richement orné à double gisant. Son autre fils Hartmann, né vers 1263, mort le 20 décembre 1281 entre Brisach et Strasbourg, noyé dans le Rhin avec 13 compagnons nobles, est aussi enterré près de la reine Anne (Trautz 1964 ; Reifenscheid 1982, 23 ; Krieger 2003, 66 et 101, fig. 1).
31 Érasme (vers 1467-1536) est mort à Bâle et a été inhumé au Münster (Margolin 1997). Son tombeau et les inscriptions qu’il porte sont souvent cités dans les journaux de voyage. Tobias Fendt a gravé le texte de la première épitaphe que lui avait transmis R. (les césures ne correspondent pas à la réalité) : CHRISTO SERVATORI S. | DES. ERASMO ROTERODAMO VIRO OMNIBVS MODIS | MAXIMO, CVIVS INCOMPARABILEM IN OMNI DISCI- |PLINARVM GENERE ERVDITIONEM PARI CONIVNC-|TAM PRVDENTIA POSTERI ET ADMIRABVNTVR ET | PRÆDICABVNT. BONIFACIVS AMERBACHIVS. HIE : | FROBENNIVS. NIC. EPISCOPIVS. HEREDES ET NVNCV-|PATI SVPREMÆ SVÆVOLVNTATIS VINDICES, PATRO-|NO OPTIMO, NON MEMORIÆ QVAM IMMORTALEM SIBI | ÆDITIS LVCVBRATIONIBVS COMPARAVIT, IIS TANTIS-|PER DVM ORBIS TERRARVM STABIT SVPERFVTVRO | AC ERVDITIS VBIQVE GENTIVM COLLOQWTVRO | SED CORPORIS MORTALIS QVO RECONDITVM SIT | ERGO, HOC SAXVM POSVERE || MORTVVS EST. 4. EIDVS IVL. |IAM SEPTVAGENARIVS A’NN’A CHRISTO NATO | M. D. XXXVI. (Fendt 1574, pl. 13 [bis] ; voir également Chytræus 1594, 560-561 ; Adam 1615,100-101).
32 Sur le terme, voir Jacques Esprinchard [Esprinchard (LC), 223]. Sur l’inscription : Chytræus 1594, 561 ; Adam 1615,101.
33 La Chartreuse (Kartäuser-Kirche) a été fondée au Petit-Bâle par le grand-maître des corporations Jakob Zibol en 1401, l’église consacrée en 1416. Louis II de Teck, patriarche d’Aquilée de 1412 à 1439, est mort de la peste au concile de Bâle le 19 août 1439.
34 Ludovico Pontano (1409-1439) (Vaccari 1949) : ce jurisconsulte né à Spolète, a étudié à Bologne, enseigné le droit civil à Sienne (Enea Silvio le surnomme “le flambeau de la loi”) ; protonotaire d’Eugène IV ; délégué d’Alphonse d’Aragon au concile de Bâle, il y meurt de la peste à l’âge de 30 ans. Nous ignorons si son buste est conservé. L’épitaphe due à Pie II (Epigrammata, XXVII) a été éditée à partir de manuscrits et se trouve sur Internet : Cloulas & Castiglione Minischetti, éd. 2001, 56 ; sur l’épitaphe : Bertalot 1975, 284, no 33 (liste des mss. en note, p. 285). Site Web : http://www.bibliotecaitaliana.it/xtf/search
35 Jean Froben de Hammelburg (vers 1460-1527), le célèbre imprimeur bâlois, a été inhumé à l’église Saint-Pierre, avec une épitaphe en vers hébraïques, grecs et latins : Pfister 1961 ; Bietenholz, éd., 1986, 63. Les vers grecs et latins sont dus à Érasme. Adam 1615, 65-66 donne le texte latin, le texte grec et les fait précéder de la phrase suivante : Erasmus, ut se amico & hospiti gratum declararet, epitaphium Latinum & Græcum taie sepulcro Frobeniano apposuit ; voir aussi Chytræus 1594, 564).
36 Colmar est ville impériale depuis 1226.
37 Sélestat est ville impériale depuis 1292.
38 Le véritable nom de Strasbourg dans l’Antiquité était Argentoratum (ou Argentorate), où Argento pourrait renvoyer au plus ancien nom de l’Ill : supra, I, n. 11 (Hatt 1980, 82). Ce nom subsista durant tout le Moyen Âge dans les textes littéraires et les chartes sous la forme Argenterato et Argentaría. À partir du xe siècle, toutefois, prévalut la forme Argentina, par suite d’une fausse étymologie faisant de Strasbourg la “ville de l’argent”. Par ailleurs, on trouve Strateburgo et Stratisburgo dans la Notitia Dignitatum (début ve s.) (Dollinger 1981, 6).
39 De graves événements se sont déroulés dans l’Est de la France depuis avril 1552 : le “voyage d’Austrasie” d’Henri II. En un peu plus de trois mois, le roi a conquis les Trois Évêchés et fait une retentissante incursion en Alsace. Le 2 août, il se réconciliait avec l’empereur à Passau. Très vite pourtant Charles Quint médite en secret des opérations de reconquête. Son but avéré est d’aller combattre le margrave Albert-Alcibiade de Brandebourg-Kulmbach qui est en train de ravager les territoires ecclésiastiques de la région rhénane. L’empereur a fait venir des Espagnols et des Italiens à Innsbruck par le Brenner et le duc d’Albe l’a rejoint à Lienz. Tous deux gagnent Munich où l’empereur libère, à la mi-août, les princes luthériens prisonniers depuis Mühlberg (Jean Frédéric de Saxe et le landgrave Philippe de Hesse). Le 26 août, il informe le duc de Wurtemberg, le margrave de Bade et la duchesse de Lorraine de son intention de gagner le Rhin au plus vite, et Marie de Hongrie le presse de se rapprocher des Pays-Bas. Il fait passer le Rhin à son armée et entre dans Strasbourg à la mi-septembre. Le margrave venait de prendre Trèves le 28 août. Charles Quint a demandé de l’argent à la reine de Hongrie le r8 septembre et en reçoit 100 000 écus. C’est alors qu’il découvre la possibilité d’entreprendre une action contre Metz, tandis que le margrave abandonne Trèves le 26. C’est dans ce contexte mouvementé que R. arrive à Strasbourg le 31 août, pour n’en repartir que le 22 septembre. Les chroniques de l’époque (Sleidan, Schadæus, la Kleine Strassburger Chronik) éclairent ces journées strasbourgeoises, et les estimations de R. ne concordent qu’approximativement avec leurs données. Le Proviantmeister (officier munitionnaire) impérial était arrivé dans la ville le 7 septembre. Le 14, l’armée tout entière passe le pont du Rhin et campe entre le fleuve et la ville. L’empereur était basé à Auenheim du 15 au 19. Les troupes se mettent en marche le 19, et s’établissent près de la ville. Il y avait 46 Fahnlein de fantassins espagnols et italiens qui campèrent à Schilke, Bischheim et tout autour, auxquels s’ajoutèrent 46 Fahnlein d’Allemands. 63 pièces d’artillerie, petites et grosses, stationnaient près du pont Saint-Arbogast. C’est donc une des plus grandes armées qu’on ait vue dans l’Europe du xvie siècle (devant Metz, il y aura 45 000 fantassins, 7000 cavaliers et 5500 pionniers ; Gaston Zeller propose même de doubler ce chiffre pour tenir compte des personnels de service, et arrive à un total de 100 000 hommes). La discipline y est très approximative, les plaintes affluent de partout et le peuple se presse dans les fossés qui entourent la ville. L’empereur est entré dans Strasbourg le 19 septembre, à midi, par le Metzgerthor (porte des Bouchers), accompagné du duc d’Albe, du margrave Johann de Brandebourg, du duc de Holstein, d’Emmanuel de Savoie, du prince d’Orange, du cardinal Granvelle, de l’évêque de Strasbourg Erasmus Schenck von Limpurg et de 800 cavaliers (on voit que les mots “quelques cavaliers” utilisés par R. sont très relatifs). L’empereur se rend à la cathédrale où le clergé l’accueille. Il la visite, puis va déjeuner. Il reçoit un cadeau et présente ses excuses pour les pillages récents. Il sort par le Steinthor (porte de Pierre) et va coucher à Bischheim. Après le départ de son armée, on découvrira l’étendue des dégâts causés à la Ruprechtsau, à Oberhausbergen, Illkirch, Grafenstaden, Illwickersheim, Neuhof et Schiltigheim (Holländer 1894, 30-36 ; Zeller 1926, 405-408 ; Pariset 1981, 147 ; Wolfe 2005, 223 ; cf. également Zeller 1943).
40 La flèche, haute de 142 m, date de 1439. C’est, on le sait, une des créations les plus audacieuses de l’architecture gothique tardive.
41 La Kinzig est un affluent de la rive droite du Rhin (Strasbourg y avait des terres).
42 Lichtenau appartenait depuis 1480 aux comtes de Zweibrücken-Bitsch, mais était administré, avec Willstàtt, depuis Hanau, capitale du comté de Hanau-Lichtenberg (Köbler 1995, 230).
43 Hohenasperg eut une forteresse bâtie au xie siècle, un château en 1381, et une nouvelle fortification en 1535 (élevée par le duc Ulrich Ier)
44 . Le château de Wurtemberg s’appelait à l’origine Wirtinisberc, et était situé sur le Rotenberg, entre Esslingen et Cannstatt. Il apparaît en 1081/92 dans la documentation. Le premier seigneur en fut Konrad, en 1081 (Köbler 1995, 705-706).
45 Schorndorf est situé dans le duché de Wurtemberg. Sa première fortification, d’époque médiévale, devenue inefficace contre les canons, a été reconstruite à partir de 1538 par le duc Ulrich Ier. Longue de près de 2 km, elle fut l’une des entreprises les plus audacieuses des Wurtemberg (Köbler 1995, 706).
46 Le monastère de Lorch, dans le Remstal (entre Schorndorf et Schwäbisch Gmünd), a été fondé en 1102 par le duc Friedrich Ier. Il servit de sépulture à la famille ducale. Il fut pris en 1514, pillé et incendié lors du soulèvement contre l’impôt (dit “soulèvement du pauvre Konrad”).
47 (Schwäbisch) Gmünd, ville impériale depuis le milieu du xiiie siècle (Köbler 1995, 569).
48 Le château de Hohenrechberg, situé sur la bordure nord-occidentale du Schwäbisch Alb, a été construit au xiie siècle. Il fut le siège des seigneurs de la lignée de Hohenrechberg jusqu’en 1585 (Köbler 1995, 491)·
49 Le château d’Ellwangen est le siège d’une principauté d’Empire exercée par les abbés du monastère (Köbler 1995,148).
50 Le cloître est dédié au Sauveur et aux saints Pierre et Paul. Hariolf (ou Herulf), né vers 730 à Ellwangen, et mort au même endroit vers 815, était fils du comte d’Ellwangen qui fonda vers 750 ou 764 l’abbaye bénédictine. Il en fut le premier abbé. Il fut élu évêque de Langres vers 760, tout en restant abbé d’Ellwangen (Sauser 2003). Le texte entoure une représentation des deux frères élevant une maquette du monastère (http://www.heiligenlexikon.de/BiographienH/Herulf_von_Langres.html). La plaque est attribuée à Peter Vischer l’Ancien (c. 1485/90).
51 Ville impériale depuis 1273 (Kôbler 1995,130).
52 Ne peut correspondre qu’à Roth, dans le diocèse d’Eichstätt (Fink 1963, carte, fig. 133, après la col. 72). Il y a donc eu probablement erreur de la part de R. dans l’ordre de l’itinéraire : au lieu de Dinckelsbühl – Roth – Eschenbach – Winsbach – Rudelsdorf – Schwabach, lire : Dinckelsbühl – Eschenbach – Winsbach – Rudelsdorf – Roth – Schwabach.
53 Albrecht-Alcibiades, margrave de Brandebourg-Kulmbach et Bayreuth (de 1541 à 1554), de la maison de Hohenzollern (* Ansbach 1522 - † Pforzheim 1557). Ce personnage passait pour être le prince le plus batailleur d’Allemagne. Il guerroyait sans cesse hors de ses petits États franconiens et tout l’Empire redoutait son écharpe blanche. “Sur le champ de bataille, tonnerre, éclairs et feu dévorant ne peuvent être plus terribles que lui”. Il a pillé le territoire de Nuremberg, puis les possessions des évêques de Bamberg et Wurtzbourg. Il leur imposa des contributions si énormes que l’empereur cassa ces “traités inégaux” arrachés par la violence. Le margrave fut ainsi peu à peu mis au ban de l’Empire. Il fournit pourtant des troupes à Charles Quint lors de sa tentative de reconquête de Metz. Finalement, un Fränkisches Bund se constitua, autour du roi Ferdinand, de Maurice de Saxe et de Heinrich le Jeune de Brunswick, qui battit en juillet 1553 le margrave à Sievershausen (Voigt 1852 ; Vaissière 1896,196-197 ; Guttenberg 1953 ; Pariset 1981,147).
54 R. arrive à Nuremberg le 28 septembre 1552. La guerre de Franconie (premier Markgräfler Krieg) s’est déroulée d’avril à la fin mai (et s’est achevée par un traité avec Nuremberg, signé le 19 juin). Le 22 juin, le roi Ferdinand écrivait à son frère : “C’est chose misérable de veoir les ruynes et devastations quilz ont fait autour du dict Nurnberg.” Les pillages ont affecté deux petites villes, trois cloîtres, 90 châteaux et maisons nobles, 17 églises, 170 bourgades et villages et un grand nombre de moulins et ateliers isolés, le plus souvent réduits en cendres. La forêt de la ville a été en partie incendiée (Büttner 1908, 44). Ces événements tragiques étaient donc très récents.
55 Épisodes précédents : I, n. 325 ; II, n. 3.
56 Ferdinand Ier est roi des Romains depuis le 5 janvier 1531. Il ne succédera à Charles Quint à la tête de l’Empire que le 24 février 1556.
57 Florian Grispeck (ou Griespeck) von Griesbach (* Innsbruck 1509 - † Mühlhausen 1588) (Förster 1907, p. 222, écrit par erreur Florian Geisperk). Cet important personnage était issu de Griesbach im Rottal (Basse Bavière). Il est le fondateur de la lignée bohémienne des Griesbach. Fils de Georg Grispeck von Griesbach, conseiller de l’empereur Maximilien et de Katharina Grünhofer von Grünhofen. Il a fait des études à Paris, puis il fit partie de la suite de Charles Quint au Reichstag d’Augsbourg (1530), où il rencontra Ferdinand Ier qui le prit à son service dans son royaume de Bohême (Amtskammersekretär, secrétaire royal, en 1532, Kammeralrat en 1538, Kriegsrat en 1542). Il n’est donc pas étonnant que le père de Seyfried R. ait été amené à le fréquenter. Devenu très riche, il se heurta à la haine de l’opposition bohémienne, lors de la révolte de 1546. Mais, après la défaite des protestants à Mühlberg, il fut accusé de haute trahison lors du Landtag de 1547 (20 avril), et enfermé dans la Tour Blanche de Prague ; il fut libéré dès le 30 avril (il fera figurer sa geôle dans ses armoiries : une tour d’argent sur champ d’azur). Réhabilité, il profita des confiscations de biens ordonnées par le Landtag de Prague pour agrandir encore ses domaines, faisant bâtir trois châteaux, se constituant une riche bibliothèque et une importante collection d’objets d’art, et possédant une maison au Hradcie de Prague. Il jouira, après la mort de Ferdinand, de la faveur de Maximilien II. Bien qu’étranger au pays, il parlait et écrivait parfaitement le tchèque. Il était catholique, bien que favorable aux utraquistes. Il a accompli de nombreuses innovations dans les mines et les canaux. Il a participé aux négociations ayant abouti à la cession par les Schlick des mines de Joachimsthal au roi en 1545. On possède de lui plusieurs portraits, en particulier sur une médaille (Coll. Donebauer, Auktion Fritz Rudolf Künker, 24 septembre 2003, no 3181). Il avait épousé Rosina Holz von Silian, d’origine tyrolienne, qui lui donna 14 fils et 10 filles. Sept de ses fils lui survécurent (Miltner & Neumann 1852, 85-98 ; Griesbach [1929], 58-59 ; Lorenz 1987 et 1990 ; Büžek 2009,116-119 et 273-274 ; Griessenbeck 2014, passim. il existe une importante bibliographie en tchèque, en partculier Racek 2000).
58 Il devait s’agir de Georg Friedrich (1539-1603), fils de Georges le Pieux, margrave de BrandebourgAnsbach (1484-1543), alors âgé de 13 ans. Ce jeune homme ne règnera sur Ansbach qu’à partir de 1556 (ainsi que sur Jägerndorf), sur Bayreuth et Kulmbach à partir de 1557 (Schwennicke 1998, pl. 139). Le problème réside dans le fait qu’il était fils unique de Georges le Pieux, et qu’il ne régnait encore sur aucune principauté en 1552 (sur Georg Friedrich : Schuhmann 1980,101-113). Peut-être les “affaires royales” qu’avait à traiter Floran Grispeck avec lui concernaient-elles le duché de Jägerndorf qu’avait acquis Georges le Pieux en 1523, de Georg von Schellenberg : situé en Moravie du Nord, il était en effet enclavé dans le royaume de Bohême (Köbler 1995, 290 ; voir la carte dans Schuhmann 1980, 327).
59 Le monastère cistercien de Heilsbronn, fondé en 1132, était le lieu de sépulture des margraves de Brandebourg de la famille des Hohenzollern (Schuhmann 1983, fig. après 132). Il comportait un Dreischalenbrunnen, un lavabo à trois vasques (présent sur ses armoiries), qui sera détruit en 1631.
60 Reichenschwand était le siège d’une seigneurie aux mains des Furtenbach : Bonaventura von Furtenbach, un grand marchand de Nuremberg (Kœpf 1961) appartenant à une famille originaire du lac de Constance, l’acquit en 1531 et y construisit un château Renaissance qui fut détruit en 1553 et aussitôt reconstruit. Charles Quint y séjourna en 1548.
61 Les Heydeck étaient possessionnés en Franconie, autour d’Ansbach et Wurtzbourg. Ils étaient originaires de la forteresse d’Altheideck, près de Plainfeld (Franconie centrale). Georg von Heideck (1487-1551) acquit de son beau-frère Georg von Guttenstein la seigneurie de Störnstein-Neustadt an der Waldnaab. Il se nomma dès lors seigneur “zu Heydeck und Neustadt an der Waldnaab”. Il adhéra à la Réforme dans les années 1538-1540. Il est possible que R. et Grispeck aient été reçus par son fils et successeur, Hans Ulrich (Deeg 1968 ; Krauβ 1984 ; Köbler 1995, 605).
62 Sans doute une erreur de R. : Gotsch (Kočov) était une possession de la belle-sœur de Florian Griespeck, Katharina von Schilling (Griessenbeck 2014,153).
63 Les comtes Schlick (tch. Šlikové ou Šlikû) étaient une famille patricienne originaire d’Eger (Cheb) et d’Allemagne. Leur ascension commença dans la première moitié du xve siècle, lorsqu’elle fut élevée pour services rendus au rang de comtes d’Empire par l’empereur Sigismond. Ils avaient des possessions en Italie du Nord (Bassano), en Slovaquie occidentale, en Tchéquie (Falkenau sur l’Eger, Ellbogen, Eger etc.). La source de leur richesse était constituée par les mines d’argent de Sankt Joachimsthal (Jáchymov) et la frappe des monnaies, usurpée avec l’accord des États de Bohême (Taler), qui leur fut toutefois retirée en 1528.
64 Possession des Kolowrat jusqu’à la fin du xive siècle.
65 Les Ellbogen tirent leur nom du château d’Ellbogen (tch. Loket).
66 Château construit sur le basalte au début du xive siècle (vers 1330), par Jean de Luxembourg, dans une propriété royale. Il passe de mains et mains jusqu’en 1537, date à laquelle il est acquis par Kaspar Pluh, le chef de la révolte contre Ferdinand Ier. L’armée royale brûle le château et le village en 1547. En 1549, le roi donne la propriété aux Grispeck qui la garderont jusqu’en 1623. En 1557, Florian construit un château Renaissance au pied de la colline où se trouvent les ruines du premier édifice. On voit que R. fait allusion à ces dernières et n’a pu connaître le nouvel édifice. Il ne subsiste rien de celui-ci, sinon un château néo-gothique du xixe siècle : Grieβenbeck 2014,152 et fig.
67 Le château de Katzerau-Kaceřov, aujourd’hui en ruines (il a brûlé en 1912) et en cours de restauration, a été construit entre 1540 et 1556/58. R. a donc raison de le dire inachevé. L’architecte, Giovanni de Statia, de Lugano, était un admirateur de Serlio (Krčálová 1964, 91-92 ; Bialostocki 1976, 77, fig. XVI et fig. 288-289 ; Kowalczyk 1992, 315 ; Fák 1996 ; Bůžek 2009, 118 ; Grießenbeck 2014, 93) ; des ouvriers italiens vinrent y travailler et le château fut décoré de sgraffites. Grispeck possédait tout autour de nombreux villages et fermes, ainsi que la ville de Kralovice (Miltner & Neumann 1852, 92-93). Il sera inhumé en 1588 dans le caveau familial de l’église des Saints-Pierre-et-Paul de Kralovice.
68 Une légende est attachée à une colline située à Lichoceves, à l’ouest de Prague : “À quatre heures de Prague, à Lichtendorf (Lichoceves) se trouve une colline boisée, d’où dépasse au sommet un grand arbre qui domine tous les autres. Il y aurait eu là une bataille au cours de laquelle un général aurait péri. Les soldats auraient enterré leur chef sur le champ de bataille et auraient tous jeté leurs casques sur sa tombe, ce qui serait à l’origine de cette colline”. Le récit de R., malgré des détails qui diffèrent, se rapporte évidemment à ce lieu (Grohmann 1863, 28).
69 Le pont Charles, ou “pont de pierre”, a remplacé en 1357 le pont Judith. Il a été achevé en 1399 et mesure 516 m de longueur (et ne comporte que 16 arches et non 24, comme l’affirme notre visiteur).
70 Le célèbre Hradschin (Hradcany) a été victime, ainsi que le quartier de Mala Straná, d’un terrible incendie en 1541 (la plupart des maisons étaient construites en bois).
71 C’est la plus ancienne université du Saint Empire, fondée en 1348 par l’empereur Charles IV, roi de Bohême (Vetulani 1978,151).
72 Rodolphe II, duc d’Autriche et de Styrie, troisième fils de Rodolphe Ier de Habsbourg, futur roi, et de Gertrude de Hohenberg. Décédé à Prague le 10 mai 1290 et enterré au château (Loserth 1889).
73 Erreur de R. : le site se nomme Mühlhausen (auj. Nelahozeves). Le château actuel, bien conservé, est l’un des plus grands et des plus beaux ayant appartenu à Florian Grispeck, mais R. n’a pu le voir construit. La propriété, qui comportait une ancienne forteresse a été donnée à Florian en 1544 par le roi Ferdinand Ier, en dépit des protestations de l’archevêque de Prague (la terre avait appartenu au chapitre cathédral Sankt Veit de Prague). Il développa sa seigneurie et y ajouta les villages de Holubice, Stremchov, Bránik, Sazené, Minice, Debrno et Libčice. À la place du premier château, il va faire construire, à partir de 1552, un château Renaissance dont il ne verra pas l’achèvement. Il est donc évident que R. n’a vu que l’ancienne bâtisse, qu’il n’a d’ailleurs pas jugée digne d’être mentionnée (sur le nouveau château, à la façade décorée de sgraffites, voir surtout Bialostocki 1976, 77-78, fig. XVI-XVII et fig. 290-291 ; Bůžek 2009,118-119 ; Grießenbeck 2014,121-127).
74 Ancienne forteresse évoquée dès 1194, résidence des archevêques de Prague, elle sera reconstruite dans les années 1650 par les Lobkowitz.
75 La peste est attestée à Bautzen et Cottbus à l’automne 1552.
76 Franz Schnitter (depuis son anoblissement en 1536, auparavant Schneider) était un marchand, membre du conseil de la ville à plusieures reprises, Bürgermeister en 1548-1549 (http://www.wiki.olgdw.de/index.php?title=Franz_Schneider ; cf. Angelica Dülberg, in : Welt – Macht – Geist, 2002, Kat. no B41, 321-322). On notera que Johann Troger avait épousé l’une de ses filles, Margarethe, veuve depuis le 7 mars 1550 : supra I, n. 6.
77 Les seigneurs de Königshain tiraient leur nom d’un fief près de Görlitz (Köbler 1995, 313). On notera qu’un Johannes Frentzel a Königshain sera inscrit en 1566 à l’université de Heidelberg, en 1569 à Padoue (comme juriste), en 1571 à Sienne (Zonta 2004,221, no 324).
78 Hedwige, la sœur de Seyfried, est décédée le 5 janvier 1553, des suites d’un accouchement (im Kindbett) (Foerster 1907,215 ; Pusch 1988,420). Elle a été inhumée dans la cathédrale Sainte-Élisabeth de Breslau. Son monument, qu’elle partagea avec son mari, orné d’un tableau représentant la flagellation du Christ, se trouve au musée de Wroclaw. Les inscriptions sont les suivantes : au-dessus en ego tam tristi peragor vibice crve(n)tvs / livore vt tva si(n)t wlnera sana meo ; au-dessous Anno Domini 1557, den 16 tag July / Ist inn Goth seliglich entschlaffenn Der ersame Peter / Nunhart burger alhie Liegt alda begraben : Darfiihr / aber im 1553 abend der heiligen drej Khunige tage Ist auch / im Hern Vorschiden die togunds. Fraw Hedwigis Rybi-/schin. seine Ehliche Hausfraw. Derer seie got gned. Au bas du tableau sont représentés agenouillés et flanqués de leurs armoiries respectives, Peter Nunhart et Hedwige Rybisch (Steinborn 1967, no 20, 86-87 et pl. 13, avec bibliographie).
79 Duché vassal de la Bohême depuis 1329, passé à Brieg en 1419 (Köbler 1995, 341-342).
80 Seyfried étant né le 13 septembre 1530, son estimation nous amène au mois de mars 1553.
81 On peut hésiter sur l’identité de ce personnage. Seyfried avait en effet deux frères : Heinrich, son frère aîné utérin (né d’Anna von Rindfleisch vers 1525) ; et Gottfried, considéré par Pusch comme un demi-frère issu du second mariage de leur père avec Katharina von Gellhorn (qui eut lieu en 1542). Foerster pense qu’il s’agissait de Gottfried – mais il le croit né de la première union (Foerster 1907, 222) – il exclut Heinrich sans doute parce qu’il “avait mal tourné” et fut, à cause de cela, réduit sur le testament paternel à la “réserve légale” (mais il imposa à ses tuteurs de lui réserver sa part d’héritage normale “lorsqu’il se serait amendé”) (Pusch 1988, 421). Le problème, dans le cas de Gottfried – dont on peut penser qu’il était né après 1542 (il est immatriculé à Wittenberg en 1558, où il peut donc parfaitement être âgé de 15 ans : Pusch 1988,422), mais nous n’avons pas la certitude qu’il soit issu du second mariage – est qu’il aurait été âgé d’environ 10 ans lorsque Seyfried partit pour l’Italie, alors que Heinrich en avait environ 28. On peut penser que ce dernier s’était amendé depuis 1544, et que ce fut avec lui que furent réglées les affaires évoquées par Seyfried au printemps 1553. Nous opterons donc, avec hésitation, pour Heinrich et pensons que ce fut peut-être lui qui l’accompagna jusqu’à Padoue, puis repartit le 30 mai pour Breslau, après avoir visité Venise en sa compagnie : infra, après la η. 134.
82 Ou Nunhart. Il avait épousé Hedwige Rybisch (après la mort du père de cette dernière, le 10 novembre 1544) et est veuf depuis le 5 janvier : cf. supra, n. 78. Les Nunhart constituaient une famille installée à Breslau dans la seconde moitié du xve siècle, issue de notables municipaux de Schweidnitz (auj. Swidnica, en Basse-Silésie). Peter était le fils de Bernhart, venu à Breslau en 1483, et d’Agnès Kober, fille d’un conseiller de la ville. On le trouve bachelier en philosophie à Leipzig le 15 mai 1518 et magister en 1520 (Erler 1897, 528 et 556 : Petrus Nonhart de Wratislavia). Il décèdera le 16 juillet 1557 : voir son épitaphe (commune avec sa femme), supra, n. 78 (Pusch 1988,168).
83 Fondée vers 1215 par l’évêque de Breslau Lorenz (1207-1232), la ville sera résidence séculière des évêques jusqu’en 1810.
84 Ville fondée en 1224. Les mines d’or sont attestées dès cette époque. Elle connaît son apogée de 1540 à 1562 (Pfitzner 1924).
85 Nous n’avons rien trouvé sur cette catastrophe (qui a probablement été consignée dans quelques chroniques).
86 Il s’agissait probablement de feux de tourbe (ces gisements sont nombreux en Moravie).
87 Esprinchard y fait allusion : “Nous veismes en passant le village Stats renommé à cause de son chasteau, qui est dessus une grande montagne presque inaccessible” [Esprinchard (LC), 154]. La forteresse date du xie siècle.
88 Cette formule a cours partout en Europe centrale au xve siècle (Patrides 1963).
89 L’université de Vienne a été fondée par Rodolphe IV en 1365, mais ne fut réellement en activité qu’en 1383·
90 La Hofburg (Palais impérial), commencée en 1275 par le roi de Bohême Ottokar II, achevée en 1278 par Rodolphe Ier, agrandie à partir de 1533 par Ferdinand Ier
91 . Il s’agit de la cathédrale (Stephansdom), bâtie de 1360 à 1510 sur une première église datant des années 1130 (Feuchtmüller 1978).
92 L’empereur Frédéric III, mort le 19 août 1493 à Linz, fut inhumé en 1513 dans le Stephansdom (NDB, V, 1961, s.u. Friedrich III, 484-487). Le tombeau, en marbre rouge de Salzbourg (porphyreticus), date de 1467, et est dû à Nikolaus Gerhært Van Leyden. Il se trouve dans la chapelle méridionale du chœur de la cathédrale. Le vieux sculpteur étant mort en 1473, c’est son fils qui acheva le tombeau (Rader 2006, 183, fig. 8 et p. 184).
93 C’était l’église Sainte-Dorothée, où se trouvait le caveau familial des Salm, mais le tombeau est situé depuis 1879 dans la Wiener Votivkirche.
94 Niklas, comte de Salm-Neuburg (ou Salm-Raifferscheidt), né en 1456 à Obersalm dans les Ardennes, décédé le 4 mai 1530 au château de Salmhof près de Marchegg (NӦ), fut le héros de la défense de Vienne contre les Turcs lors du siège de 1529. Il avait participé, du côté impérial, aux batailles de Morat (1476) et de Pavie (1525). Son monument de marbre blanc, sculpté par Loy Hering à la demande de l’empereur Ferdinand, le représente agenouillé et en armure, priant au pied de la croix (Hummelberger 1976, 50-54 ; AnhangV : Das Salm-Grab in der Wiener Votivkirche, p. 64, fig.). Son épitaphe est publiée par Chytræus (Chytræus 1594, 364-369, Ara I).
95 Le célèbre éléphant Suleiman décrit par tous les visiteurs était un cadeau du roi Jean III du Portugal à l’archiduc Maximilien (1527-1576). Le fait que R. le qualifie de “roi de Bohême” pourrait être un argument en faveur d’une rédaction de l’Itinerarium bien postérieure à son retour en Silésie, puisque Maximilien ne fut officiellement élu et couronné roi de Bohême à Prague qu’en septembre 1562. En réalité, il avait droit, dès le printemps 1549, au titre de “roi de Bohême” que lui avait cédé son père : Turrel, dir. 2011, 178, n. 563 et 564. Fils aîné de Ferdinand Ier, il avait épousé, le 13 septembre 1548 à Valladolid, Marie d’Autriche (1528-1603), la fille de Charles Quint, et, de 1548 à 1551, il exerça avec elle la régence d’Espagne à la place du prince Philippe. Le 6 juillet 1551, Maximilien s’est embarqué à Gênes pour Barcelone, afin d’aller chercher sa femme et leurs deux enfants pour les mener à Vienne. La famille est à Barcelone à la mi-août en compagnie du pachyderme. Le 20 octobre, tout l’équipage appareille, gagne Savone le 12 novembre, puis Gênes le 13. On les trouve ensuite à Milan, Crémone, Mantoue et Trente, d’où ils partent le 16 décembre. Le 20, Maximilien envoie sa femme et ses enfants à Innsbruck. Lui-même quitte Bozen à la fin du mois, avec l’éléphant. Le soir du 31 décembre, il atteint la capitale du Tyrol, tandis que sa suite traverse péniblement les Alpes : le 2 janvier 1552, elle atteint Brixen, où le pachyderme est logé Am hohen Feld, auberge qui change aussitôt son enseigne en Zum Elephanten. C’est pour le loger, ainsi que ses léopards de chasse, que Maximilien fit construire une ménagerie dans le parc de la maison de chasse d’Ebersdorf, près de Vienne. L’éléphant figura dans le cortège de son entrée à Vienne, le 7 mai 1552. Il est mort le 18 décembre 1553, et le prédicateur bohêmien Blahoslaw, à son passage à Vienne en mars 1555, ne put le voir (Holtzmann 1903, 82-83 et 151 et n. 4 ; Bibl 1929, 404-405 ; sur l’équipée de l’éléphant en 1552 : Lach 1994,144-150). Ses os servirent à confectionner un siège visible dans la Wunderkammer de Joachim Enzmilner (auj. à la Kunstkammer de Kremsmünster) (Lugli 1998,12, fig. II). C’est évidemment un autre éléphant que verra le roi de France Henri III, retour de Pologne, lorsqu’il passa en 1574 par Vienne (sic Loisel 1912, 234-235 et Delaunay 1962,149).
96 Un premier château est attesté en 1193/94. Léopold Vf le reconstruit au début du xiiie siècle, mais il est détruit par un tremblement de terre en 1348. L’empereur Léopold III le rebâtit. Résidence du futur Frédéric III dès 1435, il perd toutefois son statut de résidence permanente sous Maximilien Ier (empereur de 1508 à 1519) (Gerhartl 1966).
97 Dans les années 1446-1465, Frédéric III a créé un jardin zoologique (tannelgarten) près du château de Wiener Neustadt. À l’emplacement de bois et de prairies marécageuses, il a fait édifier un vaste mur de clôture (Zeiselmauer) et détourné un ruisseau pour abreuver la faune sauvage qu’il y entretient en liberté (ibid., 117). Maximilien Ier y ajoutera une maison de chasse.
98 Près du château a été créé un vaste verger d’agrément qui fut comparé par Æneas Silvius Piccolomini aux jardins des Hespérides (ibid., sur le déclin rapide de Wiener Neustadt : 129).
99 Marie, née infante d’Espagne en 1528, fille de Charles Quint, a épousé en 1548 Maximilien, archiduc d’Autriche (roi des Romains et de Bohême en novembre 1562) : cf. supra, II, n. 95.
100 Catherine, fille de Ferdinand Ier, a épousé en 1549 François III de Gonzague, duc de Mantoue depuis juin 1540. Elle est veuve depuis le 22 février 1550, et épousera en 1553 Sigismond II Jagellon (roi de Pologne de 1548 à 1572) (Cappelli 1969, 344).
101 Le château de Chaffenberg est évoqué pour la première fois en 1173. Il a été construit vers 1144 par les seigneurs de Stubenberg (Köbler 1995, 611), dont il est le domicile et le centre administratif. En 1550, une fortification de type Renaissance a été bâtie à Ober-Kapfenberg (Loserth 1911).
102 Château cité par De Beatis [Aragon (HM), 30].
103 L’enceinte bastionnée de Trévise (Treviso) est l’un des plus anciens spécimens de ce genre de fortification (xve s.). La ville est découpée en quartiers par de petits bras de rivière (la Roggia, le Cagnan di Mezzo, le Cagnan Grande, les Buranelli).
104 Le décor somptueux de Saint-Marc de Venise, reconstruit en 1094 sur le modèle de la basilique des Douze Apôtres de Constantinople, a frappé tous les visiteurs : plus de 4000 m2 de mosaïques, réalisées par des artistes grecs, font de cette église une Mesa d’oro (parmi une bibliographie immense : Goy 2002,149-161).
105 Dans l’abside de Saint Marc, petit autel avec quatre colonnes torses, deux en albâtre, célèbres par leur transparence et deux en marbre africain : cf. plus tard Bettoni, éd. 1999, II, v. 267-268 ; Hentzner 1617, 220. R. est le seul, à notre connaissance, à dire qu’elles proviennent du temple de Salomon. Alberti les décrit ainsi : “Dietro à questo Altare scorgonsi quattro colonne di finissimo Alabastro lunghe due passa, trasparente come il vetro, quivi poste per ornamento del sacrosanto corpo di Giesu Cristo consacrato” (Alberti 1553, 45or).
106 Alberti décrit des ambons en marbres de couleur : “Da ciascuno dei latí del Choro euvi un pulpito... Sostentano detti pulpiti colonne di diverse preciose pietre” (ibid.).
107 Le globe n’est pas mentionné par Alberti. Dans une petite chapelle ou tribune adossée à l’un des grands pilastres de la basilique, à gauche (dite Oratoire de la Croix), on pouvait encore voir au xixe siècle, au-dessus de la coupole la couronnant, un globe (una palla) d’un pied environ de diamètre, agathe orientale de taille considérable (Lecomte 1848, 89). Y a-t-il eu confusion de R., ou bien ce globe aurait-il été déplacé ? S’agit-il du même objet ?
108 La Pala d’Oro, retable du xive siècle comprenant environ 3000 pierres précieuses et 80 émaux du xe au xiiie siècle (dont certains proviennent de Constantinople) enchâssés dans une monture achevée par un orfèvre siennois en 1345 : Alberti 1553, loc. cit. ; Hentzner 1617,220 ; Bettini 1984 ; Bettoni, éd. 1999, II vv. 258-260 ; Congdon 2004.
109 Le marbre rose de Synnada (ou de Dokimeion) en Phrygie, est encore appelé pavonazetto. Les trois colonnes en question ont aujourd’hui disparu et nous ne les avons pas trouvées citées ailleurs. L’attribution au “temple de Salomon” ou au “palais de Pilate” de marbres orientaux de remploi était fréquente au Moyen Âge.
110 Dans le narthex, sur le pavement des xie-xiie siècles, on distingue trois dalles de marbre rouge (formant un carré) qui marquent l’endroit où Frédéric Barberousse se réconcilia avec le pape Alexandre III le 24 juillet 1177, par l’entremise du doge Sebastiano Ziani et d’Ulrich II, patriarche d’Aquilée. L’empereur s’est juste prosterné devant le pape. Son excommunication étant levée, il a pénétré le 25 juillet à l’intérieur de la basilique et a assisté à la messe pontificale ; avant et après l’office, il a accepté de tenir l’étrier du souverain pontife (Pacaut 1990, 210).
111 Au sud du narthex, la chapelle Zeno contient le grand monument de bronze du cardinal Giambattista Zeno, neveu du pape Paul II († 1501). C’est une œuvre réalisée de 1504 à 1519 d’après Alessandro Leopardi et Antonio Lombardo. Sur le sarcophage se trouve la statue colossale du cardinal et, plus bas, six Vertus, par Paolo Savino.
112 Ce sont les illustres et monumentales statues grecques de cuivre doré (ive-iiie siècles a.C.), rapportées de Constantinople en 1204, qui ornent la façade de la basilique depuis 1250 (Hentzner 1617, 220 ; Anon. 1981).
113 Le campanile, haut de 96 m, érigé au ixe s., fut reconstruit en 1329 et, dans sa partie supérieure, en 1512 par Bartolommeo Buon le Jeune.
114 La bibliothèque Saint-Marc (Librería Vecchia) est née des donations de Pétrarque (xive siècle) et du cardinal Bessarion (1468). Les travaux, commencés en 1537, se poursuivirent jusqu’en 1554, sous la direction de Jacopo Sansovino. On notera que R. emploie bien le présent de l’indicatif.
115 Les deux colonnes, en granit rouge et gris d’Égypte, se dressent sur la Piazzetta depuis le xiie siècle. L’une porte une statue de saint Théodore debout, un pied sur le dragon, l’autre le lion ailé de saint Marc. Elles ont été rapportées de l’expédition d’Orient de Vitale Michiel II (1172). Après leur procès, les condamnés étaient soit exécutés entre les deux colonnes de la Piazzetta, soit pendus entre deux plus petites colonnes, sur la loggia supérieure du palais des Doges donnant sur la même place (Alberti 1553, 449v ; Goy 2002, 67 ; Mączak 2002, 270).
116 Le Palazzo Ducale : il y en a un attesté dès 810, incendié en 976, puis en 1106, réaménagé dans les années 1170. Il devient un vrai palais à partir de 1340. Il est achevé au xve siècle (Morel et al. 1997, 545-546).
117 Il s’agit probablement de l’armurerie ducale établie en 1532 par le doge Andrea Gritti, servant de dépôt d’armes aux gardes des Dix (“Chambre des Munitions du Conseil des Dix”) et à abriter une collection d’armes destinée à être montrée aux visiteurs illustres. Elle était installée à l’extrémité méridionale de l’aile orientale du Palais (Goy 2002,127 ; Pomian 2003, 33-34).
118 Le célèbre Arsenale, chantier naval fondé au xiie siècle, entièrement ceint d’une longue muraille de briques crénelées. Il produisait tout le nécessaire à la marine de l’État, c’était la plus grande entreprise industrielle de l’Europe médiévale : Audebert 1583, 69-70 ; Hentzner 1617,230 ; Bellavitis 1983 ; Concina 1984 ; Bettoni, éd. 1999, II w. 385-416 et notes, 187 ; Goy 2002, 75 (fig.) ; Hocquet 2003,49-55.
119 L’hôpital San Rocco : son église a été édifiée à partir de 1489 par Bartolomeo Bon ; sa Scuola (dite Scuola Grande depuis 1489) portait assistance aux pestiférés.
120 L’église des Santi Giovanni e Paolo, a été élevée par les dominicains vers la fin du xiiie siècle et consacrée en 1430. C’est le panthéon des gloires vénitiennes (doges, hommes d’État, généraux).
121 Vingt-cinq doges reposent dans l’église SS. Giovanni e Paolo (voir des exemples chez Goy 2002,176-177 et 190).
122 Niccolò Orsini (1442-1509), seigneur de Fiano, comte de Nola, Pitigliano et Sovana, grand général au service de Florence puis de Venise, défenseur de Padoue contre l’empereur Maximilien. Sa statue se dresse dans le bras droit du transept (phot. in : Anon. 1981, p. 76, fig. 98) (inscr. chez Chytræus 1594,127, texte très proche de celui de R.).
123 Leonardo da Prato était un condottiere mort pour Venise en luttant contre les troupes de la ligue de Cambrai. Son monument funéraire équestre, dû à Antonio Minello (1512-1514), se trouve dans le transept nord de l’église (phot. in : Anon. 1981,76, fig. 99) (Chytræus 1594,127-128, texte très proche de celui de R.).
124 Dionigi Naldi († 1510) : il a fondé, avec son frère Vincenzo, les Brisighelli, compagnie de mercenaires au service, en 1492-1496, du roi de Naples Ferdinand d’Aragon contre Charles VIII, puis de Catherine Sforza, dame d’Imola, et, en 1499, du duc Valentino Cesare Borgia. En 1500, les deux frères se tournèrent vers Venise. Dionigi a été nommé capitaine de l’infanterie vénitienne, et a combattu à Treviglio et Agnadel. Il est mort à Venise à l’âge de 46 ans. Son monument funéraire est l’œuvre de Lorenzo Bregno (Tabanelli 1975). (Chytræus 1594,127, avec des différences par rapport à la lecture de R.).
125 La statue équestre du Colleone (c. 1400-1475), sur le Campo SS. Giovanni e Paolo, n’est plus à présenter. Verrocchio l’a réalisée en 1480-1488, et Alessandro Leopardi l’a fondue entre 1490 et 1495. Elle a été inaugurée le 21 mars 1496. Bartolomeo Colleoni, petit noble des environs de Bergame, fut l’un des plus grands capitaines du Quattrocento. Il servit Venise à partir de 1431. À sa mort il laissa un testament demandant à Venise d’ériger sa statue équestre place Saint-Marc, ce qui ne fut pas exaucé. L’inscription est une synthèse des deux inscriptions du piédestal, à l’avant et à l’arrière. Le texte de l’arrière est le suivant : Ioane Mauro et Marino Venerio Curatoribus. Anno Sal(utis) M.CCCC.LXXXXV (Erben 1996) (remerciements à Diane Bodart).
126 Petri Bembi Cardinalis Historiœ Venetœ libri XII, Venise, Alde fils, 1551, lib. II, 18v.
127 L’origine des verreries de Murano remonte au xie siècle. Elles sont citées (et visitées) par tous les voyageurs.
128 San Giorgio : l’île est occupée, depuis le xe siècle, par un monastère de bénédictins (le cloître “des Cyprès”) : cf. Audebert (AO) I, 200, f. 115r.
129 L’accès indispensable à la mer est le Porto di Lido. Pour le protéger, les Vénitiens ont bâti les deux forts suivants : le fort San Nicolò (rive sud du Lido), qui contrôlait l’accès à la lagune, et l’imposant fort Sant’Andrea, œuvre de Michele Sanmicheli, érigé en 1543 sur la rive nord : Gazzola, éd. 1960, 130-133 (avec bibliographie) ; Audebert (AO) I, ibid., f. 114v.
130 Recte Malamocco : premier centre des peuplades vénètes au viie siècle.
131 Les Vénitiens commémorent à l’Ascension (la Sensa) la première expédition navale victorieuse contre les pirates de Dalmatie et l’annexion de ce littoral au xie siècle.
132 Voir supra I, n. 96-109.
133 Voir supra I, n. 97. Les deux cornes de “licorne” ont été acquises par Venise en 1488 (Schnapper 1988, 89).
134 Le trésor était conservé à l’intérieur de la basilique. Le public admis à le voir était soumis à l’autorisation du Conseil des Dix à partir de 1534. On l’exposait à l’occasion des fêtes les plus solennelles de l’année, en particulier à l’Ascension. Il est impossible d’entrer dans le détail de sa composition. Signalons que, parmi les couronnes, se trouvaient celles de Chypre et de Candie, et que les rubis provenaient de Jean Paléologue : Hahnloser, dir. 1965-1971 ; Gallo 1967 ; Anon. 1984, passim ; Pomian 2003, 32-33. Beaucoup de voyageurs le décrivent, par exemple : Alberti 1553, 450r, 453v-454r ; Hentzner 1617, 221 ; Claude Enoch Virey : Bettoni, éd. 1999, II, v. 271.
135 Le Sposalizio del mare, ou “noces du doge et de la mer”, célébré tous les ans le jour de l’Ascension, est un morceau de bravoure de tous les récits de voyage.
136 Francesco Donà, grand amateur d’art, a été doge du 24 novembre 1545 au 23 mai 1553, date de sa mort (Cappelli 1969, 347).
137 La fête du Corpus Domini (Fête-Dieu) 1553 tombait le 25 mai. N.B. : en France, on disait Corpus Christi.
138 Marcantonio Trevisan gouvernera du 4 juin 1553 au 31 mai 1554 (ibid.). Il a été représenté au Palais des Doges par Tintoret (Le Christ mort entre les doges Pietro Lando et Marcantonio Trevisan) (Goy 2002, 126).
139 “Car son accoustrement est royal, par ce qu’il se pare tousjours d’une robbe de pourpre, ou de drap d’or, et en la teste porte ung voile de lin pour diademe Royal, et sur celia un bonnet de pourpre, ou d’escarlate, enrichy d’une bordure de fin or” : Audebert (AO) I, 59.
140 Précédent épisode : supra, n. 55.
141 Dès le xiie siècle, il y avait des écoles de droit et de grammaire liées à la cathédrale de Padoue. En 1222, un groupe d’étudiants et de professeurs fit sécession de Bologne et établit des écoles (studium) dans les faubourgs orientaux de la ville (la fondation est attribuée à Frédéric II), qui acquirent le statut de studium generale en 1347 : “studio generale, posto da Federico II” (Alberti 1553, 424v). L’institution de Padoue (il Bo’) est l’université de la République de Venise. Les études de droit (en particulier le droit romain) y attirent surtout en nombre les étudiants de toute l’Europe, en particulier du monde germanique (qui y disposent d’une Natío Germanica qui a constamment dominé l’université) (Siraisi 1973 ; Dupuigrenet Desroussilles 1980 ; sur la faculté de droit : Brugi 1888 et 1905 ; sur les étrangers à Padoue : Fedalto 1980 ; et les Allemands à Padoue : Woolfson 1998, 19 ; Sottili 2001). Le nom de Seyfried Rybisch est présent à l’Archivio antico de l’université le 19 février 1553 : AAUP 459 (1546-1605), f. 104 : Syfridus Ribisch ; en marge : consil. S. C. M(ajesta)tis in camerœ Silesiœ (Knod 1899, 449 ; Zonta 2004, 373, no 1206).
142 Mausolée du Troyen Anténor (frère de Priam), fondateur mythique de la ville, élevé en 1283, dans une ambiance humaniste et sous le patronage de Lovato Lovati (sur le mythe d’Anténor : Fabris 1932 ; Cimegotto 1936-1937 ; Gasparotto 1979 ; Capuis 1990 ; Trapp 1992, 211-215 ; Scheer 1996 ; Braccesi 1997). Il devait symboliser la noblesse et l’ancienneté de Padoue. Le texte n’est pas simple à traduire : nous donnons ici la proposition de Lisa Sophie Cordes : “Le célèbre Anténor, la voix tendue vers la paix de sa patrie, a conduit ici les (H)énètes (Vénètes) et les Dardanides (Troyens) en fuite ; il en a chassé les Euganéens et a fondé la ville de Padoue. Cette demeure taillée dans un humble marbre veille ici sur lui” : Cordes 2006-2007, 2-4 ; voir Fendt 1574, pl. 1 : “Inclitus Ant(h)enor pa’tr’iam vox nisa q’ui’ete(m)/ ’tr’anstulit huc Enetum Dardanidu(m)q(ue) fugas/ expulit Euganeos Patauina(m) condidit urbem/ quem tenet hic humili marmore cesa do-/mus” ; et Chytræus 1594, 195 ; Michalski 1977, 86-87 (fig· 2-3)· Le sarcophage a orecchioni doit être antérieur au mausolée : sur le tombeau d’Anténor en général : Weiss 1969,18-19 : Zampieri, éd. 1990.
143 Le prœtorium est le Palazzo della Ragione (ou Palais du Podesta, dit aussi il Salone). La salle du haut mesure 82 m sur 28 (et 24 m de hauteur). Sa construction remonte aux années 1172 à 1219. En 1306, Giovanni degli Eremitani l’a dotée d’une immense charpente en coque de navire renversée, sans pilier, qui fut remplacée en 1430 après un incendie (Mor et al. 1964). De 1425 à 1440, Niccolò Miretto la décora de fresques en harmonisant de nouveaux sujets astrologiques avec les précédentes peintures allégoriques et religieuses. Montaigne l’admirera : “Il y a une salle la plus grande, sans piliers, que j’aie jamais vue, où se tient leur justice” : Garavini, éd. 1983,161.
144 Sur le mur intérieur occidental du Salone, juste au sud de la Porta delle debite. Le monument est reproduit pour la première fois par Boissard et Fendt (Fendt 1574, pl. 2 ; voir Trapp 1992, 227-230, fig. 31-33 et 34).
145 Il s’agit du buste de marbre (apocryphe) qui couronne le monument, et qui date de 1547 : “et à l’un bout est la tête de Titus Livius maigre, rapportant un homme studieux et mélancolique, ancien ouvrage auquel ne reste (i.e. manque) que la parole” (Montaigne) : Garavini, éd. 1983, 414, n. 337. L’ouvrage n’est pas antique. Il est l’œuvre d’Agostino Zoppo. On remarquera avec intérêt qu’il existe à Padoue (au Museo Cívico) un moulage en plâtre exécuté sur un buste de bronze de Tite-Live conservé à Breslau. Ce “portrait” aurait été réalisé par Zoppo lui-même entre 1545 et 1547 sur la tête de marbre du Salone. Il fut acquis par le Silésien Thomas Rehdiger, lors de la dispersion de la collection d’Alessandro Maggi da Bassano (Frey 1955 ; Wolters 1976, t. I, 169-170, cat. no 42, avec bibl. ; Bodon 1988 et 1989 ; Trapp 1992, 229-232).
146 Cette inscription funéraire antique gravée sur du marbre (CIL, V 2865) a été considérée, lors de sa découverte (entre 1318 et 1324 : Weiss 1969,20-21) près de l’abbaye de Sainte-Justine, comme étant celle du “prince des historiens”, né à Padoue vers 59 a.C. (Zampieri 2003, 49-53 et fig. 13, avec bibl.). On l’a installée en grande pompe dans le mur du Salone, au centre d’un monument comportant son buste apocryphe et diverses épigraphes commémoratives sur bronze. Des générations d’humanistes, dont les noms remplissent une page entière du Corpus Inscriptionum Latinarum – Lovato, Mussato, Pétrarque, Boccace – se trompèrent. En réalité, comme l’établira beaucoup plus tard Marquard Gudius, un savant épigraphiste du Holstein de passage à Padoue, le texte concernait un certain Titus Livius Halys, affranchi de Livia Quarta, fille de Titus, sans doute apparentée à l’historien. La correction fut publiée par Orsato, averti par Gudius, en 1652, mais le monument subsista et se voit encore aujourd’hui dans le Palazzo della Ragione : Orsato 1652 [recte : 1669], 25-34 ; Orsato 1659,155-157 ; sur cette question : La Blanchère 1886,161-162 ; Ullman 1955, 55-79 ; Calabi Limentani 1968, 76, 86, 99,116 et pl. V ; Billanovich G. 1976, 60-61,100 et fig. 47 ; Billanovich M.P. 1969,197-293 ; Pomian 1987,110-113 ; Trapp 1992, 217-218 ; Lachenal 1995, 378 ; Hiernard 1999, 57-58 et fig. 9.
Le texte se lit : V(ivus) F(ecit) / T(itus) Livius / Liviœ T(iti) f(iliæ) / Quartœ l(ibertus) / Halys / Concordialis / Patavi(i) / sibi et suis / omnibus (Lazzaro 1989, 187-189) ; le sacerdoce mineur de prêtre de la Concorde, propre à Padoue, permettant d’accéder à l’augustalat et au sévirat, était réservé aux affranchis ; autres exemples à Padoue : CIL, V, 2869, 2872, 2874, 2875 ; Not. Scav. 1926, 353 ; dans la région : CIL, V, 2843, Mestrino, 2525 = D. 6693, Pernumia, agerEstensis) (Ier s. p.C.) : ce texte a été très souvent relevé par les visiteurs, par exemple Flavio Biondo : Castner, éd. 2005,199 et 331 ; Alberti 1553, 424v ; Chytræus 1594,191-192.
147 Voir le texte chez Chytræus (Chytræus 1594,191). Il date de 1447 (ou peu après).
148 L’inscription, au-dessus de la Porta delle Debite, est presque entièrement détruite. Elle accompagnait un relief qui subsiste encore et qui représente le portrait à mi-corps de Tite-Live (xive-xve s.) (Wolters 1976, I, 169-170, no 42 ; II, fig. 160) (inscription figurée dans Fendt 1574, pl. 3).
149 Cette maison (auj. palazzo Cicogna) se nommait autrefois Casa degli Specchi (“maison des miroirs”) ou Casa di Tito Livio. La tradition populaire voulait y voir, à la fin du xvie et au début du xviie siècle, la maison natale de l’historien. En réalité, ce palazetto a été construit en 1502 par l’architecte Annibale Maggi da Bassano et doit son nom de “maison des miroirs” à l’inclusion dans sa façade de tondi de marbre brillants. Annibale Maggi y rassembla une belle collection d’antiques qui fut poursuivie par ses fils Antonio et Tito Livio, puis par son petit-fils Alessandro Maggi da Bassano junior qui accumula dans les salles intérieures, le jardin et sur la façade, monnaies, médailles, inscriptions et sculptures antiques et de la Renaissance, et se lia d’amitié avec Pietro Bembo et de nombreux artistes. La famille possédait en outre un portrait présumé de Tite-Live (buste romain du Ier s. a.C., aujourd’hui disparu) qui contribua sans doute à la naissance de la légende attachée à la maison. Agostino Zoppo réalisa des copies de cette tête – dont celle qui figure dans le Palazzo della Ragione : supra, note 144. La collection fut dispersée du vivant d’Alessandro (qui céda en particulier un groupe de petits bronzes aux Fugger d’Augsbourg), mais le lapidaire fut préservé et devait constituer le noyau primitif du Museo Cívico (Zorzi 1962 ; Joost-Gaugier 1983 et 1985,142-143 ; Joost-Gaugier 1990 ; Bodon 1991, 33).
150 Pietro dAbano (1257-1315), médecin et penseur, professeur de médecine et philosophie à l’université de Padoue. Victime de l’envie d’un de ses collègues, un médecin qui l’accusa d’hérésie et de magie-nécromancie devant les inquisiteurs. Il ne reçut pas de sépulture chrétienne (Ferrari 1900 ; Burckhardt 1958, t. 11, 9 ; sur le relief de Padoue : Wolters 1976, I, 237, no 170, II ; II, fig. 555). Le relief du Palazzo della Ragione date d’entre 1420 et 1435 (Wolters).
151 Actiolinus tyrannus était Ezzelino III da Romano (1194-1259) qui exerça le pouvoir à divers moments du xiiie siècle, à Bassano, Padoue, Trente, Vérone, Trévise et Brescia ; d’abord allié de la ligue lombarde, il changea de camp et fut vicaire impérial et recteur de la Marche de Vérone de 1236 à 1259. Il fut excommunié en 1254. Capturé à la bataille de Cassano, il mourut en captivité à Soncino (Rapisarda 1965 ; Benfell 2004). Les Guelfes lui firent une réputation épouvantable. Ainsi Paolo Giovio (Giovio 1546, t. I, 41) : Actiolinus Patavinorum Tyrannus, portentum humanigeneris, hac obducta feraliquefronte, hoc atroci pallore, hisque vipereis oculis, suam indomitœ naturæ torvitatem spirans, in Prœtorio Patavii pictus spectatur. L’édition de Bâle, 1575, donne une reproduction gravée de cette peinture par Tobias Stimmer (image reproduite par Eichel-Lojkine 2001, 123-124, fig. 7, et 413, no 328).
152 La célèbre basilique (Il Santo), dédiée à saint Antoine de Padoue (* Lisbonne 1195 - † Padoue 1231), a été commencée en 1232 et achevée en 1307 (complétée de sept coupoles au xve siècle) (Lorenzoni 1981).
153 Le tombeau du saint se trouve dans une chapelle construite de 1500 à 1549, ornée sur ses parois de hauts-reliefs en marbre de Carrare (entre 1505 et 1577) représentant la vie de saint Antoine, par divers sculpteurs (dont Antonio Minello et Jacopo Sansovino).
154 Pietro Bembo (1470-1547), cardinal, poète et prosateur latin illustre. Le monument du Santa est l’œuvre de Michele Sanmicheli (1547), le buste est de Cattaneo (Dionisotti 1966,146 ; Sparrow 1969, 92 et fig. 45 ; Vecce 1997 ; inscription chez Chytræus 1594, 200).
155 Raffæle Fulgosio (1367-1427) était professeur de droit civil à Padoue (Bukowska Gorgoni 1998 ; inscription chez Chytræus 1594, loc. cit. ; monument in Wolters 1976,1, 240-242, no 172 ; II, fig. 567). R. s’est trompé en lisant l’épitaphe : il a pris le mot Emerita pour le nom de l’épouse de Fulgosio, alors qu’il s’agit d’un adjectif qualifiant le mot laus (emeritœ...laudis) (Giovè Marchioli 2011, fig. 17). Le dessin publié par Fendt 1574, pl. 54 ne reproduit que les premières lignes, censée seules s’appliquer à lui. Chytræus 1594,200 : Fulgosius Raphaël virtutum jaspis, utroq(ue) / Jure stupor, tantus qui fama, quantus St orbis / scriptis morte vacat, tam parvo clauditur antro. // Emeritœ prœdigna gerens cognomina laudis / Fulgosus Raphaël conditur hoc tumulo. / Consuluit nemo meliùs, fulsitq(ue) docendo / Cœsareas Leges, Juraq(ue) Pontificum. / Claruit eloquio, quem blanda Placentia forma, / Et genere insignem, mente piumq(ue) dedit. / Cujus anima in pace quiescat.
156 Francesco Alvarotti († 1460), jurisconsulte padouan célèbre, allié de Raffæle Fulgosio (Buiatti 1969 ; Belloni 1986, 328). Voir l’inscription chez Chytræus 1594, 210 et 211, mais il reproduit l’épitaphe des Alvarotti, Alvarotorum monumentum.
157 Erasmo da Narni, dit Il Gattamelata (c. 1370-1443), condottiere vénitien (de 1438 à 1441) surtout célèbre par sa statue équestre, par Donatello (1453), qui se dresse sur la piazza del Santo. C’était la première grande statue de ce type créée en Italie depuis l’Antiquité (Menniti Ippolito 1993 ; sur la statue, citons seulement : Janson 1957,151).
158 S. Maria dei Servi (cedes Servorum Mariæ), église romano-gothique (xive siècle).
159 Paolo di Castro (1360/62-1441), jurisconsulte, docteur à Avignon, puis professeur dans la même ville, à Pavie, Florence (1401), podestat de Viterbe en 1404, professeur à Sienne, Florence, Bologne et Padoue (1429). Son neveu Niccolò lui a fait élever en 1492 un monument dans cette église, ainsi qu’à son fils Angelo (D’Amelio 1979 ; inscription chez Chytræus 1594,198).
160 S. Francesco Grande, église des minori osservanti, édifiée en 1417, attachée à un hôpital.
161 Christophe de Longueil (Malines 1488-Padoue 1522), bien que né à Malines, n’était pas un Germanus comme nous l’avons écrit (Hiernard 2006, 233). Il était le fils naturel d’Antoine de Longueil, évêque de Léon et chancelier d’Anne de Bretagne. Ce fameux humaniste et juriste a fréquenté l’université de Poitiers de 1507 à 1509 (il y enseigne le droit à 19 ans), puis fit une brillante carrière européenne (Adam 1615, 57 ; Simar 1911 ; Favreau 1978a, 567 ; Magnien 1997). Son monument avec épitaphe se trouve aussi chez Fendt (Fendt 1574, pl. 34 ; voir aussi Chytræus 1594,194).
162 L’église des Ermites (Eremitani) correspond aux Augustins, édifice roman construit entre 1276 et 1306, doté d’une façade en 1360, et qui contenait des fresques de Mantegna. Elle a été bombardée en 1944.
163 Les frères du couvent des ermites ont donné, le 21 mai 1546, aux étudiants de la nation germanique des juristes de Padoue, à leur demande, un lieu où ensevelir leurs morts, contre la somme symbolique de 10 écus d’or. L’acte est resté privé. En outre, au début de 1552, la nation a souhaité se voir affecter une portion de paroi bien en vue pour y fixer une inscription. L’acte fut signé le 11 janvier 1552. La nation reçut en don irrévocable la section située entre l’horloge et le monument funéraire des Solimani (elle versa 8 écus d’or). L’inscription, encore visible, fut fixée en face de la chapelle aux fresques de Mantegna, avec les noms des conseillers et des syndics de 1552. En 1564, la nation germanique des artistes eut son propre lieu de sépulture près de la grande porte (Martellozzo Forin 1971).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Tradition et innovation dans l’épopée latine, de l’Antiquité au Moyen Âge
Aline Estèves et Jean Meyers (dir.)
2014
Afti inè i Kriti ! Identités, altérités et figures crétoises
Patrick Louvier, Philippe Monbrun et Antoine Pierrot (dir.)
2015
Pour une histoire de l’archéologie xviiie siècle - 1945
Hommage de ses collègues et amis à Ève Gran-Aymerich
Annick Fenet et Natacha Lubtchansky (dir.)
2015