Première partie
p. 69-127
Texte intégral
1L’édition du texte latin et son index sont accessibles en lignes : http://ausoniuseditions.ubordeaux-montaigne.fr/open-access/docs
I
Premières années : Breslau – Görlitz – Strasbourg
2Mon très cher père1 – louée soit sa mémoire – s’était retiré avec ma belle-mère2 et toute la famille3, à Görlitz, ville fort célèbre de Lusace4, à cause d’une grave épidémie de peste qui sévissait à Breslau, sa ville natale, en 1540 ou 1541 – si je ne me trompe5. Un an plus tard, il rentra chez lui avec le reste de sa famille car le fléau avait beaucoup perdu de sa virulence.
3II y avait alors à Görlitz un homme très versé en latin et en grec, nommé Jean Troger, “physicien” et médecin public de cette ville6, à la férule de qui mon père – louée soit sa mémoire – m’avait confié avant de regagner sa demeure, comme je viens de le dire.
4Peu de temps après, tandis que je m’appliquais à l’étude du latin et du grec chez cet homme, mon très cher père quitta ce monde : ainsi en avait décidé le destin. J’étais arrivé à Breslau trois heures à peine avant son décès, en compagnie de mon précepteur que le conseil de Görlitz avait envoyé secourir mon père pour le cas où il y aurait eu encore quelque chose à tenter : en effet, à cause de certains privilèges qu’il leur avait obtenus du roi Ferdinand7, ces gens lui avaient toujours prodigué les plus grandes faveurs ; c’est ainsi qu’ils honorèrent mon père8.
5Mais, abandonné de tout secours humain par la volonté de Dieu, en novembre 1544, déjà sexagénaire, il s’en remit au destin9.
6On m’avait donné auparavant comme tuteurs Maîtres Sigismond Pucher et Frédéric Gutteter10 qui voulurent que je rentre à Görlitz avec le précepteur dont je viens de parler. Je me livrai chez lui à l’étude des lettres jusqu’en 1545 puis, sur son ordre et ses conseils, je fus envoyé par mes tuteurs poursuivre mes études à Strasbourg, la métropole alsacienne des bords du Rhin.
7Elle était alors bien connue de tous les étudiants d’Allemagne11, car elle abondait en hommes fort savants en latin comme en grec, et regorgeait d’écoliers venus suivre surtout l’enseignement de l’orateur Jean Sturm12. C’est ainsi que, envoyé avec des marchands de Görlitz qui se rendaient habituellement aux foires annuelles de Francfort pour y faire du commerce13, je fis route en leur compagnie par Leipzig, la très célèbre ville de Misnie parée d’édifices élégants et renommée pour son université14, Erfurt – la plus vaste cité d’Allemagne, métropole de la Thuringe – et le pays des Catti et des Hassi15. Nous atteignîmes Francfort-sur-le-Main, la plus fameuse ville d’Allemagne. J’y attendis quelques jours la fin des foires, puis je fus recommandé par mes compatriotes, les marchands qui avaient pris soin de moi, aux Prechter, des marchands de Strasbourg16 (né en 1530, j’avais atteint ma quinzième année depuis septembre, le mois même où nous étions arrivés à Francfort)17. En leur compagnie, je voyageai en voiture jusqu’à Strasbourg : nous traversâmes en quelques jours Mayence, Worms (Wormatia des Vangions) et Spire (Spira des Némètes), et parvînmes à Strasbourg sains et saufs.
8Recommandé par les Prechter au théologien Martin Bucer, hébergé sous son toit et reçu à sa table18, je me livrai donc dans cette école à l’étude des humanités et y demeurai deux ans et demi ; en 1548, je songeai à revoir ma patrie.
9Comme l’époque des foires de printemps de Francfort approchait19, je jugeai commode de regagner ma patrie avec des marchands de mes compatriotes et, les ayant rejoints à Francfort, je suis revenu dans ma patrie par le même chemin qu’à l’aller.
10Je demeurai ensuite chez moi quatorze jours et sollicitai de mes tuteurs la permission de visiter la France pour y poursuivre mes études. Ayant réussi à les convaincre, je décidai de retourner à Strasbourg avec Sébastien Willinger le Jeune20 dont le père l’autorisa à me servir de compagnon de route et d’étude.
Études en France
De Breslau à Paris via Francfort, Cologne et Bruxelles
11C’est ainsi que, une occasion commode nous étant offerte par le courrier de Nuremberg21, nous fîmes route ensemble à travers le reste de la Silésie et de la Misnie, les villes de Dresde, Freiberg, Chemnitz, Zwickau et le Vogtland (pour parler en langue vulgaire)22 et parvînmes enfin à Nuremberg, ville ornée de tant de splendeurs et de beaux édifices et recélant tant de richesses et de marchandises qu’on n’a pas tort de la compter parmi les premières cités d’Allemagne. On y voit deux églises de premier rang, l’une consacrée à saint Sebald23, l'autre à saint Laurent24 : cette dernière paraît assez remarquable par sa beauté, l’autre par son ancienneté, et il s’y s’élève un monument de bronze en l’honneur de ce saint, admirable par le prix et l’excellence du travail effectué25. On peut y voir également un grand nombre d’armes26 et de très vieilles enseignes des patriciens de Nuremberg suspendues, selon leur coutume, en mémoire de ces familles27.
12Je passe sur les fortifications28, l’arsenal29 et tout ce qui, dans cette ville, est bien connu de tout le monde.
13À cette époque-là, l’empereur Charles était à Augsbourg avec son frère Ferdinand, roi des Romains30, en train d’y tenir assemblée31.
14Il y avait là également un très abondant concours de princes de tous les États d’Allemagne. Brûlant du désir de voir cela, j’y dirigeai mes pas et demeurai plus de quinze jours en cette cité ; j’éprouvai la plus grande admiration pour la splendeur, tant de la ville que des princes et pour l’affluence de peuple qui s’y trouvait, puis je m’en allai.
15De là, je parvins à Ulm, très noble et très belle ville de Souabe située sur le Danube, puis, traversant le duché de Wurtemberg et Tübingen, ville fameuse par sa très célèbre université32, j'arrivai à Strasbourg au début du mois de juillet 1548. Je ne sais quelle raison m’y retint avec Willinger presque trois mois complets mais, à l’approche des foires d’automne de Francfort33, nous décidâmes, avant de gagner la France par la Germanie Inférieure34, de nous rendre à Francfort où nous pourrions plus commodément préparer ce qui serait nécessaire à notre voyage, car nous ne doutions pas d’y trouver Nicolas Uthmann avec lequel nous étions en relation pour des questions d’argent35.
16Nous prîmes donc le bateau à Strasbourg, gagnâmes par le Rhin Spire, Worms, Mayence, et arrivâmes à Francfort le 12 septembre. Après y avoir acheté des chevaux et le reste du nécessaire, et nous être adjoint comme compagnon Maître Sebald Saurman36, nous parvînmes à Mayence, ville distante de quatre milles de Francfort.
17Mayence est une fort belle ville, située à l’endroit agréable où le Main, que d’autres nomment Moganus37, descendu de Franconie, mêle ses eaux au Rhin. On y voit un colosse de pierre élevé sur une colline. On l’appelle en allemand Eichelstein38 à cause de sa forme de gland : il a été élevé à Drusus, beau-fils d’Auguste mort en Germanie. L’empereur Louis le Pieux a également été enterré dans cette ville39.
18Ayant pris le bateau à Mayence avec nos chevaux, nous empruntâmes la voie fluviale jusqu’à Cologne : c’est avec une joie et un plaisir extrêmes que nous naviguâmes sur le Rhin, admirant la beauté inexprimable de cette région et sa fertilité. Ses rives, en effet, offraient à nos regards leurs collines couvertes de vignes et semées d’un grand nombre de châteaux, forteresses et villages jusqu’aux murs de la cité de Coblence (cette ville doit son nom au confluent de la Moselle et du Rhin)40. Il nous arriva un accident aussi dangereux que digne d'être raconté. Nous nous étions embarqués, comme je l’ai dit, avec nos chevaux sur un esquif rapide pour voyager plus facilement et plus vite. À proximité de la ville, nous vîmes des canards sur le rivage et l’un de nos compagnons décida de se servir de son arquebuse (de sa bombarda manualis, comme on dit)41. Le bruit et l’éclair de feu firent que l’un de nos chevaux qui était attaché au bateau, choqué et pris de terreur, sauta dans le courant. Luttant contre les flots, le cheval ne s’éloigna pas assez pour éviter de renverser notre barque, et il l’aurait retournée – déjà on avait écopé une assez grande quantité d’eau – si Willinger n’avait promptement coupé la courroie par laquelle il était attaché à la barque : l’animal une fois libéré de la barque, et nous d’un grand péril, nous gagnâmes le rivage pour nous reposer et rattraper le cheval qui s’était réfugié dans une prairie. Que Dieu tout-puissant daigne me protéger à l’avenir de ce genre de danger et des autres !
19Partis de Coblence et passant par les bourgs fort plaisants d’Andernach (Andernacum)42 et de Bonn, nous arrivâmes le jour suivant à Cologne, très célèbre ville, la plus vaste et la plus fameuse d’Allemagne, nommée jadis Ubiopolis parce que c’était la capitale des Ubiens43.
20Cologne est très plaisante par son site comme par la beauté de ses édifices publics et privés. Elle brille par sa célèbre université44 et est ornée d’une très belle église édifiée en l’honneur des trois Mages venus d’Orient offrir des présents au Christ enfant45. On y conserve les corps de ces saints dans un très précieux monument d’argent décoré de gemmes et de divers ornements d’or46. Parmi ces ornements et ces richesses, on peut contempler un onyx large de plus d’une palme, portant diverses images de têtes et de serpents47 et l’on peut voir aussi trois très belles coupes en or offertes par l’empereur Charles Quint à ces trois rois48. Je passe sur le reste du trésor, les gemmes, l’or et l’argent que l’on ne peut énumérer tant ils sont nombreux et variés49.
21Il y a aussi dans cette ville une église consacrée à sainte Ursule où, affirme-t-on, se trouvent son corps et, en un immense tas, les restes des ossements des onze mille vierges qui l’accompagnaient et y subirent le martyre, à ce que l’on raconte50.
22On rapporte également que le corps d'Albert le Grand peut être vu chez les frères prêcheurs51.
23Après une halte de trois jours à Cologne, nous entreprîmes le voyage par terre et arrivâmes à Aix-la-Chapelle (Aquisgrannum)52 le jour suivant.
24La cité d’Aix-la-Chapelle a été restaurée par Charlemagne après sa destruction totale par les Barbares53. Comme, par la suite, il lui a toujours témoigné une faveur particulière qu’il a prouvée par les fréquents séjours qu’il y fit54, il décida finalement, avec l’accord des grands de l’Empire55, que le roi des Romains56 recevrait dans cette cité la première couronne de l’Empire57 et la couronne de fer58, des mains de l’archevêque de Cologne qui compte Aix-la Chapelle dans son diocèse59.
25Il y édifia aussi une église de la sainte Mère de Dieu, réalisation admirable60, et fit transporter pour la construire, de Rome et de Ravenne, des colonnes de métal et des marbres que l’on voit encore aujourd’hui61. On verra dans cette même église son propre monument, car il y est enterré62.
26On voit aussi dans cette ville des thermes où l’on admire diverses fort belles salles de bain pavées de pierres de taille63.
27Nous vîmes dans la domus prætoria ou Palais64 des armes très anciennes et de toutes sortes conservées ici depuis longtemps, que les gens du cru nous dirent avoir constitué l’arsenal de Charlemagne65. Il y avait, de fait, quantité de frondes, balistes, pierres et une foule d’armes de tous les genres, démodées pour notre époque : ce sont là choses dignes d’être vues pour leur ancienneté.
28Partis d’Aix-la-Chapelle, nous traversâmes Maestricht, une cité qui est presque coupée en deux en son milieu par la Meuse. Elle est embellie par un fort beau pont qui réunit les deux parties66.
29De Maestricht nous allâmes à Louvain, une très grande ville connue pour son université67, ornée aussi d’une fort belle domus prœtoria68. Elle s’orne également d’une très belle église située sur sa grand place69, et d’une forteresse assez puissante70.
30De Louvain à Bruxelles : Bruxelles est une belle cité, agrémentée d’un très beau palais ou domus regia71, auquel est joint un parc où l’on élève une immense quantité de daims72.
31À cette époque-là l’empereur Charles s’y trouvait en compagnie de sa sœur Marie, reine de Hongrie73, et il emmenait avec lui le duc Jean Frédéric de Saxe qu’il tenait encore prisonnier.74 Nous y vîmes aussi une femme d’une taille inhabituelle qui suivait la cour impériale, et que l’on présentait comme un monstre de la nature75.
32Venant de Bruxelles, nous arrivâmes à Malines. Cette ville est très belle à voir et elle est pourvue d’édifices superbes. Nous y vîmes des ruines, car une partie de la ville a été abattue en août 1545 par une explosion de poudre à canon enflammée, ainsi qu’une porte de la cité et une grande fraction de murs76.
33C’était un terrible désastre comme on en avait rarement entendu de semblable, car, aussitôt après l’explosion, la ville fut prise d’une telle secousse que tout le monde crut que la fin du monde, ou la destruction de la ville était proche ; cet affreux craquement d’orage avait été suivi d’un éclair nébuleux et d’une puanteur de soufre insupportable, et la foudre du ciel frappa la porte de l’Arène où l’on avait déposé en réserve plus de 800 tonneaux de poudre à canon ; leur soudaine explosion provoqua en ville une confusion telle que personne n’avait jamais vu spectacle aussi étonnant. Cette fameuse porte de l’Arène fut brisée en tout petits morceaux par ce coup violent, mais encore plus les fondations de la tour, bien davantage encore les pierres des murs voisins furent arrachées à leurs fondations mêmes et répandues sur toute la ville. Mais l’embrasement fut si violent, si rapide, que même les eaux des fossés furent instantanément transformées en poussière.
34On releva jusqu’à 300 cadavres tout autour de la tour abattue et jusqu’à 150 blessés graves. Le spectacle malheureux de cette ville éminente si misérablement dévastée et deshonorée s’offre encore à tous les visiteurs qui contemplent les ruines de l’horrible accident.
35Nous y vîmes aussi un oiseau vulgairement appelé Vogelhain [= Vöglein], à peu près de la taille d’un cygne, de couleur blanche et chair mélangée, dont on fait partout bien des contes variés. On raconte que c’était le compagnon de tous les voyages et de toutes les entreprises de l'empereur Maximilien et qu’il le précédait toujours de son vol, se posant sur le toit de la maison où il s’était établi, attendant son départ. Quand il fut accablé par la vieillesse, l’empereur Charles lui attribua le produit d’une taxe annuelle, et il est nourri dans sa propre demeure par une vieille femme qui en prend grand soin77.
36Nous nous rendîmes de Malines à Anvers, l’entrepôt le plus fameux de toute l’Europe par le nombre et la diversité de ses denrées et de ses entreprises78. Elle est ornée d’un beffroi79 et d’une très belle cathédrale80 et se distingue par la magnificence de ses édifices et par sa richesse. Elle est densément peuplée, grâce à un grand concours de marchands allemands, espagnols, français, anglais, danois et d’un grand nombre d’autres pays81. Elle est en outre fortifiée, naturellement et artificiellement, au point de l’emporter sans peine par ses retranchements sur la plupart des villes les mieux défendues d’Allemagne et de France82. Elle est arrosée au nord par l’Escaut que nous traversâmes avant de nous diriger vers Gand, une très grande ville bien protégée par la nature, lieu de naissance de l’empereur Charles83 qui y a construit une citadelle imprenable84 à cause des révoltes populaires85. Nous y vîmes enfermés huit lions vivants, des léopards, et même un ours d'une taille peu commune86.
37Puis nous arrivâmes à Bruges, belle cité peu fortifiée, heureuse autrefois, aujourd’hui misérable. En effet, les Brugeois qui s’étaient soulevés contre le roi Maximilien, l’avaient retenu captif87. Apprenant cela, l’empereur Frédéric était venu libérer son fils avec une armée considérable, et avait transféré les foires de Bruges à Anvers, au grand préjudice de la première cité88.
38Ensuite, après avoir traversé l’Artois et sa capitale, une belle ville vulgairement nommée Arras, nous atteignîmes les terres du roi de France et parvînmes à Ambianum, très belle ville capitale de la Picardie, ornée d’une fort élégante cathédrale89. D’Ambianum, en français Amiens, nous gagnâmes Clarus Mons, en langue vulgaire Clermont90, et de là le bourg de Saint-Denis et Paris, où nous arrivâmes sains et saufs, grâce à Dieu, le 12 octobre 1548.
Séjour à Paris
39Quelques mois plus tard, je suis allé en compagnie de Willinger et de mes autres compagnons au bourg de Saint-Denis déjà nommé pour y voir des curiosités qui valaient le détour.
40Il y a là, en effet, un fort beau monastère où l’on conserve le corps de saint Denis l’Aréopagite91. C’est une fondation des rois de France où ils ont tous coutume de se faire inhumer92. On peut y contempler un grand nombre de tombeaux très élégants, entre autres celui, doré, de Charles VIII si je ne me trompe93, et celui de Louis XII, en marbre très blanc, d’un art merveilleux avec ses belles statues, son sarcophage si élégant et son admirable parure sculptée94.
41Non loin de ce monument, une colonne de jaspe d’une hauteur non négligeable a été élevée par un certain cardinal, comme nous l’apprend la statue qui la surmonte95.
42Au milieu de l’église on voit une croix d’or d’une longueur de 4 ou 5 pieds, d’une valeur inestimable, avec une représentation du Christ coulée en or pur, à ce que l’on dit96.
43Non loin de là et à proximité de cette croix, est suspendue une corne de monoceros – ou de licorne comme on dit – longue de plus d’une coudée, d’une très grande valeur97.
44On conserve aussi dans ce monastère les trois couronnes d’or du royaume de France dont sont habituellement coiffés dans ce même monastère le roi, la reine et le dauphin, fils premier-né ou aîné du roi, selon la coutume et les traditions du royaume. Elles paraissaient avoir une valeur inestimable, car elles sont ornées de très précieuses gemmes, de rubis, de diamants et d’émeraudes98.
45S’ajoute à ces couronnes le trésor des rois et du royaume de France que l’on nous permit de voir99 ; on nous a montré bien des richesses : la coupe de Salomon100, une patère ornée de pierreries101, deux rubis d’une taille énorme et plusieurs autres choses dont je ne puis me souvenir.
46On nous a fait voir deux sceptres royaux dont l’un était en or, et l’autre, particulier aux rois de France, portait à son extrémité une main sculptée en corne de monoceros, à ce que l’on dit, avec deux doigts levés, l’index et le médius, en symbole de justice102.
47On expose aussi la toge et le manteau royaux103, et en outre le glaive et l’épée de Charlemagne, à ce que l’on affirme104, ainsi qu’un grand nombre d’autres armes, très vieilles, de différents rois de France, toutes conservées avec le plus grand soin et le maximum de vigilance105. Un autre trésor, celui du monastère, est présenté par les moines106. On peut y voir des reliques de saints en très grande quantité, ornées d’or et de pierres précieuses107. Parmi les principales, on montre un clou unique qui servit, dit-on, à crucifier le Christ Notre Sauveur108, et un morceau de la couronne d’épines qui fut posée sur la tête du Christ par les soldats avant qu’il soit mis en croix109. Après avoir vu cela, nous sommes retournés à Paris.
48Choses dignes d’être vues dans la ville de Paris :
49Il y a dans la ville deux châteaux-forts, l’un royal, appelé vulgairement le Louvre110, situé sur les bords de la Seine, fleuve qui coupe en deux la ville par son milieu ; l’autre, plus puissant qui fut construit, dit-on, par les Anglais quand ils avaient envahi la France, est situé près de la porte Saint-Antoine, et appelé par le peuple la Bastille111.
50La Seine, qui divise la cité en deux, isole une île qui, reliée à la ville par cinq ponts, est toujours très peuplée.
51Les ponts, couverts de constructions, affectent la forme non de ponts mais de places publiques112.
52Dans la curie, ou palais113 où se jugent les litiges et où siège le premier tribunal de France qu’on appelle le Parlement, on dit le droit pour tous les peuples de France. L'édifice est remarquable par sa taille étonnante et son architecture.
53On y aperçoit un crocodile suspendu, d’une grandeur inusitée114, et aussi une statue de cerf en bois, ornée dune très belle ramure : le roi de France Charles VI en avait placé une en or de même forme et de même taille parmi ses trésors115.
54On voit aussi dans l’église du palais vulgairement nommée la Sainte Chapelle116, nombre de richesses comprenant des reliques de saints consacrées en ce lieu tant par saint Louis que par les autres rois de France.
55Au milieu de l’église, on aperçoit suspendue une patte d’oiseau d’une taille immense (certains pensent qu’il s’agit d’un griffon), encore intacte avec ses griffes117.
56La cathédrale Sainte-Marie, construite avec un art parfait et assez remarquable par sa taille et son ancienneté, s’orne d’un très haut clocher118.
57L’hôpital ou aumônerie des pauvres est très célèbre et très beau ; il produit des revenus annuels fort importants (on dit que son revenu est supérieur à celui de tous les princes de France à l’exception du roi). On y entretient journellement un grand nombre de pauvres et de malades et il a été fondé par Charlemagne119. Hors les murs de la ville, dans les faubourgs mêmes, on peut voit un très beau monastère de chartreux, dont on dit que les revenus annuels dépassent trente mille couronnes120.
58Un établissement public situé à proximité du palais royal, où l’on nourrit quotidiennement 300 aveugles, a été construit par le roi saint Louis pour 300 nobles rendus aveugles par les Sarrasins en Afrique, et ses revenus leur sont consacrés121.
59Le tombeau de Clovis, le premier roi chrétien des Francs, est visible dans l’église Sainte-Geneviève122.
60Le tombeau de Childebert, fils de Clovis, se voit au monastère de Saint-Germain qu’il a lui-même élevé123.
61Le roi Chilpéric, fils de Clotaire, est enterré à Saint-Germain124, le roi Clotaire II, fils de Chilpéric, est inhumé au même endroit avec son père125.
62Childéric II, fils de Clovis II, tué à la chasse avec sa femme enceinte, est enterré avec elle dans l’église Saint-Germain126.
63Une statue d’une taille colossale qu’on appelle Hercule le Grand, fabriquée en gypse, est visible près du monastère des augustins : le roi François avait décidé de la faire recouvrir de bronze s’il n’avait été devancé par la mort127.
64Au cimetière de l’église de la Sainte-Trinité, on dit que le cadavre d’un homme qui y avait été enterré a été réduit en cendres par le feu en 24 heures128.
65Dans le déambulatoire du monastère situé près de Saint-Mathurin, est enterré le fameux mathématicien Jean de Sacro busco129. Dans l’église Sainte-Marie in Campis (vulgairement Notre-Dame-des-Champs), on peut voir le tombeau et l’épitaphe du très érudit Guillaume Budé130.
Cérémonies et festivités
66À l’époque où je me consacrais aux études à Paris, parmi les nombreux spectacles qui s’offraient chaque jour au regard des gens, il me fut donné de voir les choses suivantes qui me semblent les plus dignes d’être notées. Conformément à la tradition et à cause de la proximité de la cour royale, avaient lieu des spectacles toujours nouveaux, triomphes, tournois, joutes, combats navals, partout où se trouvait la cour131. En général, le roi réside dans une forteresse distante de 5 lieues peut-être de Paris et nommée Saint-Germain132, mais à cette époque il habitait parfois plus près, parfois même il entrait en ville (car il n’était pas habituel que les rois de France s’offrent à la vue du peuple avant d’avoir effectué leur entrée publique et solennelle dans quelque grande ville de leur royaume)133. A 2000 pas de la ville s’élève un très beau château, nommé Madrid (qui fut, dit-on, construit par le roi François selon les principes et la forme de celui où il avait été retenu prisonnier en Espagne par l’empereur Charles)134, auquel est accolée une réserve – ou “parc”, comme ils l’appellent – regorgeant de cerfs, daims, biches et bêtes sauvages en tous genres.
67Dans les prés de ce château fut donnée, en mai 1549, par le roi et les autres princes et gentilshommes de la cour, un tournoi à la façon des assauts qu’ils appellent “escarmouches”, conçu avec une extrême élégance et de toute beauté. Ils étaient divisés en cinq bandes comprenant seize cavaliers chacune. Les premiers, vêtus par-dessus leurs armures de soie verte à la façon des Esclavons, et montés sur des chevaux turcs, se formèrent en cercle, au milieu duquel on comptait le roi lui-même ; ils venaient de faire leur assaut quand des Maures et des Ethiopiens, aux armures noires recouvertes de soie blanche, et montés sur des chevaux turcs blancs, les attaquèrent par surprise. Les lances rompues des deux côtés, il en vinrent aux épées et l’on combattit avec ardeur : spectacle très plaisant, par Hercule135 ! Finalement, les Slavons furent mis en fuite et les Maures, gesticulant de joie, faisaient tourner leurs chevaux en cercle quand fit irruption un troisième groupe, vêtu à la mode turque d’une parure de soie rouge par-dessus leurs armures ; ils se battirent un bon moment de la même manière, puis contraignirent les Maures à déguerpir. Tandis qu’à leur tour les Turcs se félicitaient de leur victoire à grands cris et vociférations selon la coutume de ce peuple et faisaient courir leurs chevaux en cercle, des Égyptiens – ou Mamelouks-, revêtus par-dessus leurs armures de vêtements différents de soie blanche ou rouge, fondirent sur eux et combattirent longuement d’égal à égal avec eux, mais furent pressés à leur tour à l’improviste par à peine une vingtaine d’Allemands, vêtus d’un surcot de soie rouge et jaune safran. Voyant cela, Turcs et Égyptiens, auparavant ennemis, s’allièrent soudain et les deux partis réunis combattirent ardemment l’adversaire. Alors les Allemands, en rang serré, déchargèrent d’abord leurs arquebuses qu’ils avaient chargées de papier en guise de balles, puis combattirent longtemps à la pique à la façon des gens de Gueldre dits “cavaliers noirs” ; mais, la victoire ne penchant d’aucun côté, les deux camps se retirèrent. Peu après, les Allemands, qui avaient abandonné leurs arquebuses et leurs piques, revinrent au combat quand on eut repris des lances des deux côtés.
68Une fois les lances rompues, les rescapés en finirent à l’épée avec une telle vigueur qu’ils contraignirent bientôt leurs ennemis à faire demi-tour et à battre en retraite. Une fois terminé le spectacle très plaisant de ce tournoi – ou joute-, le roi, la reine et la suite des courtisans se rendirent au château de Madrid pour y passer la nuit136.
69Le 9 juin de la même année 1549, dans le bourg de Saint-Denis où l’on conserve habituellement le trésor royal, j’assistai au couronnement de la reine de France137, de la famille des Médicis, célébré en l’église de Saint-Denis, sur une estrade construite pour la circonstance, avec force cérémonies, solennités et triomphes incroyables. Les princes de pratiquement tout le royaume, tant ecclésiastiques que séculiers, et toute la noblesse en superbe équipage avaient été convoqués. Le 16 du même mois, le roi Henri fit sa première entrée solennelle dans Paris, capitale et première cité du royaume.138 La splendeur incroyable des équipages, la quantité des costumes, le luxe d’argent, d’or, de pierres précieuses, la pompe, le nombre des convives, celui des tournois, spectacles, triomphes effectués, tout cela, il faut bien avouer qu’il est impossible au spectateur de l’exprimer par des mots. Pourtant j’énumérerai très brièvement l’essentiel de ce qu’il m’a été donné de voir et de me rappeler. D’abord la commune avait élevé à Paris, en l’honneur de l’entrée royale prochaine, des arcs de triomphe, des estrades, des colonnes, des statues, des obélisques, des emblèmes à la façon des anciens Romains.
70À la porte Saint-Denis par où le roi devait entrer, on avait fabriqué un portique consacré à la Force, d’ordre toscan et dorique, très élégamment décoré à l’intérieur d’une peinture qui représentait les travaux d’Hercule selon une disposition aussi belle que possible139. Sur l’arc lui-même en guise de colonnes s’élevaient deux statues de gypse représentant des termes antiques, chacun portant un fort grand croissant de lune d’argent (le roi Henri usait habituellement du croissant de lune comme emblème) et l’on y voyait gravées les lettres suivantes : donec totvm impleat orbem [“jusqu’à ce qu’il emplisse l’univers tout entier”].
71Dans la rue Saint-Denis on avait décoré de diverses belles statues de nymphes une fontaine rejetant avec un bruit fort agréable une grande quantité d’eau par force tuyaux et canalisations, et au sommet on voyait une statue de Jupiter assis sur son aigle : il semblait tendre d'une main le foudre au roi qui s’approchait.
72Toutes les nymphes étaient assises au-dessus de dauphins vomissant de l’eau : c’était là une œuvre, par Hercule, rare et plaisante à regarder140.
73Non loin de cette fontaine avait été élevé un fort bel arc de triomphe d’ordre corinthien presque entièrement doré, décoré de très élégantes statues. Sur sa façade antérieure, une statue de la Gaule parée d’un vêtement doré semblait accueillir d’un visage très joyeux le roi qui arrivait. À l’arrière se dressait Bonus Eventus avec beaucoup d’autres statues.
74Dans la même rue, se trouvait, posé sur une base carrée des plus belles, un rhinocéros de gypse d’une taille énorme, sculpté et peint aux couleurs naturelles, écrasant sous ses pattes des lions, des ours, des loups, des tigres et toutes sortes de bêtes sauvages féroces. Il portait sur son dos un obélisque immense et pointu, couvert de très nombreux signes hiéroglyphiques ; au sommet figurait une statue de la Gaule de taille humaine remettant son épée au fourreau et foulant un globe d’où jaillissaient des flammes141.
75À l’entrée du pont, non loin de la cathédrale Sainte-Marie, on avait élevé un arc de triomphe orné de statues des Argonautes ; au frontispice, on voyait la statue d’un Argonaute tenant un mât avec une voile et l’inscription suivante :
Alter erit jam Typhis, et altera quœ vehat Argo Delectos heroas
76À ses côtés les frères Castor et Pollux, celui de droite argenté et tenant de la main une immense étoile noire, l’autre de couleur noire portant une étoile d’argent. Le passage voûté était décoré d’un tableau fort élégant représentant l’offrande de Phrixus à Mars. Je passe les autres statues d’Argonautes et les ornements fixés, on ne peut plus nombreux142.
77De l’autre côté du pont, un autre arc du même ordre et de même technique que plus haut avait été construit, mais d’une sorte différente pour ce qui est des statues et des ornements143.
78Entre ces deux arcs, le pont apparaît, comme on l’a dit plus haut, rempli de constructions et entièrement couvert, au point qu’une personne non avertie ne penserait pas à un pont, mais plutôt à une rue. Entre les maisons posées dessus, il est entièrement décoré de couronnes de lierre et de divers ornements tenus par des sirènes, au nombre d’une centaine, et les armes et emblèmes du roi s’y mêlent, peints aussi élégamment que possible144.
79À l’entrée du palais, un autre arc de triomphe somptueux avait été édifié, d’ordre corinthien, et orné de colonnes et de statues allégoriques selon une disposition on ne peut plus belle, que je n’énumèrerai pas par souci de brièveté. Mais une statue de la Sagesse, pendant quelques jours, offrait à boire au peuple en pressant ses mamelles du vin clairet en abondance145.
80Les Parisiens, le jour dit, sont sortis saluer et accueillir le roi, en ordre parfait et splendide appareil. Le recteur ouvrant la marche avec l’Université était suivi de toute la troupe des moines et des divers ordres146. La masse du peuple ou des citoyens des classes inférieures, au nombre d’environ 3000, étaient vêtus de soie noire, blanche et verte (le blanc et le noir sont propres au roi, le vert et le blanc à la reine)147. Ensuite marchaient 350 maîtres imprimeurs vêtus de noir et ornés de plumes blanches, puis les officiers inférieurs du palais ou Parlement, au nombre de 150, tous habillés de vêtements mi-partis de rouge et de bleu. Ils étaient suivis par des cavaliers du palais armés de pertuisanes ou “haches à deux tranchants” comme on dit, au nombre de 100, des arquebusiers au nombre de 120 et 60 arbalétriers. Tous étaient vêtus de tuniques ornées d’or et portaient brodé sur la poitrine un navire d’argent (qui correspond aux armes de Paris). Suivaient 120 enfants des classes supérieures en armes148, tous du même rang et vêtus de la même façon pour la plupart, avec des casques d’argent. Pour le reste, quel luxe et quelle richesse dans l’ornement : par Hercule, c’était pour tous un spectacle incroyable à contempler. Pas une parcelle de vêtement, de guêtre ou de chaussure qui soit indemne d’or ou de pierreries.
81Suivaient les présidents et assesseurs du palais et tribunal de Paris, en si grand cortège qu’il serait trop long de le décrire entièrement149.
82Après qu’on eut offert au roi, selon la coutume, les clés de la ville, et que les Parisiens l’eurent congratulé de son heureuse entrée, on revint dans le même ordre qu’on était venu. La cour du roi suivait. En tête marchait le chancelier du royaume, vêtu d’un habit d’or, précédé du sceau royal contenu dans une petite coffret d’or carré, et couvert de soie blanche éclatante, le tout posé sur un coussin doré porté par un cheval blanc150. Deux nobles nu-tête, à pied et vêtus de pourpre l’accompagnaient151. Venaient ensuite les ministres et officiers de la chancellerie, en très bel ordre, vêtus de façon tout à fait splendide152, mais je me tais par souci de brièveté.
83Suivaient de jeunes nobles parés de façon tout à fait somptueuse d’or et d’argent. Ils portaient les casques des nobles de la cour, ornés d’or, de pierreries et de plumes d’autruches du plus grand prix153. Venaient ensuite les princes de la maison du roi, les ducs, les barons, les comtes, les nobles, les préfets, écuyers, échansons, chambellans et autres, parés d’argent, d’or et de pierreries (c’est incroyable à dire) de façon si splendide et si somptueuse qu’ils suscitaient chez tous admiration et stupeur.
84Puis marchaient les Suisses, gardes du corps du roi, au nombre de 100, vêtus moitié de velours noir et moitié de toile d’argent, parés de très belles plumes, en fort belle disposition. Puis les trompettes du roi vêtus de velours noir et de bandes d’argent.
85Ensuite les appariteurs du roi qu’on appelle hérauts, en tuniques de velours violet brodées de 3 lis d’or154.
86Treize jeunes pages du roi, chevauchant de nobles montures du roi, suivaient en vêtements d’argent.
87Quatre nobles se succédaient, habillés de toile d’argent. Ils montaient des chevaux du roi, somptueusement parés d’argent et de perles, et allaient la tête nue. Le premier portait le manteau royal, le deuxième le chapeau, le troisième les gants et le quatrième le casque couronné. Ils étaient suivis par deux maîtres de la cavalerie revêtus de drap d'or par-dessus leurs armures155.
88Puis venait le cheval blanc du roi, recouvert de velours bleu semé de lis d’or brodés, la masse dorée et l’épée royale pendant de la selle, conduit par quatre nobles à pied vêtus de velours blanc et nu-tête156.
89Le préfet de la maison royale que l’on appelle le connétable, ce qui en France est le plus élevé de tous les offices, vêtu d’un habit d’or, portait le glaive dégainé devant le roi157.
90Puis marchaient à pied ceux que l’on appelle les laquais du roi, vêtus de toile d’argent.
91Le Roi chevauchait un cheval blanc paré d’argent. Il avait une tunique d’argent ornée de perles et de pierreries, un chapeau fait de fils d’argent, resplendissant de plumes blanches et d’un très précieux diamant ; il s’avançait sous un poêle, comme on dit, de velours bleu semé de lis d’or brodés, que portaient les premiers tribuns de la ville de Paris qui l’accompagnaient158.
92De chaque côté du roi marchaient 24 gardes du corps très somptueusement ornés d’or et d’argent.
93À pied s’avançaient 16 nobles des écuries du roi, vêtus de toile d’argent et de velours vert, de guêtres blanches et de chaussures dorées.
94Deux nobles chambellans du roi étaient habillés de velours blanc fendu et retissé d’ornements d’or159.
95Ces deux chambellans du roi étaient suivis des ducs de Guise et de Longueville, vêtus d’habits d’or de dessus et de dessous160.
96Ils étaient eux-mêmes suivis enfin par les autres princes et ducs de France et les princes du sang, parés, eux-mêmes et leurs chevaux, d’or, d’argent, de perles et de pierres précieuses avec un luxe incroyable161.
97200 nobles en armes, gardes du corps du roi, tous habillés de la même façon de tuniques de velours noir semées des emblèmes royaux cousus en argent. Sur un cheval paré de façon identique, l’un d’eux portait la lance peinte en noir et blanc, posée contre sa jambe162.
98Les trois capitaines des gardes du corps du roi étaient on ne peut plus somptueusement parés d’or163. Les suivaient 400 gardes du corps du roi à cheval et armés que l’on appelle archers. Ils s’avançaient dans un grand cliquetis d’armes, parés de tuniques de velours moitié argent, moitié noir, et portaient des lances de même couleur.
99Pour clore le tout, de jeunes nobles, eux-mêmes serviteurs des nobles de la cour et des gardes du corps royaux susdits fermaient le défilé.
100Les jours suivants, c’est à dire le 18 du même mois, le reine suivit le roi et fit son entrée solennelle dans la ville de Paris, une entrée qui se passa dans un luxe et une splendeur extrêmes, puisque tous les accompagnateurs armés du roi étaient vêtus, de façon on ne peut plus splendide, d'habits de soie argent et or en l'honneur de la reine et que presque tous avaient changé leurs ornements164.
101Les Parisiens de la classe supérieure étaient sortis de la ville, pour la plupart seulement ceux qui étaient les plus riches et avaient revêtu les couleurs de la reine, le blanc et le vert165. Le préposé aux citoyens et aux prisons qu’on nomme vulgairement le prévôt, qui était en armes lors de l’entrée du roi, était ce jour-là paré d’une tunique brodée d’or et de soie pourpre166. L’un de ses nobles le précédait, chevauchant un très beau cheval espagnol, en fort somptueux équipage167. Deux jeunes nobles le suivaient tous deux à pied, vêtus de velours “de couleur foie”.168
102Les citoyens les plus jeunes de la classe supérieure qui avaient participé en armes au défilé en l’honneur du roi, comme nous l’avons dit plus haut, avaient ce jour-là revêtu du velours blanc tout découpé en petites lanières et des ornements rebrodés de vrilles d’or.
103Les princes, comtes et nobles de la cour avaient changé de vêtements et même d’ornements afin que leur pompe en fût plus brillante : ils s’avançaient vêtus avec un luxe incroyable, les uns de drap d’or, d’autres de drap d’argent, d’autres de soie où l’on avait fixé des ornements dorés169.
104Le chancelier portait un vêtement brodé d’or et de pourpre, mais le sceau royal était absent.
105Les ambassadeurs des divers rois et princes qui n’avaient pas assisté à l’entrée du roi venaient, chacun accompagné d’un évêque, dans l’ordre suivant : en premier, l’ambassadeur de Ferrare, les trois ambassadeurs vénitiens, en cinquième place celui de l’Ecosse, en sixième l’ambassadeur du roi d’Angleterre, en septième celui de l’empereur, en huitième le légat du pape, les évêques ornés de mitres épiscopales vertes, tous marchaient en ordre impeccable et avec gravité.
106Suivaient les gardes suisses du roi, leurs trompettes et hérauts suivants dans le même ordre que le jour précédent. Deux pages nobles vêtus de toile d’argent et nu-tête chevauchaient des montures blanches, leurs caparaçons d’argent pendant jusqu’à terre ; le premier portait le manteau de la reine, le second un coffret où étaient conservés des pierres précieuses et des bijoux royaux.
107Le premier écuyer, habillé de velours blanc découpé et rebrodé d’ornements d’or, montait un cheval recouvert d’un caparaçon d’argent pendant jusqu’au sol.
108Venait ensuite le cheval blanc personnel de la reine orné d’argent et de fort belles plumes, monté par un page vêtu de toile d’argent.
109Le cheval de parade de la reine, tout blanc, orné d’un caparaçon de toile argentée, était mené par deux nobles des écuries de la reine, à pied de chaque côté, nu-tête et vêtus de manteaux de velours blanc et de cuirasses d’argent.
110Deux enfants nobles suivaient, vêtus d’argent et portant les ornements et les plumes dudit cheval de parade.
111Les pages des écuries de la reine s’avançaient à pied, vêtus de soie blanche et verte.
112200 gentilshommes de la maison du roi, vêtus de diverses façons, avançaient à pied, portant leurs hallebardes ou mallia (sic) qu’ils ont l’habitude de manier170.
113Les suivaient deux de leurs capitaines, parés d’or et de perles le plus somptueusement du monde171.
114Les laquais de la reine, tous vêtus de toile d’argent.
115La reine était assise avec Marguerite, la sœur du roi, dans un char triomphal revêtu d'argent, tiré par des mulets recouverts de toile d’argent et montés par deux pages également habillés d’argent172.
116La reine avait un manteau doublé d’hermine, orné d’or et de pierreries. Elle portait sur la tête une couronne d’or brillante de pierres précieuses.
117La sœur du roi, assise du côté opposé du véhicule portait un manteau ducal chargé d’or et de pierreries. Un poêle de toile d’or fixé à 4 hampes était porté par les mêmes tribuns de la ville de Paris qui avaient porté celui du roi.
118Près de la reine à droite, le connétable habillé d’un vêtement doré ouvrait la marche en tenant le bâton d’argent173.
119À gauche, Monsieur de Saint-André, chevalier d’honneur de la reine – ce qui est un office particulier à la France – vêtu d’un habit d’argent, avait un cheval également blanc et orné avec le même faste174.
120Le suivaient deux chambellans de la reine vêtus de velours blanc et portant des bâtons d’argent.
121De chaque côté de la reine se tenaient deux cardinaux vêtus de pourpre et coiffés de bonnets sacerdotaux175.
122Près du char de la reine marchaient 4 écuyers vêtus d’argent et portant des pourpoints de velours blanc attachés sur l’épaule.
123On avait disposé en outre tout autour quatre-vingts (sic) gardes du corps du roi qui se servaient de manteaux faits de velours blanc et ornés d’or et d’argent176.
124Suivaient les épouses des princes, des comtes et des premiers de la cour, au nombre de 22 si je ne me trompe, montées sur des chevaux de parade recouverts de toile d’argent et elles-mêmes vêtues d’argent, à l’exception d’un très petit nombre de veuves ; chacune d’entre elles était accompagnée d’un grand de la cour. Selon la dignité de leur rang, chacune était ornée d’une couronne ducale ou comtale, d’habits et de manteaux décorés de pierres précieuses et de perles avec deux chambellans splendidement vêtus pour soutenir leur traîne, comme on dit, c’est à dire l’extrémité de leur vêtement et deux laquais à pied habillés de soie blanche derrière eux177.
125Venaient ensuite trois véhicules entièrement argentés et recouverts de toile d’argent : dans chacun d’eux étaient assises six nobles dames, toutes vêtues de toile d’argent ornée de perles très précieuses. Quatre chevaux blancs décorés d’ornements d’argent tiraient chacun des chars et le cocher lui-même était vêtu de la même façon, spectacle bien plaisant, par Hercule !
126Après tout le monde venaient les gardes du corps du roi avec leurs capitaines, le reste de la cour et les nobles : fermant la marche, ils contenaient la cohue de la multitude qui s’ensuivait.
127La ville de Paris offrit au roi une colonne d’or triangulaire haute d’une coudée et dorée, ornée de statues et d’armes emblématiques ; en haut se voyait un palmier copié d’après nature, auquel était suspendue une planchette où étaient gravés ces mots : Magnum magna decent [“Les grandes choses conviennent à un grand roi”]. Il était entouré de trois rois, Louis XII, François Ier en toge, et Henri II en tunique.
128Sur la base étaient assis les trois dieux Mars, Pallas et la Justice et je ne dirai pas de quels ornements elle était par ailleurs entièrement décorée. J’eus l’occasion de les voir chez l’orfèvre et ensuite dans la chambre à coucher du roi178.
129Ainsi donc, pendant son séjour d’un mois entier à Paris, le roi a été occupé à des exercices équestres, à des jeux de lances, des tournois aussi bien à pied qu’à cheval et chaque jour apportait un spectacle nouveau jamais vu auparavant. Il est impossible, vu le nombre et la variété des spectacles, de raconter la splendeur et la diversité des vêtements et des armes, de dire quelles dépenses, quels triomphes furent accomplis.
130Les Parisiens avaient élevé en un lieu public un très vaste enclos de planches destiné à la course où se déroulaient les tournois, deux arcs de triomphe à ses extrémités et un théâtre au milieu d’où la reine et sa famille pourraient contempler les tournois et les courses179.
131Le premier arc était orné de deux statues, de très hautes colonnes d’ordre dorique et de trophées et dépouilles antiques : l’une était une statue équestre de Belgius sur un cheval dressé et s’apprêtant à sauter, l’autre une statue de Brennus ornée comme la première. Il y avait inscrit (d’un côté) :
Gallo totivs Asiae victori, memores nepotes
de l’autre :
Evropæ dominorvm Gallo domitori vindices Galli trophævm erexere180.
132L’autre arc était très beau à voir, avec sa triple disposition et ses très élégantes statues équestres181.
133Dans une île de la Seine, on avait élevé un fort en bois qu’on appelait “la Nouvelle Boulogne”, pour y donner en spectacle une bataille navale, et on avait fabriqué une trentaine de bateaux différents par les couleurs et les étendards, d’une très belle allure, à la façon des trirèmes qu’on appelle galères. Le fort était attaqué de tous côtés à partir du rivage par des machines de bronze (des canons), puis assailli par le reste des trirèmes : cela faisait une fort belle naumachie, mais malheureusement, un des bateaux ayant coulé, de nombreux nobles moururent et cela rendit la fin du spectacle tragique.
134On mit le feu également la nuit à une tour de bois édifiée près du fort et à deux navires qu’on avait remplis de poudre à canon et d’instruments à feu182 et l’on donna plusieurs autres spectacles fort plaisants qu’il serait trop long de décrire tous183.
135Le 23 juin, veille de la Saint-Jean Baptiste, sur la place Saint-Jean avait été installé un bûcher d’une hauteur immense que le roi enflamma de sa propre main afin de célébrer, conformément à la coutume, le souvenir de saint Jean. En présence de la reine et de toute la cour, l’air crépitait, pendant ce temps, du bruit des canons des bateaux : il s’agissait du plus grand des triomphes184.
136Quelques mois avant l’entrée du roi dans sa ville de Paris, la fille du duc de Ferrare, qui avait été fiancée au duc d’Aumale, à présent appelé duc de Guise, est arrivée à Paris (ce que j'avais oublié) : pour la saluer, le cardinal de Lorraine avec presque tous les princes de la cour et les Parisiens eux-mêmes sont sortis de la ville et l’ont accueillie en grande pompe185.
137Après être demeuré à Paris à peu près une année entière, je décidai donc de gagner Orléans et d’y séjourner quelques mois. Ainsi, en l’agréable compagnie de Maître Willinger186, de Maître Sebald Saurnia (sic pro : Saurma)187 et de S. Schultheis188, je pris le chemin d’Orléans, le 25 septembre 1549.
De Paris à Angers
138Itinéraire de Paris à Orléans :
De Paris à Bourg-la-Reine | 2 lieues |
À Longjumeau | 3 |
À Montlhéry | 2 |
À Châtres189 | 3 |
À Étréchy | 2 |
À Étampes, assez belle place forte190 | 2 |
À Angerville | 6 |
À Toury | 4 |
À Artenay | 4 |
À Aurelia, vulgairement Orléans | 6 |
139Orléans est une très belle ville fortifiée191 autant que plaisante par son site, sur les bords de Loire, premier fleuve de France, ce qui la rend très agréable.
140Elle est fameuse pour sa très célèbre université192 et abonde en gens de toutes nations versés dans le droit.
141Elle s’agrémente aussi de deux très belles églises dont celle dite de la Sainte Croix, fort élégante d’aspect193. Elle est également pourvue d’un très beau pont de pierre au milieu duquel on peut voir la statue de bronze de Jeanne de Lorraine en armes, la pucelle qui, quand les Anglais assiégeaient Orléans en 1427 (sic)194, les obligea à déposer les armes. À côté d’elle s’élève une statue de bronze de Charles VI (sic), le roi de France qui régnait à cette époque195.
142C’est ainsi que, pendant les six mois environ que je passai à Orléans196, j’éprouvai de plus en plus le désir de visiter davantage de sites français mais c’était en fin de compte Poitiers qui me plaisait et je voulais depuis longtemps me rendre de préférence dans cette université : je décidai donc de gagner cette ville à la première occasion qui se présenterait à moi. L’année 1550 était commencée quand le hasard voulut qu’au mois de février je rencontre à Paris Sébastien Willinger qui avait pris la décision de regagner sa patrie car il était toujours d’une santé délicate197.
143Revenu à Orléans quelques jours plus tard, j’y demeurai jusqu’au 8 mars, puis je pris un bateau avec Melchior de Salhausen, de Misnie198, car nous étions convenus de visiter Angers et la Bretagne avant d’aller à Poitiers : nous descendîmes le fleuve jusqu’à Angers.
144Itinéraire d’Orléans à Angers par la Loire :
D’Orléans à Meung | 5 lieues |
145On élève dans ce bourg une grande harde de très nobles juments turques, espagnoles et napolitaines, que le roi conserve habituellement pour la reproduction dans les prés de cet endroit tout à fait approprié199
De Meung à Beaugency | 2 |
146Il y a là un pont élégant, le plus long de tous ceux de la Loire200.
De Beaugency à Blois | 10 |
147Blois, ville très élégante, a pour ornement un très beau château royal201. Près du château est établi un jardin royal où l’on entretient avec le plus grand soin et à grands frais toutes sortes d’herbes et d’arbres, d’une façon bien digne d’un roi202, et où l’on voit un labyrinthe fait de bois, de façon extrêmement adroite203. Près du labyrinthe, (se trouve) une très belle fontaine décorée de statues de marbre et de bronze et d’ornements fort bien travaillés204. Il y a également à la porte de ce jardin une biche en bois recouverte d’une peau de cervidé et portant de très grands bois à 24 ramures, cadeau du marquis de Bade au roi de France Louis XII, à cause de son caractère exceptionnel (comme l’indique la tablette qui y est suspendue)205.
148Au sud, à deux ou trois lieues de la ville, dans un endroit marécageux se trouve le plus beau château du royaume de France, qui a nom Chambord206 : il est admirable avec son architecture de pierre très blanche et on ne peut s’expliquer tout l’art, la beauté, la dépense ni l’agencement des salles qui ont présidé à sa construction ; c’est quelque chose, par Hercule, qui est bien digne d’être vue.
De Blois au château de Chaumont207 | 5 |
De Chaumont à Amboise | 5 |
149Amboise est une belle cité : son très élégant château royal208 construit par le roi Charles VIII est orné dans sa plus grande partie de salles et de chambres dorées. Il comporte deux tours épaisses et d’une solidité particulière, qui sont couvertes à l’intérieur de briques disposées en écailles de tortues à partir de la base (le château est en effet situé en un lieu assez élevé, et l’on a la possibilité de monter en voiture ou à cheval jusqu’au sommet)209.
150On peut voir dans le château, sculptée sur le vif, une statue du roi de France Charles VIII (sic)210 qui l’a fait construire.
151Dans une chapelle privée du château on peut voir des carapaces de tortues d'une taille étonnante et des ossements de baleines.
152Devant l’entrée du château à droite, se trouve un local où l’on voit accrochés des bois de cerf (offerts par un roi de Chypre à un roi de France, comme on nous l’a raconté), d’une taille incroyable car certaines ramures dépassent une coudée de longueur211.
153Non loin de cette chapelle, dans une maison privée, on nous montra un groupe de sept civettes qu’on y élevait sur ordre du roi. Cet animal, de la taille d’un renard au corps allongé mais aux pattes plus courtes, ressemble par la tête à la martre mais a la couleur du blaireau qu’en allemand on appelle ein Dacgβ, avec la queue d’un félidé ou d’un chat quoique plus fournie et de couleur alternativement blanche ou grise et noire, émettait un grognement de porc. Il porte sous la queue une petite poche d’où, lorsqu’il est adulte, l’on retire le fameux parfum de civette, de la taille d’une cuillerée : la maison tout entière et le voisinage étaient alors imprégnés de cette intense odeur partout répandue212.
D’Amboise à la cité des Turons, vulgairement nommée Tours | 7 |
154La très belle cité de Tours abonde en toutes sortes de marchandises, mais principalement en vêtements d’or et de soie que l’on y tisse en grandes quantités213. Elle est surtout réputée pour produire les meilleures armes de France214. Elle est ornée de deux belles églises dont celle dite de Saint-Martin, qui est très ancienne : on prétend que le corps du saint lui-même y est enterré, car il a exerçait jadis les fonctions d’évêque de Tours215.
155L’autre est la fort belle cathédrale Saint-Gratien (sic), agrémentée de ses deux tours-clochers, d’un art et d'une architecture très élégante216. On peut voir aussi dans cette même église une horloge fort célèbre pour sa technique où se déploie toute la marche du ciel et des planètes217 ; elle est comporte bien d’autres ornements étonnants et fort plaisants. De l’autre côté de la Loire se trouve le très beau monastère Saint-Martin dont les revenus, à ce qu’on affirme, sont les plus élevés de tous les monastères français218.
156Saumur n’est pas une grande cité, mais elle est très plaisante tant par son site que par son apparence ; construite en pierre blanche, elle offre un fort beau spectacle à ceux qui arrivent en bateau. Un assez beau château se dresse sur une colline près de la cité221.
De Saumur à Andegavum, autrement dit Angers | 10 lieues |
Angers : le tombeau de Jean Obvier
157La très belle ville d’Angers est fameuse par sa très célèbre université222. Il y a en ville un château extrêmement fortifié et très puissant grâce à ses fort nombreuses tours ; il est construit selon une technique plus ancienne223.
158La très belle église Saint-Maurice224 est ornée de monuments et d’épitaphes fort élégants, entre autres le monument du doyen qui a été bâti avec un art extrême et à très grands frais : il est décoré de statues de bronze et de marbre et constitué de pierres très blanches, en grande partie dorées225.
159De l’autre côté de l’église est enterré Jean Olivier, évêque d’Angers, homme fort savant et bien connu226, avec l’épitaphe suivante227 :
160Sur le côté inférieur228 :
Janus Oliuarius jaceo hic sub marmore duro.
Istius œdis eram Prœsul et immeritus
Peccavifateor (quis enim offendisse negabit ?)
Ast veniœ in Christo spes mihifirmafuit.
Qui nostrum gratis abstersit (sic pro : abstergit) morte reatum
Et nos non nostrisjustificat meritis
Hanc spem vosfratres prœcibus votisque juvate.
Manibus ut nostris pax sit, et alta quies
Ac mortis memores bene vivite et usque valete
Sitque eadem vobis post abitum (sic pro : obitum) requies.
161À la tête229
Mortuus ecce licet jaceam, vivo tamen et te
Hospes, nilsuper hac morte timerevelim.
Ipse abii, haud abii (sic pro : obii) nec mors hœc vera putanda est
Parte ego cum vivam nunc meliore mei
Mors (sic pro : nox)230 oculos tantum premit, et sopor occupat artus
Purius ac melius mens animusquevigent.
Membra operit tellus, ea donec Christus ab alto
Excitet hœc spes est, quæ piacordafovet.
Hancprœcor hospes habe hac disces (sic pro : discas) contemnere lœtum (sic pro : letum)
Et melius vitœ noxia quœque feres.
162L’évêque a écrit peu avant sa mort autre chose sur lui-même231 :
Inquirís hospes qui sim ? non sumamplius.
quid agam ?putresco (sic pro : quiesco)232 et vermium greges alo
quifuerim ? ineptus Janus Olivarius.
Peccator vivus (sic pro : unus) omnium prœmaximus.
Vnde ? urbe natus nobili in Lutetia (sic pro : nobili Lutetia)
Quo functus olim munere in republica
Primum Archiabbas Andium post pontifex
Quæ otia ? sacratas paginas evolvere
Quid hac in urna superat ? ossa et cinis
At quo animus, hospes contine scire, hoc nefas Arcana divum non decet scrutarier
Neu quid negoti si tJovi cummanibus.
Satis superque nosce (sic pro : nosse) erit fidelium.
Postfata mentes non morí, at quiescere.
Donec resurgunt (sic pro : resurgant) in priore corpore
Augustiore quam antea, fœlicius
Victuræ in œvum cum beatis omnibus
Jam nocti (sic pro : nosti) abunde quifuerim, at altissimis
Quando in tenebris nequeo nunc te agnoscere.
Saltem hospes unum hoc tete ut agnoscas rogo
Optesque veram mortuis pacem omnibus.
163Autre chose encore, du même (prélat)233 :
Pedem viator siste specta paululum
Hœc alta moles quam vides non tollitur.
Surgitve in auras, mortui hujus gratia
Cujus cadaver jam solutum in pulverem
Penitusque ad esum vermibus, non indeget (sic pro : indiget)
Tot arte sculptis lapidum acerviso brui.
Cul deesse tellus neutiquam poterat levis,
Sed nec sopore in tam profundo sensum (sic pro : sensuum)
Pictis Chymœris aut notis inanibus
Afficitur, ut vos vitam adhuc qui vivitis
Et quantum ad umbras luce cassas attinet
Tumuli levisjactura, et urna qui caret
Cœlo Joveque melius regitur (sic pro : tegitur), ut dictitant
Hic totus ergo tragicus ornatus tibi
Viator positus est, et ob causam tuam :
Oculos videlicet huc ut obvertas tuos
Et has sophorum perlegas sententias.
Queis subeat animo temet esse obnoxium
Fato, atque vitœ tœdeat miserrimœ
Quœ nec (sic pro : ne) horulam quidem obtineat unquam satis
Tutam ac quietam mortis ab insultibus
Quœcunque spectas scilicet eo maxime
Spectant : ut hœc memoria mortis te instruat
Omnia caduca etfluxa, quœ ceu maxima
Stupidi, leves, et inscii tam maxime
Mirantur hommes, more magna miri (sic pro : magnanimi) Herculis
Ut monstra terrœ (sic pro : tœtra vel torva) perdomare, ac fortiter
Calcare, flocci, nauci nihilipendere.
Vitamque puram heroicam (sic pro : heroicamque) ducere
Et quœ ad supremam illam et perennem gloriam
Jugiter anhelet, quam Deus, speram, tibi (sic pro : sperantibus)
In se paravit, ut optimus sic maximus
Collige viator, si hœc sapis, quid didiceris (sic pro : didisceris)
Oculisque quantum debeas hodie tuis
Ijam precare manibus pacem, et VALE.
164Ce monument fort beau est entièrement décoré de portraits sculptés des hommes illustres suivants, chacun accompagné d’une pensée inscrite au-dessous234 :
(1) Moyses
Pulvis es, et in pulverem reverteris235
(2) Priamus
Fuimus Troles (sic pro : Trœs),fuit Ilium.236
(3) Aristoteles (sic pro : Epicurus)
Vita malis plena est, post mortem vera voluptas237
(4) Orator.
Qui mortem metuit, Philosophus non est ; quippe aliam nescit vitam.238
(5) Horatius
Debemus morti nos, nostraque239
(6) Ovidius
Morte carent animad240
(7) Cicero
Nemo lugendam censet mortem quam immortalitas sequitur241.
(8) Paulus (sic pro : Plutharcus)
Bonam vitam mors bona commendat242
(9) Diogenes (sic pro : Terentius)
Omnium rerum vicissitude est243.
(10) Æschines (sic pro : Æschylus)
Pejus (sic pro pejor) est morte, te morí spe mortis (sic pro : timor ipse mords)244.
(11) Cato
Spem retine, spes una hominem nec morte relinquit245
(12) Judas Machabæus.
Sancta et salubris est cogitado pro defunctis exorare246.
(13) Seneca
Nemo tam divos habuit faventes, crastinum ut posset sibi polliceri247.
(14) Solon
Ante obitum nemo fœlix248
(15) Plato
Tota vita sapientis, mortis est meditatio249
(16) Hiob
Homo quasiflos egreditur et conteritur250
(17) Persius
Vive memor leti, fugit hora251.
(18) Juvenalis
Mors solafatetur, quanta hominum sunt corpuscula252
(19) Vergilius
Ubique luctus, ubique pavor et plurima mords imago253
(20) Musœus
Mortuus in portu est, at (sic pro : ast) nos nauigamus (sic pro : jactamur) in undis254 (21) Euripedes (sic)
O quam miserum est nescire mord255.
(22) Trime : (sic pro : Trimegistus)
Boni mortem ut bonorum omnium maximum optant256
(23) David
Quis est homo et non videbit mortem257.
(24) Ptolomeus (sic)
Nemo mortem hilaris excipit nisi qui se ad eam diu composuerit258
(25) Orphœus
Conciliat divos pietas et tartara vincit259.
(26) Bœcius
Mors hominum fœlix260
(27) Homerus
Mors optanda viris, requies ea certa laborum261.
(28) Pindarus
Quid est ullus, quid nullus : umbre, somnium, homo262
(29) Hesiodus
Corpus humum, cœlos mens, spiritus oppetit (sic pro : appetit) auras263.
(30) Paulus
Mihi vivere Christus est, et morí lucrum264
(31) Idem Paulus
Cupio dissolui et esse cum Christo265.
165Nous étions à Angers depuis un mois environ lorsqu’arrivèrent de Poitiers Maître Jean Baptiste Daum, Franconien266, Maître S. Schultheis de Haguenau267 et Maître Eusèbe Hedio de Strasbourg268 avec lesquels j’avais entretenu auparavant à Paris des relations amicales ; pour se divertir, ils avaient décidé de se rendre au Mont Saint-Michel. Comme cette compagnie fort opportune s’offrait à moi, et que j’avais souvent dans le passé fortement souhaité trouver l’occasion de visiter ce lieu, nous nous embarquâmes le 23 mars à Angers, et décidâmes de visiter Nantes, ville la plus célèbre de Bretagne et port maritime très fameux, avant d’entreprendre le voyage projeté. Au fil de la Loire, nous avons donc emprunté l’itinéraire suivant, brièvement résumé :
d’Angers au Mont Saint-Michel et retour
166Itinéraire d’Angers à Nantes :
D’Angers au château de Serrant269 | 3 |
167Au château de la Possonnière270 :
en face se trouve le château de Rochefort271 | ½ |
À Champtocé : en face se trouve le château de Montjean272 | ½ |
À Ingrandes | 2 |
168Près de cette bourgade on voit une colonne élevée pour marquer la frontière entre la Bretagne et le duché d’Anjou273
À Saint-Florent | 2 |
À Ancenis | 3 |
Au château d’Oudon274 | 2 |
À Saint-Sébastien | 3 |
À Namnetum, vulgairement Nantes | 1 |
169Nantes n’est pas une grande cité mais elle est belle et se situe presque à l’embouchure de la Loire ; les bateaux de mer peuvent pousser jusqu’à ses murs en remontant le fleuve, mais pas les plus grands toutefois. Dans cette ville paraît en permanence un nombre considérable de marchands, et surtout, en temps de paix, des Espagnols et des Flamands275.
170Sur la rive de la Loire, dans la ville même, se trouve un château-fort très puissant276. On y voit aussi un pont très long qui mesure, dit-on, 2000 pas. On prétend que c’est la Loire qui, à cause de son débit, a constitué des îles277.
171De Nantes, nous commençâmes le voyage par terre jusqu’au Mont Saint-Michel en passant par la Bretagne.
172Itinéraire de Nantes au Mont Saint-Michel :
De Nantes à Héric | 4 lieues |
À Malecot | 2 |
À Nozay | r |
À Mouais : à côté se trouve un beau château nommé Darve (s/c)278 | 3 |
À Bain | 3 |
À Pont-Péan | 4 |
À Rennes | 2 |
173La cité des Rédons, vulgairement nommée Rennes, métropole de la Bretagne, est une ville élégante et bien fortifiée.
De Rennes à Saint-Aubin | 3 |
À Armanaty279 | 3 |
À Pontorson | 4 |
174Pontorson est un port de mer avec un bourg assez élégant ; on peut y voir sur le littoral une forteresse très bien équipée280.
175De là jusqu’au Mont Saint-Michel 2 lieues Ce mont, situé sur un promontoire mais dans la mer même, n’offre d’accès qu’à marée basse. Le bourg qui entoure entièrement le rocher en spirale jusqu’en haut possède à son sommet une église dédiée à saint Michel, en un site superbe281. On y conserve de nombreuses reliques mais surtout le bouclier et le scutio de saint Michel, à ce qu’on dit282. C’est du nom de cet endroit, j’ignore la raison qui en fournit le prétexte, que tous les rois de France ont pris l’habitude de porter le collier torsadé qu’on appelle ordre de saint-Michel283.
176On voit également dans cette église l’épitaphe du célèbre théologien parisien Bède le Vénérable (sic) dont on dit qu’elle aurait été gravée dans le bronze par un ange descendu du ciel284.
177Le mont lui-même est extrêmement fortifié, tant par la nature de son site que par la technique : il s’élève en mer à une distance telle qu’il n’est en état d’être investi par aucune machine de guerre à partir du continent, bien que, certains jours, à marée descendante, les flots s’éloignent au point de le laisser entièrement à sec au milieu des sables. Mais, quelques heures plus tard, à marée montante, toute l’eau revient et repousse ceux qui veulent s’avancer. Cela explique que, tant la distance du continent que le flux et le reflux constituent un obstacle absolu aux attaques venues de la terre285.
178Quant aux bateaux, si certains d’entre eux voulaient s’en approcher, la mer les déposerait au sec à marée descendante et ils passeraient donc aux mains de l’ennemi. Aussi ce mont est-il considéré, de l'avis de tous, comme étant à l’abri de tout assaut ennemi.
179À mille pas de Saint-Michel se trouve une toute petite île appelée Tombelaine, que les Anglais avaient occupée dans le passé. Maintenant elle abrite une garnison de Français ; nous y sommes allés à pied, à marée basse, pour la visiter : c’est un endroit petit mais extrêmement bien fortifié286.
180Dans la direction de l’est est situé un bourg qui possède un port assez réputé parmi ces nations : il sépare la Bretagne de la Normandie287.
181Après avoir tout exploré sur le mont, nous sommes retournés en droite ligne à Angers.
182Itinéraire direct du Mont Saint-Michel à Angers :
De Saint-Michel à Saint-James | 4 |
À Fougères, ville élégante et belle | 5 |
À l’Hostellerie de Boux | 3 |
À Saint-Ouën | 4 |
À Laval, cité belle et agréable par son site, avec un château très bien orné288 | 3 |
À Entrammes | 1 ½ |
À Château-Gontier | 4 ½ |
À Daon | 2 |
À Feneu | 4 |
À Angers | 2 |
183Nous sommes arrivés à Angers le 6 avril et y sommes restés deux jours, puis nous avons pris la route en direction de Poitiers. C’était alors la fête de Pâques289.
D’Angers à Poitiers
184Itinéraire d’Angers à Poitiers :
D’Angers aux Ponts-de-Cé | 1 |
185Cette bourgade est située sur la Loire. On pense que son nom vient de Pons Cœsaris, car on dit que Jules César y a édifié un pont sur la Loire dont les ruines fort anciennes existent encore290.
Des Ponts-de-Cé à Brissac | 2 |
186Ce bourg possède un château très élégant291 : nous vînmes le visiter et avons été reçus avec on ne peut plus d’égards par le seigneur du lieu, personnage d’une grande autorité en France et qui a également exercé un jour la fonction d’ambassadeur en Allemagne292.
De Brissac à Doué | 4 |
Au Puy-Notre-Dame | 1 |
À Sainte-Verge | 3 |
À Saint-Jouin | 4 |
À Belly (sic) | 3 |
À Etables | 3 |
À Poitiers | 4 |
Études à Poitiers et excursions
187Nous sommes arrivés à Poitiers le 10 avril 1550. Pendant mon séjour de deux années et demi à Poitiers, je me consacrai aux études dans cette université293 ; durant cette période, j’ai commis trois escapades consistant à entreprendre des voyages pour me détendre et visiter le pays : le premier à La Rochelle, le deuxième à Bourges et le troisième à Orléans.
188Je décidai de visiter La Rochelle en Saintonge, le plus fameux port de mer français, en compagnie fort agréable. Nous avons quitté Poitiers le 18 août 1550.
189Itinéraire de Poitiers à La Rochelle :
De Poitiers à Lusignan | 5 lieues |
190On voit dans ce bourg un château très puissant et d’une architecture ancienne294 ; on dit qu’il a été construit par la belle Mélusine dont il nous reste l’histoire légendaire, considérable et connue de tous.295 Est annexé au château un vivarium, ou – comme on dit – un parc, long de quatre mille pas, où l’on peut voir enfermées quantité de bêtes sauvages, surtout des daims296.
De Lusignan à Bagnaux | 4 |
À Thorigné | 3 |
À Fors | 3 |
À Mauzé | 4 |
À Benon | 2 |
À Rupella, vulgairement nommée La Rochelle | 5 |
191La Rochelle est un port de mer très célèbre et fort fréquenté par les marchands de tous les pays297. La cité elle-même, assez remarquable par le nombre et la beauté de ses édifices, est ornée de nombreuses églises, dont une surtout n’est pas encore tout à fait achevée298 : on peut y contempler le tombeau de Notre Seigneur Jésus-Christ, magnifiquement décoré de statues ayant la taille, l’aspect et la couleur exacts du corps humain, d’une adresse incroyable299.
192Nous étant embarqués à la Rochelle, nous avons abordé à l’insula Reorum – vulgairement nommée l’Isle de Roÿ – qui est située à quatre lieues de la Rochelle et est étonnamment couverte de vignes300. Dans le bourg de Saint-Martin, un port très élégant et pratique peut accueillir presque tous les navires bretons301. Après avoir parcouru l'île, nous sommes revenus à La Rochelle puis avons regagné Poitiers.
193Itinéraire de La Rochelle à Poitiers :
De La Rochelle à Nuaillé | 4 |
À Courçon | 2 |
À Niort, bourg assez élégant | 5 |
À la Villedieu302 | 2 |
À Saint-Maixent, bourg assez élégant | 2 |
À Soudan | 1 |
À Rouillé | 2 |
À Lusignan | 2 |
À Poitiers | 5 |
194Rentré le 28 août de La Rochelle, je demeurai ordinairement à Poitiers, mais, le 20 février de l’année suivante 1551, je me suis rendu à Orléans en compagnie de Maître Bocklin de Strasbourg303, à cause de Sébastien Willinger qui était rentré de sa patrie. J’hésitai sur mon retour, mais certaines affaires que je préfère passer sous silence m’ont fourni l’occasion de revenir.
195Voyage de Poitiers à Orléans : De Poitiers à Châtellerault 7 C’est un très beau bourg établi dans un site très plaisant.
À Port-de-Piles, où l’on traverse une rivière | 4 |
À Manthelan | 4 |
À Fau304 | 3 |
À Bléré | 3 |
À Amboise | 2. |
À Blois | 10 |
196Ces deux villes ont été décrites plus haut.
À St.-Dyé | 4 |
À St.-Laurent | 3 |
À Notre-Dame de Cléry | 4 |
197Dans ce bourg, on voue un culte superstitieux à la Vierge Marie, et il y a en permanence un grand rassemblement de pèlerins venus de toutes les régions de France rendre visite à la sainte. On peut voir dans l’église le monument du roi de France Louis XI, fait de marbre et d’albâtre. Sont accrochés au tombeau la couronne, la lance, la tunique, l’épée et l’étendard du roi ainsi que divers autres ornements. La même chapelle est particulièrement décorée des armes et dépouilles de quelques ducs illustres305.
198De Cléry à Orléans 4 Je demeurai quelques jours à Orléans306, puis, en l’agréable compagnie d’un Wurtembergeois, Maître Louis de Frauenberg307, du Rhénan R. de Diaheim308 et de Louis Bocklin309 et à leur prière, je m’embarquai avec eux à Orléans ; comme aucun d’eux n’avait visité jusque là ces villes, nous naviguâmes jusqu’à Angers, puis, de là je suis revenu directement à Poitiers, par le même itinéraire que celui que j’ai décrit plus haut.
199Je suis arrivé à Poitiers le 25 mars 1551.
200Peu de temps après – un certain nombre de mois – sont arrivés à Poitiers Maître Henri Hochlin, originaire du Luxembourg310, et Maître Gaspar Schenck, du Nordgau311, qui faisaient leurs études à Bourges. Je me suis laissé convaincre par leurs encouragements et leurs prières et, poussés par le désir de visiter cette ville, Maîtres Sébastien Schultheis312, Bo(e)cklin et moi-même nous avons quitté Poitiers le 18 juin pour Bourges.
201Itinéraire de Poitiers à Bourges : De Poitiers à Chauvigny 5
202C’est un bourg élégant, au site fort plaisant, agrémenté d’un château313.
À St.-Savin, beau monastère très riche314 | 4 |
À Ingrandes | 2 |
au Blanc en Berry | 2 |
203Cette assez belle cité est pleine de restes des ruines qui lui ont été autrefois infligées par les Anglais315. Le bourg est situé à la frontière entre le Poitou et le duché de Berry.
À Ruffec | 2 |
À Ciron | 2 |
À Mesle316 | 2 |
À Luant | 3 |
À Châteauroux | 3 |
204À mille pas à peine de ce bourg, s’en trouve un autre, très beau, que l’on appelle le Bourg de Dieu317
À Villers | 3 |
À Issoudun | 4 |
À Chârost | 2 |
À St.-Florent | 2 |
À Bourges | 4 |
205Biturigum, en langue vulgaire Bourges, est une ville assez fameuse partout pour la splendeur de ses églises, la disposition de ses rues318 et sa grandeur-même, ainsi que, surtout, pour la très célèbre université qui y prospère319. De mon temps, elle abritait deux très savants juristes, Maîtres Eguinaire Baron320 et François Le Douaren321. Il y a des gens qui pensent que cette ville tire son nom de deux tours – bis turris pour ainsi dire – élevées par deux frères qui y régnaient. L’une est encore debout, immense et ronde, faite de pierres taillées avec tant d’art que pratiquement aucune machine ne peut en venir à bout. Le peuple raconte que c’est Jules César qui l’aurait construite lors du siège de la ville322.
206Elle est surtout agrémentée d’une très belle cathédrale dédiée à saint Étienne, qui figure avec raison au nombre des premières églises de France323. Dans la crypte, ou chapelle souterraine, de cette église, on peut voir le tombeau de Notre Seigneur Jésus-Christ, doté de fort belles statues de marbre : c’est un spectacle somptueux324.
207Nous sommes revenus par la même route qu’à l’aller, et sommes arrivés à Poitiers le 6 juillet.
208Le dernier jour de juillet 1551, un vendredi, en participant à une joute, je reçus un coup de lance très violent en sautant. Le choc sur les veines et les tendons du bras droit fut en effet tel qu’il concentra une grande quantité de sang à l’articulation. Aussi fus-je contraint de recourir pendant plus de trois mois aux conseils et à l’art des chirurgiens, avant qu’ils puissent remettre à sa place le sang répandu par le coup et consolider les tendons blessés. Que Dieu tout-puissant daigne me protéger de pareilles épreuves et calamités325 !
209Poitiers est une ville très grande au site fort plaisant ; elle est fameuse pour son université très florissante. Le Clain l’entoure presque avant d’aller se jeter dans la Vienne. Cette ville possède quelques monuments et des restes d’une admirable antiquité, en premier lieu les ruines d’un amphithéâtre jadis édifié là, croit-on, par les Romains326, et des restes d’un aqueduc (que l’on nomme en langue vulgaire Le Duc), hors la porte de la ville appelée la Trenchée327 : ils sont très anciens.
210Au couvent Saint-Cyprien, dans l’entrée même de l’église, on voit dans une crypte un immense amas d’ossements accumulés dont on affirme qu’il s’agit des ossements des Anglais tués dans les prés voisins lorsqu’ils assiégeaient autrefois Poitiers328.
211Près du monastère de la Sainte Trinité329, de mon temps ont été trouvées trois pierres très anciennes portant les inscriptions suivantes330 :
212Dans une forêt éloignée de trois lieues de la ville, j’ai découvert en 1551 de très vieux monuments et tombeaux, alors que je m’y promenais pour me détendre ; au milieu d’eux j’ai découvert un crâne humain d’une épaisseur et d’une dureté inhabituelles. Comme j’interrogeais à ce sujet les habitants du lieu, ils ont affirmé qu’autrefois, à l’époque de
213Charlemagne, s’était déroulée à cet endroit une grande bataille contre les Sarrasins et qu’aujourd’hui encore on découvre partout dans la forêt et les champs des monuments de ce genre et des ossements334.
214J’ai vu à Poitiers le cadavre d’un enfant à deux têtes ; quant au reste du corps il n’était pas monstrueux ; c’était un garçon335.
Notes de bas de page
1 Heinrich Rybisch était né le 24 mars 1485 à Büdingen (Hesse) et décéda le 10 novembre 1544 à Breslau (Foerster 1907, 183-217 ; Lenz 1997, 176 ; Lenz 2007, 99). La date de sa naissance a été reconstituée par Foerster à partir d’un portrait où sont indiqués la date de son décès et son âge : 59 ans, 7 mois et 17 jours (Foerster 1907a, 106 et pl. III ; Lenz 2007, 101, fig.).
2 Heinrich Rybisch avait épousé en deuxièmes noces, en 1542, Katharina, née von Gelhorn, dont il eut deux enfants (Pusch 1988, 422-423 ; Lenz 1997, 192 ; Foerster 1907, 216 et η. 1, indique par erreur que cette union fut sans descendance). Seyfried était le deuxième fils de son premier mariage avec Anna Rindfleisch, conclu en 1518.
3 En 1542, elle se composait de sa seconde épouse et de leurs deux enfants, auxquels s’ajoutaient les enfants de son premier mariage avec Anna Rindfleisch, fille du riche Christoph Rindfleisch auf Raβlawitz, célébré “vraisemblablement en 1518” (Foerster 1907, 210). Anna Rindfleisch est décédée en 1540 (Foerster 1907, 215 et n. 3). Les enfants d’Heinrich étaient au nombre de sept : quatre filles (Anna, Hedwig, Maria et Katharina) et trois fils (Heinrich, Seyfried et Gottfried) (Foerster 1907, 215).
4 Görlitz (Saxe), aujourd’hui ville frontalière partagée, de chaque côté de la Neisse (Nysa), entre l’Allemagne et la Pologne (Zgorzelec), est située à environ 110 km à l’ouest de Wroclaw. C’était une cité libre qui faisait partie au xvie siècle (depuis 1346) de la “Ligue des six villes” (Sechsstädtebund) de Haute Lusace (Oberlausitz), alors rattachée, comme la Silésie, à la couronne de Bohême (Nebenland) (Köbler 1995, 205, Görlitz et 429, Oberlausitz ; Blaschke 2002, 91). La ville prospérait grâce à la fabrication de draps et au commerce de la guède (pastel des teinturiers). Elle frappait monnaie et possédait droit de haute justice.
5 Il est intéressant de noter l’hésitation de R. quant à la date d'un événement qui devait être traumatisant. L’épidémie date en réalité de 1542-1543 (Foerster 1907, 216 ; Lenz 1997, 192). Heinrich Rybisch a fui Breslau avec sa famille en 1542 (Foerster 1907, 217). D’ailleurs Seyfried n’aurait pu évoquer sa “belle-mère” en 1540 ou 1541. L’épidémie aurait provoqué plus de 6 000 (Süβmilch 1998, 65-66), voire plus de 10 000 décès (Stoob & Johanek éd., 1995, 26).
6 Johann Troger (*1493 ou 1494 Münchberg dans le Vogtland – † 7 mars 1550 Görlitz), philosophe, médecin et pédagogue, était Stadtphysikus (“médecin municipal”) de Görlitz depuis 1535 (Seeliger 1930, 3). Il a étudié à Leipzig (bacc. artium en 1514) et s’est fait immatriculer à l’université de Wittenberg le 23 juin 1520 (mag. philos. 24 janv. 1521) (Foerstemann 1841, 95 et Foerstemann 1905, 813, Berichtigungen : J. Treger deMonichberg, Bambergen. dioc.). Il se rendit ensuite à Breslau (recommandé par Melanchthon ; il fut Schulmeister à Sainte-Elisabeth), à Zittau (Stadtphysikus en 1529) puis à Gärlitz (1531). Seyfried a étudié avec lui le latin et le grec et est demeuré à Görlitz même après le retour de sa famille à Breslau (Bauch 1892, 248 ; Foerster 1907, 217 ; Seeliger 1930, 3). Troger était un bourgeois aisé qui habitait la maison située à l’emplacement de l’actuel no 3 de la Nikolaistraβe, entre l’église Saint-Pierre et le Nikolaitor (c’est à dire au cœur de la vieille ville). Il avait épousé en 1539 Margarethe, fille de Franz Schnitter, dont il eut quatre enfants (mais aucun n’atteignit 15 ans) : voir infra, II, n. 6. En 1548, lors d’une nouvelle épidémie de peste, il allait se rendre célèbre en proposant de réquisitionner les tonneliers pour soufrer la ville à l’aide de centaines de fûts (Archives de Gôrlitz, Oberlausitzische Bibliothek ; remerciements à Vincent-Julien Piot, et à Stephan Waldau, directeur du Kulturamt de Görlitz).
7 Ferdinand Ier de Habsbourg (Wandruszka 1961), gendre de Vladislas IV Jagellon, a hérité du royaume de Bohême en 1526 (élu le 22 octobre 1526, couronné le 24 février 1527). En janvier 1527, il fut proclamé roi de Hongrie. Il ne sera couronné empereur qu’en 1558 (le 24 mars) et mourra le 25 juillet 1564. En 1547, le royaume de Bohême sera proclamé État héréditaire de la couronne d’Autriche.
8 Heinrich Rybisch, nommé Rentmeister pour la Lusace en janvier 1530, a défendu les privilèges des villes de l’Hexapole (Foerster 1907, 207 ; Petersen 2001108110-111). Le Rentmeister était le fonctionnaire le plus élevé d’une province, en matière de finances et d'administration.
9 Heinrich Rybisch est décédé le 10 novembre 1544. Il aurait eu soixante ans accomplis le 24 mars 1545. Il était donc entré dans sa 60e année.
10 Très probablement Sigismund (Siegmund) Pucher von der Puche (* Bamberg, † 1547 Breslau), oncle de Seyfried, mari de sa tante maternelle Martha von Rindfleisch. Bourgeois de Breslau dès 1519, il appartient en 1534 au Conseil de la ville, échevin jusqu’en 1546, consul en 1543 et 1544 (Pusch 1988, 279). Friedrich Gutteter (* Cracovie, † 1554 Breslau), marchand de Leipzig, s’est installé définitivement à Breslau en 1538, année où il en acquit la citoyenneté. C’est un marchand, noble depuis 1543, échevin au Conseil de la ville de 1550 à 1554 (Popp 1984, 119-120 ; Pusch 1987, 80 ; Pusch 1988, 95).
11 Sur le nom latin de Strasbourg (Argentina), voir infra, II, n. 38. Le rayonnement de Strasbourg dans le domaine de l’éducation de la jeunesse, sous l’impulsion de l’humaniste Jean Sturm, du scholarque Jacques Sturm et d’un Magistrat largement ouvert à la culture, était alors considérable. Le Gymnase avait été fondé en 1538, dans le couvent des franciscains, puis, définitivement, à Pâques 1539, dans le couvent rénové des dominicains (Lienhard 1981a, 406-410 ; Lienhard 1981b, 446-458 ; sur le Gymnase : Schindling 1977).
12 Jean Sturm (Schleiden 1507 – Strasbourg 1589) était le fondateur puis le recteur du Gymnase (Schmidt 1855 ; Lienhard 1981a, 409-410, 448, 455-458) ; sur son enseignement : Chalmel 2002 ; portrait à l’âge de 63 ans dans Lienhard 1981a, 405, fig. 62 (gravure de Nicolas Maucler, 1570).
13 Les foires annuelles de Francfort-sur-le-Main avaient lieu après Pâques (Ostermesse, 14 jours) et en automne (entre le 8 septembre, Nativité de la Vierge, et le 1822/décembre). Apparues au xiie siècle, elles ont surtout été actives à partir de 1320-1330 (1330 : privilège de Louis de Bavière), en liaison avec la Hanse, l’Italie, la Hongrie et la Pologne. Elles gardent aux xve et xvie siècles leur pouvoir d’attraction, malgré les efforts de Mayence et de Nuremberg pour les attirer dans leurs villes. On y trouve rassemblés des draps du Rhin, des futaines, des armes de Nuremberg, des vins d’Alsace et du Rhin, des chevaux de Hongrie, des produits méridionaux provenant de Venise, Bologne et Lucques. À partir de la fin du xve siècle, c’était le premier marché européen du livre imprimé (Schulte 1923, 434-447 ; Dollinger 1984, 224-225 ; Schwind 1989, col. 737-738 ; Contamine et al. 1993, 282, 375 ; Monnet 2004, 54-55 et 106-107).
14 L’université de Leipzig a été fondée en 1409 par le margrave de Misnie Frédéric le Belliqueux, duc de Saxe de 1423 à 1428, avec des universitaires allemands ayant quitté Prague pour protester contre Jean Hus (Aigrain 1949, 34).
15 Les Catti (ou Chatti) étaient situés dans l’Antiquité entre la Fulda et l’Eder. Cités la première fois par Pline l’Ancien (Plin., Nat., 4.14), et la dernière fois par Dion Cassius (D.C. 77.4), en 203. Leur nom est devenu au vie siècle Hassii, Hessi, Hessiones et a donné la Hesse (Baatz et al. 1989, 72). Rappelons que la Hesse était la patrie du père et du grand-père de Seyfried.
16 Les Prechter étaient une grande famille de négociants strasbourgeois (Widmaier 1910 ; Fuchs 1956, 146-194 ; Fuchs 1981, 307-313).
17 R. est venu à Francfort lors des foires d’automne. En septembre 1545, il est bien âgé de 15 ans, puisqu’il est né le 13 septembre 1530 (Foerster 1907, 217 et n. 2).
18 Martin Bucer (1491-1551) était le grand Réformateur de Strasbourg. Depuis 1542, il était installé en face de l’église Saint-Thomas. Il avait été élu doyen du chapitre et pouvait donc disposer d’une maison dans le doyenné. Le bâtiment, imposant, hébergeait Bucer, son épouse Wibrandis Rosenblatt (veuve de Capiton en novembre 1541, remariée pour la 4e fois en 1542) et une nombreuse famille composée des quatre enfants de Wibrandis et de sa mère, d’une fille de Bucer et de Wibrandis et d’un fils handicapé de Bucer, né en 1529, des domestiques, des réfugiés et de multiples hôtes de passage. Bucer arrondissait en effet son salaire de doyen du chapitre et ses cours de théologie en logeant, en 1546, trois pensionnaires (dont dut faire partie Seyfried) (Stupperich 1955 ; Greschat 2002, en part. 217-218 ; portrait, en 1543, dans Lienhard 1981a, 402, fig. 61 ; sur la topographie de Strasbourg en 1548 : ChateletLange 2001, 91 et 93, quartier Saint-Thomas). Bucer quittera Strasbourg pour l’Angleterre le 5 mars 1549 (Pariset 1981, 92 et 96, n. 41-42).
19 Les foires de printemps sont celles d’après Pâques qui, cette année-là (1548), correspondait au 1er avril.
20 Sébastien Willinger (Williger) le Jeune, fils d’un conseiller de Breslau (Sebastian W., anobli en 1534, † 1570) et d’Anna Pfnorr († 1534), est chanoine de la cathédrale de Breslau depuis 1541, et a figuré à la matricule de l’université de Wittenberg le 30 avril 1545 (Foerstemann 1841, 222a : Sebastianus Willingerus Vratislaviensis). Nous le retrouverons à Orléans de 1550 à 1554 : voir infra, η. 197. Immatriculé à Orléans sous le procurator Hermann Olischleger (du 26.12.1550 à avril 1551), il sera procurator de la Nation germanique à partir du 28 mars 1554, puis receveur à partir du 16 juillet 1554 (Ridderikhoff 1988, 124, 143 et 154, n. 3). Plus tard il sera chanoine à Neiβe jusqu’en 1561, à Groβ Glogau en 1553, ainsi qu’archidiacre à Liegnitz en 1563, mais en 1564 il renoncera à ses bénéfices ecclésiastiques pour épouser Kunigunde Dietz von Kupferberg. Il est qualifié de docteur utriusquejuris en 1567 (Zimmermann 1931, 574-575, no 271 ; Stein 1963, 220).
21 La terminologie latine, nuntium et tabellarius, renvoie à une pratique de messagerie. À l’époque où nous nous situons, il n’existait pas d’institution postale régulière et stable. Seuls quelques grandes villes, maisons commerciales et puissants seigneurs pouvaient entretenir des messagers occasionnels. Il semble que la ville impériale de Nuremberg ait organisé précocement, dès la deuxième moitié du xvie siècle, un système efficace de messagerie (Botenwesen). La communauté des marchands de la ville eut d’autre part ses propres courriers, organisés à dates fixes à partir de 1573 sur le trajet Nuremberg-Breslau via Leipzig (Sessler 1946 ; Körber 1998, 129-130).
22 Le Vogtiand (“pays des baillis”) est une région (auj. un Landkreis) de Saxe située autour de Plauen, appartenant à partir de 1547 à Henri IV, burgrave de Misnie (Köbler 1995, 654-655).
23 La Sebalduskirche est une très importante église de Nuremberg, construite au xiiie et agrandie au xvie siècle.
24 La Lorenzkirche est une église gothique des xiiie-xive siècles.
25 Le tombeau de saint Sebald, dans l'église homonyme, est une œuvre célèbre de Peter Vischer l’Ancien et de ses cinq fils dont Hermann Vischer le Jeune (de 1508 à 1519), monument spectaculaire de bronze contenant l’urne-reliquaire qui date d’avant 1397 (Pechstein 1967 ; Bialostocki 1993, 437, phot. et 440-441).
26 La formule arma insigniaque peut désigner des plaques armoriées, mais arma peut aussi renvoyer à une coutume consistant à suspendre les armes d’un noble défunt aux murs de l’église.
27 L’église Saint-Sebald – selon une coutume fréquente dans l’Empire, mais à un degré sans doute rarement atteint ailleurs – était encombrée de plaques armoriées dites Totenschilde (Hamm 2009 ; Müller-Bruns 2012).
28 Les fortifications de Nuremberg ont été achevées au milieu du xve siècle. Le Rochelais Jacques Esprinchard, lors de son passage en 1597, mettra “deux bonnes heures à les circuir” [Esprinchard (LC), 109].
29 L’arsenal de Nuremberg, qui se trouvait près de Saint-Laurent, recevait la visite de tous les voyageurs. Esprinchard le décrira longuement [Esprinchard (LC), 108].
30 Le frère de Charles Quint, Ferdinand, était roi des Romains depuis le 5 janvier 1531. Il lui succédera comme empereur le 24 février 1556 : supra, n. 7.
31 Il s’agit de la diète d’Augsbourg (Augsburger Reichstag, dit gehamischter Reichstag, “diète cuirassée”), tenue de septembre 1547 à mai-juin 1548 en présence de Charles Quint (Vaissière 1896, 80), d’où devait sortir, entre autres, l’Interim d’Augsbourg (le 15 mai 1548) (Rabe 1971).
32 L’université de Tübingen (Eberhard-Karls-Universität) a été fondée en 1476 par Eberhard de Wurtemberg. Elle est devenue luthérienne en 1534 (Aigrain 1949, 50-51).
33 Les foires d’automne débutaient le 29 septembre.
34 Le terme désigne, à l’antique, la région constituée par le Brabant, la Flandre, le Hainaut et l’Artois, possessions des Habsbourg.
35 Il aurait pu s’agir de Nicolas (Niklas) Uthmann von Schmolz (1507-1581), fils de Nicolas der Jüngere Uthmann et de Barbara Jentsch, époux d’Anna Rybisch, beau-frère donc de Seyfried (Pusch 1988, 420 ; Pusch 1990, 351-352). Devenu veuf le 27 avril 1547, il s’est remarié avec Anna von Kromayer. Son épitaphe (il mourra le 14 avril 1581) se trouve aujourd’hui au musée de Wroclaw (Steinborn 1967, 90-91, no 26). Mais il est probable que, si cela était le cas, Seyfried aurait signalé qu’il avait été son beau-frère. Ce serait donc plutôt son père homonyme (1475-1550), conseiller de Breslau, qui était marchand drapier, anobli en 1514 (Pusch 1990, 347-348). La famille était originaire de Löwenberg en Silésie (act. Lwówek Śląski, Pol.). Signalons que l’une de ses filles, Hélène, a épousé en 1535 Sebastian von Willinger, père du condisciple de Seyfried (Stein 1963, 208-209 et 220).
36 Probablement Sebald Sauermann der Jüngere (1528-1577), fils d’Albrecht : échevin de Breslau de 1571 à 1575, consul en 1576 et 1577. La lignée est d’origine franconienne (Fichtelgebirge) et donnera les barons et comtes von Sauerma et von Saurma (Stein 1963, 199 et 201 ; Pusch 1990, 40). On retrouvera cet étudiant au départ de Paris : voir infra n. 187.
37 Le nom antique du Main était en réalité le Mœnus : Cüppers 1975c. Moganus est une forme inventée à la Renaissance, probablement à partir du nom de Moguntiacum.
38 L’Eichelstein désignait les restes informes du cénotaphe de Drusus l’Ancien (Nero Claudius Drusus), le frère du futur empereur Tibère, mort au cours d'une campagne en Germanie, en 9 a.C. Ce monument, qui existe toujours, est représenté sur de nombreuses gravures de la Renaissance (par exemple : Apianus & Amantius 1534, CCCCLXXIV-CCCCLXXV ; Frenz 1985 ; Klein 2001, en part. fig. 3 et col. 269).
39 Erreur de R. : Louis le Pieux est mort le 20 juin 840 près d’Ingelheim am Rhein, dans une île du Rhin, mais a été inhumé à Metz, dans l’Arnulfkloster (Saint-Arnoul), dans un sarcophage antique de marbre (auj. au musée de la Cour d’Or) (Schieffer 1987, en part. 311 ; Treffort 2007, 254-255).
40 La description de la vallée du Rhin fait partie des lieux communs de la littérature de voyage. Voici, entre autres, ce que de Beatis, secrétaire du cardinal d’Aragon, écrivait : “Les deux rives du fleuve sont toutes en vignobles : jusqu’à cinq milles de Mayence, les collines de chaque côté sont toutes plantées de vignes, et celles-ci continuent jusqu’à environ trois milles italiens de Cologne. Il y a sur les deux côtés, dans l’éloignement d’un demi-mille du fleuve, deux cents trente-cinq localités et quinze villes murées... ; il y a aussi beaucoup de petits châteaux construits sur les collines et fortifiés... ce sont des gentilhommières privées” [Aragon (HM), 63].
41 On notera le néologisme bombarda manualis, “canon manuel”, arquebuse, désignant une arme apparue à Pérouse en 1364 et à Augsbourg en 1381. La fourchette fut inventée, elle, en 1520 environ, et la platine à rouet vers 1517 (Delumeau 1984, 186-188).
42 Le nom antique d’Andernach était, en réalité, Antunnacum : Cüppers 1975a.
43 Le nom primitif de Cologne était, en réalité, oppidum Ubiorum, du nom des Ubiens, peuple germanique installé sur la rive gauche du Rhin par Agrippa : Cüppers 1975d. Le nom Ubiopolis est une invention de la Renaissance.
44 C’était la première université d’Allemagne, fondée en 1388 par Urbain VI à la demande du Sénat de la ville (Aigrain 1949, p. 33). Elle est demeurée constamment catholique.
45 L’église des Rois Mages, cathédrale de Cologne et première église de Rhénanie, a été commencée en 1248.
46 Les reliques des Rois Mages, rapportées de Milan, avaient été offertes à la ville par Frédéric Barberousse (ou acquises par Renaud de Dasselt) en 1164. La châsse les contenant (Dreikönigenschrein), située derrière le maître autel, est une pièce d’orfèvrerie en forme de basilique, ornée de dizaines de pierres précieuses en partie antiques. Elle fut commencée en 1181 par Nicolas de Verdun et terminée vers 1220 par des maîtres colonais (Settis 1993, 1367 et fig. 19 ; Recht 2001, 294-295, 2 phot.).
47 Ce camée antique d’onyx noir, blanc et rousseâtre représentait deux têtes d’un couple royal (Auguste et Livie sous les traits d’Alexandre et Olympias ou de Ptolémée II et Arsinoé II ?). Le cimier du casque royal, qui exploite les veines de l'onyx, peut évoquer des serpents. La tête barbue qui décore ce même couvre-chef sculpté dans la partie sombre, et les deux portraits royaux figurés dans le blanc ont été pris par les clercs de Cologne pour des représentations des Rois Mages et le camée a fait partie du décor de la célèbre châsse jusqu’au 28 janvier 1574, date à laquelle il fut dérobé. Il se trouve aujourd’hui (Ptolemäerkameo) au Kunsthistorisches Museum de Vienne. Il a été vu et décrit par divers savants ou artistes comme Georges Agrícola (1546) ou Rubens, mais la description la plus fiable – qui a permis d’identifier avec certitude le camée de Vienne – est celle d’Albert le Grand (De mineralibus, 2.3.2) (Zwierlein-Diehl 2007, 237-240 et fig. 219).
48 Charles Quint semble avoir eu pour coutume d’offrir à diverses églises trois coupes d’or (contenant l’or, l’encens et la myrrhe) le jour de l’Épiphanie. C’est ce qu’il fit à Liège, le 6 janvier 1544 (Boom 1957, 103). Des exemples de ces pieuses offrandes sont surtout connus dans le domaine hispanique.
49 Domschatzkammer (Legner 2002).
50 Antonio de Beatis : “À l’église de Sainte-Ursule se trouve le corps de la sainte avec les reliques des onze mille vierges qui furent martyrisées à l’endroit où s’élève maintenant le couvent des Dominicains. Les ossements des onze mille vierges sont partagés, spécialement les têtes, et déposés dans toutes les églises de Cologne et dans beaucoup d’autres églises de la chrétienté” [Aragon (HM), 64 ; la dénomination “11 000 Vierges” découle, on le sait, d’une erreur de lecture : Schulten 1985, 75].
51 Le tombeau d’Albert le Grand, le plus grand philosophe et théologien allemand du Moyen Âge, décédé à Cologne le 15 novembre 1280, se trouvait dans le chœur de la Dominikanerkirche. Il est aujourd’hui à Saint-André (Grabmann 1953, 144 ; Bautz 1990). Il est décrit par Antonio de Beatis [Aragon (HM), 65].
52 Le nom le plus ancien d’Aix-la-Chapelle est Aquœ Granni (“les eaux de Grannus”). On trouve la première mention d’Aquisgranum en 765 (Sage 1973, 1 ; Cüppers 1975b ; Anon. 1980, col. 1).
53 La destruction totale d’Aix-la-Chapelle par les Barbares est un mythe. Il est vrai que le vicus romain s’est enfermé dans une enceinte réduite après la rupture du limes en 260-270 et qu’entre 350 et 360 les thermes ont été détruits. Mais il a toujours subsisté une agglomération. Il est aussi vrai que l’Aix carolingien a utilisé les matériaux de monuments minés et que son plan diffère totalement du vicus antérieur (Horn 1987, 323).
54 Charlemagne est venu séjourner à Aix pendant l’hiver 788/789 et a fait commencer les travaux du palais. À l’automne 794, âgé de 52 ans, il est devenu sédentaire et ne quitta dès lors Aix que sous la contraintes des nécessités militaires ou politiques, fréquemment dans les sept premières années, plus rarement pendant les douze dernières (Braunfels 1965, en part. 18-20).
55 Depuis la Bulle d’Or de Charles IV (1356), le droit d’élire le futur empereur est restreint aux sept princes qui l’accaparent depuis 1257 : trois ecclésiastiques (les archevêques de Mayence, Trèves et Cologne) et quatre laïques (le roi de Bohême, le comte palatin du Rhin, le duc de Saxe-Wittenberg et le margrave de Brandebourg) (Noël 1976, 21 et 54).
56 Le titre “gage” de roi des Romains est pris, à partir du xie siècle par le roi de Germanie, en attendant de recevoir du pape celui d’empereur (des Romains). Mais, en 1508, Maximilien Ier, roi des Romains, décida de prendre le titre d’empereur élu des Romains (electus Romanorum imperator) : celui de roi des Romains ne survit alors que dans le sens de “dauphin” (Noël 1976, 16, 20, 67 et 74).
57 Otton Ier, en choisissant la cathédrale d’Aix-la-Chapelle en 936 pour se faire couronner roi de Germanie, renoua avec la tradition carolingienne, qui se maintint jusqu’en 1531. En 1562, Aix devait céder son privilège à Francfort-sur-le-Main (Rapp 2000, 48-49).
58 Erreur de R. La couronne de fer (ainsi nommée parce qu’y était serti un clou de la crucifixion) était la couronne des rois lombards et elle fut ceinte par Charlemagne après la destitution de Didier (774). Lorsque le candidat à l’Empire se rendait à Rome pour s’y faire couronner par le pape, il la ceignait au passage, à Pavie (jusqu’en 1024), Milan ou Monza, ce qui faisait de lui un roi d’Italie. Charles Quint fut, en 1530, le dernier empereur à suivre cette tradition (Noël 1976, 30 et 61 ; Rapp 2000, 55 ; Fischer Drew 2004). Cette couronne est conservée dans le trésor de la cathédrale de Monza.
59 À l’origine (depuis août 936), c’était l'archevêque de Mayence, assisté de celui de Cologne, qui sacrait ou conférait l’onction royale au roi de Germanie, au centre de l’octogone d’Aix-la-Chapelle (Rapp 2000, 48). Mais en 1028 l’archevêque Pilgrim de Cologne (1021-1036), chancelier d’Italie dès 1016, ayant couronné Henri III à Aix, acquit pour ses successeurs un droit qu’ils revendiquèrent jusqu’en plein xvie siècle et se virent d’ailleurs disputer par les archevêques de Trèves (Franzen 1956, col. 291). Léon IX trancha finalement en faveur de Cologne, parce qu’Aix-la-Chapelle se trouvait dans son archidiocèse (Boiteux 1912, col.1262-1263).
60 C’est la cathédrale d’Aix qui comprenait la chapelle impériale (l’octogone). Elle avait été consacrée à la Vierge (Marienkirche) par le pape Léon III, le jour de l’Épiphanie 805 (Boiteux 1912, col. 1257).
61 Les remplois apportés de Rome et de Ravenne (ainsi que de Trêves) consistaient en colonnes de granit, de porphyre et de marbre. Elles ont été enlevées par les Français en 1791. Seize se trouvent encore aujourd’hui au musée du Louvre, trente ont été rendues (en 1846) et se trouvent à Aix. Ces remplois, dans l’esprit de Charlemagne, devaient servir à faire d’Aix-la-Chapelle l’égale des centres du monde antique (Boiteux 1912, col. 1258 ; Braunfels 1965, 20 ; Kreusch 1968 et 1971 ; Jacobsen 1996 ; Lugli 1998, 61).
62 Charlemagne est mort à Aix le 28 janvier 814 et a été inhumé dans une crypte comme un martyr chrétien. Sous Otton III (1000) des fouilles furent entreprises pour retrouver ses restes qui furent placés dans un sarcophage romain de marbre de la fin du iie siècle représentant l'enlèvement de Proserpine, probablement une antiquité rapportée d’Italie (Panofsky 1995, 58) (aujourd’hui située dans la chapelle Saint-Michel, au-dessus de la chapelle Saint-Nicolas). Ils en ont été retirés par Frédéric II en 1215 pour être déposés dans une châsse (Schramm & Mütherich 1962, 120, no 18).
63 Les thermes romains d’Aix-la-Chapelle ont été construits autour de sources chaudes et destinés à l’armée de Germanie Inférieure. À la fin du Ier siècle, un second établissement a été bâti dans le secteur de la Chapelle Palatine. Une communauté chrétienne s’installa dans les ruines de ce dernier au milieu du ive siècle (Folz 1950, 227-228 ; Sage 1973, 1-4). Les Normands détruisirent en 881 les bains et le palais impérial. Il est donc douteux que R. ait vu des bains romains. Ce dallage devait appartenir à un établissement du bas Moyen Âge.
64 R. a vu en réalité l’hôtel de ville d’Aix, construit à partir de 1267 à l’emplacement de la salle de l’assemblée du palais (aula regia ou aula palatina).
65 Nous n’avons pas trouvé de renseignements sur cet “arsenal de Charlemagne.”
66 “Il y a à Maestricht un beau pont de pierre sur la Meuse, et quoique cette ville soit au roi catholique en tant que seigneur des Flandres, à partir du dit pont le temporel et le spirituel dépendent de l’évêque de Liège. Toute la ville est dans son diocèse” (Antonio de Beatis) [Aragon (HM), 84].
67 Fondée en 1425 par le duc de Brabant, l’université catholique de Louvain comptait 6000 étudiants à l’époque d’A. de Beatis [Aragon (HM), 86].
68 La domus prœtoria est l’Hôtel de Ville, de style gothique flamboyant, qualifié de “très beau” par A. de Beatis [Aragon (HM), 85].
69 Il s’agit de l’église Saint-Pierre, de style gothique (xve-début xvie s.).
70 Le castrum Lovaniense, situé au Mont-César, datant du xie siècle, a été démoli à la fin du xviiie siècle.
71 Bruxelles a ravi à Louvain le rang de capitale du duché de Brabant au xvie siècle. La domus regia est la “Cour du Roi” (Kœrt van Brüssel), l’ancien palais des ducs de Brabant, puis des ducs de Bourgogne, transformé et embelli par Charles Quint (dit aussi palais du Coudenberg). Il était situé sur la Montagne de la Cour où s’élevaient, au xvie siècle, les demeures de la plupart des familles aristocratiques, à l’emplacement de l’actuel palais royal [voir Platter (LRL II), 214 ; Quilliet 1994, 70 ; huile de Gillis Neyts (?) reproduite dans Rethelyi et al. 2005, 271, no VIII-1, fig. 41, 136].
72 Derrière le palais, se trouvait le grand parc “avec des cerfs, des chevreuils et d’autres bêtes...” [A. de Beatis : Aragon (HM), 104]. Thomas Platter le Jeune décrira également le jardin zoologique entouré d’un mur : “J’y ai dénombré une centaine d’animaux sauvages et gibiers divers. Il s’agissait surtout de daims, blancs et beiges, et puis pas mal de chevreuils et de bouquetins” [Platter (LRL II), 215-216]. En 1520, Albert Dürer avait signalé lui aussi la présence d’un “jardin des animaux” (Tiergarten ou Hirschpark) remontant probablement à l’époque des ducs de Brabant et en avait pris un croquis (Loisel 1912, 230 ; Delaunay 1962, 148 ; Kerkhoff 2005, 139).
73 Charles Quint est arrivé à Bruxelles en août 1548, venant de la diète d’Augsbourg via Cologne (Vaissière 1896, p. 83 et 103). La sœur de Charles Quint était Marie (1505-1558), archiduchesse d’Autriche, reine de Hongrie et de Bohême (épouse de Louis II de Hongrie), veuve en 1526 ; gouvernante des Pays-Bas (du Sud) de 1531 à 1555 (Heiss 1990, 208 ; Kerkhoff 2005 et 2008).
74 Jean-Frédéric le Magnanime (Johann Friedrich der Groβmütige) (1503-1554), prince électeur de Saxe (depuis 1532), a été fait prisonnier par Charles Quint à la bataille de Mühlberg (24 avril 1547). Pour obtenir sa grâce, il dut renoncer à la dignité électorale, à celle d’archi-maréchal de l’Empire et à de vastes portions de ses États. Il ne sera libéré qu’en 1552 et mourra le 3 mars 1554 (Klein 1974, 525).
75 On sait que les cours européennes comptaient volontiers des nains ou des géants en leur sein. Nous n'avons trouvé aucun renseignement sur la géante de la cour de Bruxelles.
76 Erreur de R. : la catastrophe a eu lieu en réalité le 6 août 1546. La foudre est alors tombée sur la Santpoort (la porta arenaria) qui servait de magasin à poudre et qui a explosé (Foncke 1932a et 1932b ; Thomas Platter le Jeune évoquera également la catastrophe : Platter (LRL II), 247-248 ; ainsi qu’Abraham Gölnitz : Gôlnitz 1631, 94).
77 II s’agissait d’un pélican (onocrotalus) qui, dit-on, vécut 80 ans dans le palais de l’empereur Maximilien et le suivait en vol en tous lieux, y compris à l’armée (Gesner 1557, 607, citant une lettre de Johannes Culmannus Goppingensis : Avis quam Mechliniœ mihi conspecta Vogelhain appellant, cygno vel anseri simillima est, sed magnitudine superat, colore albo omnino, præter penas quas in alis subtus gerit... De ea dicunt huius regionis homines fide digni, octogenariam esse, & Cœsaris Maximiliani castra aliquot annis prœcessisse, & quasi castris locum signavisse... nunc quod ego vidi impensis regiis a quadam vetula illic alitur, quatuor nummis quos scipheros vacant in singulos dies ei decretis ; voir l’illustration dans Gesner 1560, 94, Onocrotalus ; cf. Lycosthenes 1557, 515 ; Valmont de Bomare 1764, 207). Loisel, évoquant le passage d’Henri III de France à Vienne en 1574, prétend qu’il y vit le fameux éléphant “et sans doute aussi ce pélican familier dont parle Gessner, qui suivait Maximilien au vol partout où ce prince allait, même à l’armée” (Loisel 1912, 235). Delaunay, reprenant cette hypothèse, affirme que “le pélican familier qui survol(ait) amicalement son souverain en promenade” se trouvait à la ménagerie d’Ebersdorf, près de Vienne, et prétend que le souverain en question était “Maximilien, roi de Hongrie” (en fait, il ne le fut jamais) (Delaunay 1962, 149). Or le récit de R. prouve que l’oiseau se trouvait en 1548 à Malines et non à Ebersdorf – parc qui ne fut d’ailleurs créé qu’en 1552. Il y avait à Malines, depuis l’époque de Marguerite d’Autriche (1480-1530), des jardins où la gouvernante générale des Pays-Bas aimait à s’entourer d’animaux (Loisel 1912, 225-226 ; Delaunay 1962, 150). Après son décès en 1530, Charles Quint la remplaça par sa sœur, Marie de Hongrie, qui alla résider à Bruxelles. Le pélican avait appartenu à Maximilien Ier, décédé en 1519. On peut supposer que Marguerite, qui n'était autre que la fille de ce dernier, aura hérité du fameux pélican.
78 Voir, entre autres, la description de Thomas Platter : Platter (LRLIII), 222-243.
79 En réalité, il n’y en avait pas, mais c’était la flèche de la cathédrale qui en tenait lieu (avec 33 cloches).
80 La cathédrale Notre-Dame (Onze-Lieve-Vrouwekathedraal), construite de 1352 à 1521, est un sommet de l’art gothique brabançon.
81 Elle a été très tôt fréquentée par les Anglais et les Allemands, puis par les Portugais et les Vénitiens (dès la fin du xve s.), enfin les Espagnols. La population de la ville aurait doublé entre 1496 et 1506 (parmi beaucoup d’autres : Sabbe 1952).
82 La ville conservait son caractère médiéval, avec ses épaisses murailles coupées de cinq larges portes.
83 Charles Quint est né le 24 janvier 1500 à Gand, de Philippe le Beau et Jeanne la Folle.
84 Selon Thomas Platter le Jeune, “l’empereur Charles Quint a fait construire un château alias citadella, etc” (description) : Platter (LRLIII), 309-310 ; cf. aussi Aragon (HM), 109.
85 Selon le même Thomas Platter, “les comtes qui sont les suzerains de Gand y ont maintes fois procédé à des destructions, au motif de la rébellion et de la fierté des habitants” [Platter (LRL III), ibid.].
86 La ménagerie de Charles Quint à Gand comportait, aux dires d’A. de Beatis, “plusieurs lions, parmi lesquels un mâle très grand” [Aragon (HM), 109]. Lors de son passage à Gand en 1521, Albert Durer dessina un lion (Berlin, Kupferstichkabinett). On y voyait aussi trois lions ramenés de Tunis en 1535 par Charles Quint (Loisel 1912, 226-227 et pl. XV : le Leuwenhof ; Delaunay 1962, 148-149). Enfin Thomas Platter : “Côté sud, main droite, dans cette même cour [de l’Empereur], une maison se dresse : voici pas mal d’années, on y nourrissait en permanence des lions bel et bien vivants...” (détails) [Platter (LRL III), 314].
87 Couronné roi des Romains en 1436, et revenu à titre de régent durant la minorité de Philippe le Beau et après la mort accidentelle de la duchesse Marie de Bourgogne, son épouse, le 27 mars 1482, dans les Pays-Bas révoltés (les villes de Flandre et Brabant étaient appuyées par les Français), Maximilien tomba aux mains des rebelles en 1488 à Bruges et fut retenu prisonnier de février à mai au Marché de Bruges. Il fut libéré par une armée impériale conduite par le duc de Saxe au nom de Frédéric III. Les guerres des Pays-Bas se conclurent par la paix de Francfort (22 juillet 1489). Les magistrats de Gand, Bruges et Ypres furent châtiés (Wiesflecker 1990, 459 ; Wiesflecker-Friedhuber 2001. Voir aussi la note suivante).
88 La centralisation à Anvers du commerce entre l’Angleterre, Cologne, Francfort-sur-le-Main, Nuremberg et Augsbourg précipita la décadence de Bruges et scella, en particulier, le sort du comptoir hanséatique de cette ville, officiellement transféré à Anvers en 1553 [voir aussi Aragon (HM), 110 et Platter (LRL III), 321-322 ; Maréchal 1951 ; Coornaert 1961, 94 ; Van der Wee 1963 ; Sosson 1984, 181 ; Wallerstein 2000].
89 Notre-Dame d’Amiens, construite de 1220 à 1288, est la plus vaste cathédrale de France.
90 Clermont (Oise) : Clarus Mons (“montagne dégagée”) signifie que le site se prête bien à la défense. La ville est fortifiée au xiiie siècle.
91 En réalité le monastère était consacré à Denis, évêque de Paris. Le transfert de son corps et de ceux de ses deux compagnons, Rustique et Éleuthère, eut lieu le 22 avril 627. Mais, vers 826, Denis de Paris fut identifié par l’abbé Hilduin (814-840) à Denys l’Aréopagite, disciple de Paul et évêque d’Athènes, prétendument martyrisé à Montmartre et céphalophore et la légende fut reprise peu après dans les Areopagitica d’Hilduin, abbé du monastère (DACL, IV, 588-642 et XII, 1699 ; Lombard-Jourdan 1989).
92 C’est saint Louis qui décida en 1263 d’installer à l’abbaye de Saint-Denis une nécropole royale et y transféra les dépouilles de seize de ses prédécesseurs. Tous les rois depuis le viie siècle y reposent, à l’exception de Philippe Ier (enterré à Saint-Benoît-sur-Loire), Louis VII le Jeune (à l’abbaye Notre-Dame de Barbeaux près de Fontainebleau) et Louis XI (à la basilique de Cléry-Saint-André). La nécropole a été partiellement détruite en 1793 (Brown 2001, 347-398 ; Erlande-Brandenburg 2005, 9-18, 7 fig.).
93 Le tombeau de Charles VIII (mort le 7 avril 1498) a été détruit à la Révolution (1792). Il était l’œuvre de Guido Mazzoni (dit le Paganino de Modène). Il est connu par un dessin de la collection Roger de Gaignières [Aragon (HM), 163 ; Aragon (AC), 135 ; Panofsky 1995, fig. 266 ; Brown 2001, 423-429 ; Erlande-Brandenburg 2005, 14-15].
94 Le tombeau de marbre de Louis XII (mort le 1er janvier 1515) et Anne de Bretagne a été réalisé, de 1515 à 1531, par Antonio et Giovanni Giusti (Jean Juste). Il combine des effigies au vif agenouillées (comme dans le tombeau de Charles VIII) et des transis étendus (Chastel 1986, 135-136 ; Panofsky 1995, 89, 93-94, fig. 265, 285, 286 ; Zerner 1996, 345, fig. 406 ; Erlande-Brandenburg 2005, loc.cit.).
95 Il s’agit de la colonne commémorative du cardinal Louis II de Bourbon-Vendôme (1493-1557), premier abbé commendataire de Saint-Denis en 1529. Après son décès en 1557, son corps fut enterré dans le chœur de la cathédrale de Laon, et son cœur fut transporté à l’abbaye de Saint-Denis. Réalisée en marbre Campan-Isabelle, elle comporte une base en albâtre blanc et un chapiteau en albâtre, et était surmontée d’une statue agenouillée qui fut détruite en 1793. Le monument avait été réalisé dès 1530-1531 (le piédestal et le chapiteau par Jacques Valleroy) (Guilhermy 1848, 157 ; Soitel, 1970, 101).
96 La croix de Suger, fixée sur un piédestal recouvert de plaques émaillées, œuvre d’orfèvres mosans, mesurait plus de 2 m de haut. Un grand Christ d’or y était fixé par 3 saphirs et la plaie du côté était symbolisée par un rubis et des grenats. Le Christ fut pris le 5 juin 1590 par les ligueurs (le légat et le duc de Nemours). Placé au-dessus du grand autel et exposé sur le revers, il allait disparaître après 1758. Il y avait en réalité deux croix d’or : cf. De Beatis [Aragon (HM), 164] et Platter (LRL II), 475 ; GaboritChopin 1986 ; Gaborit-Chopin 1991, 124-126, fig. 2].
97 Cette dent de narval, longue de 191 cm, dotée de vertus magiques et citée pour la première fois en 1505, était pendue dans le sanctuaire. Selon la tradition, elle aurait été donnée à Charlemagne par Haroun al-Raschid. Depuis 1918, elle se trouve au musée des Thermes et de l’Hôtel de Cluny [Schnapper 1988, 89 et fig. 27 ; Gaborit-Chopin 1991, 310-311, no 68 (fig.) ; Conihout 1996, 278-319, ici 279, no 1 ; elle est signalée par Thomas Platter le Jeune, entre autres : Platter (LRLII), 476].
98 Il s’agit des trois couronnes vues par Thomas Platter le Jeune : “Une couronne royale du roi saint Louis, la couronne d’une reine en or pur, une petite couronne en or” [Platter (LRL II), 477]. La couronne du roi sera prise par les ligueurs en 1590, celle de la reine fondue en 1793. La sainte couronne (dite aussi “couronne de saint Louis”) contenait dans un énorme cabochon de grenat ou de zircon (l’hyacinthe d’Anne de Kiev) la relique de la sainte Épine. Elle est connue par une aquarelle de Gaignières, par plusieurs tableaux et par une gravure de Félibien. Elle fut dépecée et fondue en 1794. La couronne de la reine était formée de quatre plaques d’or surmontées de fleurs de lis, enrichies de cabochons et articulées par des charnières. Nous n’avons pas de détails sur la “couronne du dauphin” (Gaborit-Chopin 1991, 239-241, no 48, fig. 1-5).
99 R. fait bien la distinction entre le trésor des rois et le trésor du monastère. Voir le catalogue de l’exposition de 1991 (Gaborit-Chopin 1991, passim).
100 La coupe (ou tasse) de Salomon, célébrée dès le XVIe siècle, est un vase sassanide du VIe ou VIE-VIIe siècle (or, grenats, cristaux de roche, verres verts). Cabinet des Médailles de la BnF [Gaborit-Chopin 1991, 80-82, no 10 ; cf. Platter (LRL II), 477].
101 Sans doute s’agit-il de la patène de serpentine antique dotée d’une monture du ixe siècle d’or incrustée de pierres précieuses (D. Alcouffe et D. Gaborit-Chopin, dans : Gaborit-Chopin 1991, 88-91, no 12).
102 Le sceptre d’or est soit le sceptre de Charles V (dit “de Charlemagne” : Gaborit-Chopin 1991, 264-272, no 57) soit plutôt celui de Dagobert, volé en 1795 (Gaborit-Chopin 1991, 60, no 2). La main de justice (sceptrum justitiœ), selon Thomas Platter le Jeune, était d’argent massif [Platter (LRL II), 477].
103 Thomas Platter le Jeune ne cite que le manteau royal (ibid.).
104 Au xvie siècle, le trésor de Saint-Denis comptait au moins quatre épées médiévales : l’épée dite “de Charlemagne”, celles de l’archevêque Turpin, de saint Louis ou saint Léonard et de Charles VII ou Jeanne d’Arc. L'épée “de Charlemagne” (joyeuse), constituée en fait d’un pommeau des xe-xie siècles et de quillons du XIIe et des IXe-Xe siècles, était l’épée du sacre : Gaborit-Chopin 1991, 204-207, no 33 ; cf. Platter (LRL II), 478 ; De Beatis – [Aragon (HM), 165] – parle, quant à lui, de “l’épée du roi Pépin”].
105 L’information est trop vague pour être commentée. De Beatis mentionne “quelques autres armes de palatins” [Aragon (HM), 165].
106 Cf. supra, n. 99.
107 De Beatis les signale [Aragon (HM), 164]. Dans la terminologie du monastère, ce sont les “corps saints” ou les “saints martyrs.” D’abord les reliques de l’évêque Denis, du prêtre Rustique et du diacre Éleuthère : voir supra, n. 91. En 1053, le moine Haymon relate la Detectio corporum pour répliquer à Saint-Emmeran de Ratisbonne qui déclarait détenir les reliques de Denys d’Athènes et Paris prétendûment volées en France à la fin du ixe siècle. À cette occasion est signalée la présence à SaintDenis de deux précieux pignora, une épine de la couronne du Christ et un des clous de la Passion. Il y avait également le bras de saint Siméon. Ces reliques étaient très liées aux foires du Lendit (GaboritChopin 1991, 16-22).
108 Très vénéré dès la fin du xie siècle selon Suger. “À gauche de l’autel, un reliquaire d’or où l’on vénère un clou” [de Beatis : Aragon (HM), 164] ; “une châsse en argent dans laquelle se trouve un clou dont le pied du Christ, dit-on, fut transpercé” [Platter (LRL II), 475].
109 Même remarque. “Et une épine de la couronne du Christ” [de Beatis : Aragon (HM), loc.cit.].
110 R. a observé un château d’aspect encore médiéval, dont les travaux de rénovation venaient juste de commencer. La forteresse, élevée par Philippe Auguste, agrandie sous Louis IX, était devenue résidence royale sous Charles V, mais avait été ruinée lors de la guerre de Cent Ans. En 1528, le donjon central fut démoli ; de décembre 1546 à mars 1549, ce fut au tour de la partie occidentale de l’enceinte de Philippe Auguste, sous la conduite de Pierre Lescot ; en 1553, ordre fut donné de démolir l’aile sud et la tour d’angle sud-ouest de la forteresse afin de construire le pavillon du roi (aile Lescot).
111 La Bastille Saint-Antoine : sa construction est liée, en réalité, à l'édification de la nouvelle enceinte ébauchée par Étienne Marcel aussitôt après la bataille de Poitiers (1356), reprise plus tard par Charles V. Cette redoutable forteresse, élevée de 1370 à 1382, était de plan polygonal à 6 côtés, et comportait 8 tours rondes de flanquement [Platter (LRL II), 132-133 ; Gébelin 1962, 61-63 ; Erlande-Brandenburg 1990]·
112 Ce détail de la topographie parisienne (des “ponts maisonnés”) retient l’attention de tous les voyageurs. Jérôme Münzer a compté 100 échoppes sur le pont des Orfèvres et 80 sur le Pont Neuf. “Sur ces ponts, des maisons sont construites d’un côté et de l’autre ; elles suivent si exactement l’ordre de la rue que l’on a peine à voir où les ponts commencent et finissent” [de Beatis : Aragon (HM), 155]. “Cette île est reliée à l’Université par trois ponts ; et par deux ponts à la Grande Ville. Les uns et les autres sont bordés de maisons des deux côtés, si bien qu’on dirait plutôt des rues que des ponts” [Platter (LRL II),
113 Il avait été le palais-forteresse des rois de France depuis l’époque des invasions normandes, mais avait perdu son rôle de résidence royale en 1417 (Guerout 1949-1950). Il était resté toutefois le siège de l’administration judiciaire et financière du royaume, avec le Parlement et la Chambre des comptes.
114 Dans la grande salle ou salle haute (détruite par un incendie en 1618), on voyait des peaux d’animaux exotiques, un crocodile et un énorme serpent suspendus à la voûte (Hillairet 1963, 213, ne cite pas ses sources). Selon Gilles Corrozet, “un crocodile aurait été trouvé dans les égouts, lors de la construction du palais de la Cité, demeure royale. Sa dépouille fut affigée dedans la salle, comme on void aujourd’huy” (Corrozet 1532, cité par Liaroutzos 1998, 112). Thomas Platter le Jeune reprend aussi la légende : “au tout début, quand on creusait pour projeter les fondations [du Palais], ce même Philippe [le Bel] a trouvé en cet endroit un crocodile vivant (sic) ! On a écorché sa peau ; elle est exhibée aujourd’hui encore dans la grande salle du Palais” [Platter (LRLII), 115].
115 Plusieurs voyageurs signalent cette statue. Ainsi Thomas Platter le Jeune : “J’ai encore vu dans cette salle [la salle du Palais de Justice que les Français tiennent pour la plus vaste de toute la chrétienté] un très grand cerf sculpté. Il avait vingt-quatre ramures. Il devait servir de ‘patron’ alias modèle pour la confection d’un cerf en or massif au temps du roi Charles VI à l’initiative des ‘maîtres des finances’. Ainsi serait gardé et conservé pour le mieux, et d’autant plus commodément, le trésor royal” [Platter (LRL II), 118]. Selon Gilles Corrozet, “en ce temps [vers 1380], les gouverneurs des finances du Roy, pour espargner ses deniers, délibèrent de faire un cerf d’or massif, et pour patron fut fait celuy de bois qui est en la Salle du Palais entre deux pilliers et dès lors fut commencé la teste et le col seulement faits de fin or” [Corrozet 1586, 134 sq., cité dans Platter (LRL II), 543, n. 32]. En réalité, il y eut bien dans la salle du Palais une gigantesque statue de cerf en bois doré qui disparut dans l’incendie du 6 mars 1618 (cf. un dessin de Peiresc). Les gens des Comptes, dont Jean le Mercier, seigneur de Nogent (ou Nouvion ?), effrayés par les dépenses de Charles VI, voulurent constituer un trésor d’épargne : “Et advisa ledit de Noujant qu’il feroit un cerf d’or, pareil à la grandeur et corpulence de celuy qui est au Palais entre deux pilliers. Et fut commencé et en fut fait la teste et tous le col, et non plus” [Jean Juvénal des Ursins, Histoire de Charles VI : Michaud & Poujoulat, éd. 1836] (Lombard-Jourdan 2005, 142-145 et fig. 2).
116 La Sainte Chapelle (ou chapelle palatiale), construite de 1241 à 1248 sur ordre de Louis IX pour contenir des reliques acquises par le roi en 1237, de Baudouin II, empereur latin de Constantinople, en particulier les reliques de la Passion, la couronne de Notre Seigneur Jésus-Christ (sans les épines), un morceau de la vraie croix et une lance du Christ. Tout le trésor fut détruit pendant la Révolution) [Durand et al. 2001 ; cf. de Beatis : Aragon (HM), 159].
117 En réalité, on le tenait pour un ongle de griffon. Il était fait d’une corne de bison fixée sur une patte d’oiseau de bois sculpté recouvert de toile et de mastic, suspendue dans la chapelle haute (Lombard-Jourdan 1979, 146-147 ; Gaborit-Chopin 1991, 224). Le griffon passait au Moyen Âge pour une incarnation diabolique (selon Marco Polo, fin xiiie siècle, c’était un aigle géant, capable d’enlever un éléphant dans ses serres). Jérôme Münzer l’a vu en 1494-1495 : “J’avais toujours cru que le griffon était un animal imaginaire, mais maintenant j’en ai vu un vrai” (Vincent-Cassy 2000, 293). Antonio de Beatis : “Au milieu [de la chapelle] pend une griffe d’oiseau griffon, dont chaque ongle est d’une palme et demie. Si elle est vraie, on peut dire qu’elle est fabuleuse, si elle est imitée, qu’elle est faite avec une rare ingéniosité” [Aragon (HM), 160 ; Aragon (AC), 117-118 ; cf. Platter (LRLII), 116].
118 C’est évidemment Notre-Dame de Paris. On est frappé par le laconisme de l’allusion.
119 L’Hôtel-Dieu, attesté sur le parvis de Notre-Dame depuis le IXe siècle, reconstruit après 1164 au sud du parvis. Thomas Platter le Jeune : “Devant Notre-Dame, à main gauche, on bute sur l’Hôtel-Dieu, grand et bel hôpital. En tout temps y résident quantité de malades" [Platter (LRL II), 115].
120 Créée en 1257 au faubourg Saint-Michel, la chartreuse de Vauvert, disparue aujourd'hui, était située entre l’avenue de l’Observatoire et la rue d’Assas [Biver 1970, 103-115, fig. 18-21 ; cf. Platter (LRL II), 151].
121 Les Quinze-Vingts, hôpital destiné à accueillir une congrégation de trois cents “pauvres aveugles de la cité de Paris” après l’échec de la 7e croisade (1248-1254). La construction est antérieure à juin 1260. Mais le fait que “la maison des Quinze-Vingts [aurait été fondée] pour nourrir et loger trois cents chevaliers qu’il [saint Louis] ramena d’outre-mer, ausquelz les Sarrasins auroient crevé les yeux” (Fleur des Antiquitez de Paris de Corrozet 1532, f° 40) est une légende qui sera récusée par Léon Le Grand (Le Grand 1887, 11-18 ; Weygand 2003, 29-32 et n. 35, 35-36). François Ier en a réformé le fonctionnement en 1546, plaçant l’établissement sous la direction du grand aumônier de France, sous la protection spéciale du roi (Weygand 2003, 39). R. se trompe toutefois dans la localisation : le premier hôpital se trouvait hors de l’enceinte, près de la porte Saint-Honoré (aux guichets de Rohan, 155 rue Saint-Honoré). Il sera détruit en 1781 (Hillairet 1963, 425-426 ; cf. également Gôlnitz 1631, 196-197).
122 Le corps de Clovis (1er), décédé le 27 novembre 511, fut porté dans la basilique des Saints Apôtres (Pierre et Paul), sur la colline Sainte-Geneviève. Son monument funéraire, conservé aujourd’hui à Saint-Denis, date du XIIIe siècle (Erlande-Brandenburg 1975,133-134, no 1, fig. 70-72).
123 Le gisant de Childebert (décédé le 23 décembre 558), élevé avant 1170 dans l’église Saint-Germain-des-Prés (aujourd’hui à l’abbatiale de Saint-Denis) (Erlande-Brandenburg 1975, 135-137, no 7, fig. 43-46).
124 La tombe de Chilpéric (Ier), décédé en 584, et contemporaine du gisant de Childebert, se trouvait dans le chœur de Saint-Germain-des-Prés. Elle a disparu à la Révolution (Erlande-Brandenburg 1975, 138-139, no 14, fig. 47-48).
125 La tombe de Clotaire II († 628), qui se trouvait à Saint-Germain-des-Prés, a disparu après 1816 (Erlande-Brandenburg 1975, 141, no 21, fig. 51).
126 Childéric II († 675) et son épouse Bilihilde étaient inhumés à Saint-Germain-des-Prés. Leurs tombeaux ont disparu après 1816 (Erlande-Brandenburg 1975, 146, no 30-31, fig. 54 et 53).
127 Le monastère des augustins correspond aux Grands Augustins, établis à Paris sous saint Louis, entre Saint-Eustache et l’actuelle place des Victoires, puis transférés en 1293 sur les bords de la Seine, à proximité de la Tour de Nesle (Biver 1970, 176-191, fig. 35-37). Le plâtre que R. nomme “Hercule le Grand” (ou le Grand Hercule) était en fait un projet de Benvenuto Cellini pour une fontaine de Fontainebleau comportant en son centre une statue colossale représentant Mars sous les traits de François Ier. Il en prépara plusieurs modèles dans son atelier du Petit-Nesle (qu’il occupa de 1540 à 1545), dont un à la taille prévue de 54 pieds, soit 17, 60 m, qu’il montra au roi lors de sa visite en juin 1544 (dans sa Vita, Cellini parle de 40 brasses, soit plus de 23 m). Il est possible que le roi l’ait encouragé car on envisagea de couler ce Mars en bronze. Le projet n’aboutit pas, non point à cause de la mort du roi, mais en raison de son gigantisme (plus de roo morceaux) et du départ de Cellini en 1545. Le plâtre dut rester debout dans les prés du Petit-Nesle : on s’est soucié d’empêcher quelque temps encore la détérioration du “grand colosse”. Un couvreur fut payé “pour couvrir partie du bras dextre dudict collosse pour obvier à l’éminent péril des pluyes, gresles et gelées”. Selon Jestaz, ce serait la dernière mention (datée du 26 octobre 1546) que l’on aurait de ce modèle. On ne possède aucune reproduction de ce colosse. (Milanesi 1857, 203-210 ; Laborde 1880, 329-330 ; Bacci 1901, 280-283, 294-297, 306, 311-312, 318-319 ; Grodecki 1971, 45-92, en part. 51-52, 54 et p. 73-74, premier marché avec Gilles Jourdain et Pierre Villain, fondeurs, pour la fonte du portail de Fontainebleau et de la statue de Mars, 2 juin 1543 ; Prinz-Kecks 1994, 101 et 428 ; Jestaz 2003, 119-123, “la fontaine de Mars”). L’allusion de R. montre qu’il était encore visible en 1548 ou 1549. S’il le nomme Hercule, c’est sans doute à cause d’une dénomination poulaire dont Pierre Belon du Mans s’est fait l’écho à l’occasion de sa visite du Sphinx de Gizeh : “Le Roy François plus grand admirateur des choses hautaines que nul autre, avoit délibéré faire jecter un Hercules de fonte : & veritablement il l’eust fait s’il n’eust esté prevenu de mort, car le patron [modèle] ha duré longtemps à Paris à l’Ostel de Nelle : qui avoit de cinquante deux à cinquante trois pieds de hauteur, & s’il l’eust achevé, il est à croire que son ouvrage eust effacé toutes celles que les Empereurs Romains & Ægyptiens feirent onc eriger. Quelques autres pensent qu’il entendoit faire un Mars, car les patrons estoyent desja grossoiez pour faire une Venus de la mesme grandeur. Ceux qui l’ont vue, en ont prins moult grande admiration : mais nous leur en voulons mettre un autre en parangon. C’est celuy de Mercure que Lenodorus [= Zenodorus] architecte avoit erigé en Auvergne, & qui depuis estant appellé à Rome feit celuy du Soleil, que Neron feit eriger à Rhodez [= Rhodes], tout massif de fin marbre, qui estoit justement deux fois aussi grand que I’Hercules du Roy : car comme celuy du Roy avoit cinquante deux pieds & demy, celuy de Rhodez avoit cent cinq pieds” (Sauneron 1970, 116b).
128 Le cimetière de la Trinité se trouve près de Saint-Mathurin. L’anecdote se trouve également, presque semblable, chez Thomas Platter le Jeune : “D’après ce qu’on m’a dit, la terre de ce lieu [du cimetière, rue Saint-Denis] consomme entièrement la chair des cadavres en neuf jours” [Platter (LRLII), 140]. Plus tard Brackenhoffer reprendra la légende (“Il y a à Paris, au cimetière des Innocents, une terre si âpre et si calcaire, qu’en vingt-quatre heures elle consume entièrement un cadavre”) : Brackenhoffer (EL II), 120.
129 Il faut préférer Sacrobosco à Sacrobusco. John de Hollywood, dit Johannes de Sacrobosco, était un moine ne dans le comté d’York à la fin du xiie siècle. Après avoir étudié à Oxford et être passé par un monastère écossais, il vint à Paris vers 1220, fut reçu à l’université le 5 juin 1221 et fut élu professeur de mathématiques peu après. Sa vie est obscure : il semble avoir été général de l’ordre des Mathurins (ou religieux de la Trinité) créé en 1197 pour le rachat des captifs. Il est mort à Paris en 1244 ou 1256. Il a été un mathématicien et astronome célèbre, auteur du traité le plus usité durant tout le Moyen Âge, le De Algorismo, d’un De anni ratione seu de computo ecclesiastico (Wittenberg, 1588) et du De Sphœra mundi, abrégé de la Géographie de Ptolémée commentée par les Arabes, qui fut le premier livre d’astronomie imprimé (Ferrare, 1472), eut 65 rééditions et fut le manuel d’initiation de tous les étudiants du début du xiiie à la fin du xvie siècle. Sa tombe se trouvait au monastère des Mathurins (situé entre la rue Saint-Jacques, le boulevard Saint-Germain, la rue du Sommerard et l’hôtel des abbés de Cluny), dans le cloître. Thomas Platter le Jeune en relèvera l’épitaphe en 1599 : De Sacro Bosco qui computista Johannes/Tempora discrevit, iacet hic à tempore raptus./Tempore qui sequeris, memor esto, quod morieris./Si miser es, plora ; miserons pro me, precor, ora [sur le monastère : Biver 1970, 231-240 ; sur l’épitaphe : Épitaphier [VIII] 291, 294 ; 3926 et n. 3 ; Platter (RK), 575, n. 1 ; et Platter (LRL II), 126 et n. 51, 545 ; elle est citée in extenso par Chytræus 1594, 709].
130 La tombe de Guillaume Budé (1468-1540) à Notre-Dame des Champs était un véritable lieu de pèlerinage (La Garanderie 1997. Sur l’épitaphe : Épitaphier [V 2] 2371, n. 1, p. 142 etc).
131 Ces fêtes comprennent : 1) un tournoi près du château de Madrid (mai 1549) ; 2) les cérémonies du couronnement de Catherine de Médicis (10 juin) ; 3) et 4) les très célèbres entrées du roi Henri II et de la reine dans Paris (16 et 18 juin) ; 5) enfin un feu de la Saint-Jean (23 juin). Le tournoi semble inédit. Le morceau de bravoure concerne les entrées royales. Il est plus que probable que R., en rédigeant ce récit, après son retour à Breslau, s’est servi du livret en français imprimé à cette occasion, qu’il aura acquis à Paris. C’est du moins ce que laissent penser un grand nombre de similitudes dans les descriptions.
132 Commencé en 1540 par Pierre Chambiges, le château de Saint-Germain-en-Laye a été achevé par Philibert Delorme et inauguré par un banquet, le 19 mai 1549 [Babelon 1989, 318-323, no 116 et 444-445, no 149 ; Thomas Platter le décrit : (LRL II), 469-473].
133 Avant de faire son entrée à Paris, Henri II l’a faite en effet à Lyon, le 23 septembre 1548 (son épouse le jour suivant) (Cloulas 1985, 196-214).
134 Autrement appelé Château du bois de Boulogne (à Neuilly-sur-Seine). Construit à partir de 1528 sur le modèle de la Casa de Campo (œuvre de Francisco de Varga, à l’ouest de Madrid : 1515-1519) que François Ier avait pu apprécier durant sa captivité. Entièrement détruit en 1793. C’était l’un des grands châteaux français de la première Renaissance [Chatenet 1987, en part. 119-126 pour l’inspiration ; Marias 1991 ; Knecht 1998, 417-418 et n. 22, p. 610. Cf. Platter (LRL II), 473].
135 Nous n’avons pas transposé en langage moderne l’exclamation virile latine mehercule (“par Hercule !”). Elle pourrait être rendue par “bon sang” ou “par Dieu !”.
136 La simple mention et la description de ce tournoi semblent inédites. J’adresse des remerciements à Marie-Madeleine Fontaine pour son aide à la traduction et ses encouragements. Il est tout à fait possible que ce spectacle ait été donné à l’occasion du baptême, le 29 mai, du deuxième fils d’Henri II, Louis de France (né le 3 février), titré immédiatement duc d’Orléans (il mourra l’année suivante) (Cloulas 1985, 220). Rappelons que cette naissance avait donné lieu, le 15 mars, à Rome, à une célèbre fête, avec tournois et combat naval, organisée par le cardinal du Bellay, et décrite par Rabelais et Guillaume Paradin (Cloulas 1985, 220-223). Voir l’édition de La Sciomachie et festins faits à Rome..., de Rabelais (Lyon, S. Gryphe, 1549) par Richard Cooper (Cooper 1991).
137 Le sacre et le couronnement de la reine Catherine de Médicis eurent lieu, en réalité, le lundi de Pentecôte 10 juin 1549. Un énorme travail d'échafaudage a été réalisé dans l’église pour l’occasion. R. est bien peu disert sur l’événement. Son erreur de date est étrange. Ce luthérien a-t-il vraiment assisté à la cérémonie dans l’église, comme il le prétend ? Il est vrai que seuls les très grands personnages entraient dans le chœur, derrière le jubé, mais dans la nef et à l’extérieur la foule se pressait pour voir le roi. C’est probablement cela que R. appelle “assister au sacre”. Toujours est-il qu’il ne décrit pas le moins du monde la cérémonie, alors qu’il disposait d’un récit officiel publié dans le livret que nous mentionnons à la n. 138, intitulé C’est L’ordre et forme qui a esté tenue au Sacre & Couronnement de treshaulte & tres-illustre Dame Madame Catharine de Medicis, Royne de France, faict en l’Eglise Monseigneur sainct Denys en France, le X. jour de Juin M.D.XLIX. (10 folios) [= Anon. 1549].
138 L’entrée du roi dans Paris, le dimanche 16 juin, est un événement illustre, tant sur le plan de l’histoire des arts et de la littérature que d’un point de vue purement politique (Gebelin 1924 ; Saulnier 1956). Il n’y a pas lieu de douter de la présence de notre Silésien à cette cérémonie, mais il est pratiquement certain qu’il en a rédigé la description à l’aide du livret édité à cette occasion à Paris par Jacques Roffet et intitulé C’est l’ordre qui a este tenu a la nouvelle et joyeuse entrée que treshault, tresexcellent, & trespuissant Prince, le Roy treschrestien Henry deuzieme de ce nom, à faicte en sa bonne ville & cité de Paris, capitale de son Royaume, le seziemejour de Juin M.D.XLIX. (= Anon. 1549). C’est Jean Martin qui aurait écrit ou inspire cette relation (Saulnier 195b, 54). I. D. MacFarlane a inventorié quatre versions légèrement différentes (MacFarlane 1982) et publié en fac simile la version C, au texte le plus complet, avec des commentaires (on trouvera une autre version sur Gallica : http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k1050521). On pourra se reporter commodément au chapitre d’Ivan Cloulas consacré à ces fêtes (Cloulas 1985, 232-244). R. en a résumé le texte et l’a traduit en latin, ce qui n’a pas été sans présenter quelques difficultés. Dans son ensemble il n’apporte absolument aucune information nouvelle et suit servilement le plan du livret. On trouvera donc d’abord une description des monuments provisoires construits sur le parcours du défilé, soit 1) l’arc de la porte Saint-Denis ; 2) la fontaine du Ponceau ; 3) l’arc situé devant l’église Saint-Jacques-de-l’Hôpital ; 4) l’obélisque au rhinocéros dressé devant l’église du Saint-Sépulcre ; 5) l’arc des Argonautes au pont Notre-Dame ; 6) le second arc du même pont (mentionné ; non décrit) ; 7) le “pont maisonné” lui-même ; 8) l’arc double élevé à l’entrée du Palais de Justice. Ensuite R., comme le livret, décrit la procession des Parisiens venus saluer le roi au prieuré de Saint-Lazare, qui s’achève par la remise des clés de Paris au souverain par le prévôt des marchands. La salve d’artillerie en l’honneur du roi n’est pas mentionnée. Puis vient l’entrée proprement dite, dans l’ordre du livret, qui s’achève à Notre-Dame. R. ne dit mot, en revanche, ni de la cérémonie religieuse à la cathédrale, ni du souper royal et de son étiquette au Palais, sur lesquels le livret insiste pourtant longuement. Une comparaison systématique de notre récit avec le livret ne serait d’aucune utilité, mais nous avons voulu signaler et expliquer les différences les plus notables, et surtout les détails qui ne se trouvent pas dans le livret.
139 Le détail concernant la peinture placée “à l’intérieur de l’arc” et représentant les travaux d’Hercule n’est pas donné par le livret, ni par aucune autre source. S’agit-il d’une œuvre réelle, ou bien R., écrivant de mémoire, a-t-il commis quelque confusion ? Il ne décrit pas le célèbre couronnement de l’arc, qui représentait l’Hercule gaulois accompagné de quatre personnages reliés à lui par des chaînettes (Anon. 1549, 2r-4r, bois 4r ; MacFarlane 1982, 39 ; Cloulas 1985, 236-237). Sur la devise : Saulnier 1956, 46.
140 La fontaine du Ponceau est évoquée de façon en partie erronée : Jupiter n’était pas “assis sur un aigle”, mais debout sur un globe. Les statues ne représentaient pas des nymphes, mais des Fortunes (du roi, de la noblesse et du peuple) ; en revanche quatre nymphes étaient figurées en bas-relief sur le corps de la fontaine, au-dessus de dauphins vomissant l’eau (Anon. 1549, 4V-5V, bois 5V ; MacFarlane 1982, 40-41 ; Cloulas 1985, 238).
141 La description de l’obélisque est la même que dans le livret, à cette réserve près que la statue de la Gaule qui le surmontait mesurait 10 pieds, soit 3,24 m de hauteur (Anon. 1549, 9v-11r, bois 11r ; MacFarlane 1982, 42-43 ; Cloulas 1985, 239-240).
142 L’arc des Argonautes du pont Notre-Dame comportait sous sa voûte deux tableaux. R. n’en mentionne qu’un, à main droite, représentant Phryxus consacrant au dieu Mars la Toison d’Or. De l'autre côté était représenté Jason s’emparant de la Toison et emmenant Médée. L’inscription relevée par R. se trouvait “dans la plinthe, sous les pieds de Typhis” (l’Argonaute surmontant l’arc), et est extraite de Virgile (Verg., Ecl., 4.34) (Anon. 1549, 13v-15r, bois 15r ; MacFarlane 1982, 44 ; Cloulas 1985, 241) ; sur la citation : Saulnier 1956, 51.
143 R. a renoncé à décrire le second arc du pont Notre-Dame (Anon. 1549, 16v-17r ; MacFarlane 1982, 45).
144 Le renvoi au “pont maisonné” se rapporte à la note 112, supra (Anon. 1549, 15v-16r, bois 16r ; MacFarlane 1982, 45 ; Cloulas 1985, 241-242). Le pont Notre-Dame a été bâti avec 34 maisons à trois étages sous Louis XII suivant les plans du dominicain fra Giocondo (Cloulas 1985, 241).
145 L’arc de triomphe double situé à l’entrée du Palais de Justice, dans l’île de la Cité, n’est pas décrit à cet endroit-là dans le livret. La statue y est définie comme une Minerve (en non la Sagesse ; mais Corrozet parle d’une Vénus) pressant son sein d’où sortait du lait (et non du vin clairet) (Anon. 1549, 27V-28r, bois à part, 27 bis ; Cloulas 1985, 242). Y a-t-il eu une distribution temporaire de vin que seul signalerait notre visiteur ?
146 En fait, ce fut l’inverse qui se produisit : les ordres mendiants puis les églises ouvraient la marche devant l’université de Paris. Et le livret ne mentionne pas le recteur : Anon. 1549, 17V : “commencerent à marcher au devant de sa majesté les quatre ordres mendiannes (= mendiants), & suyvant eulx les Églises. Apres suyvit l’Vniversité de Paris”, (le recteur n’est pas cité) ; Cloulas 1985, 232 : le recteur harangue doctement le souverain.
147 Il s’agissait en fait des dix-sept métiers (Anon. 1549, 17v-18r ; Cloulas 1985, ibid.).
148 Le livret précise : “... se monstrerent six vingts jeunes hommes, enfans des principaux marchans & bourgeois de ladicte ville...” (Anon. 1549, 18v ; Cloulas 1985, ibid.).
149 Ici, R. a considérablement abrégé le récit, on ne sait pourquoi, omettant toute une série d’officiers que le livret détaille, prévôt de Paris, lieutenants, avocats et procureurs au Châtelet, gens de justice, de la Monnaie, des Aides, des Comptes, de la cour de Parlement (Anon. 1549, 19v-21r). Lorsqu'il indique “qu’il serait trop long de le décrire entièrement (le cortège)”, peut-être veut-il dire qu’il refuse même de résumer le livret ?
150 R. omet tout l’entourage du chancelier sur lequel le livret s’attarde longuement. Il insiste sur le chancelier (qui ne “marche” pas, mais “est monté sur sa mulle”) et surtout sur le sceau (Anon. 1549, 21v-22r ; Cloulas 1985, ibid.).
151 Selon le livret, la haquenée portant le sceau royal “estoit menée par deux laquetz de Monseigneur le Chancellier, habillez de pourpoints & chausses de veloux cramoysi” (Anon. 1549, 21v) et non par des nobles.
152 De nouveau, R. abrège considérablement sa description par rapport au texte du livret, et précise qu’il “se tait par souci de brièveté.”
153 Ce passage doit correspondre à : “plusieurs jeunes gentils hommes & seigneurs, habillez de draps d’or & argent” du livret (Anon. 1549, 22v) qui ne fait toutefois aucune allusion à des plumes d’autruche.
154 R. est ici plus précis que le livret, qui indique seulement : “Suyvant eulx les Heraux & leurs poursuyvans, vestuz de leurs cottes d’armes” (Anon. 1549, 23V ; Cloulas 1985, 235).
155 D’après le livret, les quatre nobles étaient les suivants : le sieur de Carnavalet, portant le manteau royal ; le seigneur de Scipierre [Philibert de Marcilly, sieur de Cypierre], portant le chapeau royal ; le seigneur de Genlis, portant les gantelets et le seigneur de Carvoisin, portant l’armet royal, “couvert du mantelet royal de veloux pers, semé de fleurs de lis d’or traict, fourré d’hermines mouchetées, & couronné d’une couronne close”. Les deux “maîtres de cavalerie” (en fait les maréchaux de France) qui suivaient étaient, toujours selon le livret, les seigneurs de Sedan (Robert de La Marck) et Jacques de Saint-André, “richement armez & parez de sayes de drap d’or frizé” (Anon. 1549, 23v-24r ; Cloulas 1985, 235).
156 Selon le livret, le cheval de parade du roi était mené par deux (et non pas quatre) “Escuyers d’escuyrie, allans à pié...” (Anon. 1549, 24r-v).
157 R. confond en une même personne deux très hauts personnages porteurs d’épée : Monseigneur de Boisy, Grand Écuyer de France (il s’agit de Claude Gouffier, duc de Roannez) qui porte en écharpe (et non dégainée) l’épée de parade du roi, et Anne de Montmorency, Connétable de France, tenant l’épée de sa fonction ! Ce dernier était vêtu par-dessus “d’un saye de drap d’or frizé” (Anon. 1549, 24V ; Cloulas 1985, 235).
158 Les premiers tribuns de la ville de Paris dont parle R. correspondent aux “quatre eschevins de la ville" qui, selon le livret, portèrent le dais depuis la porte Saint-Denis jusque devant l’église de la Trinité (ensuite, les autres porteurs furent des représentants des métiers) (Anon. 1549, 24v-25r, bois, 19r ; Cloulas 1985, loc. cit.).
159 Livret : “À la queue desdicts Escuyers estoi(en)t... deux huissiers de sa chambre, parez de robbes & sayes de veloux blanc, decouppez & r’atachez de boutons d’or, portans leurs masses” (Anon. 1549,25v).
160 Livret : “Et à sa dextre (du roi) un peu sur le derriere, marchoit Monseigneur de Longueville, grand Chambellan, & à gauche Monseigneur le Duc de Guyse premier Chambellan...” (ibid. ; Cloulas 1985, loc. cit.) (ce document détaille leurs vêtements). Le Grand Chambellan est François III d’Orléans (1535-1551) ; le premier chambellan est Claude de Lorraine (1496-1550), premier duc de Guise en 1528.
161 La liste en est donnée dans le livret (Anon. 1549, 26r-27r).
162 En réalité, il y avait deux bandes de 100 gentilshommes, conduites par Monsieur de Canaples et le seigneur de Saint Cyr. Le livret ne donne pas de précision sur leur armement. Il se contente de dire que les 200 gentilshommes avaient “armet en teste, & la lance sur la cuisse” (Anon. 1549, 26v).
163 Le livret précise qu’il s’agissait des seigneurs de Chavigny, d’Estrées et de la Ferté, capitaines des gardes “habillez de leurs hocquetons tous couverts d’orfevrerie d’or” (ibid.).
164 L’entrée de Catherine de Médicis eut lieu le mardi 18 juin. Le livret intitulé C’est l’ordre qui a esté tenu... lui consacre aux ff. 29r-40r (Sensuit lordre de lentree de la Royne) une longue description (Cloulas 1985, 245)·
165 Le livret ne signale pas le changement de livrée, il indique au contraire que les participants au défilé avaient “mesme ordonnance & parure qu’ils avoyent faict le dimanche precedant au devant du Roy” (Anon. 1549, 29r).
166 R. traduit littéralement ce passage du livret : “ledict Prevost de Paris, lequel estoit en armes à l’entree dudict Seigneur, & fut au devant de ladicte Dame, en robe de drap d’or frizé sur champ cramoysi rouge...” (ibid. ; Cloulas 1985, 245).
167 Nouvelle traduction littérale du livret : “& estoit devant luy l’un de ses Escuyers monté sur un brave cheval d’Espagne richement enharnaché.” (ibid.).
168 Le livret dit : “& entre ledict cheval & ledict Prevost deux de ses pages, & autant de ses lacquaiz, habillez de veloux tané...” (ibid.). R. a traduit le mot “pages” par “jeunes nobles”, et laissé de côté les deux laquais. La couleur tanné, du domaine de l’héraldique, correspond à un orange très foncé, couleur du cuir, ou “feuille morte.” R. a choisi l’équivalent latin rare jecorei coloris (de jecor, jecur, le foie).
169 R. a sauté plusieurs passages du livret. Sa remarque sur le changement de vêtements des nobles correspond au passage suivant : “Apres, les Gentils hommes de la chambre, & parmi eulx les Contes, Capitaines, & grans Seigneurs, les uns parez de robbes de drap d’or frizé, & les autres d’autres differentes sortes de draps d’or, d’argent, & de soye, la pluspart couverts de pierreries, boutons, & fers d’or...” (Anon. 1549, 3or).
170 Le livret donne haches (Anon. 1549, 31v) là où R. écrit bipennes eorum seu mallia. Nous traduisons bipennes par “hallebardes. ” Le mot mallia, qui semble incorrect (pluriel de *mallium), est utilisé à la place de mallei, “marteaux, maillets.”
171 Le livret les identifie : “À leur queue les Seigneurs de Boysi & de Canaples, leurs Capitaines, ayans leurs grans ordres au col, & eux tresrichement parez” (ibid.).
172 La sœur du roi est Marguerite de Valois, duchesse de Berry, née le 5 juin 1527 à St.-Germain-en-Laye, décédée à Turin le 14 septembre 1574 (elle épousera en 1559, à Paris, Emmanuel-Philibert, duc de Savoie).
173 Anne de Montmorency ; supra, η. 157.
174 Jacques d’Albon, seigneur de Saint-André (né vers 1505, † 1562), maréchal de France en 1547 (Romier 1909). L’office de chevalier d’honneur de la reine qui impressionne tant notre Silésien est ainsi défini par le Dictionnaire de l’Académie Française (6e éd., 1835, t. I, 333) : “Chez la reine et les princesses de la famille royale, le principal officier qui leur donne la main quand elles marchent.”
175 Le livret précise : “Aux deux costez de la litiere de la Royne marchoyent quatre Cardinaux revestuz de leurs rochets, assavoir Messeigneurs les reverendissimes Cardinaux d’Amboise & de Chastillon les premiers, un peu plus avant que ladicte litiere. Et suyvant eulx aux deux costez de ladicte Dame, Messeigneurs les reverendissimes Cardinaux de Boulongne & de Lenoncourt” (Anon. 1549, 32r-v).
176 R. s’est trompé dans le nombre en écrivant quatre vingts au lieu de vingt-quatre (cf. le livret : “& autour de ladicte Dame les vingt quatre archers de la garde du corps du Roy, revestuz de leurs hocquetons blancs, faicts d’orfevrerie à la devise du Roy” ; ibid., 32v).
177 Le livret donne le détail de toutes ces dames – en réalité au nombre de onze – et de leurs chevaliers-servants, ce qui explique sans doute le total de vingt-deux dénombré par R. (Anon. 1549, 32V-33V).
178 Ici, notre étudiant fait part de son expérience personnelle, comme si cela n’était pas le cas pour tout ce qui précède. Malheureusement, son évocation du cadeau fait au roi est extrêmement sommaire. Ce présent, “le Verger d’or aux Trois Rois” – aujourd’hui disparu – fut offert au roi par le prévôt des marchands, les échevins et principaux officiers de la ville “le jour de la feste Dieu”, soit le jeudi 20 juin, aux Tournelles. Le livret est précis et l’on a par ailleurs la chance de disposer du marché conservé aux Archives nationales (K 957, no 14) et d’un projet dessiné sur vélin, attribué à Jean Cousin le Père et conservé à l’École des Beaux-Arts de Paris. L’ensemble, œuvre des orfèvres Hans Yonques, Thibaut Laurens, Macé Begault et Jean Cousin, est difficile à décrire, mais sa structure pyramidale culminait en un palmier enraciné sur un socle en effet triangulaire. À ses branches était suspendue une tablette inscrite. Aux pieds du palmier étaient figurés debout Henri II et ses deux prédécesseurs, tous revêtus de tenues militaires à la romaine. À un niveau inférieur se trouvaient aux trois angles (selon le marché), ou sur les trois côtés du triangle (selon le dessin), des figures “de bosse ronde en forme de vertus.” L’inscription de la tablette signifie “Les grandes choses conviennent à un grand roi.” Le livret identifie les trois personnages de la base comme étant Janus, la Justice et Mavors (Mars) [Anon. 1549, 36v-37r ; Wanklyn 1979, fig. 1 ; Cloulas 1985, 247-248 ; Zerner 1996, 239 (fig. 274) et 240 ; sur l'inscription : Saulnier 1956, 52, qui renvoie à Érasme, Apopht., IV ; Alexandre le Grand, 2].
179 Des travaux importants ont été menés rue Saint-Antoine sous la direction de Philibert de L’Orme. En mai, la rue a été dépavée entre la rue Saint-Paul et la Bastille. Des lices ont été établies, entourées de tribunes. Celle de la reine, à deux étages, se trouvait devant l’hôtel des Tournelles. Trois autres tribunes ont été en outre réservées aux personnalités, ainsi qu’une grande salle des fêtes dans le jardin de l’hôtel des Tournelles. Les joutes ont eu lieu le dimanche 23 juin (Anon. 1549, 38V ; le livret est paginé par erreur 40V ; MacFarlane 1982, 61-63 ; Cloutas 1985, 249).
180 Cet arc s’élevait rue Saint-Antoine, “assez près de la voye par ou lon tourne à l’eglise sainct Pol.” Les statues surmontaient les deux colonnes. L'inscription placée sous Belgius signifie : “Au Gaulois, vainqueur de l’Asie tout entière, ses descendants qui n’ont pas oublié” ; celle située sous Brennus : “Au Gaulois vainqueur des souverains de l’Europe, les Gaulois qui ont à se venger ont érigé ce trophée” : Anon. 1549, 38V (errore 40v)-39r, bois, 40V (errore 38V) ; Saulnier 1956, 53 ; MacFarlane 1982, 46 ; Cloutas 1985, 249-250·
181 Cet arc constituant la sortie de l’arène regardait vers la Bastille et était composé de trois portes. Le livret ne le décrit que fort sommairement et se contente d'en donner le bois : “en si extreme perfection de beaulté, qu’il n’est possible (sans ennuyer les desirans de veoir) d’en specifier les particularitez : par quoy je les remets au jugement que la veue en pourra faire, apres avoir mis l’œil sur le pourtraict” : Anon. 1549, 41r (errore 37r) et bois, 42r On distingue bien sur le bois quatre statues équestres placées sur des piédestaux en avant des piles du triple fornix. R. les a-t-il vues ou bien s’est-il contenté du “pourtraict” publié ?
182 Cette bataille navale eut lieu le mercredi 3 juillet. C’est une répétition de la fête nautique de l’entrée de Lyon et une reconstitution de celle qui avait été organisée en mars à Rome pour fêter la naissance du duc d’Orléans (Cloulas 1985, 250-251). Nous n’avons trouvé nulle part mention de l’appellation Nouvelle Boulogne. Il s’agit sans nul doute d’une allusion aux préparatifs du siège de Boulogne, bien avancés à l’été 1549 (fort Châtillon), qui aboutiront à la reddition de la ville en avril 1550 (Cloulas 1985, 263-270) ; c’est au début du mois d’août que la France entrera officiellement en guerre contre l’Angleterre. Lors des fêtes parisiennes, le fort de bois a été édifié dans l’île Louviers (aujourd’hui disparue), située derrière l’île Saint-Louis. Ce sont trente-trois galères peintes qui l’assaillirent avec force cannonades, et s’en prirent à sept “galéaces” serrées dans un port construit pour la circonstance. Notre source principale est en l’occurence François de Belleforest (Belleforest 1600, 576r-v ; MacFarlane 1982, 63-68). Contrairement à l’embrasement (voulu) de la tour, l’accident tragique signalé par R. ne paraît nulle part ailleurs.
183 Il ne s’agit sûrement pas de la procession solennelle qui eut lieu le lendemain, jeudi 4 juillet, “pour extirper les hérésies”, au cours de laquelle furent portées de nombreuses reliques et à laquelle participèrent de nombreux clercs et prélats : à l’issue de cette cérémonie furent en effet brûlés plusieurs “hérétiques sacramentaires” (Belleforest 1600, 576V-577 ; MacFarlane 1982, 68-70). Signalons que la chose n'était pas rare puisque, au début juillet 1547, on avait brûlé vifs quatre luthériens, après une procession générale du roi Henri II (Anon. 1860).
184 Le feu de la Saint-Jean a eu lieu place de Grève, devant l’Hôtel de Ville : le nom de “place Saint-Jean” vient du fait que l’église qui s’y élevait se nommait Saint-Jean-en-Grève (Anon. 1549, 38r – errore 40r ; Cloulas 1985, 248-249). On ne parle nulle part du “bruit des canons des bateaux.”
185 Il s’agissait d’Anne d'Este, fille d’Hercule II, duc de Ferrare et de Renée de France, donc cousine germaine du roi Henri II. Son mariage avec François, duc d’Aumale, qui devait sceller l’alliance de la France et de Ferrare, eut lieu le 4 décembre 1548 à Saint-Germain-en-Laye. En réalité, le vieux duc Claude de Lorraine et le cardinal Charles son fils étaient allés, entourés d’une escorte de 40 personnes, accueillir la fiancée à Grenoble le 27 octobre. François d’Aumale n’est devenu duc de Guise qu’en 1550 : R. a donc écrit (ou complété) ce passage après l’événement (Cloulas 1985, 181-183, 196, 216 et 218).
186 Voir supra, n. 20 et 41, infra, η. 197 et après 303.
187 Sebald Saurma : évidemment le même que supra, n. 36. Le patronyme Sauermann a pour variante constante Saurma (Bauch 1885).
188 D’une famille d’échevins de la ville de Haguenau ; fils de Hans Schultheis, il est né vers 1525. Sébastien Schultheiβ, immatriculé à Fribourg-en-Brisgau le 23 avril 1543 (Mayer, I, 335, no 55 : ex Haganoia, laicus diocesis Argentinensis) et à Orléans le 26 mai 1545 (Ridderikhoff 1971, 366 : Dominus Sebastianus Schultheyss, patria Haganœnsis, diocesis Argentinensis, vigesima sexta die maji, anno 1545, sous le procurator Rodolphus Lœkeman ; ajouté d’une autre main : mortuus est anno 79, mense octobri, Haganoœ). Élu échevin le 4 décembre 1564. Stettmeister et Pfleger de Saint-Georges de Haguenau en 1573· Ami de Johann Schenckbecher, dont il signe l'album amicorum le 1“juin 1573. Städtmeister de Haguenau. Décédé le 8 novembre 1579, inhumé aux Carmes déchaussés de Haguenau (Notice biographique de Detlef Illmer dans Illmer et alii 1980, notice 1143, 394-395 ; voir aussi Knod 1906, 39-40 et n. 1). Son nom figure sur l’album amicorum de Christoph von Teuffenbach, probablement à Poitiers (Hiernard 2003, 409-410 ; Hiernard 2006, 245). Voir infra, n. 267 et 312.
189 Châtres fut le nom d’Arpajon jusqu’en 1720 : La Grande Encyclopédie, III, 1087 ; Platter (RK), 542, n. 2 ; Platter (LRLI), 379.
190 Le donjon royal d’Étampes (“tour Guinette”) a été élevé entre 1130 et 1150 (Gebelin 1962, 25-26 ; Salch 1977. 716)·
191 Les fortifications d’Orléans, reconstruites sous Louis XI, Louis XII et François Ier, furent rasées en 1563 par le gouverneur de Cypierre sur ordre de Charles IX.
192 Université fondée vers 1235, officiellement reconnue en 1306 par Philippe le Bel [Platter (LRL III), 92, écrit que ce fut Philippe le Bel qui créa l’université ; et commentaire, 539, n. 112]. Très fréquentée par les étudiants en droit venus du Saint-Empire, du Moyen Âge au xxiie siècle. Les travaux sur l’université et son rayonnement sont innombrables (v. entre autres Lastraioli 2009).
193 Sainte-Croix est la cathédrale d’Orléans, rénovée à la fin du xve siècle, détruite par les huguenots en 1567, rebâtie en 1601 [Platter (LRL III), p. 93 et commentaire, 539, n. 111].
194 En réalité, le siège a commencé le 12 octobre 1428, Jeanne d’Arc est entrée dans la ville le 29 avril 1429, et le siège a été levé le 8 mai.
195 Le monument de bronze de la Pucelle a été élevé, de 1502 à 1508, sur la deuxième pile du pont d’Orléans en partant du Châtelet, à l’instigation des descendants d’un ancien échevin et des proviseurs du pont. Félix Platter le décrit lors de son passage en 1557 : il représentait le Christ en croix entouré de la Vierge (debout), du roi et de la Pucelle aux cheveux déployés, avec glaive, éperons, lance, heaume et panache (tous deux à genoux) [Platter (LRL I), 373]. Le monument fut modifié par la suite (vers 1570) puisque Thomas Platter le Jeune verra, en 1599, “un haut crucifix, à la droite duquel est agenouillé le roi Charles VI (sic). Il est en prière, armé de pied en cap. À gauche, on aperçoit une statue entièrement de bronze, debout. Elle représente une jeune fille, également sous les armes” [Platter (LRL III), 91]. Il s’agit du monument reproduit (plume rehaussée de lavis) dans le Stammbuch d’Ernst Gross von Trockau (Orléans, 1er mai 1606) : crucifixion surmontée d’un pélican ; au pied une Pietà ; à gauche le roi agenouillé avec le blason royal ; à droite la Pucelle agenouillée, son casque posé à ses pieds (Kurras 2005, fig. 6 ; 494 et n. 42 ; sur ces monuments : Jarry 1911 ; la Martinière 1936 ; Jouvellier 1963, 117 ; Images de Jeanne d’Arc 1979, 27-34). On remarquera que R. commet la même erreur que plus tard Thomas Platter le Jeune en identifiant le roi à Charles VI.
196 On notera que R. ne s’est pas fait immatriculer, lors de ce long séjour à Orléans, sur les registres de la Nation germanique. Il le fera plus tard, lors d’une courte excursion depuis Poitiers : cf. infra, n. 306.
197 Willinger s’apprête, en février 1550, à regagner sa patrie, car il est en mauvaise santé. Nous le retrouverons à Orléans de décembre 1550 à 1554 : voir infra, après la n. 303. Il se fera immatriculer à Orléans sous le procurator Hermann Olischleger (du 26.12.1550 à avril 1551), puis il sera lui-même procurator de la Nation germanique à partir du 28 mars 1554, et receveur à partir du 16 juillet 1554 (Ridderikhoff 1988, 124, 143 et 154, n. 3). Plus tard il sera chanoine à Neiβe jusqu’en 1561, à Groβ Glogau en 1553, ainsi qu’archidiacre à Liegnitz en 1563, mais en 1564 il renoncera à ses bénéfices ecclésiastiques pour épouser Kunigunde Dietz von Kupferberg. Il sera qualifié de docteur utriusque juris en 1567 (Zimmermann 1931, 574-575, no 271 ; Stein 1963, 220).
198 Immatriculé à Orléans en 1548-1549 (Ridderikhoff 1988, 84 : Nobilis dominus Melchior von Salhausen, Misnensis, ejusdem diocesis ; Hiernard 2006, 245). Un Melchior von Salhausen signera en 1564 l’album amicorum d’Amandus von Gera (Klose 1988, 25-26 : 63.ger.ama ; cet album couvre la période 1563-1564). Est-ce lui ou son fils ?
199 Louis XI a fait construire à Meung, sur la rive droite de la Loire et face au pont, une grande écurie pour ses chevaux (Heers 1999, 335). C’est l’origine des haras royaux de Meung-sur-Loire, qui rivalisaient avec ceux de Saint-Léger-en-Yvelines à l'époque d'Henri III ; cf. une lettre d’Henri IV à Sully du 14 avril 1601 [Sully, Œconomies, Michaud & Poujoulat (éd.) 1837,t. I, 378] citée par Musset 1917, 12 ; cf. aussi Brantôme 1787, t. V, 356-358) qui énumère les écuries royales des Tournelles à Paris, de Meung-sur-Loire, Saint-Léger et Oiron (cité par Crépin-Leblond 1994, 14).
200 Un premier pont est attesté dès 1160 dans un titre de Lancelin III, seigneur de Beaugency. La version qu’a vue R. date du xive siècle et a conservé son aspect jusqu’en 1608. Le pont actuel mesure 440 m et comporte 26 arches datant de diverses époques. Il s’agit d’un monument exceptionnel qui fut pendant longtemps fortifié (Mesqui 1982).
201 C’est le château familial et natal de Louis XII, fils de Charles d’Orléans. Il y fit faire des travaux dès 1498, de même que François Ier dès 1515 (Babelon 1989, 41-47 et 110-117).
202 A. de Beatis écrivait : “Sous le palais s’étagent trois jardins pleins de fruits et de feuillage ; on s’y rend par une galerie couverte. (...) Tous ces jardins, exécutés sur un terrain jadis montueux et stérile, sont l’œuvre de don Pacello, prêtre napolitain qui, très expert en cette matière, fut amené en France par le roi Charles [VIII] à son retour de Naples. (...) On y voit presque tous les fruits qui poussent en terre cultivée ; des figuiers même y sont plantés, mais en petit nombre, et leurs figues, très petites, parviennent rarement à maturité. J’ai vu aussi beaucoup de citronniers, de grands orangers qui donnaient d’assez bons fruits, mais dans des caisses de bois pleines de terre ; l’hiver on les abrite sous une grande loge couverte qui les préserve de la neige et des vents pernicieux. (...) On voit encore beaucoup de plantes et d’herbes à mettre en salade, des endives et des choux aussi beaux que ceux de Rome” [Aragon (HM), 196-198 ; cf. également Platter (LRL III), 68]. Sur les jardins de Pacello da Mercogliano : Babelon 1989, 47.
203 Le “jardin bas” ou “jardin de la reine”, sur une terrasse de 200 m sur go était cerné de berceaux de charpente et quadrillé d’allées perpendiculaires (Babelon 1989, ibid.).
204 Au centre du “jardin bas” se trouvait un bassin octogonal sculpté vers 1502-1503, abrité sous un pavillon de charpente sommé d’une figure dorée de saint Michel (ibid. ; sur les jardins de Blois : Prinz-Kecks 1994, 332-334, fig. 381-382).
205 De Beatis a vu la “biche” de bois et sa ramure, mais a mal traduit l’inscription : “En entrant par la porte du jardin, à main droite, on voit un cerf artificiel lui aussi, sur lequel sont adaptées d’immenses cornes venant d’un cerf véritable, tué, dit l’inscription, par le marquis des Baux qui le donna au roi René, lequel en fit présent au roi Louis [XII]” [Aragon (HM), 196, suivi par Salvadori 1996, 230-231 et 415, n. 23]. C'est parce qu’il lui a semblé avoir affaire au “bon roi René”, comte de Provence (1434-1480) et roi de Naples (1435-1442), que De Beatis s’est cru autorisé à traduire marchio Badensium par “marquis des Baux”. Or, Thomas Platter le Jeune, qui a relevé le texte (où ne figure pas le nom du roi René), permet de corriger cette erreur (trad. franç.) : “Près de la porte du jardin par où j'ai voulu sortir, à un moment donné : là j’ai aperçu une biche sculptée, sur un socle. Cet animal est porteur sur son front d’authentiques cornes de biche, tirées d’un spécimen vivant. Mais la bête, pour le reste, est modelée en plâtre, sculptée grandeur nature, et parée de couleurs également naturelles. Cette œuvre d’art est ornée de l’inscription suivante, en vers français, que j'ai lue et recopiée : ‘Vous qui cherches du monde les merveilles | Voyes sil est biche a moy pareille, | Et si nature que (sic) tout bastit et œuvre | Ne fist en moy ung merveilleux chefdœuvre, | Quand ie porte dessus semblable corps | Ceste rameure de vingt et quatre cors, | Et qu’ainsi soit de Bade le marquis, | En faict de chasse très sçavant et exquis | Si grosse queste dessus moy entreprins, | Que maigre moy en ses forests me print ; | Lors me voyant si sauvage et estrange, | A son amy le comte de Luange | Nommé Ernel ma rameure transmist | Avec lettres, dedans lesquelles mist | Son sing et seau et attestations | Des gentilshommes faisant probations | Ainsi que ceux qui à ma prinse furent | Que celles cornes dessus ma teste creurent. | Long temps apres le bon duc de Loraine, | Bien cognoissant la chose estre certaine, | Transmist mon chef, augmentant mon renom, | Au roy Loys douziesme de ce nom, | Qui ma faict mettre ici affin qu’on voye | Ceste merveille en passant par la voye’” [Platter (LRL III), 68-69] ; il est signalé dans la n. 61, p. 532, que Jean Bemier, dans son Histoire de Blois [Bernier 1682, 23 et 33], donne le même texte, mais avec la version “le comte de Limange nommé Ennel”. La biche et l’inscription étaient alors déjà détruites). Il faut dire toutefois que Platter a mal identifié le nom du deuxième propriétaire du trophée, peu lisible dans sa graphie gothique. Il s’agissait d’un comte de Linange (Leiningen) nommé Emich, nom inusité et particulier à cette principauté (sur le comté de Leiningen : Köbler 1995, 331-333). L’exploit du margrave étant très antérieur au règne de Louis XII (1499-1515), on a le choix entre Emich VII († 1452), et Emich VIII († 1495) : Schwennicke 1981, Taf. 25 : Die Grafen von Leiningen II in Dagsburg und Hardenburg (bei Bad Durkheim) aus dem Haus der Grafen von Saargau. En ce qui concerne “le bon duc” de Lorraine, troisième (?) possesseur, il s’agissait sûrement, non de René d’Anjou, duc de 1431 à 1452, mais d’Antoine dit le Bon, duc de 1508 à 1544 : Schwennicke 1999, Taf. 206 : Die Herzoge von Lothringen III (1473-1624), a. d. H. des Grafen Matfried im Metzgau. On a rapproché ce trophée de la grande cheminée du château de Chitré (commune de Vouneuil-sur-Vienne, Vienne), ornée d’un grand cerf en haut-relief (illustrant le miracle de saint Hubert) coiffé de bois authentiques (Babelon 1989, 250 et fig. ; en dernier lieu Hiernard 2007).
206 Le château de Chambord était alors évidemment l’un des plus visités du val de Loire (Prinz-Kecks 1994.399-415).
207 Reconstruit à partir de 1465 par Charles Ier d’Amboise, puis par Charles II, il est en 1550 la propriété de Catherine de Médicis (jusqu’en 1559) (Babelon 1989, 55-56, no 15).
208 Le château d’Amboise a été rattaché à la couronne en 1434 et transformé en palais par Charles VIII qui y avait passé son enfance et y mourra en 1498 (Prinz-Kecks 1994, 63-71).
209 Les tours des Minimes et Hurtault comportent deux vastes rampes en hélice qui permettent aux cavaliers et aux litières de monter du niveau du bas jusqu’à la terrasse (Babelon 1989, 23-28, no 1 ; Babelon 2004, 68-76).
210 Est-ce une erreur de R., ou bien s’agit-il d’une œuvre inconnue ?
211 Ce trophée correspond sans doute à la ramure de très grande taille suspendue à la voûte de la collégiale, qui a frappé de stupeur tous les visiteurs, du xvie au xviiie siècle (Thomas Platter, Godefroy, Dubuisson-Aubenay, Evelyn, La Fontaine et Philippe V d’Espagne et ses frères), et où l’on soupçonna d’abord, puis reconnut finalement une œuvre artificielle (Babelon 2004, 67). Elle accompagna plusieurs récits légendaires, tournant autour de chasses royales dans les forêts voisines ou bien dans celles des Ardennes. L’allusion de R. à une tradition (“comme on nous l’a rapporté”) renvoyant au don fait par un “roi de Chypre à un roi de France” fait penser au récit figurant dans la Loyssée de Sébastien Garnier, parue à Blois en 1593. Cette épopée consacrée à saint Louis raconte comment ce roi, en route pour la croisade, aborda à Chypre, au port du fort de Lymasson (Limassol), et dut affronter les soldats chypriotes et lyciens qui avaient cru à un débarquement hostile ; pendant ce temps, le roi de Chypre fut averti de ces faits par un cerf prodigieux qu’il était en train de chasser. Et le poète – qui était blésois – d’ajouter : “Apres que ce grand Cerf ces propos lui eut dict / Disparu de ses yeux, soudain s’evanouit : / Et est dans les jardins de ce grand Roy de France, / De son Chasteau de Bloys la vraye remembrance, / Encores à present, eslevee hautement, / Où ceste belle histoire, est escrite amplement” (Garnier 1593, II, 33, v. 23-28). En réalité, il existait en val de Loire plusieurs trophées de ce genre qui étaient accompagnés d’écriteaux. Celui de Blois, qu’invoque Garnier, était authentique et l’inscription ne se rapportait en aucune manière à cet épisode mythique, mais à une chasse réelle effectuée en pays rhénan : voir supra, n. 205. Celui d’Amboise, fabriqué de toutes pièces, portait sans doute un cartouche, mais le texte qui nous est transmis concerne une chasse “de Jules César.” Garnier aura probablement privilégié la ramure blésoise, dont il n’avait pas compris l’inscription. La légende “chypriote”, sans doute répandue, aura été racontée oralement à R. Notons que Bruno Méniel a été induit en erreur par le texte de S. Garnier, en citant à son propos la description – pourtant sans ambiguïté – de Thomas Platter (Méniel 2004, 464-465 et n. 15).
212 La civette est un des animaux exotiques qui ont le plus intrigué les hommes de la Renaissance (Lloyd 1971, 97-98, pl. 71 ; Dannenfeldt 1985, sur les civettes d’Amboise : 413). Signalons l’intérêt porté par Thomas Platter aux civettes lors de son passage à Beaucaire en 1597 [Platter (RK), 230 et η. 1 ; (LRL II), 295].
213 L’industrie de la soie a été imposée à Tours en 1470 par Louis XI, qui y installa des ouvriers florentins, génois et vénitiens et leur accorda d’importants privilèges. Elle y faisait vivre, à la fin du xvie siècle, le tiers de la population active et rivalisait avec la soierie lyonnaise [Quilliet 1998, 367-368 ; cf. Platter (LRL III), 56].
214 De Beatis : “On y fabrique dans la perfection les lames des épées” [Aragon (HM), 191].
215 La basilique Saint-Martin, rebâtie en 997, vit refaire ses voûtes au xiie et son chœur au xiiie siècle.
216 L’erreur sur le vocable de la cathédrale de Tours est extrêmement fréquente dans les récits de voyage. La cathédrale Saint-Gatien date du xiie siècle, fut agrandie à partir de 1236, puis remaniée aux xiiie, xive, xve, et xvie siècles. Les tours, chefs-d’œuvre de la fin du Moyen Âge, sont couvertes par des coupoles à la Renaissance. Thomas Platter le Jeune : “La plus remarquable [des églises de Tours], c’est Saint-Gatien [il écrit Gratien !]. Elle est construite en grandes pierres de taille ; elle est ornée de deux tours aussi hautes que belles dans lesquelles on a construit respectivement deux superbes escaliers en colimaçon, dont chacun a cent cinquante marches” [Platter (LRLIII), 56].
217 Thomas Platter le Jeune : “Près de la porte d’entrée, j’ai vu une horloge tout à fait splendide ; on y admire quantité de petits enfants joliment sculptés ; ils chantent d’une façon charmante quand l’horloge se met à sonner. Elle me rappelle, ou peu s’en faut, l’horloge de Strasbourg, laquelle est pourtant plus artistiquement et richement conçue” [Platter (LRL III), 56-57]. Plusieurs autres voyageurs la signalent (dont Zinzerling) et Brackenhoffer (1643-1644) : “À Saint Gratien (sic)... une horloge faite avec art, qui sonne des airs avec des petites cloches, tandis que se promènent quelques cavaliers, des bêtes sauvages, toute une chasse” : Brackenhoffer (EL I), 204.
218 C’est l’abbaye de Marmoutier, créée par saint Martin. Dès le vie siècle, on l’appela Majus monasterium, d’où son nom de Marmoutier. Dès le xe siècle, c’était l’un des plus riches monastères de France. Thomas Platter le Jeune insistera sur cette richesse : “ses chanoines sont tous seigneurs de haute naissance, ou à tout le moins sortent-ils obligatoirement de la noblesse. Cette abbaye a suscité le petit poème français que voici : De quelque bort que le vent heute [souffle] | Marmoutier a cens et rente” [Platter (LRL III), p. 57 et commentaire 530, n. 32]. Encore intact en 1818, il est aujourd’hui ruiné.
219 Commune de Rigny-Ussé (Indre-et-Loire). Forteresse médiévale, remaniée au xve siècle ; sa chapelle date de 1521-1538 (Salch 1977, 374 ; Bahelon 1989, 133-135, no 44).
220 Construit de 1440 à 1455 (Babelon 1989, 60-61, no 18 ; Salch 1977, 487).
221 Le château de Saumur, édifié en dur au xiie siècle, a été reconstruit par Louis Ier d’Anjou en 1367 (Salch 1977, 489 ; Babelon 1989, 750).
222 Fondée en 1250. Catholique. Officiellement reconnue comme studium generale en 1337 (Rashdall 1936, 151-160 ; Viguerie 1977).
223 Ancienne forteresse du xiiie siècle (1230-1238) (Salch 1977,482).
224 C’est la cathédrale, remise en état à la fin du XIe et dans la première moitié du XIIe siècle ; le chœur a été agrandi à partir de 1274.
225 Il s’agit du tombeau de Jean du Mas, doyen de la cathédrale de 1536 à 1557. Œuvre de l’architecte angevin Jean Delespine (marché du 22 novembre 1540). Les travaux ont commencé au début des années 1540. Lorsque H. le voit, le doyen est encore vivant. La statue de bronze (probablement un orant) sera volée en 1562 et on la remplacera par un gisant. La chapelle sera détruite en 1699, le sarcophage et la statue dans le courant du xviiie siècle (Letellier & Biguet 2001 ; trois figures concernent ce tombeau : une aquarelle du fonds Gaignières, vers 1695 ; les vestiges en place à la cathédrale ; un dessin de Bruneau de Tartifume, 1623).
226 Jean (V) Olivier (ou Ollivier) (* vers 1480 – † 1540) : quatrième fils de Jacques Olivier, sieur de Leuville (premier président au Parlement de Paris), frère du magistrat Jacques Olivier, oncle de François Olivier, qui fut chancelier de France de 1545 à 1551. Abbé de Saint-Denis en 1528, puis abbé commendataire de Saint-Médard et Saint-Crépin de Soissons. En 1532, il permute ces dignités contre l’évêché d’Angers. Les protestants ont souvent vu en lui, un peu vite probablement, un sympathisant à leur cause. Voir comment Abraham Gölnitz signale, par des italiques, les passages des inscriptions funéraires qui lui semblent d’inspiration évangélique (Gölnitz 1631, 273-274). On doit à Jean Olivier une épitaphe de Louis XII, une ode à Salmon Macrin et le poème Pandora publié en 1541 à Lyon, plusieurs fois réimprimé et traduit en vers français (Godard-Faultrier 1851 ; Dumont 1863 ; Port 1878, 32-33 ; Port 1989, 60 ; Dupèbe 1996 ; Buron 2000 ; Saulnier & Magnien 2001) ; voir également François Laplanche, dans François Lebrun, dir. 1981, 103-105.
227 Il n’est pas question d’étudier ici de façon exhaustive le tombeau de Jean Olivier, presque entièrement disparu. Ce que R. nomme “épitaphe” correspond à une kyrielle d’inscriptions réparties sur le mausolée de marbre portant, entre autres, le gisant du prélat (la meilleure représentation est celle du fonds Roger de Gaignières, vers 1695) : no 2722-2725, 6670-6673 (Bouchot 1891, t. I, 343 ; t. II, 348). Le monument ayant été détruit en 1794, il n’en subsiste plus que l’arrachement, dans la cathédrale, et divers fragments conservés dans les musées d’Angers. Sa reconstitution repose donc sur les documents iconographiques d’une part, et sur les relevés des inscriptions effectués à différentes époques d’autre part. Parmi elles, le manuscrit de R. occupe chronologiquement la première place. Il est suivi principalement par l’édition due au Rostockois Nathan Chytræus et le témoignage du juriste angevin Bruneau de Tartifume (1635). Nous n’aborderons pas la reconstitution du monument (R. néglige d’ailleurs totalement son architecture) ; nous nous concentrerons sur le texte des inscriptions transmis par l’Itinerarium. Il est cependant au préalable nécessaire d’évoquer rapidement leur répartition spatiale. Le tombeau se présentait comme un enfeu surmonté par une voûte plate portée par deux piliers de marbre qui ont leurs équivalents dans la paroi du fond. Ce cadre architectural était surmonté d’un spectaculaire couronnement à coquille. Dans l’enfeu, un sarcophage de marbre rouge portait la statue de marbre blanc de l’évêque allongé. Sur la paroi du fond, en haut à droite, on pouvait voir son portrait peint, et au centre et à gauche, deux inscriptions en vers gravées sur des plaques de cuivre (textes A et B) ; au-dessous, et derrière le gisant, une troisième inscription sur une plaque de pierre noire (texte C) ; à la tête du sarcophage, à droite, les armoiries du prélat surmontant une quatrième inscription, également sur pierre noire (texte D). Les deux pilastres latéraux du fond de l’enfeu, et ceux qui flanquaient à droite et à gauche la façade du mausolée portaient des séries de médaillons sculptés superposés représentant des “sages” du paganisme et du christianisme désignés par leurs noms, alternant avec des extraits de leurs œuvres inscrits dans des cartouches, qui tous renvoient à des méditations sur la mort.
Les relevés exécutés par R. et demeurés inédits sont extrêmement proches des textes publiés en 1594 par Chytræus, au point que nous avons peine à imaginer qu’ils riaient pas été d’une manière ou d’une autre transmis à ce dernier. Chytræus a certes corrigé certaines erreurs, grossières ou non, de R. (abitum, abii, disces, lœtum, vivus, nosce, resurgunt, nocti, indeget, sensum, regitur, magna miri, terrœ, heroicamque, speram tibí, Trœs, at, navigamus, oppetit), nos deux érudits rien sont pas moins liés par des fautes communes (abstersit, mors, putresco, nobili in Lutetia, nec, didiceris), des lectures erronées de noms de Sages (Aristoteles, Paulus, Diogenes, Æschines) et surtout Chytræus a adopté le même ordre que R. dans sa description du monument et les mêmes (ou presque les mêmes) transitions latines que lui : Aliudquod ipse episcopus etc. ; Aliud ejusdem. Il faut se rappeler que des auteurs comme Nathan Chytræus (hellénisation de Kochhaf, *1543-† 1598) – Elsmann et al, éd. 1991 ; Fuchs 2000 – qui ont certes accompli eux-mêmes de nombreux voyages, ont aussi utilisé des manuscrits que leur confiaient leurs amis et relations (Sparrow 1969, 30-31). La lecture de la préface des Delitiœ de Chytræus, qui abonde en remerciements, témoigne de l’ampleur du phénomène dans son cas. On note qu’il y remercie chaleureusement l’humaniste de Breslau Jakob von Monau (1546-1603), un de ses amis (Chytræus 1594, Prœfatio : Communicaveram autem tum farraginem illam inscriptionum viro nobili, optimo & doctissimo, D. Iacobo Monavio, patritio Bratislaviensi, amico meo planè singulari, cum is eo ipso tempore suas in Italiam & Galliam peregrinationes adornaret, etc.) qui était aussi un allié de Seyfried R. : un de ses oncles, Hans, avait épousé naguère une tante de Seyfried, Maria Rybisch (t. 1551) (Pusch 1988, 96-97). Jakob Monau était plus jeune que R. de 16 ans. Il fit de longues études en Allemagne, en Italie et à Genève, entre 1552 et 1575. Converti au calvinisme, il n’était pas très bien considéré dans sa ville de résidence, Breslau, et entra au service du duc Friedrich de Liegnitz et Brieg comme conseiller. Il était l’ami du médecin Johann Crato von Krafftheim et membre de cercles savants de Breslau (Zonta 2004, 317, no 864).
228 Il s’agit de l’inscription C, placée juste derrière le corps du gisant : “Sous ce marbre insensible, je repose, moi Jean Olivier ; / J’étais, quoique indigne, le prélat de cette église. / J’avoue avoir péché (qui peut dire qu’il n’a jamais fauté ?) / Mais j’ai placé grand espoir dans le pardon du Christ / Qui est venu effacer par sa mort et gratuitement nos fautes / Et qui nous juge, nous et non nos actes. / Cette espérance, mes frères, aidez-la de vos prières et de vos vœux, / Afin que la paix soit sur mes mânes, et le bienfaisant repos. / Vivez bien en pensant à la mort, et en l’attendant portez-vous bien, / Et qu’après votre mort, le même repos soit vôtre.”
229 Inscription D, derrière la tête du gisant, à droite : “Me voici étendu mort : laissez-moi reposer, car je vis cependant / Et voudrais, passant, que tu ne craignes rien de cette mort. / Je suis parti, je n’ai pas péri : il ne faut pas tenir cette mort pour véritable, / Puisque je vis à présent du meilleur de moi-même, / La nuit me ferme seulement les yeux et le sommeil engourdit mes membres. / Mon âme et mon esprit sont vivants, d’une vie plus pure et meilleure. / La terre recouvre mes membres dans l’attente du Christ qui viendra du ciel les relever. / C’est cet espoir qui réchauffe les cœurs pieux. / Qu’il soit aussi le tien, passant : tu apprendras ainsi à mépriser la mort / Et tu supporteras mieux les outrages de la vie.”
230 La plupart des sources donnent nox.
231 Inscription A (à gauche) sur la paroi du fond : “Tu veux savoir, passant, qui je suis ? Je ne suis rien de plus que cela. / Ce que je fais ? Je pourris et j’engraisse une armée de vers. / Qui étais-je ? Jean Olivier, l’inepte, / Le pire pécheur qui fut jamais. / D’où venais-je ? Je suis né dans la noble ville de Lutèce / Où fus-je jadis chargé d’un office public ? / D’abord chef des abbés, puis évêque des Angevins. / Quels furent mes loisirs ? Feuilleter des pages sacrées. / Que reste-t-il dans cette urne ? Des os et des cendres. / Où est mon âme, dis-tu ? Là, je t’arrête, il est défendu de le savoir. / Je ne dois pas chercher à percer les secrets des dieux, / Ni à connaître les rapports qu’entretient Jupiter avec les mânes. / Apprends, cela suffit, ce qu’il adviendra des fidèles : / Après la mort, les esprits ne meurent pas, ils reposent / Jusqu’à ce qu’ils ressuscitent dans leurs corps d’antan / Plus augustes qu’avant et plus heureux. / Ils vont vivre dans l’éternité avec tous les bienheureux. / Tu en sais bien assez sur ce que je lus, mais puisque / De mes profondes ténèbres je ne puis à présent te reconnaître, / Je te demande, passant, de connaître au moins cela / Et de souhaiter pour tous les morts la paix véritable.”
232 Compte tenu de la métrique (sénaires ïambiques), il faut sans doute lire ici quiesco au lieu de putresco, comme l’a fait, entre autres, Thomas Platter [Platter (RK), 482].
233 Inscription B (au centre) sur la paroi du fond : “Arrête-toi, voyageur, et regarde un peu. / Cette haute masse que tu vois n’est pas soulevée / Ni dressée vers les hauteurs pour ce mort / Dont le cadavre est déjà réduit en poussière / Et sert tout entier de nourriture aux vers. Il n’a pas besoin / D’être couvert d’un tas de pierres sculptées avec tant d’art, / Celui à qui la terre légère ne saurait nullement manquer. / Plongé dans un si profond sommeil des sens, / Il n’est pas non plus sensible aux chimères peintes ou aux lettres / Vaines, comme vous qui jouissez encore de la vie. / Pour les ombres privées de lumière, / L’absence de tombe est légère, et celui qui est privé d’urne / Est mieux protégé par le ciel et par Jupiter, comme on se plaît à le répéter. / C’est donc pour toi, voyageur, que ce tragique décor a tout entier / Été dressé : il t’est destiné, / Pour que tu tournes, bien sûr, tes regards vers lui / Et que tu lises de bout en bout ces pensées des sages. / Puisse les avoir présentes à l’esprit celui qui a peur d’affronter / La mort, puisse-t-il être dégoûté d’une vie si misérable / Qui ne peut même pas préserver la moindre petite heure / Des atteintes de la mort. / Tout ce que tu contemples vise évidemment / A ce seul but : que ce rappel de la mort t’instruise. / Caduques et passagères sont toutes les réalités que les hommes / Stupides, légers et ignorants admirent par dessus tout / Comme biens suprêmes : à la façon du grand Hercule, / Il faut les dompter comme des monstres menaçants, / Les piétiner hardiment et n’en faire absolument aucun cas, / Comme s’il s’agissait de plumes ou de fétus, / Et mener une vie pure et héroïque / Aspirant sans cesse à la gloire suprême et éternelle / Que Dieu a préparée en Lui pour ceux qui ont l’espérance, / Lui qui est le Tout-Puissant. / Recueille, voyageur, si tu as bien compris et autant que tu le pourras, / Tout ce que tu auras appris aujourd’hui, et de tes propres yeux. / Va maintenant prier pour le repos des morts, et / Porte-toi bien.”
234 Les sentences, citations et maximes concernant la mort étaient disposées dans des cartouches surmontés de médaillons représentant leurs auteurs désignés par des tituli, sur quatre pilastres de marbre de tailles différentes : les deux pilastres de fond d’enfeu portaient chacun quatre sentences, moins une en bas à droite, qui ne comportait que le nom pavlvs (?), à cause de la présence de la tête du gisant (total : 7 sentences). Les deux pilastres antérieurs, dont la hauteur était double de celle des précédents, portaient trois groupes de quatre sentences sur leurs fûts et deux groupes de deux sentences sur leurs piédestaux (leurs faces antérieures étant occupées par des blasons), soit un total de 32 sentences. L’ensemble devait donc compter 7 + 32 =39 sentences. R. en a relevé 31. On dispose, pour localiser ces médaillons et ces textes, d’une part des deux pilastres de fond d’enfeu encore en place dans la cathédrale et, d’autre part, d’une bonne description des deux pilastres antérieurs due à Bruneau de Tartifume (1635). La numérotation des inscriptions est de notre fait. Les pilastres de fond d’enfeu portent encore, à gauche, les inscriptions (1), (2), (3) et solomon : Laudavi / ego magis / mortuos quam vi/ventes (non relevée par R.) (Godard-Faultrier 1851, 63 ; Barbier de Montault 1869, 101 ; Denais 1899, 189), à droite (8), (9), (10) et pavlvs (?), sans inscription à cause de la présence de la tête du gisant. Selon Bruneau (Bruneau de Tartifume 1977, éd. Civrays, 28 et 30), le premier pilastre (à gauche) présentait, “sur sa première face” (c’est à dire la face antérieure), de haut en bas, les inscriptions (4), (5), (6) et (7) ; “en la seconde face”, les inscriptions (18), (19), linvs : Non vixit ille parum, qui vixit bene (non relevée par R.) (Barbier de Montault 1869, 102 ; Denais 1899, 189-190) et (20) ; “en la troisième face”, les inscriptions (14), (15), (16) et (17). Le pilastre de droite portait “sur sa première face” (antérieure) les textes (22), (23), (24) et (26) ; “sur sa seconde face”, (25), (27), (28) et (29) ; “sur sa troisième face”, (11), (12), (13) et (21). On s’aperçoit donc que le relevé effectué par R., suivi par Chytræus, est le plus souvent conforme à cet ordre.
235 Fond d’enfeu à gauche. Le médaillon porte : MO/SES, le cartouche : PVLVIS ES / ET IN PVL/VEREM RE/VERTERIS (“Tu es poussière et tu retourneras en poussière”, Gen., 3.19) (Godard-Faultrier 1851, 63 ; Barbier de Montault 1869, 100 ; Denais 1899, 188 ; conservé sur place).
236 Même endroit. Le médaillon porte : PRIA/MVS, le cartouche : FVIMVS / TROES / FVIT / ILIVM (“Nous étions les Troyens, c’était Ilion”, Verg., Aen., 2.325) (Ibid ; conservé sur place).
237 Fond d'enfeu à gauche. Le médaillon porte : EPI/CVRVS (erreur de R.), le cartouche : VITA MALIS / PLENA EST / POST MOR/TEM VERA / VOLVPTAS (“La vie est pleine de malheurs, la vraie joie se trouve après la mort”) (Godard-Faultrier 1851, 63 ; Barbier de Montault 1869, 101 ; conservé sur place).
238 Pilastre antérieur gauche. Texte : QVI MORTEM METVIT, PHILOSOPHVS NON EST, / QVIPPE ALIAM NESCIT VITAM (“Celui qui a craint la mort n’est pas un philosophe : il ignore l’autre vie”) (Denais 1899, 191)·
239 Pilastre antérieur gauche. Texte : DEBEMVS MORTI NOS NOSTRAQ (“Nous nous devons à la mort, nous et nos biens”, Hor.Ars P., 63) (ibid.).
240 Pilastre antérieur gauche. Musée archéologique (no 64). Le médaillon porte : OVI/DIVS, le cartouche : MORTE CARENT / ANIMÆ (“Les âmes ne meurent pas”, Ov., Met., 15.158) (Barbier de Montault 1869, 101 ; Godard-Faultrier 1884, 130, no 64 ; Denais 1899, 189).
241 Pilastre antérieur gauche. Le médaillon porte : CI/CERO, le cartouche : NEMO LVGENDAM/CENSET MORTEM / QVAMIMMORTALI/TAS SEQVTTVR (“Personne ne pense qu’une mort suivie d’immortalité soit à déplorer”, cf. Cic., Corn., 20.74) (Barbier de Montault 1869,102 ; Godard-Faultrier 1884, 130, no 64 ; Denais 1899,189).
242 Fond d’enfeu à droite. Le médaillon porte : PLV/THAR/CVS (erreur de R.), le cartouche : BONAM Vf/TA(m) MORS / BONA COM/MENDAT (“Une bonne mort donne du prix à une bonne vie”) (Godard-Faultrier 1851, 63 ; Barbier de Montault 1869, 101 ; Godard-Faultrier 1884, 130, no 64 ; Denais 1899, 189).
243 Fond d’enfeu à droite. Le médaillon porte : TERE(n)/TIVS (erreur de R.), le cartouche : OMNIVM / RERVM VI/CISSITV/DO EST (“Toutes choses se succèdent”, Ter. Eun., 276) (Godard-Faultrier 1851, loc. cit. ; Barbier de Montault 1869, 101 ; Godard-Faultrier 1884, 130, no 64 ; Denais 1899, 189).
244 Fond d’enfeu à droite. La lecture de R. est très fautive, le médaillon porte : AES/CHY/LVS, le cartouche : PEIOR EST / MORTE TI/MOR IPSE / MORTIS (“Pire que la mort est la peur même de mourir”) (ibid. ; il faut lire peior et non prior ni peius, comme le font tous les auteurs, sauf Godard-Faultrier).
245 Pilastre antérieur droit. Le médaillon porte : CA/ΤΟ, le cartouche : SP[EM RET]INE/S[PES VNA]/ H[OMINEM] N[EC MORTE] / [RELINQVIT] (“Garde espoir : l’espérance seule n'abandonne pas l’homme, même à la mort”, Denys Caton, Disticha de moribus adfilium, 2.25) (Denais 1899, 192). Denys Caton serait un auteur du iiie ou ive s., habituellement nommé Caton, très célèbre au Moyen Âge.
246 Pilastre antérieur droit. Le médaillon porte : IVDAS/MACH, le cartouche est buché. Il portait : SANCTA ET SALVBRIS EST COGITATIO PRO DEFVNCTIS EXORARE (“Sainte et salutaire est l’idée de prier pour les défunts”, cf. 2Macc. 12.46) (ibid.).
247 Pilastre antérieur droit. Texte : NEMO TAM DIVOS HABVIT FAVENTES, CRASTINVM VT POSSIT SIBI POLLICERI (“Nul mortel n’est assez favorisé du ciel pour être sûr du lendemain”, Sen., Thy., 3.619-620) (ibid.).
248 Pilastre antérieur gauche. Musée archéologique (no 60). Le médaillon porte : SO/LON, le cartouche : ANTE OBITVM NEMO FOELIX (“Avant la mort, personne n’est heureux”) (Godard-Faultrier 1884, 128, no 60 ; Denais 1899, 191).
249 Même pilastre. Le médaillon porte : PLA/TO, le cartouche : TOTA VITA [SAPIENTIS MORTIS EST] / MEDITATIO (“Toute la vie du sage est une méditation sur la mort”) (Godard-Faultrier 1884, 129, no 60 ; ibid.).
250 Pilastre antérieur gauche. Texte : HOMO QVASI FLOS EGREDITVR ET CONTERITVR (“L’homme est une fleur qui éclot et puis se fane”, Job, 14.2) (Denais 1899, 192).
251 Pilastre antérieur gauche. Texte : VIVE MEMOR... (“Souviens-toi que tu es mortel. Vis : le temps s’enfuit”, (Pers. 5.153) (ibid.).
252 Pilastre antérieur gauche. Texte : MORS SOLA FATETVR QVANTVLA SINT HOMINVM CORPVSCVLA (la phrase exacte est : quantula sint hominum corpuscula ; “Seule la mort proclame combien chétifs sont les pauvres corps humains”, Juv. 10.172-173, trad. de Labriolle / Villeneuve, CUF) (Denais 1899, 191, le texte n’est pas visible ; et 192, texte isolé du buste).
253 Pilastre antérieur gauche. Texte : VBIQVE LVCTVS, VBIQ. PAVOR ET PLVRIMA MORTIS IMAGO. (“Partout le deuil, partout la terreur et partout l’image de la mort”, Verg., Aen., 2.368-369) (ibid., 191, le texte n’est pas lisible ; et 192, texte isolé du buste).
254 Pilastre antérieur gauche. Le médaillon porte : MV/SAEVS, le cartouche : MORTVVS IN PORTV / EST AT NOS / NAVIGAMVS IN VNDIS (“Il est mort dans le port, mais nous, nous naviguons sur les flots”) (Barbier de Montault 1869, 102 ; Godard-Faultrier 1884, 130, no 64 ; Denais 1899, 190).
255 Pilastre antérieur droit. En réalité, il s’agit d’une citation de Sénèque. Texte : O QVAM MISERVM EST NESCIRE MORI (“Quelle tristesse que de ne pas savoir mourir”, Sen., Ag., 610) (Denais 1899, 192).
256 Pilastre antérieur droit. Fragment trouvé sur la place Freppel, conservé au Dépôt départemental des objets mobiliers d'Angers. Le médaillon porte : [T]RI/[M]EGIS/[T]VS, le cartouche est buché. Il portait : BONI MORTEM VT BONORVM OMNIVM MAXIMVM OPTANT (“Les hommes bons désirent la mort comme le plus grand des bienfaits”) (ibid.).
257 Pilastre antérieur droit. Le médaillon porte : DA/VID, le cartouche est buché. Il portait : QVIS EST HOMO QVIVIVET ET NON VIDEBIT MORTEM ? (“Quel est le vivant qui échappera à la mort ?’’, Ps„ 88.49) (ibid.).
258 Pilastre antérieur droit. Musée archéologique (no 63). Le médaillon porte : P/TO/LEMAE/VS, le cartouche : NEMO MORTE (sic pro mortem) HYLARIS/EXCIPIT NISI QVI/SE AD EA(m) DIV/CO(m) POSVERIT. Il s’agit en fait d’une citation de Sénèque à Lucilius : “Nul n’accueille (...) la mort avec joie, s’il n’y est depuis longtemps préparé”, Sen., Ep., 30.12) (Inventaire de 1868, no 80 ; Barbier de Montault 1869, 102 ; Godard-Faultrier 1884, 130, no 63 ; Denais 1899, 190).
259 Pilastre antérieur droit. Fragment trouvé sur la place Freppel, conservé au Dépôt départemental des objets mobiliers d’Angers. Moitié supérieure, face antérieure. Le médaillon porte : OR/PHE/VS, le cartouche : CONCILIAT / DIVOS PIETAS / ET TARTARA / VINCIT (“La piété rend les dieux bienveillants et vainc les Enfers”) (Denais 1899, 192 ; Ruais 1980, 260).
260 Pilastre antérieur droit. Le médaillon porte : BOE/TIVS, le cartouche : MORS HOMINVM / FŒLIX (“Bienheureuse mort humaine !”, Boèce, De consolatione philosophiœ, 1, 13) (Inventaire de 1868, no 80 ; Barbier de Montault 1869, 102 ; Godard-Faultrier 1884, 130, no 63 ; Denais 1899, 190).
261 Pilastre antérieur droit. Dépôt départemental. Le médaillon porte : HOMERVS. Le cartouche est détruit. Il portait : MORS OPTANDA VIRIS REQVIES EA CERTA LABORVM (“La mort doit être souhaitée par les hommes, elle qui leur assure le repos de leurs peines”) (Denais 1899, 192).
262 Pilastre antérieur droit. Texte : QVID EST VLLVS, QVID NVLLVS, VMBRAE, SOMNVM ? HOMO (“Qu’est-ce que l’être ? Qu’est-ce que le néant ? Ô homme, tu n’es que le songe d’une ombre”, Pind., Pyth., 8.95-97) (ibid.).
263 Pilastre antérieur droit. Texte : CORPVS HVMVM, COELOS MENS, SPIRITVS APPETIT AVRAS (“Le corps va à la terre, l’esprit aux deux, l’âme dans les airs” (ibid.).
264 Probablement sur un piédestal de pilastre antérieur : “Car ma vie, c’est le Christ, et la mort m’est un gain” (Phil. 1.21) ; (Farcy 1905, 171-172).
265 Même remarque : “Mon souhait est de disparaître pour être avec le Christ” (Phil. 1.23) (ibid.).
266 Chanoine de la collégiale de Neumünster à Würzburg ; immatriculé à Cologne en 1544 (le 1er juillet ; puis magister artium), à Fribourg en Brisgau en 1546, à Bologne en 1552 (Knod 1899, 88, no 606 et 670 : Joannes Baptista Dohan, canonicus Novi Monasterii Herbipolensis ; Mayer 1907, 347, no 43 ; à Cologne, il est dit Joan. Bapt. Daum ad art. iur. et s. : Wendehorst 1989, 568).
267 Voir supra, η. 188 et infra, η. 312.
268 Fils du réformateur strasbourgeois Caspar Hedio (ou Hédion). Il est parti pour la France vers 1550 comme précepteur des fils de Franz Konrad von Sickingen. Attesté à Poitiers en 1550, à Dole en 1552 (étudie les deux droits) ; immatriculé à Padoue le 8 juin 1554 ; du 28 juillet au 22 octobre 1555, consiliarius de la nation germanique de Padoue ; membre de la nation germanique de Bologne en 1556 ; doctor utriusque juris à Bologne le 8 juillet 1557. De retour à Strasbourg à l’été 1557, il s’y présentera en vain à une chaire de droit romain le 2 septembre 1558. Épouse, en décembre 1558, Anna von Duntzenheim. Passé au service du duché de Palatinat-Deux-Ponts, puis du Palatinat électoral, il décédera en 1568 à Heidelberg (Knod 1899, 188-189, no 1357 ; Knod 1900, 235, no 12 ; Knod 1902, 621 ; Knod 1906, 40 ; Illmer et al. 1980, 295 ; Hiemard 2006, 245-246).
269 Commune de Saint-Georges-sur-Loire (Maine-et-Loire). Château commencé en 1539 pour la famille de Brye par l’architecte Jean Delespine (selon un parti inspiré d’Azay-le-Rideau), achevé au xviiie siècle (Babelon 1989, 338-341, no 121 ; Letellier & Biguet 1997 ; Letellier & Biguet 2001, 107-108 ; Biguet & Letellier 2003, 3).
270 Il s’agit du manoir de famille où est né le poète Ronsard (1524). Il a été rebâti en style italien en 1514-1515 (Simonin 1990, pl. après 204). Il subsiste des ruines et la chapelle castrale du xve siècle (Gebelin 1962, 78-79 ; Salch 1977, 488 ; Babelon 1989, 747).
271 Château reconstruit au xiiie s. sur les ruines d’un précédent du xie siècle, il sera démantelé en 1589 (Salch 1977, 488).
272 Il ne subsiste rien de ce château qui remontait à 924 et sera incendié en septembre 1793. Une église a été construite à son emplacement en 1864.
273 Ingrandes marque la limite entre les civitates antiques et les diocèses médiévaux d’Angers et de Nantes. Dès le xie siècle, les chroniques mentionnent une petra Ingrandi servant à marquer cette limite (elle figure sur une carte de 1579). On ne sait à quoi elle ressemblait. R. parle de “colonne”, mais il s’agissait plus probablement d’un “énorme rocher”, comme l’écrit De Beatis : “À quatre lieues d’Ancenis, sur la Loire, on rencontre la petite ville d’Ingrandes, dans laquelle se voit un énorme rocher qui termine la Bretagne et marque le commencement de la France” [Port 1876, 386 ; Aragon (HM), 185].
274 Donjon construit en 1392, intégré à un château du XIIIe siècle (Salch 1977, 444).
275 On notera que R. connaît la ville comme un port maritime important, mais ignore son université fondée en 1224, supprimée en 1458, rétablie en 1507. Pour De Beatis, “Nantes n’est pas une très grande ville” [Aragon (HM), 182].
276 C’est le palais ducal, ou château des ducs de Bretagne, construit en 1207, agrandi au xiiie siècle ; l’ensemble actuel date de c. 1466 (Salch 1977, 444).
277 Le pont de Pirmil est antérieur à 1112. Il était en bois jusqu’en 1564 et mesurait 2 km de long. R. évalue sa longueur à 2000 pas (le gradus romain de 2 ½ pes, soit plus de 74 cm), c’est à dire 1500 m, et il mentionne les îles, nombreuses, présentes à cet endroit et qui lui servent de support (Santrot 2008, en particulier le plan de 1716).
278 Il s’agit probablement du château de Derval, situé à une distance de 3,7 km à vol d’oiseau de Mouais. Cette forteresse du xie siècle, rénovée entre 1450 et 1470, pourvue d’un donjon de 38 m, sera détruite en 1593 sur ordre d’Henri IV. Il n’en subsiste que l’une des neuf tours (Salch 1977, 444).
279 Antrain ?
280 Attribuée au père de Guillaume le Conquérant (Robert le Magnifique), cette forteresse normande sera rasée en 1623 sur ordre de Louis XIII.
281 R., en se rendant au Mont Saint-Michel, semble s’inscrire, comme beaucoup de ses semblables (mais de façon “laïque”), dans une tradition pérégrinante juvénile enracinée dans le monde germanique depuis le milieu du xve siècle (depuis la prise de Constantinople par les Ottomans). Elle concernait surtout des enfants de 10 à 18 ans. L’origine du phénomène a été étudiée par Ulrich Gabier. Dominique Julia en relie la résurgence après 1570 au “combat contre les forces diaboliques que représentent les protestants”, mais notre Silésien ne semble pas regardant [Gabier 1969 ; Julia 2003 ; sur le sanctuaire et son pèlerinage, voir aussi Aragon (AC), 98-99 et Beaune 1997 ; sur la construction de l’église et ses légendes : Aragon (HM), 174-176].
282 Erreur de R., car scutum et scutio sont deux mots qui renvoient exactement à la même réalité, l’un en latin classique, l’autre en latin vulgaire, le “bouclier” ou “écu.” Au cœur du pèlerinage des “michelets” se trouvaient une épée et un bouclier, reliques de l’archange de la taille de jouets d’enfants, signalés dans un inventaire de 1396, mais sans doute présents au Mont dès le XIe siècle [R. aurait-t-il confondu les mots scutio et cultellus, “petit couteau” ?]. Saint Michel les aurait utilisés pour tuer un horrible serpent qui terrorisait un royaume d’Irlande. Une de ces reliques portait l’inscription : defende nos in prœlio (Laporte 1966 ; Neveux 2003, 251-252 ; Le Huërou 2003). Calvin s’en moque dans son Traité des reliques : “Au grand saint-Michel, qui est si bien fréquenté de pèlerins, on montre son braquemart, qui est comme un poignard à usage de petit enfant, et son bouclier de même, qui est comme la bossette d’un mors de cheval : il n’y a ni homme ni femme si simple, qui ne puisse juger quelle moquerie c’est” [Calvin : Angliviel, éd. 1962, 73]. Saint Michel, symbole de la résistance à l’occupation anglaise, a vu son culte se développer considérablement tout au long du xive siècle, devenant un véritable “saint national” pour les Français (Neveux 1998, 38).
283 L’ordre de chevalerie, réplique de la Toison d’Or, fut fondé à Amboise en 1469 par Louis XI et son frère Charles. C’était la plus haute distinction honorifique de la monarchie et l’archange fut considéré comme le patron du royaume (l’ordre se verra ravir le premier rang par celui du Saint-Esprit en 1579) (Favier 2001, 539). Voir l’enluminure des Grandes Chroniques de France (BnF) par Jean Fouquet, représentant “Louis XI fondant l’ordre de Saint-Michel.”
284 R. n’a évidemment pas vu l’épitaphe de Bède le Vénérable au Mont Saint-Michel, puisque ce saint personnage – qui n’était pas “un célèbre théologien parisien” – a été inhumé en 735 dans le cloître de Jarrow (comté de Durham) (Bautz 1990a). Mais c’est bien vers lui que l’entraîne sa culture, puisque l’anecdote de l’inscription “apportée par un ange”, popularisée par la Légende dorée de Jacques de Voragine, renvoie effectivement à Bède : “Après sa mort, un clerc, qui lui était dévoué, voulait composer un vers pour le faire graver sur son tombeau ; or, ce vers commençait ainsi : Hac sunt infossa, et le clerc voulait le terminer par ces mots : Bedœ sancti ossa. Mais, comme ces mots ne pouvaient pas terminer le vers avec la quantité, il s’étudia à chercher, mais sans la trouver, une fin convenable. Après y avoir pensé longtemps pendant une nuit, il se leva le matin pour aller au tombeau et il y trouva gravé, par la main des anges, le vers ainsi terminé : Hac sunt infossâ Bedœ venerabilis ossa (Dans cette fosse sont les os du vénérable Bède)” : Roze, éd. 1902, 453 ; là-dessus, se reporter à Favreau 1997, 101, à propos des vers léonins. R. a vu en réalité la tombe de Noël Beda (ou Bédier) (1470 ?-1537), mort le 8 janvier 1537 en exil au Mont. Ce célèbre personnage, directeur du collège de Montaigu à Paris de 1504 à 1514, docteur en théologie de la faculté de Paris, fut un adversaire acharné des idées de la Réforme et des humanistes en général, de Luther, d’Érasme (qui l'appelait ironiquement venerabilis doctor theologus Beda) et de Lefèvre d’Étaples. Il suscita la peur, car beaucoup de ses victimes périrent sur le bûcher (on aimait le surnommer Belua, “la Bête”). Rabelais, dont il avait fait condamner le Pantagruel en octobre 1533, brossa de lui un portrait qui défie les siècles (Rabelais lui attribue un ouvrage intitulé De optimitate triparum – “De l’excellence des tripes” – allusion à sa panse énorme : Pantagruel, ch. VII). Il dut de mourir en exil à la colère de François Ier, car il avait osé s’en prendre à la sœur du roi, Marguerite de Navarre et aux professeurs du Collège de France. Sa tombe a disparu, mais on sait par divers ouvrages qu’elle se trouvait “dans une chapelle de l’église du Mont Saint-Michel, du côté de l’Évangile”, et comportait deux inscriptions sur lames de bronze. La première, en vers latins, accompagnant une représentation du défunt en costume de professeur de Montaigu, a été copiée par Edmond Richer, syndic de la faculté de théologie de Paris et se trouve dans son Historia Academiœ Parisiensis inédite (BnF, lat. 9945). Elle n’intéresse pas notre propos. Il n’en est pas de même de la seconde, mentionnée dans l’ouvrage de l’abbé Le Clerc intitulé Lettre sur le dictionnaire de Bayle (1732) : il s’agit en effet de l’épitaphe qu’a très certainement lue R. et qui, en tout cas, permet de comprendre sa méprise : Hicjacet venerabilis et mirabilis famœ vir, Natalis Beda, doctor theologus, qui discessit 1536, die vero 8aJanuarii mensis. La date n’est pas erronée : nous savons que la faculté de théologie de Paris fit célébrer pour lui, dans la chapelle des Mathurins, un service solennel, le 10 février 1537. Les deux dates correspondent à deux computs distincts. R. utilise le “style de Noël”, propre au Saint-Empire (Giry 1925, 109), alors qu'en France, en général, régnait le "style de Pâques.” L’année de la mort de Bédier est donc 1536 en ancien style et 1537 en nouveau style (Feret 1901, 4-17 ; Clerval 1917 ; Saulnier 1951 ; Bense 1967, 830 ; Farge 1980, 31-36, no 34 ; Farge 1985 ; Bautz 1990a ; Defaux 1997, 391-406 ; Hiernard 2013).
285 Ce fut la seule place normande qui resta française lors de la dernière période de la guerre de Cent Ans. Les Anglais l’assiégèrent en vain en 1417 et 1423 [voir Aragon (HM), 172, et 173, n. 1].
286 L’îlot fut l’objet de combats acharnés entre Anglais et Français. Il fut occupé pendant 32 ans par les premiers (à partir de 1423), qui y construisirent un fort pourvu d’un donjon. Il ne sera récupéré par les seconds qu’en mai-juin 1450 (Sinsoilliez 2000, surtout 38 et 75).
287 Ce bourg ne saurait être Pontorson, pourtant situé sur le Couesnon, frontière entre la Bretagne et la Normandie, mais déjà cité par R., supra, n. 280. Il pourrait s’agir de Pontaubault, pourvu d’un port sur la Sélune, rivière qui joua le rôle du Couesnon avant le début du xie siècle, ce dont R. aura pu être informé sur place (Hourlier 1967).
288 Un premier château du xie siècle a été reconstruit aux xiie-xive siècles et remanié en 1429 (Salch 1977, 514 ; Babelon 1989, 62-63, no 19 et 342, no122).
289 Le 6 avril 1550.
290 L’étymologie “les Ponts de César” est une invention des temps modernes, dénoncée dès le xixe siècle par les historiens locaux (Provost 1978, 88).
291 Château médiéval situé dans la vallée de l’Aubance ; construit au xve siècle par Pierre de Brézé, conseiller de Charles VII et de Louis XI ; il n’en reste plus que deux tours rondes flanquant la façade du château actuel, reconstruit de 1610 à 1620. Il était propriété des Cossé-Brissac depuis René de Cossé (1502) (Salch 1977, 483).
292 Le personnage qui reçut R. et ses compagnons était Charles (Ier) de Cossé, comte de Brissac, grand maître de l’artillerie (1505-1563), qui avait été chargé, en juillet 1547, de concert avec Marillac, d’une mission de confiance en Allemagne, se rapportant “au faict du Duc de Savoye” (Charles III). Le duc venait d'être dépouillé du Piémont et de tous ses territoires du versant français des Alpes par le roi de France en 1536 et s’était rendu à Augsbourg pour y exposer à Charles Quint ses griefs contre Henri IL Les deux hommes étaient chargés de “moienner” [régler] à Augsbourg un arrangement amiable avec lui, en lui proposant le mariage de Marguerite de Valois, sœur du roi, avec le fils de Charles III, Emmanuel-Philibert : cf. supra, n. 172. Après avoir traversé la Suisse, ils sont arrivés à Augsbourg le 15 août 1547. Brissac sera nommé lieutenant-général (gouverneur) en Piémont le 9 juillet 1550 et partira au début d’août. Il était donc bien présent en Anjou entre le 6 et le 10 avril, lorsque R. s’y trouva. Le 21 août 1550, il sera en outre nommé maréchal de France (Marchand 1889, 83 sq. ; Vaissière 1896, 66-78 ; Cloulas 1985, 172-174).
293 Fondée en 1431. La fréquentation de cette université par R. n'est attestée par aucun document official. Les seuls conservés sont les registres de gradués en droit, à partir de 1575 seulement. Il n’existe aucune matricule conservée pour cette période. En revanche, le nom de R. apparaît à Poitiers, en 1551, sur le Stammbuch de l’Autrichien Christoph von Teuffenbach (Hiernard 2003).
294 Il ne reste rien du château des seigneurs de Lusignan (xiie-xiiie S.), démantelé en 1595 et rasé en 1622 (Salch 1977, 791). Il est figuré dans les Très Riches Heures de Jean de Berry, au mois de mars (musée Condé, Chantilly) (Autrand 2000, 458, planche couleur centrale).
295 La légende remonte au xiie siècle. On connaît deux Romans de Mélusine en français, de la fin du XIVe siècle : l’un est dû à Jean d’Arras, qui en a reçu commande de Jean de Berry (1392-1393) – Stouff, éd. 1932 ; Autrand 2000, 148-150 – l’autre est dû à Coudrette, sur commande de Guillaume Larchevêque, seigneur de Parthenay (1400-1401) : I Harf-Lancner, éd. 1993. Jean d’Arras a fait de la fée l’aïeule tutélaire de Jean de Berry. Le Roman connut un immense succès dans toute l’Europe. Il était connu dans les pays germaniques puisque une adaptation en prose allemande de la version de Coudrette par Thüring von Ringoltingen avait été composée dès 1456 (imprimée à Bâle vers 1473-74) – Schnyder & Rautenberg, éd. 2006 ; cf. également Platter (LRL III), 529, n. 23 – suivie d’une version populaire à Strasbourg en 1474. On notera les termes utilisés par Thomas Platter lors de son passage à Saint-Mars de Touraine, fort proches de ceux de R. : “(la pile) où Ton dit que fut prisonnière la belle Mélusine. On a écrit toute une histoire à ce propos” [Platter (LRL III), 54].
296 Lorsque Charles Quint traversa la France en 1540, le roi le conduisit au château de Lusignan “pour la délectation de la chasse aux daims qui estoient là dans un des beaux et anciens parcs de France à trèsgrande foison” (Dunoyer de Noirmont 1867, 162).
297 Grand port français sur l’Atlantique, La Rochelle a mérité très tôt le qualificatif de ville cosmopolite : Anglais, Flamands, Allemands, Italiens, Espagnols et bien d’autres encore s’y côtoient (Trocmé & Delafosse 1952 ; Tranchant 2003).
298 Il s'agit de l'église Saint-Sauveur, édifiée dans la deuxième moitié du xiie siècle, détruite par un incendie en 1419. Sa reconstruction était en fait pratiquement achevée en 1492. Elle sera détruite par les protestants en 1568.
299 Œuvre de Michel Colombe, le célèbre sculpteur bourguignon installé à Tours en 1496, la mise au tombeau de l’église Saint-Sauveur fut exécutée entre 1507 et 1510, et sera détruite en 1568. Elle comportait huit figures polychromées. Le contrat du 11 novembre 1506 et le marché du 2 mai 1507 ont été publiés (Martin 1997, 284 et 375 ; Hiernard 1999, 47 et n. 85).
300 Thomas Platter la nomme aussi “île de Roi” et signale “qu’on y trouve de nombreux vignobles” [Platter (LRLII), 580]. Zinzerling déclare quant à lui que les îles d’Oléron et de Ré sont “toutes deux très fertiles en vin et en blé” : Zinzerling (TB), 136.
301 Au xve siècle, le commerce du vin de La Rochelle en Flandre était déjà assuré par des navires bretons ; au xvie siècle, le commerce des vins de Ré était surtout dirigé vers l’Europe du Nord (Favreau 1985, 64 ; Trocmé 1985, 117). Le port de Saint-Martin n’acquit sa forme oblongue actuelle et ses quais maçonnés qu’en 1587.
302 Il s’agit de La Ville-Dieu-du-Pont-de-Vaux, commune de Breloux-la Crèche (Deux-Sèvres), et non La Villedieu-de-Comblé, commune de La Mothe-Saint-Héray (Deux-Sèvres) (corriger Hiemard 1999, 47 et n. 87 ; sur ce bourg, aujourd’hui disparu, passage obligé de la Sèvre Niortaise sur la route Niort-Saint-Maixent : Benoist 2000, 7-13).
303 Ludwig Bocklin von Böcklisau (1534-1573) appartenait à une famille noble de Strasbourg. Fils du Stattmeister Ulmann Bocklin († 1565) (Knod 1899, 51, no 352, en fait un fils de Philipp Bocklin et de Simpurga Pfau von Rieppurg ; il y a sans doute là un homonyme, qui se mariera avec Martha von Kageneck. Mais, dans ses publications suivantes – Knod 1900, 234, no 7 et Knod 1906, 40 – il le fait naître du Stattmeister Ulmann Bocklin et de Juliane Susanne Johann von Mundolsheim). Immatriculé à Orléans (nation germanique) entre décembre 1548 et avril 1549 (Ridderikhoff 1988, 83 : Nobilis dominus Ludovicus Becklin von Becklissaw Argentinensis) sa présence est bien attestée à Poitiers en 1551 par sa signature dans l’album amicorum de Christoph von Teuffenbach (Hiemard 2003, 409), immatriculé à Tübingen le 5 juillet 1552 (Hermelink 1906, 357, no 26 : Ludovicus Bocklin a Böcklinsau Argentinensis) ; présent à Padoue en octobre 1552 en compagnie de son compatriote Johann Schenckbecher (Knod 1900, 234, no 7 ; Knod 1906, 40), puis à Bologne en 1554 (Knod 1899, 51, no 352). En août de cette année, il quittera Bologne en compagnie de R. pour gagner Rome (cf. infra, III, n. 227). Il sera plus tard au service des Hanau-Lichtenberg, comme Amtmann de Willstätt, puis de Balbronn, et épousera Maria Salome Marx von Eckwersheim (voir également Hiernard 2006, 246) ; infra n. 309 et après la n. 312.
304 On y traverse l’Indre. Parmi les anciens noms de Reignac (Indre-et-Loire), on trouve Bray ou le Fau, et au xviie siècle, le nom est encore libellé Fau-Reignac (Carré de Busserolle 1882, 274 ; Bonnerot 1935, 376, n· 725).
305 Le grand pèlerinage de Notre-Dame de Cléry est né de la découverte, vers 1280, d’une statue de chêne miraculeuse de la Vierge. Philippe le Bel fit construire l’église de 1309 à 1350. Les pèlerins y affluèrent. Elle fut détruite puis reconstruite au xve siècle. Louis XI († 30.08.1483) y est enterré le 7 septembre 1483. Le sanctuaire sera pillé par les protestants en 1562 et 1567. Un nouveau monument sera élevé sur le caveau royal en 1617. Les plus beaux jours du pèlerinage correspondent au début du xvie siècle. La statue du roi, à genoux, le collier de Saint-Michel au cou, le chapeau à la main, l’épée au côté et chaussé de gros brodequins à longs éperons, fut fondue en cuivre et dorée à l’or fin par Conrad de Cologne, orfèvre à Tours, et Laurent Wrine, canonnier (marché du 24 janvier 1482) [Jarry 1899, 117-118 et 171-172 ; Millet 1961, passim ; Platter (LRLI), 369-370 ; Heers 1999, 334-340].
306 On se rappelle que R. est déjà passé par Orléans une première fois à l’aller et qu’il y est même resté six mois environ : cf. supra, n. 196. Il ne s’y était pas fait immatriculer auprès de la nation germanique. Paradoxalement, ce fut chose faite lors de son second séjour qui ne dura que “quelques jours”, au cours du premier trimestre de 1551. En effet, son nom figure, en compagnie de celui de Sébastien Willinger, sur le registre d’Hermann Olischleger, qui fut procurator de cette nation entre le 26 décembre 1550 et avril 1551 (Ridderikhoff 1988, 124 : Nobilis dominus Sifridus Rybisch Vratislaviensis ; cf. également Cerna 1934, 358) ; sur Willinger à Orléans, voir supra, η. 197.
307 Les seigneurs de Frauenberg étaient originaires de Feuerbach, près de Stuttgart. Ludwig von Frauenberg est signalé comme immatriculé à Tübingen le 10 juillet 1546 (Hermelink 1906, 327, no 25). Son probable passage à Poitiers a laissé trace dans l'album amicorum de Christoph von Teuffenbach en 1552 (Hiernard 2003, 410). C’est sans doute encore lui qui reçoit une bourse en 1556 du financier Hans Weyer, qui lui lut versée à l’université de Bourges, ainsi qu’à Georg Lemblin (Häberlein 1998, 90). Son père était peut-être l’homonyme Ludwig von Frauenberg, bailli suprême (Obervogt) de Lauffen, et ambassadeur wurtembergeois à la diète d’Augsbourg en 1547/48.
308 Il s’agit sans doute d’un von Dienheim (Diaheim pourrait être une mauvaise graphie pour Dinheim), d’une lignée de chevaliers attestée dès 1260 dans la région de Mayence (entre Mayence et Worms) (Köbler 1995, 126).
309 Voir supra, n. 303.
310 Peut-être un Hœcklin von Steineck ? (Muller 2005).
311 Il existait des Schenck von Gredingen, vieux lignage noble de Franconie, dans le Nordgau (entre Neuburg et Ratisbonne). Ils possédaient depuis 1375 le château de Greding, près de Küntingen am Altmühl (Kneschke 1868, 132).
312 Voir supra, η. 188 et 267.
313 Chauvigny possédait quatre châteaux. R. n’a probablement aperçu en passant que le plus important, le château baronnial, fondé au xie s. par les évêques de Poitiers (Crozet 1958 ; Salch 1977, 790).
314 Très ancien monastère, dont la fondation était attribuée à Charlemagne (en fait, à la charnière des viiie et ixe s.) (Bourgeois et al. 2000, 93-97).
315 La ville du Blanc comportait deux parties, l’une située en Poitou (relevant du comté), l’autre en Berry (relevant de la seigneurie de Déols). Durant la guerre de Cent Ans, le Blanc en Poitou se trouvait sur la frontière entre les territoires contrôlés par les Anglais et les contrées françaises. En 1370, un capitaine anglais (Gautier Spridligton) commandait au Blanc pour Jean Chandos : La Véronne [1964], 12-13 ; Grosjean 2003-2004, 36-37.
316 Mesle, lieu-dit de la commune de Nuret-le-Ferron (Indre) (Carte de Cassini). Zinzerling le nomme Maillé : “Tu passes Luant et Nuret, et tu parviens à Maillé... 6 lieues” : Zinzerling (TB), 85.
317 Villedieu-sur-Indre (Indre).
318 “Dans cette ville (Bourges) dont les rues et les places sont aussi grandes et belles qu’en aucune ville de France” [Aragon (HM), 200].
319 L’université de Bourges a été fondée en 1463 à la demande de Charles, frère cadet de Louis XI, et ratifiée en 1464 par Paul II (Rashdall 1936, 205-206). Elle fut très vite illustre pour l’enseignement du droit grâce à la présence du Milanais André Alciat, et le luthéranisme y progressa parmi les augustins (Calvin et Bèze y séjournèrent). Les étudiants originaires de l’espace germanique y affluèrent et suscitèrent la naissance d’une nation (Garnier 1908). Après le départ d’Alciat (1535), la ville connut une grande effervescence étudiante (présence de nombreux faux studiosi) jusqu’à ce que Marguerite de France, sœur d’Henri II, devenue duchesse de Berry en 1550, y remette bon ordre et renouvelle le corps enseignant en 1552, avec l’aide de son chancelier, Michel de l’Hospital, qui avait enseigné à Padoue. C’est alors qu’émergèrent les deux juristes auxquels fait allusion R., François Le Duaren et Éguinaire Baron (Dotzauer 1969, 137-144 ; Dotzauer 1971, 3-67 ; Pillorget 1977 et 1978).
320 En réalité, R. n’a pas pu connaître Éguinaire Baron, décédé le 26 août 1550. Ce tenant de la voie d'Alciat avait enseigné le droit à Angers, Poitiers et Bourges et était le rival de Le Duaren (Prevost 1951).
321 François Le Duaren (ou Douaren) (* Moncontour 1509 – † Bourges 1559), élu professeur à Bourges en 1550 à l’instigation de Michel de l’Hospital et avec l’appui de Marguerite de Savoie, duchesse de Berry. Il avait déjà enseigné à Bourges mais s’était disputé avec Baron et était parti à Paris. Il va s’opposer à Baudouin, jeune juriste installé par Baron, qu’il contraindra de quitter la ville en 1554. Puis il affrontera Cujas à partir de 1555. Il est l’auteur d’un abrégé de droit canonique, de commentaires sur le Digeste, et l’éditeur du Jus Civile de Justinien (Kerstivien 1967 ; Stein 2004, 96). Sur la rivalité Baron/Le Douaren : Thireau 2011.
322 L’étymologie fantaisiste de Bourges se trouve également chez Thomas Platter : “D’autres lui donnent le nom de Biturris ou Biturrim, en raison des deux tours que deux frères ont bâties dans cette région quand ils se sont partagé le pays entre eux. L’une d’entre elles est encore visible en ville. C’est la Grosse Tour de Bourges... Ses murs sont puissamment épais... À l’extérieur, les pierres de cet édifice sont taillées en pointes de diamant.” Et il cite un "petit vers” d’un “grammairien d'autrefois” (Jean Chaumeau) : Turribus a binis/Inde vocor Biturris : Platter (LRLIII), 81-82, et 534, n. 76 et 77 ; cf. également Zinzerling (TB), 75. Le récit repose probablement sur l’histoire de Ségovèse et Bellovèse rapportée par Tite-Live (Liv. 5.34-35).
323 Saint-Étienne, la cathédrale gothique de Bourges, commencée en 1195, terminée à la fin du xve siècle, remaniée à la Renaissance, est appelée par Félix Platter, en 1557, “la plus grande église française” : Platter (LRL I), 412 et (LRL III), 535, n. 83.
324 La Mise au Tombeau de Bourges, dans la crypte de la cathédrale, n’est pas en marbre, mais en pierre peinte. Elle comporte huit figures plus la figure du donateur, ainsi que le saint patron et des statuettes de vertus provenant sans doute d’un monument funéraire. Elle date des environs de 1525 (Martin 1997, 276 et fig. 257, 278 ; 366).
325 Première allusion à un accident de santé de R., accompagnée, comme il se doit, d’une invocation du Tout-puissant. Les termes utilisés sont évidemment conformes aux connaissances médicales et anatomiques de l'époque. Voir II, n. 3 et 139, III, n. 169 et après 222.
326 Les ruines de l’amphithéâtre, maintenant daté du Ier siècle, devaient être encore imposantes à l’époque où notre voyageur les vit (Golvin 1988,162, no 137 ; Lemerle 2005,103 et fig. 31).
327 Les arcs de Parigné, près de l’Ermitage (commune de Saint-Benoît), vestiges d’un des trois aqueducs romains de Poitiers, étaient très visités par les étrangers. L’appellation “le duct” figure dans l’édition d’Amsterdam (1555) de la Cosmographia Universalis du Bâlois Sébastien Münster, et “les Ducts” chez Johann Isaac Pontanus (1606) et Gérard Mercator (1695). Il semble bien toutefois qu’aucun de ces géographes ne soit venu à Poitiers. Les ruines se trouvent hors la ville, au sud, loin de la porte dite de la Tranchée.
328 Le monastère de Saint-Cyprien est situé hors la ville, près du Clain, rive droite. Il est douteux que l’ossuaire vu par R. ait contenu les ossements de combattants anglais. Il devait plutôt s’agir d’un ossuaire monastique et la confusion – ou la légende – vient sans doute du rôle joué par ce monastère lors des guerres anglo-françaises. En juin 1359, en effet, des bandes anglaises approchèrent de l’abbaye et l’on dut la raser en 1359-1360, car elle gênait la défense de la ville (Favreau 1978, 159 et 161). Cet ossuaire ne peut en tout cas correspondre au bâtiment figuré sur plusieurs gravures (par exemple du fonds de Gaignières) et autrefois qualifié d’“ossuaire’’ : c’était en réalité un lavabo de cloître (Hiernard 1999. 49 et n. 90).
329 Nous avons étudié en détail la localisation de la découverte des trois épitaphes d’époque romaine. Elles provenaient du soubassement de l’enceinte tardive de Poitiers (fin iiie-début ive siècle), dans un tronçon situé près de l’abbaye de bénédictines de la Trinité, au bout de l’actuelle impasse de la Résurrection. Des travaux importants de restauration de l’église (disparue) de la Résurrection ont été effectués à cet endroit en 1552 par Renée d’Amboise, mère de l’abbesse Jeanne de Clermont, comme le prouve un bloc encastré dans un mur de terrasse et portant son blason, ses initiales et la date 1552 (ibid., 50-51, et fig. 6-7).
330 Les textes des inscriptions, recopiés tant bien que mal par R., et conservés dans son Itinerarium, ont été publiés par Richard Foerster en 1907, et repris par Otto Hirschfeld en 1916 dans le volume XIII du Corpus Inscriptionum Latinarum (CIL, XIII, 11072-11074 ; cf. Hiernard 1999, 32, fig. 1). R. n’a compris qu’en partie ces épitaphes sans doute abîmées. Nous avons tenté d’en rétablir au mieux les textes d’origine.
331 D[i]s M(anibus) / Iul(iæ) Secundinæ, Ser-/en(us vel Serena) fil(ius vel filia) d[e]dit / d[e]f(unctæ) a(nnorum) XL[...].
332 Dis / Manib(us) Iul(iæ) Ru-/finæ Tasg(i)us Paul-/lin(us) uxor[i] (vel uxo’ri’) / [— dedit vel posuit].
333 Dis / Manib(us) L(ucii) Segol[ati ?] / Cera[—]fil(ius) / Forens[i]s (vel Forens[iu]s)/ [dedit vel posuit] (ibid., 54-56, fig. 8).
334 Il est impossible de savoir où R. a effectué ses “fouilles” : les forêts ne manquent pas autour de Poitiers. Peut-être s’agit-il de la forêt de Moulière où l’on a découvert, en divers points, des sarcophages qui ne sauraient évidemment correspondre aux sépultures de la bataille de 732. Cette hypothèse pourrait s’accorder avec la localisation traditionnelle – et présumée – entre Poitiers et Tours. On aura remarqué l’attribution erronée de cette victoire à Charlemagne (ibid., 49 et n. 91).
335 Cette sorte de mention n’est pas rare dans le manuscrit de R. Elle est typique de la mentalité des hommes de la Renaissance, attentifs aux phénomènes insolites, exotiques et anormaux (Ewinkel 1995 : Céard 1996). Irene Ewinkel cite (439) les manuels de tératologie de Jakob Rueff (Zurich, 1554) et de Martin Weinrich (Breslau 1595).
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