Chapitre I. La variété des lieux de culte
p. 213-237
Texte intégral
1L’un des objectifs du programme de recherche Architecture Religieuse de Thugga est de donner jour, à terme, à une monographie complète de chaque lieu de culte. Notre propos n'est donc pas de présenter ici, de manière détaillée, ces édifices en distinguant systématiquement la part de chaque courant culturel ; nous chercherons simplement à mettre en évidence certaines caractéristiques et spécificités dans l’organisation des sanctuaires de Thugga, puisant à de multiples références architecturales. On mesure en effet dans la diversité de ces influences la capacité des habitants de Thugga à adapter des modèles importés en les amalgamant à leurs propres références, donnant naissance à des édifices religieux aussi variés que singuliers.
1. Les temples italiques
2Le temple italique se définit traditionnellement par un ensemble de caractères “contenus dans la notion générale de frontalité (...) et déterminés par des impératifs religieux et parfaitement conscients dont la traduction est à la fois architecturale et liturgique2. De plan rectangulaire, plus profond que large avec une pars antica égale à sa pars postica, il est construit sur un podium qui l’isole et le surélève. On accède par un escalier axial à un pronaos surmonté d’un fronton qui, au-dessus d’une colonnade généralement tétrastyle, conclut la verticalité de la façade. Le pronaos doit être suffisamment profond pour que l’augure ou le magistrat puisse, de là, dominant les bâtiments alentour, prendre les auspicia. Au pied de l’escalier, un autel sacrificiel s’élève face au simulacrum de la divinité principale, installé au fond de la cella. Enfin, le temple doit être, autant que possible, orienté vers le sud.
3Cette définition, sur laquelle tout le monde s’accorde3, s'applique strictement à six des 23 temples de Thugga ; tous présentent néanmoins des particularités architecturales qui les singularisent en les distinguant les uns des autres : le capitole au coeur de la ville, les temples anonymes I et II et celui des Victoires de Caracalla dans les quartiers résidentiels, enfin, au-delà, les sanctuaires de Caelestis et de Minerve II.
1.1. Les temples italiques urbains
4Le capitole tétrastyle, avec son décor pseudopériptère de pilastres rectangulaires stuqués et ses trois niches correspondant à la division tripartite classique des cellae de capitole4, représente le specimen le mieux accompli du temple italique à Thugga, comme d’ailleurs dans la plupart des cités où il fut l'expression des modèles d’architecture les plus classiques5. Rares sont ceux qui se singularisent et, parmi les exceptions africaines, on ne peut guère signaler que le capitole de Bulla Regia dont le podium est trapézoïdal, ceux de Cuicul et de Lambèse, pourtant deux colonies de fondation romaine, ainsi que ceux de Sabratha et de Thibilis, tous les quatre plus larges que profonds ; enfin, dans les capitoles à triple cellae d’Althiburos, d'Abthugni et Hr-Khima, au lieu d’être de superficie équivalente, les cellae latérales sont plus courtes que la cella centrale ce qui, d'après I. M. Barton, résulterait directement de l'influence architecturale des temples africains6.
5A une centaine de mètres du centre public, le temple des Victoires de Caracalla7 et le temple anonyme II, dit temple A8 présentent de nombreuses similitudes. Ils se composent d'une cella unique sur podium à laquelle on accède par un escalier axial qui occupe toute la largeur ou seulement la partie centrale du pronaos. Ils s’élèvent tous deux au fond d’une area dont la largeur n'excède pas celle du temple, son péribole prolongeant les murs latéraux des cellae ; probablement en raison de leurs dimensions restreintes, les deux cours dallées étaient dépourvues de portiques, mais elles s’ornaient de balustrades disposées de manière différente pour délimiter des espaces fermés9. Concernant la chronologie du temple anonyme A, une seule donnée est certaine : il est postérieur aux templa Concordiae édifiés sous Hadrien10 Ajoutons que, sous l'enduit de sa façade occidentale, le remploi d’une stèle représentant Pluton et Cerbère, fait que l'on observe également dans le temple de Mercure élevé entre 180 et 192, nous inclinerait à dater également la construction du temple A dans la fin du iie siècle, quelques années avant qu’en 214, Gabinia Hermiona ne fasse élever celui des Victoires de Caracalla qui, dans l'état des vestiges, paraît en être une version plus luxueuse.
6Alors que dans ces deux temples le péribole n’enclôt finalement que l'area ante templum, le temple anonyme I, dit de Pluton11, respectant lui aussi tous les critères de définition d'un temple italique, s'élève au centre d'une aire close par un mur en opus africanum. Bien que plus vaste que les deux précédentes, cette dernière est également dépourvue de portique ; cette fois, la cause en est l'irrégularité du sol où le substrat rocheux affleure en de nombreux points. C’est le seul sanctuaire dans lequel est conservé l’autel qui, quoique très ruiné, se révèle semblable à celui du capitole de Thuburbo Maius, dont le noyau central, en blocage paré de blocs réguliers, se tenait sur trois marches périphériques12. La plus étonnante caractéristique de cet édifice est son assymétrie puisque le temple et l'autel se trouvent décalés par rapport à l'axe central de la cour, plus proches du péribole occidental qu'oriental. Certaines constatations permettent d'en proposer une explication ; il faut toutefois préciser que ni le temple ni son environnement n’ont fait l’objet de fouilles qui la confirmeraient13. En 1'absence de sa dédicace, il n'est pas daté ; nous savons seulement qu'il est édifié à proximité de l'arc de Septime Sévère et de la maison dite du Canard et des Saisons dont le pavement de mosaïque a été posé dans le courant du iiie siècle14. Dans la confusion des vestiges qui encombrent la partie sud de la cour et qui appartiennent à un vestibule de façade, il apparaît que le sanctuaire était d'abord pourvu d'un accès axial, remplacé ensuite par un escalier latéral empiétant largement sur la rue orientale. Ces modifications eurent apparemment lieu à l’occasion d'une extension de la cour du temple vers l’est, peut-être pour en régulariser le plan car il semble qu’à l’origine, son péribole oriental n'était pas rectiligne. En effet, le premier tracé de la rue décrit une courbe en arrivant du nord avant de passer sous le péribole oriental ; celui-ci n'appartient pas à l’état d'origine et sa construction interrompit la voie et imposa sa déviation. Son nouveau dallage, plus irrégulier et moins soigné que celui de la portion antérieure, ainsi que le rétrécissement du passage en partie obstrué par l’escalier latéral, pourrait indiquer qu’alors, le rôle de cette rue était devenu secondaire ; en revanche, son nouveau tracé, imposé par le nouveau mur du péribole, était devenu rectiligne. Seules des fouilles permettraient de déterminer si. comme on peut le présumer, ces modifications du temple et du réseau viaire furent contemporaines de la construction de l’arc de Septime Sévère qui suscita la monumentalisation ou, en tout cas. la régularisation de ce quartier au tout début du iiie siècle.
1.2. Les temples périurbains
7Les sanctuaires de Caelestis15 et de Minerve II16 sont des versions plus monumentales du précédent car les temples italiques sont aussi inclus, au moins partiellement, dans une vaste cour, en partie cernée cette fois d’un portique déambulatoire. Ils sont tous deux édifiés sur des terrains privés, offerts par les Gabinii et par lidia Paula Laenatiana ; aucune occupation antérieure, ni sacrée, ni profane, n’y est du reste attestée.
8Le sanctuaire de Caelestis est l'un des mieux conservés de la cité et l'un des plus singuliers ; édifié sous Sévère Alexandre, c'est aussi le plus récent dont les vestiges sont reconnus. Avec les temples de Sabratha et surtout le temple central de Byrsa, il est le seul périptère d’Afrique17 et il est aussi le seul hexastyle de la cité, version prostyle assez peu répandue dans l’ensemble de la province, au profit des façades tétrastyles. Cette colonnade était en plus triplée dans le proanos, ne laissant libre que l'espace conduisant à la cella. Deux périptères sine postico, le capitole de Thamugadi, avec sa double rangée de six colonnes précédant la cella et le temple sévérien du culte impérial de Lepcis Magna doté d’une triple colonnade octostyle, offrent les meilleures comparaisons. Par jeu d’optique, la multiplication des colonnes en façade avait pour conséquence leur allongement, ce qui, ajouté à leur densification en profondeur, accentuait la majesté du temple et sa position convergente dans le sanctuaire18.
9Celui de Caelestis s’élève au centre d'une cour qui n’est dallée qu’en avant du temple jusqu’aux entrées du portique, d’où l’on a déduit que l’espace laissé vierge a pu être planté d’un bois sacré19, mais aucune trace d'aménagement paysagé n'a été repéré dans la cour dont le substrat, du reste, avait été très perturbé au moment de son dégagement, comme le montrent les photographies anciennes. Elle présente surtout un plan particulier semicirculaire, très peu répandu en Afrique où seuls trois monuments définis par F. Rakob comme des “monuments à eaux”20 offrent des similitudes architecturales. Les temples d’Hammam Berda et d'Hr Tamesmida se composent également d'un portique en demicercle et d'une cella où l’on honorait une divinité dont le nom n’est pas conservé ; leurs cours sont précédées d'un vaste bassin circulaire de 30 et 35 m de diamètre environ. Le nymphée de Zaghouan édifié au départ de l'aqueduc de Carthage, présente un modèle semblable avec cette différence que le bassin, en forme de deux cercles sécants dont la largeur totale n'excède pas une dizaine de mètres, est cette fois creusé entre les deux murs latéraux rectilignes qui prolongent la section courbe du portique.
10Tous ces lieux de culte se distinguent cependant du sanctuaire de Caelestis par le fait que leur cella n’est pas comprise entre les portiques, mais s'élève à l’extérieur ; de plus, ils appartiennent au iie siècle et sont antérieurs au temple de Thugga. Bien que la relation de la déesse et de l’eau soit bien attestée21, rien n’assure non plus que le sanctuaire de Dougga ait été en relation avec des aménagements hydrauliques : le bassin qui lui est accolé, à l'extérieur du péribolc oriental, s’est avéré postérieur et les constructions signalées le long du temple, au début du xxe siècle, ne sont plus visibles aujourd’hui, enfouies sous les terres cultivées22. A 1'appui d une telle hypothèse, il faut quand même signaler la proximité des grandes citernes d'Aïn el Hammam au nord-ouest du sanctuaire et d’Aïn Dora au sud-ouest et surtout, en avant du temple et dans son axe, dans une zone qui n’est pas fouillée et où poussent les oliviers, une dépression régulière dont on ne peut déterminer si elle est naturelle ou artificielle23.
11La particularité du sanctuaire de Minerve II, aussi vaste que le précédent et qui est, quant à lui, le temple italique le plus ancien (138-161), tient dans la position du temple par rapport a la cour. Non seulement la cella se trouve projetée à l’extérieur de l'area, ce qui a pour effet d’allonger l’ensemble du plan24, mais elle se trouve de plus en surplomb, le sommet du podium étant placé au même niveau que celui du péribole (p. 341, fig. 66a-66d), de sorte que le temple était visible de loin, dominant la cité qui s’étage à ses pieds. Dans cet ensemble, comme dans celui de Caelestis, la cour joue un rôle essentiel ; elle a la même valeur que le podium et en renforce la fonction : espace transitoire, elle isole le temple en le coupant sans équivoque de l’environnement profane. Alors qu'il devait être préservé de toute souillure et se trouvait de ce tait inaccessible aux hommes, ceux-ci pouvaient communier et se promener dans la cour où des portiques les abritaient du soleil et de la pluie25. Cette hiérarchie des espaces cultuels exprimait une gradation du sacré qui culminait dans la mise en valeur de la cella principale.
12Dans le sanctuaire de Caelestis, c’était, enserrant le temple, une forêt de colonnes périphériques qui se densifiait autour de la cella et une série de statues qui rythmaient le portique, placant la déesse au centre de 1'orbis terrarum. Toute l’organisation du sanctuaire de Minerve II est conçue pour renforcer la frontalité du temple et l'area de plan très allongé est un élément essentiel de sa mise en scène. L'accès est cette fois axial et non plus latéral ; au fond de la cour, la masse et la hauteur imposantes du temple posé au sommet d’un puissant escalier étaient soulignées par la perspective des longs portiques latéraux de dixneuf colonnes chacun, bordés par une balustrade, qui conduisaient à la divinité. Plus encore que celui de Caelestis auquel des éléments orientaux donnent sa spécificité, le plan de ce monument est l’expression d'une architecture purement romaine et le rapprochement nous paraît inévitable avec les temples à podium dominant les forums impériaux de Rome, en particulier avec celui qui fut consacré à la même déesse, au fond du long forum transitorium26.
13Dans ces deux sanctuaires, la cour apparaît donc à la fois comme un élément architectural dont le but était de permettre l'aménagement d'un lieu digne de la divinité et comme un espace de transition entre le monde profane et le monde sacré. Toutefois, qu'elles n’aient pas été dallées, comme c'est le cas dans tous les temples africains de Thugga, et que. dans le sanctuaire de Minerve, l’accès semble même en avoir été interdit par la balustrade qui longe les portiques et le temple27, laisse penser que les fidèles leur conféraient une valeur sacrée ; celle-ci pourrait être une réminiscence, dans l’architecture romaine d’Afrique où ces temples italiques à cour sont nombreux, des aires rituelles à ciel ouvert, éléments fondamentaux des sanctuaires préromains.
2. Les temples “romano-africains”
14Ces derniers ont donné naissance à une catégorie de temples spécifiques à l’Afrique, et que l’on appelle de ce fait romano-africains ; elle est représentée à Thugga par cinq exemplaires (p. 217, fig. 5). Ce sont, en périphérie, les sanctuaires de Saturne et l’anonyme V et, en ville, les temples de Tellus, de Mercure et les templa Concordiae, auxquels il faut ajouter le sanctuaire présumé d’Esculape dont les cellae ont disparu, et celui de Minerve I, dans lequel leur nombre est indéterminé. M. Le Glay a établi une typologie de ces sanctuaires fondée sur ceux de Saturne qui sont de très loin les plus représentés dans cette catégorie. La différence fondamentale avec les temples italiques est d'abord une question de proportions puisque, au contraire de ces derniers, ils ne sont pas conçus selon un axe vertical, mais horizontal et se caractérisent essentiellement par une ou plusieurs cellae, généralement trois et dépourvues de podium, alignées au fond d'une cour28. Au-delà de leurs caractéristiques communes, les temples africains de Thugga présentent eux aussi une grande variété dans leurs plans même et dans leurs dimensions.
2.1. Les temples urbains
15Les templa Concordiae29 et le temple de Tellus30 comprennent plusieurs cellae de plain-pied avec une cour dont le centre, non dallé, était circonscrit par quatre portiques ; ils représentent le plus grand et le plus petit exemplaires des temples romano-africains de la ville.
16Le premier, avec ses cinq cellae et l'extension de son plan par un théâtre sacré, constitue un specimen unique, non seulement dans la cité, mais aussi dans la province. Concernant le premier point, il n’offre de stricte comparaison qu’avec un temple anonyme de Jdidi en Proconsulaire où une cour à quadriportique précédait aussi cinq chambres cultuelles sans podium31. Deux autres temples seulement possèdent cinq ou six cellae : ils se trouvent en Maurétanie, à Banasa et à Sala (fig. 4a et 4b) ; ils se distinguent cependant du sanctuaire de Dougga car ils s élèvent sur un haut soubassement accessible par deux escaliers latéraux et ils ne sont pas précédés par une cour fermée, mais donnent directement sur les forums. Ils sont en outre très antérieurs : le premier était orné en façade d'une colonnade pseudo-lotiforme, alors que celle du temple de Sala était dorique ; d'après ce décor, ils dateraient du ier siècle a.C. et celui de Banasa pourrait être contemporain de la fondation de la colonie par Auguste en 33 a.C.32 Deux temples anonymes de Lepcis Magna pourraient appartenir à ce type, mais, dans un cas, les cellae intermédiaires sont très étroites et peuvent s’interpréter comme des couloirs (fig. 4c)33.
17Quant aux exemples africains d'un théâtre sacré de Liber Pater, ils sont inexistants. Toutefois, le plan du sanctuaire de Thugga peut être mis en relation avec d'autres édifices du même type où se déroulaient des cérémonies mystiques pour des divinités orientales, telles que Cybèle et Attis. On en connaît dans plusieurs provinces de l'Empire, à Apollonie d'Illyrie, à Délos. à Vienne en Lugdunaise, par exemple34. Dans cette dernière ville, la relation du théâtre Julio-Claudien avec les dieux phrygiens est établie d’après la découverte de fragments du placage qui devait orner le frons scaenae et représentait une procession sacrificielle d'Attis. Il était fermé par deux murs latéraux rectilignes contre lesquels butaient les gradins courbes et les extrémités d'une scène peu profonde. Ces deux caractéristiques architecturales des théâtres à mystères35 définissent effectivement l’édifice de Thugga, dont la scène est remplacée par un orchestre qui le rapproche plus d’un odéon que d'un théâtre, encadré de hauts murs qui cachaient l'intérieur à la vue, préservant le secret des rites initiatiques36. Notons enfin que cette association d'un temple et d’un théâtre n’est pas spécifique à l’architecture gréco-romaine37 puisque des exemples puniques sont attestés : le sanctuaire de Tanit à El-Khenissia, dans les environs de Sousse38 et peut-être celui de Cagliari en Sardaigne39.
18Ce sanctuaire à lui seul, sans y inclure le théâtre, est presque cinq fois plus vaste que le modeste temple de Tellus, enchâssé dans les quartiers d’habitats qui bordent le forum au sud et que l’on a déjà rapproché du temple de Mercure40. Comme tous les temples de type africain de Thugga, il en sont des exemplaires sophistiqués qui mettent en valeur les principes de symétrie et d'axialisation chers à l'architecture romaine41. A la cella centrale du temple de Mercure, rectangulaire et fermée par une niche en cul-de-four (p. 330, fig. 54c), répondent les deux cellae latérales avec leurs niches rectangulaires à fond plat (fig. 54b) et deux absides se faisaient face à chaque extrémité du pronaos dont la façade disparaissait derrière dix colonnes in antis. De superficie à peu près égale, les trois cellae du temple de Tellus sont organisées selon un plan très similaire avec les mêmes décrochements externes des façades postérieures marquant leur emplacement et le même jeu d’inversion des formes rectangulaires et semi-circulaires des cellae et des absides qui les ferment (p. 361, fig. 84b). Dans ce monument aussi, la symétrie était tenue pour un principe important, ce que l’on note également dans la disposition des niches se faisant face dans les murs latéraux du péribole42.
19Ce qui différencie le temple de Tellus du temple de Mercure le rapproche des templa Concordiae. Les trois degrés qui entourent la place du marché (p. 330, fig. 54a) forment presque un podium au temple de Mercure qui ne possède pas de cour en propre et l’abandon de cet élément fondamental apparemment dérivé des aires primitives est un des plus sûrs témoins de sa romanisation. Avec les templa Concordiae, le temple de Tellus partage au contraire une même cour carrée dont le péribole interne comprend des niches43 pour accueillir d’autres divinités qui ne sont pas connues et ces deux cours sont ornées d’un quadriportique circonscrivant une aire centrale non dallée ; dans les cellae centrales des deux temples également, on note la présence de trois emplacements de statues cultuelles, où les autres n’en comptent qu'une. Dans le temple des Gabinii, un Liber Pater syncrétiste trônait, surélevé contre le mur du fond et encadré par les deux niches pratiquées dans les parois latérales ; on suppose que s'y tenaient ses deux hypostases, dont l’une évoquait le dieu frugifere du printemps renaissant et l'autre, l'enseignant de la sagesse politique44. On peut supposer que trois représentations de Tellus occupaient aussi les trois niches en cul-defour, percées en hauteur du même mur postérieur.
20Enfin, deux autres monuments moins bien conservés se rattachent également au modèle des temples romano-africains. La restitution de trois cellae tient aux proportions plus larges que profondes des structures de fondation conservées au sud de la cour du sanctuaire traditionnellement appelé Dar Lachhab45. Le dieu que l’on y honorait n’est pas identifié avec certitude, mais d'après les concordances de mesures entre l’encadrement conservé de la porte et celles d'une frise découverte quelques mètres à l’ouest, nous supposons qu’il était dédié à Esculape46. D’après le décor d'inspiration punique de l’ex-voto latin qui y a été trouvé et l’organisation du sanctuaire, le dieu a pu y succéder à Eschmoun47 ; ici encore, on ne peut exclure la présence d'un lieu de culte plus ancien. Un seul texte fait état de travaux substantiels en 163-164, les plus coûteux de la cité avec ceux du sanctuaire de Saturne ; comme sur la dédicace de ce dernier, leur nature, construction, restauration ou reconstruction, était mentionnée sur un fragment disparu, mais les vestiges conservés montrent en tout cas le soin que l’on y apporta. Symétrie et axialisation sont encore mises en valeur par le parallélisme entre les portiques et les longues structures rectangulaires qui occupent chaque angle de l'area ; la façade bien conservée, avec son ornementation élaborée imitant un parement en placage laisse présager du luxe de l’intérieur, totalement détruit aujourd’hui.
21L’organisation du temple de Minerve I, dont ni la fouille ni le plan ne sont publiés, ainsi que sa relation à son environnement urbain, ne sont pas précisément connus. Si l'on ne peut déterminer le nombre de cellae, du moins est-on assuré qu’elles ne reposaient pas sur un podium et, qu'il y en ait eu une ou plusieurs, ce monument se rattache donc au modèle des temples africains. Sa dédicace n’ayant pas été retrouvée et, à notre connaissance, aucun sondage n’y ayant été pratiqué, il est impossible de déterminer si l’édifice a été élevé sur un terrain privé, public, ni s'il a succédé à un lieu de culte libyco-punique.
2.2. Les temples périurbains
22De même que le capitole sert de référence aux temples italiques de la cité, le sanctuaire de Saturne est souvent présenté comme l’archétype des sanctuaires romanoafricains les plus aboutis. Son aspect actuel résulte de quatre phases d'aménagement successives intervenues entre le iie siècle a.C. et le iiie siècle p.C.48 ; on ignore à quel stade il reçut ses trois cellae, peut-être à la fin du ier siècle p.C. Celle du centre est comme toujours plus vaste que les latérales ; elles possèdent toutes trois une même entrée distyle in antis mais la cella centrale était surhaussée de trois marches qui la mettaient en valeur ; en même temps, elle était la seule que l'on pouvait fermer par des grilles dont les mortaises sont conservées. La cour dans laquelle deux fauissae ont été découvertes est. malgré son aménagement élaboré et en particulier la présence d'un triportique, l'héritière directe des aires à ciel ouvert, élément fondamental qui unit tous les temples de Saturne49.
23A l'opposé de la ville, au sud du site, s'élève le temple anonyme V50 orienté plein est, que son plan original et archaïque ainsi que la nature de son environnement nous incitent à reconnaître pour un lieu de culte antérieur à l’annexion romaine, sans que l'on puisse présumer s'il fit par la suite l'objet d'une reconstruction partielle ou totale, ni à quelle époque. Considérant toutes les lacunes qui demeurent dans sa compréhension, il est très difficile de raisonner à partir de cet exemple. Il est implanté au milieu de la nécropole préromaine : une sépulture libyque de type mégalithique circulaire a été découverte à une dizaine de mètres à l’est51, et le mausolée libyco-punique s'élève à moins de vingt mètres au sud ; l'occupation pré-romaine de cette zone funéraire est donc bien attestée. Le monument lui-même, avec sa crépis est de type oriental et semble de haute époque ; à notre connaissance, cet élément typiquement grec qui fut adopté par les puniques52 et totalement délaissé par les architectes romains53 n’est que rarement attesté en Afrique. Il fut utilisé dans trois temples romains : deux anonymes de Lepcis Magna qui furent par ailleurs dotés d’une cella distyle in antis, caractéristique de l’architecture punique dont on ne peut assurer l’existence dans le temple de Thugga, et le temple d'Esculape de Lambèse, composé d’une cella principale qui repose sur une crépis courbe54. Le premier temple de Lepcis Magna date sans doute du règne de Marc Aurèle et le second fut peut-être élevé lors des aménagements portuaires menés par Septime Sévère55 ; quant à celui de Lambèse, il est précisément daté de 161-162. Ce sont donc des exemples tardifs pour lesquels aucune occupation antérieure n'est attestée. Dans le grand port cosmopolite, vivaient des commerçants grecs qui avaient leur comptoir dans la cité ainsi que des négociants lepcitains certainement séduits par les modes helléniques découvertes en voyage et la localisation de ces deux temples sur les môles nord et est du port laisse supposer que leurs évergètes appartenaient à ces milieux. Quant au monument de Lambèse, il a été interprété comme une allusion directe aux Asklépiéïa de Pergame, d'Épidaure et de Cos. Tous ces temples romains ont donc été élevés dans des contextes spécifiques qui suffisent à expliquer leur plan exceptionnel ; ce n’est pas le cas à Thugga et l'hypothèse d’un lieu de culte d'origine libyque ou punique nous semble une meilleure justification.
3. Caractéristiques architecturales des temples
3.1. La romanisation des temples africains ?
24Il n’est plus question de reconnaître dans les temples à triple cellae des témoignages directs de romanisation, comme le faisait G.-Ch. Picard qui y lisait la régularisation des plans désordonnés prévalant dans les sanctuaires indigènes par l’application adaptée des modèles de temples étrusco-italiques à cella tripartite, du type qui donna naissance au temple capitolin traditionnel56. La thèse de l’origine sémitique est aujourd'hui retenue sur des arguments plus convaincants57, en particulier grâce aux comparaisons avec les premiers temples à cour et une ou plusieurs cellae sans podium de Byblos58. Surtout, un plan typique des sanctuaires puniques a été mis en évidence dans les aires d’influence phénicienne d'Afrique et de Sardaigne. Dès le iiie siècle a.C., ils comprenaient déjà une cour, parfois pourvue d'un portique, qui incluait le traditionnel bétyle de la religion phénicienne et une cella sans podium, première version monumentale de la niche où se tenait traditionnellement la statue cultuelle. D'abord placée au centre de la cour, cette cella fut progressivement déplacée contre le péribole postérieur59 ; enfin, deux cellae latérales lui furent éventuellement accolées pour placer les statues des divinités subordonnées au dieu principal60.
25A. Lézine écrivait ainsi : “Loin d'être redevables à l'influence romaine, ces sanctuaires constituent, au contraire, des témoignages supplémentaires de l'attachement des Puniques à leur mère patrie”61. Cette interprétation, qui touche de près à l'idée d'une résistance aux traditions romaines, ne semble pas plus pertinente que celle qui attribuait à ces dernières tout le mérite de programmes architecturaux élaborés et cohérents.
26On ne peut en effet négliger la profonde romanisation de sanctuaires aussi somptueux et complexes que celui de Saturne ou les templa Concordiae qui, s'ils ont conservé comme fondement le plan des vieux temples sémitiques, n'ont plus guère à voir avec leurs modèles d'origine. Dans tous ces édifices, l’adoption des canons romains s’exprime par la recherche de l'axialisation et de la symétrie, par le dallage, au moins partiel des cours et par la présence de portiques corinthiens épigraphes, posés sur un stylobate et ouvrant sur des galeries de circulation couvertes. La large ouverture de la cella centrale en particulier rompt avec la tradition du Saint des Saints oriental, entouré de mystères et dissimulé62 ; enfin. au fond de toutes les salles cultuelles, l’apparition d'absides ou de niches toujours surélevées, qui exposaient encore davantage la divinité, est un autre emprunt à l’architecture cultuelle romaine63. Ces dispositions architecturales, la mise en oeuvre des matériaux et les techniques d’ornementation signalent leur romanisation aussi sûrement que le contexte public des dédicaces et les nouveaux noms des anciennes divinités ou mieux, l’introduction de divinités romaines.
27Considérant la rénovation du panthéon et des lieux de culte, les appels systématiques à la protection de l'empereur, la rédaction exclusivement latine des dédicaces religieuses dès le début du ier siècle et les énumérations des carrières municipales romaines en façade des monuments, on ne peut croire qu’en choisissant de faire édifier un temple “romanoafricain", les néo-romains des iie et iiie siècles aient cherché à s'exclure du modèle vers lequel tout montre au contraire qu'ils tendaient. Puisque les autorités ne s'y opposaient pas, il était naturel que les descendants des pérégrins, aussi romanisés qu'ils fussent, aient opté pour le symbolisme et le rituel qui leur étaient familiers, mais en y intégrant suffisamment d'éléments empruntés à Rome pour manifester leur adhésion naturelle à la religion romaine. Comme les dieux locaux prirent des noms latins, enrichissant leur personnalité originelle sans toujours la modifier intrinsèquement, ces édifices sont une interprétation romaine du temple africain et avec leurs multiples origines, ils synthétisent finalement plusieurs éléments des sanctuaires orientaux et occidentaux dans une structure architecturale spécifique à l'Afrique.
3.2. Les éléments orientalisants des temples sévériens
28De plan italique ou non. tous les temples de Thugga portent donc les traces d'une profonde romanisation et. dans les sanctuaires sévériens des Victoires de Caracalla, de Caelestis et de Saturne, on décèle également une influence incontestablement orientale. Les courants hellénistiques qui empreignent l’architecture publique d'Italie et d’Occident à partir des Antonins sont particulièrement lisibles dans les deux temples italiques, marqués par l'emploi du dorique dans le premier et l'application d’un plan périptère au second.
29A notre connaissance, le dorique, presque absent en Occident et plus rare encore dans les constructions publiques religieuses64, ne fut appliqué en Afrique qu'à deux autres monuments cultuels romains65. Les chapiteaux de la façade tétrastyle du temple d'Esculape, édifié entre 161 et 162 à Lambèse66, sont toscans alors que pour les façades de ses chapelles annexes, on utilisa le corinthien. M. Janon, qui fouilla le temple, a interprété ce décor comme une imitation des grands Asklépiéia d’Asie mineure67 ; ce que confirme la substitution d'une crépis au traditionnel podium italique68. A Lepcis Magna, le temple anonyme du môle nord possède une façade distyle in antis dont les colonnes supportent deux chapiteaux et une frise doriques69. Dans ce grand port cosmopolite, aire de continence culturelle où se croisaient des commerçants venus d’Occident et d’Orient, le désir de construire un monument directement inspiré des modèles d’architecture cultuelle grecque s'explique aisément ; à Thugga, il pourrait indiquer qu'une partie cultivée de la population, les Gabinii en l'occurrence, était sensible aux modes orientales en vigueur partout.
30A propos du sanctuaire de Caelestis, outre la ligne courbe du portique de cour et les gorges égyptiennes des architraves du temple, il faut aussi souligner qu'il est périptère, avec dix colonnes pour chaque portique latéral, doublé le long du pronaos par deux colonnes supplémentaires. Un seul autre périptère est identifié en Proconsulaire, celui qui occupait, à Carthage, le centre de l’esplanade de Byrsa, un modèle prestigieux donc. En Tripolitaine plus orientalisée, le temple de Liber Pater qui s'élève face au temple de Jupiter, sur le forum de Sabratha, fut doté d'une colonnade périptère sous les Flaviens70. D'origine orientale, ce plan trouvait sa justification dans le rituel de 1 'ambulatio autour de la cella, rite qui n’avait pas de fondement liturgique dans la religion romaine. De fait, il connut peu de succès à Rome et dans les provinces occidentales où on lui préféra de très loin le pseudo périptère, "ordre spirituel” qui conservait la valeur rythmique de la colonnade en la dépouillant de sa fonction71. En Africa, on édifia aussi, mais toujours de manière très ponctuelle, des périptères sine postico, plan qui, sans être plus fonctionnel, conférait davantage de prestige au temple que le pseudo-périptère ; il n’est pas fortuit que ce soient des Capitoles et un temple du culte impérial, qui en aient bénéficié (p. 230, fig. 5).
31Enfin, dans le sanctuaire africain de Saturne II, M. Le Glay a rattaché les éléments d'une ornementation proprement syrienne, le décor pariétal de la cella centrale ornée de rinceaux de feuilles de vignes et les propylées évoquant les grands sanctuaires d'Hiérapolis et de Damas, au succès des modes importées par l’épouse de Septime Sévère72.
32Ces références orientales ont été véhiculées par des artistes et des architectes itinérants, mais comme leurs ancêtres du temps de Massinissa, les Africains des iie et iiie siècles se montrèrent capables de les assimiler et de les appliquer à des édifices déjà profondément romanisés73. Il est incontestable que cette diversité des influences culturelles, dont les apports respectifs ne sont guère possibles à quantifier, a contribué à l’élaboration d'une architecture spécifique à la province qui n’a jamais complètement cédé le pas aux traditions de Rome, mais ne les a jamais exclues non plus.
3.3. Une spécificité de l’architecture africaine
33Ainsi, outre la technique particulière des voûtes construites sur un coffrage de bouteilles céramiques emboîtées et qui n'est connue, hors d’Afrique, qu’en Sicile, et encore, à partir du iiie siècle p.C. seulement74, et celle de l'opus Africanum qui était déjà couramment employé par les architectes puniques75, l’une des spécificités africaines des temples de Thugga consiste en la présence, dans quatre d’entre eux, de balustrades identiques. D'un modèle inconnu des auteurs anciens et qui n’est attesté qu’en Afrique76, elles se composent d'une dalle creusée de mortaises et d’une rainure dans laquelle s’encastrait verticalement une plaque de calcaire entre deux piliers quadrangulaires ; elles n'étaient pas disposées de la même manière dans tous les temples, composant des structures différentes dont la fonction n’est pas toujours clairement établie.
34Dans le temple anonyme II une première balustrade courait du péribole sud à l'escalier du podium, au droit du mur extérieur oriental de la cella ; l’empreinte visible sur les premières marches conservées de l’escalier indique qu’elle se poursuivait en rampe jusqu’au pronaos. Il faut corriger le plan de Cl. Poinssot (p. 215. fig. lb) en ajoutant une autre balustrade plus à l’ouest, parallèle à la première mais qui s’interrompait, semble-t-il. contre l'escalier (p. 371. fig. 94b-c). Leur fonction demeure énigmatique. Dans le sanctuaire de Minerve II, les chancels longent les portiques de cour, le podium et l’escalier du temple en limitant une ambulatio dallée qui les séparent de l'intérieur de l' area, apparemment afin d'en interdire l'accès (p. 216, fig. 2a et p. 341. fig. 66c). Dans le temple des Victoires de Caracalla (p. 215, fig. 1c et p. 365, fig. 88c), comme dans le sanctuaire présumé d’Esculape (p. 217, fig, 3b et p. 309, fig. 34c). les chancels fermaient quatre espaces rectangulaires à chaque angle de la cour et l’on est tenté de les interpréter comme des bassins, cependant, aucune trace de canalisation ni du mortier qui les aurait rendu étanches n’est visible ; on peut également penser à l’aménagement d’un espace paysagé, orné de jardinières sur le modèle du jardin privé de la villa voisine, dite omnia tibi felici77. Dans la cité, on trouve ces mêmes chancels également employés en rampes pour encadrer les deux escaliers qui descendent derrière l'abside de Mercure, génie du marché. D'autres exemples africains confirment que cet élément de construction n'était pas réservé à l’architecture sacrée et qu’on l’employa à de nombreux usages, généralement pour contenir un liquide, tant dans des applications de petites proportions comme les cuves d'huilerie, les aires de stockage des olives, les réserves d’eau domestiques ou les fontaines urbaines78, que pour construire de vastes bassins thermaux ou de grands réservoirs79. En fin de compte, il n'y a même qu’à Althiburos que ces balustrades furent aussi utilisées dans un édifice cultuel, fermant les couloirs qui longent le temple tetrastyle au nord-est du forum et la plate-forme qui s’étend en avant de son escalier central.
35Ne pouvant préciser davantage la fonction de ces structures, nous nous bornerons à souligner deux points. D’une part, cette technique requérait un grand savoir-faire, non seulement dans la taille très méticuleuse des chancels dont certains servirent à la construction de structures courbes et pesèrent parfois plus d'une tonne, mais aussi dans leur assemblage car on les encastrait en faisant coulisser horizontalement les plaques verticales dans les rainures des dalles d’appui, ce qui nécessitait encore précision du geste et des mesures80. D’après P. Morizot, le calcaire très dur dans lequel ces dalles sont taillées proviendrait de stratifications naturelles qui servaient de carrières dans les bassins du massif de l’Aurès. La transformation des blocs en éléments de construction préfabriqués y aurait été assurée sur place par des artisans spécialisés ; cette production, coûteuse de par sa qualité et l'éloignement des carrières, aurait été destinée à l’exportation vers les riches cités d’Afrique et il est possible que, comme sa voisine Bulla Regia. Thugga en ait importé. L'autre point important est que l'on rencontre ces balustrades aussi bien dans des monuments romains que chrétiens : ainsi, à Ammaedara, elles fermaient une chapelle martyriale, annexe d'une église disparue81 et l’on peut interpréter cette survivance technique comme le maintien d’un fort élément culturel que ne dépassèrent pas les modes architecturales.
4. Particularités inhérentes a la configuration du site
36Ce sont donc finalement des lieux de culte très variés qui ornaient la ville a l'époque romaine ; cette diversité, aboutissement de plus de trois siècles de syncrétisme religieux.
37résulte aussi de deux facteurs importants qui sont la topographie naturelle du site et la présence d'un urbanisme antérieur. Atout ou contrainte, ces paramètres ont pu conduire parfois les architectes à des parti-pris inhabituels.
4.1. L’orientation des temples
38A Thugga, malgré deux exceptions et, parfois, de légères variations, l’orientation rituelle des temples italiques vers le sud et des temples africains, de tradition sémitique, vers l'est a pu être respectée parce qu'elle correspondait à la topographie naturelle du site. La cité est édifiée sur le flanc sud d'une éminence bordée par une colline perpendiculaire à l’ouest, formant un demi-cirque qui enferme la cité au nord-ouest. L’abrupt qui limite le site à l'est et la pente descendant vers le sud laissent au contraire l’horizon dégagé du nord-est au sudouest. En tenant compte de légères variations, les temples ont donc pu conserver naturellement leur orientation rituelle. Lorsque ce ne fut pas le cas, pour deux d’entre eux. il faut en attribuer la cause à des contraintes incontournables liées à l'urbanisme antérieur et aux conditions de l’édification.
39Le premier, dans lequel on honorait une divinité on ne peut plus romaine, la Pietas impériale, s'apparente par son podium à un temple italique quoique son exiguïté, l'absence d'autel sacrificiel et sa cella semi-circulaire le rattachent aux petites chapelles votives comme celle de Neptune ou l'anonyme III. Il n'ouvre pas vers le sud. mais vers le nordouest, faisant face à la rue. C'est le cas d’autres temples italiques, en particulier des Capitoles d’Althiburos et de Thamugadi, respectivement orientés au nord et au nord-est, dont nous savons qu'ils n’avaient pas été prévus dans le programme initial des forums de leurs cités respectives82. Le temple de Pietas fut construit solo priuato, ce qui suffit à expliquer la singularité de son orientation puisque le modeste terrain dévolu à sa construction par C. Pompeius Nahanus se trouvait au sud de la seule rue qui pouvait mener au temple.
40Le second est le sanctuaire présumé d’Esculape, un temple romano-africain orienté au nord-nord-est. L’hypothèse d’une occupation antérieure ne suffit pas à expliquer cette singularité puisque les temples de ce plan sont tous plus ou moins orientés vers l’est, exceptés les sanctuaires consacrés à Saturne de Thuburnica, de Cuicul et de Cirta83. Son environnement n’ayant pas été étudié et la date même de son implantation ne pouvant être déterminée avec certitude, cette anomalie demeure pour l'instant inexplicable.
4.2. Le terrassement des aires d’édification et l'utilisation du relief
41A la périphérie de la cité, cette même pente qui favorisa naturellement l’orientation rituelle des sanctuaires imposa aussi la contrainte d’un terrain dénivelé car, pour aplanir de vastes aires d'édification, il fallut souvent procéder à d’importants travaux de terrassement et de consolidation de terrains parfois fragiles.
42Le sanctuaire de Caelestis s’élève contre le flanc sud de la colline, dans l’axe de la pente. Afin d’obtenir une aire plane pour édifier le sanctuaire de 5.3 m de largeur sur 46 m de profondeur, cette dernière a d'abord été décaissée en profondeur et aplanie au nord, puis partiellement remblayée et prolongée au sud par trois substructures vides qui supportent toute la portion rectangulaire et dallée de la cour, en avant du temple. Le monument est ainsi encaissé au nord, où le sol intérieur se trouve à environ 2 m en contrebas du sol extérieur et le dénivelé est inversé au sud, où le sanctuaire dominait d'au moins 4 m le terrain descendant vers Aïn-Doura (p. 276, fig. la). Au contraire, à l'ouest et à l'est, il se trouve de plain-pied avec les voies qui arrivant, l'une de la ville, l'autre de l’extérieur, en suivant la même courbe de niveau, aboutissaient aux entrées latérales, la position desquelles a bien été imposée par la topographie naturelle de l'aire d’édification.
43L'implantation du sanctuaire de Minerve II est assez comparable. Ne disposant pas d'une aire plane de dimensions suffisantes pour y installer un édifice de plus de 60 m de longueur, ses constructeurs ont entaillé de front la pente qui s'étale doucement vers le sudest, ce qui explique l’orientation approximative de ce temple italique. Dans la partie postérieure du sanctuaire, la différence de niveau entre le sol extérieur et celui de la cour culmine à 4,5 m de part et d'autre du péribole nord-occidental, puis le dénivelé naturel du sol extérieur décroît pour rejoindre le niveau de la cour, face aux premières marches de l’escalier du podium (p. 341, fig. 66a et 66b). Au total, l'adaptation du relief aux contraintes de l'architecture s'est ici limitée à l’aplanissement de la pente sur un minimum de superficie et les architectes ont même employé la topographie naturelle à diminuer les travaux au lieu de remédier aux problèmes qu’elle posait par l’ajout de structures supplémentaires. La disposition particulière de la cella, édifiée sur le substrat naturel, au point le plus haut de la pente, tout en dispensant du coût de la construction d’un podium, mettait le temple lui-même plus en valeur que s'il avait été élevé de manière artificielle, enfermé dans la cour et masqué par le péribole.
44Dans ces deux vastes sanctuaires, la configuration du relief ne constituait pas une contrainte trop lourde et elle put même être mise à profit ; finalement, les deux terrains offerts par des particuliers s’avéraient globalement aptes à recevoir des structures aussi imposantes dont, d’ailleurs, les fondations et des élévations substantielles sont encore conservées. Au contraire, certains signes de la destruction du sanctuaire de Saturne montrent que son aire d'édification ne se prêtait pas à supporter un tel monument, mais la présence d'un lieu de culte antérieur conditionnait sa localisation de manière incontournable. L’aménagement monumental de faire cultuelle de Ba'al se fit aux prix d’importants travaux car il fallut profondément entailler le rocher à l'ouest, en arrière des cellae, pour augmenter la superficie restreinte de cette étroite terrasse84 (p. 349, fig. 47c). Mais une faille qui traverse la cour du sud-est au nord-ouest a été repérée par L. Carton ; pour lui, comme pour P. Gauckler, R. Lantier et L. Poinssot, elle existait avant l'édification du sanctuaire et ne fit que s'élargir, d’abord avec l’aménagement des fauissae et de la citerne dans le sous-sol de la cour, puis sous le poids des matériaux de construction pesant de part et d’autre. L'ajout d'un portique de façade précédé d'une terrasse jouant le rôle de contreforts ne put pallier la dislocation du plateau85 (p. 349, fig. 74b et p. 350,fig. 75d) ; au centre de l'area, où se trouve le maximum d'abaissement de niveau, le sol s'est affaissé jusqu'à 1 m et la partie du temple qui a le mieux résisté à l’effondrement comprend l’angle sud-ouest de la cour et les cellae, en particulier celle du sud. c’est-à-dire la partie établie sur le rocher artificiellement aplani.
4.3. La présence d’un urbanisme antérieur
45D’autres problèmes se posaient en ville où les rues sont partout étroites et sinueuses, adaptées au tracé de la topographie naturelle et probablement au réseau de la voierie préromaine. Les temples qui les bordent ont été édifiés entre des bâtiments plus anciens, des habitats privés pour la plupart ; l'existence de cet urbanisme antérieur imposait également ses contraintes et lorsqu’il ne fut pas possible de le modifier, les architectes surent adapter les plans classiques qui, dans les sanctuaires africains comme dans les temples italiques, privilégiaient un accès axial, en déplaçant l’entrée sur un côté de la cour86.
46Comme leur plan d'ensemble, l’implantation des temples des Victoires de Carcalla et de l’anonyme II dans la ville est très comparable, ainsi que les solutions choisies par les architectes pour remédier à la présence de constructions antérieures tout en tirant parti du dénivelé du site. Les deux temples sont édifiés le long d'une des voies secondaires nord-sud de la ville, dans la pente de la colline. Dans les deux cas, celle-ci a été exploitée pour asseoir le podium dont le sommet se trouve à peu près au même niveau que la rue à son point le plus haut, au nord, alors qu’à son point le plus bas, au sud, elle s’abaisse au niveau de la cour (p. 365, fig. 88a et p. 371, fig. 94a). Ceci présentait évidemment l’intérêt de diminuer graduellement le nombre d'assises du podium en économisant d'autant sur les coûts de construction.
47L’orientation du temple des Victoires est légèrement différente de celle du temple anonyme II, sud sud-ouest pour le premier et sud sud-est pour le second : on voit que, si l'on a pu conserver sans problème l’ouverture rituelle de la cella vers le sud, puisque c’était aussi l’orientation naturelle du site, la présence de constructions antérieures imposa néanmoins un léger décalage. On sait que le temple des Victoires a été édifié solo priuato, ce que précise la dédicace et que confirment les observations archéologiques. Il est mitoyen, à l’est, de la maison de Vénus dont les pièces orientales ont été amputées lors de sa construction et au sud, l'existence d’une autre domus empêchait d’aménager une façade monumentale axiale. Quant au temple anonyme II, il fallut, lors de sa construction, respecter le mur extérieur de la cella centrale des templa Concordiae et son péribole sud n’est pas rectiligne mais s’incurve avant l’angle oriental, englobant le mur antérieur (p. 289, fig. 11). Dans ce cas non plus, on ne pouvait prévoir un accès digne de ce nom face au temple. Ces contraintes étaient impératives ; elle furent résolues par l'aménagement d’un unique accès latéral et par l’ornementation plus ou moins élaborée des façades longeant la rue. Dans le temple des Victoires, le mur externe de la cella était animé d’une colonnade heptastyle engagée lui donnant l’aspect d'un pseudo périptère d’ordre dorique. Son allure monumentale était encore accrue par la présence de l’arc perpendiculaire qui enjambe la rue et qui est une partie intégrante du temple. Il ne semble pas que l'entrée de la cour ait été ornée comme celle du temple anonyme II où deux colonnes de marbre s’élevaient au droit des montants de la porte, éléments d’un porche distyle dont l'entablement est inconnu. Sur la façade visible de ce dernier, les premières assises d'opus quadratus correspondant à la hauteur du podium étaient surmontées d’un mur de petits moellons, masqué par un enduit conservé de manière fragmentaire dont il n’est plus possible de restituer le décor s’il en portait un.
48Dans les templa Concordiae aussi les architectes tirèrent avantage du relief naturel : les cellae et l' area sont établies sur une plate-forme limitée au sud par une pente rapide employée pour asseoir les gradins de l'auditorium qui. comme ceux du grand théâtre public, sont adossés à la colline (p. 291, fig. 12). Cet aménagement permettait de faire l’économie des importantes substructions qui soutiennent la cauea des théâtres construits en terrain plat et, à nouveau, de diminuer le prix des travaux. Une seule entrée, pratiquée à l’extrémité du mur d’enceinte nord-est menait au temple, peut-être par une rue arrivant du théâtre, mais toute la zone entre ces deux édifices reste à dégager. En revanche, la rue qui conduit aux thermes voisins depuis le centre public paraît trop étroite pour qu’un accès, dont le soubassement ne porte du reste nulle trace, ait existé de ce côté ; les principes de symétrie furent là encore sacrifiés au respect des monuments préexistants.
49On peut formuler la même constatation concernant le temple de Tellus, bordé par deux ruelles, l'une au sud dont la largeur n’excède pas un mètre, et une à l’ouest, par laquelle on arrivait au temple qui ne possédait qu’un accès latéral par ce côté (p. 361, fig. 84c). Au nord et à l’est, il était encadré par des demeures privées dont l’une fut détruite lors de sa construction ou de sa réfection, comme en témoigne le sol de mosaïque non daté sur lequel est assis le mur externe de la cella orientale. C’est aussi ce que l’on constate dans le temple des Victoires de Caracalla qui empiète sur le sol orné de la maison de Vénus dont les pièces occidentales faisaient partie du terrain offert pour édifier le temple. Malgré cette similitude, il nous semble peu probable que le temple de Tellus ait été lui aussi construit solo priuato. On sait qu’il fut reconstruit a solo sous Gallien, mais des éléments stylistiques indiquent qu’un premier état existait déjà au ier siècle. Étant donnée la longue popularité de la triade Cérès-Tellus-Pluton avant l'annexion romaine, on peut raisonnablement supposer que le monument a pris la succession d'un lieu de culte plus ancien encore87 et l’on peut envisager qu’à un moment donné, il fût agrandi aux dépens d’un bâtiment voisin dont les propriétaires étaient plutôt les évergètes du ier siècle que la famille de Botria Fortunata, laquelle semble avoir reconstruit le temple en respectant son plan d’origine.
50Enfin, à un moment où l'urbanisme avait atteint son apogée et qu’en ville, les espaces libres devaient s’être depuis longtemps raréfiés, des architectes aménagèrent ingénieusement un espace très exigu, a priori inutilisable, en récupérant les structures de monuments antérieurs. La chapelle C, édifiée dans le courant du iiie siècle, s'élève entre l'auditorium et les thermes antoniniens (p. 373, fig. 95). Ceux-ci ne sont pas construits exactement suivant la même direction et leurs axes nord-sud, légèrement décalés, le premier vers l'est et le second vers l'ouest, ménagent entre eux un espace triangulaire que les constructeurs n’eurent qu’à fermer par une niche voûtée pour aménager un nouveau lieu de culte.
5. Le plan des temples et l’origine des dieux
51Cette interprétation des techniques et des modes, cette adaptation des canons d’architecture classique aux spécifités culturelles, topographiques et urbaines du site et, finalement, la grande diversité qui en résulte soulignent à la fois une évidente capacité d’assimilation, et donc d'intégration, et une originalité préservée par une acculturation incomplète. C’est également ce que met en évidence la grande liberté prise dans les choix architecturaux qui. d'inspiration africaine ou italienne, ont été appliqués aux sanctuaires de divinités dont les origines étaient indifféremment indigènes ou allogènes et dans ce domaine, il semble qu'aucune règle n'ait spécialement prévalu.
52Il n'y a aucun moyen d'identifier les dieux qui habitaient les temples anonymes I et II, de sorte qu'il n'est pas possible, sur la foi des exemples du capitole et des temples italiques des Victoires de Caracalla et de la Piété dont l’abstraction ne se prêtait pas à 1'interpretatio, d’affirmer que ce plan était plus spécialement réservé aux temples de divinités incontestablement romaines. Le temple italique de Caelestis montre même le contraire.
53On n'honora pas non plus uniquement d’anciens dieux dans les temples africains : c'était bien le cas dans celui de Cérès, Tellus et Pluton, dans le sanctuaire identifié comme celui d'Esculape, dans le sanctuaire de Saturne et certainement dans le temple anonyme V. En revanche, la communauté des templa Concordiae, Frugiferi, Liberi Patri, Neptuni était pour moitié composée de dieux interprétés et pour moitié de dieux importés. Quant au temple de Fortuna, Venus Concordia et Mercure, il était dédié à une triade incontestablement romaine, comme, probablement celui de Minerve I.
Notes de bas de page
2 Gros 1996, 124.
3 Boëthius & Ward Perkins 1970, 491 ; Castagnoli 1984, 3-12 ; Gros 1996, 124. Pour l'Afrique, voir en particulier les pages consacrées à tous les types de sanctuaires par P. Romanelli dont la typologie s'appuie sur de nombreux exemples (1970. 1 17-123) et l'étude sur les forums et les capitoles dans laquelle J. Eingartner a recensé et décrit les principaux temples italiques des quatre provinces (1992, 213-242).
4 Infra, p. 215, fig. la ; p. 281-283.
5 En général, Cagiano de Azevedo 1941, 1-76 ; Bianchi 1950, 349-415 ; pour l’Afrique, Barton 1982, 270-326.
6 1982, 274-276.
7 Infra, p. 215, fig. 1c ; p. 364-365.
8 Infra, p. 215, fig. le ; p. 369-372.
9 Infra, p. 231-232.
10 Infra, p. 372.
11 Infra, p. 368-370. Un plan du temple a été relevé en 2001-2002. Cf. Golvin & Khanoussi 2004.
12 Lézine 1969, 131.
13 Ces observations sur la chronologie relative du monument sont détaillées dans Golvin & Khanoussi 2004
14 Khanoussi 1998, 64, no 47. Infra, p. 15, fig. 3, no 39.
15 Infra, p. 216, fig. 1b ; p. 275-276.
16 Infra, p. 216, fig. 1c ; p. 340-341.
17 Infra, p. 230-231. fig. 5a et 5c.
18 Gros 1996, 141.
19 Cagnat & Gauckler 1898, 27 ; comme, par exemple, dans le temple de Saturne à Carthage. (Tert., Apolog., 9.2) ou le temple B de Volubilis (Morestin 1980, 55-56).
20 Rakob 1972, 1974.
21 Infra, p. 181, n. 108.
22 Golvin & Khanoussi 2004.
23 Cl. Poinssot imaginait un aménagement semi-circulaire en comparant le plan du sanctuaire à celui du théâtre, en avant duquel il a identifié une rampe courbe menant à la cella attribuée à Cérès (1961,262).
24 Le temple à podium se trouve également rejeté à l’extérieur de la cour du sanctuaire d’Esculape, également dédié sous Antonin à Lambaesis ; c'est aussi le plan affecté à celui de Vénus Genitrix à Theueste
25 Scheid 1995, 430 : id. 1996, 254-255.
26 Mais aussi avec les temples de Venus Genitrix dans le forum Iulium, de Mars Ultor dans celui d’Auguste et de diuus Traianus sur le forum du même nom (Castagnoli 1984, 12).
27 Infra, p. 231-232.
28 Lézine 1959, 255-26 2 ; id. 1963, 102 ; Le Glay 1966a, 275 ; Romanelli 1970, 123-126 ; Boethius & Ward Perkins 1970, 491 ; Altherr-Charon 1977, 404-407 ; Pensahene 1987, 262-271. La multiplicité des cellae comme l’absence de podium ont pu être considérées ou non comme des éléments déterminants. Ainsi, dans cette catégorie des temples africains, M. Le Glay inclut également les temples à trois cellae sur podium, version nettement occidentalisée du même plan (1966a, 275-283), alors qu'A. Lézine en exclut tous les monuments à podium (1963, 102). Nous ne revenons pas sur le détail des interprétations et des classifications des temples africains dont on trouvera la synthèse dans Brouquier-Reddé 1992, 228-230.
29 Infra, p. 217, fig. 3a ; p. 287-292.
30 Infra, p. 217, fig. 3d ; p. 360-361.
31 Ce temple figure, sans indication, sur le plan général du site relevé en 1999 (Ben Abed Bonifay Fixot & Roucole 2000, 472-487, fig. 35).
32 Boube 1967, 340-352.
33 Brouquier-Reddé 1992, 81. fig. 30. 106, fig. 51.
34 Ch. Picard 1955, 229-248.
35 Ch. Picard 1955, 238.
36 Il est cependant possible que, dans ce monument d’une capacité d’environ huit cents places, se soient aussi tenues des représentations profanes ouvertes à tous (Cl. Poinssot, 1961, 259-260).
37 Car on peut également penser aux vieux sanctuaires du Latium : les temples de Junon à Gabii, de Fortuna Primigenia à Préneste et d’Hercule à Tivoli, précédés de degrés semi-circulaires qui sont des marches ou des gradins (Gros 1996, fig. 149-152).
38 C’est, d’après P. Cintas, l’interprétation qu'il faudrait donner aux structures en gradins précédent le temple et jusque là interprétées comme un large escalier d’accès (Carton 1906, 16-17, pl. I, X). J.-G. Février (1956. 21-24) a proposé de reconnaître des aménagements scéniques comparables dans une annexe du temple d Hator à Mactar. Cf. Cl. Poinssot 1961, 260.
39 Mais le temple peut aussi bien être postérieur à la création de la Sardaigne romaine en 238 a.C. puisque sa date de construction prend place dans une large fourchette chronologique qui va de 300 à 50 a.C. (Hanson 1959, 32-33).
40 Tilmant 1995, 28. Infra, p. 217, fig. 3e ; p. 329-330.
41 Ces principes ne sont pas à proprement parler romains, mais comme le fait remarquer M. Le Glay, ils ne caractérisaient pas l’architecture numide ni punique et ils se développèrent avec la romanisation, surtout à partir du ier siècle p.C. (1966a. 280, n. 3).
42 Pour les petites niches en cul-de-four des extrémités nord et sud en tout cas ; face à la porte se trouvait une abside de plain-pied, accolée à une pièce rectangulaire plus vaste où devait aussi trôner une statue ; ce dernier élément n’a pas de pendant en vis-à-vis.
43 Une seule est repérée dans les templa Concordiae dont le péribole est partout effondré, sauf dans le prolongement, très arasé de la dernière cella orientale.
44 Infra, p. 151-152.
45 Infra, p. 217. fig. 3b : p. 308-310.
46 Infra, p. 311-312.
47 Infra, p. 142-143.
48 Infra, p. 217, fig. 3c ; p. 348-352.
49 Le Glay 1966a, 275-280.
50 Infra, p. 374, fig. 97.
51 Khanoussi 1998, 72, no 54.
52 Ainsi, un autre exemple est fourni par le mausolée libyco-punique de Dougga même ; une crépis supporte également les édifices numide de Simmithus et du Kbor-Klib.
53 A Rome même, on ne peut guère invoquer que le temple périptère dédié à Mars ou à Neptune vers 150 a.C. (Gros 1996, 129, fig. 137).
54 Janon 1985, 58-59. Le temple a été dédié à Esculape et Salus en 161 ou 162, par deux personnages dont le légat de légion (CIL, VIII, 2579 a) ; un portique curviligne se développe de part et d'autre de la cella principale, et se termine par deux chapelles se faisant face de part et d’autres de l’escalier axial du temple central, dédiées par les mêmes personnages respectivement à Jupiter Valens (CIL, VIII, 2579 b, d) et à Siluanus Pegasianus (CIL, VIII, 2579 c, e). Sur cet édifice : Janon 1971, 218-259 ; id. 1985, 35-102.
55 Brouquier-Reddé 1992, 118-119, no 16, 122-125, no 18.
56 Hypothèse fondée sur la lecture d’un mauvais plan du sanctuaire de Baal-Saturne et Tanit-Caelestis de Thinissut. Ce plan, levé par un amateur sans tenir compte de la chronologie relative des structures, indique des chapelles accolées à l'intérieur de différents enclos juxtaposés dans un désordre actuellement illisible, interprété par l'incapacité technique et culturelle des artisans locaux à organiser un ensemble structuré (Merlin 1910 ; G. CharlesPicard 1954, 158). En mettant en évidence que l’ensemble résultait de trois phases distinctes de construction, A. Lézine a rendu sa cohérence architecturale au monument (1959, 256-258 ; Bullo & Rossignoli 1998, 249-273).
57 Cf. Lézine 1959, 256-261, généralement suivi depuis (Le Glay 1966a, 275-280 ; Romanelli 1970, 123-126 : Pensabene 1987, 281-293).
58 Où l’on a notamment retrouvé les vestiges d'un temple à trois cellae qui aurait été brûlé lors de la prise de la ville par les amorites vers 2150 a.C. (Dunand 1954, 895-900). Des marchands phéniciens installés à Délos consacrèrent également un temple à trois cellae à Poséidon en 110 ou 109 a.C. (Ch. Picard 1920, 263-311) ; les différences typologique des deux sanctuaires, et en particulier l'accentuation de la largeur des cellae, résultent certainement des inlluences égyptiennes cumulées au cours des deux millénaires qui séparent les temples de Byblos et de Délos. L’Égypte justement offre aussi de nombreux modèles architecturaux très similaires, appliqués en particulier aux tombes et aux sanctuaires (Alther-Charon 1977, 392-398, pl. 1-2, fig. 5-14). Un bon jalon géographique et chronologique se trouverait en Cyrénaïque où un temple à trois cellae fut élevé au milieu du vie siècle a.C. (id. 411-413).
59 Le sanctuaire d'El-Hofra était composé d'une cour à portiques et d'une salle où se tenait une image en terre cuite de la divinité, comme le sanctuaire de Thinissut dans son premier état qui comprenait une cella au centre d'une cour carrée. Les sanctuaires puniques de Tharros et Nora, en Sardaigne présentent un plan tout à fait semblable (Pensabene 1987, 276-280).
60 Le Glay 1966a. 277, n. 3.
61 1959, 256.
62 Lézine 1963, 102.
63 Gros 1967, 503-566.
64 Gros 1996, 198.
65 Le dorique connut peu de succès dans la Carthage punique où de rares chapiteaux ont été trouvés à Carthage même, dans le Cap Bon, à Gigthis et à Lemta. Il y fut introduit par la Sicile à partir du vie siècle, époque à laquelle il était aussi connu en Phénicie, et se diffusa en pays numide où il fut appliqué au Médracen, au monument commémoratif de Simmithus et employé à Cirta et à Mustis (Lézine, sd., 63-71). Il ne connut guère plus d'engouement à l'époque romaine ; quelques chapiteaux toscans ont été découverts dans des monuments civils datés du ier siècle p.C. au plus tard, à Utique et à Bulla Regia (Lézine 1955, 13-29 ; id. sd., 63) ; d'autres, non datés, proviennent de monuments inconnus de Carthage, Thuburbo Maius etAcholla (Romanelli 1970, 282). C'est aussi l'ordre du portique du forum de Thubursicu Numidarum élevé au iie siècle (Gsell & Joly 1914, 49). Sur les chapiteaux doriques et toscans trouvés en Tunisie, cf. Ferchiou 1989, 61-67.
66 Infra, p. 227, n. 56.
67 Janon 1985, 84-86, n. 75.
68 Id. 58-59.
69 Infra, p. 227, n. 57.
70 Brouquier-Reddé 1992,40-41.
71 Gros 1996, 130-131.
72 Le Glay 1966a, 278.
73 Floriani-Squarciapino 1963, 83-85 ; Pensabene 1987, 269.
74 Adam 1984, 191-192.
75 Id., 131. Par exemple, dans le quartier Magon à Carthage.
76 Adam 1984, 280-281. fig. 601.
77 Khanoussi 1998, 36, no 17.
78 A Tipasa, Cuicul, Mactaris, Sufetula, Ammaedara (Morizot 1996, 915).
79 Comme ceux que l'on trouve dans les régions arides du sud de la Numidie et de l’Aurès, aux environs de Kasrou, Chennaoura ou Tamagra (id., 917-922).
80 Id., 922.
81 Bejaoui 1996, 1385-1390.
82 Infra, p. 140. n. 151.
83 Le Glay 1996a. 289.
84 On note des efforts comparables dans le temple périurbain de Saturne à Thuburbo Maius, édifié sur un piton rocheux irrégulier. L'établissement d'une aire d'édification suffisamment vaste a nécessité la construction de puissants murs de soutènement qui maintiennent des remblais rapportés sous un sol dallé (Lézine 1969, 120).
85 Lantier & L. Poinssot 1941-42a, 79-81.
86 C'est une disposition que l'on constate dans d’autres cités, à Thuburbo Maius par exemple, dans le temple no 9 parfois attribué à Caelestis. Le temple italique saille légèrement à l’extérieur du péribole postérieur d'une cour rectangulaire qui se termine en demi-cercle devant le temple. Il s'élève au bord d'une place, au débouché de deux rues que l’aménagement d'une entrée axiale aurait rendue difficile d’accès et. pour cette raison, la porte de la cour est déviée de quelques mètres vers l'est par rapport à l'axe nord-sud du sanctuaire (Lézine 1969, 132).
87 Infra, p. 107-108.
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