Harmonisation des statuts juridiques, religieux et municipaux
p. 111-114
Texte intégral
1Dans tous les domaines, économique, urbain et municipal, l'apogée de l'Afrique se situe sous les règnes des Antonins et des Sévères1. Au ier siècle, la province n'avait tenu qu'une place secondaire dans l'Empire : ses vastes espaces fournissaient des lopins cultivables aux vétérans et des domaines impériaux où l'on produisait en quantité le blé qui nourrissait Rome. Avec le blé, le commerce du marbre de Chemtou2 et, dans une moindre mesure, l’envoi de fauves aux jeux de Rome, constituaient l'essentiel des exportations de la province. A partir du milieu du IIe siècle, une série de phénomènes bien connus indique un remarquable essor. Non seulement le blé africain demeura une des principales sources d’approvisionnement de la capitale, mais on trouvait alors également sur ses marchés de l'huile et de la vaisselle de bonne qualité, produites en Afrique et exportées sur tout le pourtour du bassin méditerranéen, avec un succès tel que l'huile africaine supplanta la production espagnole à la fin du IIe siècle3 et que la sigillée claire, fabriquée depuis les années 50 p.C., se répandit d'un bout à l'autre de l'Empire au siècle suivant4. La prospérité économique de l'Afrique était d'abord fondée sur son agriculture rationalisée et diversifiée par Trajan et Hadrien qui, en exploitant les terres incultes du domaine impérial par faire valoir indirect5, assurèrent du travail à une population en augmentation constante depuis le début du Ier siècle et qui, dans ces conditions favorables, continua de croître6.
2La conséquence de cette conjoncture fut à la fois l'expansion des villes pour loger des habitants de plus en plus nombreux et la multiplication des évergésies destinées à embellir leur parure monumentale, ce que permettaient les disponibilités financières de quelques grandes familles enrichies. Tout au long du IIe siècle, en particulier entre les règnes d'Antonin et de Marc Aurèle, on note la réalisation de programmes architecturaux importants dans plusieurs cités7. Contrairement à ce que l’on constate dans le reste de l’Occident, le règne de Commode n’a pas constitué une rupture en Afrique où la période sévérienne apparaît incontestablement comme l’aboutissement de l’évolution commencée sous les Antonins8. Sous cette dynastie, loin de décliner l’agriculture, l’économie et donc, l'activité édilitaire continuèrent de prospérer, au point que Tertullien s'émerveillait de voir “maintenant plus de villes qu'il n'existait jadis de maisons et partout des peuples, partout des cités, partout la vie”9. Les perspectives de s’enrichir en Afrique suscitèrent naturellement la circulation de nombreux commerçants et d'artisans véhiculant des modes étrangères et des savoirs faire techniques.
3Alors que les temples élevés au ier siècle ne sont pas localisés sur le site, ceux qui datent des périodes antonine et sévérienne ont été repérés en grand nombre : quatorze temples et chapelles sont identifiés et les vestiges d’au moins deux autres demeurent anonymes. La topographie religieuse de Thugga, telle qu'elle apparaît aujourd'hui, date essentiellement de cette époque de prospérité ; on peut la replacer précisément dans un mouvement historique général et surtout, dans son propre contexte municipal dont on cerne bien le développement aux IIe et IIIe siècles. La cité a suivi les rythmes de construction de la province et l'on y constate, comme partout, que les chantiers se sont interrompus après 235 pour ne reprendre de manière significative que sous Gallien. Ce n'est pourtant pas cette date qui, à Thugga, constitue le principal tournant du développement de la topographie religieuse, mais la création, en 205, du municipe par Septime Sévère et Caracalla.
Notes de bas de page
1 Voir en particulier Lepelley 1998, 86-98.
2 Khanoussi 1991, 825-839.
3 Certains propriétaires s’enrichirent ainsi considérablement en produisant, de manière spéculative, de grosses quantités d'huile, ce dont témoignent l'étendue des parcelles et le nombre de pressoirs (Mattingly 1988, 33-56).
4 Carandini 1969-1970, 95-119.
5 Des exemplaires de la lex Manciana découverts à Aïn-Jemala, à Aïn-Ouassel et à Souk-el-Khemis, gravés sous les règnes de Trajan qui la promulga, d'Hadrien et de Commode qui la complétèrent et la confirmèrent, rendent compte de l'activité législative des empereurs pour développer la mise en culture systématique des espaces publics et privés laissés en friche (Kehoe 1988, 28-70 ; Lepelley 1998, 88).
6 Elle aurait augmenté de 70 % pendant les deux premiers siècles de l'Empire (Lassère 1977, 565-596) et, à leur apogée, les cités de taille moyenne pouvaient compter entre 6 000 et 15 000 habitants (Duncan Jones 1974, 259-277).
7 Pour le IIe siècle, voir les listes des constructions publiques dans Jouffroy 1986, 201-237 ; sur les temples : 208-220. L’auteur a recensé 169 sites sur lesquels est attesté au moins un sanctuaire de cette époque ; 122 se concentrent dans les trois provinces de Proconsulaire, de Numidie et de Byzacène (1986, 437-438, carte 47).
8 Jouffroy 1986, 201-202. F. Hurlet a recensé trente-et-une dédicaces adressées à Commode de son vivant (2000, 232-324, n. 96).
9 De anima, 30.3 ; cf. Lepelley 1990, 403-421.
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