Crise de la République romaine ? Quelle crise ?
p. 365-378
Texte intégral
1Que la République romaine ait connu une grave crise et qu’elle ait succombé à la crise, cela semble faire partie des certitudes des historiens. Au moins à première vue. Mais à y regarder de plus près, à lire et à relire certaines ‘histoires’ de la République, à force de chercher dans l’historiographie contemporaine plus de précisions sur la nature de cette crise, le doute s'installe et la certitude fait place à des questions : est-ce qu’il y a vraiment eu une crise de la République romaine ? Et si oui, qu’entendent par ‘crise’ les historiens qui appliquent aujourd’hui ce terme à l'histoire de la fin de la République ?
2Plusieurs des textes rassemblés dans ce volume étudient les significations et l’histoire de la notion de “crise” dans l’Antiquité, suivant en cela la toute première annonce du colloque qui s’est tenu au mois d'octobre 2001, annonce qui mettait en avant les façons de dire la crise. Or, la nécessité de définir les concepts et d’en faire l’histoire s’impose de la même façon à propos des histoires rédigées aujourd’hui qu'à propos des textes que nous a laissés l’Antiquité. Dans les travaux modernes et contemporains, tout ou partie des deux derniers siècles de l’histoire de la République romaine est en général désigné par les termes de déclin, de révolution de crise, d’Untergang, ou the fall. Pourtant, la précaution élémentaire de définir ces concepts n’est pas toujours de rigueur ; cette précaution serait d’autant plus nécessaire qu’il s'agit de termes qui par leur omniprésence dans la langue de tous les jours ont l’apparence d’une clarté évidente.
3La notion de crise a une histoire ancienne, mais aussi une histoire moderne, longue et complexe. Elle commence au xviie siècle ; nous n’en donnerons ici qu’une esquisse rapide et simplifiée, avant d’étudier quelques exemples de l'utilisation du concept de crise, ou de concepts alternatifs, dans l’historiographie actuelle de la République tardive.
Éléments de l’histoire moderne du concept de crise
4Dans l'Antiquité grecque, le mot krisis avait des significations relativement claires dans les domaines juridique, théologique et médicale. Dans son grand article ‘Krise’ dans Geschichtliche Grundbegriffe. Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland1, Reinhart Koselleck a montré comment, à partir du sens médical dominant, on assiste d'abord en Angleterre et en France, puis un peu plus tard en Allemagne, à une extension métaphorique du terme à la politique, à la psychologie, à l'économie et enfin à l’histoire. La première occurrence d’une application du terme médical de crise au corps politique et à ses organes apparaît en 1627, dans le contexte de la lutte entre la couronne anglaise et le parlement : “This is the Chrysis of Parliaments ; we shall know by this if parliaments life or die”2. A partir de la moitié du xviiie siècle, le mot est utilisé pour décrire des situations de politique extérieure, des situations militaires et de guerre civile3. Le concept sert aussi bien de catégorie descriptive que de critère de diagnostic pour l’action politique ou militaire. “Les deux moments du jugement et du diagnostic ainsi que d’une recommandation thérapeutique passent du langage médical dans celui de la politique... La notion de crise rétrécit alors la marge d’action à une situation de contrainte, dans laquelle les acteurs ne peuvent opter que pour des alternatives totalement opposées”4.
5A partir également de la deuxième moitié du xviiie siècle, le mot ‘crise’prend une coloration religieuse propre à la philosophie de l’histoire. Selon Koselleck (p. 626 sq.), la sémantique du concept de crise offre alors quatre possibilités :
- Dans la suite de l’emploi médical, politique et militaire, ‘crise’ veut dire les chaînes d’événements de différents acteurs qui convergent vers un point de décision.
- ‘Crise’ peut signifier la décision historique finale, après laquelle la qualité de l’histoire se modifie fondamentalement.
- Détaché des champs sémantiques médical et théologique, le concept de crise apparaît comme une catégorie qui indique un état durable tout en intégrant la notion de processus, de situations critiques qui se reproduisent sans cesse.
- ‘Crise’ peut servir comme un concept de ‘transition’, immanent à l’histoire ; c’est le diagnostic qui définit s’il s’agit d’une transition vers le mieux ou vers le pire, et qui se prononce sur sa durée.
6C’est Rousseau qui le premier utilise ‘crise’ dans un sens moderne, c’est-à-dire comme un terme de philosophie de l’histoire et en même temps de pronostic. Derrière le renversement des rois apparaît la vision d’une transformation radicale : “Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions” écrit-il dans Émile ou de l’éducation en 17625. Et Diderot constate en 1771, après la dissolution du Parlement de Paris : “Nous touchons à une crise qui aboutira à l’esclavage ou à la liberté”6. L’alternative est donc totale, elle concerne toute la société. Sept ans plus tard, dans son Essai sur les règnes de Claude et de Néron, Diderot se sert de la métaphorique médicale pour décrire la situation apocalyptique à Rome (tout en pensant à Paris) : “C’est l’effet d’un malaise semblable à celui qui précède la crise dans la maladie : il s’élève un mouvement de fermentation secrète au dedans de la cité : la terreur réalise ce qu’elle craint”7.
7Deux figures d’argumentation se mêlent dans l’utilisation du mot : d’une part la possibilité structurelle qu’une crise se répète, d’autre part la singularité absolue de la crise qui s’annonce. Selon Reinhardt Koselleck, c’est cette ambivalence explosive du concept de ‘crise’ qui en a fait un concept historique fondamental (geschichtlicher Grundbegriff) (p. 629). “‘Crise’ devient la signature structurelle de l’époque moderne” (p. 627). Pour Claude-Henri de Saint-Simon (Du système industriel, 1824), la révolution française n’est qu’un élément d’une crise qui ébranle l’histoire universelle8, et Lorenz von Stein, dans sa Geschichte der sozialen Bewegung in Frankreich von 1789 bis auf unsere Tage (1850), considérera de la même façon la révolution de 1848 comme seulement un “Akt jener gewaltigen Krisis”, un acte de cette énorme crise qu’est la transition vers la société industrielle9.
8Le spectacle des processus révolutionnaires amène Jacob Burckhardt, en 1870, à développer une typologie des Krisenverläufe, des cours de crise ; il vise ainsi à établir une pathologie des processus critiques. Dans la théorie développée par Burckhardt, la crise est un phénomène beaucoup plus complexe que ne le sont les processus diachroniques révolutionnaires ; elle est un Entwicklungsknoten, un nœud de développement, et les véritables crises sont par conséquent très rares10. Mais Burckhardt n’était ni clair ni systématique, et il glissait facilement vers une philosophie vitaliste empreinte de mysticisme11. L’histoire du terme ‘crise’ au xixe siècle n’est pas unilinéaire. Une des lignes les plus importantes de son histoire jusqu’à aujourd’hui, est constituée par la différenciation économique du mot : crise monétaire, crise commerciale, crise de production, etc. Comparé à l’utilisation politique ou historique, le concept de crise économique était mieux délimité et avait une pertinence plus grande. Chez Marx et Engels, “Krisis” devient une catégorie économique qui désigne la durée du renversement au cours d’un mouvement cyclique de l'économie dont les courbes, qui retracent son cours, sont inintelligibles à l’expérience que fournit le passé. Chez Burckhardt et Marx, comme plus tard chez Thomas Kuhn (The Structure of Scientific Revolutions, 1962) dans le domaine scientifique, la crise a une connotation positive. Qu’elle prépare ou inclue une révolution ou non, la crise apparaît comme un processus nécessaire grâce auquel l’histoire avance12. En 1850, la perspective d’un krach économique faisait croire à Marx et Engels à un enchaînement de crise et de révolution : “Eine neue Revolution ist nur möglich im Gefolge einer neuen Krisis. Sie ist aber auch ebenso sicher wie diese”. Et Engels jubile en 1857 : “La crise me fera physiquement un aussi grand bien qu’un bain de mer13”.
9Tant que l’histoire universitaire et l'analyse socio-économique restèrent à bonne distance l’une de l’autre, les concepts de crise de Marx et de Burckhardt demeuraient plus ou moins séparés. La plupart des grands historiens du xixe siècle, Ranke, Michelet, Taine, et d’autres, composèrent en fait des histoires de crises, de crises nationales. Depuis la fin du xixe siècle, la notion de crise a ensuite été largement investie par les économistes et les historiens de l’économie14. Dans l’entre-deux-guerres, et plus encore après la deuxième guerre mondiale s’y sont ajoutées la crise de civilisation et la crise intellectuelle, et le mot a été utilisé dans tous les secteurs de la vie.
10Ce n’est pas le lieu ici de poursuivre l’évolution du concept de crise au xxe siècle. Toujours est-il que parallèlement à l’inflation du mot dans les médias, toutes les sciences humaines et sociales utilisent aujourd’hui le terme de ‘crise’ comme un concept clé ; dans l’histoire notamment pour désigner des époques ou des structures. L’utilisation inflationniste de ‘crise’ a fait douter de sa force et de son utilité, et face à cette évolution, la science politique à cherché à rendre au mot ‘crise’ sa fonction instrumentale et analytique15 ; des efforts analogues, encore que moins fréquents, ont été entrepris par des historiens. Ici, l’étude la plus développée est certainement celle de l'historien allemand Rudolf Vierhaus consacrée à la question des crises historiques, publiée en 1978 dans un volume sur les processus historiques16. Vierhaus y définit quelques conditions qui doivent être remplies pour que la notion de crise ait une réelle signification :
- Des phénomènes ou suites d’événements historiques (Vorgänge) qu’on nomme crises doivent pouvoir être délimités dans le temps.
- La société que l’on dit en crise doit être affectée substantiellement par la crise ; elle en sort transformée.
- La notion de crise doit caractériser une suite particulière d’événements (Vorgang) historiques dans sa spécificité ; par le concept de crise on doit pouvoir caractériser les causes, structures et conséquences du phénomène de façon plus précise qu’à l’aide d’autres concepts.
- Le concept de crise doit pouvoir englober des transformations et des fractures, mais également des continuités, car des crises politiques et sociales connaissent des formes d’évolution différentes.
- Le concept de crise doit comprendre des événements à différents niveaux de la vie sociale et historique ; il doit pouvoir être employé de façon interdisciplinaire.
11Des crises sont comprises comme des processus qui ont les traits suivants :
- Leurs évolutions sont déphasées et comportent des accélérations et des moments de retardement ;
- Une crise a un caractère complexe ; des évolutions critiques dans un seul secteur ou sous-système du système social ne peuvent être considérées comme une crise ; il faut qu’il y ait rencontre et interaction de phénomènes semblables dans plusieurs domaines ; ceci produit :
- Un sentiment de crise, voire une conscience de crise ; mais ce critère n’est pas suffisant :
- Une crise doit avoir un caractère objectif : l’historien doit pouvoir constater des transformations structurelles, qui ne sont pas forcément intentionnelles. De vraies crises développent une dynamique qui leur est propre ; pour cette raison les hommes les vivent comme une suite d'événements, comme un processus qu’ils ne contrôlent plus et dont l’issue est incertaine.
12Une crise est ‘ouverte’, elle peut évoluer dans différentes directions.
13Vierhaus résume son analyse en ces mots :
“On nomme crises des processus, qui sont le résultat de perturbations du fonctionnement antérieur de systèmes politiques et sociaux ; elles sont caractérisées par le fait que les capacités de pilotage spécifiques au système ne suffisent plus pour les surmonter, ou bien qu’elles ne sont plus utilisées. De telles perturbations peuvent apparaître à différents endroits et dans différents secteurs du système en question et s’étendre, avec des déphasages, à d’autres secteurs et finalement au système dans sa totalité. Une évolution critique se transforme ainsi en une crise de système17”.
14L’emploi inflationniste et indifférencié de la notion de crise n’a pas inquiété les seuls historiens allemands. En 1976, André Béjin et Edgar Morin ont édité un dossier sur La notion de crise. Y figure en traduction française un article de Randolph Starn, paru d’abord dans Past and Present, en 1971, sous le titre : “Les historiens et la crise”. A côté, un autre article avec le titre inverse “La crise et l’historien”, de E. Le Roy Ladurie. Starn retrace l’histoire du concept de crise et constate, inquiet, que les historiens sont “a profession notoriously reluctant to examine its terms” (p. 22). Pour Le Roy Ladurie, “le mot crise a un sens tellement général qu’il en devient usé ; par conséquent, assez peu utile”. L’auteur en tire la conclusion, qu’il faut limiter, en histoire, la notion de ‘crise’ “à ses acceptations économiques ou démographiques, dans le sens d'une phase de rupture, négative et momentanée, le long d’un trend ou d’une ‘tendance’”. Le Roy Ladurie se place ainsi sans hésiter dans la tradition de Simiand et de Labrousse qui avaient fait de la notion de ‘crise’ une catégorie technique de l’histoire économique18. Edgar Morin, de son côté, esquisse une définition et une typologie des crises, avant de constater que la crise est une réalité de plus en plus intuitivement évidente, un terme de plus en plus multiplement employé, un mot grossier et creux. Il conclut pourtant avec une note optimiste, espérant que la crise du concept de crise est le début de la théorie de la crise” (p. 162).
Le concept de crise dans l’historiographie actuelle de la République tardive
15Qu’en est-il de l'utilisation de la notion de crise dans des travaux récents sur les deux derniers siècles de la République romaine ? Un inventaire tendant à l’exhaustivité ne serait probablement pas d’un grand intérêt ; quelques exemples devront suffire. Le choix de ces exemples est naturellement arbitraire et subjectif19 ; il privilégie des publications récentes et cherche à illustrer la variété des emplois et également des refus d’emplois du terme de crise pour la République romaine tardive.
16Commençons par un livre qui annonce la “crise de la République romaine” dans son titre : Karl Christ, Krise und Untergang der römischen Republik (1979). Dans la première phrase de sa préface, l’auteur souligne l’intérêt général porté aux époques de transitions et aux temps de crise (Krisenzeiten), évoquant à ce propos le nom de Jacob Burckhardt qui, pourtant, ne considérait pas la fin de la République comme une véritable crise. Si l’objet annoncé de ce livre de plus de 500 pages est d’étudier "les causes de la crise et de la disparition (Untergang) de la République romaine” (p. 15), il devient vite évident que le mot crise n a ici d’autre fonction que d’éviter celui de révolution. Karl Christ discute le terme ‘révolution’ et le rejette (p. 7 sq.) ; le mot ‘crise’ qui le remplace n’est nulle part défini ; pour l'auteur, son utilisation ne pose aucun problème. Il en est de même dans le volume de la Cambridge Ancient History consacré à The Last Age of the Roman Republic20. Le mot ‘crise’ apparaît dans le titre de la première partie (“The crisis of the Republic : sources and problems) et dans l'index, mais nulle part le caractère problématique du terme n’est évoqué ; ici, il est tout simplement synonyme de “the fall”21.
17Pourtant, pour d’autres historiens, et non des moindres, il y problème : Claude Nicolet ne connaît pas de crise de la République romaine au sens où l’emploient Karl Christ ou les auteurs de la CAH, comme bien d’autres. Dans Rome et la conquête du monde méditerranéen (t. 1. Les structures de l'Italie moderne, 1977), l’auteur limite l’emploi de ce terme strictement à l'économie. La crise de la deuxième guerre punique est une “crise financière, et le développement des finances romaines est analysé à travers “croissances et crises”. En 1967, Nicolet avait été moins strict quand il publia son petit livre sur Les Gracques. Crise agraire et révolution à Rome. Dix ans plus tard, il hésite même à utiliser le terme de ‘crise agraire'. “Nous parlerons, dit-il, de ‘question agraire’ plutôt que de crise agraire : une crise ne dure pas plusieurs siècles”22. La limitation aux crises financières et économiques rappelle la position de Le Roy Ladurie, évoquée plus haut ; mais celui-ci proposait tout de même une typologie de crises pluriséculaires, séculaires et intra-séculaires. Ni dans Rome et la conquête, ni dans Genèse d'un empire, Claude Nicolet ne recourt à la notion de crise pour caractériser le processus qui a mené vers la fin de la République. Par contre, dans son livre de 1967, il avait parlé d'une “crise italienne” que l’on devait situer “dans le cadre d'une crise beaucoup plus générale qui modifie profondément les équilibres méditerranéens. Elle provient avant tout des événements militaires, avec toutes leurs conséquences économiques et sociales...”, (p. 85)23. Dans la suite de ce texte nous rencontrons la crise démographique, militaire, civique, monétaire, agraire, urbaine, et la crise de subsistance. Ce sont, pour ainsi dire, des emplois techniques du mot ; mais Nicolet évite soigneusement ce terme quand il veut décrire un processus complexe résultant de l’enchevêtrement synchrone ou déphasé de ces différentes lignes d’événements. A la place, il adopte, dans Le métier de citoyen (1976), les notions de ‘système et de désagrégation de système’, empruntées directement à la science politique moderne24. Le système se détraque, c’est la tendance générale. Mais cette tendance, cette désagrégation n’est pas conceptualisée comme une crise ; certes, Claude Nicolet constate que le système traverse des crises. Mais : “La cohésion du système sort grandie des crises successives” (p. 527).
18L’utilisation restrictive de la notion de crise n'est pas caractéristique pour l'ensemble de l’historiographie française de ces dernières décennies. Dans une toute récente “Histoire romaine”, François Hinard et Jean-Michel Roddaz jouent sur un autre registre : des Gracques jusqu’à Auguste, la République est secouée par “la grande crise”25. Pour mieux faire comprendre au lecteur la nature de cette grande crise, les auteurs recourent à des métaphores mécaniques. Ainsi, par exemple, “les mécanismes essentiels [de la cité] avaient été faussés” (p. 529), ou : “les institutions grinçaient” (p. 725). L’utilisation de métaphores médicales, renouant ainsi avec la tradition la plus ancienne, est encore plus fréquente dans ce volume. Dans l'Avant-Propos, le lecteur est mis en garde qu’il va assister au “spectacle de dégénérescence, jusqu'à la mort, d’un régime ‘républicain’ dont tous savaient bien, alors, que comme tout corps vivant il finirait par vieillir et se dénaturer” (p. 7). Le chapitre qui traite de la période entre la mort de Sylla et les guerres civiles est intitulé “L’agonie” ; et le passage vers le principal est évoqué en ces mots : “... une cité qui devait accoucher, dans le sang, d’un régime autoritaire” (p. 530). A un autre endroit, la République meurt sur le champ de bataille de Philippes (p. 852) ; ailleurs encore, on insiste sur “cette marche inexorable de l’État républicain vers sa décomposition” (p. 920).
19Ce type de rhétorique s’apparente mieux à des narrations historiques qu’à des analyses structurales comme celle de Claude Nicolet dans Le métier de citoyen. Les métaphores du corps et de la maladie, comme celles de la machine, font partie de la tradition historiographique26, et elles sont suffisamment variées pour pouvoir exprimer des visions différentes du processus historique. Mais là où F. Hinard et J.-M. Roddaz traduisent leur perception de la “grande crise” par les termes d’agonie, voire de décomposition, d'autres historiens-médecins légistes constatent, au contraire, une mort par assassinat et affirment que la victime était en bonne santé27. Selon cette vision, la République n’avait pas échoué ; aucune maladie ne l’a emportée28. La seule question ouverte serait celle de savoir si elle a succombé à un meurtrier isolé, “l’homme politique César avec son énergie essentiellement destructive”29, ou à une attaque menée en commun par une association de malfaiteurs, par ces hommes que l’on compte d’habitude parmi les soi-disant “Grands” de l’histoire, “die kollossalen Individualitäten”30.Les historiens qui défendent la thèse de l'assassinat, rejettent naturellement la notion de crise et n'admettent pas l’idée que la République ait souffert de ‘maladies’ graves, de problèmes structurels auxquels renvoient les métaphores médicales précitées.
20Concernant ces dernières figures d'argumentation, Randolph Starn avait formulé la précaution suivante : “The point is that analogies and metaphors are only as good as their capacity to describe what cannot be described and explained better in other ways. In any way, they will not do the historian’s work for him”.31 Il faudrait donc voir dans le détail de quelle façon, dans des histoires de la fin de la République romaine, des métaphores médicales, biologiques ou mécaniques résument ou illustrent une argumentation de type narratif, et quelle est la force explicative ou analytique de ces expressions. Car contrairement à des analogies organiques, comme celles empruntées au cycle naissance-maturité-mort, le modèle moderne de crise à l’avantage d’être ouvert et dynamique et de laisser une place à l’imprévisible.
21Si l'État n’est pas malade, ni en crise, il n’y a pas lieu d’utiliser la notion de crise ; tout au moins certains historiens circonscrivent l’utilisation du mot de la façon suivante : “le facteur de crise le plus décisif était l'homme politique César avec son énergie essentiellement destructive. Et la raison du ‘Untergang’ de la République était « die zufällige Tatsache, daβ es Ende 50 einen Proconsul Caesar gab... ” (“le fait contingent, qu’à la fin des années 50 existait un proconsul César”)32. Voilà une belle illustration du constat fait par Randolph Starn que l'attention portée aux crises a renforcé la dimension analytique de l’historiographie contemporaine33.
22Tournons-nous donc plutôt vers des auteurs qui tentent d’explorer la capacité d'analyse du concept de crise. Le livre de Jean-Michel David, La République romaine de la deuxième guerre punique à la bataille d’Actium, paru en 2000, porte le sous-titre : Crise d'une aristocratie, ce qui fait penser au grand livre de Lawrence Stone, The crisis of aristocracy (1558-1641) (1965). Ici, la crise est comprise comme la rupture de l'unité civique. Les tribunats de la plèbe de Tiberius et de Gaius Gracchus marquèrent ainsi le début de la véritable crise de la République” (p. 140) ; elle se manifeste par le fait que la vie politique romaine se trouve complètement déséquilibrée par la concentration de forces au sein des factions, par la guerre civile aussi... (p. 148), et elle atteint son point ultime à la fin des années 50 (p. 210). La crise des institutions est une crise des pratiques sociales et des représentations, une crise interne des valeurs et des comportements (p. 212). Aucune métaphore médicale n’est invoquée pour décrire ce que l'auteur nomme un processus, plus exactement le processus qui était né de la conquête de l’empire pour s’achever à la victoire d’Actium, et qui ne pouvait s'achever que par la mise en place d'une nouvelle hiérarchie (p. 263 sq.).
23Pour la crise du xviie siècle, analysée par Lawrence Stone, il semble acquis que la crise consistait en une multitude d’événements et de processus individuels dont aucun, pris isolément, ne constituait à lui seul “la” crise ; seule leur rencontre et leur interaction sous certaines conditions sociales et politiques font apparaître le processus historique comme un processus de crise34. Si l’on compare cette vision à celle de la crise romaine telle qu’elle est résumée par Jochen Bleicken :
“La crise de la République était une crise de la société aristocratique qui elle-même, en dernière conséquence, doit être ramenée à la dissonance entre la domination universelle et les capacités d’un régime de cité aristocratique. Il s’agissait donc d'une crise politique et structurelle qui était, en tant que telle, identique à la dissolution du consensus fondamental au sein de la couche dominante”,
24on peut dire, en effet, qu’un certain consensus s’est établi autour d'une telle interprétation35. Mais celle-ci néglige ou sous-estime peut-être certaines lignes d’évolution et évite de s’aventurer dans une analyse détaillée du processus de crise.
25Une telle analyse était l’ambition d’un livre publié quelques années avant la mise en question de la notion de crise par des historiens, sociologues et politologues : Christian Meier, Res publica amissa. Eine Studie zu Verfassung und Geschichte der römischen Republik (1966, nouvelle éd. 1980). Dans ce livre, la crise est au centre ; elle ne ressemble que partiellement à celle que nous avons rencontrée dans les exemples cités auparavant. Rappelons d’abord la démarche de l’auteur : dans la première partie du livre, presque les deux tiers du volume, l'auteur présente une analyse structurelle des “Grundbedingungen der Verfassungswirklichkeit der späten res publica”. Cette analyse de la “grammaire politique, du fonctionnement politique dans les conditions d'une cité aristocratique qui domine et exploite un empire, débouche sur la thèse suivante : la crise de la République était une crise de type particulier, il s’agissait d’une “crise sans alternative”. La deuxième partie du livre est une narration du cours de cette crise depuis le moment où la maladie de la cité – ici aussi les métaphores médicales sont omniprésentes – devient virulente (Ausbruch der akuten Krise) à partir du tribunat de M. Livius Drusus en 91 ; jusque là, le Sénat avait pu tenir sous contrôle la maladie ulcéreuse (schwarende Krankheit, p. 209) de l’État qui s’était déclarée la première fois avec les Gracques ; la narration s’arrête au moment où la crise atteint son point critique (Zuspitzung der Krise) dans les années autour de 60, mais en tait l'étude s’étend jusqu’au milieu des années 50.
26Le sujet du livre est, comme le précise l’auteur dans l’importante introduction à la nouvelle édition en 1980, “la structure de la République et la structure du processus de crise” (p. X) ; au centre de l’intérêt de Christian Meier se trouvent le politique et la crise du politique (p. X). Les grandes lignes de son analyse de ‘grammaire politique’ romaine sont connues ; nous n'en pouvons rappeler ici que quelques éléments qui ont trait plus particulièrement à la notion de crise :
- La crise apparaît comme une maladie de l’État, du corps politique ; elle se manifeste par le fait que la société n’est plus maître des choses, qu’il y une übermässige Extensivierung, une ‘extensification’ démesurée (comme opposée au terme d’intensification) : la société n'était plus maître des choses (p. 203) ; grâce à l’expansion et à l’empire, aucun conflit ni aucune difficulté majeure ne faisait craquer ou éclater les liens et l’enveloppe grâce auxquels l’État tenait ensemble36 ;
- La crise ne suit pas le parcours “normal” d’une grave crise (p. 204, le modèle d’un parcours normal d’une crise étant celui d’un enchaînement de protestations ou soulèvements des victimes, de révolutions, réformes, et re-fondations de l’ordre établi (p. 204) ;
- Le parcours “anormal” de la crise romaine oblige l’historien à élaborer un concept pour nommer ce type particulier de crise. Pour Christian Meier, c’est l’absence d’une alternative qui constitue le caractère singulier de cette crise. D’où le nouveau concept de “crise sans alternative”.
27Cette tentative de conceptualiser le processus historique particulier des années 90 à 50 ne s’est pas vraiment imposé au sein de la corporation des antiquisants ; elle a provoqué plus souvent des réactions spontanées de rejets que des débats sérieux. Meier a par la suite développé sa vision de la crise de la République dans une série d’autres textes. Il y a eu relativement peu de débats sur son interprétation de la crise de la République romaine37 ; mais au cours de ces dernières années elle est redevenue objet de critiques souvent plus polémiques que fondées.
28Dans la notion de crise sans alternative telle que Meier la présente dans son livre de 1966, se mélangeaient dès le début deux idées différentes :
- l’idée que le système politique romain aurait pu être guéri de sa maladie par l'engagement politique d'une couche sociale plus large que l’aristocratie, c’est-à-dire par les chevaliers, considérés à l’époque encore comme une sorte de bourgeoisie. L’auteur hésite d'ailleurs entre l’idée d’une couche nouvelle qui prendrait les affaires en main, et l’idée d'un grand homme comme Pompée qui se serait appuyé sur une couche fortement intéressée par une meilleure gestion de l’empire (Herrschaftsbereich) et par le maintien de l’ordre extérieur. Cette couche, en élargissant la base de l’État, aurait ainsi constitué une alternative (p. 295) ;
- le deuxième sens donné à la crise sans alternative est l’idée selon laquelle la classe politique était dans l’impossibilité de concevoir un système alternatif ou au moins de véritables réformes : la société romaine était incapable de taire de sa propre organisation un objet de débat et d'action politique, de concevoir une alternative autre que celle de retourner aux préceptes légitimés par la tradition, qui ne faisaient qu’aggraver la crise38.
29L’interprétation de la crise romaine comme une crise sans alternative doit être vue également en gardant à l’esprit les débats dans l’historiographie de l’Allemagne de l’après-guerre sur le rôle malheureux et néfaste de la bourgeoisie dans l’histoire allemande, bourgeoisie dépolitisée et incapable d’accomplir une révolution, voire réfractaire à prendre des responsabilités politiques conformes à son importance économique et sociale39. Sont sous-jacents également l’idée que de grandes transformations sont au fond toujours le résultat de mouvements de réformes administratives ou constitutionnelles ou de révoltes contre l’ordre établi, et le sentiment que citoyens et hommes politiques, quand il s'agit de la res publica, agissent selon des points de vue publics et non privés.
30Dans la première édition de Res publica amissa, en 1966, Christian Meier ne recourait pas à une théorie générale des crises historiques ; les métaphores médicales y avaient une place importante et on n’y trouve aucune discussion systématique de la notion de crise. C’est l’analyse des sources qui poussait l’auteur à chercher un concept nouveau qui puisse rendre compte de la particularité du processus historique qu’il observait. Il y avait aussi le souci d’éviter toute attente que le concept moderne de révolution aurait pu faire naître dans l’étude de la transition d’une structure politique à une autre40. Le début de débats approfondis sur les crises historiques (en histoire moderne et contemporaine !) est postérieur à la parution de Res publica amissa, et en Allemagne, ce livre n’en est pas un résultat, mais a contribué à les alimenter. Dans de nombreux textes ultérieurs Christian Meier a développé, non pas une théorie de la crise, mais une théorie de processus historiques dont la crise, ou la crise sans alternative, constitue un élément. C’était en quelque sorte la rationalisation a posteriori d’une démarche qui, à l’origine, était de nature inductive. L'ambivalence du concept de crise sans alternative et le large refus des antiquisants d’accepter cette idée (voire d’engager seulement un débat sur ces questions !), a amené Meier à modifier ou affiner partiellement son analyse : il l’a fait en renforçant l’idée d’un processus autonome ce qui n’a pas manqué de produire de nouveaux malentendus : certains ont cru pouvoir y déceler une position déterministe. Dans l’introduction à la nouvelle édition de Res publica amissa, en 1980, les crises sont définies comme des processus qui mettent en danger un système (p. XLIV), la question de l’alternative comme celle d’une reconfiguration du pouvoir politique (Lagerung und Neugruppierung der politischen Macht in Hinsicht auf die Krise). Le potentiel analytique du concept de crise sans alternative se révèle, selon l’auteur, seulement dans la question des causes de la transformation et de celle du rapport entre politique et processus (p. XLVIII). Il est par conséquent essentiel que l'historien prenne en compte la manière dont des processus de transformation peuvent être la résultante d'un cumul d'effets non-intentionnés provoqués par une multitude d’actions individuelles (p. XLVII).
31Répondant à l’insistance de certains de ses critiques qui affirmaient qu’une crise n'est pas concevable sans alternative, et qu’il y en avait bien eu une à Rome, Christian Meier a introduit dans son modèle l’alternative qui a finalement été réalisée par Auguste41. A mon sens, cela affaiblit le concept de la crise sans alternative, concept qui avait été développé pour saisir la particularité du processus historique entre les Gracques (et plus encore depuis les années 90) et le milieu des années 50. Il était clair que cette crise sans alternative ne constituait qu'une phase particulière et délimitée d'une crise plus longue, d'une crise qui se soldera finalement par l'établissement du principat. La transformation de la crise dans les guerres civiles, qui ouvrait la perspective d’une alternative, n’était pas l’objet du livre.
32Au terme de ce rapide survol, face à des utilisations si différentes de la notion de crise42, face également à l’apparente difficulté d’articuler ces conceptions divergentes avec une réflexion sur les particularités du ou des processus historiques que nous englobons sous l’expression “la fin de la République romaine” certains pourraient être tentés de se contenter du scepticisme prudent et, en apparence, pragmatique d’un Peter Brunt :
“...we must not forget that whatever general institutional causes may be found for the fall of the Republic, it was the outcome of hard fighting, in which the issue, not predictable to contemporaries, derived from the skill and valour of the combatants43”.
33Certains autres suivront peut-être Ronald Syme et considéreront que des faits sont des faits et qu’un concept n’est qu’un nom pour des faits :
“...Révolution. Ce terme, soit dit en passant, a subi l’opprobre de certains chercheurs qui appliquent les règles dictées par l’histoire ou l’idéologie modernes44. Pourtant il est évident qu’un violent transfert des pouvoirs et des droits de propriété s’était produit, avec pour conséquence l’arrivée d’un nouveau type de gouvernement. Tels sont les faits. Il ne subsiste aucune raison valide de récuser le nom45”.
34On peut être en désaccord sur la nature de la crise de la République romaine ; on peut même défendre l’argument que le terme de crise n’est peut-être pas le plus pertinent pour caractériser le processus historique qui s’est déroulé au dernier siècle de la République. Mais saluer le retour à une perception sobre et pragmatique des faits” comme le fruit d’une réorientation fondamentale et heureuse de la recherche en histoire ancienne qui abandonnerait enfin une position “marquée par des idées philosophiques et théoriques préconçues”46, c’est vouloir s’affranchir à peu de frais d’une pratique de l’histoire qui s’enrichit grâce au dialogue avec l’histoire moderne et d’autres sciences sociales. Un historien travaillant sur la fin de la République romaine n’a nul besoin de se transformer en théoricien des crises. Mais pourra-t-il vraiment analyser et comprendre la crise romaine sans la comparer, implicitement ou explicitement, à d’autres crises, sans s’interroger sur le contenu du concept de crise et sans relier celui-ci aux concepts de système, de processus autonome, et d’autres encore ? Il y a un siècle déjà que Max Weber a rappelé la place absolument centrale du travail sur les concepts en histoire et dans toutes les sciences sociales. L’histoire de ces sciences est et restera, comme il écrivait en 1904, “une continuelle alternance entre la tentative d’ordonner, dans la pensée, des faits par la construction de concepts, la dissolution des tableaux de pensée ainsi obtenus grâce à l’élargissement et à un déplacement de l’horizon de la science, et la re-formation de concepts sur la base ainsi modifiée”47. En ce sens, le débat sur la crise de la République romaine n’est pas clos.
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Notes de bas de page
1 Koselleck 1982, 617-650.
2 B. Rudyerd, cité par Koselleck 1982, 620.
3 Koselleck 1982, 625: “‘Krise’ kennzeichnete auβenpolitische oder militärische Situationen, die auf einen Entscheidungspunkt zutreiben, zielte auf grundsätzlichen Verfassungswandel, wobei Überdauern oder Untergang einer politischen Handlungseinheit und ihres Verfassungssystems die Alternative bildete, aber auch ein bloβer Regierungswechsel konnte so bezeichnet werden”.
4 Koselleck 1982, 625 sq.
5 Cf. Rousseau, Contrat social, 2.10 et 4.6 (1762), Œuvres compl., t. 3, 390 et 458, Koselleck 1982, 628.
6 Lettre du 3 avril 1771 (Œuvres compl., éd. Jean Assézat et Maurice Tourneux, t. 20) citée par Koselleck 1982, 629.
7 Koselleck 1982, 629; Diderot 1778/1986, 197.
8 Koselleck 1982,631.
9 Cité par Koselleck 1982, 638.
10 Koselleck 1982, 639 sq.; Burckhardt 1976, 127 sq.: “In Rom ist bei allen sogenannten Revolutionen doch die eigentliche, groβe, gründliche Krisis, d.h. der Durchgang der Geschichte durch Massenherrschaft, immer vermieden worden Anders als in Athen... ging der Staat hier immer von Mächtigen an Mächtige über”; p. 128: “Die echten Krisen sind überhaupt selten”; p. 176: “Um aber auf Rom zurückzukommen, so ist dann hier erst die Völkerwanderung die wahre Krisis gewesen. Sie hat im höchsten Grade den Charakter einer solchen: Verschmelzung einer neuen materiellen Kraft mit einer alten, welche aber in einer geistigen Metamorphose, aus einem Staat zu einer Kirche geworden. weiterlebt”.
11 Burckhardt 1976, 278: “In den Krisen kulminiert in den groβen Individuen zusammen das Bestehende und das Neue (die Revolution). Ihr Wesen bleibt ein wahres Mysterium der Weltgeschichte ...”. Cf. Starn 1971, 8 sq.
12 Vierhaus 1978,319.
13 Lettre à Marx du 15 novembre 1857, citée par Koselleck 1982, 645.
14 Cf. par exemple les nombreuses pages consacrées aux différents types de crises économiques par Gustav Schmoller dans son Grundriβ der allgemeinen Volkswirtschaftslehre (1900-1904) : 2ème partie, 530-561 : “Die Schwankungen und Krisen der Volkswirtschaft”.
15 Cf. Jänicke 1973 et Dobry 1986.
16 Vierhaus 1978, 320 sq.
17 Vierhaus 1978, 328 sq.: “Krisen sind Prozesse, die durch Störungen des vorherigen Funktionierens politisch-sozialer System entstehen und dadurch gekennzeichnet sind, dass die systemspezifischen Steuerungskapazitäten nicht mehr ausreichen, sie zu überwinden, bzw. nicht mehr zur Anwendung gebracht werden. Solche Störungen können an verschiedenen Stellen und in unterschiedlichsten Bereichen des jeweiligen Systems auftreten und sich mit zeitlichen Verzögerungen auf andere Bereiche, schlieβlich das ganze System auswirken. Damit wird ein krisenhafter Vorgang zur Systemkrise”.
18 Le Roy Ladurie 1976, 19 ; cf. Starn 1971, 10 ; cf. également le livre de Wilhelm Abel sur les crises de famine (1972). Le Dictionnaire des sciences historiques (Burguière 1976) ne contient pas d’entrée ‘crise.’
19 Pour des raisons de pure commodité, nous citerons principalement des auteurs français, allemands et anglais, même si l’étude pourrait facilement être étendue à d’autres traditions historiographiques nationales
20 Crook et al. 1994.
21 Cf. aussi le chapitre final : “Epilogue : The Fall of the Roman Republic” p. 769-776
22 Nicolet 1977, 11.
23 Nicolet 1967, 100. L’auteur précise : “crise démographique, militaire et civique” ; dans les pages suivantes : crise monétaire, crise agraire, crise urbaine (= “crise de subsistance”).
24 Nicolet 1976, 509, 519, 521,527.
25 Hinard 2000. C’est le titre du chapitre XIV.
26 Pour la conception de l’État comme machine, cf. Stollbert-Rilinger 1986.
27 Pour Crook et al 1994,769, la question “Did it decline or was it assassinated ?” est, certes, une question simpliste, mais ils la considèrent comme un bon point de départ.
28 Welwei 1996,497.
29 Girardet 1996, 247-251 : le facteur de crise le plus décisif était l’homme politique César avec son énergie essentiellement destructive. Et la raison du ‘Untergang’ de la république était “die zufällige Tatsache daβ es Ende 50 einen Proconsul Caesar gab.
30 Welwei 1996, 497.
31 Starn 1971, 20.
32 Girardet 1996.
33 Starn 1971, 16.
34 Cf. Vierhaus 1978, 326.
35 Bleicken 1982, 192 ; l’auteur précise bien sûr qu’il s’agit là du consensus en dehors de l’historiographie marxiste.
36 Meier 1966/1980, 152 : “Überdehnung der moralischen und institutionnellen Gurte staatlicher Einheit und Ordnung”, cf. l’idée de l’État comme ‘peau’ dans Ortega y Gasset 1942.
37 Dans l’introduction à la nouvelle édition de 1980, Meier répond aux principales réactions (de J. Bleicken, P. A. Brunt et d’autres).
38 Meier 1990, 55 sq.
39 Thème déjà développé par Max Weber dans sa leçon inaugurale en 1895 : Weber 1990.
40 Cf. Rilinger 1982, 288.
41 Meier 1990, 54-70.
42 On pourrait ajouter bien d’autres exemples à ceux cités, par exemple la “crise de légitimité de la République romaine” : Ungern-Sternberg 1988.
43 Brunt 1988, 85.
44 Syme 1988, 71 fait ici allusion, dans une note, aux divers collaborateurs de La Revoluzione Romana Biblioteca di Labeo 1982.
45 Syme 1988, 71.
46 Girardet 1996, 218.
47 “Die Geschichte der Wissenschaften vom sozialen Leben ist und bleibt daher ein steter Wechsel zwischen dem Versuch, durch Begriffsbildung Tatsachen gedanklich zu ordnen, – der Auflösung der so gewonnenen Gedankenbilder durch Erweiterung und Verschiebung des wissenschaftlichen Horizonts, – und der Neubildung von Begriffen auf der so veränderten Grundlage.” Max Weber, “Die ‘Objektivität’ sozialwissenschaftlicher und sozialpolitischer Erkenntnis” (1904), in : Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre, Tübingen 1988, 207. Traduction française : Weber 1992, 192 (traduction modifiée par H.B.).
Auteur
ORCID : 0000-0001-9473-1135
CNRS, Paris (Centre de recherches historiques, EHESS/CNRS).
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