La cité malade chez les orateurs grecs de l'époque classique
p. 237-251
Texte intégral
1L'influence du modèle médical sur la réflexion politique en Grèce à l'époque classique n'est plus à démontrer. Si un philosophe comme Platon fait de la médecine une métaphore privilégiée pour analyser l'art du politique, on a pu montrer que Thucydide, lui aussi, avait déjà été sensible aux analogies entre les deux domaines et s'en était notamment servi pour penser sa problématique du changement1. Les orateurs ne font pas exception : eux aussi puisent dans le modèle médical des images ou des expressions qui, pour certaines, finissent même par être des topoi2. Il est un domaine toutefois où ce rapprochement entre médecine et politique s'avère particulièrement fécond et bénéficie surtout d'un travail plus original de la part des orateurs : il s'agit de tous les phénomènes de discordes civiles, de tensions internes, ou plus généralement de toute forme de crise du pouvoir. Bien souvent, en effet, ces dissensions sont assimilées à une maladie qui ruine la cité et épuise ses forces. Car même si Athènes est au ive siècle épargnée par les guerres civiles, elle reste en effet marquée par le souvenir des expériences douloureuses de 411 et de 404. Par ailleurs, elle a sous les yeux le spectacle des multiples crises politiques qui agitent les autres cités grecques et peut en mesurer les conséquences désastreuses3. Au constat lucide se mêle donc l'angoisse diffuse de voir ces bouleversements atteindre de nouveau la cité attique.
2Le projet de cet article n'est pas de reprendre dans une perspective générale l'analyse politique, sociale ou économique de la crise de la cité au ive siècle, mais de privilégier la métaphore médicale et, en la suivant à travers le discours des orateurs, de montrer qu'elle est pour eux un moyen privilégié de penser la crise politique. Elle nourrit d'une part leur analyse du phénomène, qu'il s'agisse de dénoncer les causes de ce mal, d'en analyser les manifestations principales ou de proposer des remèdes pour l'éradiquer. Mais elle intervient également dans des passages plus polémiques où la crise sert d'argument rhétorique pour restaurer autour de l'orateur l'unité de la cité. L’adversaire est alors dénoncé comme un mal qui ronge la cité et menace sa cohésion. Cette division fantasmée par l'orateur, redoutée de son public, permet au premier de se présenter comme le plus sûr gardien des lois et de rassembler derrière lui les forces de la cité.
3Le rapprochement entre discorde civile et maladie ne doit pas surprendre chez des orateurs pour qui “la concorde est le plus grand bien pour une cité, la discorde, au contraire, la cause de tous les maux”4. Ils ne font d’ailleurs que reprendre une comparaison déjà exploitée par leurs prédécesseurs. On trouve en effet chez les historiens ou les tragiques du ve siècle l'association entre les termes de νόσος et de στάσις5, dont usent des orateurs comme Démosthène ou Isocrate pour dépeindre les dissensions qui déchirent les cités grecques : “Les guerres civiles, les meurtres et les changements de régime” (τὰς στάσεις καὶ τὰς σφαγὰς καὶ τὰς τῶν πολιτειῶν μεταβολάς), d'après Isocrate, sont autant de malheurs et de maladies (νοσημάτων) dont Sparte a rempli les autres états6. Pour dépeindre l'état des habitants d'Oréos, Démosthène, quant à lui, explique "qu'ils souffrent de discordes civiles” (νοσοῦσι καὶ στασιάζουσι)7. Le terme νόσος peut également être associé à un mot de la famille de ταραχή. Il peut encore à lui seul désigner les bouleversements et les dissensions qui agitent les cités8.
4A côté de ces emplois figés d'une métaphore qui apparaît déjà comme un topos privé de sa force initiale, on trouve cependant des rapprochements plus travaillés et moins attendus. Le modèle médical permet ainsi de mettre en relief les circonstances propices au surgissement d'une crise. Comme l'indique Démosthène dans la 2e Olynthienne, il en va d'un régime comme d'un corps humain : le moindre échec suffit à révéler les faiblesses jusque-là ignorées d'un État. La comparaison intervient dans un passage au cours duquel l'orateur tente de convaincre les Athéniens de lancer une offensive contre Philippe de Macédoine : son pouvoir est plus fragile qu’il n'y paraît, car de nombreux sujets sont hostiles au souverain. La description de cette puissance “en elle-même faible, pleine de maux”9, entraîne une réflexion plus générale sur la stabilité des régimes :
Ὥσπερ γὰρ ἐν σώμασιν, τέως ἂν ἐρρωμένως ᾖ τις, οὐδὲν ἐπαισθάνεται, ἐπὰν δ᾿ ἀρρώστημά τι συμβῇ, πάντα κινεῖται, κἂν ῥῆγμα κἂν στρέμμα κἂν ἄλλο τι τῶν ὑπαρχόντων σαθρόν, οὕτω καὶ τῶν πόλεων καὶ τῶν τυράννων, ἕως μὲν ἂν ἕξω πολεμῶσιν, ἀφανῆ τὰ κακὰ τοῖς πολλοῖς ἐστιν, ἐπειδὰν δ᾿ ὅμορος πόλεμος συμπλακῇ, πάντ᾿ ἐποίησεν ἔκδηλα.
“Dans un corps humain, tant qu’on est en bonne santé, on n’éprouve aucune douleur ; mais quand une maladie survient, tout se réveille, que ce soit une rupture des tissus, une entorse, ou toute autre lésion des éléments qui le constituent. Il en va de même pour les cités et les tyrans : tant qu’ils combattent à l’extérieur, leurs maux sont invisibles au plus grand nombre ; mais quand une guerre éclate aux frontières, tout se révèle.”10
5Les dissensions internes d’un État sont ici comparées à une lésion des chairs (ῥῆγμα) ou des articulations (στρέμμα). La précision de la terminologie employée semble bien ici suggérer une réelle connaissance, sinon des textes médicaux, du moins des théories traitant de la question. Et la définition que le traité hippocratique Des vents donne des ruptures vient confirmer cette impression :
Τὰ δὲ ῥήγματα πάντα γίνεται διὰ τόδε ὅταν ὑπὸ βίης διαστέωσιν αἱ σάρκες ἀπ’ ἀλλήλων, ἐς δὲ τὴν διάστασιν ὑποδράμῃ πνεῦμα, τοῦτο τὸν πόνον παρέχει.
“Les ruptures sont toutes dues à la cause suivante : quand les chairs, sous l’effet de la violence se déchirent en s'écartant, et qu'à l'intérieur de la déchirure s'insinue précipitamment du souffle, cela provoque de la souffrance.”11
6On voit mieux par-là combien l'image introduite par Démosthène correspond bien au phénomène décrit (cette image réapparaît d'ailleurs, avec de légères modifications mais toujours pour dénoncer les faiblesses d’un régime, dans deux autres discours du corpus démosthénien12) : la discorde civile, comme une déchirure des tissus, met fin à l'unité d'un état premier ; par ailleurs, elle ne correspond pas à une dégradation naturelle, mais résulte d'une violence imposée à une situation originelle. Le texte hippocratique ajoute en outre l'idée que cette lésion provoque une souffrance (πόνον), ce que confirme le traité des Maladies I, qui assimile les ruptures à des “douleurs de longue durée”13. Cette analyse correspond bien au jugement que les orateurs, nous l'avons vu, portent sur la stasis. Enfin, en distinguant entre rupture des tissus, entorse, ou autre lésion, l'orateur semble vouloir évoquer les différentes formes plus ou moins graves que peut adopter la crise du pouvoir dans une cité : cela peut aller de la simple présence d'opposants, cherchant à miner la situation de l’intérieur (ἄλλο τι... σαθρὸν) à la véritable rupture que constitue une guerre civile (ῥῆγμα), en passant par des divergences d'opinion, des tensions plus ou moins fortes entre des différents groupes (στρέμμα).
7Le modèle médical permet donc à Démosthène d'approfondir son analyse de la crise, mais aussi de souligner que le moindre prétexte peut suffire à réveiller et à exacerber des tensions plus ou moins vives qui existaient déjà, à l’état latent, à l'intérieur de la communauté14.
8On comprend dans ces conditions que certains redoutent la guerre, et la présentent comme la ruine de la démocratie. Eschine dénonce ainsi, dans son discours Sur l'Ambassade, 177, ceux qui “détruisent la paix (καταλύοντες τὴν εἰρήνην), grâce à laquelle est assuré le salut de la démocratie, et qui poussent aux guerres, par lesquelles la démocratie est détruite” (ὁ δῆμος καταλύεται). Le même verbe καταλύω encadre le passage, passant de l'actif au passif, pour mieux insister sur le lien inéluctable entre les deux situations. Cette démocratie athénienne, qui après la tourmente de 404 “avait retrouvé force et vigueur” (ἀναφὑντος τοῦ δήμου καὶ πάλιν ἐξ ἀρχῆς ἰσχύσαντος), voit croître en elle des éléments malsains qui menace sa santé (τὸ νοσοῦν τῆς πόλεως).
9A l'inverse, on voit tout l'intérêt que peut offrir une telle interaction entre politique intérieure et extérieure15. Certains profitent des dissensions qui affaiblissent une cité pour lui déclarer la guerre et s'emparer de cette proie facile : à en croire Démosthène, c'est une méthode qu'adopte Philippe de Macédoine : “Quand il voit un peuple qui souffre d'un mal intérieur (νοσοῦντας ἐν αὑτοῖς)... dressant ses machines, il investit la cité”.16 D'autres États, au contraire, sous couvert de venir en aide à un régime proche du leur, choisissent parfois d'intervenir dans le conflit qui le mine, qu'ils soient ou non appelés par des éléments dans la cité. Selon son point de vue sur les événements, on choisira alors, comme Démosthène, de dénoncer avec beaucoup d'ironie la fausse bienveillance que Philippe prétend manifester à l'égard des habitants d'Oréos : c'est parce qu’il a appris qu'“ils souffraient de discordes civiles” (νοσοῦσι καὶ στασιάζουσι) qu’il leur a envoyé des soldats, comme le doit tout allié, tout ami véritable dans de telles circonstances”17 ; mais on pourra aussi, comme Isocrate, célébrer sans aucune ironie le comportement des ancêtres athéniens soucieux d'aider les cités “malades... déchirées par la désunion” (Isoc. 12.165). On remarquera toutefois qu’Isocrate élimine prudemment de son évocation toute intervention armée. Pour mieux distinguer Athènes de sa rivale spartiate et au mépris de la vérité historique, c'est pacifiquement, en envoyant des ambassadeurs ou en prodiguant ses conseils, que la cité attique est censée avoir résolu les tensions passées dans le monde grec.
10Au ive siècle, Athènes ne connaît pas de véritable stasis, puisque la démocratie reste en place jusqu’en 322. Pourtant, certains orateurs n'hésitent pas à dénoncer une véritable crise des institutions et du pouvoir, allant même jusqu'à agiter le spectre tant redouté d'une révolution oligarchique. Là encore, Démosthène exploite abondamment le parallèle entre médecine et politique et décrit une cité d'Athènes malade.
11Comment se traduit cette maladie ? Les Athéniens sont “énervés” (ἐκνενευρισμένοι). La même image se retrouve dans une expression rapportée par Eschine : Démosthène se plaint qu'on ait “tranché subrepticement les nerfs de la démocratie” (ὑποτέτμηται τὰ νεῦρα τοῦ δήμου). Dans un autre passage, il présente ses concitoyens comme des hommes qui ne peuvent secouer leur sommeil, “semblables à des individus ayant bu de la mandragore ou quelque autre drogue”18. Tous ces rapprochements bien connus traduisent le même état d'apathie, de léthargie, qui habitent les Athéniens. Ce manque d'énergie, cette mollesse (ῥᾳθυμία) dénoncée à maintes reprises par l'orateur19, trahit à ses yeux une véritable crise de la démocratie athénienne. Les termes qui glosent l’une de ces métaphores l'expliquent bien : si les Athéniens sont “énervés”, c'est qu'ils sont “privés de leur argent et de leurs alliés, réduits au rôle de serviteurs, d'éléments accessoires” (Ol., 3.31). Pour Démosthène, les Athéniens ont renoncé à exercer véritablement et pleinement leur rôle de citoyens. Attachés aux différents misthoi versés par la cité, répugnant à partir en campagne ou à payer des contributions, ils se laissent gouverner par des hommes politiques corrompus, des démagogues habiles qui n’ont en vue que leur seul profit, et non pas 1 intérêt de la cité20. Bien entendu, on ne peut parler de véritable discorde civile, puisque apparemment les citoyens sont satisfaits de leur sort. Mais à en croire Démosthène, il y a véritablement une crise des institutions, une dégradation qui pourrait mettre en péril la démocratie, et qui est déjà venue à bout des autres démocraties du monde grec. Dressant un bilan désabusé de la situation dans la 4e Philippique, il constate que les cités sont toutes partagées entre deux partis : d’un côté, des hommes qui aspirent au pouvoir personnel, et qui sont prêts à se vendre à tout homme capable de les aider à réaliser leur projet, quand bien même ils devraient par la suite lui obéir ; de l'autre, les défenseurs de la démocratie, partout mis à mal et refoulés. Sa conclusion est sans appel : “Je ne sais s'il reste une seule de toutes les démocraties qui soit solide, excepté la nôtre” (10.4-5). C'est dans ce contexte qu'intervient l'allusion à la mandragore. Pour l'instant, les Athéniens sont simplement plongés dans un profond sommeil, mais ils risquent eux aussi de succomber rapidement, victimes de leur inertie. La maladie de la cité contient bien en germe la ruine de la démocratie.
12A cette cité malade, quel remède appliquer ? Dans la 3e Olynthienne, après s'être penché sur le malade “énervé”, Démosthène s'intéresse aux médecins qui sont à son chevet. Filant la métaphore, il décrit les hommes politiques comme de piètres médecins, soumettant leur patient à une diète qui l'épuise. Les distributions des fonds de l'État sont violemment critiquées :
... ἴσως ἂν, ἴσως, ὦ ἄνδρες ᾿Αθηναῖοι, τέλειόν τι καὶ μέγα κτήσαισθ’ ἀγαθὸν καὶ τῶν τοιούτων λημμάτων ἀπαλλαγείητε, ἃ τοῖς άσθενοῦσι παρὰ τῶν ἰατρῶν σιτίοις δεδομένοις ἔοικε. Καὶ γὰρ ἐκεῖν᾽ οὔτ᾿ ἰσχὺν ἐντίθησιν, οὔτ᾽ ἀποθνῄσκειν ἐᾷ. καὶ ταῦθ᾽ ἃ νέμεσθε νῦν ὑμεῖς, οὔτε τοσαῦτ’ ἐστὶν ὥστ᾽ ὠφέλειαν ἔχειν τινὰ διαρκῇ, οὔτ᾿ ἀπογνόντας ἄλλο τι πράττειν ἐᾷ, ἀλλ᾽ ἔστι ταῦτα τὴν ἑκάστου ῥᾳθυμίαν ὑμῶν ἐπαυξάνοντα.
“... Peut-être, peut-être, Athéniens, pourriez-vous réaliser un grand profit, un profit définitif, et vous débarrasser de ces répartitions qui ressemblent aux aliments donnés aux malades par les médecins. Cela ne donne pas de force, mais cela empêche de mourir. Car de même, ce qui vous est donné en ce moment en partage n’est pas suffisant pour présenter quelque utilité, mais cela vous empêche d’accomplir quelque action sous le coup du désespoir ; et voilà ce qui accroît en vous la mollesse.”21
13On retrouve la même image dans le Prologue 52.422. Là encore, il s'agit de dénoncer les hommes politiques qui endorment et amusent le peuple athénien malade (ἀσθενοῦντα) par des indemnités et des gratifications, au lieu de prendre des mesures véritablement utiles pour la cité. Dans les deux cas, Démosthène reprend l'assimilation traditionnelle entre médecin et homme politique23. Pour dénoncer l'attitude de ces derniers, il les compare à de mauvais praticiens, incapables de trouver un traitement adapté à leur patient. Moquant avec sarcasme certains régimes médicaux, Démosthène offre une vision très critique de certaines thérapeutiques préconisées, qui maintiennent dans un état stationnaire sans apporter d’améliorations au malade. Or, si l'art médical a pour fin de soigner les malades, de rendre la santé à ceux du moins qui ne sont pas incurables, “d'être utile ou du moins de ne pas nuire”24, de tels individus ne remplissent en rien leur mission. De la même manière, les hommes politiques ne remplissent pas leur rôle auprès du peuple athénien. Leur politique, elle non plus, ne montre aucune utilité. Au contraire, elle développe chez lui cette inertie, cette faiblesse nocive (ῥᾳθυμία) qui le prive de forces et l'empêche de se lancer dans une action efficace.
14L'image du mauvais médecin intervient encore dans le discours Sur la Couronne. Cette fois-ci, elle est appliquée à un individu précis, Eschine. Dans une comparaison fameuse, Démosthène l'assimile à un charlatan attendant la mort d'un patient pour préconiser un traitement :
“C'est comme si un médecin, venant visiter des malades souffrant, ne leur disait ni ne leur montrait comment échapper à la maladie et qu'ensuite, après la mort de l'un d’entre eux, au cours des cérémonies rituelles, il suivait le convoi jusqu'au tombeau et discourait alors longuement : ‘Si cet individu avait fait ceci ou cela, il ne serait pas mort’.”25
15Certes, dans ce passage, l'orateur dénonce avant tout l'attitude d'un individu qui se contente de critiquer, après coup, des mesures proposées par d’autres, sans s’impliquer lui-même dans la prise de décision. Mais il tente aussi de faire accroire qu'Eschine, par ce comportement, trahit son hostilité à la démocratie et sa volonté de bouleverser le régime en place. Le texte du Contre Ctésiphon, dans lequel Eschine, anticipant les attaques de son adversaire, évoque cette comparaison médicale, établit très clairement ce lien :
Ἐπιστολὰς δὲ σιγῶ ψευδεῖς καὶ κατασκόπων συλλήψεις καὶ βασάνους ἐπ᾿ αἰτίαις άγενἡτοις, ὡς ἐμοῦ μετά τινων ἐν τῇ πόλει νεωτερίζειν. Ἔπειτα ἐπερωτᾶν με, ὡς ἐγὼ πυνθάνομαι, μέλλει τίς ἂν εἴη τοιοῦτος ἰατρός, ὅστις τῷ νοσοῦντι μεταξὺ μὲν ἀσθενοῦντι μηδὲν συμβουλεύω, τελευτήσαντος δὲ ἐλθὼν εἰς τὰ ἕνατα διεξίοι πρὸς τοὺς οἰκείους, ἃ ἐπιτηδεύσας ὑγιὴς ἂν ἐγένετο.
“Je tais les lettres fictives, les arrestations d'espions, les tortures pour des accusations sans fondement, sous prétexte que je voulais, avec quelques autres, faire une révolution dans la cité. Ensuite, à ce que j'apprends, il doit me demander quelle sorte de médecin serait l'individu qui ne donnerait aucun conseil à un patient, durant sa maladie, mais qui viendrait le neuvième jour après sa mort pour détailler à ses proches ce qu'il aurait dû faire pour recouvrer la santé.26
16Eschine souhaite-t-il réellement la chute de la démocratie ? Démosthène peut-il le prétendre, et le croit-il seulement ? Cette accusation constitue bien plutôt un procédé oratoire, un argument forgé à des fins polémiques dans le cadre d'un procès politique. C’est là une tactique parmi d'autres pour stigmatiser la partie adverse. En agitant le spectre d'un complot oligarchique ourdi par son adversaire, en faisant de lui un ouvrier de discorde responsable des maux de la cité, l'orateur ravive la crainte d’une stasis parmi son auditoire et se présente comme le seul gardien vigilant des lois de la cité, de l'eunomia27. Le modèle médical ne sert plus ici à comprendre la crise, mais à noircir un adversaire dans un cadre polémique. Dans cette cité souffrante, l'adversaire est identifié à un mal qui la ronge de l’intérieur.
17Les deux discours Contre Aristogiton28 donnent un bon exemple de ce procédé. Se présentant comme des deutérologies prononcées après le discours de Lycurgue, ils ne rentrent pas dans le détail des chefs d'accusation, mais se lancent dans une violente diatribe contre l’accusé pour l’ensemble de l’attitude qu’il a adoptée tout au long de sa vie. Aristogiton, sycophante notoire tombé pour des questions financières, apparaît dans l’épilogue du premier discours comme une lésion mortelle pour la cité :
᾿Ανίατον, ἀνίατον, ἄνδρες ᾿Αθηναῖοι, τὸ πρᾶγμ᾽ ἔστι τὸ τούτων δεῖ δὴ πάντας, ὥσπερ οἱ ἰατροί, ὅταν καρκίνον ἢ φαγέδαιναν ἢ τῶν ἀνιάτων τι κακῶν ἴδωσιν, ἀπέκαυσαν ἢ ὅλως ἀπέκοψαν᾿ οὕτω τοῦτο τὸ θηρίον ὑμᾶς ἐξορίσαι, ῥῖψαι ἐκ τῆς πόλεως, ἀνελεῖν, μὴ περιμείναντάς τι παθεῖν, ὃ μήτ’ἰδίᾳ μήτε δημοσίᾳ γένοιτο, ἀλλὰ προευλαβηθέντας.
"Son cas est incurable. Athéniens, oui, incurable : comme font les médecins qui, quand ils voient un cancer, un ulcère rongeant ou un autre mal incurable, le brûlent ou l’extirpent complètement par le fer, tous, vous devez bannir cette bête nuisible, la jeter hors de la cité, sans attendre de subir un dommage (puisse cela épargner les particuliers aussi bien que l’état), mais en prenant d’avance vos précautions.”29
18Ce parallèle est suivi immédiatement d’un autre rapprochement, appelé par le substantif θήριον, qui assimile Aristogiton à certains animaux venimeux30. L’originalité de la première comparaison ressort d’autant mieux. Une fois de plus, elle se caractérise par sa précision ; l’orateur ne se contente pas d’évoquer de manière générale la maladie, mais spécifie les maux auxquels il identifie son adversaire, les rendant d’autant plus dangereux qu’ils sont désignés par un terme technique. Le choix même de ces lésions est significatif, et contribue à accentuer encore le danger que représente Aristogiton. Les deux maladies évoquées sont mortelles. Elles ne peuvent être soignées par des remèdes ou par une diète, comme le souligne la triple occurrence de l'adjectif ἀνίατος. Le seul moyen de s'en délivrer consiste à utiliser les deux autres méthodes connues de la médecine, l’ablation par le fer ou le feu31. Ces lésions rongent le patient de l'intérieur, comme l'indique littéralement le terme φαγέδαινα : l'ulcère rongeant, c'est ce qui vous dévore (φαγεῖν) de l'intérieur32. Ainsi que l'a souligné J. Jouanna, on retrouve dans le nom de cette maladie l'idée toujours présente chez les Grecs, malgré les progrès d'une médecine rationnelle, d'une maladie semblable à une bête féroce, sentie comme une irruption de la sauvagerie dans le monde civilisé33. Dans cette perspective, la comparaison qui vient juste après notre passage entre Aristogiton et différentes bêtes nuisibles cesse d'être un simple topos de l'invective et prend toute sa force34. Nulle autre maladie d’ailleurs pourrait convenir aussi bien à un sycophante comme Aristogiton, censé se nourrir des ressources de la cité et l'épuiser par ses exactions. Un tel individu n'est pas perfectible : seule son exclusion définitive de la cité peut assurer le salut de celle-ci. Cette violente attaque indique en effet clairement que le danger menace aussi bien l'État que les simples particuliers. Parmi les actes prouvant la scélératesse de l'accusé, sa πονηρία35, l'accusateur a d'ailleurs noté peu avant ses tentatives pour “jeter tout le monde dans le trouble et la guerre civile”36. Très nettement, Aristogiton met en danger les fondements du régime, et le discours tente de donner à ce procès un enjeu qu'il n'a pas au départ, de montrer qu’il en va de “la sauvegarde de la démocratie”37. On voit donc bien comment la rhétorique de l'orateur modifie les données du débat, et afin d'assurer le succès de ses positions, oriente son portrait de l'accusé pour en faire un adversaire de la πολιτεία athénienne. La métaphore médicale participe de cette présentation polémique, car elle insiste sur le danger mortel que représente la nature perverse d'Aristogiton.
19Pour se prémunir contre la sauvagerie menaçante d'un tel individu, nul remède n'est plus efficace que l'armature des lois de la cité. Les deux discours offrent donc un vibrant plaidoyer en faveur de l'εὐνομία, la bonne constitution, "qui assure le salut (σῴζει) de toutes les cités et de tous les pays”38. Reprenant l'antithèse entre νόμος et φύσις, Démosthène constate que “la nature est irrégulière, et pour chaque homme, particulière à son possesseur, tandis que les lois sont chose commune, réglée et semblable pour tous”39. Il présente la loi de la cité comme l'instance capable de contenir les dérèglements, d'organiser cette diversité et d'assurer la cohésion de l'ensemble. Elle est l'autorité qui garantit l'ordre et l'unité de la cité. En la préservant contre les vices de certains de ses éléments et contre leurs comportements déviants, elle assure la survie de l'État. Comme le dit l'orateur,
...κοινὸν τοῦτο πρόσταγμ’ ἀπεδείχθη πᾶσιν ἴσον καὶ ὅμοιον [---]. Ὧι πάντας πείσθεσθαι προσήκει διὰ πολλά, καὶ μάλισθ’ ὅτι πᾶς ἐστι νόμος εὕρημα μὲν καὶ δῶρον θεῶν, δόγμα δ’ἀνθρώπων φρονίμων, ἐπανόρθωμα δὲ τῶν ἑκουσίων καὶ ἀκουσίων ἁμαρτημάτων, πόλεως δὲ συνθήκη κοινή.
“... elle apparaît comme un ordre général, égal et semblable pour tous [...]. Tous doivent lui obéir pour bien des raisons, et surtout parce que toute loi est une invention et un don des dieux, une décision d'hommes sensés, un correctif aux erreurs volontaires ou involontaires, un contrat commun de la cité40”.
20Selon un parallèle souvent rencontré41, le législateur, auteur de ces lois, peut donc être assimilé à un médecin : “Parmi les cités, nous pourrions voir que les mieux administrées sont celles dans lesquelles se trouvent les meilleurs législateurs : de même que les infirmités des corps humains cessent grâce aux découvertes des médecins, de même la sauvagerie des âmes est chassée par les pensées des législateurs42 ". Médecin de l'âme, le législateur propose le seul antidote efficace contre une nature déréglée, qu'il délivre de sa sauvagerie originelle en lui permettant de s'intégrer dans un univers tout entier réglé par une loi et une discipline, νόμος καὶ τάξις43. Or cette sauvagerie est bien celle qui caractérise Aristogiton, comparé à des lésions dont la violence et la férocité n'admettent aucun remède. Le message de l’orateur est clair : la nature de l’accusé, dont la métaphore médicale aide à mieux sentir toute la sauvagerie irréductible, est une menace pour l'ordre de la cité et pour son équilibre.
21La lutte politique entre Eschine et Démosthène exploite de même les risques de stasis et les menaces d'un complot oligarchique, assimilé à un ulcère de la cité. Certes, les discours qui retracent l'affrontement des deux orateurs opposent surtout la politique adoptée respectivement par l'un et l'autre lors du conflit contre Philippe de Macédoine, mais de manière plus générale, c'est l'ensemble de leur politique, leur vision d'Athènes et de sa place dans le monde grec, qui sont en question dans leurs plaidoyers. Dans cette perspective, l'un des arguments utilisé pour dénigrer l'adversaire consiste à remettre en cause son attachement à la démocratie athénienne. L'un et l'autre orateurs dénoncent une cité malade, dont le régime est gangrené par les machinations de l'adversaire.
22Pour appuyer son propos, Démosthène, dans le discours Sur l'ambassade, fait appel à l'autorité de Solon. Afin de souligner la différence entre le fameux législateur et Eschine et d'amener les Athéniens à condamner ce dernier, il cite une élégie de Solon célébrant l'Εὐνομία44. La première partie du poème (v. 1-16) montre une cité perdue par la corruption et l'injustice de ses dirigeants. La seconde partie (v. 17-39) détaille les ravages qu'une telle politique entraîne pour l'ensemble de la cité, puis vante l'εὐνομία, la bonne constitution, seule susceptible de contrecarrer de tels projets. Tout le début de ce second mouvement est dominé par l’image de l'ulcère fatal que constituent des dirigeants malveillants :
Τοῦτ᾽ ἥδη πάσῃ πόλει ἔρχεται ἕλκος ἄφυκτον,
εἰς δὲ κακὴν τάχεως ἤλυθε δουλοσύνην,
ἢ στάσιν ἕμφυλον πόλεμον θ᾽ εὕδοντ’ ἐπεγείρει,
ὃς πολλῶν ἐρατὴν ὤλεσεν ἡλικίην.
“Voici désormais que s'avance contre toute la cité l’ulcère inévitable ;
la voici vite réduite à une misérable servitude,
ou bien il éveille la discorde intérieure et la guerre endormie,
qui fait périr la jeunesse aimable de bien des hommes.’’45
23Les ravages inéluctables de leur action sont détaillées : la discorde civile (στάσιν ἔμφυλον)46, la guerre, l'esclavage. Le poème insiste volontairement sur l'impossibilité pour quiconque dans la cité d'échapper à ce mal public, ce δημóσιον κακóν (V. 26) que rien n'arrête47 et qui provoque des conflits intérieurs aussi bien qu'extérieurs. Le poète termine sa démonstration en célébrant le seul antidote efficace contre ce fléau, la bonne constitution de la cité, l'εὐνομία48, qui “fait paraître en tout l'ordre et le bon agencement” (εὔκοσμα καὶ ἄρτια πάντ᾿ ἀποφαίνει, v. 32), “la sagesse inspirée” (πινυτά, V. 39) et qui fait cesser les actes de l'amertume et de la pénible discorde”49. On a souvent souligné que la deuxième partie du poème n'avait pas sa place dans le discours Sur l'ambassade, et que seul le début était pertinent pour l'objet du discours50. A la suite de G. Rowe, nous pencherions pour l’opinion inverse, et l'analyse de la métaphore médicale qui suit la citation du poème est un argument, entre autres, pour considérer que Démosthène a sans doute voulu citer l’ensemble de l'élégie, et que sa présence dans les manuscrits n'est pas due à l'ignorance d'un copiste.
24L'énumération des maux engendrés par la corruption des dirigeants, tout d'abord, semble convenir parfaitement aux objectifs de Démosthène. Lui aussi veut convaincre son auditoire que l'attitude d'Eschine est aussi dangereuse pour la πολιτεία en place à Athènes que pour ses rapports avec la Macédoine ; que sa corruption peut l'amener à négocier la chute de la démocratie. Aussi mérite-t-il d'être condamné avec la plus extrême rigueur, comme l'exigent les lois de la cité et comme elles l'ont déjà fait tant de fois.
25Mais Eschine n'est pas seul. Il faut s'opposer également à "tous les traîtres et tous les vendus” (τοὺς προδότας καὶ δωροδόκους, 19.258) que renferment les cités grecques. Reprenant la métaphore médicale employée par Solon, Démosthène décrit durant quatre paragraphes les faiblesses de la communauté hellénique :
Νόσημα γάρ, ὦ ἄνδρες ᾿Αθηναῖοι, νόσημα δεινὸν ἐμπέπτωκεν εἰς τὴν Ἑλλάδα, καὶ χαλεπὸν καὶ πολλῆς τινος εὐτυχίας καὶ παρ᾽ ὑμῶν ἐπιμελείας δεόμενον.
“Une maladie, Athéniens, une maladie redoutable s'est abattue sur la Grèce, terrible, exigeant de vous beaucoup de chance et de soins.”51
26La suite détaille la corruption des “plus notables dans les cités” : tous choisissent de sacrifier leur propre liberté en se vendant à Philippe et en servant ses intérêts52. Les exemples de bouleversements dans les États grecs se multiplient : les Thessaliens ont renoncé à leur hégémonie et tolèrent chez eux des garnisons macédoniennes. Des conflits à Élis, qui ont dressé violemment les habitants les uns contre les autres, ont permis à la faction aristocratique de reprendre le pouvoir. L'Arcadie est “sens dessus-dessous”53, et le mal se rapproche désormais, menaçant Athènes :
Ταῦτα νὴ τὴν Δήμητρα, εἰ δεῖ μὴ ληρεῖν᾽ εὐλαβείας οὐ μικρᾶς δεῖται, ὡς βαδίζον γε κύκλῳ καὶ δεῦρ᾽ ἐλήλυθεν, ὦ ἄνδρες ᾿Αθηναῖοι, τὸ νόσημα τοῦτο.
“Par Déméter, s'il faut cesser de plaisanter, ces faits requièrent une grande précaution, car en progressant en cercles, Athéniens, ce mal est arrivé ici.”54
27Tout autant qu'un conflit avec Philippe, c’est corollairement un bouleversement des structures d'un régime qu'il faut redouter et contre lequel Démosthène prévient ses auditeurs. A travers ces quatre paragraphes, l’orateur décrit le mal se répandant de manière irrésistible, causant des pertes irrémédiables, envahissant progressivement toute la Grèce comme une peste55. L'optique, ici, n’est plus strictement athénienne, mais c'est l'ensemble de l'Hellade qui est envisagée comme un seul corps touché peu à peu par un même fléau qui gagne toutes ses parties. Sans parler d'appel à une union panhellénique, on sent ici la volonté de dépasser les rivalités traditionnelles entre les cités grecques pour lutter contre l'ennemi commun, la Macédoine. “La Grèce est perdue, malade”56, “les cités sont malades”57, entend-on de plus en plus fréquemment dans les discours démosthéniens, au fur et à mesure que le danger se précise et se fait plus menaçant. Athènes n'est plus seule en jeu, mais elle est envisagée comme un élément d'un ensemble, et c'est la santé de cet ensemble qui doit être prise en compte. Tout comme un corps ne peut se considérer guéri quand une de ses parties est atteinte, la Grèce doit faire front contre le fléau si elle veut espérer la guérison. L'orateur dénonce à plusieurs reprises les illusions des Grecs : c'est pour avoir cru que leurs destins respectifs étaient indépendants, pour s'être imaginés qu’ils ne risquaient rien tant que Philippe s'attaquait à d'autres Grecs qu'eux, qu'ils sont actuellement si mal en point58.
28Ce n’est sûrement pas un hasard si l’image de l'ulcère, de l'ἕλκος, réapparaît dans le Contre Ctésiphon d'Eschine. La longueur inhabituelle de la citation de Solon – surtout chez un orateur comme Démosthène – et la célébrité du poème avaient sûrement contribué à rendre le passage de Démosthène fameux. Treize ans plus tard, Eschine reprend le terme, et il le fait justement à un moment de son développement où il accuse son adversaire d'introduire la discorde dans la cité :
᾿Επεισάξει γὰρ τὸν γόητα καὶ βαλλαντιοτόμον καὶ διατετμηκότα τὴν πολιτείαν. [...] Οὐκ ἂν θαυμάσαιμι δὲ εἰ μεταβαλλόμενος τοῖς ἔξωθεν περιεστηκόσι λοιδορήσεται, φάσκων τοὺς μὲν ὀλιγαρχικοὺς ὑπ᾿ αὐτῆς τῆς ἀληθείας διηριθμημένους ἥκειν πρὸς τὸ τοῦ κατηγόρου βῆμα, τοὺς δὲ δημοτικοὺς πρὸς τὸ τοῦ φεύγοντος. Ὅταν δὴ τὰ τοιαῦτα λέγῃ, πρὸς μὲν τοὺς στασιαστικοὺς λόγους ἐκεῖνο αὑτῷ ὑποβάλλετε. 'ὦ Δημόσθενες᾿ εἰ σοὶ ἦσαν ὅμοιοι οἱ ἀπὸ Φυλῆς φεύγοντα τὸν δῆμον καταγαγόντες, οὐκ ἄν ποθ᾽ ἡ δημοκρατία κατέστη. Νῦν δὲ ἐκεῖνοι μὲν μεγάλων κακῶν συμβάντων ἔσωσαν τὴν πόλιν τὸ κάλλιστον ἐκ παιδείας ῥῆμα φθεγξάμενοι, μὴ μνησικακεῖν. σὺ δὲ ὲλκοποιεῖς’.
“[Ctésiphon] va faire paraître ce charlatan, ce coupeur de bourses, ce briseur de régime. [...] Je ne serais pas étonné de le voir faire volte-face et injurier ceux qui se tiennent autour de l'enceinte, prétendant que les partisans de l'oligarchie, dénombrés par la vérité elle-même, sont venus près de la tribune de l'accusateur, tandis que les partisans de la démocratie sont près de celle de l'accusé. Quand il parlera ainsi, à ces paroles séditieuses, voilà ce que vous devez lui répondre :'Démosthène, s'ils avaient été comme toi, ceux qui ont ramené de Phylè le parti populaire en exil, jamais la démocratie n'aurait été restaurée. Ces héros, après de grands malheurs, ont sauvé la cité en prononçant la plus belle parole que puisse inspirer la culture : ne pas garder rancune. Toi, au contraire, tu entretiens un vieil ulcère’.”59
29Les deux orateurs adoptent la même tactique : ils s'accusent mutuellement d'introduire dans la cité des ferments de discorde. Ils réintroduisent des clivages, des tensions entre des aspirations politiques opposées ; usent d'une terminologie et d'exemples historiques habilement choisis pour réveiller des peurs latentes dans l'auditoire. A Démosthène qui l'accuse, semble-t-il, de complot oligarchique, Eschine rétorque en le présentant comme un ouvrier de discorde, un individu qui tient des propos séditieux et se complaît dans des luttes intestines qui ne peuvent qu'épuiser la cité. En s'effaçant derrière les glorieux restaurateurs de la démocratie de 403, il veut en outre dramatiser son propos et suggérer toute la différence qui existe entre de vrais démocrates et des hommes politiques ambitieux, dont l'activité incessante trahit la volonté de pouvoir et met la cité en danger60. Huit ans après la défaite devant la Macédoine, il se présente comme un homme politique responsable, conscient qu'il faut rassembler toutes les forces de la cité et qu'il n’est plus temps d'agiter d'anciennes querelles.
30Rupture des chairs, ulcère rongeant, énervation : les lésions auxquelles les orateurs font appel pour décrire la cité en proie à la discorde civile soulignent assez quel danger cette situation revêt à leurs yeux. Elles montrent aussi que leur usage de la métaphore médicale n’est pas aussi stéréotypé qu'on aurait pu le croire. En évoquant le malade, la maladie et le médecin, les orateurs exploitent les trois pans de la recherche hippocratique. Ils se servent de la métaphore aussi bien pour dépeindre les différentes formes que peuvent adopter les phénomènes de dissension à l'œuvre dans une cité que pour réfléchir aux circonstances propices à de tels événements ou pour stigmatiser l'homme politique incapable, comme un mauvais médecin, de venir à bout de la crise.
31Parfois encore, la métaphore médicale relève d'une simple stratégie politique. Elle permet alors à l'orateur de renouveler la force de ses attaques contre ses adversaires, assimilés à des lésions mortelles pour la cité, et d'apparaître comme le seul garant de l'unité et de la cohésion de la communauté.
32Pour guérir la cité, les remèdes proposés sont rares et se limitent bien souvent à des interventions douloureuses et radicales. Le médecin, quand il apparaît, est plus souvent critiqué pour son incapacité que remercié pour son traitement. En définitive, la métaphore médicale sert davantage à décrire les risques de stasis qu'à dépeindre le rétablissement de la concorde, comme si les orateurs ne savaient quel remède appliquer pour juguler la crise de la cité.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Pour Thucydide, cf. Romilly 1976 ainsi que Jouanna 1980a. Pour Platon, citons entre autres, dans une bibliographie très copieuse, Jouanna 1978 (avec en note 16 d'autres titres traitant de la question) et Ayache 1996. Les liens entre médecine et politique dans la Politique d'Aristote sont étudiés chez Jouanna 1980b. La question est envisagée dans une perspective plus générale par Cambiano 1983. Vegetti 1983 s'intéresse à l'influence de l’expérience et de l’idéologie politiques sur le langage médical.
2 Par exemple l'emploi du verbe θεραπεύω ; ou encore celui de l'adjectif ὑγιής pour désigner un raisonnement ou une décision “saine”, “bonne”, et du verbe ὑγωιαίν pour désigner quelqu'un qui raisonne bien, qui dispose de toutes ses facultés mentales.
3 Pour une liste, voir Gerhke 1985. Cf. également Lintott 1982. Chez les Anciens, un orateur comme Isocrate, entre autres, ne cesse de revenir dans ses discours sur les dissensions qui ravagent la Grèce (textes rassemblés commodément dans Fuks 1972). Bertelli 1996 souligne l’importance de la stasis à cette époque comme expérience vécue, mais aussi comme “thème fondamental de la réflexion théorique" dans l'Athènes classique. Il rappelle par ailleurs qu'un même événement conflictuel n'est pas forcément présenté par tous les auteurs comme stasis, et qu'une telle définition implique donc une forme de jugement de la part de celui qui en use.
4 Lys. 18-17. Cf. Isoc. 3.55 : “Préservez l'organisation actuelle, ne souhaitez aucun changement (μεταβολῆς), sachez que les troubles (ταραχάς) entraînent nécessairement la perte des cités et la ruine des biens particuliers.”
5 Par exemple Hdt. 5.28 ; Thc. 4.61.1 ; Eur., Her., 34. On retrouvera plus tard le rapprochement chez Platon, entre autres R., V 470c.
6 Isoc. 12.99. Voir également 12.165, où l'auteur distingue, parmi les cités qui souffrent de guerres et de troubles, le traitement appliqué à celles qui sont les moins malades (ἧττον νοσουσῶν) de celui réservé aux cités qui souffrent davantage de dissensions (μάλιστα στασιαζουσῶν).
7 Dém. 9.12.
8 Νοσοῦσι καὶ τεταραγμένοι, Dem. 2.14-15, pour désigner les troubles qui agitent la Thessalie ; seul en Dem. 9.50.
9 Dem. 2.14: καθʹ αὑτὴν ἀσθενὴς καὶ πολλῶν κακῶν... μεστή
10 Dem. 2.21.
11 Hp., Flat., 11 (trad. J. Jouanna, Paris, CUF, 1988).
12 Dem. 18.198 et Ps-Dem. 12.14.
13 Hp., Morb. 1.20 (ἀλγήματα πολυχρόνια). Ce même traité, quelques pages plus loin, présente d'ailleurs un écho textuel troublant avec la fin de la citation de l'orateur. On lit en effet au paragraphe 22 que “les jeunes... sont exposés, quand ils font des efforts plus considérables que d'habitude, et surtout des efforts subits, à de violentes convulsions et à des ruptures (ῥήγματα) nombreuses et diverses des veines et des chairs : et de ces accidents, les uns deviennent apparents tout d'abord, les autres ne se révèlent que plus tard” (καὶ τούτων τὰ μὲν παραυτίκα ἕκδηλα γίγνεται, τὰ δ᾽ ὕστερον χρόνῳ ἀναφαίνεται)
14 Cf. Dem. 2.9, pour la même idée, mais sans métaphore médicale. Un rapprochement semblable intervient dans la République de Platon (R., 8 556e), mais si l'idée d'ensemble est bien la même, la comparaison médicale chez le philosophe reste plus générale, moins précise qu'elle ne l'est chez l'orateur : “et comme il suffit à un corps débile d'un petit ébranlement du dehors pour tomber malade, que parfois même des troubles y éclatent sans cause extérieure, ainsi un État, dans une situation analogue, devient à la moindre occasion la proie de la maladie et de la guerre intestine, tandis que chaque parti appelle des secours du dehors, les uns d'un État oligarchique, les autre d'un État démocratique ; parfois même la discorde s'y déchaîne en dehors de toute ingérence étrangère” (trad. É. Chambry, Paris, CUF, 1934). Cf. également Arist., Pol., 6.6.4 1320b 33-1321a 1.
15 Cf. Lintott 1982, 252-263, ou Gerhke 1985, 309-353.
16 Dem. 9.50. La même idée revient, sans métaphore médicale, en Dem. 18.19 et 61.
17 Dem. 9.12. Cf. 2.14, pour Philippe intervenant dans les dissensions entre Thessaliens. Quand il s'agit de la défense de la démocratie, Démosthène emploie un ton tout différent. Il invite à Athènes se faire le défenseur des démocraties du monde grec (par exemple en 13.8 ; 15.17-21 et 28).
18 Respectivement Dem. 3.31 ; Aeschin. 3.166 ; Dem. 9.6. On pourrait ajouter à cette liste Dem. 13.13, qui évoque la surdité des Athéniens, et 19.226, qui présente les Athéniens comme sourds et aveugles.
19 Le terme ῥᾳθυμία, ou le participe du verbe ῥᾳθυμέω-ῶ interviennent par exemple en 3.33, 1.15, 4.7 et 8, 9.5, 13.20, Amb. = 19.87 et 270, ou encore Cour. = 18.46.
20 On trouverait dans les Harangues de nombreux passages développant ces vues, par exemple 13.18-20 ; 8.32-34 ; 9.36 sq., Prooem., 52.3. Bien entendu, il ne s'agit pas ici de prendre pour argent comptant les affirmations de Démosthène, qui, comme tout orateur, n'hésite pas à falsifier la vérité historique pour servir son propos. Ainsi, certains historiens ont bien montré qu'il exagérait nettement l'obligation pour la cité de recourir en nombre aux troupes mercenaires pour pallier la perte supposée de sens civique et de patriotisme chez ses concitoyens (cf. par exemple Pritchett 1974, 104-111, 115-116).
21 Dem. 3.33.
22 La comparaison est si fameuse que ce passage de Démosthène est cité par Athénée, 270c.
23 Le rapprochement, comme nous l'avons dit, connaît entre autres une grande fortune chez Platon. Voir supra, n. 1, pour quelques références bibliographiques.
24 Hp., Epid. 1.5 ὠφελεῖν ἢ μὴ βλάπτειν. Pour cette opposition entre ὠφελεῖν et βλάπτειν, nous renvoyons à Jouanna 1980b, 301 et n. 1. La définition exacte de la médecine intervient en Hp., de Arte, 3.2 : “C'est délivrer complètement les malades de leurs souffrances ou émousser la violence des maladies, et ne pas traiter les malades qui sont vaincus par les maladies, en sachant bien que la médecine peut tout cela.”
25 Dem. 18.243. Cf., en 307, la “tranquillité... injuste et gangrenée” (ἡσυχίαν... ἄδικον καὶ ὕπυυλον, trad. de Demont 1990) que dénonce Démosthène.
26 Aeschin. 3.225. On est loin ici de l'image du bon orateur qu’Isocrate nous peint en 8.39-40. Tel un médecin, capable de trouver, parmi des traitements nombreux et variés, le remède capable de guérir les maladies du corps, l'orateur soigne l'âme des citoyens grâce à ses discours pleins de sagesse, qui sont la seule thérapeutique susceptible de rectifier leurs erreurs et de les purger de leurs passions mauvaises.
27 On retrouve ici, dans un cadre polémique, des conseils proches de ceux qu’Aristote donne à tout homme soucieux de sauvegarder une constitution : “Ceux qui ont le souci du régime doivent entretenir des sujets de crainte [...] et présenter comme imminent le danger lointain” (Arist., Pol., 5.8.8 1308a 27-30, trad. J. Aubonnet, Paris, CUF, 1973). Nicole Loraux 1987 et 1991 souligne le caractère fondamentalement paradoxal de la stasis : alors qu’elle constitue un principe de division inévitable de la cité, cette expérience de dualité lui offre en définitive l’occasion de réaffirmer son unité et de renforcer sa cohésion.
28 Étant donné que le problème de l'attribution de ces deux discours à Démosthène ou à un autre orateur (le plus souvent identifié à Apollodore) ne remet pas en cause la thèse développée ici, nous ne trancherons pas cette question et choisirons par commodité de leur donner Démosthène comme auteur.
29 Dem. 25.95. On trouve chez Plat., Lg., 5 735d-e, des conseils très semblables pour se débarrasser des plus grands criminels.
30 Vipère et tarentule (Dem. 25.96). Plus haut, il a déjà été comparé à un scorpion (Dem. 25.52). Sur tout ce passage, cf. Lévy 1998, notamment 145-148. J.-L. Perpillou (1995) a bien montré que le substantif θηρίον désigne avant tout une bête nuisible, une “sale bête”, et que son emploi métaphorique pour désigner un homme suggère le mépris et l'injure beaucoup plus que l’effroi. Il signale en outre que ce terme peut prendre dans la littérature médicale un sens technique qui l’associe à un cancer (καρκίνος) ou à un ulcère (ἕλκος).
31 Sur ces méthodes médicales, voir Jouanna 1992.
32 Cf. Hp., Aër., 10. J. Jouanna, dans l'édition qu'il donne de ce traité dans la CUF, rappelle qu'étymologiquement, le terme φαγέδαινα désigne une “maladie dévorante”. Il rappelle par ailleurs que c'est proprement la maladie dont souffre Philoctète chez Sophocle (Jouanna 1996, 216 n. 2).
33 Jouanna 1988, 352 et 360.
34 Cf. Perpillou 1995, 267-268.
35 Le terme πονηρία revient à multiples reprises pour désigner la perversité d'Aristogiton. Voir par exemple Dem. 25.49 (deux occurrences) et 50.
36 Dem. 25.50 : εἰς ταραχὴν καὶ στάσιν.
37 Dem. 26.10 : δημοκρατίας φυλακή.
38 Dem. 25.11.
39 Dem. 25.15 : ἡ μὲν φύσις ἐστὶν ἄτακτον καὶ κατ᾿ ἄνδρ᾽ ἴδιον τοῦ ἔχοντος, οἱ δὲ νόμοι κοινὸν καὶ τεταγμένον καὶ ταὐτὸ πᾶσιν.
40 Dem. 25.16.
41 Chez Platon par exemple, en R., 8 564b-c, Plt., 293d, ou encore Lg., 1 628c-d et 4 720a-c. Cf., pour les Lois, Jouanna 1978.
42 Dem. 26.26. Le rôle du législateur rappelle celui qu'Isocrate assigne au bon orateur en 8.39-40 (voir supra, n. 26).
43 Dem. 26.27.
44 Dem. 19.255. Sur cette élégie, voir Rowe 1972, ainsi que les commentaires de Jaeger 1926, West 1982 et Campbell 1972.
45 Sol. 3.17-20 (= 4.17-20 West).
46 Cette expression se rencontre également, entre autres, chez Thgn. 51 et Hdt. 8.3.
47 Ἄφυκτον (v. 17), ἔρχεται οἴκαδ’ἑκάστῳ (v. 26).
48 Sur cet éloge, voir Campbell 1982, note ad loc., 243-44, et Jaeger 329 sqq.
49 Sol. 3.37-38 : παύει δ᾿ ἕονα διγοστασίης / παύει δ᾽ ἀργαλέης ἔριδος. L'orateur du Contre Aristogiton avait peut-être en tête cet éloge de l'εὐνομία par Solon lorsqu’il l'évoque dans son plaidoyer.
50 La discussion et l'opinion des principaux critiques sur la question sont résumées dans l'article de Rowe 1972.
51 Dem. 19.259.
52 Dem. 19.259.
53 Dem. 19.261:ἄνω καὶ κάτω.
54 Dem. 19.262.
55 Dem. 19, εἱσελθόν᾽ 260 ει 261 ; δεῦρ᾽ ἐλήλυθεν. 262 ; ἀπωλωλέκει. 260.
56 Dem. 9.39.
57 Dem. 18.45.
58 Cf. Dem. 9.28-29 et 18.45.
59 Aeschin. 3.207-208.
60 Cf. Aeschin. 3.220 : “Tu me blâmes de ne pas prendre la parole devant le peuple continuellement, mais seulement de temps en temps, et tu crois que cette exigence, on ne voit pas que tu l'empruntes non pas à la démocratie, mais à un autre régime. Dans les oligarchies, en effet, ce n'est pas celui qui le désire, mais celui qui a le pouvoir qui parle au peuple, alors que dans les démocraties, c'est celui qui le désire, et quand il le veut.”
Auteur
Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3 - Ausonius
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