La légende “grecque” sur l'origine des Scythes (Hérodote 4.8-10)
p. 207-220
Texte intégral
1Au début de son Scythikos logos, Hérodote relate trois légendes différentes concernant l'origine des Scythes. La première de ces légendes est attribuée aux Scythes, la seconde aux Grecs pontiques et la troisième, qu’Hérodote lui-même considère comme la plus probable, est caractérisée comme un récit commun aux Grecs et aux Barbares. Les deux premières versions de l'origine des Scythes sont fort différentes de la troisième. Dans les deux premiers cas, il s'agit de versions purement mythologiques qui font remonter les Scythes à des ancêtres divins. Dans le troisième, Hérodote rapporte une version à caractère historique. Il ne parle pas des ancêtres mythiques des Scythes, mais de leurs migrations et de leurs exploits militaires qui sont historiques, au moins partiellement.
2J'ai analysé la première légende (4.5-6) ailleurs1 ; je me concentrerai donc ici sur la seconde. L'analyse de cette première légende prouve qu'elle est une transmission fidèle d'une source scythe. Cela correspond parfaitement à l'indication d'Hérodote selon laquelle il s'agit de la légende racontée par les Scythes eux-mêmes. La seconde légende attribuée aux Grecs pontiques est assez différente (4.8-10). Selon cette légende, Héraclès est venu dans le pays des Scythes, où il n'y avait alors aucune population, en emmenant les vaches de Géryon. Il s'est endormi, et, quand il s'est réveillé, ses chevaux avaient disparu. Héraclès s’est mis en quête des chevaux et ses recherches l'ont amené dans une région nommée Hylaia. Il y a rencontré une fille de nature mixte : les parties supérieures de son corps, à partir des hanches, étaient celles d'une femme, les parties inférieures celles d'un serpent. Cette femme lui a dit que ses chevaux se trouvaient chez elle, mais a refusé de les lui rendre, avant qu'Héraclès ne s’unît à elle. Héraclès a vécu un certain temps avec cette femme dont il a eu trois fils : Agathyrse, Gélon et Scythès. Avant de quitter le pays, il lui a laissé son arc et sa ceinture au bout de laquelle était fixée une coupe. Ces objets devaient servir à une épreuve pour ses fils : celui qui réussirait à bander cet arc et à ceindre la ceinture deviendrait le maître du pays scythe, les autres frères devant le quitter. Quand les frères sont devenus adultes, leur mère les a soumis à l'épreuve, et c'est le plus jeune, Scythès, qui a pu bander l’arc. Ses frères aînés Agathyrse et Gélon ont raté l'épreuve et ont été obligés de quitter le pays. Le benjamin est devenu le maître du pays et l'ancêtre des rois scythes.
3Il semble a priori probable que l'indication d'Hérodote, selon laquelle cette légende lui a été rapportée par les Grecs du Pont, est juste. En effet, l’attribution par Hérodote de la première légende aux Scythes est confirmée par l'analyse de son contenu, ce qui représente un témoignage indirect en faveur de la véracité de l'origine de la seconde légende. Cette supposition a été confirmée il n’y a pas longtemps par un important témoignage épigraphique. Il s'agit d'un graffito trouvé à Olbia dont la photo, une traduction partielle et un court commentaire ont été publiés en 19912. Ce graffito de 12 lignes est écrit sur le tesson d'un vase qui date de 550/530 a.C. C’est une lettre d'un prêtre, ou en tout cas d’une personne liée à un sanctuaire, à son supérieur. Entre autres, l'auteur de la lettre mentionne la région de Hylaia (6) et dit que les autels qui se trouvent là-bas ont été “de nouveau endommagés” (αὖτις oἱ βωμoì βεβλαμμένο[ι εἰσί] : 7). Les divinités dont les autels ont été endommagés sont également mentionnées : il s'agit de la Mère des dieux, de Borysthène et d'Héraclès (8). Ce texte prouve d’abord l'existence réelle de la région boisée de Hylaia près d’Olbia et montre qu’Hérodote connaissait assez bien la microtoponymie de la région d'Olbia. Hylaia est mentionnée également dans les inscriptions d'Olbia plus tardives (IOSPE I2, 34, ier s. a.C.)3. Le texte montre, en outre, que le culte d'Héraclès et de Borysthène, c’est-à-dire des personnages des légendes relatées par Hérodote, existait à Olbia déjà au troisième quart du vie s. a.C. et que leurs autels se trouvaient justement là où l'action de la légende est localisée par Hérodote. Il est intéressant de noter encore un détail. Dans un autre passage (4.76-78), Hérodote raconte l'histoire du prince scythe Anacharsis qui a été reconnu par la tradition grecque comme étant l’un des sept sages. Ce prince a été tué selon Hérodote en Hylaia alors qu’il y faisait un sacrifice à la mère des dieux. On sait maintenant qu’un autel à cette déesse a réellement existé en Hylaia. Toutes ces données témoignent que la légende relatée par Hérodote existait dans la tradition des Grecs pontiques, plus précisément des Grecs d’Olbia. La référence d'Hérodote est donc authentique, comme la référence à la source de la première légende.
4Le deuxième problème qui se pose concerne l’origine de cette légende. La ressemblance de structure et de contenu entre la première et la seconde légendes d'Hérodote invite à se demander si la seconde légende n'a pas été également empruntée par les Grecs aux Scythes. En effet, les deux légendes relatent l'histoire d'une épreuve subie par trois frères et dont le but est de choisir le roi du pays. Dans les deux cas, le vainqueur est le plus jeune frère. Les trois frères sont les enfants d’un fils de Zeus, Targitaos dans le premier cas et Héraclès dans le second. Les frères sont également les descendants d'une déesse liée à l'eau et au monde inférieur, la fille de Borysthène dans le premier texte et d’un être mi-femme, mi-serpent dans le second.
5L'hypothèse de l'origine scythe de la seconde légende4 peut être confirmée par les témoignages directs de la tradition scythe. Il ne s'agit pas ici de données linguistiques, comme dans le cas de la première légende. En effet, la seconde légende est fortement hellénisée et, contrairement à la première, elle n'a pas conservé les noms iraniens des personnages. Les éléments de comparaison sont fournis dans ce cas par des images scythes. Les images en question sont conservées sur des vases rituels en or et en argent trouvés dans deux sépultures royales scythes. Une interprétation convaincante de ces images, confirmée par les expériences avec un arc réel, a été proposée par D. Raevskij5. Le premier vase provient du tumulus de Koul-Oba dans la région de Kertch, en Crimée orientale, qui date du dernier quart du ive s. a.C. (fig. 1)6. On voit sur le vase quatre scènes. La première (b) représente un Scythe en train de bander un arc pour y mettre la corde. La seconde et la troisième (c, d) représentent deux Scythes blessés qui sont soignés par leurs camarades. Leurs blessures sont très spécifiques. C'est justement ce genre de blessures qu'on obtient lors de tentatives ratées de bander un arc composé de type scythe, en utilisant la technique montrée dans la première scène. Si le bout inférieur de l'arc, qui s'appuie sur la hanche droite, glisse, l'arc se détend comme un ressort et frappe avec une grande violence ou bien la jambe gauche, ou la mâchoire inférieure de celui qui essaye de le bander. Les Scythes soignés sur l'image ont justement des blessures à la jambe gauche et à la mâchoire. Si l'artiste voulait représenter les conséquences des tentatives ratées de bander un arc, c'était la meilleure façon de le faire. Il est difficile de trouver un autre sujet mythologique qui correspondrait à cette situation : le sujet représenté ici est trop spécifique. On peut donc conclure que ces trois images contiennent les représentations de l'épreuve des trois frères, ratée par les deux premiers et réussie par le dernier. Enfin, la quatrième scène (a) représente une conversation entre deux Scythes. L’un des deux est habillé de la même façon que le Scythe qui a réussi à bander l'arc ; il s'agit probablement du même personnage, c’est-à-dire du fils benjamin. Il est probable que ce même personnage figure également dans la scène précédente (d), où il soigne un de ses frères. Le second représente un roi : il porte un bandeau qui était un attribut spécifique du roi scythe7. Ainsi, des diadèmes en forme de bandeaux ont été trouvés dans les sépultures royales scythes des tumuli du viie s. a.C. à Kelermès8. Il s'agit donc du roi qui doit dans cette situation être identifié avec le père des trois frères soumis à l'épreuve, c’est-à-dire l’Héraclès de la légende d’Hérodote. Il parle avec son fils le plus jeune qui a réussi l'épreuve, et qui est donc devenu son héritier.
6Le même sujet est probablement représenté sur un vase cultuel du tumulus no 3 des Tchastye kurgany dans la région de Voronej qui est probablement un peu antérieur au tumulus de Koul-Oba (fig. 2)9. Trois scènes sont représentées sur le vase. Il y a sur chacune d’entre elles le même personnage qui discute avec d'autres. Dans la première scène (a), il est représenté avec deux arcs, et il en donne un à son interlocuteur. Ce détail permet de l'identifier comme étant l'Héraclès de la légende d’Hérodote. Hérodote remarque en effet qu'Héraclès avait deux arcs avant d’en laisser un à ses fils. Son interlocuteur est le seul personnage imberbe, ce qui montre qu'il est le plus jeune. Le jeune personnage qui reçoit l’arc est sans doute le troisième frère de la légende d'Hérodote qui a réussi l'épreuve et peut maintenant obtenir l'arc de son père. L’arc occupe la position centrale aussi bien dans la légende d’Hérodote que dans les images de ce vase10. Dans l'autre scène (b), Héraclès parle avec l’un des frères aînés ; on peut supposer qu'il essaye de le convaincre de quitter le pays et de renoncer au pouvoir en faveur de son frère cadet. Enfin, le troisième frère dans la troisième scène (c) est montré au moment de son départ : il a raté l'épreuve et doit quitter le pays. Il tient deux lances, ce qui, dans la peinture de vases grecque indique un départ en voyage. Son père lui montre trois doigts, peut-être pour rappeler que les trois fils ont été soumis à l'épreuve.
7Il faut mentionner encore un vase en argent doré qui provient du tumulus de Gaïmanova Moguila datant du milieu ou du début de la seconde moitié du ive s. a.C. (fig. 3)11. Les images conservées sur ce vase ont été également interprétées comme des représentations des scènes de la même légende12. Cette interprétation semble cependant trop hasardeuse. En effet, aucun élément des scènes représentées sur le vase n’a de parallèles précis avec le récit d’Hérodote. La base de cette hypothèse est l’interprétation de la scène centrale (b) comme étant la transmission d’un arc par une personne plus âgée à une personne plus jeune, qui ont été identifiées à l’Héraclès et au Scythes de la légende hérodotéenne. Or, cette interprétation est purement hypothétique. L’image en question est très mal conservée. D’abord, la représentation présumée d’un objet qui devrait être transmis d’un personnage à l’autre a disparu. Raevskij suppose qu’il s’agit d’un arc en s’appuyant en fait sur l’image du vase de Tchastye. Il s’agit donc d’un cercle vicieux : l’image est interprétée comme une scène de la légende ethnogénétique d’Hérodote, parce qu’elle contient la représentation de la transmission d’un arc, mais cette dernière est reconstituée par analogie avec une autre représentation de cette légende. Il faut ajouter également que le visage du “jeune” personnage est mal conservé et qu’on ne peut pas être certain que ce personnage soit en effet imberbe. Les deux éléments de cette image sur lesquels toute l’interprétation est fondée, ne sont donc qu’une reconstitution. Ensuite, les deux personnages qui sont représentés sous les anses du vase ne trouvent pas leur place dans la légende relatée par Hérodote. L’un d’entre eux (a), un jeune homme imberbe, est serré contre une grande outre et boit le vin d’un gobelet. L’autre (c) rampe en tenant son front avec sa main. L’interprétation de ces deux personnages comme faisant un sacrifice est étonnante et je ne vois aucun indice évident pour une telle interprétation. On pourrait plutôt penser que ces quatre personnages participent à une de ces beuveries scythes qui ont été proverbiales dans le monde grec. En effet, un des deux personnages centraux tient une coupe, et les deux personnages périphériques peuvent représenter les conséquences de l’intempérance. Enfin, la scène suivante (d) représente deux Scythes bien armés qui discutent. Cette scène n’a pas non plus de liens évidents avec la légende d’Hérodote. Il me semble donc prudent de renoncer à l’interprétation des images du vase de Gaïmanova Moguila comme étant une illustration de la légende d'Hérodote. Je n'exclus pas qu’il s’agisse ici d'un sujet emprunté à l'épopée ou à la mythologie scythe, mais nos connaissances dans ce domaine sont si maigres et fragmentaires que nous ne pouvons pas espérer trouver une interprétation convaincante pour chaque image scythe connue.
8Une autre interprétation du vase de Koul-Oba a été proposée par G. Dumézil13 Il refuse de voir ici des illustrations de la légende hérodotéenne, mais les conçoit comme étant des représentations des trois fonctions de sa triade. Cette interprétation ne semble pas convaincante. En effet, rien ne permet de voir dans la première scène (“délibération ou conseil” selon Dumézil) les représentants de la première fonction, les prêtres. Il serait étrange également que l’artiste ait choisi “une délibération” pour illustrer leur activité. Certes, le personnage de la seconde scène est un guerrier (comme d'ailleurs tous les autres), mais il est surprenant qu’il ne soit pas représenté dans son activité normale, par exemple dans un combat. Il est douteux aussi que la mise d'une corde à un arc puisse servir de symbole à toute l'activité guerrière, dès lors que l'on refuse de la lier à la légende d'Hérodote. Le fait que ce personnage est représenté avec deux arcs et qu’il bande celui qui ne lui appartient pas (son propre arc se trouve dans le carquois) reste également sans explication dans l’interprétation de Dumézil. Enfin, il est étrange de voir le symbole de l'activité de la troisième fonction, la production, dans les deux dernières scènes, le traitement des blessures peut difficilement être considéré comme l’essence de cette activité. Il faut remarquer en outre que la présence du même personnage (le troisième frère selon l’interprétation de Raevskij) dans trois des quatre scènes contredit également l’interprétation de Dumézil.
9G. Dumézil a proposé également la même explication pour le vase de Voronej14. Cette interprétation n'est pas plus convaincante. Dumézil admet que les trois scènes représentent le même personnage confronté à trois personnages différents. Il désigne ce personnage “permanent” comme un “chef et pense que le vase le représente dans l'exercice des trois fonctions”. On s’étonne de nouveau du caractère étrange de la représentation de ces fonctions. La scène qui, selon Dumézil, correspond à la première fonction, ne représente pas un sacrifice ni une autre activité “sacrée” : il s’agit de nouveau de la “délibération”. L'interlocuteur du “chef” n’a rien d'un prêtre ; il tient une hache qui est un symbole de la fonction guerrière dans la première légende d'Hérodote. La seconde scène ne représente pas non plus les activités guerrières, comme une bataille ou une chasse, mais ce que Dumézil appelle “l'instruction. La transmission d'un arc, qui a une grande valeur symbolique (ce que Dumézil ne nie pas), représente plutôt un acte d’investiture qu'un simple apprentissage militaire. L'interlocuteur du chef est armé de la même façon que le personnage de la première scène : il tient une hache. La différence la plus importante entre les deux est l’âge : ce personnage est imberbe, ce qui le distingue de tous les autres. Ce détail, sans doute important pour l’artiste, ne trouve pas d'explication adéquate dans le cadre de l'hypothèse de Dumézil, mais représente la base de l’interprétation de Raevskij. Enfin, la troisième scène n’est pas une scène de production. L'interlocuteur du chef est de nouveau représenté ici comme un guerrier et non comme un producteur. Le fait que ce personnage tienne deux lances, un signe qu’il part en voyage, n’est pas expliqué par Dumézil et contredit son hypothèse. Les interprétations de Dumézil ne peuvent donc pas être retenues.
10La légende hérodotéenne et les images du vase de Koul-Oba ont encore un parallèle assez proche : les monnaies d’argent portant le nom d’Éminakos frappées au milieu du ve s. a.C. à Olbia (fig. 5)15. Ces monnaies portent une représentation d'Héraclès en train de mettre la corde à l'arc. Il utilise la même technique que le héros scythe du vase de Koul-Oba et il est représenté dans la même position. Contrairement aux images des vases scythes, Héraclès est habillé ici en peau de lion, suivant la tradition grecque. C'est facilement compréhensible : ces monnaies ont été non seulement frappées dans la ville grecque, mais aussi destinées principalement aux Grecs. L’utilisation de ces monnaies par les Grecs est confirmée, entre autres, par la découverte à Olbia d’un fragment d’oinochoè avec l'empreinte d’une telle monnaie16. Le nom d’Éminakos n’est pas grec et appartient sans doute à un dynaste scythe ou à un gouverneur d’Olbia nommé par le roi scythe. La dépendance politique d’Olbia vis-à-vis des Scythes à cette époque-là est assez bien attestée par les sources17. Le fait qu’on ait choisi ce sujet pour le représenter sur les monnaies montre encore une fois que la légende relatée par Hérodote a joué un rôle important dans l'idéologie des rois scythes. La représentation d’Héraclès qui met une corde à un arc peut être considérée comme une sorte d’armoiries des rois scythes. Comme ces monnaies ont été frappées à Olbia, on peut être sûr que la légende en question a été assez bien connue dans la ville au milieu du ve siècle, c’est à dire à peu près à l’époque où Hérodote a pu la visiter. Cela confirme l’authenticité de la référence aux Grecs pontiques faite par Hérodote.
11Il faut mentionner à ce propos également les monnaies du roi scythe du milieu du ive s. a.C., Atéas, qui ont été frappées dans une des cités grecques du Pont (fig. 4)18. Elles comportent les représentations de la tête d'Héraclès sur l’avers et d'un archer scythe à cheval sur le revers. Le choix de ces représentations n’est pas fortuit et indique encore une fois que les rois scythes ont considéré le personnage légendaire identifié à Héraclès comme leur ancêtre et patron.
12Les représentations d'un autre personnage de la légende relatée par Hérodote, l'ancêtre féminin des Scythes qui avait des serpents à la place des pieds, sont assez courantes dans l'art scythe (fig. 6-10). Ces images, dont nous connaissons plusieurs variantes, représentent sans aucun doute une déesse importante du panthéon scythe19. Il s’agit donc encore d’un élément incontestablement scythe de la légende rapportée par Hérodote.
13Les images mentionnées montrent que la seconde légende d'Hérodote a été connue non seulement des Grecs pontiques, mais également des Scythes. Cette légende jouait un rôle central dans l’idéologie de la royauté d’au moins une partie des Scythes. L'existence de deux variantes de la légende de l'origine des Scythes qui ont cependant des traits communs importants s'explique probablement par l'appartenance de ces deux variantes à des groupes ethniques scythes différents. En effet, les données linguistiques prouvent l'existence de plusieurs dialectes assez différents à l'intérieur de la langue scythe20. Le fait que les Scythes n'ont pas été homogènes est également attesté par les données archéologiques : on distingue plusieurs variantes à l'intérieur de la culture archéologique des Scythes de la région pontique. Il n'est pas étonnant que les différents groupes scythes aient pu avoir des variantes différentes de la même légende.
14La seconde légende relatée par Hérodote est donc d'origine scythe. La forme hérodotéenne de cette légende est bien sûr le résultat de son hellénisation, probablement par les Grecs politiques. On peut essayer de distinguer dans le récit d'Hérodote les éléments appartenant à la légende primitive et les éléments apparus à la suite de son hellénisation.
15Le résultat le plus évident de l'hellénisation de la légende est la disparition des noms scythes. Un des personnages de la légende scythe a été identifié par les Grecs avec Héraclès et a reçu son nom. Nous ne savons pas son nom d’origine, mais il correspond au Targitaos de la première légende rapportée par Hérodote. L'un des résultats de cette interpretatio graeca est la transformation de ce personnage en vagabond. Les représentations scythes que nous avons discutées montrent que, selon la légende primitive, c'était le père lui-même qui avait soumis ses fils à l'épreuve et qui avait choisi son héritier. Les Grecs devaient cependant réconcilier avec les autres légendes le récit selon lequel Héraclès était l'ancêtre des Scythes et ne pouvaient pas permettre à ce dernier de passer toute sa vie en Scythie. Ils ont donc transformé la légende de l'origine des Scythes en un épisode de la vie d’Héraclès, qui pouvait facilement être inclus dans son cycle. En effet, dans l'inscription connue sous le nom de Tabula Albana qui relate le cycle des légendes d'Héraclès, cette légende est incluse avec d’autres dans l’histoire de la vie du héros (IG, XIV, 1293A, 1. 94-97 = FGrHist I, 262).
16La disparition des chevaux d'Héraclès appartient cependant à la légende scythe. En effet, dans les légendes grecques, Héraclès est un piéton ; il ne se déplace pas en char ou à cheval. Le rôle des chevaux dans la légende doit donc appartenir à la mythologie scythe. Il y a au moins un parallèle dans la tradition épique iranienne qui confirme cette supposition. Selon un récit de Šāh-nāma, le héros Roustam s'est endormi lors d’une chasse dans une région éloignée. Quand il se réveille, son cheval a disparu. Il part à sa recherche et parvient au pays de Semengan. La fille du roi de ce pays lui propose de l'épouser en lui promettant de lui rendre son cheval. Roustam accepte et son fils de cette princesse devient l’un des héros principaux de l'épopée Sochrab. La ressemblance entre ces deux légendes est frappante21 et le rôle des chevaux dans les deux cas permet de considérer ce détail du récit d’Hérodote comme authentique.
17Le contenu principal du récit d'Hérodote, à savoir l'épreuve subie par les trois fils du héros et la forme qu’elle revêt, ainsi que l'image d’une mère aux pieds anguiformes, appartient également à la légende primitive. Ce fait est attesté, comme nous l'avons vu, par des représentations sur des objets rituels scythes.
18Les noms des trois frères présentent cependant un problème. Ils correspondent aux noms de trois des peuples qu’Hérodote mentionne comme habitant en Scythie. Ces frères devraient donc être considérés comme les ancêtres et les éponymes des Agathyrses, des Gélons et des Scythes. La première légende relatée par Hérodote et des légendes semblables connues dans d'autres traditions indo-iraniennes montrent cependant que les légendes de ce type décrivent souvent l'origine de la structure sociale. Il est fort probable que la légende en question n'ait pas été une exception. Par contre, les Grecs faisaient souvent remonter les ethnies et les groupes ethniques barbares et grecs à des héros éponymes obscurs qui étaient les descendants de héros bien connus. On peut donc supposer que la version primitive de la seconde légende d'Hérodote contenait, comme la première légende, un récit de l'origine des trois castes ou couches sociales scythes22. Les restes de la forme ancienne de cette légende sont conservés même dans le récit d’Hérodote. D'une façon étonnante, il désigne le troisième frère qui porte le nom de Scythes, comme l'ancêtre non des Scythes en général, mais seulement de leurs rois. Cela contredit le caractère éponyme des trois frères, mais correspond parfaitement à la première légende et, probablement, à la version initiale de la seconde légende.
19Une autre indication sur le contenu primitif de la légende est la mention de deux objets utilisés dans l’épreuve. En effet, Hérodote mentionne une coupe qui est un symbole de la couche sociale des prêtres dans plusieurs traditions iraniennes, notamment dans la première légende hérodotéenne. Le roi obtient non seulement l’arme (la hache dans la première légende et l’arc dans la seconde), qui est le symbole de la couche des guerriers, mais aussi la coupe, ce qui symbolise son pouvoir sur les trois groupes sociaux. La mention par Hérodote d’une coupe qui ne joue aucun rôle dans le sujet est probablement le reste du contenu sociogénétique de la légende primitive. Cette coupe est attachée à une ceinture avec laquelle elle représente une unité indissociable. Il faut remarquer à ce propos que la ceinture joue un rôle important dans les différents rites de passage indo-iraniens, notamment dans les rites d’initiation de la caste indienne des brahmanes. La ceinture spéciale (kostik) joue un rôle important également dans les rites des zoroatriens : les fidèles le doivent porter à partir de 15 ans, ce qui prouve l'origine initiatique de cette coutume. Son introduction est souvent lié au nom de Zoroastre lui-même, mais souvent à celui de Yima / Jamšēt. Selon certains textes, la ceinture est même “identique” à la religion mazdéenne23. On peut donc supposer que cette ceinture avec la coupe symbolise la fonction des prêtres tout comme la coupe de la première légende24. La mention de la ceinture dans le récit d’Hérodote provient donc probablement de la légende scythe et peut également être liée à son contenu primitif.
20La structure sociale des Scythes est étrangère à la société grecque et les noms scythes des castes, ou des couches sociales, ont été sans doute incompréhensibles pour la majorité des Grecs. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient pu modifier cette légende pour la rapprocher de leurs modèles habituels de légendes sur l'origine des barbares. Il faut noter à ce propos que les castes scythes sont désignées par le terme genos, au moins dans la première légende d'Hérodote. Ce terme peut facilement être compris comme une désignation ethnique. On peut donc supposer que la légende sociogénétique scythe est devenue ethnogénétique dans la tradition grecque25.
21Cette transformation est probablement antérieure à Hérodote et s'est opérée dans la tradition d’Olbia. Cette supposition peut être confirmée par le témoignage de la Tabula Albana, l'inscription relatant les exploits d'Héraclès. Comme je l'ai déjà dit, elle contient une variante de la légende de l'origine des Scythes. Cette variante ressemble au récit d'Hérodote, mais elle est probablement indépendante de lui. Le récit n'occupe que 4 lignes (IG XIV, I293A, 1. 94-97), mais il contient des détails inconnus d'Hérodote. La mère des trois frères nommée ici Échidné est considérée comme la fille d'Araxe ; l'auteur rapporte en outre qu'Héraclès a vaincu Araxe avant de s’unir à sa fille26. L'épisode scythe n’est pas lié ici aux vaches de Géryon et il est placé après le séjour du héros en Thrace, ce qui est bien sûr plus logique du point de vue géographique. La Tabula Albana mentionne seulement deux fils d'Héraclès et de la fille d’Araxe qui portent les noms d'Agathyrse et de Scythès. On peut donc penser que ce récit remonte au bout du compte à la même tradition des Grecs d'Olbia que le récit d’Hérodote, et que les noms des éponymes des ethnies scythes ont été introduits par eux dans la légende. La même légende est également connue de Diodore (2.43, cf. Val. Flacc. 6.48-68) dans une version différente, qui est probablement plus proche de l’original scythe.
22Cette légende était connue dans la littérature grecque à une époque bien antérieure à Hérodote, comme l’atteste, au troisième quart du vie s., un passage du Catalogue des femmes attribué à Hésiode (fr. 150, 15-16, Merkelbach & West)27. L'auteur du Catalogue, en mentionnant les Scythes, remarque qu'ils sont les descendants d’Héraclès (Σκύθας ἱππημολογούς [---γ]ένεθ’υἱòς ὑπερ[µ]ενέος Κρονίωνος). Il s'agit donc d'une variante de la légende qui fait probablement remonter les Scythes à un héros fils d’Héraclès. On peut supposer que la source d'information est ici la même que la source d'Hérodote et de la Tabula Albana, c'est-à-dire la tradition locale d'Olbia.
23La légende scythe a été empruntée par les Grecs d'Olbia très tôt, peut-être par la première génération des colons qui ont fondé la ville au début du vie s. a.C., ou même par les habitants de Bérézan, le premier établissement grec de la région, qui a été fondé au troisième quart du viie s. Les Grecs de Bérézan et d’Olbia ont entretenu des contacts très étroits avec les barbares indigènes et la présence d’un élément barbare dans ces établissements était très importante à la fin du viie et dans la première moitié du vie s. a.C.28 Lors de ces contacts, les premiers colons grecs ont pu emprunter à leurs voisins non seulement des éléments de la culture matérielle (ces emprunts sont attestés par les données archéologiques), mais également des légendes. Cette supposition est confirmée non seulement par le témoignage du Catalogue des femmes, mais également par l'existence d’autels de Borysthène et d’Héraclès dans l'Hylaia au troisième quart du vie s., qui est attestée par le graffito mentionné. L'existence du culte d'Héraclès à Olbia à une époque aussi ancienne n'est pas banale : ce culte n'a pas été particulièrement en honneur dans sa métropole Milet29. Ce fait, ainsi que le fait qu'Héraclès ait été vénéré non dans la ville, mais dans un endroit plus ou moins éloigné, d'ailleurs à côté d'une divinité incontestablement indigène, Borysthène, permet de supposer que son culte est apparu à Olbia sous l'influence scythe. L'emprunt des cultes barbares n'était pas rare dans le monde grec et des exemples de ce genre sont également connus dans la région pontique. Ainsi, les Grecs de Chersonèse de Tauride ont emprunté le culte de la déesse des Taures, leurs voisins. La déesse était appelée simplement “la Vierge” et parfois identifiée à Artémis. Cette Parthénos est même devenue la divinité principale de la cité.
24En conclusion, on peut constater que deux légendes sur l’origine des Scythes relatées par Hérodote remontent à la tradition de deux groupes scythes différents. Elles représentent deux variantes de la légende iranienne de l'origine du monde et de la structure sociale. Les références aux sources d’information données par Hérodote sont exactes. La première légende représente une transmission fidèle d'une légende scythe qui a été reçue par Hérodote directement de la tradition scythe. La seconde a été empruntée aux Scythes par les Grecs d'Olbia à une assez haute époque, en tout cas avant le troisième quart du vie s. et a existé assez longtemps dans leur milieu. Il est probable que certains cultes scythes, notamment ceux du fleuve Borysthène et du héros identifié à Héraclès, ont été également empruntés par les Olbiopolites. La légende scythe a été modifiée dans le milieu grec et adaptée aux schémas narratifs familiers dans ce milieu. C'est cette variante hellénisée qui a été empruntée par Hérodote et relatée comme la version grecque de l'origine des Scythes. Cette légende a été reprise à la tradition locale d'Olbia également par d'autres auteurs, notamment par celui du Catalogue des femmes (sans doute indirectement), qui date probablement de 540/520 a.C., et par la source de la Tabula Albana.

Fig. 1. vase de Koul-Oba ; 2. Vase du tumulus no 3 des Tchastye kurgany ; 3. Vase de Gaïmanova Moguila (d’après Raevskij 1977).

Fig. 4. Monnaie d’Atéas ; 5. Monnaie d’Éminakos ; 6-10. Représentations de la déesse anguipède : 6 et 8. Nécropole de Chersonèse ; 7. Elizavetinskaïa ; 9. Bolchaïa Bliznitsa ; 10. Tsymbalova Moguila (d’après Raevskij 1977, 1985 ; Bessonova 1983).
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Notes de bas de page
1 Ivantchik 1999.
2 Rusjaeva & Vinogradov 1991, 201-202.
3 L'existence de bois dans la région d'Olbia à l'époque antique est d’ailleurs confirmée par les études paléobotaniques : Nejstadt 1957, 362.
4 Pour l’origine scythe de cette légende, voir : Miller 1887, 128-129 ; Aly 1921, 121 (“die echte Skythensage im griechischen Gewande”) ; Grakov 1950, 7-18 ; Tolstoj 1966, 232-248, etc.
5 Raevskij 1977, 30-36.
6 Pour les images, voir Schiltz 1994, 171-175, fig. 124-127.
7 Ce fait a été déjà noté dans les premières études du vase : Tolstoj & Kondakov 1889, 141 ; Rostovcev 1914, 85.
8 Galanina 1997, 132-139, Taf. 28-30 (14-15, 38).
9 Pour les images, voir Schiltz 1994, 390-391, fig. 312. Des remarques importantes sur ce vase ont été faites par M. Rostovcev (1914), mais l’interprétation de ces images comme des illustrations de la légende scythe a été proposée pour la première fois par D. Raevskij (1977, 30-33).
10 Cf. également le rôle d'un arc comme un symbole de royauté dans la tradition perse. Ainsi, quand Cambyse a vu son frère Smerdis bander l'arc envoyé par le roi des Éthiopiens tandis qu'aucun autre Perse n'avait pas réussi à le faire, il a senti son trône en danger (Hdt. 3.30). Darius souligne dans une de ses inscriptions (DNb. 8h) qu'il est un “bon archer”. Enfin, Cyrus le Grand a été enterré avec un bouclier, une épée et deux arcs “scythes” (Quinte Curce 10.1.32). Les rois achéménides sont souvent représentés avec un arc sur les reliefs et les monnaies perses.
11 Pour les images, voir Schiltz 1994, 176-177, fig. 128-129.
12 Raevskij 1977, 36-39. Cf. une interprétation légèrement différente : Schiltz 1994, 172, 178.
13 Dumézil 1978, 198-199 ; Dumézil 1982, 92-93.
14 Dumézil 1982, 86-94.
15 Pour ces monnaies, voir : Karyškovskij 1960, 179-195 ; Karyškovskij 1984, 78-89 ; Vinogradov 1989, 93-94, 121.
16 Karyškovskij 1984, 81-82, fig. 3, 1.
17 Vinogradov 1989, 90-109.
18 Anochin 1965, 7-14 ; Anochin 1973, 20-41 ; Raevskij 1977, 167-169.
19 Pour ces représentations, voir Artamonov 1961, 65-73 ; Petrov & Makarevič 1963, 23-28 ; Bessonova 1983, 93-98.
20 Pour les données linguistiques liées aux Scythes, notamment des dialectes différents, voir Abaev 1979, 272-364.
21 La ressemblance entre ces deux légendes a été souvent signalée : Miller 1S92, 11 S-119 ; Tolstov 1948, 294-295 ; Tolstoj 1966, 245-246 ; Raevskij 1985, 38-40.
22 Cf. Grakov & Meljukova 1954, 43 ; Raevskij 1977, 73-74.
23 Pour les textes, voir Molé 1963, 308, 410-411.
24 Pour une argumentation détaillée de cette interprétation, voir Ivantchik, 1999.
25 Cf. Raevskij 1977, 75. Cette supposition semble la plus probable, mais on ne peut pas exclure que ce développement ait eu lieu encore dans le milieu scythe. Un développement de ce type est connu ailleurs dans la tradition iranienne. En effet, la légende des trois fils de Feridun, qui a eu primitivement un sens social et qui correspond à la première légende hérodotéenne de l’origine des Scythes, a subi une telle réinterprétation. Ainsi, dans les versions de cette légende conservées dans l'Apocalypse de Jamasp et dans le Šāh-nāma de Firdousi, les trois frères conservent toujours des liens avec les différentes fonctions sociales, mais ils deviennent en même temps les ancêtres de différentes ethnies. Le frère aîné Salm qui incarne la richesse et la production reçoit la terre de Rome. Le second frère Toz ou Tur, qui est un guerrier, devient le roi de Turkestan ou Touran. Enfin, le troisième frère Erič ou Iraj, lié au domaine de la loi et de la religion, reçoit le territoire de l’Iran et devient l'ancêtre et l’éponyme de sa population, les Aryens. La tripartition ethnique est ici également tardive par rapport à la bipartition sociale. Cette forme de la légende remonte probablement à l’époque sassanide dont elle reflète les conditions politiques. Cf. Molé 1952, 455-463.
26 G. Dumézil (1983, 87) pense que ce récit dépend d’Hérodote, mais il me semble difficile de déduire ces détails de son texte.
27 Pour la date de ce poème, voir Stiewe 1962, 291-299 ; Stiewe 1963, 1-29, surtout 20-29 ; West 1985, 125-137. Cf. Marcotte 1988, 249-257.
28 Marčenko 1976 ; Marčenko 1988, 107-121. La céramique barbare représente à peu près 10 à 12 % de toute la céramique de l’époque archaïque (sauf les amphores) trouvée à Bérézan, ce qui est un pourcentage très élevé, cf. Marčenko 1988, 52, tab. 3.
29 Pour le culte d’Héraclès à Milet, voir Ehrhardt 1988, 180-182.
Auteur
CNRS Bordeaux - Ausonius.
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