Peuples, cités et fondateurs dans les Cyclades à l'époque archaïque
p. 109-121
Texte intégral
1Sur l'île de Délos, à l'extérieur du sanctuaire d'Apollon, précisément entre le sanctuaire et le Quartier du Stade, les fouilles de l'École Française d'Athènes1 ont mis au jour un complexe architectural dont il ne subsiste que quelques vestiges, les plus anciens remontant sans doute aux premières décennies du vie s. Il s'agit du sanctuaire du héros Anios, roi mythique de l'île à l'époque de la guerre de Troie.
2Trois types de sources permettent de cerner la personnalité de ce héros : les textes littéraires, les vestiges architecturaux, et le matériel découvert au cours des campagnes de fouilles.
3Les textes littéraires mentionnant Anios sont peu nombreux, moins de vingt documents, réduits parfois à une simple allusion2. Remaniée, sinon transformée à partir du ier s. a.C., la mythologie originelle de ce héros se limite à un petit nombre d'événements : Anios est fils d’Apollon et de Rhoio, roi de Délos, et il est surtout connu pour avoir trois filles, les Oinotropes, qui ont reçu de Dionysos le don de transformer ce qu'elles touchaient, en vin, en blé et en huile. Anios aurait offert ses filles aux troupes grecques en partance pour Troie, alors qu’elles faisaient halte sur Délos : ainsi expliquait-on le fait que les Grecs n'aient pas souffert dans leur ravitaillement pendant les dix années de guerre. Ce noyau primitif du mythe semble avoir été mis au point pour la première fois dans Les Chants Cypriens, épopée racontant les préliminaires de la guerre de Troie et datée du viie s.3 Anios fait figure de roi d'épopée, qui parle d'égal à égal avec les héros Achéens les plus illustres.
4Les vestiges architecturaux sont situés à côté de sept tombes trouvées intactes et datées par la céramique entre la fin du viie s. et le tout début du vie s. : elles ne semblent pas entretenir de lien organique avec le sanctuaire héroïque, qui leur tourne littéralement le dos. L'hérôon d'Anios se compose de deux constructions distinctes : l'Escharôn, lieu ou se dressait un autel de cendres, et les Oikoi. L'Escharôn est constitué d'une eschara circulaire, placée au centre d'une pièce close par quatre murs à l'époque archaïque, puis entourée par quatre portiques aux époques ultérieures. La seconde construction est faite d'un long bâtiment rectangulaire divisé en trois grands compartiments, élevés à diverses époques, probablement destinés à servir de salles de banquet. Ces constructions architecturales montrent que le héros a été honoré d'un culte depuis l'époque archaïque, sans doute le début du vie s., jusqu'à l'époque hellénistique. Les passages des Comptes ou les Inventaires relatifs au sanctuaire de l'Archégète, appelé Archégésion un peu avant la seconde domination athénienne4, confirment l'existence d’un culte porté à Anios alors même que la cité de Délos avait perdu toute autonomie politique. C'est pourtant un rôle d’identité politique qui semble à l'origine du culte : deux linteaux découverts non loin du sanctuaire et traditionnellement attribués à l'une de ses contractions affirment, dans un alphabet de la fin du ve s., qu'il n'est pas permis d’entrer aux étrangers (Ξένωι οὐχ ὁσίη ἐσιέναι)5. La prescription religieuse paraît bel et bien en vigueur avant la gravure de cette inscription. Les tessons inscrits appartenant aux vases archaïques dédiés à Anios et découverts pendant les fouilles montrent que l'alphabet utilisé possède certaines caractéristiques phonétiques et graphiques récurrentes qui ne se rencontrent jamais dans les alphabets des autres grandes îles des Cyclades6. La cité a honoré dans ce sanctuaire son héros, elle s'est constitué une identité autour de son eschara, quand le sanctuaire d'Apollon était le théâtre d'un culte de plus en plus international, offert par les diverses cités ioniennes, et donc l'objet de toutes les convoitises.
5Le matériel céramique trouvé lors des fouilles n'apporte pas seulement des précisions linguistiques. Il permet de déterminer la façon dont les Déliens appelaient Anios lorsqu'ils l'honoraient. Trois titres sont employés dans les dédicaces inscrites : ΘΕΟΣ, ΒΑΣΙΛΕΥΣ, ΑΡΧΗΓΕΤΗΣ. Nous ne retiendrons, dans le cadre de cette étude, que le dernier.
6Le titre d'archégète appliqué à Anios se rencontre à l'époque hellénistique dans les Comptes et les Inventaires de manière systématique, à l’exclusion des deux autres : on y parle du “sanctuaire de l'Archégète”, du “téménos de l'Archégète”, du “néocore de l'Archégète”... En revanche, les inscriptions céramiques d'époque archaïque portant la mention ἀρχηγέτηι ou ἀρχηγέτου sont peu nombreuses, cinq au mieux, et le plus souvent incomplètes, abrégées en AP : parfois une seule lettre A est gravée, et il est alors impossible de distinguer celles qui signifient ἀρχηγέτης de celles qui signifient Ἀνίος. Si ce titre se retrouve à toutes les époques du culte, la période archaïque est mal représentée. Faut-il penser qu’il n'était à l'origine que secondaire aux yeux des Déliens, ou que la rareté des testimonia est le résultat du hasard des trouvailles archéologiques ? Quoi qu’il en soit, la présence du titre sur quelques tessons suffit à en établir l'utilisation à l'époque archaïque : Anios est un archégète.
7De façon générale7, un héros ou une divinité sont qualifiés d'archégète (ἀρχηγέτης8) lorsqu'ils jouent à l'égard d'une communauté, d'une cité, un rôle de dirigeant. En ce sens, archégète est synonyme de souverain. Le cas de Sparte reste la meilleure illustration historique de cette signification : Plutarque affirme que les rois y étaient appelés archégètes9. Hérodote désigne par ἀρχαγέται, les chefs d'une cité perse (6.86). Dans la langue poétique, le mot est bien employé comme synonyme de roi : Danaos, dans Les Suppliantes (v. 184) d'Eschyle, parle de τῆσδε γῆς ἀρχηγέταις en apercevant au loin venir les chefs de la contrée ; Pélasgos (v. 251) est qualifié de la même manière. Pindare (Ol., 7.78) appelle Tlépolémos l'Archégète de Tirynthe, ce qu'il était avant de s'enfuir d'Argolide et de fonder les trois cités de l'île de Rhodes, Ialysos, Lindos et Camiros10. Encore chez Sophocle (O.R., v. 751), c'est ce sens de souverain qu'il faut retenir11. On pouvait adjoindre à toute divinité poliade l'épithète d'archégète, comme c'est le cas d'Athéna à Athènes ou encore Apollon à Mégare12. En somme, il n'est retenu, dans cette acception du mot, que l'aspect de commandement, contenu dans la seconde partie du terme, ἡγεῖσθαι, conduire, diriger. La première partie, ἀρχή, renvoie alors à la place prééminente tenue par le héros ou le dieu à la tête d'une communauté.
8Mais le titre ne se limite pas à cette signification. Le mot archégète s'applique aussi à celui qui est au commencement, celui qui en est le créateur, à l'origine d'une cité, d'une tribu, d'une famille13... C'est ce sens qu'il faut retenir pour les dieux et les héros archégètes – appelés souvent simplement ἀρχηγέται14 – qu'honorent les cités ou toute forme de communauté. Cette fonction de fondateur est dévolue à un ensemble de divinités ou de héros, dont parfois l'unique raison d'être réside dans le fait qu'ils sont les premiers d'une famille, d'un clan, d'une cité, les premiers de qui tout découle, descendance, communauté, peuplement. Ils permettent à tous et à chacun de se distinguer d'autrui par un ancêtre fondateur différent, mais en même temps d'être intégré dans un ensemble plus large, étant entendu que les fondateurs sont liés entre eux, dans la mythologie qui les constitue, par la parenté, l'hospitalité, la hiérarchie, etc15. Un fondateur pour une famille ou une cité sert à la fois à affirmer sa qualité, par le point de départ qu'il instaure en un âge lointain, et à se situer par rapport aux autres familles, aux autres cités, dans une koinè mythologique qui, au fond, représente l'histoire sainte16 du monde grec. L'archégète est le certificat d'existence de toute communauté. Leur nombre est immense, comme l'apprend incidemment la réforme de Clisthène, en retenant parmi cent archégétai les dix héros éponymes des tribus attiques sélectionnés par la Pythie. Tout dème, tout genos, toute phratrie avait son archégète, à qui on rendait un culte17. Ils ne sont quasiment jamais anonymes18.
9Les dieux archégètes n'ont pas d'attribut spécifique dans leur culte, sinon cette épithète qui accompagne leur nom lors des offrandes. C'est également le cas de bon nombre de héros archégètes. Certains héros, même, sont honorés d'un culte parce qu'ils ont fondé une cité, et ne sont pourtant jamais désignés dans nos sources comme archégètes19. En revanche la plupart des héros archégètes sont identifiés par leur tombe. Ils peuvent se distinguer par d’autres qualités, telle l’éponymie, mais leur tombe constitue la preuve concrète, manifeste, de leur existence, et donc de l'existence du groupe ou de la cité qu’ils ont fondé(e). Elle est un mnèma. Déjà dans l'Iliade (20.216) où les Troyens se réunissent autour du tombeau d'Ilios, fondateur mythique de Troie, la tombe joue un rôle centripète en rassemblant autour d'elle les membres d'un goupe ou d'une cité. La tombe du héros archégète d'une polis, située le plus souvent sur son agora ou non loin de son premier espace politique, assure par le culte dont elle fait l'objet un ancrage dans un territoire20. Ce culte devient alors un acte de souveraineté de la part de la cité ou de la communauté, et ce n'est que par lui qu'un héros fondateur devient réellement archégète. Selon une distinction désormais acceptée par les historiens contemporains21, il faut cependant dissocier culte sur tombe (“tomb cult”) et culte héroïque (“heroic cult”). Alors que le premier est entendu comme une vénération temporaire d'une tombe (familiale, ancestrale, ou “redécouverte” et interprétée comme héroïque) avec une offrande isolée, le second implique l'instauration d'un culte régulier et institutionnalisé. Les archégètes rentrent dans la seconde catégorie : leur tombe est un lieu de culte qui s'inscrit dans la durée et qui suppose un minimum d'organisation collective.
10Anios est archégète et roi. Il faut entendre archégète ici dans le sens de fondateur puisque son titre de roi indique déjà sa place dans l’ordre social de sa cité. Archégète ne saurait être synonyme de roi dans ce cas : on possède des attestations épigraphiques d'emplois concomitants et distincts des deux appellations aussi bien pour l'époque archaïque que classique. Le problème est que si rien n'avait été conservé de son titre d'archégète, il serait impossible d'en déduire son existence puisqu'aucune tombe n’est attachée à ce héros. La petite nécropole sur laquelle semble s’être installé le sanctuaire de l’Archégésion ne paraît pas avoir joué de rôle dans le culte d’Anios, et si les Déliens ont éprouvé le besoin d’instituer ce culte précisément sur cette nécropole, rien n'indique que ce choix fut fait parce que l’une de ces tombes était considérée comme celle d’Anios. S'il ne s'agissait pas d'un héros expressément honoré en tant qu’archégète, cette absence de tombe pour un culte héroïque ne poserait guère de problème en soi. Dans ce cas en effet, le tombeau, les reliques ne sont plus considérés par les historiens22 comme des éléments essentiels : il ne faut pas se focaliser trop exclusivement sur l'épisode des restes de Thésée rapportés par Cimon23 pour en déduire que les vestiges funéraires sont une condition sine qua non aux yeux des Grecs pour la fondation d'un tel culte. L’important ici est moins les reliques que leur transfert à Athènes qui vise à ancrer le héros dans un territoire : c'est cette dimension spatiale, locale, qui motive le geste d'appropriation des ossements supposés appartenir au héros. Certains cultes héroïques se font sans tombeau et sans reliques24. En revanche, les héros archégètes sont quasiment tous honorés sur leur tombe, qu'ils soient les fondateurs mythiques d'une cité ou les fondateurs historiques d'une colonie. Au sanctuaire d'Anios cependant, aucune tombe ne peut faire office de tombe fédératrice autour de laquelle les Déliens se réuniraient pour honorer leur ancêtre commun : le cœur de l'Archégésion n'est pas un tombeau, mais une eschara, et l’Archégésion est totalement excentré par rapport aux espaces politiques et aux grandes agglomérations de Délos, aussi bien du sanctuaire d'Apollon que des habitations. Anios est un archégète sans tombeau.
11La tradition littéraire confirme ce caractère un peu particulier d'Anios. Elle n’a conservé en effet aucun récit de fondation de la cité de Délos : les premiers textes consacrés à Anios, évoqués souvent dans des sources hellénistiques et romaines, ne mentionnent ce héros que parce qu'il avait joué le rôle d'hôte des armées grecques en partance pour Troie, ce qui semble constituer l'essentiel de sa légende. Quelques traditions tardives concernant sa naissance nous sont parvenues : par exemple, une scholie à Lycophron (Alex., v. 570)25 apprend qu'Anios vient du verbe ἀνιάω-ῶ, “avoir mal”, allusion directe aux souffrances de sa mère lors de l'accouchement26. D’autres récits courent sur sa mère et son père. Mais sur l'installation d'Anios à Délos et sur son règne à proprement parler, aucun mythe ne semble avoir été développé ou, à tout le moins, conservé. Anios a déjà fondé sa cité avant l'arrivée des armées achéennes, rien n’est dit sur l'acte de fondation même. Pourtant, les héros archégètes font l'objet le plus souvent de longs récits offrant la genèse d'une cité, la raison de son emplacement, de son organisation, au moins de son nom27. Avec Anios, rien de tel : il ressemble à un fondateur sans fondation.
12L'absence présumée de tout récit de fondation dans le mythe d'Anios rapporté par les grands cycles épiques du viie s. indique que son titre d'archégète – et les légendes éventuelles, en tout cas non conservées, y attenant – possédaient un aspect spécifiquement local. Si βασιλεύς caractérise Anios comme héros épique, comme héros digne d'accueillir les grands héros de la geste troyenne, ἀρχηγέτης caractérise Anios comme héros local, étroitement lié à l'histoire de Délos. Anios a pu n'être qu'un personnage secondaire dans les Chants Cypriens, sa caractéristique cependant qui consiste à articuler une dimension diffusée interrégionalement (βασιλεύς de l’épopée) et une dimension limitée localement (ἀρχηγέτης de Délos) est rare dans le monde grec. S’il faut se fier aux quelques attestations apportées par les tessons inscrits de l'Archégésion, Anios, héros mineur de l'épopée, a été, au début du vie s., récupéré et honoré par les Déliens comme leur héros fondateur, et c'est cette dimension qui a fini par l'emporter dans l'histoire de l'île, au point que sa titulature se réduise à ce titre et que disparaisse des textes officiels celui de roi. Les deux titres évoluent de manière inversement proportionnelle. Jamais les sources littéraires, aussi haut que l'on remonte, n'évoquent de récit de fondation ni même ne mentionnent le mot d'archégète. Les tessons inscrits archaïques de l'Archégésion sont les premiers à l'attester, timidement. Dès l'époque classique, il est abondamment utilisé. Les Comptes et les Inventaires hellénistiques y recourent exclusivement. Dans les Chants Cypriens, Anios est un βασιλεύς ; à Délos, il est un fondateur. Anios n'est pas un archégète, il le devient.
13Archégète sans tombeau, fondateur sans fondation, héros apparemment aussi pauvre dans l'épopée que dans la mythologie délienne, mais présent dans un registre comme dans l'autre : Anios est un fondateur dont le relief n'est pas des plus saillants. Il ne correspond sans doute à aucun événement historique : la cité de Délos doit probablement trouver naissance au ixe ou au viiie s. quand le sanctuaire d'Apollon entame son développement28, soit au moins un siècle avant l'apparition des premières traces de culte à Anios. Mais cet archégète, par delà sa pâleur mythologique, témoigne du recours, dans les Cyclades archaïques, au mythe des origines pour l'affirmation d'une identité politique, identité d'ailleurs d'autant plus menacée que les Déliens ont été apparemment en butte, depuis la haute antiquité, aux appétits de puissance d'autres cités (Naxos, Samos, Athènes)29.
14Dans une autre île des Cyclades, à Théra, le titre d'archégète est bien connu là aussi. Battos, le fondateur de Cyrène parti de Théra, offre la première attestation historique du titre. Le célèbre “pacte des fondateurs” de Cyrène30, trouvé en 1928 à Cyrène, daté du ive s. a.C., reproduit notamment le serment et les imprécations qui auraient été prononcés au départ des colons théréens. Même s'il s'agit d'un “faux”, il se fait incontestablement l'écho d'une tradition avérée puisqu'Hérodote (4.153) reproduit un récit et use de termes sensiblement identiques aux propos de l'inscription. Battos, l'oikiste, est désigné sur la stèle comme “archégète et roi” tandis qu'Hérodote parle de lui comme d’un “hégémon et roi”. Si l'on accepte qu'archégète et hégémon sont deux titres interchangeables, le pacte et le récit de l'historien distinguent deux fonctions différentes. I. Malkin31 propose de comprendre la première comme désignant l'acte de fonder une cité, la seconde comme désignant la position officielle du fondateur dans cette cité. L'archégète dès lors n'est pas seulement celui qui dirige, mais celui qui, le premier, crée la cité à diriger. Loin de renvoyer uniquement à des étapes chronologiques distinctes, ces deux fonctions désignent deux aspects complémentaires d'un même processus, celui de l'élaboration d'une cité et de son organisation. Battos a été, à sa mort, enterré au centre de la cité, sur l'agora de Cyrène, et a fait l'objet d'un culte : peut-être même l'endroit a-t-il servi de manteion32. Les vestiges archéologiques permettent difficilement de préciser la forme exacte de cette tombe et de ce culte. Quoi qu'il en soit, l'aspect fédérateur du tombeau de Battos, autour duquel la cité définit concrètement son origine, son point de départ constitutionnel et religieux, relève d'un mécanisme opératoire dans l'instauration des cultes d’archégète dans le monde grec à partir du viie s. : sans que nécessairement un système politique d'isonomie soit instauré, le culte sur la tombe d'un fondateur permet à la cité de passer d'une logique clanique, structurée autour de l'ancêtre, à une logique politique, centrée sur une origine tangible, où la participation au culte commun forme un des éléments constitutifs. Battos a beau instaurer, en fondant Cyrène, une lignée monarchique, il dépasse les seuls intérêts de sa caste en organisant l'espace civique et religieux de sa cité. La notion de descendance n'est pas abolie, mais, développé autour du titre d'archégète, le culte de Battos relève d'une forme d'identité collective qui intègre dans le tissu social les lignages aristocratiques33.
15Ce modèle colonial fut à l'œuvre, selon les historiens Grecs, à Théra même, sans que Théras, éponyme de l'île et oikiste venu de Sparte, vers la fin du xe s., ait fait l'objet d'un culte héroïque. Aucune trace d'un tel culte n'a été en tout cas conservée. Jamais il n'est mentionné dans nos sources avec le titre d'archégète34. Une inscription de Théra (IG, XII.3, 762), datée des environs de 600 a.C., semble désigner par archagètas un titre de type royal, plutôt que le nom propre d'une personne, comme on l'a quelquefois avancé. Depuis sa première publication par A. Boeckh, les commentateurs passent d'une interprétation à l'autre. I. Malkin est favorable à la première explication, étant donné le contexte spartiate où se place ce texte35. Quoi qu'il en soit, il est établi que le titre d'archégète est connu dans les Cyclades depuis au moins le viie s. : on peut se demander même si l’initiative de Théra n'a pas exercé une influence sur les Déliens qui, désireux d'affirmer leur identité civique, auraient emprunté à leurs voisins du Sud cette forme de culte héroïque. En fait, cela suppose que soit réglé le problème de savoir qui, des colonies ou des métropoles, a pris l'initiative du culte des fondateurs. Mais, dans le cas de l'archégète Anios, personnage mythique, ou dans le cas de l'archégète Battos, personnage peut-être historique36, que la naissance réelle de la cité corresponde effectivement à l'arrivée du fondateur (Battos) ou que cette naissance précède l'installation du culte voué au fondateur (Anios), le processus d'héroïsation offre les mêmes valeurs dans les deux îles : il s'agit d'établir une origine à la communauté politique formée par la cité.
16Anios est un fondateur sur une île ionienne, Battos un fondateur provenant d'une île dorienne. Délos l’ionienne et Théra la dorienne usent d'un même type de culte pour établir l'origine d'une cité, par delà leur différence ethnique. Mieux, le processus minutieux que ces deux îles mettent en œuvre dans une fondation n'est-il pas le seul objet d’intérêt de la part de ces Grecs des Cyclades, alors que l'origine de leur peuplement respectif ne serait qu'un problème secondaire, subsidiaire, sans valeur parce que sans valeur politique ?
17L'origine des Doriens dans les îles des Cyclades correspond, pour les historiens antiques, à l'arrivée des colons venus de Sparte37. L'exemple de Théras est éclairant : en même temps qu'il fonde une cité, Théras est à l'origine de la présence des Doriens dans l’île. La venue des Doriens dans les Cyclades est ainsi renvoyée à l'origine des Doriens tout court : l’expédition de Théras est au fond un des aboutissements de ce grand mouvement dorien qui habite l'imaginaire des Grecs anciens, de ce “retour des Héraclides” qui reprennent possession du domaine paternel après un exil en Doride38. La colonisation spartiate, conçue comme la poursuite au xe s. des poussées de populations survenues après la guerre de Troie, prend le relais de la descente des Doriens depuis la Grèce Centrale jusqu'à Sparte, et conduit les Doriens vers les Cyclades et la Crète, jusqu'en Afrique même avec Battos39. Ce mouvement descendant n'est pas seulement géographique, il est étiologique : par delà les frontières, les communautés civiques, les constitutions politiques, par delà le cadre clos des cités, il mène de Zeus, ascendant d'Héraclès, lui-même ascendant des Héraclides, jusqu’à Théras et Battos, dans un flux mouvant sans véritable interruption. Tyrtée, par exemple, évoque la première conquête de la Messénie comme un fait remontant à la génération des pères de ses pères (κατὰ τοὺς τῶν πατέρων πατέρας)40. Il ajoute à propos d'Erinéos, ville de Doride : “Le Cronide en personne, époux d'Héra à la belle couronne,/ Zeus a fait don de cette ville aux Héraclides,/ Avec eux nous [les Spartiates] avons quitté Erinéos battue des vents / Et nous sommes venus dans la grande île de Pélops’’41. Et Thucydide de conclure de manière générale (1.2) : “La Grèce actuelle n'était pas anciennement habitée de façon stable : on émigrait, dans les premiers temps, et tous quittaient facilement leurs résidences sous la pression des circonstances”. Pour un Grec, un peuple est une masse en mouvement, qui draîne dans son cours quelques caractères définitoires, comme le nombre des tribus ou des noms de fêtes ou de mois dans les calendriers des cités, ou encore, à la rigueur, certains particularismes linguistiques, mais l'origine d’un peuple se perd dans la nuit des temps puisque ceux qui en sont les créateurs remontent eux-mêmes, par leur lignage, jusqu'au principe fondateur de toute chose, jusqu'à l'auteur de la chiquenaude, dirait Pascal.
18L'origine des Ioniens relève du même phénomène dans l'imaginaire grec42. Hérodote permet de préciser ce qui pour un Grec ancien définit un Ionien : loin de n'employer ce terme que pour qualifier les habitants d'une des cités de la dodécapole micrasiatique, il comprend par Ioniens tous ceux qui sont originaires d'Athènes et célèbrent les Apatouries (1.147.2). C'est le cas des Ioniens des îles. La première attestation de ces Ioniens se trouve dans l'Hymne à Apollon (147 et 152). Leur origine renvoie à une mythologie complexe. Élien raconte que Neleus, fils de Codros, parti fonder Milet, aurait laissé quelques-uns de ses compagnons à Naxos, au cours d'une halte (Histoires variées, 8.5). Zénobius précise qu’il aurait donné l'ordre à ses deux fils, Hégétor et Hippoclès, de conquérir les Cyclades : l'un aurait réussi, l'autre ne se serait emparé que de Mykonos (Adages, 5.17) Une scholie à un géographe mineur, Dionysios43, présente une version quelque peu différente : si Hippoclès s'empare bel et bien de Mykonos, en revanche c'est Archétimos et Teuclos qui prennent possession de Naxos. La même scholie a conservé une liste des Athéniens venus au passage dans les autres îles lors des migrations ioniennes : Thersidamas aurait installé les Ioniens à Kéos, Alcénor à Siphnos, Kynaithos et Eurylochos à Andros, Kestor et Képhalenos à Kythnos, Klytios et Mélas à Paros, Etéoclos à Sériphos, Hippomédon à Syros, Antiochos à Délos, les Déliens à Rhénée, les Naxiens à Amorgos. A vrai dire, l'arrivée des Ioniens dans les îles est le fait de héros bien diaphanes. Pour le seul cas de Délos, que dire de cet Antiochos mentionné par la scholie, Athénien prétendu premier chef des Ioniens sur l'île et daté après le retour des Héraclides, quand les Chants Cypriens situent Anios au temps de la guerre de Troie et qu'il est honoré par sa cité comme son premier roi fondateur ? Quoi qu'il en soit, Hérodote affirme (7.95) que les habitants des Cyclades sont à l'origine un peuple pélasgique et qu'ils ont pris ultérieurement le nom d'ioniens pour les mêmes raisons que les Ioniens de la Dodécapole venus d'Athènes. Il raconte en outre (1.57) que les Pélasges de l'Attique sont devenus des Ioniens en apprenant une langue nouvelle et que, comme Ioniens, ils ont migré vers les côtes d'Asie Mineure, ce qui revient à dire que les gens des Cyclades sont des Ioniens avant leur établissement dans les îles. C'est renvoyer, une fois encore, l'origine des Ioniens des îles à l'origine des Ioniens tout court : ils sont eux aussi l'aboutissement des grands mouvements migratoires qui, pris à rebrousse poil, oblige à remonter au plus loin des temps et des origines. Les Ioniens à proprement parler sont, pour les historiens antiques, le résultat de la poussée des peuples déplacés par l'invasion des Doriens, peuples qui se sont regroupés en Attique pour plus tard passer sur les côtes de l'Asie Mineure, sous la conduite d'ion, petit fils d'Hellène. Hérodote ajoute : “Les habitants de l'Attique, du temps que les Pélasges occupaient le pays qu'on appelle Hellade, étaient des Pélasges et avaient nom Cranaens ; sous le roi Cécrops, ils furent appelés, d'après lui, Cécropides ; lorsque le pouvoir échut à Erechthée, ils avaient changé ce nom en Athéniens ; et quand ils eurent pour chef Ion fils de Xouthos, ils prirent de lui le nom d’Ioniens” (8.43). Dans un grand continuum historique, sans seuil véritable ni rupture décisive, les Ioniens représentent une masse de population qui, sous des noms divers, se propage dans le monde méditerranéen44. Athènes a d'ailleurs cherché, au moment où ses revendications territoriales se tournent vers l'ensemble des cités ioniennes, à développer un mythe qui fasse d'elle l'origine du peuple des Ioniens : le mythe de l'autochtonie, cette invention d'Athènes au ve s. destinée notamment à placer la cité à l'origine d'elle-même, par conséquent à l'origine du peuple dont elle revendiquait la suprématie45, est une supercherie qui cache mal le désir de trouver, dans les métamorphoses incessantes d’un peuple passant d'un continent à l'autre, un lieu de naissance, un point d’ancrage territorial. Un berceau fédérateur.
19Or un peuple n'a pas d'origine à proprement parler parce qu'il n'a pas de constitution organisée. La cité, en revanche, a une origine. Au principe vertical que représente dans son mouvement continu un peuple, s'oppose le principe horizontal de la cité, dont le commencement, loin de se dérober sans fin, prend la figure concrète de l'archégète. Un Grec ancien crée une cité, il appartient à un peuple. Il s'interroge à la rigueur sur le peuple des origines, jamais vraiment sur l'origine des peuples. L'archégète, jouissant d’une liberté absolue, tel un dieu46, établit l'ordre de sa cité et en garantit la cohésion parce qu'il l'organise ex nihilo. Avant, il n'y a rien, après lui règne l'ordre politique. Logique des peuples, logique des cités : l'une repose sur la perpétuation d’un héritage, l'autre sur l'événement d'une rupture. La première n'est que renvoi à un état originel toujours plus reculé, donc, finalement, inaccessible, la seconde honore d'un culte son créateur comme la première pierre posé d'un édifice politique. La première met en scène un long processus évolutif, presque naturel, d'une communauté compacte, inorganique ; la seconde inaugure une histoire, celle d'une communauté ordonnée dont on rappelle sans cesse l'origine par le culte de l'archégète.
20Cela n'enlève pas nécessairement aux Grecs anciens la conscience de leur appartenance à des peuples différents. Les Cyclades fournissent peut-être les trois exemples les plus clairs d'une telle conscience. Pour Thucydide (1.8), la plus ancienne population de l'île de Délos est “carienne”, au vu des armes et des sépultures déterrées au moment de la seconde purification : ces Cariens sont eux-mêmes chassés par les Crétois de Minos (1.4). Aux yeux de l’historien, les peuples se succèdent dans l'occupation d'une région, au gré de leurs fluctuations, sans ancrage territorial. Deuxième exemple : dans le second quart du ve s., Paros édicte une loi sacrée exigeant que les esclaves et les Doriens ne prennent pas part aux rites de Korè (IG, XII.5, 225)47. L'appartenance à un peuple est comme le statut de l'esclave : une donnée génétique. Enfin, troisième exemple : dès la plus haute époque archaïque, le sanctuaire d'Apollon à Délos semble fréquenté exclusivement par des Ioniens : parmi les bronzes géométriques découverts sur le site, aucun ne peut être attribué à une cité productrice du Péloponnèse48. Constatation archéologique confirmée par l'Hymne à Apollon, on l'a dit. Thucydide ajoute (3.104.3) : à date ancienne, Délos est le théâtre d’un rassemblement d'Ioniens, τῶν Ἰωνίων τε καὶ περικτίονων νησιωτών. Il ne faut pas comprendre l'expression, comme on le fait souvent, par “les Ioniens de la côte d'Asie Mineure et les gens des îles”, mais il convient de traduire par : “les Ioniens, en particulier, plus précisément les Ioniens des îles”. Même traduction, même attestation dans le récit d'Hérodote à propos d'Argè et Opis, vierges hyperboréennes honorées d'un culte à Délos (4.35.3) : Hérodote affirme que leur gloire dépasse les limites des νησιώτας τε καὶ Ἴωνας, c'est-à-dire que les Déliens ont d'abord chanté des hymnes pour fêter ces deux divinités, puis les ont appris “aux autres habitants des îles et plus précisément aux Ioniens”49. La vie religieuse délienne a été l'occasion de rassemblements plus larges que le cadre de la cité, mais jamais elle n'a joué un rôle fédérateur durable entre les Ioniens. Cette logique des peuples est en effet toujours soumise à celle des cités. Halicarnasse en fournit une illustration éclairante parce qu'elle s'est toujours considérée comme une cité dorienne, à cause de la race de son fondateur Anthès, oikiste venu de Trézène, alors même qu'au ve s. au moins, elle use du dialecte ionien et de l'écriture ionienne50. L’appartenance à un peuple, pour une cité, dépend moins de critères objectifs qu'elle n'est induite de la race du fondateur de cette cité, héros dont découlent les valeurs principielles. L'identité d'une cité se pose en termes de légitimité territoriale, d'ancrage spatial et politique, l'identité des peuples se pose en termes de pratique religieuse. A l'archégète dont le culte justifie politiquement l'occupation d'un espace par une cité, s'oppose l'origine des peuples qui n'est qu'un critère distinctif pour les rassemblements de cités lors des grandes manifestations religieuses. Il s'agit donc moins, dans le second cas, d'un problème d'origine que d'un problème d'appartenance – ou d'exclusion51.
21Anios, Battos, deux figures d'archégètes, honorés par les cités de deux peuples différents, et pourtant représentants d'un même processus de formation politique, d'une même genèse constitutionnelle, d'une même conscience politique. La cité est finalement, chez les Grecs anciens, plus qu'une institution : elle est une catégorie de pensée, qui structure dans ses tenants et ses aboutissants toute la culture grecque. Son origine, conçue comme une rupture décisive, introduit la communauté politique dans une histoire, dans une évolution organisée par ses habitants puisque réglée à l'origine par l'un d'entre eux. Qu'il soit réel, qu’il soit mythique, l'archégète est historique, et en honorant son fondateur, une cité ne fait pas que rappeler sa fondation, elle se constitue son histoire.
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Notes de bas de page
1 En 1921, 1935 et 1961-62. Voir Bruneau 1970, 413-430 : rappel des travaux et de la bibliographie antérieurs, notamment des contributions de F. Robert et J. Ducat.
2 Bruneau 1970, 313-417.
3 La date des Chants Cypriens est difficile à établir. Les spécialistes de l'épopée s'accordent à placer ce cycle dans le viie s. S'il faut ajouter foi à certaines traditions, tardives et douteuses il est vrai, les Chants Cypriens seraient postérieurs aux poèmes homériques : ce qui est tout de même confirmé par le fait que les épisodes de ce cycle ne semblent répandus qu'à partir du début du vie s., comme c'est le cas de l'épisode de la mort de Troïlos, représenté sur le Vase François. Une date sinon de création, du moins de diffusion, se placerait au plus tôt dans le viie s. Voir, en dernier lieu, Buitron-Oliver 1995, 439, bibliographie antérieure dans la note 11. La date avancée par Davies 1989, 3-4, à savoir la fin du vie s. est trop basse : les arguments fondés sur le style sont très fragiles.
4 Bruneau 1970,420-421.
5 Butz 1994, 69-98, avec bibliographie antérieure.
6 A côté, par exemple, des particularités naxiennes ou pariennes, l'alphabet des inscriptions archaïques de l'Archégésion présente, par des caractéristiques comme le chi rouge, la notation du xi ou certaines confusions entre les brèves et les longues, une unité qui plaide en faveur de dédicants exclusivement déliens. Voir Prost (à paraître).
7 Il n'existe pas d'étude spécifique sur cette catégorie de héros. Voir Jessen 1895, 442-443 ; Lévêque & Vidal-Naquet 1964, 70-71 ; Leschhorn 1984, 180-185 ; Malkin 1987, 187-266 ; Detienne 1994, 159-166.
8 On trouve en concurrence à ce mot celui d'ἀρχηγός : Dém., Phil., 3, 30-31 ou Soph., O.C., 60.
9 Plut., Lyc., 6 ; Carlier 1984, 421.
10 Où alors il est appelé oikiste (v. 30).
11 De même Eur. : Troy., 447, si du moins l'on suit l’une des deux traditions transmises par les manuscrits : Δαναιδῶν ἀρχηγέτα,, alternant avec Δαναιδῶν στρατηλάτα.
12 Jessen 1895, 443 ; de Polignac 1995, 171-172 avec bibliographie en note 49.
13 Foucart 1922, 51.
14 Encore que ce pluriel soit surtout une réalité attique : Hésychius définit les Ἀρχηγέται comme les “ἥρωες ἐπώνιμοι τῶν φυλῶν ἠ θεοὶ ἐν Ἀθήναις” (les héros éponymes des tribus ou les dieux à Athènes), renvoyant aux 10 héros éponymes de la réforme de Clisthène.
15 Pour la période hellénistique, voir Curty 1995.
16 Sur cette notion, voir Bruneau 1990, 586 et la note 127.
17 Kearns 1989, 64-79. Deux exemples particulièrement explicites : Platon, Lys., 205d 2 : Ctésippe évoque le héros fondateur du dème de Lysis, qui passait pour avoir reçu chez lui Héraclès en personne ; Plut., Arist., 11.4 : Aristide invite les armées athéniennes à sacrifier aux héros archégètes de Platées, avant la bataille contre les Perses. Voir encore Étienne de Byzance, s.v. Ἀθῆναι : il évoque les descendances de héros, familles qui construisaient leur nom à partir de leur héros archégète : les Anthedai à Halicarnasse, les Thésédai, les Kokridai, les Kekropidai à Athènes... Mais peut-être, dans ces derniers exemples, ne faut-il voir qu'une mode répandue sous l'empire romain (Malkin 1987, 253). Pour une liste d'exemples nombreux, voir Leschhorn 1984, 181-182.
18 Alors que les héros anonymes sont légions, les héros archégètes sont dans la majeure partie des cas clairement nommés. Il y a parfois des contestations sur l'identité exacte : Paus. 10.4.10 ne peut trancher sur le nom du héros archegete du territoire de Daulis, en Phocide : Xanthippos ou Phocos ? Des doutes du même genre pèsent sur le héros archégète d'Elis : Oxylos n'est pas assuré (Paus. 10.24.9). Une exception toutefois : à Héraclée du Pont, le héros enseveli sur l'agora et appelé ἥρως ἐπιχώριος sans précision supplémentaire (scholie à Apollonios de Rhodes 2.845).
19 Par exemple Miletos, héros éponyme et fondateur de Milet : Paus. 7.2.5.
20 Oxylos à Élis, Actéon à Platées, Preugénès et Eurypyle à Patras, Aras à Phlionte, etc.
21 Il revient à C.Antonaccio de l'avoir clairement formulée : Antonaccio 1993a : 1993b, 46-70 : 1994,79-104. I. Malkin a souligné la confusion que peut entraîner l'expression “tomb cult”, mais n'en conteste pas le contenu : Malkin 1993, 225-234. Fr. de Polignac, pour sa part, fait sienne la distinction de C. Antonaccio, mais préfère les expressions “culte sur tombe” pour les “heroic cult” et “vénération” pour les “tomb cult” : de Polignac 1995, 165 n. 34.
22 Depuis Pfister 1909 et Rohde 1903. 121-124, on considérait la tombe ou les reliques comme un élément constitutif du culte héroïque ; voir encore Nagy 1979, 116. Toutefois, cette position est relativisée, et ce à juste titre, depuis que les tentatives pour classer les types de cultes héroïques se sont affinées : voir en dernier lieu Antonaccio 1995,62-63.
23 Plut., Cim., 5-7.
24 Antonaccio 1993, 265-267.
25 Codex Marc. 476 ; voir Bruneau 1970, 414.
26 Quel crédit accorder à une telle étymologie pour le nom d'un héros, fils d'Apollon, lui-même né à Délos ?
27 Deux exemples : Cadmos : Vian 1963 et le compte rendu de Vidal-Naquet 1964, 1025-1026 ; et Alcathoos : Bohringer 1980, 5-22.
28 Rolley 1973, 491-524. Thémélis 1976, 60.
29 Gallet de Santerre 1958, 283-311.
30 Van Effenterre & Ruzé 1994, 170-173, avec la bibliographie antérieure.
31 Malkin 1987, 246-248 ; 1994, 114.
32 Chamoux 1953, 120-124 ; Malkin 1987, 204-213 ; Sakellariou 1990, 38-65.
33 Voir à ce sujet de Polignac 1995, 155 sq.
34 Malkin 1994, 89-95.
35 Malkin 1994, 107-111.
36 Les historiens contemporains sont divisés sur le problème. Voir van Effenterre & Ruzé 1994, 170-173, avec la bibliographie antérieure.
37 Craik 1980 ; Malkin 1994, chap. 3. Peut-être la venue historique des Doriens, notamment à Rhodes, est-elle faite dès l'époque mycénienne : dans le catalogue des vaisseaux, les Rhodiens sont organisés en trois groupes et leur île définie par trois tribus (Il., 2.655 et 668). Mais encore faudrait-il prouver qu'Homère renvoie bien au monde mycénien, lui qui écrit au viiie s., soit bien après la date de cette prétendue invasion dorienne. Voir Craik 1980, 27-28. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas ici de raisonner à partir des sources archéologiques, mais de mener une étude anthropologique à partir des historiens antiques.
38 Hdt. 7.94 et 8.44. Thc. 1.12.3 et 3.92. De manière générale, Busolt 1893, 204-364 ; Sakellariou 1990, 150-179.
39 On notera que, sur sept peuples du Péloponnèse, deux sont autochtones : les Arcadiens et les Cynuriens (Hdt. 8.73).
40 Tyrtée fr. 5-6 West = Str. 6.3.3.
41 Tyrtée fr. 2 West = Str. 8.4.10.
42 Huxley 1966 ; Sakellariou 1958 ; 1990, 133-149.
43 Scholies à Denys le Per. 525, in GGM, II, 451.
44 Sakellariou 1977, 96 et p. 215-216.
45 Loraux 1981, passim, notamment 281-282 ; Loraux 1996, 27-48.
46 Detienne 1994, 159-166.
47 Jeffery 1990, 296 (no 39).
48 Rolley 1973, 491-524.
49 Tausend 1992, 49-51.
50 Craik 1980, 5.
51 Dans l'Athènes classique, la démocratie saura confondre les deux logiques puisque la descendance raciale joue une rôle constitutif dans la définition du statut du citoyen : les Athéniens, autochtones de l'Attique, ont les seuls droit au titre de citoyens parce qu'ils s’enracinent dans leur propre génos, dès l'origine (voir Loraux 1996, 27-48).
Auteur
Université de Rennes 2.
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