Les Sarcophages des Époux du Museum of Fine Arts de Boston ou une victoire des États-Unis d’Amérique sur la France de Napoléon
p. 207-220
Résumé
Les deux Sarcophages des Époux, chefs d’œuvre de l’art étrusque du ive siècle a.C., font aujourd’hui l’orgueil du Museum of Fine Arts de Boston. Mais ils ne sont parvenus en Amérique que longtemps après leur découverte, advenue en 1846 dans le cadre des fouilles que la veuve de Lucien Bonaparte, Alexandrine de Bleschamps, avait poursuivies sur le site de l’antique Vulci après le décès de son mari en 1840. Avant qu’ils fussent acquis par J. J. Jarves pour être présentés dans l’International Exhibition of Arts and Industry qui allait se tenir à Boston en 1883, Alexandrine puis, après sa mort en 1855, la tutrice de ses biens, Marie Bonaparte Valentini, avaient envisagé de les vendre, notamment à la France de Napoléon III. C’est l’échec des négociations alors entreprises qui explique qu’ils aient pu être achetés par Jarves à Florence en 1882.
Texte intégral
1Le Museum of Fine Arts de Boston possède deux pièces qui comptent parmi les plus remarquables que nous ait laissées les Étrusques : les deux Sarcophages des Époux, l’un en tuf (fig. 1), l’autre en albâtre (fig. 2), réalisés à Vulci au ive s. a.C. Ces deux sarcophages parlent à l’homme du xxie s. sans doute avant tout parce qu’à leur qualité artistique – au demeurant indéniable, surtout pour le sarcophage en tuf, le plus ancien – s’ajoute une dimension humaine qui met ces réalisations d’il y a près de deux millénaires et demi en harmonie avec notre sensibilité actuelle. Les “Sarcophages des Époux” étaient une spécialité de l’art étrusque : les anciens Toscans en ont produit à différentes époques et les musées du Louvre à Paris et de la Villa Giulia à Rome s’enorgueillissent de deux pièces à peu près jumelles, œuvres de terre cuite de la période 520/510 a.C.1, où on voit déjà, figés côte à côte pour l’éternité, le mari et la femme, mais traités à la manière de l’art archaïque, avec une majesté que vient à peine égayer le “sourire étrusque”. Mais nous avouerons avoir un faible pour les sarcophages de Boston, où les époux ne sont pas figurés à demi allongés dans la pose du banquet, se tournant vers le spectateur et faisant un geste de libation, mais étendus sur le lit conjugal, s’enlaçant sous la même couverture2, en une attitude d’affection que rend encore plus émouvant le fait que, sur le sarcophage en tuf, on a affaire à un couple qui n’est plus jeune et où le regard protecteur que cet homme d’un certain âge jette, de biais, sur sa compagne qui l’enlace, suscite une émotion sur le spectateur que n’exerce pas au même degré la posture, un peu figée, du couple plus jeune du sarcophage en albâtre. Quoi qu’il en soit, de telles pièces, sans équivalent dans l’art grec ou romain, témoignent d’un fait qui paraissait scandaleux aux Grecs et aux Latins qui nous ont parlé des mœurs étrusques, mais qui aurait pour effet, bien au contraire, de nous rendre ce peuple sympathique3 : la place que tenait chez lui la femme, bien plus importante que celle attribuée à ses consœurs grecques, reléguées dans le gynécée, ou même romaines, du moins avant la libéralisation des mœurs que connaîtra l’Empire. Loin de se tenir à l’écart des banquets, comme la femme grecque – puisque de telles réunions étaient, en Grèce, exclusivement une affaire d’hommes et que, si des femmes y prenaient part, il s’agissait d’hétaïres venues offrir leurs services aux banqueteurs, tous masculins –, la femme étrusque, y participait, allongée au côté de son mari – dans la pose que le couple adopte sur les Sarcophages des Époux du Louvre et de la Villa Giulia. De telles œuvres n’hésitaient pas à prendre pour thème cette présence conjointe du mari et de sa femme, qui suffisait déjà à susciter les sarcasmes de Théopompe et de nombre de ses confrères helléniques : que n’auraient-ils pas dit s’ils avaient vu les sarcophages de Boston, où les époux sont figurés dans une attitude bien plus intime !
2Mais notre but ici n’est pas de nous interroger sur ces sarcophages et leur signification. Notre propos sera plus limité : nous nous interrogerons sur le processus qui a fait que ces pièces de premier plan de l’art étrusque se sont retrouvées en Amérique. Et cette enquête nous fera sentir, à partir de ce cas emblématique, à la fois à cause de la qualité des œuvres et de l’histoire compliquée de ces objets depuis leur découverte, de quelle manière les musées américains ont pris leur place dans le monde des collections d’art antique4.
3Il nous suffira de rappeler brièvement ce que sont ces deux pièces majeures de l’art étrusque, avant d’évoquer les conditions de leur découverte et les vicissitudes à la suite desquelles elles sont parvenues à Boston et ne sont pas demeurées en Europe, en dépit des appétits qu’elles ont éveillés dès qu’elles furent connues.
4Il s’agit donc de deux sarcophages, formés d’une caisse rectangulaire dont les flancs sont ornés d’un décor sculpté en relief et qui est surmontée d’un couvercle, lequel porte la figuration du couple allongé :
- Le premier, en tuf, est celui où est représenté le couple plus âgé, où l’homme est imberbe. Le décor des côtés, en rapport direct avec la signification conjugale du monument, offre une scène nuptiale. Sur les petits côtés s’avancent des biges allant à la rencontre l’un de l’autre, portant l’un l’homme, l’autre la femme, en de paisibles images dans lesquelles néanmoins la présence d’un démon féminin ailé à côté du char de la femme vient rappeler qu’il s’agit de défunts5. Et sur le côté long décoré, encadrant l’homme et la femme qui se donnent la main, exprimant leur union par le geste rituel de la dextrarum iunctio, leurs cortèges respectifs les suivent, avec une opposition significative entre celui de l’homme, portant les insignes de sa fonction de magistrat, et celui de la femme, purement privé, muni d’ustensiles du mundus muliebris, par exemple un éventail.
- Le second est réalisé en albâtre. Sur le couvercle, le couple est plus jeune, avec l’homme portant la barbe ; les deux époux se regardent dans les yeux, se prenant mutuellement aux épaules en une posture qui laisse largement entrevoir leur corps au-dessus de la taille. Les scènes sculptées sur la caisse sont cette fois empruntées à un répertoire courant, sans relation avec le mariage. Une amazonomachie – faite de groupes un peu trop sommairement juxtaposés – orne les deux côtés longs, tandis que les petits côtés portent des lions et des griffons dévorant un animal.
5La datation respective des deux sarcophages6, celui en tuf étant attribué à la période 380/370 a.C., celui en albâtre à vingt ans après environ, est assurée non seulement par des critères stylistiques – toujours discutables –, mais également par la présence d’inscriptions. Celle du premier sarcophage (inscr. Vc 1.91 du recueil de Rix 1991), ramtha : visnai : arntheal : tetnies : puia, signifie “Ramtha Visnai épouse (puia) d’Arnth Tetnie” : elle indique que le monument a contenu les restes de cette femme qui avait épousé un Arnth Tetnie. Celle du second (inscr. Vc 1.92), plus longue, se lit thanchvil tarnai/an : farthnache : marces : tarnes : ramthesc : chaireals/larth : tetnies/an farthnache : arntheals : tetnis : ramthesc : visnaials, c’est-à-dire “Thanchvil Tarnai, qui (an) fut engendrée (farthnache) par Marce Tarna et (naquit de) Ramtha Tarnei ; Larth Tetnie, qui fut engendré par Arnth Tetnie et (naquit de) Ramtha Visnai”. Cette fois, les noms des deux époux sont indiqués : la femme était une Ramtha de la famille Tarna, dont le père était un Marce Tarna et la mère une Ramtha de la famille Chaire, tandis que l’homme était Larth Tetnie, le fils de la Ramtha Visnai à laquelle se rapporte l’inscription précédente et de son mari, Larth Tetnie. Ces deux monuments renvoient donc à deux générations successives de membres de la famille Tetnie, ce qui confirme les données de l’analyse stylistique quant à l’antériorité du sarcophage en tuf par rapport à celui en albâtre.
6Ces inscriptions laissent déjà entendre que les deux sarcophages ont été découverts dans une tombe de la famille des Tetnie. C’était une des grandes familles de la Vulci de l’époque classique et hellénistique, jusqu’ici connue par cinq autres documents épigraphiques provenant de cette cité et que, récemment, un repérage dans la collection de la Société archéologique de Montpellier a permis de retrouver sur une nouvelle inscription, plus ancienne que les autres, portée sur une cruche à vin en bronze du ve s. a.C.7. Ces documents proviennent de plusieurs tombes, toujours d’allure monumentale. On peut attribuer à cette famille une tombe à chambre de la nécropole de Mandrione di Cavalupo, du iiie s. a.C., où a été trouvé, lors de fouilles entreprises en 1879-1880 par Francesco Marcianelli pour le compte du prince Torlonia, le sarcophage de l’épouse d’un Larth Tetnie (inscr. Vc 1.9)8, dont on peut penser qu’elle avait été déposée dans un monument appartenant à la famille de son mari, et la tombe de la nécropole du Monte Rotto, également du iiie s. a.C., dite “des Deux entrées” (Tomba dei Due Ingressi), qui fut fouillée par S. Gsell au cours de la campagne que le futur archéologue de l’Afrique du Nord entreprit en 1889 à Vulci, également sur l’invitation du prince Torlonia, tombe d’où provient le sarcophage d’un Marce Tetnie (Vc 1.46)9.
7Mais ce n’est pas de ces deux tombes de la famille Tetnie10 que sont issus les deux sarcophages du musée de Boston : eux furent mis au jour en 1846, bien avant leur découverte, dans la nécropole de Ponte Rotto, par la veuve de Lucien Bonaparte, Alexandrine de Bleschamps, qui, après la mort en 1840 de son mari, avait poursuivi les fouilles que celui-ci avait entreprises à partir de 1829 sur ses terres de Canino, siège de l’antique Vulci. La découverte de ces pièces exceptionnelles fut en effet signalée dès 1846 par E. Braun lors d’une séance de l’Institut de correspondance archéologique à Rome11 et l’Anglais G. Dennis les évoque dans son ouvrage, paru en 1848, sur les richesses archéologiques de la Toscane12. Il est vrai que ces premiers signalements de la trouvaille ne sont guère précis sur sa localisation : E. Braun se contentait d’une vague référence à la découverte, l’année précédente, d’un char de bronze par l’équipe de la princesse, ce qui permet au moins de savoir qu’il s’agissait de la nécropole du Ponte Sodo, G. Dennis se bornait à signaler que “the two sarcophagi were found at Vulci in the winter 1845/1846” et, encore en 1865, quand H. Brunn entreprit une étude plus approfondie de ces objets, il restait très vague, sans donner d’autre détail que le fait que “già nel 1846 furono scoperti a Vulci due magnifici sarcofagi13”. Ce manque de localisation précise eut des conséquences fâcheuses : en 1874, W. Corssen pouvait affirmer que le sarcophage le plus ancien avait été trouvé dans le tumulus de la Cucumella14 et ce n’était que “sous toutes réserves” que S. Gsell évoquait, à partir d’informations orales, une découverte dans la zone du Ponte Rotto15. En fait, les données d’archives, qui ont été étudiées récemment par F. Buranelli, ne laissent aucun doute. Le père Maurice de Brescia signala la découverte au service archéologique de l’État pontifical dans son rapport hebdomadaire sur l’avancement des fouilles que V. Valentini menait pour le compte d’Alexandrine Bonaparte. En outre, conscient de l’importance de la trouvaille, il la mentionna dans une lettre au secrétaire de l’Académie pontificale d’archéologie, P. E. Visconti. Or, dans ces documents, il est bien précisé que la découverte fut faite le 13 février 1846 dans “una grotta molto profonda vicino a Ponte Rotto sulla Fiora”16. Cependant, aucune description précise de la tombe où la découverte avait été faite ne fut donnée : après l’extraction des deux sarcophages – qui certainement avait dû provoquer de graves dommages à la tombe – la princesse avait fait réenterrer le monument, au point de se voir adresser une lettre par la Commission consultative des antiquités et des beaux-arts, lui rappelant que les zones fouillées ne devaient pas être recouvertes avant que des inspecteurs de la Commission n’aient effectué une visite des lieux17.
8Nous sommes alors en 1846. Ce n’est qu’en 1883 que les deux Sarcophages des Époux arrivèrent en Amérique, pour être exposés dans le cadre de l’International Exhibition of Arts and Industry qui se tint cette année-là à Boston, dans le Mechanics Building. Ils avaient été achetés l’année précédente à Florence par ce personnage pittoresque que fut James Jackson Jarves, polygraphe et collectionneur, dont la riche collection de peintures italiennes se trouve maintenant à la Yale University Gallery18. J. J. Jarves, originaire de Boston où il naquit en 1818 et mourut en 1888, avait eu une carrière compliquée19. Lancé dans le journalisme et établi à Honolulu, il y fonda et dirigea un hebdomadaire, Polynesia, qui devint l’organe officiel du gouvernement de Hawaï (archipel formellement indépendant, avec un souverain local, mais où l’influence américaine était prépondérante déjà bien avant l’annexion qui n’eut lieu qu’en 1898). Cela lui donna l’occasion de rédiger en 1843 deux ouvrages consacrés – pour le second au moins en partie – à l’archipel, une History of the Hawaiian or Sandwich Islands : Embracing their Antiquities, Mythology, Legends, Discovery by Europeans in the Sixteenth Century, Re-Discovered by Cook, with their Civil, Religious and Political History, from the Earliest Traditionary Period to the Present Time et des Scenes and Scenery in the Sandwich Islands, and a Trip through Central America : being Observations from my Notebook during the Years 1837-1842. Puis, en 1852, il changea complètement de cadre et s’établit à Florence, où il exerça les fonctions de vice-consul des États-Unis entre 1880 et 1882. Sans que J. J. Jarves renonçât à son intérêt pour Hawaï (Kiana : a Tradition of Hawaii date de 1857), ni au monde oriental en général (il écrivit en 1876 A Glimpse at the Art of Japan), cette nouvelle vie européenne se traduisit rapidement par une nouvelle série d’ouvrages, où il exprimait les impressions d’un Américain en Europe, soit sur l’Italie (Italian Sights and Papal Principles, Seen Through American Spectacles, 1856, en attendant la sorte de bilan que fut Italian Rambles, Studies of Life and Manners in New and Old Italy, 1883), soit sur d’autres pays, notamment la France (Parisian Sights and French Principles, Seen Through American Spectacles, paru en 1852, bientôt suivi d’un deuxième volume en 1855). Mais il ne fut pas qu’un polygraphe (sa bibliographie comporte quatorze livres) : il se constitua une collection d’art italien et, dépassant l’impressionnisme du collectionneur qu’il exprimait en 1857 dans Why and What am I ? The Confessions of an Inquirer, in Three Parts. Part I, Heart-Experience, or the Education of Emotions (suivi en 1864 de The Art-Idea : Part Second of Confessions of an Inquirer), il se posa en historien de l’art, à travers son ouvrage, publié à Boston en 1861, sur les peintres italiens (Art Studies. The “Old Masters” of Italy, Painting) ou ses réflexions plus générales, parues à New York en 1869 (Art Thoughts, The Experience and Observations of an American Amateur in Europe), travaux où, comme l’a relevé dernièrement S. Nardi Combescure, il abordait occasionnellement la question de l’art étrusque20.
9On ne peut sans doute pas dire que J. J. Jarves se soit beaucoup occupé de la civilisation qui avait fleuri dans la Toscane où il habita une bonne partie de sa vie. On ne dénote pas moins certains traits intéressants dans sa vision des Étrusques. Il insista sur le modèle que leur dodécapole aurait fourni, par-delà les siècles, aux villes de la région au Moyen Âge, celui de la cité-État, se régissant librement dans un climat de tolérance religieuse : les anciens habitants de la province auraient été la source ultime de l’épanouissement de l’art dans la Toscane du Rinascimento. Et, sensible comme beaucoup à la dimension religieuse du “plus religieux des peuples”, selon la formule célèbre de Tite-Live (5.1.7), qu’il attribuait à ses origines pour lui orientales, il soulignait leur conscience de la proximité du divin et rendait ainsi compte de ce qu’il considérait comme leur sérénité devant la mort, telle que l’exprimaient les scènes pleines de joie de vivre, de jeux et de banquets, de la peinture funéraire étrusque. À ses yeux, le message que transmettaient ces hommes et femmes qui semblaient endormis plutôt que morts et qu’ils lui semblaient lui faire entendre à travers leurs images pleines de calme était que la vie continuait sans véritable coupure, dans une nouvelle existence où l’individu restait identique à lui-même, riche de toutes les expériences qu’il avait amassées lors de sa vie terrestre.
10On comprend que J. J. Jarves, même s’il n’a jamais collectionné les objets étrusques, ait été intéressé par des pièces comme les Sarcophages des Époux. Sa nomination, en 1882, comme commissaire pour l’Italie de la Foreign Art Exhibition qui devait s’ouvrir à Boston l’année suivante lui donna l’occasion d’en faire l’achat21, conjointement avec George Maquay, à Florence, auprès de Zefferino, comte Faina (1826-1917), qui avait épousé en 1861 Luciana Valentini (1840-1925), petite-fille de Lucien et d’Alexandrine Bonaparte par leur fille Marie Bonaparte Valentini, et de les transporter en Amérique22. À l’issue de l’exposition, en 1886, les deux sarcophages furent mis en vente, ce qui permit au Museum of Fine Arts, qui existait depuis 1870, d’acheter celui en albâtre, tandis que celui en tuf l’était par le Boston Athenaeum, qui le mit en dépôt dans le musée avant que celui-ci n’en acquière la pleine propriété en 1975.
11Nous nous attacherons cependant moins au devenir américain de ces pièces qu’à la période qui l’a précédé. Car les Sarcophages des Époux, avant de trouver leur siège au musée de Boston, avaient connu une longue histoire où avaient été impliqués, bien avant les États-Unis, plusieurs pays européens, non seulement l’Italie, mais aussi l’Allemagne et la France. Si les diverses négociations précédemment engagées avaient été fructueuses, ces chefs-d’œuvre de l’art étrusque auraient pu aussi bien se retrouver à Rome, Berlin ou Paris qu’à Boston.
12Il nous faut reprendre l’exposé de ce qui est advenu à ces objets après leur découverte en février 1846. Très rapidement, la fouille avait été interrompue, les sarcophages avaient été retirés du lieu de trouvaille et la tombe réenterrée (avec, nous avons vu, une précipitation jugée excessive) ; ils furent transportés au château de Musignano, propriété des Bonaparte, où ils firent l’objet en juillet d’une description minutieuse de la part de Luigi Grifi pour le compte de la Commission consultative de l’État pontifical, description qui fut adressée au ministère du Commerce et des travaux publics et est conservée aujourd’hui dans l’Archivio Segreto du Vatican23. Les inspections de la Commission, constituée conformément à la législation sur les antiquités établie par l’édit du cardinal Bartolomeo Pacca, Camerlingue de la Chambre apostolique, en date du 7 avril 182024, visaient à déterminer si les pièces découvertes sur le territoire de l’État pontifical justifiaient un achat par le musée du Vatican : il est évident que des objets d’un tel intérêt ne pouvaient pas ne pas susciter une proposition d’acquisition pour les collections papales. De son côté, le but cherché par la princesse, quand elle avait relancé les opérations de fouilles après la disparition de son époux, à partir de 1842, était d’ordre exclusivement financier, sans les prétentions scientifiques qui avaient été celles de Lucien et l’avaient poussé à polémiquer avec des savants de la classe de J. J. Winckelmann ou L. Lanzi sur l’origine, pour lui locale, des vases dits étrusques trouvés dans ses fouilles25. Une des activités principales d’Alexandrine, depuis 1840, avait été de procéder à des ventes de parties de la collection réunie par son époux – à Francfort et Londres en 1841, à Paris en 1843 et 1845, en attendant 1848 et 184926. L’archéologie avait pour elle une finalité purement mercantile : elle n’avait de ce fait aucun désir particulier de conserver ces deux sarcophages. Mais les négociations engagées le 28 mai 1846 lors de la venue à Musignano de la Commission en vue d’un éventuel achat pour l’encore jeune Musée grégorien étrusque27 achoppèrent sur les exigences financières de la princesse : celle-ci demandait 3500 écus pour le sarcophage en albâtre et 1 000 pour celui en tuf, ce à quoi la Commission lui répondit le 19 décembre par une contre-proposition de 1000 écus pour les deux pièces à la fois. Il n’était pas question pour la veuve de Lucien d’accepter une somme aussi peu en rapport avec sa propre estimation. Aussi son refus fut-il notifié à la Commission le 3 mars 1847. Cela mit fin aux tractations et l’information, avancée par Dennis en 1848, selon laquelle les deux sarcophages venaient alors d’être acquis par le musée du Vatican pour environ 350 livres d’or, n’a aucun appui dans les archives28.
13La conséquence de ce refus fut que les sarcophages furent bloqués et interdits de vente. Mais cette situation n’empêcha pas la poursuite de contacts et ceux-ci se poursuivirent au-delà de la mort de la princesse, survenue le 12 juillet 1855 dans sa propriété du Casino di Collina, près de Senigalla, sur la côte adriatique29. L’héritière universelle d’Alexandrine, sa petite-fille Luciana Valentini, fille de Marie Bonaparte Valentini30, avait en effet conservé la propriété de ces pièces, alors que les terres de Canino, sur lesquelles les fouilles avaient eu lieu, furent cédées en 1857 à la famille Torlonia31. À son tour, Marie Bonaparte Valentini, tutrice de sa fille, s’engagea dans des négociations avec l’État pontifical – lesquelles, pas plus que celles menées par sa mère, ne connurent d’aboutissement. Les recherches menées par F. Buranelli dans les archives du Vatican ont en effet permis de retrouver la trace de contacts pris avec le ministère du Commerce et des travaux publics en 185932, alors que Marie avait encore la charge de la gestion des biens de sa fille (Luciana ne devait épouser le comte Faina qu’en 1861). Mais pas plus que les précédents, ceux-ci ne débouchèrent sur une vente : jamais le Musée grégorien étrusque ne devait acquérir ces pièces.
14Entre temps d’autres acheteurs s’étaient mis sur les rangs. C’est du moins ce qu’on peut conclure d’une autre source d’information, la correspondance échangée entre Alexandrine Bonaparte et le marchand d’antiquités Donato Bucci, aujourd’hui conservée dans le fonds Stendhal de la bibliothèque communale Sormani de Milan, fonds qui a été remarquablement étudié par Sara Nardi Combescure33. La princesse était en relation avec cet ancien négociant en drap de Civitavecchia reconverti dans la fouille et le commerce des pièces qui en étaient issues, dans la perspective de l’époque où l’archéologie de terrain avait une finalité avant tout lucrative34. Or dans une lettre qui date d’avril 1855, soit de quatre mois avant son décès, Alexandrine lui demande de s’occuper du transport des deux Sarcophages des Époux du château de Musignano, où ils avaient été déposés en 1846, à Civitavecchia, ce transfert étant lié à des travaux à effectuer dans ce château. Voici le texte de cette lettre35 :
“Mon cher ami, je me préparais à vous écrire pour vous donner de mes nouvelles et vous prévenir que Donna Marie36 allant se rendre à Paris, avait quelques velléités de s’embarquer à Civitavecchia plutôt qu’à Livourne. Je la chargerais de vous entretenir de cette affaire de sarcophages, car j’avais eu quelque senteur, comme on dit, de ce projet de bâtisse à Musignan. Je vous dirais donc que, sans doute, je suis touchée d’être obligée d’enlever mes sarcophages d’où ils sont ; mais que d’un autre côté, le moment étant si peu favorable à la vente que j’avais l’espoir de faire de deux côtés et ne prévoyant pas que cela puisse changer si vite, je me déciderais, après votre réponse à mon nouveau projet, à faire venir ici ces malheureux sarcophages ! Si jamais le Muséum prussien, avec lequel on a commencé à traiter, se ravise, ils seront ici, assez bien placés pour les expédier par mer. Je vous dirais en confidence que je n’étais pas sans espoir que mon neveu l’emportasse (…) et justement (tout cela entre nous, bien entendu) la réponse extrêmement aimable qu’il a fait à ma lettre de compliments de bonne année et de sa main, en me parlant de mes souffrances de manière à me persuader qu’il désirait au moins que je crusse qu’il me portait de l’intérêt (…). Il résulta de cela que, si ce n’était l’héroïsme de ma position, cela m’aurait donné le courage de lui proposer cette acquisition qui lui permettrait d’enrichir le Musée français d’un monument si curieux pour le rapport de l’art, de l’archéologie historique, etc. Avec cette idée en tête, il est bien certain que ce serait mieux de ne pas les faire venir ici, d’autant plus que je suis persuadée que l’affaire est grande (…), l’empereur ne voudrait pas laisser échapper ces objets auxquels se joindrait aussi l’occasion de m’obliger. Voilà, mon cher ami, avant de ne faire rien venir ici, je vous prie de me dire si je ne pouvais pas trouver à louer un magasin pour attendre le moment favorable qui serait par exemple celui de la paix, hélas pour le reste de l’humanité bien autrement à désirer que pour cette relativement très chétive bagatelle37. Si le magasin n’était pas trop cher, ce serait aussi un moyen peut-être de les faire parvenir ici par mer et par une occasion qui pourrait se présenter, si en France on devait renoncer à les placer. Qu’en pensez-vous ?”
15Cette lettre révèle qu’après l’échec des négociations initiales avec l’État pontifical, la princesse de Canino s’était tournée vers d’autres acheteurs potentiels. Parmi eux, il faut compter la Prusse, avec le Musée prussien, c’est-à-dire l’Altes Museum de Berlin, fondé en 1830. Et c’est très probablement par l’intermédiaire du très actif Eduard Gerhard, grand spécialiste des urnes étrusques, qui exerçait les fonctions d’“archéologue auprès du musée” et était à ce titre chargé de sa politique d’acquisitions, que le contact fut pris38. Mais il est clair qu’Alexandrine était davantage tentée par une autre perspective de vente, cette fois à la France, où son neveu, Louis Napoléon, fils de Louis roi de Hollande, était devenu empereur en 1852. Néanmoins la lettre montre bien que les circonstances n’étaient pas favorables à une opération commerciale forcément onéreuse : avec les hostilités en cours contre la Russie, Napoléon III avait bien d’autres soucis en tête que l’enrichissement du patrimoine étrusque de la France.
16Ni ces projets de vente à la France ni les contacts qui paraissent, d’après ce document, avoir alors déjà été pris avec la Prusse ne sont aujourd’hui autrement connus. On peut espérer que d’autres recherches d’archives permettront de les préciser et ainsi de savoir comment ces pièces remarquables, qui auraient pu alors être acquises par une institution européenne, se sont trouvées disponibles en 1882 pour l’achat qui devait leur faire traverser l’Atlantique. Quoi qu’il en soit, ces velléités de vente de 1855 n’aboutirent pas : le décès d’Alexandrine en juillet 1855 leur mit un terme et la famille de Lucien Bonaparte, qui avait sans doute déjà beaucoup à faire avec la cession des terres de Canino au prince Torlonia, conclue en 1857, ne reprit l’affaire des sarcophages qu’en 1859, avec la nouvelle tentative de vente à l’État Pontifical, avortée comme la précédente, dont nous avons parlé. Même le projet de transfert des sarcophages à Civitavecchia n’eut pas de suite. En dépit de la réponse positive de D. Bucci, attestée par un autre document du fonds de Milan39, le transfert se heurta, outre aux difficultés techniques, soulevées par Bucci dans sa lettre d’acceptation40, au peu d’empressement de Giuseppe Valentini qui avait été chargé de l’expédition des pièces41 : rien ne fut fait avant la mort de la princesse de Canino et les choses restèrent en l’état. Lorsque H. Brunn étudia les deux sarcophages, pour son travail qui fut publié dans les annales de l’Institut de correspondance archéologique de 186542, puis lorsque W. Corssen s’y intéressa, en mai 1870, dans le cadre de ses recherches sur la langue étrusque, publiées en 187443, ils se trouvaient toujours dans la propriété familiale de Musignano.
17Les idées que la princesse de Canino avait caressées, dans les derniers moments de sa vie, sur une cession des deux sarcophages à la France de Napoléon III n’étaient pas restées inconnues. J. J. Jarves y fait allusion dans la notice qu’il consacra à ces œuvres dans le catalogue de l’exposition de Boston44 – mais nous allons voir dans quels termes :
“These Sarcophagi were excavated near the site of the ancient city of Volci, on the banks of the Fiora stream in the Roman Maremna, by Princess Bonaparte, widow of Lucien Bonaparte, Prince of Canino, brother of Napoleon the Great, in the winter of 1842-184345. They are of extraordinary interest, from the fact of both having two full-length recumbent figures on the cover, husband and wife embracing each other in the still sleep of death, and are considered unique by European archaeologists, no museum, I believe, possessing similar ones. In the inventory of the Bonaparte family, made by the late Alexander Castellani, of Rome, they were valued at 200 000 francs ; and he offered himself a large price of them, which was declined46. Just before the disaster of Sedan, Napoleon III had agreed to take them of his cousins for the Louvre Museum ; but his fall stopped their delivery and they remained in out building in the estate of family at Canino, seen by no one, until their recent removal to Florence, to be sent to America, with the permission of the Countess Faina, grand-daughter of Prince Lucien47. When the Minister of Public Instruction learned that they were destined to the United States, he apprised Count Faina that he must pay 7 000 francs for a pass to permit them leaving the country, grounded on an old law of the Roman States, regarding the exportation of objects of Antiquity”.
18On peut sourire devant le côté triomphant de ces lignes. Après tout, si J. J. Jarves pouvait être légitimement fier d’avoir fait acquérir à son pays les Sarcophages des Époux, des musées européens comme ceux de la Villa Giulia à Rome ou du Louvre à Paris avaient également les leurs, même s’ils étaient d’un style différent et d’une autre époque ! Et la dramatisation des faits à laquelle il se livre fausse complètement la perspective dans laquelle s’est situé le projet de vente à la France par la veuve du frère de “Napoléon le Grand”. Ce ne sont pas les circonstances tragiques de la guerre de 1870-1871 et la chute de l’Empire de Napoléon III qui ont empêché que ces pièces trouvent place au Louvre. Il ne semble même pas que la négociation ait vraiment été engagée avec la France comme elle paraît l’avoir été avec la Prusse. Il n’en reste pas moins que cette présentation de l’“amateur” américain de pièces qui ne pouvaient manquer de susciter l’intérêt et l’envie des archéologues européens traduit une réalité histo rique. Lorsque J. J. Jarves acquit ces pièces et les fit venir à Boston, l’heure de l’Amérique avait sonné, mais plutôt parce qu’il n’y avait plus réellement de concurrence en Europe. En 1882, l’achat par les États-Unis des sarcophages n’a pas suscité de contre-propositions de la part des musées français ou allemands et le gouvernement italien s’est borné à exiger le paiement d’une taxe d’exportation. Les autorités des différents pays d’Europe n’étaient plus là pour intervenir dans une telle vente d’antiquités étrusques. Après tout, les grands musées européens pouvaient estimer avoir constitué leurs collections au cours des décennies précédentes. Pour sa part, la France, avec l’achat en 1861, à l’instigation de Napoléon III et par l’intermédiaire de deux hommes de confiance de l’empereur, le peintre Sébastien Cornu et l’épigraphiste Léon Renier, de l’essentiel de l’énorme collection Campana, qui fit venir dans le pays plus de 12 000 pièces antiques – dont un des deux Sarcophages des Époux de Cerveteri – et dont le coût (4 800 000 francs) représenta dix années du budget du ministère des Beaux-Arts de l’époque48, pouvait estimer ne plus avoir de besoin en matière d’archéologie toscane. Et il est intéressant de constater qu’alors que la mise en vente des pièces réunies par le marquis Campana après leur saisie par l’État pontifical en 1858 suscita une compétition entre les puissances européennes – puisque tant la Grande-Bretagne, la Russie, la Belgique que la France se portèrent acquéreuses de lots plus ou moins importants49 –, on n’assista plus à rien de tel lorsque se décida en 1882 le sort des deux sarcophages découverts en 1846.
Bibliographie
Bibliographie
Amann, P. (2000): Die Etruskerin, Geschlechterverhältnis und Stellung der Frau im frühen Etrurien (9.-5. Jh. v. Chr.), Denkschriften 289/Archäologische Forschungen 5, Vienne.
Berti, F. et C. Gasparri, éd. (1989) : Dionysos, mito e mistero, catalogo della mostra Comacchio, Palazzo Bellini, 7 maggio-17 dicembre 1989, Bologne.
Bonamici, M. (1989): “Lastra fittile frontonale di bottega vulcente”, in: Berti & Gasparri 1989, 172-174.
Bothmer, D. von (1991): “L’Etruria ed il collezionismo americano : i primi anni/Etruria and American Collecting : the Early Years”, in : Roncalli & Bonfante 1991, 43-49.
Boutry, P. (1998) : “Les écrits autobiographiques de cardinaux secrétaires d’État du premier xixe siècle”, MEFR, Italie et Méditerranée, 110, 591-607.
Briguet, M.-F. (1988) : Le sarcophage des époux de Cerveteri du Musée du Louvre, Paris.
Briquel, D. (1999) : La civilisation étrusque, Paris.
Brunn, H. (1865): “Due sarcofagi vulcenti”, Annali dell’Instituto di corrispondenza archeologica, 244-252.
Buranelli, F. (1995): “Gli scavi a Vulci (1828-1854) di Luciano e Alexandrine Bonaparte, principi di Canino”, in: Natoli 1995, 81-218.
Buranelli, F., éd. (1987) : La Tomba François di Vulci, catalogo della mostra, Città del Vaticano, 20 marzo-17 maggio 1987, Rome.
Colonna, G. (1992) : “L’aventure romantique”, in : Étrusques 1992, 322-339.
Claudon, F., éd. (1998) : Stendhal, la Bourgogne, les musées, le patrimoine. Actes du colloque tenu à Dijon en 1995, Turin.
Corssen, W. (1874) : Über die Sprache der Etrusker, vol. I, Leipzig.
Cristofani, M. (1987): “La cultura classica a Vulci fra età classica e ellenismo”, in: Buranelli 1987, 199-203.
Cristofani, M., éd. (1981): Gli Etruschi in Maremna, Milan.
Dennis, G. (1848): The Cities and Cemeteries of Etruria, Londres.
EGA. 49, avec J. Gran-Aymerich (1990) : voir “Bibliographie d’Ève Gran-Aymerich”, supra, p. 22.
Étrusques (1992) : Les Étrusques et l’Europe, catalogue de l’exposition Galeries Nationales du Grand-Palais, Paris, 15 septembre-14 décembre 1992 & Altes Museum, Berlin, 25 février-31 mai 1993, Paris.
François, A. (1857): “Scavi Vulcenti”, Bullettino dell’Instituto di corrispondenza archeologica, 84-89.
Gaultier, F. (1992) : “La collection Campana et la collection étrusque du Musée du Louvre”, in : Étrusques 1992, 350-361.
Gaultier, F. et C. Metzger, éd. (2005) : Trésors antiques. Bijoux de la collection Campana, catalogue de l’exposition, Paris.
Grechi, G. F., G. Chiesa et L. Geronutti, éd. (2001) : Catalogo del Fondo Stendhaliano Bucci di Milano. Appendice II, Milan.
Gsell, S. (1891) : Fouilles dans la nécropole de Vulci, exécutées et publiées aux frais de S. E. le Prince Torlonia, Paris.
Haynes, S. (2000): Etruscan Civilization. A Cultural History, Londres.
Helbig, W. (1880): “Scavi di Vulci”, Bullettino dell’Instituto di corrispondenza archeologia, 209-216.
Herbig, R. (1952): Die jungetruskischen Steinsarkophage, Die antiken Sarkophagreliefs 7, Berlin.
Heres, H. et M. Kunze, éd. (1990): Die Welt der Etrusker, Internationales Kolloquium, Berlin, 24.-26. Oktober 1988, Berlin.
Heurgon, J. (1961) : La vie quotidienne chez les Étrusques, Paris.
Hus, A. (1971) : Vulci étrusque et étrusco-romaine, Paris.
Jannot, J.-R. (1998) : Dieux, devins et démons, regards sur la religion de l’Étrurie antique, Paris.
Jarves, J. J. (1861): Art Studies. The “Old Masters” of Italy, New York.
— (1869): Art Thoughts, The Experience and Observations of an American Amateur in Europe, New York.
— (1883): Retrospective Art Catalogue of the Foreign Art Exhibition, Boston.
Landes, C. et D. Briquel (2005) : “Une inscription retrouvée dans les collections de la Société archéologique de Montpellier”, CRAI, 7-26.
Landes, C. et D. Briquel, éd. (2006) : Une oenochoé étrusque conservée à Montpellier et l’aristocratie vulcienne, Journée d’étude à Lattes, 21 juin 2003, MEFRA, 118, 5-69.
Lanzi, L. (1801): De’vasi antichi dipinti volgarmente chiamati etruschi, Naples.
Laurens, A.-F. et K. Pomian, éd. (1992) : L’anticomanie. La collection d’antiquités aux xviiie et xixe siècles, Colloque international, Lattes, 9-12 juin 1988, Paris.
Martelli, M. (1975): “Un aspetto del commercio di manufatti artistici nel iv secolo a.C.: i sarcofagi in marmo”, Prospettiva, 3, 9-17.
— (1981): “Le manifestazioni artistiche”, in: Cristofani 1981, 223-284
Massa-Pairault, F.-H. (1996) : La cité des Étrusques, Paris.
Matz, F. (1974): “Chronologische Bemerkungen zu einigen Deckelfiguren etruskischen Sarkophage”, in: Marburger Winckelmann-Programm, 1973, Marburg, 13-36.
Nadalini, G. (1992) : “Le musée Campana : origine et formation des collections. L’organisation du musée et le problème de la restauration”, in : Laurens & Pomian 1992, 111-121.
— (1993) : “De Rome au Louvre, les avatars du musée Campana entre 1857 et 1862”, Histoire de l’art, 21-22, 47-58.
— (1996) : “La villa-musée du marquis Campana à Rome au milieu du xixe siècle”, JS, 419-463.
— (1998) : “La collection Campana au musée Napoléon III et sa première dispersion dans les musées français (1862-1863)”, JS, 183-225.
Nardi Combescure, S. (1996) : “Je deviens antiquaire en diable.” Io, Stendhal, console a Civitavecchia e “cavatesori” (1831-1842), catalogo della mostra fotografica, Palazzo dei Priori, Tarquinia, 6 luglio-31 agosto 1996, Tarquinia.
— (1998) : “Le consul Beyle et l’antiquaire Bucci. Stendhal et les recherches archéologiques menées en Étrurie au cours du xixe siècle”, in : Claudon 1998, 195-229.
— (2006) : “‘Mon cher monsieur Bucci’, Alexandrine Bonaparte, Donato Bucci et les deux sarcophages étrusques du Museum of Fine Arts de Boston (1855-1887)”, MEFRA, 118, 63-69.
Natoli, M., éd. (1995): Luciano Bonaparte, le sue collezioni d’arte, le sue residenze a Roma, nel Lazio, in Italia (1804-1840), Rome.
Nielsen, M. (1979): “Women and Family in Changing Society : a Quantitative Aspect in Late Etruscan Burials”, ARID, 17-18, 53-98.
Pfiffig, A. J. (1975): Religio Etrusca, Graz.
Platz-Horster, G. (1992) : “Eduard Gerhard et le cabinet étrusque de l’Altes Museum de Berlin”, in : Étrusques (1992), 362-365.
Rallo, A., éd. (1989) : Le donne in Etruria, Studia archaeologica 52, Rome.
Rix, H. (1991): Etruskische Texte, Tübingen.
Roncalli, F. et L. Bonfante, éd. (1991) : Gens antiquissima Italiae, antichità dall’Umbria a New York, catalogo della mostra, 9 settembre-2 novembre 1991, Pérouse.
Sarti, S. (2001): Giovanni Piero Campana (1808-1880). The Man and his Collection, Oxford.
Sgubini Moretti, A. M. (1987): “La necropoli di Ponte Rotto”, in: Buranelli 1987, 47-56.
Sirèn, O. (1916): A Descriptive Catalogue of the Pictures in the Jarves Collection, New Haven.
Steegmuller, F. (1951): The Two Lives of James Jackson Jarves, New Haven.
Sturgis, R. jr (1868): Manual of the Jarves Collection of Early Italian Pictures, Deposited in the Gallery of the Yale School of the Fine Arts. Being a Catalogue, with Descriptions of the Pictures Contained in that Collection, with Bibliographical Notices of Artists and an Introductory Essay, the Whole Forming a Brief Guide of the Early Christian Art, New Haven.
Vermeule, C. C. (1981): Greek and Roman Sculpture in America : Masterpieces in Public Collections in the United States and Canada, Malibu.
Winckelmann, J. J. (1764): Die Geschichte der Kunst des Altertums, Dresde.
Notes de bas de page
1 Sur ces deux sarcophages, voir Briguet 1988. On peut rappeler que le British Museum, désireux de s’enrichir d’une pièce aussi prestigieuse que celles possédées par les musées français et italien, fit l’acquisition d’un faux sarcophage qui procédait de la même inspiration. Voir la photographie dans les catalogues d’exposition Étrusques 1992, 348 et Gaultier & Metzger 2005, 168.
2 Sur ce type de représentation : Nielsen 1979, avec liste des documents p. 70, 95, n. 7. Que cette attitude puisse, comme cela a été proposé, s’expliquer dans un contexte dionysiaque, par une volonté d’assimilation du couple à Dionysos et Ariane (Bonamici 1989, 172-174), ne nous importe pas ici.
3 La place de la femme dans la société étrusque et les réactions négatives des auteurs grecs puis latins à cet égard ont fait l’objet d’excellentes pages de Heurgon 1961, 56-61 ; voir également nos remarques dans Briquel 1999, 161-174. Sur la place de la femme dans la société étrusque, voir maintenant Rallo 1989 et Amann 2000.
4 Sur la question de l’entrée de matériel étrusque dans les collections américaines en général, on se reportera à l’étude de Bothmer 1991.
5 Sur les figurations de démons masculins et féminins symbolisant la mort, et notamment sur Vanth, figure féminine ailée, voir, outre Briquel 1999, 259-262 ; Pfiffig 1975, 323-336 et Jannot 1998, 78-81.
6 Sur ce point et les discussions à ce sujet, on pourra se reporter à Herbig 1952, 13-15 ; Hus 1971, 130 ; Matz 1974, 14-17 ; Martelli 1975, 14 ; Martelli 1981, 272 ; Vermeule 1981, 14 ; Cristofani 1987, 201 ; Massa-Pairault 1996, 180-183.
7 Sur ce nouveau document, voir Landes & Briquel 2005 et 2006.
8 Publication par Helbig 1880, en particulier 216.
9 Voir Gsell 1891, 244-248.
10 Les autres inscriptions funéraires de Tetnie trouvées à Vulci ne présentent pas la même signification pour ce qui est de la détermination de sépultures familiales de cette gens de l’aristocratie vulcienne : l’inscription Vc 1.11-12, de la nécropole de Mandrione di Cavalupo, du iiie s. a. C., concerne une femme, une Ramtha Tetni, dont le sarcophage a toute chance d’avoir été déposé dans la tombe de son mari, un Purze ; et les deux inscriptions jumelles, Vc 43 et 44, portées sur des vases du iie s. a. C., concernent un homme dont le prénom Trepe, d’origine italique, amène à penser qu’il ne faisait pas partie de la lignée aristocratique des Tetnie.
11 Voir Bullettino dell’Instituto di corrispondenza archeologica, 1846, 86 : “appresso lo stesso Dott. Braun annunzio la scoperta fatta da due tragrandi sarcofagi nella necropoli di Vulci presso al luogo, dove nella stagione passata si rivenne quel carro di bronzo” (sur la découverte d’un char de bronze lors de la campagne de 1845, voir Buranelli 1995 105-107, 112).
12 Voir Dennis 1848, 472.
13 Voir Brunn 1865, 244 pour la citation.
14 Voir Corssen 1874, I, 70.
15 Voir Gsell 1891, 532, n. 3 ; dans le même sens, Sgubini Moretti 1987.
16 Voir Buranelli 1995, 112 ; la référence des rapports, conservés au Vatican, est Archivio Segreto Vaticano, Delegazione Apostolica, série II, partie, II, enveloppe 156 ; la lettre à P. E. Visconti a été reprise en partie dans Dissertazioni della Pontificia Accademia di archeologia, 13, 1855, LX-LXI, puis dans la notice du CIE, no 5313-5314.
17 Voir Buranelli 1995 ; missive conservée dans Archivio Segreto Vaticano, Ministero del Commercio e di Lavori Pubblici, section 5, titre 1, enveloppe 418, fascicule 5c.
18 Voir Sturgis 1868.
19 Sur le personnage, Steegmuller 1951.
20 Ainsi Jarves 1861, 52, 104-105, 114, 253-254, 344, 464, Jarves 1869, 40-48. Nous suivons sur ce point les conclusions de l’étude de Nardi Combescure 2006, 68.
21 L’achat eut lieu largement après la mort de la veuve de Lucien Bonaparte (survenue en 1855), contrairement à ce qu’on lit dans Bothmer 1991, 43-47, qui évoque un achat fait en 1854, un an avant le décès d’Alexandrine.
22 Pour pouvoir exporter ces pièces, le comte Faina dut acquitter le paiement d’une taxe de 7000 francs en vertu de l’édit Pacca, toujours en vigueur dans le nouvel État italien.
23 Dans Archivio Segreto Vaticano, Ministero del Commercio e di Lavori Pubblici, section 5, titre 1, enveloppe 418, fascicule 5c.
24 Voir Boutry 1998, 594-596, 600-601, avec bibliographie. L’Edito sopra le antichità e gli scavi détaillait en 61 articles les objets soumis à contrôle.
25 S’opposant à ces deux savants qui, s’appuyant sur la présence d’inscriptions rédigées en grec, avaient démontré l’origine attique de ces vases (respectivement dans Winckelmann 1764 et Lanzi 1801), Lucien affirmait ainsi naïvement dans son Museum étrusque de 1829 que “Winckelmann et Lanzi n’avaient raisonné qu’à défaut de monuments étrusco-pélasges incontrastables ; lui, il leur en livre deux mille !”, ou que “si Lanzi et Winckelmann vivaient encore, s’ils voyaient nos découvertes, ils adopteraient sans balance l’opinion étrusque et feraient des ouvrages bien différents sur l’histoire des arts”.
26 Pour le détail des ventes de cette époque, Buranelli 1995, 104-105.
27 Il avait été fondé en 1837 et fut alors le premier musée consacré aux antiquités étrusques. Données dans Colonna 1992, en particulier 334.
28 Voir Dennis 1848, 472 : “These sarcophagi, I am told, have been just purchased by the Papal Government for the Gregorian Museum, for about £ 350”.
29 Voir Nardi Combescure 2006, 66, avec documents cités n. 14, corrigeant sur ce point Buranelli 1995, 113.
30 La fille de Lucien et Alexandrine, Marie, née en 1818 et morte en 1874, avait épousé en 1836 le comte Vincenzo Valentini.
31 Voir François 1857, 86.
32 Dans Archivio Segreto Vaticano, Ministero del Commercio e di Lavori Pubblici, section 5, titre 1, enveloppe 418, fascicule 5c.
33 Sur cet ami de Stendhal alors qu’il fut consul à Civitavecchia, né en 1798 et mort en 1870 dans cette ville, voir Nardi Combescure 1998 ; sur l’activité archéologique de Stendhal : Nardi Combesure 1996. Sur le fonds Stendhal de Milan (ayant appartenu à D. Bucci), Grechi et al. 2001. La question qui nous occupe a été étudiée par Nardi Combescure 2006.
34 D. Bucci devait organiser des fouilles avec le baron Edmond de Rothschild dans la nécropole de Montebello, près de Viterbe, en 1866.
35 Voir Nardi Combescure 2006, 64-65 ; la lettre figure dans Grechi et al. 2001, II, no 1261, 497-499.
36 Il s’agit de Marie Bonaparte, fille de Lucien et d’Alexandrine, mariée depuis 1836 au comte Vincenzo Valentini.
37 Nous sommes au moment de la guerre de Crimée (1854-1856), où la France, la Grande-Bretagne et le Piémont étaient engagés aux côtés de l’empire ottoman contre la Russie.
38 Voir Platz-Horster 1992.
39 Voir Nardi Combescure 2006, 65, avec le texte de la lettre du 17 avril 1855 de D. Bucci (Grechi et al. 2001, II, no 1524, 499). Dans cette lettre, l’antiquaire exprime son doute que “la paix ne [soit] rendue si tôt, au très grand regret de tous les amis de l’humanité” et suggère que Marie Bonaparte Valentini profite de son séjour à Paris pour faire avancer le projet de vente à la France (“je me rends parfaitement compte des justes raisons qui ont empêché [votre Excellence] d’offrir elle-même ces deux sarcophages au gouvernement français, mais cette affaire ne pourrait-elle pas être traitée de personne par la princesse Maria, maintenant qu’elle est à Paris ? Je crois que cette occasion serait des plus favorables pour leur placement”). Il ne semble pas que Marie Bonaparte Valentini soit alors intervenue dans cette affaire.
40 “Que Votre Excellence ait la bonté de donner cette commission au même M. Valentini ou toute autre personne qu’elle aimera mieux, en lui recommandant de faire soigneusement emballer [les sarcophages] car la route de Musignano jusqu’à celle de Montalto est dans un très mauvais état”.
41 Sur les documents qui permettent de suivre la suite du projet de transfert, voir Nardi Combescure 2006, 66 ; une autre lettre de la princesse à D. Bucci, conservée dans le fonds Bucci de Milan (Grechi et al. 2001, II no 1529, 499-500), témoigne de l’absence de “zèle pour [son] intérêt” dont G. Valentinifaisait preuve pour le projet de transfert des sarcophages à Civitavecchia, dans des circonstances où Alexandrine avait subi “une attaque récente de [la] cruelle maladie” qui allait bientôt l’emporter.
42 Voir Brunn 1865.
43 Voir Corssen 1874, 70.
44 Voir Jarves 1883, 30-32.
45 On notera l’erreur sur la date : il s’agit de la campagne de fouilles de l’hiver 1845-1846.
46 On ne dispose actuellement pas d’étude sur cette éventuelle proposition d’achat Castellani.
47 Il s’agit de Marie Valentini, qui, née en 1840, mourut seulement en 1925.
48 Sur l’achat par la France de Napoléon III de la collection Campana, on verra principalement Gaultier 1992 ; Nadalini 1993 ; Nadalini 1998.
49 La Grande-Bretagne acheta 95 pièces de la Renaissance italienne, majoliques et sculptures, pour la collection du musée de South Kensington (Victoria and Albert Museum). Le tsar Alexandre II se porta acquéreur pour le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg d’un lot de 787 pièces, numériquement assez réduit, mais composé de pièces choisies avec soin. Le Musée Royal de Bruxelles fit l’achat en 1863 d’une série de 77 vases. Mais la plus grande part du reste de la collection, à l’exception de certaines pièces, peu nombreuses, restées en Italie, fut achetée par les envoyés de la France. Sur la collection Campana et son devenir, voir, outre les titres cités à la note précédente, EGA. 49 (1990) ; Nadalini 1992 ; Sarti 2001.
Auteur
Professeur émérite, Université de Paris-IV-Sorbonne, UMR8546 ; dominique.briquel@ens.fr
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Tradition et innovation dans l’épopée latine, de l’Antiquité au Moyen Âge
Aline Estèves et Jean Meyers (dir.)
2014
Afti inè i Kriti ! Identités, altérités et figures crétoises
Patrick Louvier, Philippe Monbrun et Antoine Pierrot (dir.)
2015
Pour une histoire de l’archéologie xviiie siècle - 1945
Hommage de ses collègues et amis à Ève Gran-Aymerich
Annick Fenet et Natacha Lubtchansky (dir.)
2015