Archéologie et modernité en Espagne au xviiie siècle. Grèce et Rome à l’époque des Lumières
p. 113-125
Résumé
The new intellectual scenario of the last decades of xviith century brought about modernity the idea of progress and the conscience that society was something understandable through reason, political economy and history. These achievements came deeply linked to the steady presence of Greece and Rome in European thought. The flow of new ideas penetrated into Spain as well, notwithstanding it was not a favourable State for that, due to the force of Counter-Reformation. Its Enlightened ruling class thought that, after having left the xviith century crisis over, the country should recover a prominent site in the concert of nations. That led them to search out its past splendor in Pre-Roman and Roman Hispania, the Visigothic kingdoms and the Catholic Kings.
Within this context, Spanish archaeological actions came closely associated to the making of a national past and were undertaken mainly by the State. The landmarks of this policy were the so-called “viajes literariosˮ from 1750, and the preparation of the Diccionario geográfico-historico by the Real Academia de la Historia mainly from 1772. These undertakings permitted to discover, analyze and often publish a large amount of Greek and Roman epigraphs, engravings, inscriptions and other remains. The political use of archaeology included also actions such as those of the so-called leads of the Sacromonte, in Granada, and the excavations of Pompeii, in Naples.
Note de l’éditeur
Cet article a été réalisé dans le cadre du projet de recherche HAR 2011-29036-C02-01 financé par le Ministère d’Économie et Innovation de l’Espagne, et du groupe de recherche OAAEP subventionné par le Gouvernement d’Aragon avec des fonds du FSE.
Texte intégral
Introduction. Antiquité et modernité
1Au début du xviiie siècle, une nouvelle science, l’économie politique, défendait l’idée que pour comprendre le fonctionnement de la société, il fallait analyser son histoire. Mais pas n’importe laquelle : lorsqu’en 1741-1742, David Hume publie la série d’essais qui constitue sa vision de la nouvelle discipline1 pour expliquer l’organisation de la société économique, il ne cite pas l’histoire médiévale ni celle des États contemporains, mais celle des Spartiates, des Athéniens et des Romains. Parler d’histoire, c’était avant tout parler d’histoire ancienne. Et c’était ainsi parce que la Modernité des Lumières tenait compte avant tout de la Grèce et de Rome ; les Européens étaient en contact permanent avec leurs traditions depuis la Renaissance. La Modernité est donc née sous le reflet d’Athènes, de Rome, de Syracuse et de Sparte dont le passé était de plus en plus connu grâce à la découverte de nouvelles sources écrites, aux dessins architecturaux des voyageurs, aux collections publiques et privées de sculptures et de pierres tombales ainsi qu’à la contemplation des vestiges antiques présents dans la peinture, la musique et autres beaux arts contemporains.
2Cependant, l’influence de l’Antiquité sur la Modernité ne s’est pas effectuée dans une seule direction. Au fur et à mesure que les Européens obtenaient plus d’informations sur le monde classique, celui-ci, à son tour, se transformait de plus en plus en un miroir dans lequel on croyait voir l’origine des idées nouvelles : les faits et les valeurs de la Grèce et de Rome que les Européens avaient mis en évidence projetaient constamment une ombre sur la Modernité et celle-ci se créait un passé sur mesure. La raison des Lumières en a été la cause. De nouvelles conditions intellectuelles sont apparues en 1648 et 1659, au moment où les princes européens signaient les traités de paix de Westphalie et des Pyrénées, qui ont mis fin aux guerres de religions et ont configuré de nouveau la carte du continent. Sans doute, ils ne s’apercevaient pas alors qu’ils étaient en train de poser les bases d’un grand changement sur la conception du monde que leurs sujets avaient à cette époque. Dans les décennies suivantes, ceux qui ont fini par admettre, soit par conviction soit par intérêt, que la tolérance entre les religions (catholicisme, luthéranisme, calvinisme, judaïsme) était le modèle de civilisation le plus acceptable et le plus normal, ont été chaque fois de plus en plus nombreux. De même, les faits politiques ont forcé beaucoup d’Européens à admettre qu’ils n’avaient pas d’autre solution que de vivre ensemble2.
3De son côté, la tolérance religieuse a renforcé l’idée que l’interprétation du monde de l’Église catholique n’était pas la seule, ni souvent la meilleure. Tout ceci bouleversait la conception de l’histoire, tandis que la Contre-Réforme ne concevait l’évolution humaine que comme la conséquence prévue dans les Écritures Sacrées, comme une téléologie guidée par la providence divine, de la même manière que la nouvelle économie politique s’appuyait sur les penseurs et sur l’exemple des Classiques. Cette approche providentialiste ne fut pas étrangère au succès de l’historiographie de l’époque, surtout l’amélioration de la lecture et l’analyse paléographique des textes anciens, grâce à des auteurs comme Jean Mabillon, qui se développèrent en France dans le cadre des débats jansénistes sur l’Antiquité, proche ou lointaine, et l’authenticité du passé des ordres religieux, des saints, des églises et des reliques.
4Parallèlement, la tolérance favorisait la libre pensée, ce qui a stimulé la fin du long chemin intellectuel qui mena à la révolution scientifique. Le point culminant du processus fut l’œuvre d’Isaac Newton. Dans ses œuvres Philosophie naturalis principia matemathica (1687) et Opticks (1704), il a formulé la théorie de la gravitation universelle, grâce aux nouveaux instruments mathématiques (l’algèbre, le calcul infinitésimal) et grâce à la méthode qui démontrait les affirmations de manière expérimentale. Cette théorie explique de façon unifiée et consistante quelles sont les forces qui déterminent le mouvement aussi bien des grands corps célestes que ceux des particules élémentaires terrestres. Par conséquent, si le monde physique était composé de particules élémentaires appelées atomes ou monades et qu’il s’organisait selon les principes d’attraction et de réaction, le monde social s’organisait aussi de la même manière par similitude ; cette idée était de plus en plus acceptée. L’effet était que les individus devenaient des unités sociales élémentaires, des monades individuelles qui agissaient dans la société selon certains principes : l’appétit, l’intérêt. À l’époque, ces principes étaient formulés par des auteurs tels que John Locke et ils engendraient un ensemble social dont le mouvement était intelligible à partir de ces mêmes principes.
5Le résultat en était la société, une machine sociale composée par des individus qui poursuivaient leurs intérêts, semblable au fonctionnement d’une ruche d’abeilles (c’est ainsi que l’avait décrite Bernard Mandeville dans son œuvre Fable of Bees)3 ou à une montre de précision. La société devenait alors une machine sociale intelligible dans laquelle Dieu, avant d’être le créateur et l’inspirateur continu de l’existence des êtres vivants, devenait un dieu horloger, un simple Deus ex machina qui, à un moment donné, avait fait fonctionner le mécanisme de la vie en lui donnant des règles, pour le laisser seul plus tard. La société, la machine sociale, devenait donc un objet d’analyse et pour savoir d’où elle venait et où elle se dirigeait, il fallait examiner l’histoire de son progrès, s’écartant de l’idée grecque selon laquelle la décadence nécessaire de la société suit une période de gloire4.
6Alors, aussi bien dans le providentialisme en déclin que dans la modernité en hausse, les Classiques ont eu un rôle fondamental : ils étaient leur miroir. En effet, depuis la Renaissance, les Européens vivaient avec le souvenir des Classiques de la Grèce et de Rome. Cet héritage avait nourri ce qu’on a appelé “la querelle des Anciens et des Modernes”, qui faisait partie de la République des lettres des intellectuels du continent. Les auteurs français, anglais, italiens ou allemands, de diverses disciplines, ont posé et ont essayé d’éclaircir une question difficile : savoir vraiment si à cette époque on pouvait seulement aspirer à imiter la perfection infinie atteinte par les auteurs classiques ou au contraire si, grâce aux progrès scientifiques (télescope, microscope, circulation du sang), les artistes et les scientifiques emportaient l’être humain vers un état de développement différent, beaucoup plus avancé que celui des Grecs et des Romains. Beaucoup d’auteurs européens avaient participé à ce débat, les Français étant les plus importants avec notamment Charles Perrault (Parallèle des Anciens et Modernes, 1688-1689), Fontenelle (Digressions sur les Anciens et Modernes, 1688) et surtout l’abbé de Saint-Pierre (Ouvrages de politique, 1733-1741)5.
La récupération de l’Antiquité en Espagne
7L’Espagne – avec son activité archéologique au cours de cette période – fut aussi un territoire impliqué dans ces controverses. La modernité intellectuelle européenne se faisait place, avec beaucoup de difficultés, dans une monarchie où la Contre-Réforme, le renforcement de la pensée scolastique la plus traditionnelle et la crise politique du xviie siècle n’offraient pas les conditions propices à la libre pensée et aux idées nouvelles. À la fin du xviie et au début du xviiie siècle, les innovateurs ou “ novatores” – terme espagnol issu du latin novator, utilisé avec un sens péjoratif pour se référer aux précurseurs de ces Lumières européennes – eurent un succès relatif, mais finalement, d’une façon ou d’une autre, le pays était en contact avec les changements européens aussi bien en matière de providentialisme que de modernité, et ils furent mis au service de la naissance d’une régénération nationale.
8De même, vers 1700, l’hypertrophie ecclésiale espagnole suscitait dans le pays des polémiques historiographiques intenses, à propos des anciens thèmes de l’histoire cléricale – les saints, les reliques, l’antiquité des églises, des diocèses et des ordres religieux –, et manifestait le besoin de développer une histoire civile qui, en Espagne, dès le début, avait acquis une teinte fortement régénératrice ou nationaliste. Il fallait récupérer un passé glorieux perdu, l’ancienne gloire de l’Hispanie romaine et aussi celle du mythique roi Túbal, les époques des Visigoths et des Rois Catholiques, pour que l’Espagne puisse avoir de nouveau sa place dans le concert des nations. Pour atteindre ce but, récupérer et préciser le passé classique était fondamental6.
9Depuis la Renaissance jusqu’à la fin du xviie siècle, pratiquer l’archéologie en Espagne consistait avant tout à collectionner des antiquités et celle-ci se développait en même temps que l’analyse philologique des textes. Mais, au cours de ces décennies, en Angleterre, l’idée inspirée par Francis Bacon d’observer et de catégoriser la nature7, idée associée également au besoin de donner une forme visuelle au passé8, avait fait changer profondément l’archéologie. En même temps, celle-ci fut fortement reliée à la création d’une histoire nationale. De manière semblable, en Allemagne, la réception de la culture classique au moyen de l’archéologie avait été très intense et contribua plus tard à consolider le passé de cette communauté politique9. Partout, contribuèrent à l’ensemble de ce processus autant les découvertes effectuées dans chacun de ces territoires, que l’information ou l’expérience propre de celles réalisées en Italie, berceau indubitable de toute chose.
10Tout cela arriva aussi en Espagne, à la faveur des changements politiques et de celui de la dynastie du début du siècle, comme le montrent les témoignages rapportés ci-après10. À l’époque, l’idée d’écrire l’histoire ancienne de la monarchie en utilisant des témoignages archéologiques, en mélangeant le collectionnisme et l’histoire scientifique, avait déjà été utilisée par un des grands précurseurs des Lumières, Manuel Martí (1665-1737), doyen d’Alicante qui, après un long séjour à Rome où il avait connu l’œuvre de l’antiquaire français Bernard de Montfaucon (1655-1714) et pris contact avec les traces de l’ancienne Rome, retourna en Espagne et envisagea l’idée de la parcourir et d’analyser tous les vestiges de l’Antiquité pour construire une histoire ancienne de la nation11. On sait que Martí fit des fouilles au théâtre romain de Sagunto, près de Valence, et à Italique, près de Séville12.
11Dans la première moitié du siècle, les efforts pour réélaborer l’histoire de l’Espagne avaient eu une forte composante régénératrice et nationaliste, ceux-ci coïncidant avec ceux qui avaient aussi été entrepris par d’autres réformistes des Lumières. Certains auteurs tels que Martí, Feijoo et Mayans, avec des perspectives différentes, servirent cette cause. La tâche de moderniser le pays, si arriéré à cause des guerres et de la crise économique et politique du xviie siècle, occupa la première moitié du siècle suivant. Dans cette période, déjà très influencée par la pensée moderne des innovateurs, on analysait le passé à l’aide de papiers qui se trouvaient dans les archives – de fait d’accès malaisé – et des objets des anciennes fouilles, de telle manière que l’archéologie était une façon de plus de faire de l’histoire. Le modèle des Anciens – aussi bien dans sa connaissance, son imitation que dans son dépassement – constituait un objectif de base et explique la passion croissante pour la découverte de toutes sortes de pierres tombales, de bâtiments, d’objets et de monuments publics et privés, auxquels on appliquait la raison et la comparaison avec les textes et les reliefs anciens. L’histoire servait de magistra vitae pour analyser les erreurs du passé, ce qui dans le contexte culturel du début du xviiie siècle signifiait avant tout analyser les causes de la décadence nationale du xviie. La récupération de ces vestiges était aussi une propagande des temps passés que la monarchie prétendait faire revivre.
12En même temps, vu le retard économique et le grand poids de l’Église catholique dans la vie intellectuelle, une bonne partie des énergies de ces premières décennies servit à dénoncer des mythes et des fausses légendes, une tâche vraiment constructive, entreprise systématiquement dans la deuxième moitié du siècle, lorsque la monarchie, libérée des liens politiques avec la France, entreprit une politique réellement mercantiliste et nationaliste. Elle recherchait l’utilité sociale dans un double sens : sociale, parce qu’elle servait au progrès de celle-ci ; et économique, parce qu’elle donnait des bénéfices au roi qui la gérait.
Le despotisme des Lumières ou les voyages littéraires à partir de 1750
13Le lancement décisif eut lieu au milieu du siècle, pendant le mandat du marquis de Ensenada, presque toujours grâce à la Real Academia de la Historia – abrégée ci-après en RAH. L’objectif était double : limiter le pouvoir excessif de l’Église et récupérer l’histoire nationale pour la mettre au service de la politique des Lumières.
14Dans ce sens, la monarchie négocia et signa avec le Pape les importants concordats de 1737 et de 1753, l’État encouragea l’élaboration et la parution de nombreux travaux sur les maux du pays et les solutions possibles pour y remédier, et Pedro Rodríguez Campomanes rédigea et publia le fameux Tratado de la regalía de amortización (Traité sur la Régale d’amortissement) en 1765. Dans ce contexte, on prit aussi de plus en plus l’habitude de réviser les archives de l’Église et d’autres documents anciens pour démontrer l’antiquité et la supériorité des droits de la monarchie dans les diverses nominations des bénéfices ecclésiastiques13, et surtout pour montrer que le roi avait été le patron fondateur de nombreux couvents et par conséquent, dans ces cas-là et pour des raisons historiques, qu’il avait droit de patronage sur eux.
15Tout ceci donna lieu au patronage royal des mal-nommés voyages littéraires, ou voyages de reconnaissance des monuments, des documents et restes de toute sorte, sous la direction de la Junta del Patronato Regio, créée par un décret royal du 3 septembre 1750 et présidée par le jésuite Andrés Marcos Burriel14. Cette junte, auprès de la RAH, constitua le grand élan de l’archéologie en Espagne, pendant les Lumières. La raison de son existence était de récupérer les témoignages historiques qui soutenaient le droit du “Patronage Royal”, celui qui permettait au roi de pourvoir aux offices cléricaux dans les églises d’Espagne. Cette pratique débuta dès avant la négociation du Concordat de 1753, peut-être avec un voyage d’Ascensio de Morales en 1743, et se développa notablement avec les voyages réalisés entre 1749 et 1753, dans divers endroits et territoires de l’Espagne, par Andrés Marcos Burriel et Francisco Pérez Bayer, Andrés de Simón Pontero, Carlos Simón Pontero, José Vázquez Venegas, Marcos Domínguez Alcántara et Pedro Rodríguez Campomanes, entre autres. Les données obtenues furent utilisées politiquement dans l’activité diplomatique de cette même période.
16C’est dans ce contexte qu’un voyage en Extrémadure, commandé à Ascensio de Morales en 1753 par la Comisión del Patronato Regio permit de faire entrer dans l’Archivo Histórico Nacional une grande collection de dessins de pierres tombales, de textes et de restes romains, aujourd’hui disparus, qui provenaient des collections du marquis de Mirabel et du chevalier Antonio de Vargas15. Une partie de la documentation obtenue dans ces voyages était archéologique. Étant donné que l’initiative pour la négociation avec l’Église venait de la Secretaría de Despacho del Estado (Secrétariat d’État), la documentation obtenue, d’un grand intérêt pour les archéologues, est conservée dans la section de cet Archivo Histórico Nacional qui correspond à ce Secrétariat16 et dans la bibliothèque de la RAH. Le Concordat de 1753 réaffirma le patronage royal sur l’Église espagnole, même si, curieusement, les documents obtenus ne furent finalement pas nécessaires pour la négociation de la convention, qui se réalisa selon deux voies simultanées17.
17L’opération de récupération des documents de 1749-1753 fut le vrai point de départ de l’archéologie en tant qu’instrument au service de l’histoire nationale. Sous le patronage royal, beaucoup d’autres voyages eurent lieu, mais le besoin de fixer les limites de l’histoire ecclésiastique n’était alors plus le but essentiel, pas plus que les droits du roi face aux privilèges des églises et des couvents. D’une façon ou d’une autre, ce fut la Real Academia de la Historia qui donna l’impulsion à tous ces périples. Parmi eux, il faut noter celui de Luis José Velázquez de Velasco, marquis de Valdeflores, dans le centre et le sud de l’Espagne (1747-1752). Après un premier voyage littéraire pour recueillir des documents, il en accomplit un autre beaucoup plus long, entre 1752 et 1765. Le détail de la partie publiée de ses mémoires se compose de 67 volumes manuscrits, conservés à la bibliothèque de la RAH. Un autre voyage très important fut effectué par le chanoine de Valence, Francisco Pérez Bayer en Andalousie (1782). Ses journaux manuscrits sont conservés à la Bibliothèque nationale. L’activité du clerc de Valence, José Ortiz Sanz, est aussi remarquable. Il fut envoyé à Rome, à Pompéi, à Herculanum et à Paestum (1778), puis il traduisit du latin Vitruve (1787) et il publia une description du théâtre romain de Sagunto (1807). Cependant, de nos jours, le voyage le plus connu reste celui d’Antonio Ponz qui était allé à Pompéi et à Herculanum avec Pérez Bayer en 1759. Sous la commission de Rodríguez Campomanes, depuis 1771, il visita l’Espagne entière. Au début, il ne s’agissait que de faire l’inventaire des œuvres d’art des jésuites expulsés, mais pourtant, il fit aussi très attention à toute sorte de nouvelles informations sur l’archéologie qu’il publia plus tard dans 17 volumes (Viage de España…, 1772-1792). Son œuvre, continuée par un disciple, Isidoro Bosarte18, fut traduite en italien et en allemand.
L’élaboration du Diccionario geográfico à partir de 1737
18Simultanément, la Junta del Patronato Regio et, même un peu avant, la Real Academia de la Historia, l’autre grand protagoniste, travaillaient à la récupération de l’histoire nationale où l’activité archéologique fonctionnait déjà. Dans le contexte de la création des différentes académies par la monarchie, afin de promouvoir le progrès scientifique dans les premières décennies du siècle, celle de la RAH, dont la genèse remonte à 1735 lors d’une soirée littéraire mais qui démarra en 1738, s’orienta selon deux objectifs : épurer le passé espagnol de mythes, de faussetés et de légendes pour connaître l’authentique passé national ; élaborer un “dictionnaire critique universel de l’Espagne”, des différents endroits ou provinces, soit un dictionnaire historique qui puisse récupérer les faits inconnus de l’histoire de la nation et les mettre au service de la politique, comme cela fut réalisé19. L’archéologie, qui devait étudier le passé au moyen des restes matériels, jouait, à travers ces deux objectifs, un rôle fondamental.
19Beaucoup des voyages cités ci-dessus avaient été encouragés par la RAH afin d’atteindre le premier de ces buts. À vrai dire, la politique, à visée royaliste, menée par cette institution d’organiser ces voyages littéraires pour établir l’antiquité des bâtiments, surtout des bâtiments ecclésiastiques, finit par devenir une vaste opération de récupération de documents, de nouvelles, de textes et de vestiges matériels qui affectait toute l’Espagne. Ces voyages d’exploration et de compilation relancèrent l’archéologie des époques grecque et surtout romaine. L’activité de collectionnisme qui à l’époque consistait à faire des fouilles de temps en temps était encore loin de considérer les objets dans leur position stratigraphique.
20L’autre grand objectif de la RAH, l’élaboration d’un “dictionnaire géographique et historique” ou simplement d’un “dictionnaire géographique” de l’Espagne, ne commença qu’en 1772, même si l’idée était antérieure. Depuis au moins 1760, un dictionnaire de ce type était déjà en cours de publication pour toute l’Amérique espagnole20, mais celui de la RAH fut conçu bien avant, en 1737, sous la forme d’annales pour acquérir “une information ponctuelle de la division civile ou séculaire et de l’ecclésiastique”, ce qui devint à partir de 1743 l’objectif principal de cette institution. À partir de 1753, le projet commença à incorporer des données quantitatives prises à celui envisagé pour étendre la contribution directe en Espagne, appelé projet de Única Contribución21. Même si l’Académie se trouvait sous la direction de Rodríguez Campomanes depuis 1764, c’est à partir de 1772 que le dictionnaire subit un fort élan, grâce aux instructions précises d’élaboration des données22. À tout moment, on avait tenu compte des restes matériels dans l’élaboration de l’information. Douze ans après, un nouvel accord de la junte chargée de cette élaboration insistait sur le fait que les fiches relatives à chaque endroit devaient inclure “les histoires particulières” (1787), c’est-à-dire d’autres documents historiques comprenant les restes archéologiques, et un an plus tard celles-ci devaient avoir été organisées définitivement par provinces et territoires : chaque lieu devait avoir “un état ancien et moderne, dans les différentes époques, où l’on devait décrire l’état civil et ses variations…” (1785). Peu après, on insistait sur le fait qu’il fallait inclure “les choses accidentelles civiles…”, y compris les “inscriptions” et les “médailles” (1788)23.
21Même si la documentation d’archives formait l’élément principal, les restes matériels avaient toujours eu beaucoup d’importance dans l’élaboration de l’information.
22Le travail était tellement immense qu’il commença à prendre du retard. Seulement, la nouvelle impulsion de Pedro Rodríguez Campomanes, lors de son deuxième mandat à la tête de RAH (1788-1781), et la décision d’élaguer et de résumer la grande quantité de matériel accumulé, avaient permis d’imprimer les deux premiers volumes (Navarra, Álava, Vizcaya, Guipúzcoa), en 180224. De cette œuvre, d’autres volumes furent imprimés : ceux qui faisaient référence aux anciennes provinces romaines (Tarraconense, Bética, Lusitania) en 183525, et aussi à Logroño et une partie de Burgos en 184626. Le matériel des Asturies fut en partie élaboré par Jovellanos et publié à l’époque27, complété au cours du xixe siècle et publié en 195928.
23Le dictionnaire géographique et historique fut le premier d’une série qui se développa au xixe siècle (par exemple ceux de Pascual Madoz et de Sebastián de Miñano). Dans l’ensemble, l’opération fut une vaste œuvre culturelle dont nous sommes loin encore de connaître tous les détails. Elle produisit une énorme quantité de documents, conservés dans des états d’élaboration très variés, parmi lesquels on trouve nombre de matériaux réunis pour des zones diverses qui n’ont jamais été publiés. Certains sont ainsi encore inédits, comme des documents sur l’Aragon29 et autres lieux30.
24Les références que l’on vient de citer marquent les objectifs de la restauration espagnole du xviiie siècle en rapport avec l’archéologie. Elles montrent aussi un contexte d’intérêt croissant pour écarter cette discipline du collectionnisme érudit prédominant jusqu’alors, en soulignant sa capacité analytique pour les connaissances du passé. C’est ce que viennent démontrer les transcriptions d’épigrammes romains de la région Tarraconense réalisées par le chanoine aragonais Francisco Fuertes Piquer, ami de Josep Finestres Feliu, en 175731 et des épigrammes romains de la ville de Plasencia (Extrémadure), provenant du voyage littéraire d’Ascensio de Morales en Extrémadure, en Castille la Neuve et en Andalousie32.
25L’activité individuelle de certaines figures des Lumières, tel que le marquis de Valdeflores, déjà cité, et d’auteurs comme le père Enrique Flórez, Francisco Pérez Bayer ou Fernando José de Cárdenas, curé de Montoro33, est aussi remarquable. José Fuertes Piquer, aragonais de Teruel, chanoine du conseil de l’Archevêché de Tarragone et probablement membre de la famille du célèbre Andrés Piquer, avait réalisé une intéressante compilation de textes de pierres tombales romaines de la province Tarraconaise, dont certaines étaient déjà connues34.
26L’usage politique de l’archéologie est attesté dans divers cas. Par exemple, dans la longue et confuse question des “plombs du Sacromonte”35 – des tablettes de plomb inscrites en arabe et en latin qui étaient des faux fabriqués par des Musulmans – qui furent trouvés à Grenade entre 1595 et 1599 auprès de reliques chrétiennes et qui dès lors ont généré une vive polémique locale. En 1750, le clerc de la cathédrale Juan de Foves avait réalisé des fouilles dans l’ancien forum romain de la ville afin de recueillir des antiquités pour le marquis de Valdeflores et ces découvertes, mises en relation avec les précédentes, générèrent une nouvelle controverse qui, d’un côté, cherchait à justifier l’origine chrétienne pré-arabe de l’église de Grenade – et par conséquent le droit de patronage du roi – et d’un autre côté permit la découverte des restes romains dans les fouilles (1754-1763)36.
27Tout au long du xviiie siècle, il y eut une prolifération d’études sur l’épigraphie ancienne : celles des “médailles”, c’est-à-dire des monnaies, celles des alphabets et des langues anciennes. Beaucoup de ces études étaient liées aux actions de la Real Academia de la Historia, mais pas toutes ; la connaissance des compilations de monnaies, le débat sur l’ibérisme basque (théorie qui soutenait que le basque avait été la langue d’origine de toute l’Espagne), les analyses de collections de textes et d’épigrammes montrent avec détails l’importance des progrès obtenus37. L’autre partie remarquable de l’activité de l’institution fut l’étude des ruines, alors visibles à l’œil nu, la recherche des emplacements d’anciennes villes et les fouilles dans des endroits divers que de nombreux hommes des Lumières réalisèrent. Les plus connues sont celles du clerc Antonio Tavira Almazán à Segóbriga (Saelices, Cuenca) ; du doyen Manuel Martí et de Miguel Eugenio Muñoz à Saguntum (Sagunto, Valencia) ; des militaires Caamaño, Cuesta et García de la Huerta avec le clerc Leonardo Soler à Illici (Elche, Alicante) ; du clerc Antonio Palau à Puig de la Cebolla (Valencia) ; Antonio Cavanilles à Calpe (Alicante) ; Sebastián Cortés et José de las Cuentas à Munigua (Mulva, Sevilla) ; Manuel Martí et le peintre Lucas Valdés avec le clerc Enrique Flórez et le juriste Francisco Bruna Ahumada en Itálica (Santiponce, Sevilla) ; le clerc José Martínez de Mazas à Cástulo (Linares, Jaén) ; Juan Loperráez et Juan Erro à Numancia (Garray, Soria) ; Juan Loperráez et le clerc Enrique Flórez à Clunia (Coruña del Conde, Burgos) et le marquis de Valdeflores et l’académicien portugais Manuel de Villena Mosiño à Emérita Augusta (Mérida, Badajoz)38, entre autres. Certaines de ces activités étaient la conséquence des voyages littéraires déjà cités plus haut.
28L’activité archéologique espagnole ne se développa pas seulement dans la péninsule. À Naples, le futur Charles III, roi des Deux-Siciles depuis 1738, poussa les fouilles d’Herculanum et de Pompéi (déjà connues il y a des siècles), dirigées respectivement par les ingénieurs espagnols Roque Alcubierre et Francisco de la Vega. En revanche, dans l’autre grand gisement napolitain, les temples monumentaux de Paestum (la grecque Poseidonia), un peu plus au sud de Naples, il n’y eut pas de fouilles, même si le comte Felice Gazzola qui était au service du roi y avait réalisé de nombreux plans et dessins. La diffusion des temples classiques de Paestum eut un grand impact culturel en Europe, de même que les fouilles d’Herculanum ou de Pompéi ; à partir de ce moment, l’idée que l’on avait de l’Antiquité dans le continent changea de façon remarquable. Naples devint un endroit de pèlerinage culturel pour les hommes des Lumières de toute l’Europe ; Herculanum et Pompéi frappèrent énormément l’Espagne39. Pour finir, il faudrait peut-être signaler aussi une autre forte influence qui changea le regard porté sur l’Antiquité en Espagne au xviiie siècle, c’était celle que les diplomates et agents du roi qui avaient vécu à Rome à cette époque avait reçue et transmise. Parmi eux, les Aragonais Manuel de Roda Arrieta ou José Nicolás de Azara40 jouèrent un rôle très important, même si ce sont des personnages peu connus.
29Dans les deux siècles suivants, la révolution libérale bourgeoise apporta des changements dans la manière de voir l’histoire, d’où le progrès de l’archéologie. Cela permit aux géologues de découvrir la méthode stratigraphique qui, surtout au moyen des typologies céramiques, permettait de donner un sens à la succession temporaire des strates dans les fouilles et donnait donc des informations sur des faits qui n’étaient pas directement en rapport avec les objets ou les monuments. Presque en même temps, l’enseignement de l’histoire dans les universités commença à introduire la connaissance de la Préhistoire dans l’histoire même. C’est grâce à tout ceci, ajouté à la création des grands musées de l’État et aux politiques de conservation du patrimoine matériel, que nous devons l’apparition au xviiie s. d’une profession moderne, celle d’archéologue, puisque les activités d’enseignement, de recherche et de conservation du patrimoine trouvaient alors leurs délimitations. Dans le même temps, un nouveau sens donné à l’activité archéologique se consolida. La Grèce et Rome, puis successivement les étapes antérieures qui au début étaient connues seulement à travers les textes et les restes matériels, étaient maintenant interprétées en fonction du désir nationaliste de chacun de connaître le passé de sa communauté politique. Ce désir alimentait aussi l’espérance des hommes des Lumières de mieux reconnaître l’héritage des Anciens et d’utiliser cet héritage intellectuel et matériel afin d’obtenir une connaissance qui leur permette de trouver des solutions pour avancer dans ce nouveau monde naissant et dans le progrès moderne41.
Abréviations
30BNE = Biblioteca Nacional de España
31BRAH = Biblioteca de la RAH
32RAH = Real Academia de la Historia
Bibliographie
Bibliographie
Alcedo, A. de (1760-1789): Diccionario geográfico-histórico de las Indias occidentales ó América, es á saber, de los Reynos del Perú, Nueva España, Tierra Firme, Chile, y Nuevo Reyno de Granada. Con la descripción de sus provincias, naciones, ciudades... y noticia de los sucesos mas notables de varios lugares, Madrid, 5 vol.
Arroyo Ilera, F. (2002): “El Catastro de Ensenada y el Diccionario geográfico”, in: Durán Boo & Camarero Bullón 2002, 394-397.
Azara, J. N. de (2009): Epistolario (1784-1804), Madrid.
Barrios Aguilera, M. et M. García-Arenal, éd. (2006) : Los plomos del Sacromonte. Invención y tesoro, Valence.
Blecua y Paúl, P. [1792] (1987) : Descripción topográfica de la ciudad de Huesca y todo su partido en el Reyno de Aragón. Por el Dr. D. …, édition du ms. BRAH 9/5722 (daté de 1792), Huesca.
Brewer, J. (1997): The Pleasures of Imagination. English Culture in Eighteenth Century, Chicago Ill.
Bury, J. B. (1971): La idea del progreso, Madrid.
Camarero Bullón, C. (1989): Burgos y el Catastro de Ensenada, Burgos.
— (2002), “Averiguarlo todo de todos: el Catastro de Ensenada”, Estudios geográficos, 63, no 248-249, 493-531.
Carhart, M. C. (2007): The Science of Culture in Enlightenment Germany, Cambridge Mass.
Corona Baratech, C. [1948] (1987): José Nicolás de Azara, un embajador español en Roma, édition en facsimilé (1era ed. Saragoza, 1948), Saragosse.
Cortés López, M. (1835-1836): Diccionario geográfico-histórico de la España antigua. Tarraconense, Bética y Lusitana, Madrid.
Durán Boo, I. et C. Camarero Bullón, éd. (2002) : Magna averiguación fiscal para alivio de los vasallos y mejor conocimiento de los reynos, 1749-1756, catalogue d’une exposition, itinérante (Espagne), Madrid.
Findlen, P. (1994) : Possessing Nature. Museums, Collecting, and Scientific Culture in Early Modern Italy, Berkeley Cal.
Fumarolli, M., éd. (2001) : La querelle des Anciens et des Modernes, Paris.
Gimeno Pascual, H. et J. Massó Carballido (2008) : “Un nuevo manuscrito del siglo xviii sobre epigrafía tarraconense”, in : Mora et al. 2008, 171-182.
Govantes, Á. C. de (1846): Diccionario geográfico-histórico de España, por la Real Academia de la Historia. Sección II, comprende La Rioja o toda la provincia de Logroño y algunos de los pueblos de la de Burgos, Madrid.
Hermann, C. (1988) : L’Église d’Espagne sous le patronage royal (1476-1834). Essai d’ecclésiologie politique, Madrid.
Hume, D. [1741-1742] (1985): Essays Moral, Political and Literary, (1rst edition Edinburgh, 1741-1742), Indianapolis.
Hume, D. (2008): Ensayos económicos, Madrid.
Jovellanos, Gaspar [1804] (2001) : Gijón : apuntamientos para el diccionario geográfico-histórico de Asturias ; seguidos de un fragmento de las Noticias generales sobre el Principado de Asturias, édition annotée (ms. de 1804), Gijón.
Kaplan, B. J. (2007): Divided by Faith. Religious Conflict and the Practice of Toleration in Early Modern Europe, Cambridge Mass.
Levine, J. (1999): Between the Ancients and the Moderns : Baroque Culture in the Restoration England, New Haven Conn.
Mandeville, B. (1714): The Fable of the Bees: or, Private Vices, Publick Benefits, Londres.
— (1997): La fábula de las abejas o los vicios privados hacen la prosperidad pública, México.
Manso Porto, C. (2005): “El Diccionario geográfico-histórico de España de la Real Academia de la Historia”, Iura Vasconie, 2, 281-332.
Marchand, S. L. (1996): Down from Olympus. Archaeology and Philhellenism in Germany, 1750-1970, Princeton N. J.
Martí, M. (1738): Emmanuelis Martini… epistolarum libri duodecim. Accedunt auctoris nondum defuncti vita, a Gregorio Maiansio, 2 vol., Amsterdam.
Martínez Marina, F. (1959): Diccionario geográfico histórico de Asturias, Madrid.
Melon, F. [1734] (1736) : Essai politique sur le commerce, (1ère édition s. l., 1734), édition augmentée [s. l.].
Mora, G. (1998) : Historias de mármol. La Arqueología clásica española en el siglo xviii, Madrid.
— (2008) : “Documentación arqueológica en el Archivo Histórico Nacional (Madrid). La comisión de Ascensio de Morales en Plasencia (1753) y sus dibujos inéditos de la colección Mirabel”, in: Mora et al. 2008, 15-36.
Mora, G. et J. Álvarez Barrientos (2006): “Las falsificaciones granadinas del siglo xviii. Nacionalismo y Arqueología”, Al-qantara, 24, 533-545.
Mora, G., C. Papí Rodes et Mariano Ayarzagüena, éd. (2008) : Documentos inéditos para la historia de la Arqueología, Madrid.
Nava Rodríguez, T. (1987): “La Real Academia de la Historia como modelo de unión formal entre el Estado y la cultura (1735-1792)”, Cuadernos de historia moderna y contemporánea, 8, 127-155.
Nisbet, R. (1996): Historia de la idea de progreso, Barcelone.
— (1976): Cambio social e historia: aspectos de la teoría occidental del desarrollo, Madrid.
Olaechea Albistur, R. [1965] (1999) Las relaciones hispano-romanas en la segunda mitad del xviii. La Agencia de Preces, Saragosse.
Pasamar Alzuria, G. (2010): Apologia and Critizism. Historians and the History of Spain, 1500-2000, Berne.
Pioneros (2004): Pioneros de la Arqueología en España del siglo xvi a 1912, numéro spécial de Zona arqueológica, 3.
Pocock, J. G. A. (2002): Historia e Ilustración. Doce estudios, Madrid.
Porter, R. (2001): Enlightenmen. Britain and the Creation of the Modern World, Londres.
Simón Díaz, J. (1950): “El reconocimiento de los archivos españoles en 1750-1756”, Revista bibliográfica y documental, 3, 131-170.
Real Academia de la Historia (1802): Diccionario geográfico-histórico… de España por la Real Academia de la Historia. Sección I, comprehende el Reyno de Navarra, Señorío de Vizcaya y provincias de Álava y Guipuzcoa, Madrid, 2 t.
Woolf, D. (2003): The Social Circulation of the Past. English Historical Culture 1500-1730, Oxford.
Wulff Alonso, F. (2003): Las esencias patrias. Historiografía e Historia Antigua en la construcción de la identidad española (siglos xvi-xx), Barcelone.
Notes de bas de page
1 Hume 1741-1742, essais I à XI de la 2e partie II ; un peu avant, ils avaient été publiés dans la presse comme articles séparés. Il existe une traduction espagnole récente des essais I à IX (il manque le X et le XI) : Hume 2008. Le penseur écrivait stimulé par le fondamental Essai de François Melon [1734] (1736), qui venait juste d’être traduit en anglais.
2 Sur ce sujet, voir le livre magistral de Kaplan 2007.
3 Mandeville 1714 ; la deuxième partie a été publiée en 1728 et la première édition complète en 1733. Il existe une traduction en espagnol, Mandeville 1997.
4 Voir Nisbet 1976, Nisbet 1996 & Bury 1971. Tout d’abord, certains théologiens anglicans comme George Hakewill, Joseph Glanvill (1668) ou Thomas Sprat (1667) avaient défendu que le progrès qui s’écartait de l’idée grecque menait au salut, vers Dieu : voir Bury 1971, chap. 4 et surtout Levine 1999.
5 Voir Bury 1971 & Fumarolli 2001.
6 À propos du poids du passé classique dans l’historiographie espagnole, voir Pasamar 2010, 11-91 passim, et Wulff 2003, 13-96 passim.
7 Voir à ce sujet, en ce qui concerne l’Angleterre, Brewer 1997, 615-665, et en particulier Porter 2001, 295-319. Sur la relation entre la nature, des collections d’art et les musées voir Findlen 1994.
8 Voir à ce sujet Woolf 2003, chap. 5 et passim ; l’idée est énoncée p. 144.
9 Voir à ce sujet Marchand 1996 et, plus récemment, Carhart 2007.
10 Pour beaucoup des faits qui suivent, nous nous appuyons sur Mora 1998, 31-51 et passim. Selon nous, cet ouvrage reste la meilleure et la plus recommandable présentation de ce que fut l’archéologie classique espagnole au xviie siècle. L’approche et la façon d’aborder la question sont excellentes, même si nous sommes en désaccord sur quelques points de détail.
11 Martí 1738, liber VIII ; apud Mora 1998.
12 Selon les déclarations de Martí et son biographe Mayans (Martí 1738) ; apud Mora 1998, 32-33.
13 Le souverain prétendait réduire le nombre excessif de nominations faites par le Pape lui rapportant d’importants revenus économiques. Ceci enlevait au roi le pouvoir de contrôler les chaires et la prédication et maintenait la communauté cléricale dans une sorte de bulle sociale au sein de la société civile espagnole, avant tout fidèle au Pape, et non pas au roi.
14 Pour plus d’information, voir Archivo Histórico Nacional, Estado, leg. 2946 caisse 1 ; apud Mora 2008, 18.
15 La référence au voyage et les références de la documentation manuscrite, très abondante et de grand intérêt, se trouvent dans Mora 2008.
16 Cf. Mora 1998, 43, note 82. À propos de la reconnaissance de fichiers, voir Simón Díaz 1950 & Mora 1998, 43 note 77.
17 Certains détails, dans Mora 2008, 16-18. Pour le patronage royal, l’un des piliers du Concordat de 1753, mais pas le seul, il est essentiel de lire Hermann 1988.
18 Les détails de ces voyages et la documentation générée, manuscrite en grande partie et d’un grand intérêt, se trouvent dans Mora 1998, 44-48.
19 La meilleure étude sur la création de la RAH est celle de Nava 1987. Les promoteurs ou initiateurs semblent être Alonso Verdugo Castilla, comte de Torrepalma, et Manuel de Roda y Arrieta, marquis de Arrieta. Tous les membres fondateurs avaient ou finirent par avoir des offices nommés par le roi, ce qui prouve son caractère d’État (Nava 1987, 131, note 11). Référence au fréquent usage politique des rapports de la RAH, au moins jusqu’à 1792 : Nava 1987, 152.
20 Sur ce sujet, voir Alcedo 1760-1789.
21 Le dictionnaire devenait une base de données statistiques locales qui marquait la naissance d’une “arithmétique politique”, déjà développée depuis des décennies par les Britanniques et les Français. Sur ce sujet, voir Arroyo Ilera 2002, Camarero Bullón 1989, et ead. 2002 ; apud Mora 2005, 289 note 23.
22 Manso Porto 2005, 284 et 287-289.
23 Manso Porto 2005, 293-294 et 297-299.
24 Real Academia de la Historia 1802.
25 Cortés López 1835-1836.
26 Govantes 1846.
27 Jovellanos 1804.
28 On avait rédigé le matériel au xixe siècle, mais il n’avait pas été publié à l’époque : Martínez Marina 1959, apud Manso Porto 2005, 322.
29 Blecua y Paúl [1792] 1987 ; Documentos para escribir el Diccionario geográfico-histórico de España en la parte referente a Aragón, qui comprend les travaux de Simón de Aparicio, “Descripción geográfico-histórica del partido de Alcañiz” (BNE, Mss., ms. 2703, en particulier Alcañiz 6-VI-1802), et la “Descripción geográfica, physica y civil del corregimiento de Calatayud”, sans nom d’auteur – peut-être Domingo Mariano Traggia – (BRAH, ms. 8/5154).
30 BNE, Mss, Ms. 18262 : José López Ayllón et Gallo, “Divers documents” [plusieurs années].
31 Gimeno Pascual & Massó Carballido 2008, 171-182.
32 Mora 2008.
33 Une brève description de leurs activités dans le catalogue de l’exposition Pioneros 2004, 39-54.
34 Gimeno Pascual & Massó Carballido 2008.
35 Ainsi dénommés parcequ’il s’agissait de planchettes de plomb avec des inscriptions en arabe et en latin.
36 Voir Mora y Álvarez Barrientos 2006.
37 Pour plus de détails : Mora 1998, 58-83.
38 Plus de données en Mora 1998, 89-106.
39 Pour plus d’informations et de références, voir Mora 1998, 107-119.
40 Sur eux, voir Olaechea 1965 ; Corona Baratech [1948] 1987 ; Azara 2009.
41 Nous avons repris l’idée de John G. A. Pocock, Tanner Lectures on Human Values, 1989, apud Pocock 2002, 9.
Auteurs
Professeur d’histoire moderne, Universidad de Zaragoza ; gperez@unizar.es
Professeur d’archéologie, Universidad de Zaragoza ; aldomin@unizar.es
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Tradition et innovation dans l’épopée latine, de l’Antiquité au Moyen Âge
Aline Estèves et Jean Meyers (dir.)
2014
Afti inè i Kriti ! Identités, altérités et figures crétoises
Patrick Louvier, Philippe Monbrun et Antoine Pierrot (dir.)
2015
Pour une histoire de l’archéologie xviiie siècle - 1945
Hommage de ses collègues et amis à Ève Gran-Aymerich
Annick Fenet et Natacha Lubtchansky (dir.)
2015