Les relations entre les Lagides et les cités crétoises1
p. 201-218
Texte intégral
1Le royaume des Ptolémées ne se résuma jamais à l’Égypte : à peine l’eut-il reçue au titre de satrapie au partage de Babylone, après la mort d’Alexandre le Grand en 323 a.C., que Ptolémée fils de Lagos s’empara de la Cyrénaïque voisine. Quelques années plus tard, il tenta de conquérir la Syrie en 319-318, puis 312, mais n’y parvint qu’en 301. En 310, ce fut le tour de Chypre, ensuite perdue au profit de Démétrios en 306 et recouvrée définitivement en 295-294. Le roi d’Égypte acquit également des territoires en Asie Mineure et en mer Égée. Entre deux campagnes, il se proclama roi en 305-304. Ces conquêtes restèrent plus ou moins longtemps aux mains de la dynastie qu’il fonda : la Syrie, excepté la Cœlé-Syrie, fut disputée aux Lagides dès 274 par les Séleucides, et passa alternativement de la domination des uns à celle des autres. En outre, les Ptolémées perdirent les îles de la mer Égée au profit des Antigonides vers 260, la Cœlé-Syrie en 200, les territoires d’Asie Mineure entre 200 et 197, la Cyrénaïque en 96. Seule l’île de Chypre resta un élément de l’empire lagide jusqu’à l’extinction de la dynastie à la mort de Cléopâtre VII, en 30.
2En marge de ces ensembles territoriaux, les Lagides s’efforcèrent également de maîtriser des points d’appui dans le bassin égéen, notamment sur une route de navigation qui menait de l’Égypte en Grèce continentale. Enfin, ils entretenaient également des relations diplomatiques avec des cités grecques à l’extérieur de leur empire.
3En mer Égée, les sources attestent notamment des liens entre les souverains d’Égypte et un certain nombre de cités crétoises (fig. 1). Il s’agit ici de les examiner, afin d’en définir la nature. Pour y parvenir, après avoir reconstitué l’évolution des relations entre les Ptolémées et ces cités crétoises à partir des sources, il conviendra d’évaluer l’intérêt que la Crète pouvait présenter pour les souverains d’Égypte, pour enfin confronter les données recueillies aux typologies des statuts récemment élaborées pour l’empire séleucide et l’Asie Mineure lagide.
Dans le sillage du stratège Patroclos
L’expansion
4Les Lagides entretinrent des relations avec un certain nombre de cités crétoises du début du iiie s. à la première moitié du iie s. a.C. Un décret d’Itanos en l’honneur de Ptolémée III (246-222/221) et de son épouse suggère de faire remonter leur début au règne de Ptolémée Ier (305-283) : il précise que le roi reçut la cité et ses habitants de son père Ptolémée II (285/284-246) et des “ancêtres” de celui-ci, ce qui logiquement ne peut faire référence qu’à son grand-père2. La plupart des historiens considèrent ce passage de l’inscription comme purement formulaire, et écartent l’idée d’une souveraineté du premier Lagide sur Itanos3. Néanmoins, la cité, située à l’extrême est de la Crète, put susciter la convoitise du roi à partir du moment où il prit le contrôle de la ligue des Insulaires en 286, car son port offrait aux navigateurs une halte avantageuse entre l’Égypte et les Cyclades, où étaient établis les membres de cette ligue4.
5Plus tard, dans la deuxième décennie du règne de Ptolémée II Philadelphe, vraisemblablement vers l’époque de la première guerre de Syrie (274-271), Antiochos Ier, de la dynastie rivale des Séleucides, conclut un traité d’amitié et d’alliance avec Lyttos, qui fut renouvelé par son successeur Antiochos II en 250. H. H. Schmitt pense que son objectif était de contrer l’influence des Lagides en Crète. Ce serait pour la même raison que Magas, le roi de Cyrène, en révolte contre Philadelphe, son demi-frère, aurait noué une alliance avec la cité de Gortyne et une autre avec un de ses alliés, le koinon des Oreioi, probablement dans les années 2705.
6Les premières attestations claires de contacts entre les Lagides et les cités crétoises n’appaissent cependant qu’un peu plus tard, dans le contexte de la guerre de Chrémonidès. De 268 à 261 a.C., cette guerre opposa au roi de Macédoine Antigone Gonatas une coalition de Grecs menée par Athènes et Sparte. Ces deux dernières bénéficiaient de l’alliance de Ptolémée II, qui pour leur venir en aide envoya en Grèce des renforts militaires commandés par le stratège Patroclos6.
7D’après un décret honorifique, Patroclos intervint à Itanos “afin que ses affaires soient sûres, les Itaniens se gouvernant selon leurs lois, et qu’ils habitent leur territoire en toute sûreté”7. Certains historiens considèrent que c’est probablement au cours de sa traversée vers l’Attique que prit place cet épisode8. Il s’agissait peut-être de protéger la cité de dangers liés à la guerre de Chrémonidès, ou bien plus probablement des attaques d’une voisine, mais sans doute aussi de faire cesser les troubles internes évoqués dans le serment des citoyens, daté du début du iiie s.9. Il se peut que Ptolémée II ait négocié, en échange ou à l’occasion de l’aide apportée par son armée, de pouvoir utiliser Itanos comme base navale10. Un peu plus tard, dans le décret en l’honneur de Ptolémée III mentionné plus haut, les Itaniens considèrent que le roi a hérité la cité de son père11.
8Vers la même période, Olonte honora aussi Patroclos du titre de proxène et bienfaiteur, ainsi que huit autres commandants de l’armée lagide, dont le fameux amiral Callicratès de Samos12. Patroclos et ses troupes se sont donc peut-être arrêtés là après avoir quitté Itanos, à moins que les honneurs ne leur aient été accordés in absentia13.
9Le décret de Chrémonidès, qui formalisait l’alliance des Grecs contre Antigone Gonatas, stipule qu’y prenaient part les “Crétois” alliés des Lacédémoniens et de leur roi Areus, eux-mêmes amis et alliés de Philadelphe. L’expression, selon A. Chaniotis, constituerait la première mention des membres du koinon crétois, union d’un certain nombre de cités crétoises, peut-être créée à l’initiative d’un des deux premiers Ptolémées sur le modèle de la ligue des Insulaires, et vraisemblablement dominée par Cnossos14.
10Compte tenu de ces éléments, il est très probable qu’Itanos, qui reçut l’aide du stratège lagide en route pour aider les Grecs contre le roi de Macédoine, comptait au nombre des cités crétoises membres de l’alliance spartiate15, d’autant plus qu’elle était peut-être contrainte de se conformer à la politique étrangère du royaume d’Égypte. Les honneurs décrétés par Olonte pour Patroclos et les huit autres commandants de forces lagides, qu’ils aient ou non fait suite à une visite sur place, invitent à la même conclusion en ce qui concerne cette cité16. Le silence des sources par la suite semble toutefois indiquer que cette orientation diplomatique resta sans lendemain17. Parmi les commandants honorés par Olonte, se trouvent également un citoyen d’Aptéra et un de Rhithymna. Certains historiens en infèrent une appartenance des deux cités à la sphère d’influence lagide et à l’alliance anti-macédonienne également18. Pour S. Spyridakis, il se pourrait même que Patroclos et sa suite aient effectué en Crète pour le compte de Philadelphe une tournée diplomatique dans les cités crétoises membres de l’alliance spartiate, à laquelle le roi accordait son soutien19.
11À l’inverse, c’est parce que des liens sont attestés avant la guerre de Chrémonidès entre Gortyne, Polyrrhénia et Phalasarna d’une part, et les Lacédémoniens et leur roi Areus d’autre part, que certains historiens supposent que ces cités faisaient partie de l’alliance spartiate, et par conséquent qu’elles se trouvaient indirectement liées au parti ptolémaïque20. Gortyne aurait alors probablement dénoncé l’alliance avec Magas de Cyrène21.
12L’activité de Philadelphe en Crète se traduisit probablement aussi par la fondation d’une Arsinoé de Lyktos, qui fait l’objet d’une notice de Stéphane de Byzance. La refondation de la cité côtière de Rhithymna en Arsinoé, mise en évidence par G. Le Rider dans une étude monétaire, mais attribuée par lui à Ptolémée IV, pourrait également être son œuvre22.
13Enfin, un papyrus nous apprend que des envoyés crétois se rendirent en Égypte en 258-257 ou 257-25623.
14Sous le règne de Ptolémée III Évergète, les sources permettent d’observer que le réseau crétois des Lagides s’étendit. En Crète de l’Est, les liens avec Itanos se perpétuèrent : peu après l’arrivée au pouvoir du souverain, la cité décida d’instituer un culte en son honneur et celui de son épouse Bérénice, pour les remercier de leurs bienfaits24.
15En Crète centrale, une inscription en l’honneur du roi à Éleutherna25, et la mention d’un roi Ptolémée dont on considère généralement qu’il s’agit d’Évergète dans une inscription de Lappa, attestent des relations avec la monarchie ptolémaïque26. La cité d’Apollonia délégua à Alexandrie vers 232 a.C. un théore, c’est-à-dire un envoyé pour affaires religieuses, du nom de Tharsyphas27.
16Les ramifications du réseau lagide s’étendirent dès lors en Crète de l’Ouest28 : une dédicace aux Grands Dieux au nom du roi Ptolémée III et de la reine Bérénice provient de la cité côtière de Phalasarna29, et un envoyé de Polyrrhénia est attesté à Alexandrie en 22930.
17En revanche, Gortyne et ses alliés passèrent dans le camp macédonien, en concluant un traité d’amitié et d’alliance avec le roi Démétrios II en 237-23631. En outre, quelques années plus tard, entre 227 et 224, Éleutherna et Hiérapytna devinrent membres de la ligue hellénique, patronnée par Antigone Dôsôn32.
18Sous les règnes de Ptolémée II et de Ptolémée III, les relations entre les cités crétoises et les Lagides connurent donc une phase d’expansion. Cet essor coïncide avec le contrôle étendu sur l’espace égéen, au détriment des Antigonides, qu’attribuent l’Idylle 17 de Théocrite à Philadelphe et l’inscription d’Adoulis à Évergète33.
Le repli
19Au lendemain de son avènement, en 222-221 a.C. Ptolémée IV, ou plutôt ses ministres, durent s’engager dans la quatrième guerre de Syrie contre Antiochos III (219-217 a.C.), puis mater des révoltes indigènes en Égypte. Ensuite, leur préoccupation principale semble avoir été d’éviter un rapprochement entre Philippe V et Antiochos III aux dépens du royaume d’Égypte. Tant de difficultés leur laissèrent probablement peu de latitude pour étendre ou même maintenir l’influence lagide en Crète34.
20En outre, à partir de 220, les cités crétoises définirent en grande partie l’orientation de leurs relations extérieures en fonction d’impératifs liés à la guerre que Cnossos et Gortyne engagèrent contre Lyttos : les deux plus puissantes cités de Crète s’étaient entendues pour imposer leur suprématie à l’ensemble de l’île, mais Lyttos avait refusé de se soumettre. Rapidement, un certain nombre de cités, surtout de Crète de l’ouest, quitta le camp de Cnossos et Gortyne pour celui de Lyttos, en formant une alliance autour de Polyrrhénia. Une partie des Gortyniens, les plus jeunes, les suivit35.
21Au cours de ce conflit, Cnossos sollicita le soutien des Étoliens, puis, vers la fin de la guerre, noua une alliance avec les Rhodiens. Les deux peuples entretenaient de très bonnes relations avec les Lagides36. W. Huss en déduit que Cnossos se trouvait également en bons termes avec les rois d’Égypte37. L’engagement aux côtés des Cnossiens de la faction des plus âgés de Gortyne, qui moins d’une vingtaine d’années auparavant s’était alliée avec le roi de Macédoine Démétrios II, lui semble également le signe d’un rapprochement avec les Lagides. La confirmation en serait fournie par une anecdote de Strabon, qui rapporte que dans le dernier quart du iiie s., Ptolémée IV entreprit de construire un nouveau rempart autour de Gortyne, mais ne put l’achever, probablement en raison de la mobilisation des ressources lagides contre Antiochos III en Asie. Même si la construction de ce mur n’est pas nécessairement liée à la guerre contre Lyttos, puisqu’il est possible que l’épisode ait eu lieu plus tard, entre 215-214 et 205, elle implique des liens étroits entre Gortyne et les Lagides38.
22Les adversaires de Cnossos, quant à eux, demandèrent de l’aide à Philippe V de Macédoine et aux Achéens, qui se trouvaient en guerre contre les Étoliens39. Ils finirent par l’emporter en 219 ou 21840, et vers 217-216 la plupart des cités crétoises décidèrent de se regrouper dans une alliance unique, sous la protection de Philippe V41. À la fin du siècle, le roi de Macédoine entraîna certaines d’entre elles, notamment Olonte et Hiérapytna, dans la première guerre Crétoise contre Rhodes, de 206 à 20442.
23Malgré ces troubles, les relations entre les Ptolémées et les cités de Crète de l’ouest semblent avoir perduré quelque temps : un envoyé de Phalasarna, Androclès, fils d’Épigénès, se trouvait en mission à Alexandrie entre le 8 décembre 220 et le 6 janvier 21943, de même qu’un envoyé de Polyrrhénia, Battos, entre 222 et 212 ou peut-être même 20944. Ces relations sont probablement à rapporter plutôt au tout début du règne de Ptolémée IV : la rupture brutale de l’aide qu’il apporta à Gortyne, ainsi que l’absence de relations attestées entre les Lagides et d’autres cités crétoises à l’exception d’Itanos, suggèrent que la période 220-200 correspondit plutôt à un retrait ptolémaïque de Crète45.
24Les liens avec Itanos, en revanche, leur survécurent : un fragment de stèle comportant un traité d’alliance entre la cité et les Hiérapytniens mentionne un roi Ptolémée. D’après la paléographie, il s’agit de Ptolémée IV, et l’inscription date probablement des lendemains de la guerre de Lyttos, entre 219 et 20446. D’autre part, un Lucius Gaius, romain, phrourarque, c’est-à-dire chef de garnison, fit entre 217 et 209 la dédicace d’une citerne et d’un nymphée au roi Ptolémée IV et à son épouse la reine Arsinoé47. Itanos était donc sous Philopatôr le siège d’une garnison lagide.
25Enfin, il est possible que Ptolémée IV, qui comme son ancêtre Ptolémée II avait épousé une Arsinoé, ait été l’auteur de la fondation d’Arsinoé de Lyktos, et de la refondation d’Arsinoé Rhithymna.
26Malgré la perte d’influence de Philippe V en Crète, en particulier après l’abandon de ses projets de conquête en Asie Mineure, le recul lagide se perpétua durant le règne de Ptolémée V. Tout d’abord, Rhodes chercha, par la conclusion de traités bilatéraux avec Hiérapytna en 205 a.C., Olonte en 203, enfin Chersonèsos vers la même époque, à éviter que ces cités ne soutinssent ses adversaires dans la guerre Crétoise48. Mais ce sont surtout les Attalides qui profitèrent de l’effacement du roi macédonien. Vers 200, Attale Ier conclut un traité d’amitié et alliance avec Malla, qui valait également pour Hiérapytna, Priansos et Arkades, ainsi probablement qu’un traité d’alliance avec Latô49. Le rôle des Attalides en Crète s’accrut rapidement, notamment grâce à la conclusion par Eumène II d’un traité avec trente cités crétoises en 18350.
27Les Lagides conservèrent néanmoins leur souveraineté sur Itanos, où l’on trouve un autre phrourarque à leur service, Philotas d’Épidamne, ce qui implique le maintien d’une garnison royale51. À la fin de son règne, vers 184, Ptolémée V fut d’autre part sollicité, ainsi que Magnésie du Méandre, par Gortyne, pour intervenir dans un contentieux territorial entre la cité et Cnossos52. Il est également possible que les liens entretenus par le koinon crétois avec Samos, qui faisait encore partie de l’empire lagide sous le règne d’Épiphane, soient dus à leur appartenance commune à la sphère d’influence ptolémaïque53.
28Sous le règne de Ptolémée VI Philomètôr, en revanche, un bref regain d’influence ptolémaïque est observable. La garnison d’Itanos s’était vraisemblablement retirée, peut-être à cause du contexte de rivalité entre le monarque et son frère Ptolémée VIII, car les Itaniens, lorsque l’expansion de leur voisine Praisos menaça leur territoire, demandèrent au roi des renforts militaires. Celui-ci ne les envoya probablement qu’après avoir évincé son frère, en 164 a.C. Ces troupes, toutefois, repartirent à la mort du souverain54. C’est de ces années également qu’est datée l’apparition dans l’administration royale d’Eirènaios fils de Nicias, d’Alexandrie, secrétaire des soldats et machimoi en Crète, mais aussi à Théra et à Arsinoé-Méthana, et économe des mêmes endroits55.
29Un traité de paix conclu vers 168 entre Gortyne et Cnossos précise que Ptolémée VI envoya aux Gortyniens une ambassade à propos de la paix qu’ils négociaient avec les Cnossiens, et il semble qu’ils ne conclurent le traité qu’après avoir reçu son aval. A. Chaniotis en déduit que la cité était engagée avec les Lagides dans une alliance, probablement nouée antérieurement56, et rappelle l’existence d’un décret honorifique des Gortyniens pour des soldats lagides envoyés par un Ptolémée, peut-être en vertu de cet accord57.
30L’entremise de Philomètôr dans cette dispute territoriale entre Gortyne et Cnossos, ainsi que la conclusion d’un autre traité entre les deux cités, provoquèrent apparemment un rapprochement, qui aboutit à la renaissance du koinon crétois, attesté en 16858. Vers 164, cette union de cités donna son approbation à la protection accordée par Ptolémée VI à Itanos dans un différend territorial avec Hiérapytna59. D’autre part, elle conclut une alliance avec le roi, et lui envoya des troupes pour l’aider à récupérer l’île de Chypre, entre 158 et 15460.
31Parallèlement à ce regain d’influence lagide, une série de décrets émis par Gortyne, Aptéra, Lappa, et les troupes de mercenaires envoyées par le koinon crétois à Ptolémée VI honora de la proxénie des chefs militaires au service des Ptolémées. Dans le cas des mercenaires crétois, il s’agissait de leur commandant ; dans les autres cas, il est impossible de déterminer s’il s’agissait de chefs de troupes lagides qui comptaient des soldats originaires de la cité, ou de troupes envoyées par un Ptolémée en Crète61.
32Après la mort de Ptolémée VI, cependant, toute relation entre les rois d’Égypte et la Crète semble avoir brutalement pris fin.
Les attraits de la terre de Minos
33Cette revue des relations entre les Ptolémées et les cités crétoises révèle qu’elles s’inscrivaient dans le jeu des rivalités entre souverains hellénistiques pour la maîtrise du bassin égéen, et en particulier de leur antagonisme avec les Antigonides, qui perdura de la fin du ive à la fin du iiie s. a.C.62. Elle amène à s’interroger sur les motivations qui sous-tendaient ces rivalités. À l’époque hellénistique, l’hégémonie sur l’Égée permettait probablement de contrôler, et donc de pouvoir interrompre les communications avec la Grèce continentale, ainsi que d’être en position de traiter avec les pirates du cap Ténare, de Crète et d’Asie Mineure. D’autre part, les Lagides et les autres dynastes, en particulier ceux qui régnaient sur des royaumes orientaux, recrutaient sur le pourtour de la mer Égée colons, administrateurs et soldats pour renforcer leur pouvoir et diffuser la culture hellénique parmi les populations non grecques sous leur souveraineté63.
Une façade maritime relais entre l’Égypte et l’Égée
34Tout d’abord, la politique égéenne pratiquée par les Ptolémées était appuyée sur des ports et des bases navales disséminés dans le monde grec. Pour qui aspirait au contrôle des communications dans le bassin égéen, la Crète occupait une position centrale64 et Itanos, à l’extrême pointe nord-est de l’île, présentait un intérêt stratégique évident, en particulier dans le contexte de la guerre de Chrémonidès : Strabon mentionne la route navale du cap Samonion, à l’extrémité de la péninsule où se trouvait Itanos, vers l’Égypte, et évalue la traversée à trois ou quatre jours et nuits de navigation, ou encore cinq mille stades65. De plus, il semblerait qu’au début du iiie s. a.C. la cité ait encore disposé d’une flotte66 et que dans la première moitié du iie s. au moins, peut-être même à partir du début du iiie s., elle ait possédé également l’île de Leukè, actuelle Koufonisi, au sud de la Crète67. W. Huss souligne quant à lui l’intérêt que pouvait receler pour les Lagides le port fermé de Phalasarna, qui selon Scylax de Caryanda se trouvait à une journée de navigation de la Laconie. Le navigateur précise également que du cap Kriou Métopon, au sud-ouest de la Crète, il fallait un jour et une nuit pour rejoindre Chersonèsos en Cyrénaïque. De là, il était facile de caboter le long de la côte jusqu’à Alexandrie68.
35À ces deux premiers ports, il faut probablement ajouter Arsinoé de Lyktos et Arsinoé Rhithymna, bien qu’elles ne soient pas localisées de manière définitive : les fondations ou refondations lagides appelées Arsinoé et situées hors d’Égypte formaient un groupe homogène de dix-sept cités, et toutes celles qui sont précisément identifiées, sauf une, étaient de bons ports. La plupart d’entre elles fut fondée par Ptolémée II et reçut le nom de son épouse adorée, divinisée après sa mort en 270 a.C. et associée à Aphrodite marine ou Euploia. Elles servaient bien entendu les besoins de la flotte lagide, mais également ceux des voyageurs, et probablement aussi ceux des navires de commerce69. Les Arsinoé crétoises fonctionnaient certainement en réseau avec Arsinoé-Méthana dans le Péloponnèse70.
36Enfin, il semble que les Lagides aient profité de leurs positions en Crète et dans l’Égée et des relations diplomatiques qui en découlaient soit pour solliciter l’aide des pirates crétois contre les puissances rivales, soit pour contrecarrer leurs agissements afin d’assurer la sécurité des mers71.
Un vivier de recrutement de mercenaires
37Outre sa position centrale en mer Égée, la Crète offrait aussi un vivier de recrutement de mercenaires réputés pour leurs qualités d’archers, qui dans les armées hellénistiques constituaient en général des unités distinctes72. Les troupes lagides n’échappèrent pas à cette règle, puisqu’elles comptèrent des mercenaires d’origine crétoise probablement dès le règne de Ptolémée Ier73. Polybe signale que pendant la quatrième guerre de Syrie, en 219 a.C., trois mille soldats crétois, dont un bataillon de Néocrétois, servaient dans les forces lagides sous le commandement du Cnossien Philon74. Les inscriptions font aussi connaître deux contingents de mercenaires crétois à Chypre, l’un vers le milieu du iie s. a.C., au service de Ptolémée VI contre son frère Ptolémée VIII Évergète II, sous le commandement d’Aglaos de Cos, l’autre dans la deuxième moitié du iie s., à Salamine de Chypre, sous le commandement de Dyktis75.
38Certains de ces mercenaires firent carrière : l’un des deux Crétois honorés par Olonte du titre de proxène la même année que Patroclos, Antiochos fils de Kratidas, d’Aptéra, fut aussi officier commandant éponyme dans l’armée de terre ptolémaïque, et prêtre éponyme d’Alexandre et des Lagides76. L’épigramme funéraire de Charmadès d’Anopolis, retrouvée à Gaza en Syrie, précise que son gendre étolien Machaios et lui servirent de manière très satisfaisante sous plusieurs rois lagides, vraisemblablement Ptolémée III et IV77. Un autre Crétois, Agias fils de Damothétos, préposé à la cité de Kition, porta même le titre aulique d’archisomatophylax78.
39Il est néanmoins imprudent de tirer argument de ces recrutements pour étayer l’hypothèse de relations diplomatiques entre les Ptolémées et certaines cités crétoises, ou la Crète dans son ensemble, comme certains historiens s’y sont essayés79, car des Crétois combattaient aussi dans les rangs des ennemis des Lagides80. Polybe précise ainsi que mille Néocrétois, commandés par le Gortynien Zélis, affrontèrent l’armée de Ptolémée IV à Raphia dans les rangs séleucides81. Il évoque également le cas de Knopias d’Allaria, passé au service des Lagides, après avoir fait partie de l’armée antigonide sous Démétrios II, puis Antigone Dôsôn82.
Nature des liens entre les cités crétoises et les Lagides
40Après avoir passé en revue les éléments qui dans les sources témoignent de relations entre les Lagides et les cités crétoises, puis évoqué les raisons de l’intérêt des souverains d’Égypte pour la Crète, il reste à apprécier la nature des liens entre les communautés de l’île et les Ptolémées. Faisaient-elles seulement partie de leur empire ?
41Au premier abord, cette entreprise pose des problèmes méthodologiques : comme la plupart des chercheurs s’accordent à le reconnaître, la documentation demeure bien souvent trop lacunaire pour en tirer des conclusions. Certaines inscriptions, comme celle de Lappa, se résument à la mention d’un roi Ptolémée, ce qui coupe court à toute interprétation ; d’autres, comme celle en l’honneur de Ptolémée III retrouvée à Éleutherna, peuvent émaner d’une initiative privée. Il n’est donc pas certain qu’elles reflètent l’attitude adoptée par la cité dans laquelle elles ont été trouvées vis-à-vis des Lagides83.
42Le fait qu’une cité ait rendu des honneurs cultuels aux Lagides ne permet pas non plus de conclure à une domination : Rhodes fut la première à en instituer pour Ptolémée Ier84, alors qu’elle est la seule cité grecque qui parvint à conserver son indépendance vis-à-vis de tous les royaumes hellénistiques. Elle tenait par là à remercier le souverain de lui avoir apporté son aide lors du siège de la ville par Démétrios Poliorcète en 305-304 a.C.85. D’autre part, il n’y avait pas que des cités sous souveraineté ptolémaïque qui envoyaient des délégués participer aux fêtes dynastiques : les Ptolémaia organisées à Alexandrie comprenaient un concours panhellénique, autrement dit auquel tous les Grecs pouvaient prendre part. Athènes, par exemple, envoya une délégation aux fêtes de 282 ou 279-27886, probablement pour honorer la mémoire de Ptolémée Ier, qui lui avait apporté son aide lors du soulèvement contre Démétrios Poliorcète en 28687.
43Si lacunaires soient-elles, les sources disponibles sur les relations entre les Lagides et les cités crétoises permettent toutefois d’écarter avec une relative certitude l’hypothèse d’une province lagide de Crète ou en Crète, et ce pendant l’ensemble de la période. Tout d’abord, l’île n’est pas mentionnée parmi les territoires sur lesquels régnait Ptolémée II dans l’Idylle 17 de Théocrite, ni parmi ceux hérités ou conquis par Ptolémée III dans l’inscription d’Adoulis88. En outre, les cités en contact avec les Ptolémées se trouvaient trop dispersées géographiquement pour constituer un ensemble cohérent.
44D’autre part, les éléments d’administration royale sont rares en Crète, et ceux qui pourraient relever d’une administration centrale de l’île absents89. Tout d’abord, Patroclos, dans les inscriptions d’Itanos en son honneur, n’est pas qualifié de “stratège de Crète”, titre qu’il aurait porté s’il avait été gouverneur de la province lagide correspondante. Il est “envoyé... stratège en Crète”. L’expression désigne un commandement militaire, et suggère que sa présence à Itanos relevait d’une mission exceptionnelle et précise90. Ensuite, ne sont attestés en Crète que trois autres agents royaux, deux phrourarques, c’est à dire des chefs de garnison locale, à Itanos, et un secrétaire des soldats et machimoi et économe compétent pour “la Crète”, certes, mais aussi pour Théra et Αrsinoé-Méthana.
45Enfin, beaucoup de cités crétoises qui entretenaient des relations avec les Lagides semblent avoir conservé une diplomatie indépendante et noué par la suite, ou même de manière concomitante, des alliances avec des puissances rivales, ce qui apparaît incompatible avec l’appartenance à un royaume91. Le koinon crétois semble même avoir été un interlocuteur privilégié : en 164 a.C., il approuva la politique lagide vis-à-vis d’Itanos, et plus tard envoya des troupes à Ptolémée VI.
46Toutefois, dans les cas d’Arsinoé Rhithymna et Arsinoé de Lyktos, Itanos, ainsi que Gortyne, les sources fournissent des éléments plus significatifs ou plus nombreux, invitant de ce fait à tenter de définir leur statut à partir des typologies récemment élaborées pour l’empire séleucide et l’Asie Mineure lagide92.
Arsinoé Rhithymna et Arsinoé de Lyktos
47Arsinoé Rhithymna et Arsinoé de Lyktos appartenaient à la catégorie des refondations et fondations royales, dont le degré d’indépendance par rapport au pouvoir monarchique était l’un des plus restreints93. Au sein d’un royaume hellénistique, en effet, le souverain pouvait décider, en vertu de l’autorité que lui conférait le droit de conquête, de refonder une cité. Cet acte consistait non seulement à lui donner un nouveau nom dynastique, mais éventuellement aussi à la déplacer, ou à la forcer à se regrouper avec une autre cité : la meilleure illustration est fournie par Éphèse, que Lysimaque relocalisa, renforça par le déplacement d’habitants de Lébédos et de Colophon, et rebaptisa Arsinoeia, entre 294 et 287 a.C.94. Arsinoé-Rhithymna, selon l’étude de G. Le Rider, pourrait avoir appartenu à cette catégorie. Le fait que les monnaies qui lui ont été attribuées consistent uniquement en petites fractions de bronze constitue un indice de son faible degré d’indépendance : le privilège de frapper des monnaies civiques d’argent était réservé aux cités “libres” soit de fait, soit par concession royale95.
48Les rois hellénistiques réalisaient aussi des fondations de cités. Pour ce qui concerne l’empire lagide, une inscription contient des informations sur celle d’Arsinoé de Cilicie par le stratège royal de la région, Aétos : les colons se virent allouer des lots découpés sur un territoire qui appartenait à la cité voisine, Nagidos, mais avait été repris par Aétos aux barbares qui s’en étaient emparés. Ce document révèle aussi le faible degré d’indépendance dont jouissait Arsinoé par rapport au pouvoir royal : elle devait s’acquitter d’obligations fiscales envers la monarchie lagide, et avait obligation de rendre régulièrement un culte au couple royal96. Aucun détail n’est connu sur Arsinoé de Lyktos, recensée par Stéphane de Byzance, mais son nom indique qu’elle pourrait avoir été établie de manière semblable sur un territoire qui appartenait à Lyttos, et par conséquent avoir été soumise aux mêmes types d’obligations.
49Si les deux Arsinoé crétoises se trouvaient encore sous souveraineté lagide sous Ptolémée VI, elles faisaient vraisemblablement partie de la juridiction du secrétaire des soldats et machimoi de Crète, Théra et Arsinoé-Méthana et secrétaire des mêmes endroits.
Itanos
50Les sources s’avèrent beaucoup plus bavardes sur Itanos, considérée par beaucoup d’historiens comme un protectorat, ou un élément d’un protectorat étendu à l’est de la Crète, voire une possession ptolémaïque97.
51Tout d’abord, il ne fait aucun doute que la cité a appartenu au royaume lagide au plus tard à partir du règne de Ptolémée II98 : le décret qu’elle prit en l’honneur de Ptolémée III et de son épouse Bérénice stipule que le roi “a reçu” Itanos de son père et de ses ancêtres, comme il “a reçu”, c’est-à-dire hérité de lui, la royauté sur l’Égypte et les provinces extérieures dans l’inscription d’Adoulis, ou encore comme Ptolémée fils de Lysimaque “a reçu” la cité de Telmessos d’Évergète dans l’inscription TAM II, 1, 199. Si la mention des ancêtres n’est pas qu’un passage obligé, le texte indiquerait même, comme vu précédemment, que la cité est passée sous souveraineté lagide dès le règne de Ptolémée Ier.
52L’examen des intitulés des décrets pris par la cité pendant la période de domination ptolémaïque permet d’écarter l’appartenance à la catégorie des “cités sujettes”, du moins pour les règnes de Philadelphe et Évergète, car la datation par l’année de règne du roi et par les éponymes définis par la dynastie n’y est pas employée100.
53En revanche, l’insistance sur la capacité de la cité à se gouverner selon ses propres lois, dans le décret d’Itanos en l’honneur du stratège Patroclos, comme dans le décret en l’honneur de Ptolémée III101, pourrait laisser à penser qu’elle relevait de la catégorie des “cités libres et autonomes”102. Mais aucune source n’emploie ces qualificatifs à son propos. D’autre part, les “cités libres et autonomes” n’étaient soumises ni au tribut, ni à la fiscalité royale, ni à l’obligation de loger des troupes, étaient souvent liées par une amitié et une alliance avec leur souverain, menaient librement leur propre diplomatie et pouvaient frapper leur propre monnaie d’argent. Or, à Itanos, la présence d’une garnison lagide est attestée par deux fois, sous Ptolémée IV et V. Sous le règne de Philomètôr, la cité relevait probablement de l’administration de l’agent royal secrétaire des soldats et machimoi de Crète, de Théra et d’Arsinoé-Méthana, et économe des mêmes endroits. Enfin, aucune source ne signale qu’elle se trouvait dans l’amitié et l’alliance lagides. Au contraire, il est probable que son activité diplomatique ait fait l’objet d’un contrôle : S. Kreuter remarque que du iiie s. à la première moitié du iie s. a.C., Itanos, contrairement aux autres cités crétoises, n’entretint de relations qu’avec les Lagides, à l’exclusion des autres monarchies ou puissances hellénistiques103. De plus, A. Chaniotis estime que la mention d’un roi Ptolémée dans le traité d’alliance entre Hiérapytna et Itanos de 219-204 a.C. signifie que le souverain exerça un droit de regard sur l’accord104. En revanche, même s’il est fort probable que les fonctions de l’économe responsable de la Crète, de Théra et d’Arsinoé-Méthana consistaient entre autres à assurer la rentrée de taxes royales, il n’existe pas de trace explicite dans les sources qu’Itanos était soumise à cette perception, ni à celle d’un tribut. Il est vrai aussi que l’exemption de tels impôts faisait partie des privilèges régulièrement consentis aux cités par les souverains hellénistiques105.
54Itanos faisait probablement partie des cités subordonnées non-sujettes, qui présentent des éléments de domination lagide similaires à ceux des cités sujettes, sans afficher la datation régnale dans l’intitulé de leurs documents civiques106. Selon J. Ma, “Bien des poleis... se gouvernaient par elles-mêmes parce que le roi, en leur ayant’rendu’leur système politique ou leurs lois, avait concédé la continuité de leur existence en tant que communautés politiques ; elles étaient juridiquement assujetties à un roi, ainsi qu’on peut le déduire de signes patents de l’autorité légale et des droits exercés par le roi”107. Il est néanmoins possible qu’une évolution vers un contrôle accru ait eu lieu entre l’intervention de Patroclos, qui est honoré pour avoir “collaboré avec les Itaniens afin que les affaires de la cité soient sûres, les Itaniens se gouvernant selon leurs lois, et qu’ils administrent leur territoire en toute sécurité”, et le décret pour Ptolémée III et son épouse, dans lequel c’est clairement à la bienveillance du roi que la cité doit le privilège de conserver sa constitution, sans qu’il ne soit plus question d’une collaboration108, puis la présence d’une garnison commandée par un phrourarque à partir de Ptolémée IV et enfin l’existence d’un agent de l’administration royale sous Ptolémée VI109.
Gortyne
55Le cas de Gortyne est plus complexe. À l’époque hellénistique, il s’agissait avec Cnossos d’une des deux plus puissantes cités de Crète : elle resta à la tête d’une alliance de cités crétoises du premier quart du iiie s. a.C. à 184 au moins110. Toutes deux se disputèrent l’hégémonie sur le reste de l’île, et l’exercèrent alternativement. Gortyne noua des relations avec différentes puissances extérieures : alliée à Magas de Cyrène dans les années 270, elle rejoignit ensuite le camp athéno-spartiate soutenu par Ptolémée II lors de la guerre de Chrémonidès, et conclut un traité d’amitié et d’alliance avec Démétrios II en 237-236. Elle se rapprocha de nouveau des Lagides pendant la guerre de Lyttos, et Strabon rapporte que Ptolémée IV entreprit la construction d’un nouveau rempart pour la ville dans le dernier quart du iiie s. a.C. Son successeur Ptolémée V fut sollicité par la cité pour régler un conflit entre Cnossos et elle vers 184. Pourtant, un an plus tard, elle conclut un traité d’amitié et d’alliance avec Eumène II. Enfin, un traité de paix avec Cnossos daté des environs de 168 a.C. précise qu’elle reçut une délégation de Ptolémée VI à propos de la paix, et qu’elle conclut le traité avec l’aval du roi.
56Gortyne semble ne jamais avoir eu le statut de cité sujette au sein d’aucun royaume, puisque les décrets connus de la cité ne portent pas de datation régnale à l’époque hellénistique. Par ailleurs, elle fut amie et alliée de Démétrios II, puis d’Eumène II, ce qui suggérerait plutôt qu’elle était au moment où elle conclut ces traités une cité libre et autonome, voire une cité indépendante de tout royaume. Cependant, aucune source ne vient le confirmer en la qualifiant comme telle. En revanche, à l’époque où elle entretint des relations avec les Ptolémées, aucun document ne la nomme amie et alliée des rois d’Égypte. Les interventions des Lagides à son secours à partir de la fin du iiie s. a.C. inciteraient même plutôt à envisager une certaine dépendance, en particulier dans le cas du traité de paix avec Cnossos conclu en 168111. Le soutien comparable apporté par les rois d’Égypte à des cités libres qui ne faisaient même pas partie de leur royaume pourrait fournir la base d’une objection : lorsque Rhodes fut assiégée par Démétrios Poliorcète en 305-304, Ptolémée Ier lui envoya des mercenaires et des fournitures militaires en abondance112 ; puis lorsqu’Athènes se révolta contre le même Démétrios en 286, il envoya des troupes sous le commandement de Kallias de Sphettos, et ensuite délégua un dénommé Sostratos pour mener les négociations de paix avec le roi macédonien au nom des Athéniens, tandis que ces derniers chargeaient Kallias de se faire leur porte-parole auprès de Sostratos113. Néanmoins, l’intervention d’un roi lagide dans les négociations de paix entre Gortyne et Cnossos qui aboutirent au traité conclu aux environs de 168 a.C. semble davantage relever de l’ingérence dans la diplomatie d’une cité, que le soutien diplomatique accordé par Ptolémée Ier à Athènes, qui sans son aide se serait trouvée en position de faiblesse face au roi Démétrios114.
57Pour conclure, les relations entre les Lagides et les cités crétoises semblent avoir été assez développées, diverses et à certains moments intenses, même si la souveraineté des Ptolémées ne s’étendit jamais à l’intégralité de l’île. Leur importance s’explique par la position stratégique de la Crète dans le bassin égéen, et plus précisément sur les routes de navigation qui menaient d’Égypte en Grèce continentale, mais aussi par les possibilités de recrutement de mercenaires spécialisés qu’elle offrait. Certaines cités crétoises particulièrement bien situées, Arsinoé-Rhithymna, Arsinoé de Lyktos et Itanos, ont manifestement fait partie de l’empire lagide, sous un statut qui leur laissait peu à pas d’indépendance par rapport au pouvoir royal, donc permettait aux souverains d’exercer sur elles un contrôle assez étroit. Cela explique sans doute en partie le maintien de ces possessions ptolémaïques pendant un siècle et demi, en dépit de la concurrence des autres royaumes et de Rhodes. En revanche, les modalités d’intégration de ces cités restent sujettes à interprétation, faute de sources précises.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Bibliographie
Arnaud, P. (2005) : Les routes de la navigation antique : itinéraires en Méditerranée, Paris.
10.1163/9789004450769 :Bagnall, R. S. (1976) : The Administration of the Ptolemaic Possessions outside Egypt, Leyde.
10.1017/CBO9781139342285 :Beloch, K. J. (1927) : Griechische Geschichte, IV. 2 Die griechische Weltherrschaft, Berlin-Leipzig.
Bengtson, H. (1952) : Die Strategie in der hellenistischen Zeit : ein Beitrag zum antiken Staatsrecht, III, Munich.
Breccia, E. (1911) : Iscrizioni greche e latine (Catalogue général des Antiquités égyptiennes du Musée d’Alexandrie), Le Caire.
Brulé, P. (1978) : La Piraterie crétoise hellénistique, Paris.
Capdetrey, L. (2007) : Le Pouvoir séleucide. Territoire, administration, finances d’un royaume hellénistique (312-129 avant J.-C.), Rennes.
Cardinali, G. (1904) : “Creta e le grandi potenze ellenistiche sino alla guerra di Litto”, Rivista di Storia Antica, 9, 69-94.
Chaniotis, A. (1991) : “Vier kretische Staatsverträge”, Chiron, 21, 241-264.
— (1996) : Die Verträge zwischen kretischen Poleis in der hellenistischen Zeit, Stuttgart.
—, éd. (1999) : From Minoan Farmers to Roman Traders : Sidelights on the Economy of Ancient Crete, Stuttgart.
Cohen, G. M. (1995) : The Hellenistic Settlements in Europe, the Islands and Asia Minor, Berkeley-Los Angeles-Oxford.
Cook, B. F. (1966) : Inscribed Hadra Vases in the Metropolitan Museum of Arts, New York.
De Souza, P. (1999) : Piracy in the Graeco-Roman World, Cambridge.
10.3406/bch.1970.4879 :Ducrey, P. (1970) : “Nouvelles remarques sur deux traités attalides avec des cités crétoises”, BCH, 94, 637-659.
Ducrey, P. et H. Van Effenterre (1969) : “Traités attalides avec des cités crétoises”, Κρητιϰά Χρονιϰά 21, 277-300.
Guarducci, M. (1930) : “Demiurgi in Creta”, RFIC, 8 (NS), 54-70.
10.2307/25010963 :Habicht, C. (1992) : “Athens and the Ptolemies”, Classical Antiquity, 11/1, 68-90.
Hauben, H. (1970) : Callicrates of Samos, Louvain.
Heinen, H. (1972) : Untersuchungen zur hellenistischen Geschichte des 3. Jahrhunderts v. Chr., Wiesbaden.
Holleaux, M. (1942) : Études d’épigraphie et d’histoire grecque, III Lagides et Séleucides, Paris.
Huss, W. (1976) : Untersuchungen zur aussenpolitik Ptolemaios’IV., Munich.
10.2307/1088299 :Jones, C. P. et C. Habicht (1989) : “A Hellenistic Inscription from Arsinoe in Cilicia”, Phoenix, 43, 317-346.
Kossmann, P. (2011) : Les Lagides et l’Asie Mineure, École Pratique des Hautes Études, IVe Section.
Kraay, C. M. et G. K. Jenkins (1968) : Essays in Greek Coinage presented to Stanley Robinson, Oxford.
Kreuter, S. (1992) : Aussenbeziehungen kretischer Gemeinden zu den hellenistischen Staaten im 3. und 2. Jh. v. Chr., Munich.
Launey, M. (1945) : “Études d’histoire hellénistique II : L’exécution de Sotadès et l’expédition de Patroklos dans la mer Égée (266 a.C.)”, REA 47, 33-45.
— (1949) : “Sur une inscription ptolémaïque de Méthana”, in : Mélanges d’archéologie et d’histoire offerts à Charles Picard à l’occasion de son 65e anniversaire, Paris, 572-580.
— (1987) : Recherches sur les armées hellénistiques, Paris.
Le Rider, G. (1966) : Monnaies crétoises du veau ier siècle avant Jésus-Christ, Paris.
— (1968) : “Les Arsinoéens de Crète”, in : Kraay & Jenkins 1968, 229-240.
Ma, J. (2004) : Antiochos III et les cités de l’Asie Mineure occidentale, Paris.
Magnelli, A. [1999] (1994-1995) : “Il santuario delle divinità egizie a Gortyna : l’evidenza epigrafica”, ASAA, 72-73, 33-52.
Marek, C. (1984) : Die Proxenie, Francfort-Berne-New York.
Mueller, K. (2006) : Settlements of the Ptolemies : city foundations and new settlement in the Hellenistic world, Louvain.
Peremans, W. et E. Van’t Dack (1952) : Prosopographia Ptolemaica. II L’armée de terre et la police, no 1825-4983, Louvain-Leyde.
— (1956) : Prosopographia Ptolemaica. III Le Clergé, le notariat, les tribunaux, no 4984-8040, Louvain-Leyde.
— (1959) : “Notes sur quelques prêtres éponymes d’Égypte ptolémaïque”, Historia, 8, 165-173.
— (1968) : Prosopographia Ptolemaica. VI La cour, les relations internationales et les possessions extérieures, la vie culturelle, no 14479-17250, Louvain.
10.3406/reg.1911.6659 :Reinach, A. J. (1911) : “Inscriptions d’Itanos”, REG, 24, 377-425.
Robert, L. (1960) : Hellenica. Recueil d’épigraphie, de numismatique et d’antiquités grecques, XI-XII, Paris.
— (1966) : “Sur un décret d’Ilion et sur un papyrus concernant les cultes royaux”, in : Welles 1966, 175-211.
Schmitt, H. H., éd. (1969) : Die Verträge der griechisch-römischen Welt von 338 bis 200 v. Chr., Munich-Berlin.
Spyridakis, S. (1970) : Ptolemaic Itanos and Hellenistic Crete, Berkeley-Los Angeles-Londres.
— (1981) : “Cretan soldiers overseas : a prosopography”, Kρητολογία 12-13, 49-83.
Van Effenterre, H. (1948) : La Crète et le Monde grec de Platon à Polybe, Paris.
Viviers, D. (1999) : “Economy and Territorial Dynamics in Crete, from the Archaic to the Hellenistic Period”, in : Chaniotis 1999, 221-233.
Walbank, F. W. (1957) : A Historical Commentary on Polybius, I Commentary on books I-VI, Oxford.
Welles, C. B. (1966) : Essays in Honour of C. Bradford Welles, New Haven.
Notes de bas de page
1 Je tiens à remercier les organisateurs du colloque, qui m’ont invitée à y présenter une communication, puis à la publier dans ce volume.
2 IC III, iv, 4, l. 1-4 (texte n. 102).
3 Reinach 1911, 395-396 ; M. Guarducci dans IC III, p. 85 ; Heinen 1972, 146, voir aussi 133 et n. 166 ; Huss 1976, 135, n. 24 ; contra Spyridakis 1970, 76 ; Kreuter 1992, 20-21, ne prend pas parti ; Chaniotis 1996, 31, est réservé.
4 Kreuter 1992, 21.
5 Schmitt 1969, no°486 et 468 ; voir Kreuter 1992, 21 et 35 ; Chaniotis 1996, 32.
6 Peremans & Van’t Dack 1968, no°15063.
7 IC III, iv, 2, l. 9-16 (= IC III, iv, 3, l. 9-15) : πολλὰ | συνήργησε τοῖς Ἰτανίοις ὅπως τά τε ϰατὰ τὰν πόλιν ἀσ| φαλέως ἔχηι πολιτευομένων τῶν Ἰτανίων ϰατὰ τοὺς [ν]όμους | ϰαὶ τὰν χώραν μετὰ πάσας ἀσφαλείας νέμων[τα]ι.
8 OGIS 45 ; Launey 1945, 37-39, suivi par Heinen 1972, 146 et Bagnall 1976, 118-119 ; Kreuter 1992, 22.
9 IC III, iv, 8, l. 21-24.
10 Kreuter 1992, 23-24 (ajouter Spyridakis 1970, 46, 65, 71).
11 IC III, iv, 4, l. 1-4 (texte n. 102).
12 IC I, xxii, 4A, l. 35-42 (avec la correction de Peremans & Van’t Dack 1959, 171). Sur Callicratès de Samos, voir Peremans & Van’t Dack 1968, no°14607 et Hauben 1970.
13 Kreuter 1992, 38 (ajouter Spyridakis 1970, 71).
14 IG II2, 687, l. 25-26 : Κρηταέων ὅσοι εἰσὶν ἐν τεῖ συμμ|[αχίαι τ]εῖ Λακεδαιμονίων ϰαὶ Ἀρέως ; même formule l. 39-40 ; voir Spyridakis 1970, 91 ; Kreuter 1992, 63 ; Chaniotis 1996, 30-32.
15 Cardinali 1904, 74, suivi par Van Effenterre 1948, 203 et Spyridakis 1970, 71 ; voir aussi Schmitt 1969, 132 et Chaniotis 1996, 33 ; Heinen 1972, 132, est plus réservé.
16 Cardinali 1904, 74, suivi par Van Effenterre 1948, 203 et Spyridakis 1970, 71-72 ; voir aussi Schmitt 1969, 132, Huss 1976, 133 et Chaniotis 1996, 33 ; Heinen 1972, 132, est plus réservé.
17 Kreuter 1992, 38.
18 IC I, xxii, 4A, l. 39-41 ; voir Cardinali 1904, 74, suivi par Van Effenterre 1948, 203 ; voir aussi Spyridakis 1970, 92-93, Chaniotis 1996, 33 ; contra Heinen 1972, 132, Kreuter 1992, 38. Van Effenterre 1948, 204 semble enclin à croire que Cnossos appartenait aussi au parti antimacédonien, en raison des bons contacts qu’elle entretenait alors avec Itanos, Olonte et Rhodes, cité indépendante elle aussi en excellents termes avec les Lagides depuis que Ptolémée Sôter l’avait soutenue lors du siège entrepris par Démétrios Poliorcète en 305-304 a.C. ; contra Kreuter 1992, 37-38 ; Chaniotis 1996, 33, n. 148.
19 Spyridakis 1970, 71 ; voir aussi Huss 1976, 133.
20 Plu. (Pyrrh.), 27.1 ; IC, II, xxiii, 12 A ; IC II, xi, 1. Voir Cardinali 1904, 74, suivi par Van Effenterre 1948, 203 et 248 ; Schmitt 1969, 132 ; Huss 1976, 133 ; Kreuter 1992, 36 ; Chaniotis 1996, p. 32-33.
21 Kreuter 1992, 36.
22 Steph. Byz., s.v. Ἀρσινόη 9, voir Cohen 1995, 132-134 ; Le Rider 1966, 242-245 et 1968, 229-240, voir Cohen 1995, 139-141 et Chaniotis 1996, 31, n. 140, qui récuse l’identification Rhithymna-Arsinoé.
23 P. Cair. Zen. IV 59674 [les abréviations des éditions de papyrus sont conformes aux usages de John F. Oates, Roger S. Bagnall, Sarah J. Clackson, Alexandra A. O’Brien, Joshua D. Sosin, Terry G. Wilfong, and Klaas A. Worp, Checklist of Greek, Latin, Demotic and Coptic Papyri, Ostraca and Tablets, http://scriptorium.lib.duke.edu/papyrus/texts/clist.html, oct., 2014] ; voir Huss 1976, 134.
24 IC III, iv, 4.
25 IC II, xii, 25 : βασιλέα Πτολεμαῖο[ν – –]| vacat Εὐεργέ[την] ; voir Huss 1976, 137 et Kreuter 1992, 39.
26 IC II, xvi, 11 (M. Guarducci, suivie par Kreuter 1992, 39 : Ptolémée III ou Ptolémée IV ; Huss 1976, 138 : Ptolémée III) : [– – βασιλέ]ως Πτολεμαίου οῦ [– –].
27 Cook 1966, 20, no 1, avec la correction de J. et L. Robert dans Bull. ép. 1967, no 662, 561 ; voir Huss 1976, 137.
28 Kreuter 1992, 39.
29 IC II, xix, 2 (246-221 a.C.) ; voir Kreuter 1992, 39.
30 Cook 1966, 8, n. 7, avec la restitution de J. et L. Robert dans Bull. ép. 1967, no 662, 561 ; voir Kreuter 1992, 40.
31 Schmitt 1969, no 498 ; voir Kreuter 1992, 48-49 et Chaniotis 1996, 35. IG XII, 6, I, 144, un décret fragmentaire des Gortyniens évoquant une ambassade samienne envoyée à Gortyne, suggère pourtant que la cité entretenait dans la seconde moitié du iiie s. a.C. des relations avec Samos. Selon A. Chaniotis, dans SEG 50, no 810, celles-ci s’expliquent peut-être par les liens qui existaient entre les deux communautés et les Ptolémées.
32 Schmitt 1969, no 501 et 502 ; voir Kreuter 1992, 49-55 et Chaniotis 1996, 32, n. 147 et 35-36.
33 OGIS 54. Voir Kreuter 1992, 39.
34 Huss 1976, 142-143 ; Kreuter 1992, 31.
35 Plb. 4.53.4-54.5 et 55.4 et 6 ; voir Chaniotis 1996, 36-37 et no 75, 81 et 82. Huss 1976, 143 émet l’hypothèse que Ptolémée III a pu être à l’origine de l’entente entre Cnossos et Gortyne. Pour la date du début de la guerre contre Lyttos, voir Walbank 1957, 508.
36 Plb. 4.53.1-2 et 8 et 55.1 et 5.
37 Huss 1976, 143 et 148 ; Chaniotis 1996, 37.
38 Str. 10.478 ; voir Spyridakis 1970, 96 ; Huss 1976, 152-153 ; Kreuter 1992, 36-37 ; Chaniotis 1996, 36, n. 174.
39 Plb. 4.55.1-3 et 5.
40 Sur la fin de la guerre, voir Chaniotis 1996, 38.
41 Plb. 7.11.9 ; voir Chaniotis 1996, 38.
42 Chaniotis 1996, 38-40.
43 Cook 1966, 21-22, no 4. La date de l’inscription, qui correspond aux premières années de la guerre de Lyttos, suggère à Huss 1976, 159, que l’objectif de la mission diplomatique d’Androclès était peut-être de traiter de la position de Phalasarna dans cette guerre.
44 Breccia 1911, 114, no 197 ; sur la date, voir Huss 1976, 158 ; voir aussi Kreuter 1992, 40.
45 Kreuter 1992, 40-41 ; Huss 1976, 158 et 161, semble au contraire considérer que les cités de Crète de l’ouest restèrent fidèles aux Lagides durant les deux dernières décennies du iiie s. a.C., et qu’il ne faut pas accorder trop de crédit à Polybe lorsqu’il souligne la grande influence que Philippe V exerça sur l’île durant cette période.
46 Chaniotis 1996, no 19.
47 IC III, iv, 18 ; voir Spyridakis 1970, 79-81 ; Bagnall 1976, 121.
48 Schmitt 1969, no 551 et 552, et Chaniotis 1991, 258-260 ; voir Kreuter 1992, 42 et 65-89 ; Chaniotis 1996, 40.
49 Ducrey-Van Effenterre 1969, avec Ducrey 1970 ; voir Kreuter 1992, 91-99 ; Chaniotis 1996, 41. Huss 1976, 159 remarque que dans le traité conclu avec Attale Ier, Malla, Hiérapytna, Priansos et Arkades, cités toutes situées au sud-est de la Crète, apparaissent comme un groupe uni, et appliquent une même politique extérieure. Il se demande si ce groupe ne s’est pas formé avant la conclusion de cette alliance, et s’il n’avait pas initialement pour protecteur Ptolémée IV ; contra Kreuter 1992, 42.
50 IC IV, 179 ; voir Kreuter 1992, 99-105 et Chaniotis 1996, 42-43. Beloch 1927, 350-351 et Guarducci 1930, 64, n. 7 (cités par Huss 1976, 161, n. 167) estiment que si Milatos, Dréros et Olonte sont absentes du traité avec Eumène II, c’est qu’elles se trouvaient encore sous influence ptolémaïque ; contra Kreuter 1992, 42.
51 IC III, iv, 14, avec Huss 1976, 148, n. 89 et Kreuter 1992, 30 ; voir aussi Spyridakis 1970, 78-82 ; Bagnall 1976, 122.
52 Chaniotis 1996, 42 et no 40.
53 IC I, xxiv, 2 (décret du koinon crétois pour le Samien Épiklès, iie s. a.C.), voir Huss 1976, 161, n. 167 et SEG 50, no 810.
54 IC III, iv, 9 (112-111 a.C.), l. 39-45, 96-101 et 107. Le texte est trop lacunaire pour en avoir la certitude, mais une partie des forces lagides se trouvait peut-être en garnison sur l’île de Leukè, qui appartenait alors au territoire d’Itanos. Voir Spyridakis 1970, 55-56, 65, 82, 86-87, 92 ; Bagnall 1976, 122 ; Kreuter 1992, 33 ; Chaniotis 1996, 306.
55 IG XII, 3, 466 + IG XII, Suppl. 1390 ; pour la date, voir Holleaux 1942, 90-92 ; Launey 1949, 573-575 ; voir Spyridakis 1970, 78 ; Bagnall 1976, 122, 130-131.
56 Chaniotis 1996, 45-46 et no°43.
57 IC IV, 195 (peu après 163 a.C.) ; voir Chaniotis 1996, 292, n. 1552 ; contra Magnelli 1994-1995 [1999], 47-48.
58 Plb. 29.10.6.
59 IC III, iv, 9, l. 107 ; voir Chaniotis 1996, 48-49 et 306.
60 ID 1517 et 1518 ; voir Kreuter 1992, 43 et Chaniotis 1996, 49.
61 Marek 1984, 326-328 ; voir les mises en garde de Kreuter 1992, 43.
62 Kreuter 1992, 17-18 ; 63-64.
63 Spyridakis 1970, 15 et 69-70 ; Kreuter 1992, 44.
64 Arist., Pol., 1271 b 30-40 ; voir Spyridakis 1970, 2-3.
65 Str. 10.4.3, C474 et 10.4.5 ; voir Spyridakis 1970, 3, 5-6, 11 et Arnaud 2005, 212-213.
66 IC III, iv, 8 (début du iiie s. a.C.), l. 12-13 ; voir Kreuter 1992, 18 et 24.
67 IC III, iv, 8, l. 10-11 et Chaniotis 1996, no°49 (112/111 a.C.), l. 39-40 ; voir Spyridakis 1970, 57 ; Viviers 1999, 224-226.
68 Scyl. 47 (éd. C. Müller, GGM i, 41-42) ; Dion. Calliph. v. 118-122 (éd. C. Müller, GGM i, 242) ; voir Spyridakis 1970, 11, Huss 1976, 138 et Kreuter 1992, 39.
69 Robert 1960, 146-159 ; Cohen 1995, 34-35, 133 et 139 ; les chiffres sont tirés de Mueller 2006, 14, Table 1.2 ; sur Arsinoé associée à Aphrodite marine ou Euploia, voir Robert 1966, 198-202.
70 La Crète et Arsinoé-Méthana sont en tout cas associées dans la juridiction de l’agent royal Eirènaios sous Ptolémée VI ; sur Arsinoé-Méthana, voir Cohen 1995, 124-126.
71 Spyridakis 1970, 15, 39 et 69-70 ; Brulé 1978, 5-6 et 14-15 ; Kreuter 1992, 25 et 44 ; De Souza 1999, 53-54.
72 Launey 1987, 248-286, en particulier 279-286 pour ce qui concerne l’armement des soldats crétois et leur rôle au sein des armées hellénistiques.
73 Recension dans Launey 1987, 248-275 ; Spyridakis 1981.
74 Plb. 5.65.7.
75 ID 1517 et 1518 ; Salamine de Chypre. XIII. Testimonia Salaminia. 2. Corpus épigraphique, 92.
76 IC I, xxii, 4A, l. 40 (avec la correction de Peremans & Van’t Dack 1959, 171) ; voir Peremans & Van’t Dack 1952, no 1841, Peremans & Van’t Dack 1956, no 4999 et Peremans & Van’t Dack 1968, no 14885 ; Kreuter 1992, 38.
77 Steinepigramme aus dem griechischen Osten, 4. Die Südkuste Kleinasiens, Syrien und Palaestina, 21/05/01 ; voir Huss 1976, 156-157 ; voir aussi Kreuter 1992, 39.
78 I. Kition 2021.
79 Par exemple Van Effenterre 1948, 203-204.
80 Kreuter 1992, 37 ; dans le même sens, Bagnall 1976, 117.
81 Plb. 5.79.10 ; voir Huss 1976, 148.
82 Plb. 5.63.13 ; voir Huss 1976, 153-154 ; Kreuter 1992, 41.
83 Références et textes n. 25 et 26 ; voir Bagnall 1976, 117 ; Huss 1976, 138 et 160 ; Kreuter 1992, 39 et 40.
84 D. S. 20.100.3.
85 D. S. 20.88.9, 96.1, 98.1, 99.2.
86 Sur la date, voir Habicht 1992, 70.
87 SEG 28, no 60, l. 11-55 et 55-64.
88 OGIS 54.
89 Voir Bagnall 1976, 117.
90 IC III, iv, 2, l. 5-8 = IC III, iv, 3, l. 5-7 (vers 266 a.C.) : ἀποσταλεὶς ὑπὸ | βασιλέως Πτολεμαίου στρα|ταγὸς ἐς Κρήταν ; Kreuter 1992, 22-23 (ajouter Bengtson 1952, 184-186 ; Spyridakis 1970, 78-79 ; Bagnall 1976, 121 ; Huss 1976, 132-133).
91 Kreuter 1992, 18 et 44.
92 Ma 2004, 116-121 ; Capdetrey 2007, 191-224 ; Kossmann 2011, 295-310.
93 Ma 2004, 117.
94 Str. 14.1.21 ; Stephan. Byz., s.v. Ἔφεσος ; voir Cohen 1995, 177-180.
95 Ma 2004, 119 ; voir aussi Bagnall 1976, 119.
96 Jones & Habicht 1989, 317-328 ; sur la question du tribut, voir Ma 2004, 114 ; Capdetrey 2007, 408-411 et Kossmann 2011, 170-172.
97 Cardinali 1904, 80 ; Beloch 1927, 350 ; Holleaux 1942, 83, n. 4 ; Spyridakis 1970, 47 ; Heinen 1972, 145 ; Huss 1976, 139 et 160 ; contra Kreuter 1992, 19-20.
98 Huss 1976, 135, n. 24 ; Kreuter 1992, 26-27.
99 IC III, iv, 4, l. 1-6 : ἐπειδὴ βασιλεὺς Πτολεμαῖος | παραλαβὼν τὰν τῶν Ἰτανίων πόλιν ϰαὶ πολίτας | παρὰ τῶ πατρὸς βασιλέως Πτολεμαίω ϰαὶ τῶν | προγόνων, καλῶς ϰαὶ ἐνδόξως εὐεργετῶν | διατελεῖ ϰαὶ διαφυλάσσων μετ’ εὐνοίας ἐν οἷς | παρέλαβε πολιτευομένος τοῖς αὐτῶν νόμοις… ; comparer OGIS 54, l. 5-13 et TAM II, 1, 1, l. 8-10. Voir le commentaire de l’inscription par Kreuter 1992, 26-27 ; Ma 2004, 113-114.
100 IC III, iv, 2, l. 2-4 ; 3, l. 2-3 ; 4, l. 1-7 ; voir Ma 2004, 116-117 ; Capdetrey 2007, 215-217 ; Kossmann 2011, 302-304.
101 Références et textes n. 102 et 114 ; voir Spyridakis 1970, 77. L’argument avancé par Spyridakis, et Kreuter 1992, 24, selon lequel Itanos jouissait dans une certaine mesure de l’autonomie à l’époque du décret en l’honneur de Patroclos, parce qu’elle émettait des décrets pris par le Conseil et le Peuple des Itaniens, n’a pas de portée : au sein des royaumes hellénistiques, même les cités considérées comme sujettes (le plus faible degré d’indépendance par rapport au pouvoir royal) conservaient des institutions propres.
102 Ma 2004, 118-121 ; Capdetrey 2007, 204-214 ; Kossmann 2011, 294-296 et 300-302.
103 Kreuter 1992, 19, 25 et 31-33 ; Ma 2004, 115. La seule exception est la participation d’Itanos à une convention d’aide juridique entre trois groupes de cités crétoises et Milet, peut-être sur les conseils de Ptolémée II ou III (260-231 a.C.). Pour les traités conclus par d’autres cités crétoises avec d’autres cités ou souverains, les accords d’asylie et isopolitie avec Téos (vers 205-203), Kreuter 1992, 57-61.
104 Chaniotis 1996, no°19.
105 Revue des marques de domination dans Ma 2004, 114-116.
106 Voir Ma 2004, 116-117 ; Kossmann 2011, 304-307.
107 Ma 2004, 113 ; voir aussi Kreuter 1992, 25-26.
108 IC III, iv, 3, l. 10-15 = IC III, iv, 2, l. 10-16 (266-262 a.C.) : συνήργησε τοῖς Ἰτανίοις | ὅπως τά τε ϰατὰ τὰν πόλιν ἀσ|φαλέως ἔχηι πολιτευομένων | τῶν Ἰτανίων ϰατὰ τοὺς [ν]όμους | ϰαὶ τὰν χώραν μετὰ πάσας | ἀσφαλείας νέμων[τα] ι ; voir Spyridakis 1970, 71, 76 ; contra Kreuter 1992, 25 ; voir aussi Kreuter 1992, 27-28.
109 Voir aussi le cas de Samos en Asie Mineure lagide, Kossmann 2011, 307-310.
110 Chaniotis 1996, 29 et 95, no 78.
111 Contra Bagnall 1976, 117-118, suivi par Kreuter 1992, 36. À titre de comparaison, voir Kossmann 2011, 293-297 et 300-302, sur la possibilité que les cités d’Asie Mineure sous souveraineté lagide qui appartenaient à l’alliance et à l’amitié des Ptolémées aient bénéficié du statut d’autonomes et libres, et leur capacité à assurer leur propre défense.
112 Références n. 86.
113 SEG 28, no 60, l. 18-43.
114 Habicht 1992, 69-70.
Auteur
Maître de Conférences, Université de Bourgogne, UMR 6298 Artehis
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Tradition et innovation dans l’épopée latine, de l’Antiquité au Moyen Âge
Aline Estèves et Jean Meyers (dir.)
2014
Afti inè i Kriti ! Identités, altérités et figures crétoises
Patrick Louvier, Philippe Monbrun et Antoine Pierrot (dir.)
2015
Pour une histoire de l’archéologie xviiie siècle - 1945
Hommage de ses collègues et amis à Ève Gran-Aymerich
Annick Fenet et Natacha Lubtchansky (dir.)
2015