Regards savants français sur le concert des nations dans le règlement des affaires crétoises (1895-1913)
p. 181-198
Texte intégral
1Ce que les juristes et les essayistes de la Belle Époque nomment les “affaires crétoises” ou la “question crétoise” désigne initialement l’incessante suite de crimes et de représailles confessionnels qui ensanglantent cette province hellénophone ottomane dont l’intérieur, surtout montagneux, est majoritairement peuplé de chrétiens orthodoxes, 204 781 âmes selon le recensement de 1887, alors que la minorité musulmane – 30 % des insulaires avant 1895 – tend, depuis les années 1840, à se replier dans les ports du nord de l’île où se concentrent les troupes d’occupation et les administrations turques1. La multiplication des violences après 1889 que les forces ottomanes ne parviennent pas à juguler, une vague de meurtres anti-chrétiens au printemps 1896 ainsi que l’ampleur des massacres perpétrés contre les Arméniens d’Anatolie et de Constantinople (1893-1896) mènent les Puissances, enfin unies, à imposer un train de réformes. Il s’agit de rendre à la Crète le régime d’autonomie accordé en 1868 par la Porte qui l’avait garanti lors de la conférence de Berlin (art. 23), le 13 juillet 18782, avant de revenir à une tutelle directe onze années plus tard3. Confiée durant l’été 1896 aux ambassadeurs comme aux consuls européens, assistés de quelques experts, la mise sous tutelle de la Crète est admise par la Porte le 27 août 1896. Elle est immédiatement contrecarrée par les obstructions ottomanes, la multiplication des violences confessionnelles et le soutien grec à la cause insurgée4. En dépit des mises en garde européennes, le royaume des Hellènes, tenu à l’écart du règlement crétois, cesse d’être la simple base arrière de la révolte chrétienne, dirigée par le comité insurrectionnel de l’Épitropie, et jette sur l’île, en février 1897, un corps expéditionnaire de deux mille “volontaires”, commandés par un aide-de-camp du roi Georges Ier (1863-1913), le colonel Vassos, appuyé par les démonstrations de la marine hellénique5. Cette ingérence armée dans les affaires crétoises entraîne une interposition navale européenne que suivent l’occupation des principales villes crétoises, des mesures de surveillance côtière puis des missions humanitaires dans l’intérieur, d’où plusieurs milliers de musulmans sont évacués vers les centres portuaires du Nord. Cette interposition collégiale, qui repose sur les forces anglaises, françaises, italiennes, russes et austro-hongroises auxquelles l’Allemagne prête un concours naval symbolique, se double de la mise sous séquestre de la Crète6. Interdisant aux forces ottomanes toute initiative au-delà des principaux ports du Nord – La Canée, Réthymnon, Candie (auj. Héraklion) et Sitia –, les six grandes puissances européennes tombent d’accord, à la fin du mois de février, pour interdire à la Grèce toute annexion de l’île et décident de mettre en œuvre le grand programme d’autonomie défini en 1896. L’annonce, le 22 février 1897, du “dépôt” de la Crète “entre les mains de l’Europe” couvre ce mandat d’une légitimité contractuelle. L’immixtion européenne dans les troubles insulaires s’appuie également sur l’obligation coutumière de prévenir et de contrer en Europe les crimes de guerre et les massacres de masse, ce “devoir d’humanité” étant reconnu par les juristes européens depuis le milieu du siècle, comme une règle du “droit des gens”7. Si les premiers résultats humanitaires et politiques obtenus par les Puissances sont décevants, la guerre gréco-turque contraint la Grèce, sévèrement battue en Thessalie (24 avril-8 mai 1897), à cesser les hostilités, le 21 mai, puis à retirer ses troupes de Crète où les insurgés se rallient, sans peine, au projet d’une très large autonomie8. Durant le cours du printemps et de l’été 1897, l’occupation européenne, de laquelle les Allemands puis les Austro-Hongrois se retirent, se transforme en tutelle directe au détriment du Sultan. L’autorité hamidienne se réduit à une suzeraineté purement nominale, quand les derniers contingents et administrateurs turcs quittent l’île en novembre 1898, au lendemain des massacres anti-chrétiens et xénophobes de Candie9. Pendant ces mois décisifs (février 1897-novembre 1898), l’administration insulaire est placée sous l’autorité d’un haut-commissaire grec mandaté par les quatre puissances protectrices : le prince Georges de Grèce (décembre 1898-septembre 1906), fils cadet du roi des Hellènes, auquel succède Alexandre Zaïmis (novembre 1906-octobre 1908). En dépit de circonstances favorables telles que la fin du régime hamidien puis le bref réchauffement des relations turco-grecques en août 1908, l’union de la Crète à la Grèce est repoussée par les puissances mandataires embarrassées par leurs engagements passés et leur crainte de représailles commerciales ottomanes ou des suites macédoniennes d’une nouvelle guerre gréco-turque10. Pour autant, le régime de l’autonomie crétoise ne souffre pas des ambitions et provocations énosistes des années 1905-1908, mais il est étendu, bien au contraire, pour ne plus laisser qu’un seul pavillon ottoman, flottant sur un îlot de la baie de la Sude, représenter la suzeraineté ottomane11. En dépit de tensions locales, dont la plus notable est l’insurrection vénizéliste de Thérisso (1905), l’autonomie permet, dès 1899, un désengagement administratif et militaire européen qui, suspendu en 1905, est mené à bon terme durant l’été 1909, cinq années avant que la première guerre balkanique ne consacre l’annexion de l’île au royaume des Hellènes12.
Un siècle de vues savantes sur les derniers temps de la Crète hamidienne et l’autonomie crétoise (1895-1913)
2L’intérêt savant européen pour la Crète hamidienne (1878-1898), la genèse de l’autonomie crétoise (1896-1898) et le fonctionnement de ce quasi-État insulaire avant l’union de 1913 s’inscrivent dans une narration historique complexe, parfois active (1895-1910 ; 1990-2014), mais que dominent des éclipses, partielles (1914-1960) ou quasi totales (1960-1990). Les violences qui entourèrent l’intervention européenne de 1897, puis la création du régime d’autonomie firent tant au Royaume-Uni qu’en France l’objet d’une forte couverture médiatique qui ranima les réseaux philhellènes, assoupis depuis 1881-1882, et suscita la curiosité empathique voire l’engagement de l’opinion instruite et savante13. L’histoire administrative la plus complète de l’occupation internationale ne dénombre ainsi pas moins de dix-neuf ouvrages publiés entre 1897 et 1913, dont cinq thèses de droit, et vingt-six articles dont onze parurent dans des revues de droit international14. Après la Grande Guerre, l’intérêt savant pour la Crète s’essouffle avec le naufrage du concert européen mais dont le relèvement, au début des années 1920, ranime une certaine curiosité pour ces “affaires crétoises”. Durant l’entre-deux-guerres puis au lendemain du second conflit mondial, les juristes internationaux relient occasionnellement l’autonomie crétoise soit aux mandats soit aux commissions spéciales de la SDN et de l’ONU15. Le premier xxe siècle voit également paraître les souvenirs des derniers témoins de l’autonomie tels le prince Georges de Grèce ou le général Bordeaux qui participa aux dernières heures de l’occupation internationale16. Les histoires générales de la Crète et de la Grèce publiées alors donnent enfin un aperçu sommaire d’une question qui paraît bien picrocholine à l’âge des superpuissances17. Avec la fin de la bipolarisation de l’Europe et le réveil meurtrier des clivages ethno-confessionnels balkaniques et caucasiens, le temps des Amiraux (1897-1898) et de l’Autonomie (1898-1913) suscite de nouveau une série de travaux historiques et juridiques tout particulièrement en France, en Italie et outre-Manche.
Une historiographie largement favorable à l’intervention
3L’historiographie contemporaine tient le règlement de la question crétoise entre la fin de l’ère ottomane (1896-1898) et l’annexion de 1913 comme un franc succès du concert des nations18. Jean-Stanislaw Dutkowski, qui soutint en 1952 sa thèse de doctorat de droit sur l’expérience européenne en Crète, y voit un des précédents les plus réussis de “l’exercice d’un service public international dans l’intérêt général de la communauté internationale toute entière”19. Un demi-siècle plus tard, un ancien professeur de l’Université Robert-Schuman, Alexandre Charles Kiss, tient l’administration quadripartite de la Crète pour l’un des plus beaux succès de l’ingérence humanitaire internationale. À un demi-siècle de distance, les deux juristes mettent en avant la capacité européenne à trouver, voire à bricoler, des méthodes et des règles inédites pour pacifier l’île et bâtir un État semi-souverain. “Les Puissances ont eu recours”, écrit Alexandre Charles Kiss, “à des méthodes jusque-là inédites, voire révolutionnaires, en attendant que la solution évolue”20. L’entreprise montre également que le concert des nations, loin d’être moribond, pouvait encore ramener l’ordre, et durablement, dans les Balkans : “Le caractère exemplaire de l’administration internationale de Crète montre que, sans même avoir à leur disposition une structure formelle, les Grandes Puissances ont pu trouver une solution au moins provisoire à un conflit international”21. Ce jugement favorable est largement repris dans les histoires récentes des relations internationales. Sans sous-estimer le poids des motivations stratégiques autrichiennes et russes dans le maintien du statu quo au Levant, Pierre Milza voit dans l’interposition crétoise une entreprise bénéfique tant pour l’île que pour la Grèce. Brossant à grands traits les crises arméniennes, crétoises et macédoniennes, Charles Zorgbibe souligne la détermination européenne dans la question crétoise, tout particulièrement après septembre 1898, et signale les effets très positifs de l’évacuation ottomane comme de la mise en œuvre du régime d’autonomie22. Tous deux notent enfin la singularité d’une coopération militaire et gendarmesque particulièrement marquée entre Français et Italiens et sur laquelle de récents travaux ont été menés23. Travaillant à la réhabilitation du concert des nations de la Belle Époque, la tradition libérale ou réaliste de l’histoire diplomatique européenne a repris les jugements favorables émis par Pierre Milza et Charles Zorgbibe. Le règlement de la crise crétoise, avance Georges-Henri Soutou dans son Histoire de l’Europe de 1815 à nos jours, montre non seulement que le multilatéralisme fonctionnait bien dans les Balkans avant 1908, mais que le délitement de l’Empire Ottoman resta toujours sous contrôle pentarchique jusqu’à la seconde guerre balkanique24. Dans une récente histoire du concert européen, Jacques de Sédouy fait sienne cette analyse. Pour temporaire qu’il soit, l’apaisement des tensions austro-russes dans les Balkans au début des années 1890 sert la politique du statu quo, criminellement apathique dans la crise arménienne il est vrai, mais bénéfique en Crète où l’intervention navale et militaire des Puissances prévient l’extension du conflit turco-grec d’avril-mai 1897, met la Crète “à l’abri des excès turcs” et facilite la mise en place d’un ordre durable25. De récentes synthèses sur les Balkans26 et l’Empire hamidien27 reconnaissent également aux Puissances le grand mérite d’avoir sorti l’île d’un cycle de violences de haute intensité et préparé l’union avec la Grèce. De telles vues, jaugeant plus l’efficacité réelle du directoire européen que les motivations propres des Puissances, ne sont pas inédites et font écho aux jugements des historiens du premier xxe siècle qui, sans complaisance sur les motivations des États européens, ont souligné l’efficacité bénéfique du projet autonomiste, opportunément servi par le retrait du corps expéditionnaire Vassos puis l’évacuation des forces ottomanes28.
4À ces vues nuancées, s’oppose, il est vrai, une minorité de critiques. Dans une notice consacrée à Gabriel Hanotaux, Isabelle Nathan conclut à l’échec de la France et de la pentarchie au début de l’implication européenne dans la crise crétoise. Si la paix a certes été préservée “dans cette région du monde, le concert international auquel le ministre a apporté toute son énergie reste une perspective et non une réalité”29. Deux historiens des relations anglo-helléniques contemporaines, Robert Holland et Diana Markides, ne sont guère tendres pour le collège des amiraux européens qui, se mettant en place au début de 1897, préside, durant deux années, la réorganisation institutionnelle de l’île avec le collège des consuls en Crète et des ambassadeurs à Constantinople. L’administration du prince Georges aurait également souffert d’une surveillance européenne excessivement tatillonne30. Longtemps négligé voire ignoré par les historiens de la Crète contemporaine, l’exode de la communauté musulmane crétoise31, quasiment achevé en 1914, paraît enfin aujourd’hui le principal échec des puissances protectrices. Incapables d’assurer la sécurité et la prospérité de cette minorité entreprenante mais turbulente, elles finissent par voir dans l’émigration de masse – en d’autres termes la désagrégation ethnique de l’île –, le meilleur moyen de débarrasser l’île d’une masse de mécontents hellénophones certes, mais dont la grécité est douteuse32.
Les motivations de la curiosité savante et ses objets d’études en 1898 et aujourd’hui
5Durant ces années 1897-1913, le gros de la réflexion et des discussions savantes sur la question crétoise est largement porté par les spécialistes du droit international ou publicistes33 et par le monde historien. L’action du concert des nations en Crète au lendemain des atrocités arméniennes, l’éviction de l’autorité ottomane entre 1896 et 189834, la légitimité du mandat européen35, la nature de l’état autonome crétois36, son fonctionnement comme ses ratés suscitent alors une abondante production spécialisée que l’on doit replacer dans l’histoire intellectuelle des systèmes internationaux au tournant du siècle. Si l’organisation collégiale multipolaire des affaires euro-méditerranéennes conserve bien des avocats, l’émergence des principes internationalistes et pacifistes, mais également la diversité croissante des formes de semi-souveraineté dans les Balkans, au Proche-Orient comme en Afrique méditerranéenne font du dossier crétois un cas d’étude fort intéressant pour les spécialistes du droit des gens. Le second bataillon “savant” mobilisé par les affaires crétoises rassemble des intellectuels philhellènes et arménophiles, tels le journaliste Peter William Clayden (1827-1902) ou l’historien Ernest Lavisse (1842-1922), mais aussi et surtout des hellénistes et des archéologues – ainsi Victor Bérard, Arthur Evans, Salomon et Adolphe Reinach ou Charles Vellay – qui militent en faveur d’une annexion de l’île à la Grèce37. Les motivations humanitaires, indissociables des massacres d’Arménie, ne forment qu’une dimension de cet engagement qui revendique un contrôle démocratique des affaires étrangères38 et trouve également dans la découverte contemporaine de la Crète minoenne plus d’une raison de promouvoir l’hellénité de l’île et de souligner son rôle dans la construction de la civilisation occidentale39. Si les articles et chroniques de politique extérieure comme les essais forment le gros de ces interventions savantes, des ouvrages plus généraux, tels les manuels traitant de la question d’Orient, des histoires de la Grèce et de l’Empire Ottoman donnent de la crise crétoise de 1895-1896 et de son dénouement une série d’images ou de formules simplifiées. Les géographes – dont les travaux avaient fortement contribué à façonner les stéréotypes sur l’île et ses habitants au milieu du siècle – et les autres disciplines universitaires paraissent toutefois quasi absents de ces discours savants et s’en tiennent à des perspectives statistiques et générales40.
6Les objets des travaux consacrés aux “affaires crétoises” depuis 1990 ne sont plus ceux que les contemporains de l’Autonomie envisageaient. Les réformes gendarmesques et administratives menées alors en Crète et en Macédoine41, les modalités de l’occupation européenne comme le destin des musulmans crétois42 nourrissent la recherche de ce dernier quart de siècle dont les crises balkaniques et moyen-orientales, passées et récentes, forment le désolant arrière-plan. Percevant les craquements du concert européen et l’émergence d’un système internationaliste, les contemporains d’Elefthérios Vénizélos (1864-1936) s’intéressèrent à ce qui pouvait nourrir leur réflexion géopolitique : la légitimité de l’intervention et de la tutelle européennes, la nature et le fonctionnement de la Crète autonome, la pertinence de l’union à la Grèce comme la question des droits ottomans. À un siècle de distance, quelques points de convergence se dessinent. À l’instar des historiens de ce xxie siècle commençant, les analystes contemporains de l’occupation internationale ont vu dans la question crétoise un révélateur des lignes de partage nées des systèmes d’alliance de l’ère bismarckienne et de leurs limites. Les jugements portés sur l’efficacité politique et humanitaire de l’interposition européenne, le bien-fondé de l’autonomie et le maintien d’une fiction de souveraineté ottomane diffèrent toutefois considérablement, l’historiographie contemporaine se montrant bien plus favorable à ces évolutions que les discours savants du temps.
7Dans le prolongement des récents travaux consacrés à l’engagement humanitaire dans l’Empire Ottoman43, cette étude ambitionne de dessiner les traits saillants des positions et des débats savants exprimés en France et en français, entre 1896 et 1909, sur la question crétoise en privilégiant les arguments majoritaires et minoritaires des légistes internationaux et des historiens qui monopolisèrent en France la parole publique savante. Je m’attacherai à deux questions majeures et qui sont les faces d’une même interposition européenne : le processus de destruction de la souveraineté réelle du Sultan et la pertinence de l’occupation et du régime de l’autonomie soit, en d’autres termes, le refus de l’annexion grecque, que seule la première guerre balkanique rendit possible.
L’interposition européenne et l’autonomie crétoise : Une mesure de nécessité ? Une injustice ? Une erreur ?
8L’intervention armée européenne dans les affaires crétoises débute à la mi-février 1897 quand le débarquement d’un corps expéditionnaire de volontaires grecs et les manœuvres hostiles des forces navales helléniques rendent probable l’annexion de l’île. Refusant cette entreprise énosiste dont on pouvait craindre la réplique en Turquie d’Europe, les Puissances débarquent des forces de maintien de l’ordre dans les principales villes, interdisent aux insurgés de s’en rendre maîtres et menacent de s’opposer à toute agression navale hellénique. Dans les semaines qui suivent cette interposition, ce déploiement de soldats et de marins, renforcés par l’envoi de forts contingents français, italiens, russes, austro-hongrois et britanniques, appuie d’authentiques opérations humanitaires principalement au bénéfice des populations musulmanes de l’est de l’île et des positions ottomanes isolées44.
Les juristes et l’ingérence armée grecque de 1897 : une cause humanitaire fort douteuse
9Une courte minorité savante, généralement des juristes, a défendu l’interposition anti-annexionniste en avançant deux principales raisons : son efficacité et l’illégitimité de l’annexion.
10Publié en avril 1897, un bref essai de Paul Combes, auteur de plusieurs travaux sur Madagascar colonial et l’Éthiopie, voit dans l’autonomie une solution de nécessité qui, “organisée avec sagesse”, pourra devenir définitive et libérer l’île de tensions récurrentes dont la faiblesse de l’Empire Ottoman et les vendettas insulaires sont les moteurs45. Dans cette solution alternative à l’annexion énosiste, cet essai voit une mesure conforme “à la logique des choses” dont la diplomatie européenne peut s’enorgueillir en faisant de l’autonomie de la Crète “l’œuvre d’une ère de prospérité pour la race malheureuse et intéressante qui y souffre depuis des siècle”46. Dans une chronique publiée dans la Revue du droit public et de la science politique au lendemain de la guerre gréco-turque d’avril-mai 1897, un universitaire grenoblois, A. Geouffre de Lapradelle, tient toute annexion pour une “erreur parce que le principe des nationalités est inapplicable à la Crète où langue, races et religions sont divisées” et voit dans le protectorat collégial “la seule solution acceptable”47, adaptée en outre au tempérament des insulaires. Cette mesure, conclut cet agrégé de droit, n’est enfin que la réplique levantine d’expériences passées de cogestion internationale et de citer la république de Cracovie (1815-1846), Andorre et le mandat austro-hongrois sur la Bosnie-Herzégovine de 187848. Dans les Annales des Sciences Politiques, Gaston Isambert salue en 1899 le protectorat européen sur la Crète et souhaite le succès d’un régime de semi-souveraineté insulaire qui servira “la crédibilité du Concert européen”, capable dès lors de “braver les sceptiques”49. Soutenant sa thèse sur la Crète contemporaine, le 23 juin 1902, le juriste Ahmed Softazadé (probablement turc) voit dans le condominium européen l’application des réformes de l’été 1896, garanties par les Puissances qui, “par l’arrangement du 25 août 1896 prenaient aussi l’obligation d’assurer l’exécution du dit règlement”50.
11À ce faisceau de raisons géopolitiques et juridiques s’ajoute l’impression fâcheuse créée par l’intervention navale et militaire grecque dans les premiers mois de 1897. L’unilatéralisme de cette entreprise armée comme les manœuvres irrédentistes des années passées ont en effet brouillé l’image d’une authentique intervention d’humanité qui exige coutumièrement, depuis le milieu du siècle, le consentement explicite des Puissances, une claire définition de la mission et l’absolu désintéressement territorial du pays mandaté pour agir. Aux thèses annexionnistes d’une brochure anonyme qui justifiaient l’intervention grecque en s’appuyant sur l’article 23 du traité de Berlin de 1878 et sur les travaux de l’Italien Carnazza Amari, Henri Brocher de la Fléchère, “professeur aux universités de Genève et de Lausanne”, oppose son opposition ; la thèse du devoir d’assistance lui semblant inacceptable51. Si le droit international admet que l’on se substitue à un État failli afin d’éradiquer la piraterie, de libérer un territoire envahi injustement, de prévenir la traite et les persécutions religieuses52, le juriste suisse ne reconnaît aucune de ces situations d’urgence dans le dossier crétois et repousse toute assimilation des Crétois orthodoxes à des captifs réduits en esclavage et que tout État est en droit d’émanciper53. Une décennie plus tard, l’avis de la majorité des légistes demeure inchangé. Si la Grèce ne devait certes pas être juridiquement exclue de la question crétoise, écrit Henri Lombard en 1908, son action n’en fut pas moins en 1897 “une atteinte au droit des gens”54, puisque ses entreprises subversives comme les tentatives de blocus naval grec furent menées contre un pays ne menaçant pas directement les intérêts du royaume : “il y avait envahissement, en temps de paix et sans déclaration de guerre préalable, d’un territoire appartenant à la Turquie”55. Reprenant cette question du droit d’intervention, déjà fort classique, le juriste Henri Lombard reconnaît que le royaume des Hellènes ne pouvait invoquer en 1897 aucun motif licite tel que la sauvegarde de l’indépendance d’un État allié ou la défense de sa propre souveraineté. Bien qu’il ne fasse guère allusion aux provinces ottomanes, un aide-mémoire de 1910 sur le droit d’ingérence humanitaire (La théorie de l’intervention d’humanité) admet l’irrégularité de la présence d’un État mi-civilisé, la Turquie, au sein du concert européen, défend la justice et l’efficacité d’une intervention collégiale, mais récuse toute action unilatérale (donc grecque) dans l’Empire Ottoman. On reprenait ici la conclusion du droit international codifié du Zurichois Johann Kaspar Bluntshli, voyant dans le concert européen le garant historique et naturel de l’ordre européen56.
Le régime de l’autonomie : une décision injuste et dangereuse face aux Jeunes Turcs
12Ulcéré par l’autonomie qui n’est qu’un pis-aller prolongé par l’apathie et la pusillanimité, le philhellénisme savant, que scandalisent les atrocités arméniennes de 1893-1895, défend la cause de l’union de la Crète à la Grèce57. Figure éminente de cet engagement, l’historien le plus influent de la Troisième République, Ernest Lavisse, soutient la légitimité d’une entreprise énosiste dont le déclenchement fut bien plus défensif qu’agressif, l’apathie turco-européenne obligeant le roi des Hellènes à attaquer en Crète pour sauver son trône et l’unité nationale. Sans doute hésitante et déclenchée trop tardivement, admet Ernest Lavisse, l’intervention diplomatique et plus encore militaire du royaume des Hellènes a été toutefois injustement entravée par le diktat européen58. On retrouve sans surprise cette thèse d’une ingérence hellénique naturelle et nécessaire à la survie même de la Grèce sous la plume de Georges Streit, professeur de droit international à l’Université d’Athènes qui donna dans la Revue générale de droit international public l’histoire juridique la plus complète de l’affaire crétoise59.
13Aujourd’hui globalement positif, le jugement sur l’action administrative du concert des nations et leurs motivations est alors sévère60, voire impitoyable61, l’efficacité humanitaire de l’interposition de 1897 et de l’occupation étant même débattue62. Dans le très sombre réquisitoire qu’il dresse de la diplomatie européenne et française au lendemain du traité de paix turco-grec du 18 septembre 1897, Ernest Lavisse flétrit la “prodigieuse décadence des sentiments d’humanité”63 au sein du concert européen dont l’ancienne unité de vues a souffert des jalousies nationales et du déclin international de la France, enchaînée à l’alliance russe. L’historien le plus influent de la IIIe République stigmatise en outre les calculs à court terme de ces “turco-ministériels”, qui se réjouirent sottement la défaite de la Grèce64.
14La mise en œuvre de l’administration crétoise dans les années 1897-1898, l’évacuation des derniers contingents ottomans fin 1898, les évidents progrès matériels et scolaires engrangés les années suivantes apaisèrent en partie l’amer échec grec de 1897. Le refus pentarchique de reconnaître l’union de l’île à la Grèce, unilatéralement proclamée durant la crise de Bosnie de 1908, nourrit une nouvelle offensive philhellène qui voit encore dans le système européen la cause de tous ces délais et dénis de justice. Alors que l’annexion eut été “la seule solution juste et vraiment équitable”, expose Georges Bry en 1906, l’autonomie traduit “une politique égoïste de certains États, la haine et la méfiance de tous, les uns à l’égard des autres”65. Réédité en 1910, son manuel, où l’expression de mi-souveraineté est abandonnée pour celle d’État subordonné, reprend le même constat d’impuissance du concert des nations66. En 1909, Victor Bérard se montre encore plus caustique. La peur de l’énosisme, dont l’Angleterre subit à Chypre les premières secousses, l’anticipation du boycottage turc sur le commerce européen, le simple calcul égoïste enfin expliquent le maintien de l’autonomie qui encourage dangereusement les Jeunes Turcs, arrivés au pouvoir en 1908, à se lancer dans une entreprise militaire et navale ruineuse, alors que la solution la plus simple consiste à indemniser largement les musulmans crétois émigrés ou appelés à partir, leur déclin numérique rendant encore moins acceptable le statu quo de 189767.
L’exode des musulmans : une raison décisive pour précipiter l’union
15Décrite comme un acte de justice, l’annexion à la Grèce que prônent les philhellènes bute encore en 1896 sur la présence d’une forte communauté musulmane, largement indigène. Sans doute rédigée dans les premiers mois de 1897, une chronique de politique étrangère souligne la légitimité de l’union à la Grèce de la Crète en s’appuyant sur un dénombrement récent qui recensait 279 165 insulaires orthodoxes pour 73 353 musulmans, soit un rapport de 4 à 168.
16Si les Turcocrétois suscitent une authentique répulsion dans certains cercles philhellènes qui vont jusqu’à leur nier, contre l’évidence même, toute origine insulaire et grecque, les savants pro-unionistes entreprennent généralement de les insérer dans un tableau apaisé de la société insulaire. Négligeant absolument l’opposition des musulmans à toute annexion, un agrégé de droit romain, Georges Callisperis, déplore l’émergence d’un protectorat européen, alors que l’annexion répondant aux “légitimes aspirations des Crétois” aurait réglé la question “par la justice et par le droit des peuples”69. Loin de former deux sociétés distinctes, avance le juriste à très juste raison, les chrétiens (les “Grecs”) et les musulmans insulaires (les “Turcs ou Turcocrétois”), dont les ancêtres se convertirent aux xviie et xviiie siècles, sont unis par les mêmes traditions locales, les mêmes habitudes familiales et la même langue, le turc étant parfois parlé par quelques beys et notables crétois70. Dans ces conditions, un vrai régime d’autonomie, servi par l’intelligence politique, la générosité et le bon sens, devait permettre de réconcilier la population insulaire et de préparer la voie à l’annexion. La mobilisation turcocrétoise contre les insurrections chrétiennes passées ne paraît pas enfin un obstacle insurmontable aux annexionnistes pour qui toute violence musulmane a été programmée et déclenchée par le Sultan-Calife71. Dans sa thèse, soutenue à Paris en 1900, Henri Couturier doutait que les musulmans se fussent révoltés contre le roi des Hellènes si l’Europe avait encouragé l’annexion en 1897 : “N’y avait-il pas des Musulmans en Thessalie lors de son annexion ? Que l’on supprime l’influence de la Porte qui excitait continuellement les musulmans contre les chrétiens et l’on verra certainement la bonne entente régner bientôt entre eux”72. Avec l’évacuation des dernières troupes ottomanes, fin 1898, cette menace d’une cinquième colonne musulmane, aux ordres du Sultan, s’efface. La parfaite impartialité du haut-commissaire Georges, poursuit Henri Couturier, mais également les dispositions de la constitution d’avril 1899, montrent la possibilité d’une coexistence pacifique artificiellement démentie par les manœuvres hamidiennes. Sans surprise, la conclusion de la thèse, bien optimiste sur la place future des musulmans crétois dans la vie insulaire, revient sur l’imperfection de l’autonomie, qui certes permet à l’île de se relever financièrement, mais retarde l’union à la Grèce, la “seule solution vraiment efficace”73.
17Entre 1900 et 1913, le rapide déclin numérique de la communauté musulmane vient opportunément au service des promoteurs de l’annexion74. Merignhac s’appuie ainsi sur les estimations d’un chargé de cours de géographie de l’Université de Lille qui, reprenant les travaux du recensement de 1881 et publiés en 1890, dénombre 73 353 musulmans soit 26 % de la population insulaire qui en comptait un tiers un demi-siècle auparavant75. L’exode des musulmans, très marqué après 1899, finit enfin de donner des arguments aux pro-unionistes qui refusent d’y voir une migration de contrainte ou tiennent implicitement l’île pour toute chrétienne76 ce qui est inexact, les quatre premières villes de l’île conservant un fort noyau de musulmans insulaires jusqu’au premier conflit mondial77. Alors que les troupes européennes quittent définitivement l’île en 1909, l’émigration turcocrétoise, représentant déjà “les trois-quart de la population musulmane”, lèverait enfin, soutient Victor Bérard, l’ultime obstacle à l’annexion78. La France, poursuit-il, doit accompagner la fin de cet exode en exigeant de la Grèce des indemnités (“de quoi racheter là-bas”), afin de faciliter l’implantation des Turcocrétois en Asie Mineure où ces migrants, les plus occidentalisés des musulmans du Levant, feront merveille pour le plus grand bénéfice de l’Empire Ottoman79. Reprenant cette idée en 1910, Bérard souligne de nouveau les avantages d’une indemnisation généreuse (“sans lésinerie”80), qui précipitera l’émigration et réglera honorablement la question crétoise par l’annexion. En conclusion de son essai sur la question crétoise, Adolphe Reinach ne dit pas autre chose et pense la Crète “assez prospère pour que ses protectrices lui consentent le grand emprunt” qui permettra de “régler les arriérés des tributs” dus au Sultan et “des indemnités aux émigrés musulmans”81. Généreuses paroles, nullement réalisées et qui cautionnaient, par leur pragmatisme humanitaire, une des premières migrations de contrainte européennes du xxe siècle82.
Une affaire importante ou un point de détail ? Le dépôt de l’île entre les mains de l’Europe
18Si l’autonomie crétoise, c’est-à-dire la création d’un État mi-souverain ou d’un État sous tutelle, est dans une large mesure une manière de retarder voire d’entraver l’annexion de l’île à la Grèce, la mise en place rapide des institutions nouvelles et la constitution d’une administration indigène, majoritairement chrétienne, sont en revanche le plus efficace moyen de réduire à quasi-rien la souveraineté ottomane. C’est dans cette entreprise de dépossession de l’Empire Ottoman, engagée dès 1896, que la thèse du “dépôt” de la Crète émerge au début de 1897 en dépit des critiques d’une poignée de légistes et conforte l’idée d’une cession contractuelle des droits effectifs de la souveraineté ottomane sur la Crète, idée certes fausse, mais fort pratique pour les diplomates et les juristes tant européens que turcs.
La fin de la souveraineté ottomane sur la Crète (1896-1898)
19À la fin du mois d’août 1896, soit environ six mois avant l’interposition militaire de février-mars 1897, l’ingérence européenne se radicalise et impose une mise sous tutelle partielle de l’administration insulaire afin d’interdire une évolution “à l’arménienne”. Confiée aux consuls des Puissances en poste en Crète comme aux ambassadeurs européens à Constantinople, la refonte de la gendarmerie, de la justice et de l’administration, quasi disparues ou criminalisées par sept années de violences (1889-1896), devait passer par l’envoi de juristes et d’officiers européens, nommés pour quelques années.
20Analysant rétrospectivement ces mesures de l’été 1896, les juristes y ont parfois vu une rupture décisive. Publié en 1899 dans les Annales des Sciences Politiques, un article de Gaston Isambert parle d’une immixtion inédite des Puissances qui fit de la Crète un État touchant “à la mi-souveraineté”, un terme alors souvent employé, et par lequel il faut entendre un état protégé ou subordonné83. Pour autant, la souveraineté ottomane est pleinement reconnue par la nature provisoire des interventions européennes et le cadre des commissions consulaires. La nomination par le Sultan d’un gouverneur général ottoman, certes chrétien et nommé après l’accord des Puissances, mais également la présence d’un important noyau de troupes ottomanes dans les villes laissent enfin à la Porte une courte marge de manœuvre pour retrouver son autorité. Échaudées par les précédents chypriotes et bosniaques de 1878, les autorités impériales engagent une politique systématique d’obstruction et de violence afin de montrer l’inanité des mesures européennes et de prévenir un processus d’annexion, d’autant moins douteux que l’opinion grecque pousse à l’interventionnisme militaire et peut espérer bénéficier, aux lendemains des massacres d’Arménie, de la complicité britannique et russe. Le calcul est toutefois faussé par l’entrée en guerre effective des Grecs au début de 1897 qui entraîne l’intervention des Puissances.
21Une fois engagée l’interposition européenne, en février 1897, cette tutelle administrative se double d’une destruction de la souveraineté ottomane, le sultan Abdülhamid II étant identifié comme le principal moteur des violences confessionnelles insulaires. L’affaire est rapidement menée. Dès les premiers signes de l’intervention grecque, les Puissances affirment prendre en main le sort de l’île, que l’on mènera vers l’autonomie, mais sans annexion et sans malmener les intérêts des musulmans indigènes. Pour mener à bien les tâches de maintien de l’ordre et de sauvetage humanitaire, un partage des zones à pacifier et une administration collégiale (“les Amiraux”) se mettent en place, tutelle que l’Empire Ottoman reconnaît le 6 mars.
Le “dépôt de la Crète” entre les mains des Puissances : une astucieuse trouvaille
22Cet engagement collégial est présenté comme le résultat d’une démarche contractuelle sinon explicite du moins tacite. En 1899, Gaston Isambert parle du “blanc seing” du Sultan qui aurait remis l’île en dépôt au concert européen, le 23 février : “c’est donc de cette époque que date cette sorte de condominium de l’Europe qui devait durer près de deux ans”84. Trois années plus tard, La Crète sous la domination et la suzeraineté ottomanes d’Ahmed Softazadé parle d’une intervention réformatrice européenne menée “avec l’assentiment et même sur la proposition de la Porte”85, tant le 25 août 1896 que le 11 février 1897, la Crète étant alors remise “tacitement en dépôt et en gage par le Sultan entre les mains des Puissances qui agissaient au nom d’arbitres de la paix générale”86. Soutenant, en 1913, sa thèse de droit sur les occupations militaires en dehors des occupations de guerre, Raymond Robin considère le mandat collégial comme le résultat d’un dialogue entre les Puissances et le Sultan et ne doute pas du consentement tacite de la Porte87. Repris sans doute pour leur simplicité et parce qu’ils exonéraient l’Europe de toute brutalité, les termes de “dépôt” et de “gage” reviennent dans les manuels d’histoire de la Belle Époque et de l’entre-deux-guerres qui traitent de la “Question d’Orient”88. Par la suite, la thèse d’un transfert fut généralement reprise sans discussion dans les travaux publiés sur la Crète et sur la question crétoise89. L’intervention des Puissances et la mise en œuvre de leur mandat crétois s’inscrivent, sans doute aucun, dans une certaine légalité. L’ingérence européenne n’est, tout d’abord, rien d’autre que l’exercice de ce devoir d’intervention – ou cet abusif droit d’ingérence90 – dans les affaires ottomanes, que l’article 7 du traité de Paris de 1856 a reconnu à l’Europe, chaque fois que “l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Empire Ottoman” seraient menacées91. Sans être totalement inexacte, puisque ces mots de dépôt et de gage furent alors officiellement employés, la thèse d’une cession contractuelle perd de vue plusieurs obscurités voire irrégularités du droit international que mirent en lumière les juristes Henri Couturier, en 1900, puis Henri Lombard, en 1908, très attentifs l’un et l’autre à reconstituer l’esprit même des négociations turco-européennes de 1896-1897.
23Leur première critique porte sur l’emploi même du terme “dépôt”, qui s’applique au droit privé, mais est inconnu du lexique juridique international. Il s’agit alors d’une trouvaille russe pour placer la Crète en dehors de la guerre de Thessalie. En substituant ce mot de dépôt à l’expression “territoire neutre”, un temps examinée et juridiquement impeccable, le concert européen pouvait en effet légalement conserver ses forces sur un des théâtres les plus importants du conflit gréco-turc. Reprenant le dossier en 1952, Jean-Stanislaw Dutkowski replaça cet évincement, plus ou moins conventionnel, de la souveraineté ottomane dans un contexte de crise de haute intensité dans une Europe habituée depuis un siècle à la gestion collective des tensions internationales. Loin d’être déterminant, le terme de dépôt, vraie trouvaille, n’insultait pas l’avenir et plaçait opportunément la Crète sous séquestre en la mettant à l’abri de toutes les conséquences territoriales de la guerre turco-grecque. En revanche, les engagements réformateurs en faveur de l’autonomie crétoise donnèrent aux Européens une latitude d’action d’autant plus grande que l’ingérence d’humanité, même non-conventionnelle, était devenue en quelque sorte coutumière et avait pris l’aspect d’un service public embryonnaire dont l’exercice revient au système matériellement en mesure de s’en charger : le concert des Puissances.
24Une fois les principales crises humanitaires réglées et les forces grecques rapatriées en mai 1897, l’occupation collégiale, confiée aux Amiraux, entreprend la mise en marche des réformes qui affectent les piliers de la souveraineté ottomane tels que la justice, l’attribution des revenus douaniers, la refonte des forces de gendarmerie. La thèse du dépôt sert alors opportunément à justifier une dépossession de l’autorité souveraine désormais partagée par les Puissances occupantes (qui ont été subrogées à tous les droits découlant de la souveraineté impériale) ce qui laisse au sultan une “haute suzeraineté”, une formule que l’Empire Ottoman et les juristes attachés à sa cause, tels Ahmed Softazadé, récusent bien évidemment en parlant systématiquement des droits souverains92. Réconfortée par sa victoire en Thessalie en mai 1897, la Porte tente de récupérer le terrain abandonné en maintenant une présence militaire conséquente dans les grands ports du Nord, en affichant tous les attributs visibles de la souveraineté tout en s’appuyant sur une communauté musulmane dont l’exaspération provoque, en septembre 1898, un massacre xénophobe qui précipite l’éradication des derniers restes de la souveraineté hamidienne. Pour autant, la fiction du dépôt fut maintenue par les porte-parole de l’Empire Ottoman qui employèrent cet argument pour voiler les pressions européennes de 1896-1897 et légitimer les protestations et réclamations ultérieures dont les deux grands thèmes furent la défense de l’islam crétois et la dénonciation de toute annexion93. Pour fausse qu’elle fût, la fiction du dépôt contractuel de la Crète s’avéra donc bien, durant le régime de l’autonomie, un bel outil diplomatique et ce pour toutes les chancelleries.
Conclusion
25La majorité des analystes des affaires crétoises ont vu dans l’interposition européenne une injustice et la démonstration de l’impuissance pentarchique à dépasser ses rivalités. L’opinion savante philhellène, – au premier chef, les historiens du monde antique –, condamna l’interposition européenne et le régime de l’autonomie puisqu’ils écartaient le sentiment national majoritaire et retardaient dangereusement l’union de l’île, matrice de l’Europe, à la Grèce. Refusant de reconnaître à l’ingérence armée hellénique une dimension humanitaire, la plupart des juristes ont vu en revanche dans l’interposition armée européenne et la mise en œuvre du statut d’autonomie des mesures de nécessité qui, dans le prolongement de l’ingérence administrative de 1896, tenaient la balance égale entre les droits du Sultan, les intérêts des musulmans insulaires, des chrétiens orthodoxes et de la Grèce, contrainte certes à abandonner l’annexion, mais impliquée dans la gestion de l’île dès 1898 avec la nomination du prince Georges comme haut-commissaire de la Crète. L’éviction rapide de la Porte des affaires crétoises, opportunément couverte par la fiction d’un dépôt, suscita en revanche quelques fortes critiques portant sur la forme et sur les suites de ce procédé. Dans l’entre-deux-guerres puis au lendemain du second conflit mondial, les juristes, mais également les historiens des relations internationales, abandonnent ces dernières réticences et tiennent le temps des Amiraux et de l’Autonomie comme une entreprise mi-idéaliste et mi-pragmatique, réaliste donc, somme toute efficace et bénéfique. Ce sont ces vues favorables que l’historiographie a fait siennes en mettant en avant tout d’abord le succès politico-humanitaire de l’interposition et de l’occupation, mais également la capacité des Puissances à surmonter leurs brouilleries et leurs jalousies pour gouverner ensemble une île jugée ingouvernable et dont l’administration collégiale est devenue l’un des modèles les plus exemplaires d’une longue suite de mandats internationaux.
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Notes de bas de page
1 Cuinet 1892, 537 ; Kolodny 1968, 227-290.
2 Bérard [1897] 1900, 72-73.
3 Streit 1897, 94-95 ; Driault 1917, 259-260 ; Kallivretakis 1989, 28-29 ; Georgeon 2003, 336.
4 Isambert 1899, 461-463 ; Lombard 1908, 61-68.
5 Streit 1897, 481-483 ; Renouvin 1955, 192-193.
6 Dutkowski 1952, 36-37.
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12 Holland & Markides 2008, 147.
13 Rodogno 2012, 224-227.
14 Dutkowski 1952, 133-137.
15 Mary 1930, 36-37 ; Dutkowski 1952, 25.
16 Bordeaux 1934 ; 1946 ; Georges 1959.
17 Matton 1957, 192-199.
18 Louvier 2013, 292.
19 Dutkowski 1952, 132.
20 Kiss 2004, 151.
21 Ibidem, 151. Parler de “conflit international” semble toutefois excessif puisque la guerre opposant les Turcs aux Grecs est un conflit limité, sans réplique régionale et sans ingérence armée étrangère directe.
22 Zorgbibe 1994, 87-88.
23 On se reportera sur cette question à l’article de M. Delaroche publié dans ces actes.
24 Soutou 2007, 140.
25 Sédouy 2009, 409.
26 Delorme 2013, 611.
27 Ternon 2002, 219.
28 Lhuiller 1954, 220-221 ; Renouvin 1955, 193 ; Matton 1957, 194-195.
29 Nathan 2005.
30 Holland & Markides, 2008, 108-131.
31 On se reportera sur les Crétois musulmans ou Gritili à la contribution de M. Balivet.
32 Holland & Markides 2008, 120 et 150 ; Holland 2012, 130-131 ; Rodogno 2012, 219 et 223-224 ; Louvier 2014.
33 Rodogno 2012, 224.
34 Streit 1903, 222-282 et 345-418.
35 Lombard 1909, 61-73.
36 Sirmagieff 1889 ; Bry [1892] 1910, 171-172.
37 Sur Adolphe Reinach et les motivations intellectuelles de son engagement en faveur de l’annexion, on se reportera à la contribution de M. Duchêne.
38 Duclert & Pécout 1999.
39 Reinach 1894, 95.
40 Ardaillon 1897, 255-257 ; Combes 1897.
41 Holland & Markides 2005 ; Delaroche 2006 ; Louvier 2013, 291-292.
42 McCarthy 1995 ; 1997, 208 et 318 ; Çeniçik 2011, Greene [2000] (2010) ; Louvier 2014.
43 Duclert & Pécout 1999 ; Rodogno 2012 ; Louvier 2013.
44 Mille 1898, 189-190.
45 Combes 1897, 103.
46 Ibidem, 125-126.
47 Geouffre de Lapradelle 1898, 280-282.
48 Ibidem, 281.
49 Isambert 1899, 463.
50 Softazadé 1902, 182. Ce qui n’est pas très exact, les Puissances ne donnant pas à cette exigence d’ingérence administrative le sens d’une obligation contractuelle.
51 Brocher de la Fléchère 1897, 420.
52 Bluntschli 1881, 276 ; Jeangène Vilmer 2012, 93-98.
53 Brocher de La Fléchère 1897, 416 et 420.
54 Lombard 1908, 71.
55 Ibidem, 71.
56 Bluntshli 1881.
57 On se reportera ici à la communication de M. Duchêne.
58 Couturier 1900, 130-106.
59 Streit 1897, 446-483.
60 Freese 1897, 20-23 ; Couturier 1900.
61 Lavisse 15 février 1898, 887-897.
62 Evans 1898, 29-39 ; Robin 1913, 502.
63 Lavisse 15 février 1898, 889.
64 Lavisse 15 juin 1897, 897.
65 Bry [1892] 1906, 176-177.
66 Bry [1892] 1910, 171-172.
67 Bérard 15 juillet 1910, 420-423
68 Merignhac 1898, 102.
69 Callispéris 1898.
70 Softazadé 1902, 148 ; Prévélakis 1976, 72.
71 Prévélakis 1976.
72 Couturier 1900, 137.
73 Ibidem, 196-197 et 224-241.
74 Louvier 2014.
75 Ardaillon 1897, 255-257.
76 Vellay 1913, 7-8.
77 Reinach 1910, 1.
78 Bérard 15 juillet 1909, 212.
79 Ibidem, 214.
80 Bérard, 15 juillet 1910, 447.
81 Reinach 1910, 128.
82 Louvier 2014.
83 Isambert 1899, 461.
84 Idem, 463.
85 Softazadé 1902, 182.
86 Idem, 197.
87 Robin 1913, 486-502.
88 Laroche s. d., 273.
89 Matton 1957, 193 ; Kiss 2004, 151, 153 ; Louvier 2013, 290.
90 Engelhardt 1880, 372-373.
91 Ameil et al. 2009, 197.
92 Sotfazadé 1902, 246.
93 Ibidem, 1902.
Auteur
Maître de Conférences, Université Paul-Valéry Montpellier, C.R.I.S.E.S.
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