La situation linguistique de la Crète antique
p. 139-150
Texte intégral
Introduction
1Présenter un exposé sur les faits linguistiques qui caractérisent la Crète antique est un exercice embarrassant, non que le sujet soit inintéressant – il s’en faut de beaucoup, comme chacun en conviendra aisément – mais parce que les résultats positifs sont difficiles à appréhender ; le lecteur peut alors légitimement éprouver une certaine déception devant l’accumulation des problèmes non résolus encore. Or, c’est précisément pour cette raison – combattre une impression d’impuissance à détecter la réalité scientifique dans son intégralité – qu’il est utile d’essayer de faire le point sur la question. Expliquer les faits le plus clairement possible, insister sur les éléments susceptibles d’amener à des critères valables d’appréciation, éventuellement souligner des erreurs dans les démarches adoptées, ces diverses approches devraient permettre de remettre à plat les données crétoises très complexes. Mon exposé sera donc, par la force des choses, une simple ébauche de ce qu’il est convenu d’appeler la situation linguistique de la Crète antique. Je procéderai chronologiquement, depuis la fin du IIIe millénaire, moment où, d’après les spécialistes des écritures, apparaissent les premières écritures crétoises, jusqu’aux environs de l’ère chrétienne, quand le dialecte crétois cesse d’être attesté épigraphiquement (aucun texte littéraire crétois n’est parvenu jusqu’à nous, à part peut-être le Chant d’Hybréas le Crétois, court poème de neuf vers, trop court pour renseigner sur la production littéraire crétoise)1. Il cède alors la place, selon des modalités temporelles et linguistiques propres à chaque cité, à la langue grecque commune ou koinè2 : la dernière cité à employer le dialecte, pour des raisons idéologiques et politiques, est Gortyne, qui sert ainsi de référence temporelle. Il va de soi que, n’étant pas du tout compétente pour parler de la Crète des IIIe et IIe millénaires, je ne peux qu’exprimer toute ma gratitude à Yves Duhoux qui, animé d’un grand esprit d’entraide, m’a immédiatement et très aimablement fourni les articles dans lesquels il traite, en spécialiste reconnu des écritures crétoises, de nombreux sujets abordés ici. Les premières pages de cet exposé sont donc un condensé, aussi fidèle que possible, des résultats obtenus par Y. Duhoux au terme de ses longues recherches. Dans la seconde partie, j’examinerai les faits linguistiques du Ier millénaire a.C., moins opaques et par conséquent moins sujets à discussion (ce qui n’exclut pas de nombreuses zones d’ombre).
Les écritures
Les écritures préalphabétiques
2Dès l’apparition de l’écriture en Crète, la situation est complexe. Il est, certes, parfois difficile de déterminer quand on se trouve en présence d’une écriture, c’est-à-dire d’un système organisé de signes3 : certains documents peuvent n’être que de simples dessins4. Cependant, la majorité des spécialistes des écritures crétoises considère qu’au moins cinq systèmes d’écriture pré-alphabétique étaient attestés à l’époque minoenne : celui du disque de Phaistos et celui de la hache d’Arkalochori, l’écriture dite “hiéroglyphique”, le linéaire A et le linéaire B. Une précision s’impose dès l’abord : la dénomination de “minoen” est conventionnelle, pour désigner les périodes pré-grecques de la Crète. Certains historiens et archéologues préfèrent employer le terme “égéen”, lui-même ambigu5 ; cette hésitation linguistique est à elle seule révélatrice des grandes lacunes de la documentation écrite auxquelles est confronté le chercheur qui s’intéresse à ces périodes. Ici donc, “minoen” est l’équivalent de “pré-grec”. Toutes les écritures précitées ont été décrites très clairement par Y. Duhoux, que je résume ici. En raison de leur unicité, je laisserai de côté les deux premiers systèmes (disque de Phaistos, hache d’Arkalochori), qui ne sont guère pertinents, en me contentant de reprendre les indications d’Y. Duhoux. Le célèbre disque de Phaistos, en argile, mystérieux par sa forme et les caractères qui le font ressembler à un jeu, continue à donner lieu à des tentatives de déchiffrement dénuées d’esprit scientifique. Il est à situer entre 1800 et 1600 a.C. et totalise 241 signes, soit 47 signes différents6. La hache d’Arkalochori (Crète centrale), en bronze, date de 1600 a.C. et contient environ vingt signes sur trois colonnes : c’est là le document crétois écrit en caractères préhelléniques le plus court et ce total est trop peu important pour que des hypothèses puissent être formulées avec quelque chance de vraisemblance7. Il me reste à examiner les trois autres écritures, en laissant de côté, comme inutiles pour mon propos, les considérations techniques :
L’écriture dite “hiéroglyphique” : cette appellation, qui remonte à A. Evans, très attiré par l’Égypte pharaonique8, est inexacte, car aucun signe n’est semblable aux hiéroglyphes égyptiens. Cette écriture, datée entre 2100 et 1700 a.C. (et peut-être même jusqu’à 1500 a.C.)9 est la plus ancienne écriture crétoise connue à ce jour. Elle est attestée essentiellement en Crète (surtout à Cnossos et Mallia), mais pas pour l’instant dans la partie occidentale de l’île (peut-être à cause du hasard des découvertes), à Cythère, dont la position géographique par rapport à la Crète peut expliquer sa présence, mais aussi à Samothrace. Les supports sont variés (pierre, métal, ivoire, argile) ; il y a environ 370 textes, avec un total de moins de 000 signes, ce qui représente au mieux 1 à 2 pages A410. À part les nombreux sceaux, pour lesquels il est très difficile de déterminer le sens de la lecture (sinistroverse ou dextroverse), ce qui est un handicap supplémentaire en vue d’un déchiffrement, les inscriptions des palais de Cnossos et Mallia, qui semblent être des documents comptables et des dédicaces, soulignent le caractère officiel de cette écriture non encore déchiffrée, dont l’aire d’extension ne paraît donc pas avoir été limitée à la Crète.
Le linéaire A est une autre appellation conventionnelle, due à A. Evans, qui, ayant réuni une multitude de textes, a eu le mérite de discerner les deux écritures (ainsi que le linéaire B, qu’il considérait comme une écriture pré-grecque)11 ; mieux documenté, il apparaît dans toute la Crète, dans d’autres îles (Samothrace, Théra, Mélos, Kéa), au sud du Péloponnèse (Haghios Stefanos), en Asie Mineure (Milet) et peut-être même en Israël. Cette écriture est attestée entre 1750 et 1450 a.C., et peut-être même jusqu’au début du xiie s., si le texte trouvé en Israël doit bien recevoir cette datation, comme les spécialistes le proposent, ce qui serait une survivance remarquable12. Elle comprend à peu près 1 500 textes et 8 000 signes, ce qui représente l’équivalent de huit à neuf pages A413 : le linéaire A est numériquement plus important que l’écriture ‟ hiéroglyphique” dont les sceaux sont les principaux témoignages. Lieux de découvertes (palais, sépultures), matériaux utilisés (argile, pierres, divers métaux) et supports, essentiellement des vases, orientent vers une fonction administrative et cultuelle des textes. Pour autant qu’on puisse l’affirmer, le contenu des textes en écriture ‟ hiéroglyphique” et en linéaire A serait identique (caractère religieux et administratif). Le niveau de langue serait celui du pouvoir.
3La coexistence de deux écritures officielles aux mêmes époques en Crète est remarquable, rare mais pas unique, si l’on songe aux Hittites, ‟ce peuple à double écriture”, pour reprendre l’expression d’E. Laroche14. Quoi qu’il en soit, ces écritures de l’époque minoenne vont être supplantées par la dernière venue, le linéaire B.
Le Le linéaire B, déchiffré en 1952 par M. Ventris secondé par J. Chadwick15, est une écriture qui sert à noter du grec. Les presque 6 000 tablettes d’argile découvertes dans le palais de Cnossos essentiellement et aussi à La Canée sont datées entre 1400 a.C. pour Cnossos et 1200 a.C. pour La Canée (la Kydonia grecque), donc pendant la période mycénienne, d’où l’autre dénomination de ‟ mycénien” pour cette toute première attestation du grec16. Comme on le sait, jusqu’à l’époque d’Alexandre, la Grèce a connu des dialectes, qui ont fait place ensuite à la langue grecque commune (koinè) ; si l’on ne peut établir la parenté du mycénien avec l’un de ces dialectes, on peut affirmer que c’est la langue des Grecs qu’Homère appelle les Achéens. Les textes sont des documents comptables, donc administratifs ; leur aire d’extension, considérable, comprend, outre la Crète, la Grèce continentale (Péloponnèse, Attique, Béotie) et les îles ; de nouveaux documents viennent régulièrement augmenter le corpus mycénien. L’écriture est constituée d’idéogrammes et de 88 syllabogrammes (l’incertitude qui entoure l’écriture ‟ hiéroglyphique” et le linéaire A rend nécessaire la prudence concernant la nature de leurs signes) ; le corpus qui totalise environ 62 000 signes, est huit fois plus grand que celui de l’écriture ‟ hiéroglyphique”17. Une grande partie de ces syllabogrammes a été empruntée au linéaire A, et quelques signes seulement à l’écriture dite hiéroglyphique. La cause de la disparition des écritures hiéroghyphiques et du linéaire A est l’effacement de la civilisation minoenne, celle du linéaire B est de même la disparition de la civilisation mycénienne.
L’alphabet grec
4La plus ancienne inscription alphabétique en Crète, une dédicace d’une ligne sur un pithos de Phaistos, date du viiie siècle18. Comme dans tout le monde grec, il faut distinguer, pour la Crète, l’alphabet propre à chaque cité (épichorique)19, qui cède la place à l’alphabet de la koiné à des dates diverses selon les endroits. Deux faits sont à mentionner :
5À Gortyne, au ve siècle, deux systèmes graphiques sont usités, l’un plus pauvre que l’autre, et qui concerne presque 70 textes, dont le texte souvent appelé ‟ Lois de Gortyne” : cet alphabet comporte moins de lettres que celui de l’époque archaïque. Il y a là un retour en arrière unique en Crète, à expliquer sans doute par la situation politique de la cité20, problème extrêmement difficile à élucider et qui dépasse largement le cadre de cette étude. L’étude des Lois de Gortyne, principal document écrit dans cet alphabet, n’est, trop souvent, abordée que de façon parcellaire par les commentateurs : le grand nombre d’ouvrages, d’articles qui ont été consacrés à “la reine des inscriptions” depuis plus d’un siècle témoigne de l’incompréhension du texte et de la difficulté à l’appréhender globalement. Lui consacrer une réflexion pendant quelques mois ne suffit évidemment pas.
6L’alphabet grec a été utilisé pour noter une langue non grecque dans deux cités de l’est de la Crète. À Dréros, située à la limite de la Crète centrale et de la Crète orientale, une ligne a été gravée dans la pierre vers 650 a.C., et cinquante ans plus tard, estiment les épigraphistes, deux lignes écrites en grec ont été ajoutées. À Praisos, qui se trouve sans conteste dans la partie orientale de l’île, cinq textes incomplets ont été découverts, qui s’échelonnent entre le vie s. et le iiie ou iie s. a.C. En raison du site de Praisos, connu par des historiens antiques, Hérodote entre autres, qui mentionne les Étéocrétois (7.170-171) les “vrais Crétois”, cette écriture est appelée “étéocrétoise”, autre dénomination conventionnelle.
7Après cet exposé sommaire des faits graphiques et de leurs maigres renseignements pour certaines de ces écritures, il reste à aborder la définition des langues transcrites par ces écritures, qui doit déboucher sur l’étude des ethnies supposées avoir vécu dans la Crète antique. La prudence est de mise pour qui s’aventure dans l’analyse du contexte linguistique.
Les langues
Avant l’arrivée des Grecs
8Comme on l’a vu, deux écritures officielles, hiéroglyphique et linéaire A, ont coexisté pendant une grande partie du IIe millénaire ; elles ne sont pas déchiffrées, malgré le grand nombre de textes en linéaire A et quelques rudiments de déchiffrement21. À l’arrivée des Achéens ou Mycéniens, on peut supposer que deux langues au moins étaient parlées22, et que la Crète aurait été habitée par au moins deux ethnies. Si les Étéocrétois étaient déjà là, hypothèse indémontrable pour l’instant, cela ferait trois langues et trois ethnies23 ; en effet, pour autant qu’on puisse le dire, l’étéocrétois, encore mal déchiffré, vu le très petit nombre d’inscriptions, ne serait pas apparenté au linéaire A et peut-être pas non plus à l’écriture hiéroglyphique24 (ces écritures n’étant pas encore vraiment déchiffrées, on mesure les difficultés inhérentes à toute comparaison entre elles). C’est en fait, avec le questionnement sur les écritures et les langues, le problème du peuplement de la Crète pré-grecque qui est posé. La Crète, habitée seulement à partir de l’époque néolithique25, a dû attirer par sa position géographique dans la Méditerranée orientale, situation avantageuse que souligne Aristote, Pol., 2.1271b. Les Minoens étaient-ils des autochtones ou des immigrants26 ? La tradition antique, divergente sur cette question, et l’archéologie ne permettent pas de trancher, pas plus que les textes égyptiens, qui mentionnent les Keftiou pour désigner les Crétois27. Dès l’apparition des écritures et sans doute bien avant28, la multiplicité linguistique, et donc ethnique, a dû caractériser la Crète.
Grecs et non-Grecs
9On ne peut faire l’impasse, après tant d’autres, sur le célèbre passage de l’Odyssée, 19.175-177, où Ulysse, déguisé en mendiant et parlant de la Crète à Pénélope, déclare : “Les langues s’y mêlent ; il y a les Achéens, les valeureux Étéocrétois, les Kydoniens, les Doriens aux trois tribus, et les divins Pélasges”29. Le passage souligne l’hétérogénéité linguistique et ethnique de l’île, ce que confirment les légendes de fondation des cités crétoises30, et débouche logiquement sur une question : comment se sont déroulés les contacts entre Grecs et non-Grecs, c’est-à-dire entre dominants et dominés ? Plusieurs problèmes cruciaux demandent encore à être résolus, à propos de l’identité, de la localisation et de l’importance numérique des populations non grecques. Il faut aussi se demander quelle a été la nature de la pénétration mycénienne, sans doute réalisée en plusieurs moments31. En effet, un simple contingent aurait eu peu d’influence sur l’ethnicité des non-Grecs et sur leur langue. Les avis des spécialistes divergent32. Ceux qui penchent pour une domination forte suggèrent que les non-Grecs auraient été repoussés à l’Ouest et à l’Est, ce qui correspondrait aux Kydoniens et aux Étéocrétois homériques. Mais les tablettes mycéniennes évoquent clairement les do-e-ro, terme correspondant au grec attique δοῦλοι, c’est-à-dire aux esclaves, main-d’œuvre essentielle travaillant parfois aux côtés du maître. Ne pourrait-on envisager, si l’on adopte ce schéma, une influence linguistique des non-Grecs sur le grec des Mycéniens, qui aurait été occultée dans la prose administrative mycénienne, uniforme en Grèce continentale et en Crète ? De plus, tous les non-Grecs n’ont sans doute pas été asservis et certains, issus des couches supérieure de l’ancienne société dominante, ont pu coopérer avec les nouveaux arrivants et s’intégrer à eux, par des mariages ou d’autres alliances (politiques, économiques). Quel que soit le niveau social d’intervention, le grec mycénien a probablement adopté certaines caractéristiques de la (ou des) langue(s) des populations que les Mycéniens ont rencontrées en Crète. L’adoption d’un grand nombre de signes du linéaire A par le linéaire B prouve une influence graphique des Minoens sur les premiers Grecs ; est-il absurde d’imaginer une semblable influence sur le plan linguistique, même à un degré moindre ?
Achéens et Doriens
10Les questions précédemment évoquées se posent à nouveau avec l’arrivée des Doriens33, qui viennent augmenter la présence grecque en Crète, suivant un processus probable de pénétrations successives et non d’invasion au sens plein du terme34. Un bon exemple pourrait être fourni par les légendes de fondation de Gortyne. Sans surprise, la cité aurait été fondée par Gortys, mais les avis diffèrent sur son origine ethnique ; selon Pausanias 8.53,4, pour les Grecs non crétois, il serait originaire de Tégée, donc serait Arcadien et pour les Crétois, il serait le neveu de Minos, donc un non-Grec. On remarquera que, comme pour la religion35, où bon nombre de divinités pré-grecques peuplent le panthéon crétois, à commencer par Zeus, la présence minoenne est partout dans les mythes de fondation. Puis, des habitants d’Amyclées, près de Sparte, en désaccord avec les Spartiates, qui sont des Doriens, seraient venus à Gortyne, ce que confirme la mention, dans un texte gortynien du iiie ou iie s. (IC IV 172, l. 4) des Amyclaioi, sans doute “habitants d’Amyclées”, à situer près de Gortyne : on peut supposer que ces gens d’Amyclées étaient des Achéens, fuyant l’arrivée des Doriens. De façon plus générale, d’autres habitants du Péloponnèse et d’ailleurs ont pu vouloir échapper aux Doriens en venant en Crète et les Doriens eux-mêmes ont dû arriver en plusieurs fois, même si les légendes de fondation sont assez discrètes sur les modalités de la pénétration dorienne en Crète. Les problèmes se compliquent donc encore davantage : quelles ont été les relations entre Achéens et Doriens, avec leurs conséquences sur les plans politique, économique, culturel et linguistique ? Quel rôle ont joué, dans tous ces domaines, les populations non grecques ? Qu’en est-il des Étéocrétois mentionnés par Homère ? Il convient d’interroger les textes grecs du Ier millénaire, écrits dans un dialecte dorien, et susceptibles a priori de révéler d’éventuels écarts de langue par rapport au dorien standard, qui pourraient être l’indice de contacts entre plusieurs groupes ethniques.
Langue et histoire
Le corpus crétois
11L’étude des textes crétois révèle deux caractéristiques majeures :
La plupart des chercheurs, se fondant sur les trois grandes parties géographiques de l’île (ouest, centre, est)36, postulent trois variétés de crétois, occidental, central, oriental37. Mais c’est oublier la chronologie. La Crète orientale et, sauf Axos (mais cf. note 37) et Éleutherna, la Crète occidentale, ne fournissent pas de textes avant le iiie siècle, c’est-à-dire à un moment où le dialecte cède la place à la koiné (ou à la koina, cf. note 2). Au centre, seule Gortyne possède des textes depuis le vie s. jusqu’au ier s. a.C., presque toujours écrits en dialecte, ce qui est une précieuse indication quant à son rôle politique dans l’île et sa rivalité historique avec Cnossos, dont les textes sont parfois des révélateurs, comme ils le sont pour les dissensions des cités crétoises entre elles38. On pourrait affirmer qu’au moins, c’est le parler gortynien qui est attesté et qui peut faire l’objet d’études linguistiques. Cette prédominance de Gortyne représente “la domination symbolique, dont tout échange linguistique est le lieu”39.
La nature des textes doit également être prise en considération. Que ce soit à Gortyne ou dans le reste de la Crète, les textes privés (épitaphes, dédicaces de particuliers) sont très peu nombreux (moins d’un dixième de la production épigraphique pour Gortyne), au regard des textes officiels, décrets, traités, textes législatifs, comme les Lois de Gortyne, pour ne citer que le document le plus célèbre40. On pourra donc dire que “seuls ceux qui font la norme ont accès à l’écrit et sous la forme la plus conservatrice, pour dire le droit ou rédiger un traité. Que pourrions-nous conclure, si nous n’avions, pour apprécier la situation linguistique française contemporaine, que les documents fournis par le Quai d’Orsay, l’Assemblée Nationale ou l’appareil judiciaire ?”41. Les textes crétois illustrent à merveille le rôle politique de l’écrit42. Par conséquent, vu l’état de la documentation épigraphique, il est impossible d’établir de vraies distinctions langagières dans la Crète du premier millénaire a. C (mais cette constatation ne signifie pas qu’il n’y en avait pas). Il serait assez juste de conclure que l’on a accès surtout au langage juridique si l’on s’en tient à l’aspect quantitatif des textes ; cet état de fait confirme la réputation de la Crète antique d’être un laboratoire de lois, comme les écrivains grecs l’avaient souligné (Platon, Aristote)43. On pourrait ajouter qu’il s’agit essentiellement du langage juridique de Gortyne, que tous les Gortyniens ne maîtrisaient sans doute pas : cette conclusion restreint beaucoup la notion de dialecte crétois.
Opacité linguistique ?
12Pourtant il faut faire un sort à l’étéocrétois qui, malgré son corpus épigraphique réduit, procure quelques résultats. Les deux centres étéocrétois actuellement repérables, Dréros et Praisos, ont connu une évolution différente. À Dréros, cité constituée dès le viiie s. comme le prouve l’archéologie44, l’hellénisation est bien implantée au viie s., puisqu’à part une ligne en étéocrétois, les inscriptions, qui sont parmi les plus anciennes de la Crète45, sont rédigées dans le dialecte crétois (il est à souhaiter que la reprise assez récente des fouilles françaises à Dréros amène d’heureuses découvertes épigraphiques). À Praisos, plus excentrée, la présence étéocrétoise est plus forte46, puisqu’aux iiie-iie s. a.C., des textes officiels sont encore écrits par l’élite de la cité. Il faut supposer qu’un ancien pouvoir étéocrétois a cédé peu à peu la place à l’élément dorien, et a tenu à marquer son attachement à sa culture par l’écriture de sa langue. Sur le plan linguistique, le dialecte crétois enregistre un, voire deux noms de mois sans doute étéocrétois et, peut-être, quelques mots du lexique47. Quoi qu’il en soit, la présence étéocrétoise est une donnée capitale pour l’archéologie et l’histoire, mais aussi pour la linguistique. Enfin la Crète orientale, qui bénéficie actuellement de plusieurs campagnes de fouilles, commence à révéler des sites archaïques, comme le site prometteur d’Azoria, dont le nom antique n’est pas encore découvert48 ; le dossier étéocrétois n’est peut-être pas clos.
13Plusieurs textes crétois laissent percevoir une vaste stratification sociale, qui aurait perduré peut-être jusqu’à l’époque hellénistique, tout au moins dans certaines régions. La Crète a connu une population de dépendants, attestés sous plusieurs noms chez les auteurs grecs de l’Antiquité, qui avaient commenté leur présence49. Les inscriptions crétoises les mentionnent également : les Lois de Gortyne, en particulier, font de fréquentes allusions au woikeus (Ϝοικεύς), qui est un dépendant jouissant de certains droits (mariage, propriété de bétail). Je me borne ici à un simple énoncé des faits gortyniens, sans aborder le statut exact de ce woikeus, qui continue à faire couler beaucoup d’encre. Un autre terme δῶλος (= attique δοῦλος “esclave”) étant usité, les deux termes recouvrent-ils une même réalité sociale ou non ? Il suffit de dire que le crétois se sert de termes particuliers pour désigner une population non-libre. Qui étaient ces non-libres, des descendants des Pré-Grecs ou des Grecs pré-Doriens ? Le dialecte crétois révèle quelques traits non-doriens, assignables à l’achéen ; en d’autres termes, les Mycéniens n’auraient pas été asservis, mais auraient joué un rôle politique, économique et linguistique50. Là encore, l’archéologie et l’histoire doivent être sollicitées par le linguiste, qui a à tenir compte des bouleversements sociaux ayant affecté l’île de bonne heure, le mercenariat attesté dès le vie s. en Égypte51, puis la piraterie, qui a dû bénéficier de l’appui tacite de certaines cités crétoises, qui en obtenaient des ressources financières52.
14L’onomastique crétoise surtout est riche d’anthroponymes53, de théonymes, le panthéon crétois résultant souvent d’un syncrétisme entre divinités pré-grecques et divinités helléniques (comme Britomartis/Britomarpis, parèdre de Minos, confondue avec Artémis, et Diktynna)54 et de toponymes55 pré-grecs (Phalasarna, à l’ouest de l’île). Les linguistes et historiens, ayant depuis longtemps souligné cette particularité, ont regroupé ces noms, faute de mieux, sous la dénomination de “termes égéens” : il n’est, d’ailleurs, pas toujours aisé de déterminer si un théonyme est grec ou non, l’habillage linguistique pouvant masquer une origine non grecque. On sait que les noms propres peuvent voyager, mais aussi perdurer dans une aire donnée ; c’est le reliquat linguistique le plus répandu en Crète, ce qui prouverait le conservatisme des Crétois et leur attachement pour un domaine susceptible de les distinguer des autres Grecs. Deux exemples seront proposés. Le crétois semble avoir privilégié les consonnes géminées, bien plus que d’autres dialectes grecs ; influence d’un substrat pré-grec56 ? Lyttos, très ancienne cité connue d’Homère (Iliade, 2.647, accusatif Λύκτον 17.611, génitif Λύκτου, sans assimilation consonantique, comme chez Aristote, οἱ Λύκτιοι Pol., 2.1271b “les Lyktiens”), détruite en 219 a.C. par les Cnossiens et les Gortyniens, retrouva sa splendeur à l’époque romaine : de nombreux textes lyttiens du iie siècle p. C., en koinè, révèlent des noms crétois57. Donc même si tous ces noms ne nous apprennent rien actuellement sur la/les langues d’origine, il y a là une piste de recherche à ne pas négliger, dont le déchiffrement des écritures pré-grecques permettra peut-être de confirmer l’importance.
Bilan et perspectives
15Le bilan est facile à dresser, sous forme de paradoxe. L’altérité est partout et presque enracinée en Crète, puisque sans doute deux ethnies ont cohabité dans l’île dès le Néolithique. Mais les écritures et les langues attestées sont celles du pouvoir, qui fait la norme linguistique, de telle sorte que l’unité et l’identité dominent : c’est toujours la cité qui s’exprime, occultant les variations sociales, et/ou ethniques. La Crète n’est évidemment pas la seule à avoir connu des peuplements non-homogènes ; on peut citer, pour reprendre deux exemples fournis par C. Brixhe, la Pamphylie et la Cyrénaïque. En Pamphylie, l’élément indigène a joué un rôle important dans la constitution du dialecte ; en Cyrénaïque, au contraire, les éléments non-Grecs ont fait l’objet d’une ségrégation politique, sociale et culturelle58. La situation crétoise est plus contrastée, mais aussi plus difficile à expliquer : pourquoi l’épigraphie du premier millénaire est-elle uniquement l’expression du pouvoir politique ? Comme le souligne P. Bourdieu, “la langue officielle a partie liée avec l’État. Et cela tant dans sa genèse que dans ses usages sociaux”59. Les chercheurs, historiens, mais aussi juristes et linguistes ont une tâche ardue à accomplir, concernant une terre à moitié légendaire dès l’Antiquité, opinion qui a pu influer sur les représentations de la Crète léguées par les écrivains grecs de l’Antiquité60. Est-ce à dire que la Crète doit rester une énigme où chacun pourrait fantasmer à loisir sur identité et altérité, à commencer par les Crétois eux-mêmes, mélangeant allégrement mythologie et histoire (comme d’ailleurs d’autres Grecs61) et le reste des Grecs62 ? Sans doute non. Le déchiffrement des écritures du IIe millénaire, à commencer par le linéaire A, la plus riche en documents, permettrait de faire un progrès considérable. Archéologues, historiens et linguistes doivent unir leurs efforts pour parvenir à dessiner de la Crète une image autre que le schéma un peu simpliste que je viens d’en donner, un terroir avec des dominants et des dominés63, ethnologues et sociologues peuvent fournir des modèles de structures sociales. Faire appel aux études ethnologiques, avec discernement (en tenant compte des différences culturelles) peut aider le chercheur à déboucher sur des ressemblances structurelles. On ne peut donc qu’adhérer aux propos de M. Detienne : “Il y a beaucoup à prendre dans une anthropologie qui demeure résolument comparative et se déploie dans l’espace où l’on ne cesse pas d’expérimenter et, toujours, à plusieurs64”. Une coopération interdisciplinaire est le meilleur adjuvant de l’énigme linguistique et ethnique de la Crète, c’est-à-dire de son identité plurielle.
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Matton, R. (1960) : La Crète antique, Athènes.
Perdrizet, P. et G. Lefebvre (1919) : Les graffites grecs du Memnonion d’Abydos, Nancy-Paris-Strasbourg.
Renouard, M. (2011) : Naissance des écritures, Rennes.
Ruzé, F. (1992) : “Au début de l’écriture politique : le pouvoir de l’écrit dans la cité”, in : Detienne 1992, 82-94.
Van Effenterre, H (1948) : La Crète et le monde grec de Platon à Polybe, Paris.
— (1986) : Les Égéens, Paris.
Van Effenterre, H. et F. Ruzé (1995) : Nomima II, Paris.
Verbruggen, H. (1981) : Le Zeus crétois, Paris.
Vidal-Naquet, P. (1970) : Recherches sur les structures sociales dans l’Antiquité classique, Paris.
Villard, L., éd. (2008) : Langues dominantes, langues dominées, Mont-saint-Aignan.
Willetts, R. F. (1955) : Cretan Cults and Festivals, Londres.
— (1967) : The Law Code of Gortyn, Berlin.
— (1977) : The Civilization of Ancient Crete, Londres.
Notes de bas de page
1 L’auteur et la date de la Chanson d’Hybréas le Crétois sont contestés : Willetts 1955, 317-323.
2 Analyse linguistique chez Brixhe 1993, 37-71.
3 Définition par H.T. Hooker : “Introduction générale”, in : Bonfante et al. 1994, 15-23.
4 Voir Cohen & Peignot 2005, 105-106 et Renouard 2011, 16.
5 Van Effenterre 1986, 161-202, englobe aussi sous cette dénomination les premiers Grecs mycéniens.
6 Étude détaillée du disque dans Duhoux 1977 et Duhoux 1998, 11 et 14.
7 Conclusion prudente de Duhoux 1998, 15.
8 Sa reconstitution du palais de Cnossos illustre sa fascination pour l’Égypte : Farnoux 1993, 134.
9 Une inscription de Petras, près de Sitia, pourrait recevoir cette date, d’après Duhoux 1998, 3 note 6.
10 Évaluation de Duhoux 1998, 4, qui note aussi, 14, que les signes de la hache d’Arkalochori ne rempliraient pas une ligne entière de texte.
11 Farnoux 1993, 39.
12 Duhoux 1998, 8, souligne que cette datation signifierait que plus de cent ans après la disparition du linéaire A, certains “Minoens” l’utilisaient encore.
13 Estimation de Duhoux 1998, 8.
14 Cité par Cohen & Peignot 2005, 556.
15 Chadwick 1972.
16 Godard 1991 explique de façon convaincante l’implantation en Crète des Mycéniens du Péloponnèse. Gênés dans leur commerce avec l’Égypte par les Crétois, ils les auraient supplantés à Cnossos. Quand le pouvoir mis en place à Cnossos les aurait à son tour menacés dans leur expansion commerciale, son renversement aurait entraîné l’installation à La Canée d’un simple vassal.
17 Il est l’équivalent d’à peu près soixante-six pages A4, d’après l’estimation de Duhoux 2006, 666-667.
18 Bile 1988, 29 : la teneur du texte est assurée, malgré des interrogations sur les anthroponymes.
19 Cf. Jeffery 1961, 309-316 et Bile 1988, 73-78.
20 Bile 1988, 76-77.
21 Pour le bilan actuel des essais de déchiffrement de l’écriture “hiéroglyphique”, voir Duhoux 1998, 3-7, et, pour le linéaire A, Duhoux 2007, 229-234.
22 Tant que le déchiffrement de ces deux écritures n’a pas progressé de manière satisfaisante, il est impossible de savoir si elles servaient à transcrire une ou deux langue (s), voir Farnoux 1993, 147.
23 Hypothèse prudente de Brixhe 1991, 51.
24 Présentation et analyse des textes par Duhoux 1982.
25 Cf. Matton 1960, 20 et Willetts 1977, 43-53.
26 Willetts 1977, 43-44, partisan d’une migration, s’interroge sur l’origine géographique des arrivants (est de l’Égée, ouest de l’Anatolie, Syrie-Palestine).
27 Van Effenterre 1986, 155, avec discussion sur la chronologie des textes et des sites archéologiques.
28 Conclusion de Matton 1960, 24 : “Dès le milieu du IVe millénaire, la Crète apparaît donc comme un pays de races mêlées”.
29 ἄλλη δ̓ ἄλλων γλῶσσα μεμιγμένη ἐν μὲν Ἀχαιοιͺ/ ἐν δ̓Έτεόκρητες μεγαλήτορεςͺ ἐν δὲ Κύδωνες/Δωριέες τε τριχάικες δῖοί τε Πελασγοι.
30 Pour Brixhe 1991, 48-49, ces mythes de fondation correspondent aux périodes minoenne, mycénienne et dorienne. On se reportera aux introductions consacrées à chaque cité dans les IC et à Willetts 1955, pour une analyse des principaux cultes et fêtes dont certains semblent remonter aux périodes pré-grecque.
31 L’hypothèse d’arrivées successives de Mycéniens est avancée par Godart 1991, 7-23, pour qui les Mycéniens ont pu profiter d’un affaiblissement momentané du pouvoir minoen pour s’installer à Cnossos.
32 Résumé des données chez Brixhe 1991, 52-53.
33 Et peut-être, selon l’hypothèse de Duhoux 1982, 20, d’autres Achéens du Péloponnèse, et d’ailleurs, dont la tradition antique n’aurait pas retenu les noms.
34 Willetts 1977, 145-153, décrit les étapes qui ont pu se succéder au cours de ce que certains historiens ont appelé la conquête dorienne.
35 Willletts 1955, 54-119, Verbruggen 1981 et ma note 54.
36 En réalité, la Crète, d’un point de vue géomorphologique, comprend six parties, comme le démontre le géographe Bonnefont : Bonnefont 1971, 247-670.
37 C’est la position adoptée par l’éditrice des IC : le tome I (1935) concerne la Crète centrale, le tome II (1939) la Crète occidentale, le tome III (1942) la Crète orientale, Gortyne occupant à elle seule le tome IV (1950). Des sites, en nombre non négligeable, n’ont pas encore été identifiés de façon certaine ; la délimitation du territoire de Lyttos, que la désormais célèbre inscription de Spensithios a contribué à réétudier, voir Bile 1988, 37-40, est discutée par Coutsinas 2014, 350-351 (sites d’Arkades, Ini, Aphrati, Datalla).
38 La vie politique crétoise est étudiée par Van Effenterre 1948.
39 Bourdieu 1982, 68.
40 Traduction française récente de Van Effenterre & Ruzé 1995.
41 Brixhe & Bile 1991, 86.
42 Ruzé 1992, 82-94.
43 Références chez Gagarin 1986, 138-141.
44 Coutsinas 2014, 158-161, 208-209, 280-281, 301-302, 347-348.
45 Bile 1988, 29-31-399.
46 À Praisos, il semble y avoir eu deux traditions sur l’origine ethnique de la cité, voir Brixhe 1991, 53.
47 Duhoux 1982. Brixhe 1991, 58, fait remarquer – prenant comme exemple le français, langue officielle du Congo, qui à l’écrit est identique au français écrit d’autres capitales européennes, mais à l’oral possède un accent particulier – que des variations ethniques ont pu exister dans le dialecte crétois parlé à Praisos et les environs, mais que le niveau de langue des textes ne permet pas de les appréhender.
48 Coutsinas 2014, 339-340, 342-343, 387-388,398-399.
49 Sur cette épineuse question, dont l’abondante bibliographie fait mesurer l’étendue des divergences entre chercheurs, on lira l’exposé très clair de Willetts 1967, 10-17.
50 Conclusions de Brixhe 1991, 76-77.
51 Perdrizet & Lefebvre 1919, n ° 59-60, 61-62, 192, 197, 237, 292, 241, probablement 408, 428, 626.
52 Brulé 1978 ; Coutsinas 2014, 269-270.
53 Certains sont étudiés par Masson 2000, I, p. 61-80 et II, 455-466.
54 Willetts 1955, 179-194, 271-273, 275-277.
55 Les difficultés auxquelles se heurtent les mycénologues confrontés à des noms de lieux inconnus du grec postérieur, viennent de l’imprécision du système graphique mycénien (non-notation de deux consonnes successives, de la consonne finale) : les hypothèses avancées ne peuvent pas le plus souvent être vérifiées.
56 Analyse de quelques noms obscurs par Bile 1988, 154-155.
57 Cette situation linguistique illustre la phrase de Bourdieu 1982, 158 : “Les catégories selon lesquelles un groupe se pense et selon lesquelles il se représente sa propre réalité contribuent à la réalité de ce groupe”.
58 Brixhe 1991, 44-47.
59 Bourdieu 1982, 27.
60 Une Δουλόπολις Doulopolis “ville des esclaves” était censée avoir existé, entre autres lieux, en Crète. Ce n’est pas sans raison que Vidal-Naquet 1970, 66-67 (“Esclavage et gynécocratie dans la tradition, le mythe, l’utopie”) explique qu’une telle cité, impensable pour un Grec, ne pouvait exister dans l’imaginaire grec que dans des zones pratiquement mythiques ou dans des régions pratiquant plusieurs systèmes de dépendance, ce qui est le cas de la Crète.
61 Hérodote 7.170-171 relate les récits des Crétois sur la mort de Minos en Sicile, la réaction des cités crétoises, et le refus des Crétois de venir au secours des Grecs pendant les guerres médiques.
62 Les Crétois ou tout au moins certains d’entre eux (lesquels ?) étaient sentis comme des Barbares par les Grecs, cf. Bile & Hodot 2008, 98-99.
63 Ce schéma a l’avantage de définir deux grandes catégories de populations, mais les réalités du terrain sont parfois plus complexes : non seulement une grande stratification sociale existe dans beaucoup de contrées, mais les relations entre couches sociales peuvent varier en intensité.
64 Detienne 2009, 168.
Auteur
Maître de Conférences, Université de Lorraine
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