De la veine au crâne. L’étruscologie entre éclatement et ouverture : le cas des sciences naturelles
p. 165-184
Texte intégral
1C’est un lieu commun de la littérature historiographique de dire que le passage du xixe siècle au xxe siècle marque le passage d’une étruscologie d’amateurs (etruscheria) à une étruscologie de spécialistes (etruscologia)1. La constitution de corpus d’inscriptions étrusques, la réalisation de catalogues de musées et la conduite de fouilles méthodiques auraient contribué à débarrasser l’étude des Étrusques d’oripeaux exégétiques pseudo-scientifiques. Pourtant, à une époque où l’étruscologie moderne regarde – peut-être avec raison – avec circonspection les résultats d’analyses ADN sur des squelettes dits étrusques ou sur des vaches turques “lydiennes”2, l’apport des sciences naturelles à la constitution d’une “science” étruscologique autonome au début du xxe siècle a peut-être été négligée à tort dans l’historiographie de l’étruscologie : à leur création, en 1927, les Studi Etruschi ont tenté d’agréger au sein de la nouvelle discipline étruscologique des spécialités qui, jusque-là, se développaient en dehors, conformément au principe énoncé dans la préface du premier numéro :
“La rivista raccoglierà i lavori originali nonchè informazioni e notizie di tutto quanto riguarda il progresso delle nostre conoscenze su questo antico (…) popolo italiano”3.
2Les sciences naturelles (la naturalistica) figurent en premier plan parmi ces informations originales dont les apports sont recherchés : dès le premier numéro des Studi Etruschi, les sciences naturelles apparaissent en cinquième rubrique et elles occupent huit articles. Pourquoi cette agrégation des sciences naturelles à une étruscologie qui se cantonnait jusque-là à l’archéologie, à l’histoire, à l’histoire de l’art et à la linguistique ? Nous verrons que cet élargissement ou cette ouverture des domaines de recherches résulte de la difficulté de produire des synthèses, autrement dit d’un éclatement de la discipline, dans un contexte d’enrichissement d’accroissement de matériels archéologiques et linguistiques, et qu’il bénéficie de la mise en place de programmes ou d’instituts scientifiques italiens nationaux qui tentent de coordonner des efforts jusque-là dispersés géographiquement et disciplinairement.
3Dans la seconde moitié du xixe siècle, l’étruscologie en tant que champ de connaissances peut encore être embrassée par un seul homme qui, à lui seul, rédige livres ou notices de dictionnaires sur les Étrusques ou sur la civilisation étrusque, mais l’accroissement des données provoqué par la publication de catalogues d’inscriptions et d’objets provoque un cloisonnement des spécialités, voire un repli des étruscologues sur une ou deux spécialités au début du xxe siècle.
4En France, Jules Martha4 est ainsi l’auteur unique d’un article Etrusci5, qui a pour ambition de présenter une somme des connaissances de son époque sur les Étrusques. De fait, l’article débute par une synthèse historique, se poursuit par une présentation des arts étrusques et s’achève par des considérations sur la vie quotidienne des Étrusques, le tout s’organisant autour de quatorze rubriques rangées selon un ordre chronologique et logique, à savoir : origine des Étrusques, pays occupés par les Étrusques, principaux faits de l’histoire étrusque, institutions politiques des Étrusques, les conditions de vie en Étrurie, l’industrie et l’art, architecture, sculpture, peinture, céramique, métallurgie, glyptique, art monétaire, mœurs et coutumes, luxe public et privé.
5L’ambition totalisante de la notice est originale pour un homme dont la carrière est placée sous le signe d’une tradition académique française, qui accorde la primauté à la philologie et qui est orientée vers les civilisations classiques grecques et romaines6. Jules Martha a en effet suivi une formation qui l’a conduit de l’École normale supérieure de 1872 à 1875, puis, une fois agrégé de lettres, à l’École française de Rome de 1875 à 1876, et à l’École française d’Athènes de 1876 à 1879. Pourtant, Jules Martha, tout en acquittant sa dette envers les institutions qui l’ont nourri7, s’est écarté dans ses travaux du tropisme français pour les belles lettres et pour l’Athènes de Périclès. Tout en confrontant les textes aux monuments antiques et tout en posant en France les fondements d’une archéologie scientifique8, Jules Martha s’est engagé dès 1883 dans l’étude du domaine encore peu étudié en France de la civilisation étrusque9 et il l’a exploré en traitant successivement de l’archéologie, de l’art et de la langue.
6Pour unir aussi étroitement philologie et archéologie, Jules Martha suit l’impulsion d’Auguste Geffroy, directeur de l’École Française de Rome, “ardent rêveur de l’Étrurie”10, et de Michel Bréal, professeur au Collège de France, qui admire Karl Otfried Müller (1832-1915), auteur d’un ouvrage consacré uniquement aux Étrusques sous le titre de Die Etrusker et dont il répète dans Hercule et Cacus, sa thèse de 1863, presque mot pour mot les phrases essentielles des Prolegomena11.
7En 1884, Jules Martha a publié un Manuel d’archéologie étrusque et romaine qui, contrairement à l’ouvrage de Karl Otfried Müller sur les Étrusques (Die Etrusker, Göttingen, 1828) revu et augmenté en 1877 par Wilhelm Deecke (Die Etrusker, Stuttgart, 1877), voulait répondre aux attentes des savants et des étudiants, s’adressait non plus “aux archéologues de profession”, mais au public des gens cultivés et des amateurs “qui voudraient avoir quelque idée de l’archéologie étrusque et romaine”. L’ouvrage soulignait la part de l’héritage étrusque dans l’art romain, en plaçant – idée jugée encore révolutionnaire presque cinquante ans après12 – l’art étrusque à la source de l’art romain, et il apparaissait comme le premier ouvrage de vulgarisation dans le domaine de l’archéologie étrusque, un domaine qui acquiert ainsi en France son autonomie par rapport aux autres secteurs de la recherche archéologique. L’ouvrage est très apprécié en France et à l’étranger. L’archéologue et professeur d’histoire de l’art de Princeton A. L. Frothingham Jr affirme dans un compte rendu : “The scheme is excellent ; the treatment full, clear and systematic ; the illustrations numerous ; the material well grasped ; the literature of the subject mastered13”.
8En 1887, Jules Martha remporte le prix Bordin proposé par l’Académie des Inscriptions et Belles lettres à un concours pour lequel il fallait proposer une étude critique de l’art étrusque. Dans son compte rendu, l’académie “remarque avec plaisir un plan rigoureusement suivi, un style simple et clair, une réserve toute scientifique qui n’empêche pourtant pas l’auteur de présenter et des conclusions et des vues d’ensemble”14. “Ce mémoire fait honneur à nos concours ; on s’est accordé à y louer une profonde connaissance du sujet, connaissance acquise moins encore dans les livres que sur les lieux mêmes, dans les nécropoles et les musées, un plan excellent, très rigoureusement suivi, un style simple et clair qui s’élève parfois, une réserve toute scientifique qui n’empêche pourtant pas l’auteur de conclure et de présenter des idées générales, des vues d’ensemble”15. En 1889, dans la collection Quantin16, éditeur qui avait publié auparavant le Manuel d’archéologie grecque de Maxime Collignon en 1881, L’archéologie égyptienne de Gaston Maspéro en 1887, et le Manuel d’archéologie orientale d’Ernest Babelon en 1888, J. Martha publie donc L’Art étrusque chez Firmin-Didot en 1889 (fig. 1), dont le contenu n’est pas limité à une histoire de l’art étrusque, mais s’appuie sur des considérations sur l’origine et l’histoire des Étrusques pour proposer les caractères distinctifs de l’art étrusque. L’œuvre brille par sa documentation plus que par ses jugements sur l’art étrusque, mais il a le mérite de proposer la première synthèse en français sur le sujet et il est accueilli à sa sortie par des comptes rendus élogieux, dont celui de S. Reinach17. L’Art étrusque fera, de fait, longtemps figure de manuel de référence.
9Porté par ce succès, Martha se lance pendant vingt-cinq ans dans des recherches sur la langue étrusque18 ; il suit l’idée que l’étrusque étant parent d’autres langues antiques, en particulier les langues italiques, la méthode comparative pourrait faciliter l’interprétation et la compréhension de la langue étrusque : “Puisque l’étrusque, dans certaines circonstances grammaticales très caractéristiques, a l’air de se comporter comme un idiome ougrio-finnois, supposons qu’il en soit ainsi et traitons-le comme tel”. Il publie ses conclusions dans un gros ouvrage de 500 pages : La Langue étrusque : affinités ougro-finnoises, précis grammatical, textes traduits et commentés, dictionnaire étymologique, Paris : E. Leroux, 1913, où il propose une grammaire étrusque, un vocabulaire étrusque, et explique quelques centaines d’inscriptions.
10L’ambition totalisante de J. Martha trouve ses limites dans cette approche de la langue étrusque. La méthode comparatiste par laquelle J. Martha défend l’idée d’un rapprochement possible de la langue étrusque avec les langues du groupe finno-ougrien fait l’objet de remarques ironiques par les chansonniers19 et de critiques cinglantes par les savants comme dans la presse20. Pour A. Meillet21, “Ce gros livre n’est qu’une erreur. (…) L’erreur est évidente ; il serait inutilement cruel d’y insister. Les traductions auxquelles M. Martha a été conduit auraient dû suffire à l’avertir qu’il se trompait. (…) On ne déchiffre pas une langue inconnue à l’aide de rapprochements étymologiques. (…) Or, à supposer que l’étrusque soit une langue finno-ougrienne – ce qu’on n’a aucune raison de croire – il est plus différent du finnois et du hongrois que le sanskrit, le vieux slave et le gotique ne le sont du grec. Si M. Martha avait la moindre pratique de la grammaire comparée, il se serait épargné de longues années d’un travail inutile”. De fait, la méthode de J. Martha va à l’encontre de la méthode combinatoire fondée sur l’analyse interne des textes étrusques qui, pourtant, permet de progresser dans ces années dans la connaissance des formulaires et du vocabulaire étrusques22. Elle ne tient compte ni des critiques portées par W. Deecke23 à l’ouvrage de W. Corssen sur la langue étrusque24 ni des échecs d’essais comparatistes récents comme ceux de R. Ellis, comparant l’étrusque au basque25, de S. Bugge, comparant l’étrusque à l’arménien26, de D. Brinton, comparant l’étrusque aux langues chamitiques27, de V. Thomsen, comparant l’étrusque au caucasien28, et de l’orientaliste, le Baron Carra de Vaux qui montre les liens entre l’étrusque et les langues altaïques29.
11Non seulement ces critiques ont empêché J. Martha d’entrer à l’Institut, l’ont détourné de l’étruscologie, puisqu’il s’est consacré jusqu’à la fin de sa vie à la littérature et à la langue latine30, mais elles ont sans doute contribué à l’absence de synthèse sur les Étrusques en France31 et peut-être en Italie, où il faut attendre une quinzaine d’années pour qu’une nouvelle synthèse soit publiée sous la plume de P. Ducati32.
12On notera que P. Ducati s’est bien gardé toutefois de reproduire l’erreur de J. Martha en consacrant un ouvrage entier à la langue étrusque et que, dans son Etruria antica, P. Ducati se contente d’aborder des thématiques très traditionnelles : le nom et le territoire des Étrusques, l’origine, l’écriture et la langue, la religion, la vie publique et privée, l’histoire et l’art (auquel il consacre deux chapitres très fournis). L’échec de Martha sonne d’une certaine manière l’échec des tentatives généralistes, l’éclatement ou la sectorisation en marche de l’étruscologie et le recours grandissant à des spécialistes pour éclairer la discipline.
13Des sciences en vogue au début du xxe siècle auxquelles la formation classique des antiquisants les prépare, peu sont ainsi invitées à participer à l’effort de connaissance des Étrusques. Dans l’éventail de disciplines couvertes par les sciences naturelles33, deux spécialités sortent du jeu : la géologie et l’anthropologie.
14L’étude du sous-sol toscan pour y déceler des traces de richesse et d’exploitation minière s’explique par l’apparition, à la fin du xixe siècle, d’une “archéologie minière” qui profite de la volonté de l’industrie minière d’en développer les retombées économiques.
15Dès le milieu du xixe siècle, savants, géologues, ingénieurs miniers, ont multiplié les études archéologiques et historiques sur certains aspects ou secteurs du sous-sol toscan avec l’objectif de reprendre l’activité minière en Toscane grâce à une meilleure connaissance des mines antiques. Un ingénieur saxon Theodor Haupt34 a rédigé un long rapport en 1843 pour le Grand-Duc Léopold II intitulé “Sulla riattivazione e sui modi di far stabilmente prosperare le miniere toscane”35, où il retraçait le cadre historique de l’exploitation des mines en Toscane depuis l’époque des Étrusques et où il étudiait les techniques utilisées pour l’extraction, le travail et la distribution des métaux. Comme il l’explique dans ses mémoires36, l’objectif de T. Haupt était de tirer de ces observations (forme des puits, disposition et profondeur des puits, existence ou non de galeries d’écoulement, présence de restes à l’intérieur des puits) une théorie scientifique sur les critères de datation et d’exploitation des mines pour décider du bien-fondé ou non d’une reprise des activités minières dans les sites connus depuis l’Antiquité.
16Ainsi, naît une “archéologie minière” toscane37 qui prélude à une intensification des travaux miniers et dont l’un des principaux représentants est Leopoldo Pilla38, qui fait de Massa Marittima le point de départ d’une archéologie minière qu’il présente comme une nouvelle branche de la géologie : “E se i detti scavi [quelli di Massa Marittima] rimontano all’epoca degli Etruschi, secondo che sembra molto probabile, possiamo riguardargli come avanzi delle più antiche miniere che si sono conosciute, e percio’solo meritano di essere diligitentemente studiate, e possono essere il germe di una nuova branca della geologia che potrebbe dimandarsi l’archeologia delle miniere”39. Ce renouveau d’intérêt débouche sur la reprise de l’exploitation de mines comme Massa Marittima.
17Au début du xxe siècle, cette nouvelle discipline “minière” trouve un nouvel élan grâce aux travaux de spécialistes de minéralogie comme Giovanni D’Achiardi, qui s’est spécialisé dans l’étude des minéraux et des roches de Toscane et a repris la chaire détenue par son père, lui aussi géologue, à Pise40, où il déploie une grande activité dans de nombreuses sociétés savantes et institutions publiques41 ; il est Recteur de l’Université de Pise de 1923 à 1925, membre du Consiglio Superiore della Pubblica Istruzione, du R. Comitato Geologico et du Consiglio Nazionale delle Ricerche. Au sein de l’Accademia dei Lincei, dont il est correspondant à partir de 1924, puis membre à partir de 1932, G. D’Achiardi multiplie les contacts avec les “étruscologues de profession” et il élabore l’idée d’une carte archéologique des mines d’Étrurie qui associe étroitement géographes, géologues, étruscologues et représentants de l’industrie minière publique. Giovanni D’Achiardi, qui publiait jusque-là ses articles à visée historique dans des revues spécialisées42, intervient ainsi fréquemment dès les premiers numéros des Studi Etruschi pour décrire les bassins métallifères d’Étrurie43 et il devient membre du Conseil de direction de l’Istituto di Studi Etruschi et président de la 6 ° session – la session consacrée aux sciences naturelles – de 1933.
18Au sein de l’Istituto, G. D’Achiardi est le fer de lance d’un projet de carte archéologique d’Italie sur les exploitations minières antiques dont A. Minto, Surintendant des Antiquités d’Étrurie, exerce la responsabilité scientifique. L’idée de ce projet, lancée en 1927 par l’Istituto di Studi Etruschi, est accueillie favorablement par le CNR qui a nommé une commission spéciale présidée par le S. E. le Prince Piero Ginori Conti, homme politique, directeur des établissements De Larderel et membre de l’Accademia dei Lincei44, pour étudier les modalités de conception de cette carte, et composée du directeur de l’Istituto geografico militare, le général Bianchi d’Espinosa, des professeurs G. A. Blanc, G. D’Achiardi et A. Minto, surintendant des antiquités d’Étrurie et président de l’Istituto di Studi Etruschi45. Bien que toutes les périodes, au départ, aient été concernées par les directives de la Commission, il a vite été reconnu qu’il fallait mettre à part les mines antiques.
19Le travail est organisé en liaison étroite entre Districts miniers, Surintendances et l’Institut géographique militaire, puisqu’il est prévu que les informations et des documents doit être rassemblés avec l’aide des Bureaux des Districts miniers (Uffici Distrettuali delle Miniere) et des Surintendances de l’Antiquité, que les données doivent être consignées sur des tablettes au 25 000e de l’Istituto geografico militare, avec des résumés sur des feuilles au 100 000e et que les cartes particulières doivent être conçues à l’échelle pour toutes les zones de mines d’exploitation intensive.
20La sélection des données et des informations se fait selon un certain nombre de critères scientifiques traduits dans un questionnaire élaboré par le professeur Giuseppe Stefanini, géologue46, et adressé aux Bureaux des Districts miniers, aux Surintendances, aux écoles des Mines et aux Ingénieurs Miniers qui dirigent des travaux particuliers pour l’exploitation des gisements connus dans l’Antiquité et abandonnés par la suite.
21L’avancée des travaux de la commission est consignée par des articles réguliers dans les Studi etruschi, mais l’entreprise peine à déboucher sur une carte générale. Elle connaît cependant une accélération en 1938, quand la Toscane est la première région choisie pendant la tounée livournaise de la R. deputazione di Storia Patria pour les Provinces de la Toscane en juin 1938. A. Minto lance alors un appel aux spécialistes des archives publiques et privées pour rassembler des informations et, surtout, les recherches se concentrent sur le Valfucinaia (Campiglia Marittima) pour qui sera réalisée une carte particulière, préalable à la confection de cartes spéciales pour les zones d’exploitation minière intensives. Le Valfucinaia est choisi en raison de la présence sûre de l’extraction de minerais différents sur une longue durée et de la présence de nombreux restes de fusion regroupés de façon systématique.
22Une synthèse des résultats est présentée par le président de la Commission, S. E. le Prince Sen. Ginori Conti, dans La Ricerca Scientifica, en 1938, par différents chercheurs dans le onzième volume des Studi Etruschi, et à l’occasion de la Mostra Autarchica del Minerale Italiano47, où sont exposés une maquette de la zone des fours, une petite maquette du four le mieux conservé, une série de photos agrandies avec des plans, sections et découvertes de la zone explorée, une série de copies des rapports scientifiques et un groupe de fiches-questionnaires pour le rassemblement des données et des informations nécessaires pour la rédaction de la carte archéologique minière.
23La nécessité de faire cette carte archéologique minière est motivée par des considérations d’actualité : le 11 novembre 1935, l’Italie est condamnée à des sanctions par la Société des Nations pour avoir envahi l’Éthiopie. Or, figurent, dans la liste de ces sanctions, l’interdiction d’importations de produits destinés à l’industrie de l’armement. Le renouveau de l’archéologie minière en Étrurie s’explique donc des nécessités conjoncturelles d’autonomie économique : la reprise des activités minières en Toscane est encouragée, comme elle l’est dans toute l’Italie, et encadrée par la création de l’ACAI (Azienda carbonifera italiana) avec un capital public en 1935 et de l’AMMI (Azienda minerali metalliferi italiani) en 193648. De fait, en Toscane, Minto signale qu’à cette époque, l’activité de mines antiques exploitées par les Étrusques a repris avec ces mots “questi ritorni, nella penuria di materie prime, sono fatali nella storia e quasi sempre determinano un risveglio nella vita economica49”.
24Le projet fait figure de pionnier, mais il est resté inabouti en partie en raison de la difficulté de dater les mines d’époque étrusque et des difficultés d’extraction des minerais. Il a tout de même produit la première synthèse historique, fruit d’une collaboration entre naturalistes et archéologues, sur la la métallurgie dans le district de Populonia et dans le val Fucinaia dans le Campigliese50, et ouvert l’étruscologie vers les sciences naturelles.
25L’autre branche des sciences naturelles à qui s’ouvre l’étruscologie au début du xxe siècle est l’anthropologie. Cette nouvelle discipline apparaît comme un recours à la fois informé, neutre, scientifique, positiviste, pourrait-on dire, à la question récurrente de l’origine des Étrusques, qu’a soulevée de nouveau la découverte de restes de l’âge de Bronze lors de fouilles de Villanova à Marzabotto et surtout de la Certosa de Bologne51. Les anthropologues, qui sont alors lancés dans des entreprises de catalogage méthodique des types humains52, sont bien accueillis par les “préhistoriens” de l’Italie à un moment où ces derniers cherchent à donner une dimension internationale et scientifique à leurs institutions, pour se différencier des antiquaires pour qui le récit primait sur l’objet. Comme l’avait affirmé E. Desor dans son discours d’ouverture du congrès international Paléoethnologique de Neuchâtel53 : “il convient d’appliquer ici d’autres méthodes que dans le domaine de l’histoire et de l’archéologie proprement dites” et l’anthropologie est l’une de ces méthodes. On verra ici qu’à vouloir refuser la part de l’interprétation subjective, les préhistoriens se sont pourtant heurtés au retour du refoulé, autrement dit à la part de subjectivité des anthropologues.
26Les anthropologues interviennent d’abord pour répondre à la question de l’éventuelle “étrusquicité” des quantités énormes de crânes et de squelettes retrouvés à Marzabotto et à Bologne, posée en particulier lors du Congresso preistorico internazionale de Bologne de 1871 (fig. 2), où la plupart des débats portent sur la question de savoir si les ossements humains appartiennent à un peuple indigène ou s’ils témoignent de l’arrivée d’un nouveau peuple. Pendant le congrès, les participants, en majorité des préhistoriens, sont conviés à une excursion organisée le jeudi 5 octobre 1871 à Marzabotto “pour visiter le musée de la nécropole, explorer quelques sépulcres et faire des fouilles dans deux puits funéraires” (XX), puis à “aller visiter la Certosa et faire une tournée dans les endroits où se trouveront des fouilles” (XX)54. Là, de nombreux crânes avaient été soigneusement recueillis par Joseph Aria, qui les avait conservés dans son château ; ainsi que par la municipalité de Bologne, qui les avait fait placer dans le musée de la ville. Tous les participants au congrès sont frappés par “la grande variété des formes et même la différence des types”. “Les populations étrusques, au moins celles de ces régions, [leur paraissent] déjà extrêmement mêlées. Un autre fait assez curieux, c’est que dans ce mélange le type qui a été donné jusqu’à présent comme caractérisant l’étrusque est plutôt l’exception que la règle”55.
27Les préhistoriens exploitent la tribune de Bologne pour afficher leur patriotisme et proclamer leurs revendications régionalistes. Pour beaucoup de Bolognais, la continuité ethnique entre la Bologne étrusque et celle du xixe siècle ne fait aucun doute. A. Zannoni, qui dirige les fouilles de la Certosa, insiste sur le luxe et l’esthétique des armes et des vêtements qu’il rattache à des qualités “nationales” et il vante Bologne comme le foyer de la civilisation de l’art, de la philosophie et de la science en Italie ; on sait par ailleurs qu’il joue un rôle actif dans le fameux carnaval des Étrusques de 1874 bien étudié par G. Sassatelli (fig. 3 et 4)56.
28Pour resouder l’unité nationale à peine acquise, il apparaît nécessaire de trouver un passé commun et des valeurs culturelles communes, et de fondre les histoires locales dans une histoire nationale. Beaucoup s’inquiètent de cette dérive régionaliste et préfèrent confier l’analyse des restes humains à des spécialistes des sciences de l’homme plutôt qu’à des archéologues ou à des (pré)historiens. Or, les anthropologues, réunis depuis en 1871 dans la Società Italiana di antropologia ed Etnologia di Firenze, qu’ils soient de Bologne ou non, ne sont pas exempts eux non plus de parti-pris interprétatifs.
29Dès les fouilles du milieu du xixe siècle, des médecins locaux ont manifesté de l’intérêt pour les ossements humains de la Certosa et de Marzabotto. Luigi Calori57, titulaire de la chaire d’anatomie humaine à l’université de Bologne et fondateur d’un Museo della craniologia très apprécié des participants au Congresso preistorico du 1871, a rédigé dès 1873 Della stirpe che ha popolata l’antica Necropoli alla Certosa di Bologna, Bologne, 1873, p. 463-78, et puis en 1875 - Intorno ai riti funebri degli italiani antichi ed ai… del sepolcreto di Villanova e dell’antica necropoli alla Certosa di Bologna, Mem. dell’Accad. delle scienze dell’Istituto di Bologna, 6, 1875, p. 295-307, où il se fait le tenant d’une définition morphologique des crânes étrusques : il oppose les crânes dolichocéphales (qu’il définit comme étrusques) aux crânes brachycéphales. Ainsi, il compare les crânes dits étrusques aux crânes qu’il attribue aux Romains, aux Celtes, aux Sardes, aux Égyptiens, aux Ligures. De son côté, Giustiniano Nicolucci58, médecin napolitain, qui obtient la première chaire d’anthropologie en Italie en 1869 à Florence et tient le discours inaugural en français au premier congrès d’Archéologie et Anthropologie préhistorique en 1870 à Bologne, lui aussi s’est lancé dans une entreprise de catalogage des êtres humains, où les Étrusques ont leur place. Il a publié une Antropologia dell’Etruria à Naples en 1869, où il énonce des caractéristiques métriques des crânes étrusques. Pour lui, les crânes étrusques sont originaux. D’après son étude réalisée à partir de 44 crânes, ils sont en effet mésaticéphales avec un indice céphalique de 77, 65, ils ont une capacité cubique moyenne de 1488 cc. et la calotte cranienne beaucoup plus étroite dans la partie antérieure que dans la partie postérieure, le front peu haut, fuyant et étroit dans la partie inférieure, les orbites grandes et arrondies et inclinées en bas vers l’extérieur, la racine du nez enfoncée, les os du nez longs, hauts et étroits, l’arcade dentaire parabolique, la mâchoire supérieure légèrement prognathe, la mâchoire inférieure triangulaire ; le visage peu allongé… Ainsi décrits, les crânes étrusques ressembleraient, selon Nicolucci, un peu aux crânes sémitiques, conformément à une origine sémitique supposée des Étrusques.
30Le caractère éminemment subjectif de ces mesures est démontré, quand Giuseppe Sergi59, professeur d’anthropologie à l’université de Bologne de 1880 à 1884, s’empare à son tour du problème et théorise une anthropologie physique où la primauté est accordée de nouveau à l’architecture du crâne et du squelette60. G. Sergi élabore une technique de relevés des courbes du crâne et des os, appelés craniogrammes et ostéogrammes, qu’il élabore avec des appareils comme le pantogoniostate craniostéophore et l’assidiatétère qu’il met au point lui-même. Après s’être intéressé lui aussi à la forme générale et aux anomalies des squelettes de Bologne61, il découvre de nouvelles catégories de crânes et il note, par exemple, parmi les crânes du territoire étrusque62, l’existence de trois types différents : un type dolichomorphe méditerranéen appartenant à la population néolithique et énéolithique d’Italie, un type brachymorphe appartenant aux envahisseurs eurasiatiques, et un autre type dolichomorphe méditerranéen des Étrusques63. Les Étrusques formeraient en effet une colonie d’origine orientale peu nombreuse en territoire étrusque64. À l’aube du xxe siècle, pourtant, G. Sergi laisse de côté le problème de l’origine des Étrusques et leur mode d’arrivée en Italie, pour approfondir la question de la succession des populations dans un sens nationaliste : les Étrusques très civilisés auraient repoussé du sol italique les sauvages ariens et sauvé ainsi l’antique culture méditerranéenne.
31Ces théories d’une lutte entre ariens et italiques, popularisées dans nombre de manuels65, rencontrent un écho très profond dans la construction identitaire de l’Italie de la première moitié du xxe siècle. G. Sergi prône en effet l’idée de l’existence d’une vraie “race méditerranéenne” (stirpe mediterranea), avec une physionomie et une histoire unitaire et particulières (fig. 5). L’Italie aurait été peuplée d’une “race” (stirpe) méditerranéenne d’origine africaine depuis le Paléolithique ; celle-ci aurait subi des invasions de l’âge du Bronze de la part d’une race indo-européenne “sauvage” qui auraient détruit en partie la civilisation indigène ; les affrontements entre populations indigènes et envahisseurs auraient amené à la fondation de Rome, par laquelle il faisait commencer “la vraie période italique et la vraie civilisation italique, conforme à toutes les civilisations méditerranéennes, grandiose et expansive”66. Ainsi, dès son livre Origine e diffusione della razza mediterranea, publié à Rome en 1895, il oppose le méditerranéisme à l’arianisme et il présente la nature de la race méditerranéenne comme déterminante pour le développement historique des cultures méditerranéennes. Les divergences scientifiques et les différends personnels lui font quitter en 1893 la Società italiana di Antropologia ed Etnologia pour fonder en 1893 la Società Romana di Antropologia, publiant ses Atti della Società Romana di Antropologia, qui devient en 1911 la Rivista di Antropologia.
32Dès lors, la “science” anthropologique, tout en s’institutionnalisant et en obtenant une diffusion plus large pour ses idées, progresse peu dans l’analyse des crânes dits étrusques. Le 12 février 1911, Ezio Mannucci dans une communication sur le Stato attuale della questione degli Etruschi sotto l’aspetto craniologico, à la Società italiana di Antropologia, ne peut que proposer une synthèse et déplorer le manque de datation des crânes.
33Le comité Permanent pour l’Étrurie, conscient des problèmes méthodologiques et croyant dans l’espoir de résoudre le problème de l’origine des Étrusques par les crânes, choisit d’accueillir en son sein des représentants d’une solution médiane, au croisement des deux méthodes morphologiques et métriques, comme Aldobrandino Mochi67. Assistant du célèbre Paolo Mantegazza au Musée national d’anthropologie de Florence, A. Mochi s’intéresse à l’anthropologie physique. Entre les partisans de la craniométrie et ceux de la morphologie pure, représentés en Italie surtout par G. Sergi et ses élèves, A. Mochi s’élève contre toute méthode exclusive et, dans un travail devenu classique, démontre que les formes crâniennes déterminées par G. Sergi sont étroitement liées à leurs indices, que la méthode morphologique et la méthode métrique, loin de s’opposer l’une à l’autre, se complètent mutuellement68. À la mort de P. Mantegazza survenue en 1910, A. Mochi est chargé de l’enseignement au Musée de Florence et de la direction de cet important établissement jusqu’en 1924-1925. À partir de 1911, A. Mochi dirige surtout son activité vers les études préhistoriques et il leur imprime un essor nouveau. Il démontre l’existence du paléolithique supérieur, niée obstinément pendant de nombreuses années en Italie. Il fonde en 1913 avec le baron Blanc et Elio Modigliani, un Comitato per le ricerche di Paleontologia Umana in Italia qui, le 27 janvier 1927, se transforme, grâce à l’appui du comte Costantini, en un Istituto Italiano di Paleontologia Umana, dont il devint le directeur technique avec un principe fondamental : “... trasportare lo studio delle origini umane dal campo puro e semplice dell’archeologia preistorica, ad un campo molto più vasto, cioè a quello della ecologia...”. Encouragé par ses amis G.Q. Giglioli et A. M. Colini, A. Mochi s’intéresse aux Étrusques. Dans les Studi Etruschi, A. Mochi pose les problèmes méthodologiques dans son article “Del valore di dati antropologici per la soluzione del problema etrusco” : comme le matériel archéologique est dispersé, une partie du patrimoine est méconnu et il est donc difficile d’identifier des crânes étrusques et les crânes indigènes. A. Mochi pense que les groupes anthropologiques sont complexes et il conclut qu’il faut étudier plutôt l’habitus du crâne plutôt que sa forme et les autres particularités du squelette. “Ma l’ultima parola sul problema etrusco non la pronuncerà certo l’antropologia, anche perchè esso è un problema non attinente alla razza, ma alla civiltà”69. Ces interrogations justifient le lancement d’une grande enquête sur le matériel ostéologique des Étrusques, proposée par le professeur Puccioni lors du Primo Convegno Nazionale Etrusco de 1926 et initiée par le Comitato Permanente per l’Etruria. Nello Puccioni, qui enseigne l’anthropologie à l’Université de Pavie de 1926 à 1929, puis, en 1931, remplace Aldobrandino Mochi à l’Université de Florence et à la direction du Musée Anthropologique, espère résoudre le problème des origines étrusques. Pour améliorer la datation, il propose que l’enquête documentaire soit élargie à tous les crânes étrusques connus : le formulaire suivant70 est transmis aux directeurs des musées, aux Surintendants, aux Inspecteurs en fonction et honoraires et même aux maires. N. Puccioni publie ses premiers résultats en 1927, dans le premier colloque international étrusque en 192871, puis en 1930 dans les Studi Etruschi72, où il fait état d’une liste de 250 crânes étrusques et 15 squelettes recensés dans les collections et musées d’Italie, de Paris et de Londres. Mais il se montre un peu découragé : il estime que peu de restes sont vraiment étrusques (150 seulement) et datés et qu’un seul anthropologue devrait s’occuper de l’ensemble des crânes pour que la méthode de mesure et d’examen des formes soit valide. L’échec de l’enquête est patent dans les années suivantes. Il faut attendre quatre ans pour qu’un nouvel article des Studi Etruschi mentionne l’enquête : un article de P. Graziosi73, qui signale, après la mort d’A. Mochi, la collaboration entre l’Istituto Italiano di Paleontologia Umana et la R. Soprintendenza alle Antichità di Etruria pour des fouilles sur le Quaternaire, mais le problème de l’identification des crânes étrusques et de leur “étrusquicité” est laissé de côté.
34L’ouverture de l’étruscologie aux sciences naturelles a profité d’un isolement grandissant des spécialités – histoire de l’art et linguistique en particulier – et par conséquent d’un éclatement de la discipline en des secteurs différents. À l’aube du xxe siècle, l’étude des Étrusques peut être confiée à des spécialistes de géologie ou d’anthropologie, mais il faut reconnaître que cette ouverture connaît des résultats inégaux. La collaboration avec les géologues ne débouche pas sur une carte des mines étrusques d’Italie, mais elle a bel et bien accompagné les fouilles de sites importants, comme celui de Populonia74. Quant à l’anthropologie, après avoir reçu un large accueil dans le premier numéro des Studi Etruschi, elle est délibérément maintenue à l’écart, pour des raisons de méthode (il est difficile de faire des statistiques à partir de quantités modestes de crânes) et pour des raisons idéologiques sans doute. À partir du milieu des années 30, l’anthropologie physique est un domaine qui devient l’apanage des savants allemands qui s’en servent pour démontrer l’appartenance des Étrusques à une race méditerranéenne jugée inférieure à la race aryenne et ce sont des revues, comme La difesa della razza, aux qualités scientifiques plus que discutables, plutôt que les Studi Etruschi qui leur répondront.
Annexe
Annexes
Annexe 1 : Distique étrusque de Raoul Ponchon (Raoul Ponchon, Le Journal, 4 mars 1912)
Distique étrusque
M. Martha vient de traduire l’Étrusque.
(Journaux) Vous saviez, n’est-ce pas, que, jusque
À ces jours-ci, la langue étrusque
Passait auprès de nos savants
Pour un sport des plus décevants.
Elle n’était, à les en croire
Qu’un indéchiffrable grimoire.
“Nous sommes pourtant, disaient-ils,
Des polyglottes fort subtils
Et des grammairiens notoires.
Nous avons la prétention,
Nous autres, des “Inscriptions”,
De pénétrer toutes les langues,
Les plus vagues, les plus exsangues
Nous connaissons, tout à la fois,
Le chichimèque et l’iroquois,
Et nous sommes, de même, idoines
À penser en assiniboine.
On peut donc nous faire crédit.
“Que si cet étrusque maudit,
En tant que langue, nous échappe,
Nous pouvons, sans risquer beaucoup,
Prétendre qu’il n’est qu’une attrape
Stupide, inventée après coup
Par quelque folle créature
Pour donner de la tablature
À nous, les savants d’aujourd’hui”.
Ainsi parlaient nos polyglottes,
Qui, sur ce patois inouï,
Restaient muets comme des lottes.
D’aucuns même, les plus nombreux,
Affirmaient, en leur hâblerie,
Que les citoyens d’ Étrurie
Ne se comprennent pas entre eux.
Donc, comme j’ai dit plus haut, jusque
À ces jours-ci, la langue étrusque
Passait pour nulle… quand voilà
Qu’à la réunion dernière,
Sous la coupole familière,
Un monsieur Martha dit : “Holà !
Je vais confondre les sceptiques.
Tenez, avec mon air de rien,
Je vous soumets un pur distique
De ce langage étrurien.
Il n’a rien d’apocalyptique.
Il est fort simple. Écoutez bien,
Car voici ce qu’il signifie,
En sa douce philosophie :
“Le vin, pour noyer le chagrin,
Est un remède souverain”.
“C’est tout ?.. - Parbleu ! C’est laconique,
Fit un savant interrupteur.
La peste soit de ce distique,
Comme de son Étrusque auteur !
Certes, le vin est un vrai baume,
Mais il apparaît superflu
De connaître un patois de plus.
Qui formule un tel axiome !
Ah ! s’il eût dit cela de l’eau,
J’aurais trouvé fort rigolo
Votre Étrusque, mon cher confrère,
En même temps que téméraire,
Et très volontiers discuté
Une pareille énormité…
Mais il est tard, faut que je noie
Mon chagrin (à votre santé),
Et je demeure à Courbevoie !”
Et donc, ce jour-là, nos savants
Ne parlèrent pas plus avant.
Ils se quittèrent d’un pied leste,
En se promettant un beau geste,
Le moment étant opportun :
C’était d’offrir à la patrie
Un aéro, comme un chacun,
Qu’ils appelleront Étrurie.
Annexe 2 : Questionnaire sur les mines et les activités métallurgiques (SE, 12, 1938)
Annexe 3 : Questionnaire de l’enquête sur le matériel ostéologique des Etrusques (SE, 1, 1927)
Comitato Permanente per l’Etruria
(Ente per le attività toscane)
La S. V. è vivamente pregata di voler fornire a questo Comitato le seguenti indicazioni, rimandando la presente scheda debitamente riempita.
In cotesto Museo o pubblica e privata collezione si conservano ossa umane con sicura documentazione di età etrusca ?
…………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………..
Si tratta di interi squeletri, di soli crani oppure di singole ossa o quali ?
…………………………………………………………………………………………………...
…………………………………………………………………………………………………...
Qual’è il numero degli squeletri, dei crani e delle ossa ; qual’è il numero dei singoli individui ?
…………………………………………………………………………………………………..
………………………………………………………………………………………………….
Da quali località provengono ?
…………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………..
Provengono essi da tombe delle quali si conserva nella collezione o altrove la suppellettile raccolta insieme con le ossa umane ?
………………………………………………………………………………………………..
………………………………………………………………………………………………..
Qual’è il tipo e quale l’ubicazione di queste tombe ?
………………………………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………
E a conoscenza della S. V. che sia sta pubblicata la illustrazione di tali resti e dove ?
………………………………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………………
Indicare precisamente il nome e l’indirizzo del Museo o collezione pubblica o privata, nel caso, il nome del proprietario.
Firma e indirizzo
Notes de bas de page
1 Voir Momigliano 1950, 285-315 = 1955, 67-106 = 1967, 1-39 ; Cristofani 1978, 577-625 ; Momigliano 1984, 259 ; Sassatelli 1989, 217-254 ; Nizzo 2003, 253-295 ; Camporeale 2007, 25-38 ; Haack 2013, 1136-1145. Sur la période précédente, cf. Cochrane 1961, 175-205.
2 Piazza 2007, 19 ; Pellecchia 2007, 1175-1179 ; Perkins 2009, 95-111 ; Brisighelli et al. 2009, 693-696 ; Ghirotto et al. 2013, 1-11.
3 SE, 1, 1927, 5, préface du comité de rédaction.
4 Sur Martha, nous renvoyons aux communications de S. Rey et de C. Prost dans ce volume.
5 Cf. Martha 1892, 817-849.
6 Cf. Reinach 1932-2, 303 ; Carcopino 1933, 32-39 ; Mirot 1933, 68-70 ; Charle 1985, n ° 82 ; Gran-Aymerich 1985, 76-81 ; Gran-Aymerich 1998, 229-230, 248-249, 323, 354, 382 ; ead. 2001, 442-444 ; Perrin-Saminadayar 2001, 58 ; Prost dans ce volume.
7 À l’École française de Rome, J. Martha a rédigé un rapport sur quelques inscriptions latines récemment découvertes dans les terrains de la Villa Médicis et il a effectué la copie d’inscriptions relevées dans les fouilles récentes sur la via Latina. Il a consacré une de ses thèses à un catalogue descriptif et méthodique des sarcophages romains à représentations marines et, en 1882, il a publié sa thèse de doctorat intitulée Les Sacerdoces athéniens.
8 La leçon inaugurale que J. Martha prononce, lorsqu’il prend la charge de cours d’Antiquités grecques et latines à la Faculté des Lettres de Montpellier, lui offre l’occasion de défendre l’archéologie scientifique. Cf. Martha 1879, 6 : “Mais [l’archéologie] trouve sa raison d’être dans l’usage scientifique qu’elle a fait en vue d’un but élevé, l’histoire de l’humanité” ; 8 : “C’est la science des choses anciennes, non pour elles-mêmes, mais dans leurs rapports avec les croyances, les institutions, les coutumes des peuples de l’antiquité”. Martha 1879, 23, s’en prend aussi aux défenseurs d’une connaissance de l’antiquité fondée avant tout sur la littérature : “(…) il est injuste de proscrire l’archéologie au nom de la littérature (…). L’une et l’autre doivent s’unir et se prêter leurs lumières : on ne sent vraiment toute la beauté d’une pensée que si l’on se reporte au milieu qui l’a fait naître, comme aussi l’on n’a de ce milieu qu’une connaissance imparfaite, si l’on ne goûte pas ce qu’il a pensé”.
9 J. Martha, dans un premier temps, en 1875, semble avoir été écrasé par la tâche qui attendait quiconque, en France, cherchait à reprendre les études étrusques. Cf. Carcopino 1933, 36 : “Il [Jules Martha] se rappelait certaine conversation qu’il avait entendue à la villa Mérode, de la bouche de M. Dumont, et où celui-ci, avec le feu de la conviction et les arguments du savoir, lui avait, deux heures d’affilée, montré l’intérêt passionnant des études étrusques. Après Noël des Vergers, elles n’avaient été que trop délaissées en France. Et pourtant elles pouvaient remplir une vie. En 1875, Martha s’était senti écrasé par le poids d’un tel fardeau, et, dans une lettre envoyée de Rome à son père, il en avait décliné, non par paresse, mais par modestie, le redoutable honneur”. Le passage est cité par Haumesser 2013. J. Martha pourrait avoir surtout été découragé par les difficultés d’étude de la langue étrusque, car M. Bréal, en 1877, n’a toujours pas trouvé de jeune Romain pour se consacrer à la linguistique étrusque. Cf. Bibl. nat. Fr., nouv. acq. fr. 12916, fol. 1134-1135, Michel Bréal à Auguste Geffroy, Paris, 12 juin 1876 : “Je n’ai pas encore trouvé le jeune étruscologue que vous me demandez. Mais dès que la providence m’amènera une tête organisée pour les logogryphes et une bouche capable de prononcer les eplc des tombeaux étrusques, j’entreprendrai son éducation”. Ibid., fol. 1136, le même au même, [Paris ?], 16 juin 1877 : “Je n’ai pas oublié votre commande et je désire vous envoyer un jour un jeune étruscologue. Mais il me faut la matière première” (passage cité par L. Haumesser 2013, note 10). En revanche, après sa seconde thèse de doctorat en 1881, la curiosité de J. Martha pour les Étrusques prend le dessus. Cf. Carcopino 1933, 36 : “Maintenant, il se sentait de taille à le soulever [i. e. le fardeau]. Cédant une fois de plus à l’attrait de l’inconnu, il sollicita du ministre et obtint une mission en Italie”.
10 L’expression est de Jullian 1931, 153. Sur A. Geffroy, cf. Lehoërff & Poncet 2013.
11 Cf. Judet de la Combe 1998, 299. Sur Karl Otfried Müller, cf. Döhl 1990, 351-356 ; Settis 1984, 1069-1096 ; A. Momigliano, 1985, 653-688 [= in Momigliano 1987, 45-58] ; Unte & Rohlfing 1997 ; Isler-Kerenyi 1998, 239-270.
12 Cf. Carcopino 1933, 36.
13 Cf. Frothingham Jr 1890, 135-139.
14 Cf. Académie des inscriptions et Belles lettres, Séance publique annuelle, 18 nov. 1887, p. 9.
15 Cf. Rapport de la commission du prix Bordin 1997, 306-307.
16 Sur le rôle de cet éditeur dans l’édition, cf. Mollier 1988, 155-160 et Gloc-Dechezleprêtre 2002, 75-88. L’ouvrage de J. Martha aurait dû être publié plus tôt, mais les éditions Firmin-Didot auraient “bu des bouillons si sûrs” avec les volumes de Gustave Le Bon sur la Civilisation des Arabes de 1884 et les Civilisations de l’Inde de 1886, qu’elles auraient refusé de continuer la série avant 1889. Cf. Paris, A. N., F 17 2982 A : Note confidentielle s.d. n.s. (c. 1886), reportée par Caire 2007, 101-111, note 63.
17 Cf. Reinach 1890, 342-359 : “(…) un travail excellent, qui témoigne de vastes lectures et d’une discrétion pleine de tact dans le choix des matériaux. (…) En somme, on ne peut que remercier M. Martha du courage et du talent qu’il a montrés dans l’achèvement de ce volume ; il restera jusqu’à nouvel ordre, et pendant longtemps sans doute, le guide de tous ceux qu’occuperont l’art étrusque et les origines italiennes de l’art romain”.
18 La publication du livre suit la rédaction de nombreux articles sur la langue étrusque : cf. Martha 1899, 185-189 ; 1901, 210-216 ; 1903a, 87-94 ; 1903b, 233-237 ; 1904, 263-267. J. Martha avait exposé les traductions et les principes qu’il livrerait par la suite dans son livre sur la langue étrusque lors de deux séances à l’Académie des inscriptions. Cf. Martha 1912a, 27-28 ; 1912b, 30.
19 Cf. Annexe 1.
20 Sur le débat qui suit la sortie de l’ouvrage et sur le contexte intellectuel de l’époque, nous renvoyons à l’article de Hadas-Lebel à paraître.
21 Cf. Meillet 1914-1915, 150-151.
22 Sur les travaux en linguistique étrusque de cette période, cf. E. Benelli dans ce volume. La méthode comparatiste continue de rencontrer un certain succès éditorial. Voir, par exemple, Alinari 2003. Sur l’histoire de l’utilisation de la méthode comparatiste pour la langue étrusque, cf. Auroux 2000, 13-14.
23 Cf. Deecke 1875.
24 Cf. Corssen 1874-1875.
25 Cf. Ellis 1886. R. Ellis avait aussi comparé l’étrusque à l’arménien dans Ellis 1861.
26 Cf. Bugge 1890.
27 Cf. Brinton 1890.
28 Cf. Thomsen 1899.
29 Cf. Carra de Vaux 1911. Voir aussi Taylor 1874.
30 Cf. Martha 1930.
31 On ajoutera que l’échec de Martha, durement sanctionné par S. Reinach, a sans doute découragé des tentatives de linguistes français de reprendre des analyses de la langue étrusque : cf. Reinach 1913, 427-428 : “Quand on arrive aux textes étendus, la surprise devient de l’effarement (cippe de Pérouse, 253 ; momie d’Agram, 270 sq.). Cela m’a rappelé les traductions de versions grecques difficiles, remises par la moitié de la classe à la fin d’une composition ; j’en ai conclu que l’étrusque est vraiment trop obscur pour qu’il y ait lieu d’essayer de le traduire avant la découverte d’un long texte bilingue”.
32 Cf. Ducati 1925 (2e éd. 1927).
33 Cf. Corsi 2007, 97-125.
34 Cf. Trotta 1984, 46-59. Sur une mise en perspective des activités de Haupt, cf. Stöllner 2008, 1-30.
35 Cf. A. S. F., Segretaria di Gabinetto. Appendice, 245. Le rapport a été publié ensuite avec le titre Delle miniere e della loro industria in Toscana, Florence, 1847.
36 Cf. Haupt 1889.
37 Sur les débuts de cette archéologie, cf. Vitali 1992, 675-689 ; Francovich 1993, 559-568 ; Guideri 2009, 102.
38 Sur L. Pilla, cf. Corsi 1995, III-VIII ; 2001, 889-927 ; D’Argenio 2006, 211-223 ; Corsi 2009, 109-111. Sur la volonté du Grand-Duc de Toscane de faire de la Toscane une nouvelle Saxe du Sud, cf. Corsi 2003, 255-279.
39 Cf. Pilla 1845, 51-52.
40 G. D’Achiardi a découvert en 1906 un nouveau minerai appelé Dachiardite du nom de son père. Il a réédité le manuel de minéralogie de son père. Cf. D’Achiardi 1915.
41 Il publie ainsi dans les Atti della Società toscana di scienze natur. (Processi verbali e Memorie), dans le Bollettino della Società geologica italiana, dans les Rendiconti della R. Accademia dei Lincei et dans le Periodico di mineralogia. Membre de la R. Accademia dei Georgofili, membre académique de l’Istituto Italiano di Paleontologia umana, membre de la Società Italiana per il progresso delle Scienze, membre de la Società Geologica Italiana dal 1895, il exerça la présidence de cette dernière société en 1915 et en 1921.
42 Voir, par exemple, D’Achiardi 1921, 265-269.
43 Cf. D’Achiardi 1927, 411-420.
44 Cet industriel italien, né à Florence en 1865 et mort en 1939, a assuré en 1904 la direction des établissements De Larderel spécialisés dans l’extraction du borax des vapeurs d’eau ; en 1912, il a réuni en une seule société la Società boracifera di Larderello et les autres sociétés spécialisées dans l’extraction du borax. Député à partir de 1900, puis sénateur en 1919, il est devenu socio nazionale de l’Accademia dei Lincei en 1926. Sur Larderel, cf. Nicolini 2005, 225-246.
45 A. Minto rend compte des travaux du comité dans des publications des Studi etruschi : cf. Minto 1940, 453 ; 1941, 402 ; 1943 a, 557-558 ; 1948-1949, 303-306.
46 Giuseppe Stefanini, géographe, géologue et paléontologue italien, directeur de l’Institut et du Musée de géologie de l’Université de Pise, a dirigé la revue Palaeontographia Italica de 1930 à 1938.
47 L’exposition, la Mostra autarchica del Minerale italiano, s’est tenue à Rome de novembre 1938 à mai 1939. Sur cette exposition, cf. L’Autarchia del minerale italiano 1938 et l’analyse de Russo 1999, 121-147. Voir aussi les Ricerche archeologico-minerarie in Valfucinaia 1938.
48 Cf. Candeloro 1981, 432-433.
49 Cf. Minto 1938, 359.
50 Cf. Minto 1943b.
51 Cf. Gualandi 2004, 317-332 ; Sassatelli 2011b.
52 Cf. Puccini 1998, 65-80 ; Alliegro 2011.
53 Cf. Desor 1866, 473. Sur E. Desor, cf. Kaeser 2004.
54 Cf. Congrès international d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques (1873).
55 Cf. de Mortillet 1871, 242. Sur l’importance politique et identitaire de ce congrès et, en général, des congrès de préhistoire de cette période, cf. Kaeser 2006, 149-160 ; 2010, 17-31.
56 Cf. Sassatelli 2011a, 437-472.
57 Sur lui, cf. Ruggeri 2007. On replacera l’œuvre de L. Calori dans le cadre général de l’évolution de l’anthropologie physique en Italie, cf. Spencer 1997, 530 sq.
58 Sur lui, cf. Fedele & Baldi 1985 ; Puccini 1985, 131-135 ; Quine 2013, 139.
59 Sur lui, cf. Pizzato 2011-2012 ; Quine 2013.
60 Voir, par exemple, l’essai de Sergi 1893, publié dans le premier numéro des Atti della Società Romana di Antropologia, société créée par G. Sergi en 1893.
61 Cf. Sergi 1883, puis, G. Sergi étudie lui aussi les crânes dans Sergi 1884, où il étudie dix crânes étrusques des nécropoles de Bologne.
62 Cf. Sergi 1900.
63 Il reprend l’identification par G. Nicolucci des critères physiques d’identification des crânes étrusques : absence de rugosité, os fins ; calotte crânienne ovoïde ; front peu haut, fuyant ; arcades soucilières peu relevées ; orbites arrondies ; protubérance occipitale peu développée. Il arrive même à discerner formes étrusques pures de crânes et crânes felsinéens. Mais il dispose seulement de 10 crânes incomplets !
64 Voir, par exemple, Sergi 1926.
65 Voir Sergi 1898.
66 Cf. Sergi 1898, 150-151.
67 Sur A. Mochi, cf. De Risi 1995, 105-109 ; Puccini 1998, 109-119.
68 Cf. Mochi 1908, 87-126.
69 Mochi 1927, 409.
70 Cf. Annexe 3.
71 Cf. Puccioni 1927, 385-389 ; 1929a, 263-264.
72 Cf. Puccioni 1929b, 359-362.
73 Cf. Graziosi 1934, 307-313.
74 A. Minto, qui avait déjà publié en 1922 Populonia, la necropoli arcaica et en 1931 Le ultime scoperte archeologiche a Populonia, Mon. Ant. Lincei, t. 30, coll. 289 sq, publie en 1943 une monographie sur Populonia qui doit beaucoup aux travaux entrepris lors et en marge du projet de carte archéologique.
Auteur
Université de Picardie Jules Verne, Institut Universitaire de France ; marie-laurence.haack@u-picardie.fr
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Tradition et innovation dans l’épopée latine, de l’Antiquité au Moyen Âge
Aline Estèves et Jean Meyers (dir.)
2014
Afti inè i Kriti ! Identités, altérités et figures crétoises
Patrick Louvier, Philippe Monbrun et Antoine Pierrot (dir.)
2015
Pour une histoire de l’archéologie xviiie siècle - 1945
Hommage de ses collègues et amis à Ève Gran-Aymerich
Annick Fenet et Natacha Lubtchansky (dir.)
2015