L’espace symbolique du cirque : le poème 197 (Riese) de l’Anthologie latine et quelques peintures de Chagall
p. 71-77
Texte intégral
1Dans l’Anthologie latine au sens restreint, c’est-à-dire la collection constituée en Afrique vandale peu avant 533, qui regroupe des poèmes d’époque vandale et d’autres poèmes antérieurs, et qui nous a été transmise principalement par le codex Salmasianus, on identifie notamment quatre ensembles : une série de distiques serpentins (38-80), un recueil anonyme d’épigrammes (90-197), les cent énigmes de Symphosius (286), le recueil de Luxorius (287-375). L’auteur anonyme des pièces 90-1971 écrivait vraisemblablement, comme Luxorius, sous les derniers rois vandales, Thrasamond (496-523), Hildéric (523-530) et Gélimer (530-533).
2Le recueil 90-197 s’ouvre sur une préface (90) clairement définie comme telle, et se termine par un poème plus long que la moyenne, portant sur le cirque et son interprétation cosmologique (197). C’est le seul du recueil qui traite ce sujet, alors que Luxorius consacre plusieurs poèmes au cirque. Il n’en acquiert que plus d’importance. Le voici, dans le texte de l’édition de Riese, légèrement modifié par endroits2 :
De circensibus
Circus imago poli, formam cui docta uetustas
condidit ad numeros limitis aetherei.
Nam duodena anni ostendunt ostia menses
quaeque meat cursim aureus astra iubar.
Tempora cornipedes referunt, elementa colores ;
auriga, ut Phoebus, quattuor aptat equos.
Cardinibus propriis includunt saepta quadrigas,
Ianus uexillum quas iubet ire leuans.
Ast ubi panduntur funduntque repagula currus
unus et ante omnes cogitur ire prius,
metarum tendunt circumdare cursibus orbes ;
namque axes gemini ortum obitumque docent.
Atque his Euripus quasi magnum interiacet aequor,
et medius centri summus obliscus adest.
Septem etiam gyris claudunt certamina palmae,
quot caelum stringunt cingula sorte pari.
Lunae biga datur semper Solique quadriga,
Castoribus simpli rite dicanture qui.
Diuinis constant nostra spectacula rebus,
gratia magna quibus creuit honore deum.
“Les jeux du cirque”
“Le cirque est une image du ciel, et l’Antiquité savante
a créé sa forme d’après les nombres de la voûte éthérée.
Car les douze portes montrent les mois de l’année
et les constellations que l’astre d’or parcourt au galop.
Les bêtes aux pieds de corne reproduisent les saisons, les couleurs, les éléments ;
l’aurige, tel Phébus, attelle quatre chevaux.
Des enceintes enferment derrière leurs gonds les quadriges ;
en levant son étendard, Janus leur donne le départ.
Mais quand les barrières s’ouvrent et libèrent les chars
et qu’un seul doit passer devant tous les autres,
ils s’efforcent dans leur course de contourner au plus près les bornes rondes ;
car les deux axes indiquent le levant et le couchant.
L’Euripus se tient entre eux, comme une grande mer,
et un obélisque élevé, au milieu, marque le centre.
De plus, les palmes de la victoire concluent l’épreuve après sept tours,
autant que d’orbites enserrant le ciel d’une manière identique.
Le bige est toujours consacré à la Lune, le quadrige, au soleil,
et les chevaux seuls sont traditionnellement dédiés aux Dioscures.
Nos spectacles se fondent sur les choses divines,
et la grande faveur dont ils jouissent a cru avec l’honneur qu’ils procurent aux dieux”.
3Cette dernière épigramme est, après la pièce 117, la plus longue de la collection anonyme 90-197. Elle offre une interprétation allégorique du cirque et des courses de chevaux3. Le thème de la révolution des astres et du cours du temps, tout comme la forme presque circulaire du cirque, peuvent suggérer, métaphoriquement, l’idée d’un parcours de lecture qui s’est accompli. C’est bien une épigramme de clôture.
4L’interprétation astronomique donnée aux courses et au cirque n’est pas ici formulée pour la première fois ; elle est assez fréquente dans l’Antiquité tardive : on peut citer notamment Tertullien (Spect., 8-9), Corippe (Just., 1.314-344), Cassiodore (Var., 3.51), Isidore (Orig., 18.27-41), ou des auteurs byzantins comme Jean de Lydie (Mens., 1.12 et 4.30) et Jean Malalas (Chron., 7, p. 173-176 Dindorf). Il est difficile d’établir dans quelle mesure ces textes dépendent les uns des autres, car un tel symbolisme semble avoir été assez couramment admis. Il y avait naturellement des variations dans le détail de l’interprétation.
5Dans notre poème, le cirque est à la fois une image du ciel et le monde en miniature. Le poète met en parallèle le nombre des portes des stalles de départ, à savoir douze (chiffre qui vaut pour les grands cirques), et le nombre des mois de l’année ainsi que celui des signes du zodiaque (v. 3-4). Puis il établit un rapport entre d’une part les chevaux, qui ont quatre sabots, les quadriges4, chars attelés de quatre chevaux, les quatre factions, et d’autre part le nombre des saisons. Ensuite il rapproche les couleurs des quatre factions des éléments naturels (v. 5). Traditionnellement, les verts étaient associés au printemps et le vert à la terre, les bleus à l’automne et le bleu à l’eau, les blancs à l’hiver et le blanc à l’air, les rouges à l’été et le rouge au feu. Le cocher dirige quatre chevaux, comme Phébus (v. 6) ; de fait, habituellement, le char du Soleil est un quadrige (e. g. Ov., M., 2.153-155). Janus donne le départ de la course en levant son étendard (v. 7-8). Bien que l’idée ne se trouve nulle part ailleurs, ce dieu des portes et des commencements préside tout naturellement au départ des chars sortant des carceres (ici appelés saepta). L’étendard de Janus correspond à la serviette (mappa) que lance pour donner le départ le magistrat qui a organisé les jeux (l’editor ludi). E. Courtney fait aussi un rapprochement avec quelques représentations figurées qui montrent pour janvier un consul levant sa mappa5. En tout cas, de même que Janus est le dieu qui ouvre l’année et que les chars sont au nombre de douze6, le tour de piste symbolise à la fois le déroulement d’une année, comme le suggérait déjà le vers 3, et aussi, si l’on se rappelle que le vers 6 comparait le cocher à Phébus-Apollon, la révolution annuelle du soleil autour de la terre (la théorie géocentriste prévalait en effet dans l’Antiquité, malgré les hypothèses d’Héraclide du Pont et d’Aristarque de Samos).
6Les vers 11-12 sont difficiles. N. M. Kay traduit metarum tendunt circumdare cursibus orbes par “they strive to complete orbits with circuits of the turning posts”, en rapprochant metae de cursibus et en donnant à cursus le sens de “contournement”7, ce qui paraît difficile. Nous préférons l’interprétation de L. Zurli et N. Scivoletto : “tendono correndo a sfiorare le mete rotonde”8, où metarum est complément de orbes. Au vers 12, c’est le sens de axis qui pose un problème. S’agit-il de “the course taken by the chariots on either side of the spina”, comme le veut Kay, c’est-à-dire des deux longueurs du cirque ? Ou s’agit-il au contraire, comme le proposent Zurli et Scivoletto, soit des metae elles-mêmes soit des deux extrémités semi-circulaires, et de la direction qu’elles indiquent ? La seconde hypothèse est beaucoup plus vraisemblable9 : axis est ainsi employé au sens de “direction, région” par Claudien pour indiquer l’Orient et l’Occident10. Ce substantif ambigu pourrait avoir été choisi pour faire jeu de mots, puisque axis désigne aussi un char.
7L’Euripe est au sens propre le détroit qui sépare l’Eubée de la Béotie, mais le mot s’applique par extension à tout bassin rempli d’eau. Ici ce sont les bassins décoratifs que contenait la spina, et par métonymie la spina elle-même, qui servait de séparation entre les deux parties du cirque (v. 13). Au centre de la spina, et par conséquent du cirque, se trouvait un obélisque (v. 14 ; la chose est bien connue pour le Circus Maximus à Rome, dont l’obélisque se dresse aujourd’hui Piazza del Popolo, mais elle est aussi attestée pour d’autres cirques de l’empire) ; il était consacré au soleil, quoique notre texte ne le précise pas, vraisemblablement parce que ce serait difficilement compatible avec l’ensemble de l’interprétation où le soleil n’est pas central. Si les deux bornes marquent le lever et le coucher du soleil, l’Orient et l’Occident, si l’Euripe au milieu est l’Océan, et si le cocher fait comme Phébus (on sait que le Soleil le matin s’élance avec son char depuis l’Océan qui entoure le monde et qu’il y plonge le soir ses chevaux fatigués), alors chaque tour de piste correspond à une journée, et les sept tours dont se compose chaque course (missus) à une semaine. Le poème n’explicite pas la chose, et voit dans les sept tours un symbole pour les orbites concentriques (ici appelées cingula) des sept planètes (v. 15-16 ; les sept planètes sont celles du système de Ptolémée, à savoir Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne). Il ne faut pas considérer qu’il y a là une contradiction avec l’interprétation du début du texte qui faisait d’un tour de piste le symbole de l’année. En effet les interprétations se surajoutent sans s’exclure, selon une pratique fréquente dans l’interprétation allégorique.
8Enfin les biges sont consacrés à la Lune, parce que le char de la Lune est attelé de deux chevaux (voir ThLL, II, 1982, 39-66), les quadriges au Soleil, on l’a déjà vu au vers 6 (rappelons que la Lune, assimilée à Diane, est la sœur jumelle d’Apollon-Phébus), et les chevaux seuls aux Dioscures, parce que ceux-ci, et particulièrement Castor, étaient les protecteurs des cavaliers et des exercices équestres (e. g. Ov., Am., 3.2.54 ; Tert., Spect., 9.2).
9Le dernier distique résume le propos : le cirque et les courses ont un rapport avec les choses divines, en ce qu’ils symbolisent et reflètent le cosmos et le cours du temps, et qu’ils rendent honneur à plusieurs divinités.
10L’interprétation allégorique proposée dans le poème, on l’a dit, s’inscrit dans une tradition. Si les textes de ce genre sont tardifs, c’est sans doute qu’on n’éprouvait pas auparavant le besoin d’abstraction et qu’on se contentait du plaisir immédiat des jeux. L’Antiquité tardive voit en effet fleurir l’allégorie, aussi bien chez les païens que chez les chrétiens. Mais sans doute a-t-on cherché à justifier les spectacles du cirque quand ils ont été abondamment critiqués par les chrétiens. Cependant, au contraire de ce qui s’est passé pour la mythologie, où l’allégorie a permis de dissoudre le caractère scandaleux des mythes et donc de les rendre acceptables, l’interprétation allégorique des courses de chars les spiritualise certes, mais accentue leur caractère païen. Assez logiquement, les auteurs chrétiens Tertullien (Spect., 8-9), Corippe (Just., 1.314-344), Cassiodore (Var., 3.51) et Isidore (Orig., 18.27-41), qui la rapportent, ne la prennent pas à leur compte et s’en distancient plus ou moins nettement. L’auteur de cette épigramme, lui, manifeste sans ambiguïté ses sentiments païens, ce qui est intéressant car il semble avoir été chrétien ; les poèmes 91-95 ont en effet une tonalité chrétienne marquée, assez rare dans la collection.
11Passer de l’Anthologie latine à Chagall est sans doute faire un grand écart, d’autant que le mot cirque ne désigne pas le même type de spectacle quand on parle de Rome ou du monde moderne. D’autre part, si je peux prétendre être spécialiste de latin et de l’Anthologie latine, je ne connais la peinture qu’en amateur et mon propos ne se voudra donc pas d’érudition (par conséquent, plus de références en note).
12Chagall a entretenu tout au long de sa vie un lien étroit avec le monde du spectacle : depuis la décoration du Théâtre d’art juif de Moscou en 1920 (Moscou, Galerie Tretiakov), jusqu’au projet pour la coupole de la salle de l’Opéra de Paris en 1964, sans parler des décors et des costumes qu’il a dessinés pour certains spectacles (Ballet Aleko, Mexico puis New York, 1942 ; L’oiseau de feu de Stravinsky, New York, 1945), et des figures de musiciens, acrobates et saltimbanques qui abondent dans ses toiles.
13Le premier travail sur le cirque proprement dit est produit par Chagall à la demande du marchand d’art Ambroise Vollard, qui avait mis à sa disposition en 1926-1927 sa loge au Cirque d’hiver. Le projet ne sera pas mené à terme, mais Chagall réalise une suite de gouaches sur le thème du cirque. Il tire de cet ensemble plusieurs tableaux sur le cirque (ainsi L’Écuyère, huile sur toile, 1931, Amsterdam, Stedelijk Museum), et le cirque fait désormais partie de ses thèmes habituels. Au milieu des années 50, assistant au tournage d’un film sur le cirque toujours au Cirque d’hiver, il revient à ce sujet dans une série de gouaches. Elles servirent plus tard à des lithographies dont l’éditeur Tériade fit un livre, où des textes écrits par l’artiste renforcent les lithographies (Marc Chagall, Cirque, Tériade éditeur, Paris, 1967). La production de Chagall sur le cirque dure jusqu’à la fin de sa vie.
14J’ai choisi de me concentrer ici sur un tableau particulièrement significatif, Le Cirque bleu.
15Chagall réalise Le Cirque bleu et La Danse (huile sur toile ; tous deux sont en dépôt au Musée Chagall, Nice) de 1950 à 1952 pour le théâtre londonien du Watergate qui se voulait à l’époque un lieu expérimental pour tous les arts. Le commanditaire, incapable de payer, abandonna le projet et les toiles restèrent en possession de l’artiste, qui les conserva jusqu’à sa mort.
16Le Cirque bleu représente11 une acrobate sur son trapèze, un éventail à la main, sous le faisceau d’un projecteur. L’atmosphère nocturne est soulignée par la présence d’une lune au milieu à droite, à la fois de face et de profil (on interprète parfois l’astre de face comme le soleil), avec un violon. Plusieurs figures hybrides (on sait que l’hybridation est très répandue dans l’œuvre de Chagall) participent à la scène : en haut à gauche, un poisson volant, animal chagallien traditionnel, jette, d’une main sortie de son flanc, un bouquet de fleurs. À droite, un coq musicien, posé sur la jambe droite de l’acrobate, joue de la grosse caisse. En bas du tableau, un grand cheval vert, couleur de l’amour chez Chagall, aux yeux humains, complète la représentation. Comme la plupart des peintures de Chagall, Le Cirque bleu fourmille de petits détails plus ou moins dissimulés qu’on découvre au fur et à mesure : un joueur de trompette, la tête en bas, à moitié caché derrière la lune ; à côté de lui, un joueur de contrebasse ; en dessous, un joueur d’accordéon ; le profil d’un homme, dans le cou du cheval, qui pourrait être un autoportrait de l’artiste ; dans le coin en bas à droite, une seconde acrobate avec un cerceau.
17Construits autour de la diagonale du rayon de lumière, le mouvement de l’acrobate principale et les rapports des masses colorées forment un cercle au centre du tableau : rouge et bleu de l’acrobate, vert du cheval, jaune de la lune. Tout s’organise ainsi autour de la courbe souple que forme le corps de la jeune femme suspendue dans les airs (on retrouve cet arrondi dans Autour d’elle, huile sur toile, 1945, Paris, Centre Pompidou, et dans Le Cheval rouge, huile sur toile, 1938-1944, en dépôt au Musée des Beaux-arts de Nantes). Dans une sorte de pause, elle a les yeux tournés vers le cheval, qui la regarde tendrement. La scène de cirque se transforme en scène de tête-à-tête amoureux : les musiciens jouent en leur honneur, le poisson leur offre des fleurs (ces fleurs – symbole de félicité – si fréquentes chez Chagall). Le bleu intense du tableau est remarquable (on le retrouve par exemple dans Le Paysage bleu, gouache, 1949, Wuppertal, Von der Heydt-Museum).
18Cette interprétation sentimentale du Cirque bleu peut s’appuyer sur d’autres tableaux comme L’Acrobate de 1930 (huile sur toile, Paris, Centre Pompidou), où un jeune amoureux approche la tête pour embrasser une jolie acrobate, ou L’Écuyère de 1931, dont il a déjà été question, où un amoureux en habit de velours noir tient une écuyère dans ses bras. Quant à l’éventail que tient à la main la trapéziste, c’est un attribut de la femme aimée ou de la mariée chez Chagall, et souvent de Bella, la première épouse du peintre : on le trouve dans L’Écuyère encore, dans Songe d’une nuit d’été (huile sur toile, 1939, Musée de Grenoble), dans À ma femme (huile sur toile, 1938-1944, Paris, Centre Pompidou), dans Autour d’elle et dans Le Cheval rouge dont on vient de parler. On sait enfin que dans l’univers de Chagall les amoureux et notamment le peintre lui-même ont souvent une tête d’animal (en général de bouc).
19Les scènes de cirque ont favorisé chez Chagall l’émergence de tableaux libérés de toutes les contraintes de la représentation réaliste : celles de la perspective sont oubliées et celles de la gravitation n’ont plus cours. Les acrobates, les équilibristes et les écuyères semblent évoluer dans un espace en apesanteur. Les éléments empruntés au réel sont déformés sans souci des conventions. La réalité est transfigurée pour créer un monde féerique, onirique, à la frontière du rêve et de l’imaginaire, où tout flotte avec légèreté et tout semble possible. Les animaux sont hors de leur milieu naturel et se mélangent au monde des humains.
20Le cirque réveille chez Chagall les souvenirs de jeunesse autour des saltimbanques et musiciens (surtout le violoniste, qu’on retrouve souvent en arrière-fond de ses toiles), qui accompagnaient les événements rituels et familiaux des juifs de Vitebsk et du shtetl. Le cirque est ainsi associé à l’idée de communauté, de mémoire, de joie, de sacré aussi. Les artistes du cirque ne sont pas des exclus (à ce titre ils font penser à l’Apollinaire des “Saltimbanques” et de “Mai”), ils participent à la vie de la communauté.
21Le cirque est chez Chagall une métaphore de la vie et du monde. L’acrobate ou l’écuyère à la recherche de l’équilibre sont une figure de la destinée humaine. Ils peuvent aussi symboliser l’artiste, pour qui l’harmonie est une conquête de chaque instant. On remarquera que Chagall montre moins les autres artistes du cirque (clowns, contorsionnistes, dompteurs de fauves, magiciens), et que son cirque a toujours à voir avec l’équilibre et l’aérien.
22Quand les images de cirque ne constituent pas le sujet principal du tableau, elles servent à évoquer la joie et le bonheur, présents ou passés : ainsi dans Autour d’elle, consacré au souvenir de Bella, avec l’ange acrobate, et dans Le cheval rouge, où une écuyère exécute une cabriole sur un cheval qui vole au-dessus d’un couple de mariés.
23Par ailleurs la lévitation, l’envol traduisent souvent l’euphorie, notamment dans le domaine amoureux. C’est le cas dans L’Anniversaire (huile sur toile, 1915, New York, Metropolitan Museum), où Chagall s’élève au-dessus du sol dans une position invraisemblable pour embrasser Bella, et dans La Promenade (huile sur toile, 1917-1918, Saint-Pétersbourg, Musée russe), où Bella, soutenue par le bras de Chagall, se balance dans les airs au-dessus de Vitebsk.
24Plus généralement, la gaieté, la légèreté du cirque ont un rapport avec l’amour, on l’a vu. Le cirque de Chagall est tout sauf mélancolique ou tragique (comme l’est celui de Fellini, par exemple).
25Dans la pièce 197 de l’Anthologie latine, le cirque représente et reproduit le cosmos et le cours du temps. Chez Chagall, il figure la vie, une vie qui comporte de la joie et de l’amour.
Bibliographie
Bibliographie
Åkerström-Hougen, G. (1974) : The Calendar and Hunting Mosaics of the Villa of the Falconer in Argos, 2 vol, Stockholm.
Courtney, E. (1988) : “The Roman Months in Art and Literature”, MH, 45, 33-57.
Humphrey, J. H., éd., (1988) : The Circus and a Byzantine Cemetery at Carthage, Ann Arbor.
Kay, N. M. (2006) : Epigrams from the Anthologia latina. Text, translation and commentary, Londres.
Lyle, E. B. (1984) : “The Circus as Cosmos”, Latomus, 43, 827-841.
Riese, A. [1869-1870] (1894-1906) : Anthologia latina siue poesis latinae supplementum, 2 vol, Leipzig.
Stevens, S. T. (1988) : “The Circus Poems in the Latin Anthology”, in : Humphrey 1988, 153-178.
Wuilleumier, P. (1927) : “Cirque et astrologie”, MEFR, 44, 184-209.
Zurli, L. (2007) : Unius poetae sylloge. Anthologia Latina, cc. 90-197 Riese = 78-188 Shackleton Bailey, Hildesheim.
Notes de bas de page
1 Cet ensemble a été édité presque simultanément par Kay 2006 et Zurli 2007 (la traduction italienne est de Scivoletto). Toutes nos références (et notamment la numérotation) sont données selon l’édition de Riese 1869-1870.
2 Vers 2, nous corrigeons avec Barth le et des manuscrits en ad ; vers 3, nous adoptons la correction duodena anni de Shackleton Bailey plutôt que le duodenigenas proposé autrefois par Heinsius ; vers 4, nous gardons le meat de B et W.
3 On consultera sur ce poème Wuilleumier 1927 ; Lyle 1984 ; Stevens 1988 ; Kay 2006, 364-375.
4 Les courses de biges n’étaient sans doute pas moins fréquentes mais les sources, littéraires et épigraphiques, retiennent surtout les courses de quadriges, plus prestigieuses et mieux dotées en argent. Ainsi pour les exploits des grands cochers sont souvent mentionnées seulement leurs victoires en quadrige.
5 Courtney 1988, 57 ; Åkerström-Hougen 1974, t. I, 73.
6 La chose n’est pas dite, mais la logique de l’interprétation l’impose. Dans un grand cirque à douze carceres, chaque faction pouvait avoir trois chars en course, c’étaient les courses ternae ; mais il y avait aussi des courses binae (deux chars par faction) et singulae (un char par faction). L’auteur choisit vraisemblablement le cas le plus spectaculaire, et celui, aussi, qui cadre le mieux avec son propos.
7 Kay 2006, 365 et 372.
8 Zurli 2007, 230.
9 Voir Courtney 1988, 57.
10 Claud., Cons. Stil., 3.138-139 : (Roma) exiguis quae finibus orta tetendit / in geminos axes ; IV Cons. Hon., 132 : geminus ciuem te uindicat axis ; 395 : uobis utrumque regentibus axem ; Ruf., 2.152.
11 La description du tableau est pour partie empruntée au site internet de la Boutique des Musées nationaux et au site Panorama de l’art des Musées nationaux.
Auteur
Université Paris Ouest
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