Les seplasiarii en rapport avec l’armée
p. 189-193
Texte intégral
1En se fondant sur le fait que la Seplasia était une place de Capoue où se vendaient des parfums (Pline, Naturalis Historia, 34, 108), les auteurs considèrent souvent que le seplasiarius était avant tout un marchand de parfums (en dernier lieu, voir M. L. Bonsangue, N. Tran, 2008 ; M.-Th. Raepsaet-Charlier, F. Allé, 2008, p. 290-291). C’était peut-être l’activité principale des civils (qui n’ont pas été recensés), tels qu’un sévir augustal de Lyon (AE, 1982, 702). Ainsi, les seplasiarii en rapport avec l’armée, dont le caractère militaire est débattu, mais paraît de moins en moins incertain, n’avaient peut-être pas uniquement des activités médicales.
Bretagne
2S. 1 – VINDOLANDA/Chesterholm. Tablette mentionnant Vitalis, seplasiarius.
3Deux fragments d’une tablette à écrire en bois.
4Trouvés durant les fouilles de 1990-1994, dans le foyer du praetorium où furent brulés des détritus et des tablettes. Conservés à Londres, au British Museum (inv. 93.1495).
588 x 63.
6Texte de dix lignes sur le premier fragment, une entre les colonnes 1 et 2, six sur le second fragment, ; texte incomplet en haut et en bas, disposé en colonnes. H. d. l. : non précisée. Deux mains différentes. Traces de ratures et corrections.
7Tab. Vindol. III, p. 37-39, no 586 ; photo. Vu sur photo.
8Voir K. Stauner, Das offizielle Schriftwesen des römischen Heeres von Augustus bis Gallienus (27 v. Chr. – 268 n. Chr.). Eine Untersuchung zu Struktur, Funktion und Bedeutung der offiziellen militarischen Verwaltungsdokumentation und zu deren Schreibern, Bonn, 2004, p. 241, no 22.
9Colonne 1 :
--- | |
[---] | |
[[ISILIGINIS MO II]] | |
[[HALICAE M I]] | |
ATTICO CORNICLARIO | |
4 | HALICAE MO I |
SILIGINIS MO I | |
VITALI SEPLASIARIO | |
HALICAE MO V | |
8 | [[SILIGINIS MO I]] |
[D]ECIMO COR | |
SILIGINIS MO I | |
--- |
--- | |
[[siliginis moCdios) II]] | |
[[halicae mCodium) I]] | |
4 | Attico corniclario |
halicae mo(dium) I | |
siliginis mo(dium) I | |
Vitali seplasiario | |
halicae mo(dios) V | |
8 | [[siliginis mo(dium) I]] |
[D]ecimo cor(niclario) | |
siliginis mo(dium) I | |
--- |
10--- Froment, deux modii. Gruau, un modius. À Atticus, corniculaire. Gruau, un modius. Froment, un modius. À Vitalis, seplasiarius. Gruau, cinq modii. Froment, un modius. À Decimus, corniculaire. Froment, un modius---
11Entre les colonnes 1 et 2
12DEB REL MO I EODEM DIE ACCEPI.
13Caractères cursifs. Deuxième main.
14Deb(et ?) rel(iquum ?) mo(dium) I eodem die accepi.
15Il doit le reste ( ?), un modius, je l’ai reçu le même jour.
16Colonne 2 :
--- | |
[---] | |
[[ISILIGINIS MO L]] | |
RECEPTA | |
4 | [[V]]III IDVS IVN A MASCLO DEC SILIGINIS MO [---] |
XIII K IVLIAS A VITALE SILIGINIS M[---] | |
IV [[.]] NONAS SEPTEMBRES ACCEPI A MASCLO | |
SILIGINIS M I[---] | |
--- |
--- | |
[---] | |
[[siliginis mo(dios) L]] | |
Recepta | |
4 | [[V]]III Idus Iun(ias) a Masclo dec(urione) siliginis ino(di-) [---] |
XIII K(alendas) Iulias a Vitale siliginis m[o(di-) ---] | |
IV [[.]] Nonas Septembres accepi a Masclo | |
siliginis m(odi-) I[---] | |
--- |
17--- Froment, cinquante modii. Reçus. Le 11 juin, de Masclus, décurion, froment, [---] modii. Le 19 juin, de Vitalis, froment, [---] modii. Le 2 septembre, j’ai reçu de Masclus, froment, [---] modii---
18Le document doit être un relevé rudimentaire, relatif à la distribution et à la réception de céréales (et peut-être de farine). Outre deux corniculaires et un décurion, le texte mentionne un seplasiarius nommé Vitalis. Il s’agit donc d’un élément important pour la réflexion touchant au statut des seplasiarii en rapport avec l’armée. Il n’est certes pas impossible de trouver des civils mentionnés dans les tablettes produites par l’administration militaire, et l’on pourrait toujours songer à un seplasiarius civil faisant des affaires avec la cohorte. Mais dans le cas présent, la mention du seplasiarius parmi des personnages dont le statut militaire est incontestable et sa prise en compte dans un document relatif à la répartition des céréales laissent très probablement entendre que cet homme était un militaire. Il pouvait s’agir d’un soldat chargé de préparer des huiles, baumes et onguents à usages médicaux (sortes de “médicaments” faisant du seplasiarius une forme de “pharmacien”), mais aussi des parfums employés durant les pratiques religieuses de l’unité. Cette dernière doit être la VIIIIe cohorte des Bataves, compte tenu de la mention du décurion Masc(u) lus, connu par ailleurs (Tab. Vindol. III, 628), et de la datation du texte (voir Bowman et Thomas dans Tab. Vindol.).
19L’omission d’un gentilice n’est pas tout à fait exclue, mais il est plus probable de considérer Vitalis comme un pérégrin, compte tenu de son service dans une cohorte auxiliaire. Il porte un nom latin assez courant qui ne permet pas de déterminer avec précision ses origines (voir notice no 62). Il est évidemment possible, mais non obligatoire, qu’il s’agisse d’un Batave (voir notice no 24). Sur Atticus, voir notice no 30. Nom latin (I. Kajanto, 1965, p. 307), Masc(u) lus ne se retrouve pas dans les inscriptions sur pierre de Bretagne.
20Le texte mentionne des dates s’étalant sur environ trois mois. Les données archéologiques permettent d’associer le texte à la “période 3” d’occupation du camp (entre 97 et 105 environ ; voir notice no 24).
21[P. F.]
22S. 2 - LVGVVALIVM/Carlisle. Lettre à [---] ( ?) Albanus, seplasiarius.
23Fragment rectangulaire d’une tablette à écrire en bois.
24Trouvé, en 1990, dans Abbey Street, dans le fossé comblé d’un fort du i er siècle. Sans doute conservé à Carlisle.
2514,7 x 5,7.
26Texte de deux lignes, incomplet en bas. H. d. l. : l. 1 : 1-2,5 ; l. 2 : 1-3.
27R. S. O. Tomlin, Britannia, 22, 1991, p. 299-300, no 24 (AE, 1991, 1154).
28[--- ?] ALBANO
29SEPLASIARIO
30---
31Caractères cursifs assez bien formés.
32[--- ?] Albano,
33seplasiario
34---
35Inscrite à l’extérieur, “l’adresse” est mutilée par le trou de fixation de la fermeture. L. 2 : le E est formé de deux hastes.
36À [---] ( ?) Albanus, seplasiarius ( ?) ---
37Le lieu de trouvaille de la tablette suggère que le destinataire de la lettre résidait dans le camp. Du fait de la découverte, au même moment et au même endroit, d'une tablette de bois datée du 7 novembre 83 mentionnant deux soldats de la XXe légion (AE, 1992, 1139), Albanus pourrait avoir appartenu à cette légion, dont une partie hiverna à Carlisle après la bataille du Mont Graupius (voir aussi AE, 1988, 843).
38Albanus pourrait être un citoyen romain, dont le gentilice a disparu ou plutôt n’avait pas été indiqué sur ce type de document. Un statut pérégrin n'est toutefois pas complètement exclu. Sur son cognomen ou nom unique, voir no 66. Il est attesté deux autres fois sur des inscriptions lapidaires bretonnes (RIB, 108, 524, dont le défunt appartenait à la XXe légion, mais la tombe est décorée d’instruments de maçon, qui pourraient indiquer sa spécialité et rendent difficile tout rapprochement). En revanche, un Albanus apparaît dans une autre tablette de Carlisle, découverte dans un contexte archéologique tardo-flavien (RIB, 2443.12).
39Le même critère de datation incite à assigner à l'époque flavienne la lettre adressée au seplasiarius Albinus. Le rapprochement des deux hommes est donc possible, mais ne saurait être assuré.
40[B. R.-P. F.]
Germanie supérieure
41S. 3 - MOGONTIACVM/Mayence. Dédicace à une divinité indéterminée par Lucius Vireius Dexter, seplasiarius dans la première légion Adiutrix.
42Autel en grès, brisé en haut, avec base moulurée fortement endommagée.
43Découvert en 1896 “an der Wallstraße hinter der Conservenfabrik” (K. Körber, Römische Inschriften des Mainzer Museums, Mayence, 1897, p. 177, no 21). Mayence, Landesmuseum.
4446 x 28 x 25.
45Texte d’au moins huit lignes, mutilé en haut. H. d. l. : l. 1 : ( ?) ; l. 2-3 : 3-3,5 ; l. 4 : 2,5 ; l. 5-7 : 2. Points de séparation triangulaires.
46CIL, XIII, 6778 (J. C. Wilmanns, 1995, p. 255-257, no 95).
47Mise en page médiocre. L. 1-4 : lettres fortements altérées, dans une moindre mesure à la l. 5.
--- | |
uoto su[s-] | |
cepto | |
L(ucius) Vireius | |
4 | Dexter se- |
plasiar(ius) in | |
leg(ione) I Ad(iutrice) | |
u(otum) s(oluit) l(ibens) l(aetus) m(erito). |
48À [---], son vœu ayant été exaucé, Lucius Vireius Dexter, seplasiarius ( ?) dans la première légion Adiutrix, s’est acquitté volontiers, joyeusement et à juste titre de son vœu.
49Nous ne pouvons identifier la divinité honorée par L. Vireius Dexter selon un rituel romain. Dans sa dédicace, le cultor retrace les deux dernières étapes de sa démarche votive : son vœu (inconnu) ayant été exaucé, il s’en est acquitté avec le plus grand plaisir.
50M. Le Glay (BSNAF, 1980-1981, p. 302) et R. W. Davies (1989, p. 212) considéraient laconiquement que Dexter était responsable de la fourniture de la première légion Adiutrix en médicaments et en parfums pour les thermes et les offrandes sacrificielles. La forme seplasiarius in legione, alors que nous attendrions plutôt seplasiarius legionis, dans le cas d'un statut militaire, doit-elle conduire à imaginer un possible statut civil ? En effet, les constructions in legione se rencontrent surtout avec des formes verbales comme militauit, probatus ou translatus in legione, et non avec des grades ou des fonctions, comme ici. De plus, des seplasiarii civils pouvaient pourvoir aux besoins de l'armée romaine. Le témoignage des inscriptions précédentes (S1, S2) oblige toutefois à préférer un probable statut militaire (J. C. Wilmanns, 1995, p. 256) et à ne pas exclure une simple maladresse de style ou un emploi atypique (voir par exemple CIL, XIV, 2169).
51Porteur des tria nomina, Dexter était citoyen romain. Vireius, son gentilice latin, est mentionné quatre autres fois dans les Germanies (A. Kakoschke, 2006, p. 440) ; il est plus fréquent en Lyonnaise (huit occurrences) et surtout en Narbonnaise (quatorze occurrences). Le préfixe VIR-étant à l’origine d’une grande quantité de nomina, l'origine du nom Vireius est délicate à déterminer. À l’inverse de ce qui est établi pour le préfixe uer, elle n’est pas obligatoirement celtique (D. E. Evans, 1967, p. 279-280 et 286-288 ; X. Delamarre, 2007, p. 201), d’autant que Virius est attesté en Italie (W. Schulze, 1904, p. 287, 380, 425). Mais Vireius pourrait aussi être un nom latin “homonyme”, choisi pour sa ressemblance phonétique avec un nom gaulois (voir p. 85). Dexter, son surnom latin (I. Kajanto, 1965, p. 250), est encore plus rare (quatre autres occurrences, in A. Kakoschke, 2007-2008, p. 296).
52La première légion Adiutrix a stationné à Mayence entre 70 et 85 (E. Ritterling, 1925, col. 1380-1404 ; B. Lörincz, in Y. Le Bohec, 2000, p. 151-158), ce qui permet de dater cette dédicace avec une bonne précision.
53[B. R.-P. F]
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Architecture romaine d’Asie Mineure
Les monuments de Xanthos et leur ornementation
Laurence Cavalier
2005
D’Homère à Plutarque. Itinéraires historiques
Recueil d'articles de Claude Mossé
Claude Mossé Patrice Brun (éd.)
2007
Pagus, castellum et civitas
Études d’épigraphie et d’histoire sur le village et la cité en Afrique romaine
Samir Aounallah
2010
Orner la cité
Enjeux culturels et politiques du paysage urbain dans l’Asie gréco-romaine
Anne-Valérie Pont
2010