IV- Gymnases et édifices balnéaires
p. 133-157
Texte intégral
1À la différence des théâtres, des stades, des amphithéâtres, ces édifices n’ont pas pour vocation de rassembler dans un même endroit, au même moment, la plus grande partie des habitants de la cité. Ils n’en prennent pas moins à l’époque romaine un sens nouveau, car ils en viennent à représenter, pour les petites cités ou les villages souhaitant accéder au rang de cité, le monument qui manifeste le mieux un statut civique et une culture grecque. Encore au ive s., ces édifices sont restaurés et entretenus.
L’illustration de la cité
2Si l’histoire de l’architecture peut s’intéresser avant tout à la formule des “thermes-gymnases” particulièrement amples dans les grandes cités d’Asie1, les sources littéraires et épigraphiques permettent de mettre l’accent sur un phénomène essentiel : ces monuments constituent l’un des marqueurs essentiels du paysage urbains, si bien qu’une cité digne de ce nom ne peut se passer d’avoir un tel édifice, ni les villages qui aspirent à quelque renom. À un premier niveau, comme partout dans l’empire, ce monument constitue un grand agrément. Ménandre recommande de parler dans l’épilogue de l’éloge des cités des “plaisirs tirés du bain2”, λουτρν ἀπολαύσεις. Ces plaisirs liés à la partie balnéaire ajoutée au gymnase sont évoqués dans la décoration de ces monuments, par des statues d’Aphrodite, d’Hygie, d’Asklépios3. Une conscience commune est partagée de ces monuments comme signes de l’appartenance à une civilisation jouissant des plaisirs de la paix. Aelius Aristide dans l’Éloge de Rome fait du gymnase un des monuments typiques des cités prospérant dans la pax Romana4. Ce jugement paraît techniquement fondé : le fonctionnement de la partie balnéaire dans les gymnases requiert un approvisionnement en eau, assuré par des aqueducs. Or, leur exposition aux déprédations de guerre dans leur parcours campagnard gêna leur développement avant l’établissement de la paix à l’époque augustéenne.
3Mais ce monument en Asie mineure occidentale n’est pas seulement le meilleur symbole des plaisirs de la paix romaine. L’ambiguïté même de la désignation de ces édifices est très significative. Gymnasion n’a jamais disparu et a pu s’appliquer, comme l’indique le relevé épigraphique, à des édifices balnéaires. Thermai n’est qu’exceptionnellement employé (c’est pourquoi nous employons ici le mot “bain” et ses dérivés), et balanéion n’a rien de systématique. Aussi voit-on le discours épigraphique connoté d’une dimension culturelle marquée, que l’on peut résumer simplement comme la volonté de “faire grec”. C’est bien le mot gymnasion qu’Aelius Aristide emploie dans son énumération des plaisirs de la paix romaine : un monument grec, qui se développe dans le contexte favorable de l’époque romaine. Au moment même où l’on peut penser qu’Aelius Aristide reconnaît aux Romains une supériorité, ce vocable, délibérément ou non, ressaisit une conscience grecque de la belle ville.
4Dans les discours sur Smyrne d’Aelius Aristide, les gymnases apparaissent parmi les beautés nécessaires de la cité5 : “Tout, jusqu’au rivage, resplendit de gymnases, d’agoras, de théâtres…” ; avant le tremblement de terre, “la beauté des gymnases était indescriptible”, κάλλη γυμνασίων ἀμύθητα6, et la cité s’en enorgueillissait lorsqu’on la comparait à Pergame et Éphèse7. Enfin, la description des ravages dus au tremblement de terre de 177 ne manque pas de mentionner, après la destruction du port, de l’agora, des rues, celle des gymnases8.
5La tradition balnéaire était ancienne en Asie mineure et en Grèce9 et les inscriptions et sources littéraires attestent son existence depuis le ve s. a.C., à Athènes comme à Délos10. Dans cette cité, βαλανεον désigne un bain public dès l’époque de la première domination athénienne. Les valeurs qui s’y rapportaient ont donc eu une évolution différenciée dans la partie de culture grecque du bassin méditerranéen. Aussi l’idéologie attachée à ce monument n’est-elle pas celle d’un populisme visant avant tout à procurer des plaisirs à la foule. Le gymnase eut en effet une importance cruciale à l’époque hellénistique dans la formation du futur citoyen en Asie mineure. Il y a donc une certaine cohérence historique à ce que le renom de la communauté soit renforcé aux yeux des habitants des cités d’Asie mineure par la présence et le bon usage d’un tel édifice, et qu’il soit un point de comparaison entre cités. Philostrate indique qu’une cité sage prend soin de ses gymnases11, comme Smyrne le faisait lorsqu’Héraclide le Lycien y enseignait, dans le premier tiers du iiie siècle12. Ce philosophe construisit ainsi, dans un des gymnases de la cité, le gymnase d’Asklépios, une fontaine à huile avec un plafond doré.
6L’éclat de la cité et les activités culturelles prennent sans doute le pas, à l’époque romaine, sur l’entraînement militaire, même si la formation physique reste un aspect important aux yeux d’un traditionaliste comme Dion de Pruse13. Il ne faut d’ailleurs pas sous-estimer son importance aux yeux des notables des cités, dans un monde où fleurissent les concours athlétiques. Aux yeux des Romains la valeur de ce bâtiment était toute autre : elle ressortissait à l’illustration de l’empire. Pline dans sa lettre à Trajan sur le bain de Pruse écrit14 : “la beauté de la ville et l’éclat de ton règne exigent que cela soit fait”, mettant la maiestas imperii au premier rang des motifs invitant à construire. La remarque condescendante de Trajan, “gymnasiis indulgent Graeculi”15, ne doit donc pas nous dissimuler les enjeux essentiels de la construction et de l’intervention sur des bains et des gymnases à l’époque romaine. Il ne s’agit pas pour les Grecs d’une déperdition de leur identité par l’adoption de modes qui leur seraient étrangères, à cause de la séduction exercée par des plaisirs faciles. La multiplicité des sources littéraires et épigraphiques et la richesse de leur discours montrent que les enjeux sont plus complexes.
7Cet édifice devenu commun dans les cités suscite l’admiration lorsque l’architecte sait faire preuve de son savoir-faire : c’est le cas d’Hippias, architecte d’un bain que Lucien décrit avec minutie. La datation de cet opuscule, éloge d’un architecte contemporain de Lucien, ne peut être précisée dans la deuxième moitié du deuxième siècle. L’auteur a récemment vu des bains qu’il avait construits, et apprécie que l’architecte ait su associer utilité et beauté, dans un édifice public16. Ce bain, selon F. K. Yegül, a sûrement été décrit devant un public romain, et serait inspiré d’un édifice romain17. Or une autre hypothèse est possible : la décoration de ce bain est en marbre phrygien, le nom de l’architecte, de consonance grecque, et l’édifice installé sur un site en pente, ce qui bien sûr ne constitue pas une preuve mais correspond au relief de l’Asie mineure. L’éloge des bains était même devenu un genre littéraire : Fauorinus a écrit un discours ὑπὲρ τν βαλανείων18. La beauté de l’édifice, la joie que procure son admiration, relaient des valeurs exprimées couramment dans le monde grec et pleinement adoptées par les habitants des cités d’Asie. Elles sont différentes de celles qui sont mises en avant par Pline le Jeune : à partir d’un même édifice, plusieurs idéologies peuvent se déployer, peu perméables l’une à l’autre. Nous verrons en particulier combien l’interprétation historique ne peut s’arrêter ici à un sens “ludique”, mais doit prêter attention à la dimension civique.
Interventions attestées sur les gymnases et les bains19
8Le bilan des interventions sur les bains et les gymnases d’Asie à l’époque romaine permet de prendre connaissance d’un nombre élevé d’attestations.
Tableau 1. Interventions sur les gymnases et les bains en Asie.
Cité | Date | Commanditaires20 | Intervention réalisée | Référence |
Éphèse | ier s. a.C. | Lucius Mundicius | Ateliers dans un gymnase, les revenus de leur location devant alimenter sa caisse | IK, 12-Ephesos, 443 |
Iasos | ier s. a.C. | Particulier (magistrat) | Deux colonnes dans un gymnase (?) | IK, 28.2- Iasos, 256 et Rumscheid 1999, 48 |
Assos | Auguste | Q. Lollius Philetaïros | Portique dans le gymnase | IK, 4-Assos, 15 |
Assos | 2 a.C. | Lollia Antiochis | Bain et les bâtiments attenants | IK, 4-Assos, 16 |
Iasos | 4 p.C. | Hermaïskos | Colonne et portes | IK, 28.1-Iasos, 102 |
Éphèse | Auguste ou Tibère | Glaukôn | Construction d’un sphairistèrion | Büyükkolanci & Engelmann 1998, 71 |
Hiérapolis | Tibère | Hikésios et Eusébès | Colonne dans les bains | SEG, 46, 1655 |
Labraunda | c. 50 | Ti. Claudius Ménélaos | Bains | ILabraunda, 20 |
Milet | 50-55 | Cn. Vergilius Capito | Bains | Milet VI.1, p. 211 |
Mysie (lieudit Benjuk) | Entre 69 et 81 | Ti. Claudius Halys, affranchi impérial | Construction des bains associés à un sanctuaire ? (le temple est dédié à Artémis Augusta de Baies) | CIG 3695e |
Aphrodisias | Entre 69 et 96 | Cité et argent du legs d’Attalis fille de Ménékratès | Construction du bain et de l’atrium | Reynolds 1997b ; IAph2007, 5.6 |
Éphèse | 91-92 | ? | Frise avec dédicace datée de la prytanie d’Aristiôn dans le gymnase du port | IK, 12-Ephesos, 427 |
Tralles | Fin du ier s. | Chresimus, affranchi de Nerva | Marbre dans les bains | IK, 36.1-Tralleis, 148 |
Labraunda | ier s. | T. Flauius Néon | Vestiaire dans le gymnase | ILabraunda, 65 |
Éphèse | Début du iie s. | C. Licinius Maximus Iulianus | Don “pour la construction du gymnase neuf ” | IK, 17.1- Ephesos, 3066 |
Éphèse | Début du iie s. | Tullia | Dons d’argent pour les bains des gymnases | Büyükkolanci & Engelmann 1998, 67 (AE, 1998, 1331) |
Stratonicée de Carie | Début du iie s. | T. Flauius Ménandros et sa femme | Construction du bâtiment qui sert d’atrium pour le bain (ou “gymnase d’en haut” (“beaucoup de milliers de drachmes”) | IK, 21- Stratonikeia, 15 et IK, 22.1- Stratonikeia, 664 |
Pergame | Début du iie s. | Claudius Lupianus | Portique dans le gymnase des néoi | IAsklepieion, p. 139 |
Pergame | Entre 98 et 117 | Ti. Claudius Vetus | Aleiptèrion dans le gymnase des néoi | IPergamon, 466 |
Pergame | Entre 98 et 117 | Souscription de plusieurs particuliers | Pour le gymnase des néoi | IPergamon, 553 |
Smyrne | 124 | Claudianus | Dorure du plafond de l’aleiptèrion de la gérousie | IK, 24.1- Smyrna, 697 (l.16-18) |
Smyrne | 124 | Hadrien | Don de “72 colonnes de Synnada, 20 colonnes de Numidie, 6 colonnes de porphyre pour l’aleiptèrion” Argent pour un gymnase | IK, 24.1-Smyrna, 697 (l. 40-42) Philostr., VS, 1.25 [531] |
Smyrne | 124 | Sextus | Pièce orientée au soleil dans le gymnase (ἡλιοκάμεινος) | IK, 24.1- Smyrna, 697 (l. 43-45) |
Éphèse | 130-131 | G. Claudius Verulanus | Revêtement mural de l’un des portiques des xystes du gymnase (inscription venant du portique ouest) | IK, 12-Ephesos, 430 (l. 24-26) |
Aphrodisias | Entre 117 et 138 | Des particuliers sont mentionnés au génitif | Gymnase des néoi | Reynolds 1990 (SEG, 40, 946) ; IAph2007, 1.174 |
Aphrodisias | Entre 128 et 138 | Ensemble de particuliers | Dédicace d’un aleiptérion, d’après une inscription dans les bains dits | Mendel 1906, 171-172 ; IAph2007, 5.9 |
Aphrodisias | Dans les années 130 ? | M. Ulpius Carminius Claudianus | Participation à la construction de l’aleiptèrion dans “le gymnase diogénien” | CIG 2782, l. 24-25 ; IAph2007, 12.1111 |
Éphèse | Entre 117 et 138 | P. Quintilius Valens Varius et sa femme | Bains dans la rue des Courètes | IK, 12-Ephesos, 500 (+ IK, 12- Ephesos, 455 pour les latrines) |
Laodicée du Lycos | c. 135 | ? | Dédicace d’un [gymnase ?] | IK, 49- Laodikeia, 14 |
Éphèse | 140-150 | Dionysios | Dans le gymnase auguste, colonnes en marbre de Dokiméion | IK, 13-Ephesos, 661 (l. 26-28) ; également IK, 15-Ephesos, 1988a (25 colonnes) |
Éphèse | Milieu du iie s. | Cité | T. Flauius Iulianus et Ti. Claudius Paulinus ont été “co-responsables des travaux de ce bâtiment” (le gymnase du port ?) | IK, 13-Ephesos, 674 |
Éphèse | 146-147 | P. Vedius Antonius Phaedrus Sabinianus et sa femme Flauia Papiana | Construction du gymnase de Vedius dans les environs du stade, appelé “gymnase près de Koressos ” | IK, 12-Ephesos, 431 et 438 |
Stratonicée de Carie | Milieu du iie s. ? | Kléoboulos et Stratéia | Revêtement des murs du sol au plafond dans le portique du gymnase Hadrianéen Antonien | IK, 21-Stratonikeia, 281 |
Keramos | Milieu du iie s. ? | Hiéroklès et sa femme | Construction d’un bain | IK, 30-Keramos, 19 (et SEG, 50, 1110) |
Keramos | Entre 138 et 161 | Hiérôn Hermodôros | Construction du bain des hommes et don d’argent pour son achèvement | IK, 30-Keramos, 26 |
Maionia | Entre 138 et 161 | Valerius Apollonides | Restauration de la pièce exposée au soleil | TAM V, 1, 917 |
Milet | Entre 138 et 176 | Ménandros | Salle dans les bains de Faustine | Didyma, 84 |
Métropolis | Commode | ? | Bains | IK, 17.1- Ephesos, 3424 |
Téos | Entre 161 et 180 | Particulier | Portique de la gérousie et toutes les pièces en avant de l’édifice balnéaire, avec la vasque (loutrôn) et le reste de l’ornement, à partir du legs de son père | CIG 3080 |
Éphèse | 166-167 | Flauius Damianos | Promesse d’une salle et son ornement dans le “bain de Varius” | IK, 13-Ephesos, 672 et IK, 17.1- Ephesos, 3080 |
Aphrodisias | iie s. | Péreitas Attalos | Sur la porte nord des thermes dits d’Hadrien, dédicace du περιφλίωμα | Mendel 1906, 168 n. 1 et 1b ; IAph2007, 5.207 et 208 |
Aphrodisias | iie s. | Héritage d’Épig[onos] fils de Dioskouridès | Dédicaces sur les architraves du portique ouest et est des bains dits d’Hadrien | Boulanger 1914, 49 ; IAph2007, 5.5 |
Aphrodisias | iie s. | Nestor et Zénôn | 14 colonnes dans les “bains d’Hadrien” | Mendel 1906, 173 n. b ; IAph2007, 5.205 |
Aphrodisias | iie s. | Artémôn | Six colonnes dans les “bains d’Hadrien” | Mendel 1906, 172 n. a ; IAph2007, 5.2 |
Aphrodisias | iie s. | Ménippos et Papianos | Quatre colonnes avec des bases et des chapiteaux dans les “bains d’Hadrien” | Jacopi 1939-1940, 227 n. 8 ; IAph2007, 5.206 |
Aphrodisias | iie s. | Attalos fils de Péreitas | Colonne (portique ouest, section nord) dans les “bains d’Hadrien” | Haussoullier 1920, 74 ; IAph2007, 5.201 |
Stratonicée | iie s. | Une famille (le nom des parents manque) | Le bain des femmes, dédié à la cité et aux “Azanes” | IK, 22.1-Stratonikeia, 706 |
Stratonicée | iie s. | Épainétos Pamphilos, sa femme Flauia Artémôn, son frère Galestès | Revêtement en marbre polychrome du portique du bain (le portique face au frigidarium) (le bain “Azanien”) | IK, 22.1- Stratonikeia, 685 |
Thyatire | iie s. | Iulia | Construction des xystes | TAM V, 2, 976 (l. 13-14) |
Sébastopolis de Carie | iie s. | P. Statius Hermas | Pavement de l’exèdre du tétrastyle du gymnase | Robert L. & J. 1954, 317 n. 168 |
Stratonicée | Fin du iie s. | Ti. Claudius Aristéas Ménandros et sa femme | 1 000 deniers pour l’entretien et la réparation du bain que son grandpère, Flauius Ainéas, a offert à la cité | IK, 22.1-Stratonikeia, 701 |
Sardes | 211 | Cité Antonia Sabina et Flauia Pôllitè | Construction de l’aleiptèrion | Herrmann 1993a |
Katoikia des Apateirènoi | 211-212 | Magistrats | Contributions pour la “rénovation du grand bain” | IK, 17.1-Ephesos, 3249 |
Titeiphyta d’Hypaipa | 213 | M. Aurelius Ménandros | Pour la kômarchie, don pour la rénovation d’un bain ancien | IK, 17.2- IK, 17.2- Ephesos, 3855 |
Hiérapolis | Sévères | ? | Dédicace monumentale dans les bains au sud-ouest de la cité | Ritti 1983, 179 |
Smyrne | Sévères | Héraclide le Lycien | Fontaine à huile dans le gymnase d’Asklépios | Philostr., VS, 2.26 [613] |
Pergame | Sévères | G. Claudius Attalos Paterclianus | Complète le don de Pulchrianus pour la rénovation de l’a[leiptè]-ri (?)]on | Hepding 1910, 480 n ° 69 ; IGR 4.414 |
Katoikia des Hyssénoi, sur le territoire de Iulia Gordos | 230-231 | Aurelia Aelia Phoebè | Construction du portique autour du bain, avec tout son ornement | TAM V, 1, 758 |
Iasos | Haut-Empire | Theudas | Barrières au gymnase avec l’ornement qui s’y rapporte | IK, 28.1-Iasos, 122 |
Pergame | Haut-Empire | ? | τὰ προβαλάνεια | IPergamon, 287 |
Pergame | Haut-Empire | Particulier | Portique dans les bains à l’est du gymnase des néoi | Hepding 1910, 472 n° 58 |
Pergame | Haut-Empire | ? | Λουτρçoν | IPergamon, 335 ; SGO I, 06/02/95 |
Katoikia des Kapolméens(Lydie) | Haut-Empire | Katoikia, à partir du legs de T. Aurelius | Réparation du bain | Petzl 1996, 3 n. 2 |
Meiros (Phrygie) | Haut-Empire | Particuliers | Souscription pour la construction d’un déshabilloir d’un bain | Haspels 1971, n ° 88 |
Dorylée | Haut-Empire | P. Aelius Sabinianus Démosthénès | Il est le “fondateur des thermes”, τν θερμν | MAMA V, 6 |
Éphèse | Haut-Empire | [-] | “il a donné à la cité des colonnes pour le vieux gymnase” | IK, 15-Ephesos, 1618 |
Milet | Dernier tiers du iiie s. | Makarios et sa femme Eucharia | Rénovation des bains de Faustine à Milet | SGO I, 01/20/16 (I, II |
Éphèse | Entre 286 et 305 | L. Artorius Pius Maximus, proconsul | Rénovation du gymnase auguste | IK, 13-Ephesos, 621 |
Aphrodisias | Début du ive s. | Helladius, praeses Cariae | Restauration des bains dits d’Hadrien ? (une statue du gouverneur se trouve dans ce lieu) | Roueché [1989] 2004, 17 ; IAph2007, 4.120 |
Éphèse | Entre 337 et 350 | L. Caelius Montius, proconsul | Reconstruction de l’atrium du gymnase de Constance (le gymnase du port) | IK, 14-Ephesos, 1314 |
Milet | 364 | Antonius Tatianos, praeses Cariae | Rénovation du système de chauffage (?) des bains de Faustine | SGO I, 01/20/16 (III) |
Sardes | ive ou ve s. | Seuerus Simplicius, vicaire du diocèse d’Asie | Rénovation de l’aleiptèrion | Yegül 1986, 171 n ° 6 |
Éphèse | Fin du ive s. | Scholastikia | Rénovation des bains de Varius dans la rue des Courètes | IK, 12-Ephesos, 453 |
Éphèse | ive s. ? | Proconsul ? | Restauration d’un bain, installation de colonnes et de mosaïques | SGO I, 03/02/25 |
La transition entre l’époque hellénistique et le Haut-Empire
9Diodore de Sicile, à l’époque d’Auguste, cite le gymnase parmi les monuments qui “contribuent à rendre heureuse la vie des hommes”, à l’égal des temples, et il évoque leur construction tout de suite après la fondation des cités21. Un autre représentant de la charnière entre l’époque hellénistique et le principat, Strabon, décrit le gymnase comme l’“ornement”, avec l’agora et les portiques, de la cité de Sinope dans le Pont22. Sa description concise du tremblement de terre de Tralles sous Auguste23 frappe par la mention immédiate de la destruction du gymnase de la cité. Nysa, la cité de formation de Strabon, est décrite succinctement, sans oublier la mention de ses deux gymnases, séparés par le ravin qui traverse le site24. En dehors d’Athènes, les cités d’Asie mineure occidentale sont celles pour lesquelles Strabon cite le plus volontiers l’existence du gymnase. Ces auteurs composent donc une image concordante du gymnase, naturellement le centre de la vie des cités à la fin de l’époque hellénistique. Ce n’est cependant que vers la fin de l’époque flavienne que de grands bienfaiteurs de nouveau s’illustrèrent au gymnase. Ce recentrage se traduisit également par la popularité croissante des bains chauds, parfois analysée dans la perspective d’un déclin de l’idéal athlétique25. En attendant, la période de transition entre l’époque hellénistique et la fin de l’époque julio-claudienne se distingue par un faible nombre d’entreprises sur des édifices balnéaires ou gymniques. Ce rythme diffère de celui rencontré pour l’agora ou pour les temples, qui marquait une plus grande continuité avec l’époque hellénistique.
10À Éphèse, au ier s. a.C., Lucius Mundicius fit construire des ateliers, qui, comme l’inscription est datée d’après les gymnasiarques, doivent se trouver dans un gymnase. Les revenus de la location devaient alimenter la caisse du gymnase26. Cette pierre a été remployée dans le mur ouest de la basilique sur la place haute de la ville, d’où la datation. Il ne s’agit cependant pas à proprement parler d’un embellissement apporté au gymnase. Le prytane Glaukôn, à l’époque d’Auguste ou de Tibère, fit construire un sphairistèrion27. À Délos, d’après M.-Chr. Hellmann, une telle salle est destinée au jeu de boxe28, mais elle résume le débat bibliographique qui partage les interprétations entre salle pour la boxe et salle pour le jeu de balle29. H. Halfmann indique qu’à l’époque julio-claudienne trois gymnases existaient à Éphèse30, sans que l’on puisse reporter les opérations décrites à l’un d’entre eux précisément : l’ἀρχαον γυμνάσιον31 vraisemblablement près de l’Artémision32, un gymnase sur l’agora civique, vraisemblablement τὸ ἄνω γυμνάσιον33, et un gymnase attesté à l’époque tibérienne, le gymnase pour la gérousie, sans doute près du théâtre34.
11À l’époque augustéenne et julio-claudienne, dans les autres cités d’Asie, les interventions connues sur des bains restent rares. À Assos, le prêtre Q. Lollius Philétairos construisit à l’époque augustéenne un portique dans le gymnase. Lollia Antiochis consacra le bain à Aphrodite Iulia : τὸ βαλανον καὶ τὰ ἑπόμενα τι βαλανήωι, “le bain et les bâtiments attenant au bain”, en 2 a.C. Cette inscription était insérée dans un mur ; une autre inscription se trouvait sur l’épistyle des bains35. À Iasos, un gymnasiarque et un autre personnage qui l’était peut-être aussi (l. 2 ?) ont fait chacun un don de colonne36, dans un portique. Leur fonction et l’association de ces inscriptions avec des inscriptions du ier s. a.C. mentionnant des éphèbes et un éphébarque37 sur la même colonne conduit à suggérer leur lien avec un gymnase. Une autre colonne a été offerte en 4 p. C.38 par un paidonome, Hermaïskos, en même temps qu’une porte et l’ensemble du passage (l. 9-11). Enfin une inscription (non datée) indique que Theudas, gymnasiarque des néoi, “a fait construire à ses frais les barrières du gymnase et y a ajouté l’ornement qui s’y rapporte”, τούς τε λιθίνους κανκέλλους το γυμνασίου ἐκ τν ἰδίων κατασκευάσαντα καὶ ἐπισκευάσαντα τὸν περὶ αὐτοὺς κόσμον39. Cet ensemble d’inscriptions pourrait concerner le même édifice, à une époque qui se distingue à la fois par des dons dans l’ensemble modestes et associés à l’exercice de magistratures et liturgies, gymnasiarchie ou paidonomie, liées au gymnase. Il pourrait donc s’agir d’un gymnase de la fin de l’époque hellénistique ou du début de l’époque romaine.
12À Milet, vers 50-55, Cn. Vergilius Capito40 “a offert le bain”41, τὸ βαλανεον ἀνέθηκεν. L’architrave de la palestre comporte une dédicace fragmentaire, [–] Οὐεργιλ[–]42 ; il est possible que le Vergilius mentionné ici ne soit pas Capito mais l’archiprytane homonyme de l’époque d’Hadrien, pour des raisons de graphie43. Les bains de Capito sont associés topographiquement, sinon architecturalement (ils ne communiquent pas directement, pour aller de l’un à l’autre il faut faire le tour par un portique), à la palestre du gymnase hellénistique44. À Labraunda, une inscription qui selon J. Crampa doit être placée dans le contexte de renouveau après la fin des guerres civiles en Asie mineure porte la mention d’un “bain”, construit par Ti. Claudius Ménélaos. Cette évergésie est rappelée dans une inscription en son honneur45. Dans le même établissement, T. Flauius Néon a offert le vestiaire46 (l. 2), ἀποδυτήριον.
13Dans l’ensemble les attestations pour cette période ne sont pas celles d’interventions de grande ampleur47 ; l’archéologie confirme la modestie de ces dispositifs balnéaires en comparaison de leurs successeurs à partir de l’époque flavienne. La fin du ier siècle marque une nette évolution et les grands bienfaiteurs se plaisent désormais à marquer de leur empreinte les bains de la cité. Dans les grandes cités – Éphèse, Pergame, Smyrne – on constate que des entreprises particulièrement ambitieuses furent mises en œuvre au moment de l’obtention d’une néocorie. Les fêtes liées à la célébration du culte impérial provincial entraînaient un afflux de visiteurs, qui fréquentaient aussi les gymnases de la cité.
À partir de la fin du ier s
Éphèse
14À Éphèse (voir fig. 1), plusieurs bains-gymnases ont livré des sources épigraphiques abondantes. À partir de l’obtention de la première néocorie sous Domitien, de grands évergètes bâtisseurs entreprirent d’augmenter leur nombre, alors que six gymnases étaient déjà attestés à Pergame à la mort d’Auguste. Ainsi, Tullia, qui a été prytane d’Éphèse dans les années 10048, est-elle louée dans un poème pour avoir fait “des splendides dons d’argent [-] pour les bains des gymnases”, ἀργυρίων τε δόσεις λαμπραὶ καὶ πανθ’[-] γυμνασίων λουτρος (vers 3-4). L’emploi d’une forme versifiée à cette époque est encore rare pour commémorer des actions de construction ou de restauration pour des bains que l’on ne peut ici identifier49. La formule ἀργυρίων δόσεις renvoie, nous semble-t-il, à un don d’argent – dans le cadre d’une souscription – plutôt qu’à des distributions. On retrouve ce même type de participation dans deux inscriptions en rapport avec un gymnase situé dans le sanctuaire d’Artémis et qui a connu une évolution onomastique intéressante : selon P. Scherrer, “l’ancien gymnase” et le “nouveau gymnase” ne font qu’un, le second étant localisé de manière certaine dans le sanctuaire d’Artémis50. Au début du iie siècle un évergète dont le nom est perdu “a donné des colonnes à la cité pour l’ancien gymnase”, δόντα καὶ κείονας τ πόλει εἰς τὸ ἀρχαον γυμνάσ[ι]ον51. Des travaux de construction au “nouveau gymnase” paraissent avoir été d’une certaine ampleur, d’après la formulation de l’inscription en l’honneur de C. Licinius Maximus Iulianus52, qui a été prytane en 105, et a “donné aussi pour la construction du gymnase neuf” (l’inscription date du début du iie s.), δόντα δὲ κ[αὶ] εἰς τὴν κατασκευὴν το καινο γυμνα[σί]ου (l. 15-17) : cette formule suggère l’ouverture d’une souscription publique53.
15Le cas du gymnase du port, ou “gymnase auguste”, n’est pas réellement mieux connu. Ti. Claudius Aristiôn, le grand notable d’Éphèse dans ces années de l’obtention de la première néocorie, est à l’origine de ce projet ; il fut également le premier grand-prêtre du temple54. Une corniche de la “Marmorsaal” de l’établissement porte une inscription monumentale datée de la prytanie d’Aristiôn55, en 91-92, dont la formulation indique que, dans la lacune, il devait être cité également en tant que commanditaire. Les autres donateurs assurés56 dans la décennie suivante ont concouru à l’ornement du gymnase par des statues. Sex. Atilius Amarantus dédicace un groupe de statues avec Thésée, en 103-104. La dédicace est bilingue57. Plusieurs groupes statuaires ornaient ce gymnase58 : ils représentaient, aux côtés de Thésée, Athamas59 et Icare60 pour les trois exemples connus. Athamas est dû à Ti. Claudius Hermès et son fils ; Icare a été commandité par A. Larcius Crispinus, un publicain en poste à Éphèse, promagister duum publicorum quadragesimae portuum Asiae quater et vicesimae libertatis ter, “promagister des deux impôts publics, du 40e des ports d’Asie à quatre reprises et du 20e des affranchissements trois fois”. Ti. Claudius Nysios a offert un groupe de statues dont le sujet est inconnu, sous Domitien61 : [τ]ὸ σύνπ[λ]εγμ[α] τν [ἀν]δριάντω[ν] σὺν παντὶ τ περ[ὶ αὐτὸ κόσ]μωι. En 104-105, l’affranchi impérial T. Flauius Épagathos offrit également un groupe dont le sujet est inconnu62. M. Ulpius Aristiôn restaura une statue dans le gymnase du port, à une époque indéterminée63.
16D’autres travaux furent entrepris par la suite. G. Claudius Verulanus et sa femme firent faire le placage des murs de l’un des portiques des xystes du gymnase, en 130-131 : τὴν σκούτλωσιν τς στος (l. 24-26)64. Cette inscription provient du portique ouest du quadriportique de Verulanus, au sud du propylée menant à la palestre des bains du port. Vers 140-150, une base provenant de l’agora porte une inscription65 honorant le prytane Dionysios qui a promis “dans le gymnase auguste le reste des colonnes en marbre de Dokiméion, de 25 pieds et demi”, ἐν τ Σεβαστ γυμνασίῳ τοὺς λείποντας κείονας Δοκιμηνοὺς εἰκοσάποδας πέντε ἥμισυ (l. 26-28). Un fragment d’architrave trouvé dans la palestre du gymnase du port porte par ailleurs la mention “vingt-cinq colonnes”, [–] τοὺς εἰκοσιπέντε κείον[ας–]66. La palestre comportait quatre séries de vingt-cinq colonnes. Le reste du résumé du décret en l’honneur de Dionysios décrit des actions évergétiques liées aux activités des gymnases : il a fourni l’huile pendant quatre mois dans le gymnase du haut, ἐν τ ἄνω γυμνασίῳ (l. 16-17), puis pendant l’année de sa prytanie il a fourni l’huile, les jours habituels, dans tous les gymnases ; enfin, il a fait de même “alors que se tenaient les assises”, ἀγοραίας ἀγομένης (l. 21), “dans tous les gymnases et les bains qui se trouvent à Éphèse”, ἔν τε τος γυμνασίοις καὶ ἐν τος βαλανείοις τος ο σιν ἐν Ἐφέσῳ π σιν (l. 23-25). Le “gymnase du haut” pourrait être celui de la place civile de la cité sur laquelle se trouve la basilique avec le bouleutèrion et le prytanée ; il est appelé ainsi par les archéologues et son identification avec les bains dits “de Varius” est définitivement écartée67. Topographiquement la dénomination “d’en haut” est absolument conforme au relief urbain. Les inscriptions de construction du gymnase du port proviennent donc des portiques de Verulanus et du gymnase lui-même, mais pas de la partie balnéaire proprement dite qui se trouvait au nord-ouest, en direction du port. En revanche, dans l’atrium qui servait d’entrée depuis l’avenue qui reliait le port au théâtre, se trouvaient des bases de statues honorifiques ; parmi elles celle de T. Flauius Iulianus, désigné comme “responsable des travaux de ce bâtiment”, ἐργεπιστάτης το ἔργου68. Une autre base élevée par Ti. Claudius Paulinus en son honneur précise qu’ils furent “coresponsables des travaux”, συνεργεπιστάτην (l. 11), sous le règne d’Antonin le Pieux. Cette fonction indique que des travaux dans le gymnase ont été financés par la cité à cette époque69.
17Sous Hadrien, P. Quintilius Valens Varius entreprit la construction d’un édifice également désigné par les archéologues sous la dénomination de “thermes de Scholastikia”, du nom de la dame évergète qui les a restaurés au ive s. L’architrave porte une dédicace qui indique que ce monument était un βαλαν[εον –]70. R. Merkelbach a proposé de restituer la dédicace des latrines de la façon suivante : [Ἀρτέμιδι Ἐφεσίαι καὶ Αὐτοκράτορι Τραιανι Ἁδριανι Καίσ]αρι Σ[εβαστι καὶ τι νεωκόρωι Ἐφεσίων δήμωι Πόπλιος Κυιντίλλιος Ποπλίου υἱὸς Γαλερία Οὐάλης Οὐάριος σὺν - γυναικὶ καὶ Οὐαρίλληι θυγ]ατρὶ φιλοσέ[βαστος ἀποκαταστήσας ἐκ θε]μελίων τὸν θκον σὺ[ν τος κ]ατ’ αὐτο ἐπικειμένοις παιδισκήοις71 καὶ κοσμήσας πα[ντὶ κόσμωι - ἐκ τν ἰδίων ἀνέθηκεν]72. Une autre célébrité de la cité, le rhéteur T. Flauius Damianos, dont le beau-père P. Vedius Antoninus Sabinianus avait construit un autre bain (les bains de Vedius dans le quartier du Koressos), est lui aussi intervenu sur les bains de Varius : il a promis, l’année de son secrétariat en 166-167, une salle “dans le gymnase de Varius avec la construction et tout l’ornement”, ἐν τ Οὐαρίῳ βαλανείῳ μ[ε]τὰ οἰκοδομς καὶ παντὸς κόσμου73 (l. 12-16)74. Non loin du stade, dans un autre quartier d’Éphèse, un édifice balnéaire fut en effet construit dans les années 140. Sur l’architrave du portique de la cour du gymnase, une inscription indique que P. Vedius Antoninus et Flauia Papiana ont fait construire l’ensemble du bâtiment75 (il s’agit du couple qui a fait restaurer le bouleutèrion vers 14576). Une autre inscription, qui se trouvait sur une plaque insérée dans le mur de la plus grande salle du bâtiment, spécifie que P. Vedius Antoninus avec sa femme a offert “le gymnase à partir des fondations avec tout son ornement” (l. 7-9)77, [τὸ γυ]μν[άσιον ἐ]κ θεμελίο[υ σ]ὺν [παντὶ τι] κόσμωι κατ[ασκ]ευάσα[ς] ἀνέθηκεν, sous le proconsul de 146-147, L. Antonius Albus78. Une statue de T. Flauius Papianus, au début du iiie s., qui n’a pas été retrouvée in situ mais sur la place devant le théâtre fut élevée dans le bâtiment construit par le grand-père de l’honorandus, P. Vedius Antoninus Sabinianus. Il peut s’agir du gymnase de Vedius plutôt que du bouleutèrion, le gymnase ayant été construit ex nihilo et comportant dans son programme décoratif des statues familiales79. Ce gymnase semble avoir été désigné comme le “gymnase près de Koressos”80. Aelius Aristide raconte qu’étant arrivé à Éphèse, “le dieu m’ordonna par là-dessus un bain froid : je le pris au gymnase près de Koressos. Ceux qui me virent n’admirèrent pas moins le bain que mes discours”81 : cette réflexion d’Aelius Aristide, toujours content de son talent oratoire, montre la grande beauté du bain offert par Vedius. Avant les grandes entreprises liées à l’obtention de la première néocorie, la capitale d’Asie n’était pas richement dotée en bains publics en comparaison de Pergame. La fin du ier siècle marque un tournant, la fin d’une époque de redressement et de transition, avant l’essor des constructions au iie siècle. Ce sont avant tout de riches particuliers qui se préoccupent de faire construire ces édifices et de les embellir, mais la mention d’ergépistatai au gymnase auguste, le gymnase du port, prouve aussi l’utilisation de fonds civiques. Bien qu’on ne puisse l’exclure, aucun document ne permet d’établir l’existence d’une évergésie impériale en faveur de ce bâtiment ; un nom impérial était fréquent pour des édifices balnéaires et ne donne pas la preuve d’une libéralité princière.
Pergame
18À Pergame, un élément d’un bain, τὰ προβαλ[άνεια], fut construit à l’époque impériale, sans que l’on puisse donner plus de précision82. Le reste des sources donne uniquement des renseignements sur le gymnase des néoi et les bains qui lui furent associés, sur les pentes de l’Acropole. Une inscription honorifique pour Ti. Claudius Paulinus mentionne que son père, le chevalier Claudius Lupianus, construisit le portique dans le gymnase des néoi, au début du iie s. : [κτίστου] στος τς ἐν τ τν νέων γυ[μνασίῳ]83 (l. 4-5). À l’époque de Trajan, une souscription est ouverte pour le gymnase des néoi, dont on ne possède que des fragments84. L. Migeotte85 ne retient pas cette inscription dans son corpus, car “l’importance des montants conservés plaide en faveur de dons spontanément offerts par des évergètes”. Sous le règne de Trajan Ti. Claudius Vetus a également fait construire l’aleiptèrion : il est honoré par le Conseil et le Peuple comme κτίστη[ν] το ἀλειπτηρίου το ἐν τ[ι] τν νέων γυμνασίωι (l. 4-6)86. Une autre inscription indique que le père de la personne honorée (Iulius Sextus ?) a construit un portique, [κ]τίστου στος (l. 4)87. L’ensemble correspond à l’embellissement de l’un des six gymnases qui existaient à Pergame à la fin de l’époque hellénistique88.
19À l’époque romaine, une inscription indique la dédicace d’un bain, λουτρὸν. L’inscription est très fragmentaire, mais selon M. Fraenkel la fin de la ligne 2 correspond à la fin d’un pentamètre, le bain aurait donc été consacré à des déesses, ou à Pan et des Nymphes89. L’absence d’exploration archéologique de la cité d’époque romaine, dans la plaine, en partie recouverte par la ville moderne90, interdit toute autre précision sur des complexes balnéaires d’époque romaine.
Smyrne
20Le cas de Smyrne91 pose le problème de l’interprétation du terme aleiptèrion. Nous venons de le voir, l’inscription de Pergame où figure ce terme ne souffre aucune ambiguïté : elle offre le sens traditionnel de ce mot, une salle d’un gymnase, servant habituellement à l’onction d’huile92. Selon nous, il convient d’admettre la continuité de l’emploi de ce sens traditionnel – enrichi de l’idée d’une salle d’apparat, comme c’est le cas sans doute à Smyrne et Sardes – et d’abandonner l’hypothèse de Cl. Foss selon laquelle ce terme en Asie en serait venu à désigner l’ensemble de l’édifice balnéaire93. À Smyrne, comme à Pergame et Éphèse, on trouve un véritable enthousiasme pour la construction ou l’embellissement des édifices balnéaires, après l’obtention d’une néocorie. Ainsi, peu après 123 et l’obtention de la néocorie d’Hadrien, “le prytane Claudianus (a promis) de faire la dorure du plafond de l’aleiptèrion de la gérousie” (l. 16-18)94, Κλαυδιανὸς πρύτανις χρυσώσειν τὸν ὄροφον το ἀλιπτηρίου τς γερουσίας. À la fin de l’inscription (l. 40-42), il est spécifié que l’empereur a donné “72 colonnes de Synnada, 20 colonnes de Numidie, 6 colonnes de porphyre pour l’aleiptèrion”, κείονας εἰς τὸ ἀλειπτήριον Συνναδίους οβ’, Νουμεδικοὺς κ’, πορφυρείτας ϛ’. Ce don de 98 colonnes pour l’aleiptèrion indique qu’il s’agit d’une salle très impressionnante par ses dimensions et son décor. Ce nombre convient bien à une architecture à édicules, telle qu’on la trouve mise en oeuvre notamment dans l’aleiptèrion du gymnase de Sardes, construit en 211. La mention d’un dernier don dans la souscription confirme que l’on a bien à faire avec l’aleiptèrion à une salle d’un gymnase : vient, juste après l’énumération des types de colonnes offerts par le prince, la précision qu’“a également été érigée la pièce orientée au soleil dans le gymnase” (l. 43-45), κατεσκευάσθη δὲ καὶ ἡ ἡλιοκάμεινος ἐν τ γυμνασίῳ, par le grand-prêtre Sextus. Un notable qui accomplissait une fonction en rapport direct avec l’honneur fait à la cité a voulu, au dernier moment, donner au bâtiment qui avait fait l’objet de la munificence de l’empereur une beauté digne du cadeau reçu, en ajoutant une pièce au gymnase où se trouvait déjà l’aleiptèrion. Philostrate cite cet édifice dans la vie de Polémon de Laodicée, parmi les bâtiments achevés grâce au don de dix millions de drachmes d’Hadrien à la cité95. Hadrien a donc favorisé la construction du gymnase en aidant à l’ornement architectural de l’aleiptèrion. Plus tard, le sophiste Héraclide le Lycien, un contemporain de Philostrate, fit construire une fontaine à huile dans le gymnase d’Asklépios à Smyrne96, dispositif d’ailleurs propre à orner un aleiptèrion et qui indique combien l’entraînement gymnique était encore pratiqué.
Aphrodisias
21Dans la cité libre, entre le règne de Vespasien et le début du iie s., à partir des matériaux provenant des bains eusébiens, ἐκ τς ὕλης το Εὐσεβιο βαλείου (l. 4-5), et d’argent donné par Attalis fille de Ménékratès, furent construits “le bain et l’atrium”, sous la direction d’une commission de quatre responsables, probablement sur l’emplacement futur des bains dits d’Hadrien, où cette stèle de marbre a été découverte97. Eusébès pourrait être l’évergète bâtisseur de l’époque de Tibère, connu pour des interventions au Sébastéion98 ; l’emplacement de ses bains est ignoré. On retrouve la mention d’un atrium dans les bains de l’époque d’Hadrien99, mais il est difficile d’en préciser la destination.
22Les bains dits d’Hadrien dans les études sur Aphrodisias se trouvent à l’ouest d’une place à portique comportant en son centre un vaste bassin. Le portique nord de cette place a été dédié par un certain Diogénès, sous Tibère100. Il est possible que cet espace corresponde donc au “gymnase diogénien”101. On connaît pour cet édifice une série d’opérations cohérentes dans la dernière décennie du règne d’Hadrien : nombre de dédicaces des différentes salles qui furent alors réalisées comportent l’épiclèse “Olympien” qu’Hadrien porta dans ces régions à partir de 128. Des “Thermes d’Hadrien” proviennent des dédicaces de colonnes, “quatre colonnes avec des bases et des chapiteaux” par [M]én[ipp]os et Papianos Kodioi102. Six colonnes ont été offertes par Artémôn fils d’Adrastos dans la salle aux vingt colonnes qui se trouve près de la grande salle péristyle, Nestor et Zénôn en ont offert les quatorze autres103. Le portique ouest des bains d’Hadrien porte sur une architrave une dédicace monumentale104, indiquant que la construction a été réalisée grâce à un héritage laissé par Épi[-] fils de Dioskouridès. L’architrave du portique oriental porte une dédicace comparable105 : il s’agit de la dédicace de “tout l’ornement en marbre blanc qui revêt les colonnes et les chapiteaux”, τὸν ἐπιφερόμενον τος κίοσιν καὶ τας κεφαλας λευκόλιθον κόσμον πάντα, grâce au même héritage. Sur la porte sud des bains d’Hadrien, une inscription monumentale indique : “Péreitas Attalos fils de Zénon fils de Zénon, a consacré à ses frais le portique”, τὸ περιφλίωμα. La même dédicace est répétée sur la porte nord106. Les “thermes d’Hadrien” abritent encore une dédicace très fragmentaire, sur leur façade : [– θε Ἀφροδίτῃ ? ἀ]νέθηκεν [κ]αὶ τ [δήμῳ]107. Il est possible qu’une autre inscription commémore l’érection d’une colonne par Attalos fils de Péreitos dans les bains (le rapport de fouilles est peu clair, il semble effectivement qu’il s’agit bien des thermes d’Hadrien)108. Enfin, est conservée la dédicace de l’aleiptèrion, dans un état fragmentaire109, qu’il faut rapprocher des travaux dans l’aleiptèrion du gymnase de Diogénès qui furent exécutés par M. Ulpius Carminius Claudianus : il est intervenu “à partir d’autres ressources privées, dans le gymnase de Diogénès, pour l’aleiptèrion”, ἐν τ Διογενιαν δὲ γυμνασίῳ [ἀπ]ὸ ἑτέρων ἰδίων χρημάτων τὸ ἀλιπτ<ή>ριον (l. 24-25). D’après la même inscription, M. Ulpius Carminius Claudianus s’est également occupé d’une salle dont l’identification pose problème, l’embasilikos, et de toute sa décoration architecturale, dans ce même édifice. À Aphrodisias comme à Pergame pour le gymnase des néoi à l’époque de Trajan, et à Smyrne sous Hadrien, il est frappant de constater que ce n’est pas un grand évergète qui prend les travaux en charge, mais qu’il y a un concours des divers moyens privés des notables de la cité pour mener à bien ces grandes entreprises. Cela implique une entente et une coordination des travaux que seules les institutions civiques paraissent à même d’encadrer110. Il est également frappant que ces édifices, si importants dans le paysage urbain, donnent finalement à voir l’image d’une cité unie pour les mener à bien, par le concours de plusieurs personnalités locales.
23Enfin, une architrave de l’époque d’Hadrien mentionne le gymnase des néoi111, τὸ γυμνάσιον τν νέων, sur lequel nous ne disposons pas de données supplémentaires. Il n’y a pas non plus d’inscription actuellement publiée qui donne des renseignements sur la construction des bains proches du théâtre. À Aphrodisias, en plus du bain eusébien du début du ier s., les inscriptions connues indiquent donc un accroissement et un embellissement continus des bains dits d’Hadrien, c’est-à-dire, semble-t-il, le “gymnase diogénien”, depuis l’époque julio-claudienne, sous les Flaviens et sous Hadrien. Cet établissement se trouve au centre de la cité, non loin du théâtre et au sud de l’agora sur laquelle s’ouvre le bouleutèrion.
Stratonicée de Carie
24Stratonicée n’a pas une taille comparable aux trois grandes cités d’Asie, Éphèse, Pergame et Smyrne. Néanmoins le site de la ville carienne et ceux de ses sanctuaires Lagina et Panamara ont livré nombre d’inscriptions permettant de connaître assez précisément les édifices gymniques et balnéaires de la cité. La construction d’un bain, au moins, à Stratonicée s’inscrit dans le même élan du règne d’Hadrien, déjà observé à Smyrne et à Aphrodisias. Au début du iie s.112, Ti. Flauius Ménandros a fait l’objet d’une inscription honorifique de la part du Conseil et du peuple de la cité, car “après beaucoup de dépenses pendant sa prêtrise il a aussi fait construire à ses frais le très grand bâtiment qui sert d’atrium pour le bain, qui en dépense ne coûte pas peu de dizaines de milliers de drachmes” (l. 6-7)113, μετὰ πολλὰ ἀναλώματα τὰ ἐν τ ἀρχιερωσύ[νῃ κατεσκεύασεν ἐκ τ]ν ἰδίων καὶ μέγιστον ἔργον ἄτρειον βαλανείῳ ὃ δέχεται ἀναλώματος οὐκ ὀλίγας μυριάδας. Une autre inscription où le prêtre et son épouse font le récit de leur prêtrise donne la même information : [κατεσκεύασ] αν σὺν παντὶ τ κόσμῳ τὸ ἄτρειον το ἄνω γυμ[νασίου], “ils ont fait construire avec tout l’ornement l’atrium du gymnase du haut” (l. 3-4)114. Cette désignation implique l’existence d’un second gymnase au moins. Les interventions de Ti. Flauius Ménandros et sa femme n’ont pas de rapport, d’après le nom du gymnase, avec le “gymnase d’Hadrien” dont parlent d’autres inscriptions. Ainsi Kléobulos et Stratéia ont-ils “promis de faire le placage des murs du sol jusqu’au plafond dans un portique du gymnase Hadrianéen Antonien” (l. 22-26)115, ἐπαγγειλάμενοι σκουτλώσειν ἀπὸ ἐδάφους μέχρις ὀρόφου στοὰν το Ἁδριανείου Ἀντωνίου γυμνασίου. Malgré son appellation impériale, le gymnase a bien été financé, en partie du moins, par des contributeurs privés. Comme à Aphrodisias pour les thermes dits d’Hadrien, à Pergame au gymnase des néoi, à Éphèse pour le gymnase du port, le rassemblement de dons d’origines diverses, sous forme éventuellement de souscription publique, fut une solution expérimentée à plusieurs reprises pour ces grands édifices coûteux.
25Un autre don a été fait par une famille de prêtres et athlètes de Stratonicée, dont il n’est pas certain qu’il se rapporte au même gymnase, en fonction des restitutions du nom de l’édifice : l’athlète Épainétos Pamphilos et sa femme la prêtresse Flauia Artémon “ont fait faire le placage en marbre multicolore d’un portique du bain Azanien (ou Hadrianéen ?116) – le portique face au frigidarium –, avec également son frère Galestès fils du prêtre Epainétos” (l. 11-13)117, ἐσκούτλωσαν δὲ καὶ λίθῳ ποικίλῳ στοὰν [το Ἀζ]ανίου βαλανίου τὴν πρὸς τ ψυχρολουσίῳ σὺν καὶ τ ἀδελφ το [ἱερέως Γαλ]έστῃ Ἐπαινέτου. Leur père, Épainétos fils de Galestès, est également intervenu, comme l’indique une autre inscription (où le nom du monument est dans la lacune) : avec sa femme, “ils ont fait faire le placage d’un portique en marbre multicolore”, ἐσκούτλωσαν δὲ καὶ λίθῳ ποικίλῳ στο[ὰν–] (l. 9)118. Une dernière inscription mentionne, par des évergètes dont le nom a disparu, le don “du bain des femmes à la cité et aux Azanes”119, (l. 6-8), ἀναθέντες καὶ τὸ γυναικ[]ον βαλανον τ πόλι καὶ τος Ἀζανίοις. Les Azanes seraient les anciens habitants de l’Arcadie ; au gymnase, un groupe de jeunes gens cultivait la tradition de l’origine arcadienne de la cité120.
26À la fin du iie s., Ti. Claudius Aristéas Ménandros et sa femme donnèrent 1 000 deniers “pour l’entretien et la construction du bain que le grand-père d’Aristéas, Flauius Ainéas, avait offert à la cité”, εἰς ἐπισκευὴν καὶ κατασκευὴν βαλανείου, ο ὁ πάππ[ος τ]ο Ἀριστέου Φλά(ουιος) Αἰνέας ἀνέθηκεν τ πόλει121. Il doit s’agir d’un autre édifice que le gymnase Hadrianéen. Dans cette cité les prêtres monopolisent une grande partie de l’action évergétique, en dehors même des sanctuaires de Panamara et Lagina où ils accomplissent les rites liés à leurs prêtrises.
Autres cités d’Asie
27Dans les autres cités, dès la fin du ier siècle, s’engage un grand mouvement de construction de ces édifices. Il est néanmoins impossible de donner davantage de précisions chronologiques pour un certain nombre d’attestations. Le point commun de la plupart de ces entreprises est le rôle des riches évergètes, au détriment de la cité et de fonds publics122. D’un point de vue régional, la Carie a livré beaucoup d’inscriptions pour l’époque antonine. Au tout début du iie s., à Tralles, Chresimus, un affranchi de Nerva, aménagea les bains du gymnase en faisant recouvrir leurs parois de marbre. L’inscription est bilingue123 : ce[llam ? cal]dariam g[ymnasii Tral] lianoru[m marmoribus exo]rnatam ad[iectis – d]uobus [dedicauit]. La partie grecque est également lacunaire. Aujourd’hui l’ancienne Tralles se signale avant tout sur le terrain par les murs des bains, d’une importante élévation. Cette inscription indique l’association d’une partie thermale à un gymnase préexistant, avec des parois recouvertes de marbre.
28À Kéramos124, cité de Carie sur le golfe de Cnide, au iie s., Hiéroklès fils d’Hermophantos et sa femme “ont fait construire à leurs frais le bain à partir des fondations et toutes les pièces à l’intérieur avec tout leur ornement” (l. 2-4)125. Plus récemment la dédicace de ce bain a été retrouvée, sur deux fragments d’architrave dont le rapport n’est toutefois pas assuré126. Sous le règne d’Antonin, Hiérôn Hermodôros “ayant promis la construction du bain des hommes a donné pour sa construction de l’argent, et il a de nouveau offert pour son achèvement avec magnificence de l’argent” (l. 4-8)127, [ὑποσχόμε]νον δὲ κατασκευασθναι [τὸ ἀνδρ]έον βαλανεον καὶ δόντα εἰς [τὴν κατ]ασκευὴν αὐτο ἀργύρια καὶ πά[λιν εἰς τὴ]ν συντελείωσιν χαρισάμενον [μεγαλοψύ]χως ἀργύρια. Un dépassement du devis initial s’est-il produit, auquel cet évergète aurait porté remède pour que la cité n’en pâtisse pas, et que sa munificence soit totale ?
29À Laodicée du Lycos, un édifice fut dédié à Hadrien et Sabine vers 135128 : il s’agit peut-être d’un gymnase, mais le nom du bâtiment manque129. Il faut enfin signaler deux cas incertains. À Mylasa, T. Flauius Protoléon Sophanès reçut de la part des éphèbes une statue honorifique, pour avoir “administré l’aleiptèrion”, τὸ ἀλιπτήριον πολειτευσαμένου (l. 8-9)130. Selon notre interprétation du vocable aleiptèrion131, il nous semble que ce personnage s’est occupé de l’approvisionnement en huile de l’aleiptèrion et de son utilisation pour l’entraînement des éphèbes, les dédicants de l’inscription. À Kéramos, un [-]ριον aurait été construit sous Trajan par les membres d’une même famille132 ; cette pièce se trouve vraisemblablement dans un gymnase puisque le fils d’Hermophantos fils de Lykiskos qui intervient dans l’inscription que nous venons de citer, Hiéroklès, a fait construire un bain avec sa femme133.
30En Ionie, en plus d’Éphèse et de Smyrne, des constructions de gymnases sont connues à Milet et Téos. À Milet, la cité s’orna au moins d’un bain nouveau au iie siècle. Dans la grande salle des bains de Faustine d’une part, a été retrouvée en 1906 une inscription fragmentaire indiquant que l’oracle de Didymes avait été consulté sur le gymnase et le bain134, vers 100. D’autre part, une base dressée au sanctuaire d’Apollon à Didymes indique que Ménandros a effectué des dépenses pour le gymnase de Faustine à Milet, entre 138 et 161 (époque où Faustine maior est impératrice) ou 161 et 176 (époque où est connue Faustina minor, la femme de Marc Aurèle, qui donna peut-être son nom au bâtiment135) : il a “orné complètement la troisième pièce du gymnase de Faustine”, κοσμήσας τὸν τρίτον οκον το Φαυστινείου γυμνασίου τ παντὶ κόσμῳ136 (l. 7-10). Le nom peut également être celui d’un évergète. L’origine du financement du reste du bain reste inconnue. À Téos, probablement à l’époque de Marc Aurèle137, un bienfaiteur dont le nom est perdu a fait construire “à partir des revenus le portique de la gérousie et toutes les pièces en avant de l’établissement balnéaire, avec le bain et le reste des ajouts ornementaux, issus des capitaux légués par son père à la cité” (l. 2-7)138, κατασκευάσαντα δὲ ἐκ τόκων [τήν τ]ε στοὰν τς γερουσίας καὶ τὰ προβαλανε α πάντα σὺν τ λουτρ νι καὶ τος λοιπος προσκοσμήμασι πσιν ἐκ τν ὑπὸ [τ]ο πατρὸς καταλειφθέντων τ πολε χρημάτων. Il s’agit évidemment ici d’une fondation. Pausanias mentionne le luxe des bains téiens, près de la mer139. À Métropolis enfin, un bain fut construit à l’époque de Commode, d’après une inscription fragmentaire140.
31En Phrygie, on note à Akmonia un bloc d’architrave mentionnant vraisemblablement un aleiptèrion : [– ali]pterio et [-]141. La restitution de ce mot reste incertaine, de même qu’à Tripolis, sur un fragment de corniche en marbre daté des environs de 100 par les éditeurs142 : τὸ ἀλ[ειπτήριον –] (l. 2). Pour le reste de la région et en Lydie, les attestations conservées datent plus volontiers du iiie siècle. L’une des plus remarquables vient de Sardes. En 211 la cité “a fait faire l’aleiptèrion depuis les fondations avec tout l’ornement en marbre” (l. 10-11)143, τὸ ἀλειπτήριον ἐκ θεμελίων σὺν παντὶ τ [λιθίνῳ κόσμῳ] κατεσκεύασεν ; “la pièce a été dorée par la cité et par Antonia Sabina et Flauia Pôllitè, épouses de consulaires” (l. 14-15), ἐχρυσώθη δὲ τὸ ἔργον ὑπὸ τς πόλεως καὶ Ἀντωνίας Σαβείνης ὑπατικς καὶ Φλαβίας Πωλλίτης ὑ[πατικς]. L’inscription se trouvait sur l’architrave du premier étage de la “cour de marbre”, entre la vaste palestre et la piscine du frigidarium, dans cette salle d’apparat, dotée d’une architecture à édicules remarquable, désignée comme aleiptèrion144. L’attestation d’un financement partiel sur fonds publics reste rare pour ces établissements gymniques et balnéaires. D’autres gymnases sont connus à Sardes : l’inscription comportant une liste de fontaines de l’époque sévérienne mentionne “la fontaine face au gymnase de la gérousie”, [κρήνη] γυμνασίῳ γερουσι[ακ ἐναντία] (l. 2-3)145.
32Par ailleurs, à Thyatire, au iie s. le Conseil a honoré Ti. Claudius Ménogénès Caecilius et rappelle les bienfaits de ses parents et ancêtres : sa mère, Iulia, a notamment “offert à sa patrie les xystes”, τς ἀναθείσης τοὺς ξυστοὺς τι πατρίδι (l. 13-14)146. À Hiérapolis dans des bains qui se trouvent au sud-ouest de la cité, une dédicace monumentale d’époque sévérienne a été découverte147 (les lettres mesurent 11 centimètres). À Dorylée, en Phrygie, P. Aelius Sabinianus Démosthénès a construit des thermes148 : il est “fondateur des thermes et philopatris”, [κτί]στηι τν θερμν καὶ φιλοπάτριδι. Exceptionnellement dans cette inscription le mot romain “thermes” est employé – nous n’en avons pas d’autre exemple dans la région qui nous occupe. P. Aelius Aelianus a, peut-être au iiie s.149, “offert pour les hypèthres des gymnases des statues d’Héraklès (…) et pour le proatrion du grand gymnase le groupe de Bellérophon”, [ἀ]ναθέντα εἰς τὰ ὕπαιθρα τν γυμνασίων τοὺς Ἡρακλέας (…) καὶ εἰς τὸ προάτριον το μεγάλου γυμνασίου τὰ περὶ τὸν Βελλεροφόντην150. Les hypèthres sont des espaces à ciel ouvert : il peut donc s’agir de la palestre ou d’une cour comme la “cour de marbre” à Sardes, qui fut d’abord hypèthre. Le mot proatrion est un hapax151. Il désigne peut-être le même type de salle ou d’espace que les προβαλανεα de Téos, à savoir des salles en avant de l’édifice balnéaire.
Petites cités et communautés villageoises d’hellénisation récente
33Les villages et petites cités d’hellénisation récente se parent également de telles constructions, vues comme le signe d’une vie en communauté conforme aux critères de la civilisation hellénique. Il n’est que pour cet édifice que l’on ait de si nombreuses attestations de construction dans de petites cités ou des villages. En Mysie, une restitution dans une inscription fragmentaire suggère la construction de bains associés à un sanctuaire152. Le premier éditeur de l’inscription indique en effet qu’elle provenait d’un bain, tandis que la dédicace du temple à Artémis Auguste de Baies (l. 4) renvoie à une divinité associée à un établissement lié à l’eau. La dédicace a été faite par un affranchi impérial, Ti. Claudius Halys, sous le règne de Vespasien ou de Titus. La katoikia des Kapolméens en Lydie “a fait réparer le bain grâce au legs de T. Aurelius Symphoros”153, au ier ou iie siècle. Une dédicace adressée à Curtia Iulia Valentilla, à Tabala en Lydie, est sûrement en revanche une dédicace privée pour des bains sur un grand domaine154.
34Au iiie s., dans la katoikia des Apateirènoi, dans les environs d’Éphèse, des magistrats contribuèrent à la “rénovation du grand bain”, en 211-212155 : εἰς τὴν ἐπισκευὴν το μεγάλου βαλανίου (l. 16-18). À Titeiphyta d’Hypaipa, les nouveaux kômarques se devaient de contribuer à la rénovation d’un bain, au début du iiie siècle. Ainsi Aurelius Croisos : “il a donné pour sa kômarchie mille deniers qui ont servi à la rénovation du nouveau bain conformément au décret de la katoikia” (l. 3-6), ἔδωκεν ὑπὲρ κωμαρχίας ἑαυτο (δηνάρια) χείλια, ἅτινα προεχώρησαν εἰς ἐπισκευὴν το καινο βαλανείου καθὼς ἐψηφίσατο ἡ κατοικία ; en 213, M. Aurelius Ménandros commémore sur la même pierre que l’inscription précédente un don “pour la rénovation du bain ancien” (l. 7-8), εἰς τὴν ἐπισκευὴν το παληο βαλανείου ; un magistrat dont le nom est perdu a encore fait de même, pour le bain ancien156.
35En Lydie également, Aurelia Aelia Phoebè fit construire avec des membres de sa famille le portique qui entoure les bains, en 230-231157. Le formulaire de la dédicace ne laisse pas de doute : il s’agit bien d’épigraphie publique, officielle – l’inscription spécifie qu’une copie a été déposée aux archives de Iulia Gordos (l. 13-15) – et d’un acte d’évergétisme pour les habitants de la katoikia des Hyssénoi158. L’évergète “a fait construire depuis les fondations le portique autour du bain, avec tout son ornement à ses propres frais” (l. 6-8), κατεσκεύασεν ἐκ <β>άθ<ρ>ων τὸ περιστον το βαλανείου σὺν παντὶ τ κόσμῳ αὐτο ἐκ τν ἰδίων. Enfin à Meiros, qui entre 263-268 et le règne de Dioclétien est passée du statut de κατοικία à celui de πόλις, des souscripteurs privés se sont associés pour la construction d’un déshabilloir159 dans un bain : ὅσοι ἐπανγε[ιλάμενοι ἐπέ]δωκαν ἰς τ[ὸ ἐν τ βα]λανείωι ἀποδ[υτήριον] Διόδοτος κτλ. (l. 2)160. Malheureusement l’inscription n’est pas datée. Ces villages sur des territoires de cités en Lydie, en Mysie, voire en Phrygie, ont fait l’effort de trouver des fonds pour des constructions d’édifices balnéaires : ils ont pu voter l’affectation des dons ob honorem des magistrats de leur village à la construction de l’édifice, ou compter sur la générosité de ressortissants de leurs petites communautés plus riches que la moyenne, qui ont eu à cœur d’être les évergètes de leur modeste village. Sauf cas exceptionnel, c’est surtout au iiie s. que ces villages ont ainsi pu se doter de ces éléments indispensables du kosmos civique, avant, pour certains d’entre eux, de réclamer un statut poliade.
36Des petites cités de Phrygie ou Carie ont été plus récemment fondées et hellénisées, à l’époque impériale. Un certain nombre de documents indique que le bâtiment alors le plus volontiers construit pour répondre à l’obtention de ce nouveau statut est un édifice balnéaire. Sébastopolis de Carie a été promue au statut de cité par Auguste, qui a réuni les villages des Saléioi de la Salbakè161. Au iie s. P. Statius Hermas a fait réaliser “le pavement de l’exèdre du tétrastyle du gymnase”, qui donc existait auparavant162. Maionia avait reçu le statut civique sous Auguste163 ; sous le règne d’Antonin Valerius Apollonidès “a fait restaurer la salle exposée au soleil”164, τὴν ἡλιοκάμεινον ἀποκαθέστησεν. Lucien parle de cette salle dans Hippias à propos de l’exposition d’un édifice thermal, et la souscription de Smyrne en 123 en mentionne une, construite par le grand-prêtre Sextus165. En Phrygie, d’après l’épisode du procès dans le récit du martyre d’Ariadnè, Tertullus, homme de noble naissance et grand-prêtre des Augustes, qui est le maître de la servante Ariadnè, a entre autres bienfaits orné les bains de sa cité de marbre phrygien : οτινος [βαλανείου] εἰς τὸν κόσμον λίθον Φρύγιον ποικίλας καὶ χαριτώσας μεγάλως ἐπεμελήθη166. Ce don est rappelé par son avocat, Nikagoras, lors de son procès : il montre que Tertullus est un évergète de la cité, en reprenant très largement un vocabulaire et des expressions rappelant les inscriptions honorifiques. L’éditeur du texte conclut volontiers à l’authenticité du texte relatant le procès et à son lien avec Prymnessos en Phrygie167. Le récit se rapporterait à un épisode datant d’entre la fin du iie s. et les persécutions de Dèce168. L. Robert cherchant à expliquer le mot χαριτώσας se demande si le sens général du passage n’est pas que Tertullus à l’occasion d’une ambassade aurait obtenu de l’empereur le cadeau de la construction de bains, ainsi que l’emploi de marbre polychrome de Synnada169. Effectivement ce passage reste de compréhension difficile ; cependant, si l’empereur a pu favoriser l’acquisition de marbre de Synnada puisque les carrières étaient propriétés impériales, voire en faire don, la construction des bains nous paraît difficilement pouvoir être due à une générosité de l’empereur. La cité est de trop modeste importance : les dons impériaux concernent des cités illustres ou importantes, comme nous le verrons, et il est rare que des dons directs de monuments publics soient attestés, à la différence de la Lycie-Pamphylie par exemple. Il nous semble plus conforme à l’ensemble des sources de comprendre que Tertullus a fait le cadeau du bain, et a supervisé l’ajout de l’ornementation en marbre.
37L. Robert avait déjà remarqué, à propos d’un village sur le territoire de Philadelphie de Lydie où un aqueduc avait été construit170 : “la conduite d’eau, peut-être, n’alimentait pas seulement la fontaine, mais un bain, auquel tenaient beaucoup même les habitants d’une kômè”171. En effet nous avons deux attestations au moins où des villages soulignent l’importance de posséder un édifice balnéaire, pour des raisons comparables. Le cas le plus connu est la requête d’Orcistos en Phrygie, approuvée en ces termes par Constantin, écrivant à Ablabius, préfet du prétoire, entre 325 et 331172 : “grâce à sa situation et à sa nature, ce lieu se montre avantageux, car, venant de quatre côtés, s’y rejoignent quatre routes pour lesquelles une station de la poste est, à ce qu’on dit, utile et appropriée à tous les besoins publics ; il comporte une grande abondance d’eaux qui y affluent, ainsi que des bains publics et privés”173. Les bains sont cités parmi les éléments du paysage urbain qui rendent naturels d’accorder le statut civique à Orcistos.
38De manière comparable, au iie ou au iiie s., un village sur le territoire de Satala en Lydie a adressé une pétition au proconsul d’Asie, où les habitants se plaignent de déprédations, probablement dues à des soldats, qui ont pour conséquence que “notre village, financièrement épuisé par ses dépenses illimitées pour ceux qui séjournent ici et par la masse des kolletiones174 est, à cause de la pénurie, [privé] de bain (loutron en grec) et même des nécessités de la vie”175. L. Robert commente ainsi ce passage176 : “le bain vient immédiatement après la nourriture ; l’aporia est fortement exprimée par l’impossibilité de continuer à entretenir le bain. Il doit s’agir, non point de l’adduction d’eau, ni même de l’entretien du bâtiment, mais sans doute du chauffage de l’établissement, forte charge pour les communes qui acceptaient volontiers pour cela l’aide de bienfaiteurs”177. Les bains ont donc une place essentielle dans le paysage urbain à l’époque romaine : ils permettent à la communauté villageoise d’aspirer à un statut civique ou de marquer sa participation à un mode de vie raffiné. Aucun autre monument à l’époque romaine ne remplit un rôle comparable ; de plus la Lydie et la Phrygie présentent un particularisme à cet égard. Les villages et modestes cités de l’arrière-pays, loin de l’Ionie, de la Carie, et des centres urbanisés depuis longtemps de Phrygie, de Lydie, ont réussi à se doter d’édifices balnéaires, dans un mouvement généralisé pour acquérir ce marqueur d’un signe de vie civilisée, éminemment représentatif de l’ornement de la cité. La plupart du temps, elles sont redevables de l’effort financier à des notables locaux.
Conclusions pour le Haut-Empire
39Au Haut-Empire, rares sont les sources qui attestent un financement impérial pour la construction ou la réparation d’édifices balnéaires. La cité et les citoyens ou habitants de la cité prennent en charge de telles constructions, bien plus importantes pour leur prestige et leur renommée que l’intervention sur des bouleutèria par exemple. Le désir de plaire à la foule n’est évidemment pas absent du souci de construire ou de gérer des bains, même si nous avons voulu mettre l’accent sur le lien entre le statut civique, l’ornement de la cité et la présence d’un édifice balnéaire. Une gestion avaricieuse des bains pouvait conduire à l’émeute, comme le montre un passage de la Vie d’Apollonios de Tyane178 : “Lorsque les Éphésiens voulaient lapider le magistrat qui ne faisait pas chauffer suffisamment les bains, il leur dit : “Vous blâmez le magistrat (τὸν ἄρχοντα) parce que vous n’avez qu’un mauvais bain, et moi je vous blâme parce que vous prenez un bain [chaud]”. À cette époque, Éphèse ne possédait pas autant d’édifices gymniques et balnéaires que Pergame. La construction des bains dans la province d’Asie date rarement de cette époque, le ier s. jusqu’aux Flaviens étant une époque de recouvrement, peu propice aux constructions. Le jugement moral d’Apollonios de Tyane ne s’adresse pas aux édifices thermaux et gymniques en eux-mêmes, mais au ramollissement que leur fréquentation peut provoquer si l’on n’y fait que des bains chauds ou si l’on y va pour se faire épiler, comme c’est le cas de Lacédémoniens qu’Apollonios rencontra un jour179. “Les palestres refleurirent”180 après une admonestation de la part d’Apollonios et l’on fit bon usage du gymnase, tout comme ce roi de l’Inde qu’il avait rencontré lors d’un de ces voyages181. Les concours athlétiques qui se développèrent si largement à l’époque romaine ne laissent pas de doute : les gymnases continuèrent bien d’être fréquentés. L. Robert l’a depuis longtemps rappelé182 : “je n’admets pas la théorie d’après laquelle la culture physique aurait été effacée par le goût des lettres et le μουσικὸς ἀνçήρ. Ce n’est pas seulement à Athènes que la gymnastique fut cultivée dans les gymnases tant que dura l’Antiquité. Dans les montagnes de la Pisidie et de la Cilicie la vie des gymnases fut florissante” – on peut ajouter celles de Phrygie et la région de la Lydie. Il fallait bien que du moins les athlètes, qui participaient aux nombreux concours, s’entraînent – sinon tous ceux qui voulaient se distinguer comme “hommes de bien”.
40Le rôle général du gymnase dans la cité à l’époque romaine est donc essentiel. Des critiques d’Apollonios ne doit pas naître l’impression qu’ils n’étaient construits que dans l’idée démagogique de plaire à la foule, tout but culturel183 et politique étant perdu de vue. C’était certes pour les notables de la cité l’occasion de faire la preuve de leur dévouement envers le peuple, de manière parfois grandiose. Mais la cité y gagnait plus qu’un simple édifice de loisir. Cependant, les rôles qui lui sont parfois dévolus à la basse époque hellénistique (l’enterrement de certains bienfaiteurs), qui ont pu conduire à le qualifier de “seconde agora”184 pour cette période précisément par L. Robert et par Ph. Gauthier, ne perdurent pas au-delà du milieu du ier s. Mais c’est désormais aussi l’endroit de la représentation, de la mise en œuvre d’une belle image de la cité. Pour ce déploiement de faste civique des salles d’apparat prennent une grande importance, comme la “cour de marbre” à Sardes ; des cérémonies civiques telles que la distribution d’huile ou les solennités des divers concours pouvaient y être célébrées185. L’importance des bains-gymnases est telle qu’ils confèrent à la petite communauté qui fait l’effort de les construire un caractère particulier, qui est un argument pour accéder au statut civique. À l’époque hellénistique, le gymnase a un sens plus marqué politiquement et militairement : les éphèbes y sont formés, et lorsque le roi Eumène II donne à Tyriaion en Phrygie la politéia, il lui accorde en même temps “le droit de fonder un gymnase”. Dans ce cas, le gymnase ne préexiste pas à la promotion. En revanche, à l’époque romaine, les communautés, même sans disposer d’un statut civique, peuvent recevoir de leurs notables ou créer à leurs frais des bains-gymnases. Ces édifices n’ont plus pour priorité la formation de soldats-citoyens. Mais ils ne se transforment pas en simples lieux de divertissement, ils revêtent un autre sens. Signes de paix et d’élévation dans la hiérarchie des cités, pour Smyrne et pour Éphèse au moment de l’obtention d’une néocorie, comme pour une modeste cité de Phrygie, ces monuments sont au cœur de la valeur nouvelle accordée par les cités grecques au paysage urbain à l’époque romaine. Cette place exceptionnelle perdure dans la deuxième moitié du iiie et au ive siècle, avec de nouveaux acteurs.
Évolutions au iiie et au ive siècle
41À Aphrodisias, une statue du gouverneur Helladios, de la première moitié du ive s., se trouvait dans les bains dits d’Hadrien186. Loué comme “rénovateur de la splendide métropole”, ἀνανεωτὴς τς λαμπρς μητροπόλεως, il est possible qu’il ait aussi restauré cet édifice. De nombreuses interventions y sont attestées à une époque tardive187. À Éphèse, le proconsul L. Artorius Pius Maximus fut honoré par le Conseil et le peuple, entre 286 et 305, pour avoir rénové (ἀνανεωσάμενόν) des bâtiments, dont le “gymnase auguste188”, τὸ γυμνάσιον τὸ Σεβαστçoν (l. 7-8), c’est-à-dire le gymnase du port construit à l’occasion de la première néocorie de la cité. Le proconsul Caelius Montius fit quant à lui reconstruire l’atrium des “thermes de Constance” : atrio thermarum Constantianarum fabricato excultoque constitutit dedicauitque (l. 9-14)189. Derrière ce nom flatteur pour l’empereur se cachent en réalité les bains du port190, adjacents au gymnase auguste. Les bains de la rue des Courètes construits par Valens Varius furent quant à eux rénovés par Scholastikia, sous le nom de laquelle on les désigne aujourd’hui : χρυσο παρέσχε πλθος ἐς καινουργίαν (l. 4-5), “pour la rénovation elle a fourni une grande quantité d’or”191. Cette inscription date du ive siècle192. Les bains de Faustine à Milet furent restaurés par l’asiarque Makarios193 et sa femme Eucharia194 dans le dernier tiers du iiie s. ; en 364, ils sont encore rénovés par Antonius Tatianos, gouverneur de Carie195. Les termes célébrant l’intervention de Makarios sont trop vagues pour que l’on sache exactement en quoi consistent ses interventions : il a rendu son ancienne beauté au bain, ἐς ἀρχαον (…) κάλλος (III, 1). Tatianos a sûrement restauré le système de chauffage des bains : “Tatianos196 le juge a mis fin au travail en donnant l’ordre que les nymphes se mélangent au feu”, c’est-à-dire que l’eau soit chauffée. Ces interventions ont été réalisées τεύξας ὕπατον κλέος ἄστει, “pour la gloire supérieure de la ville” (II) et son “ornement” (III), κόσμος, ce qui a provoqué la joie générale dans la cité, “tous ont allégé leurs peines grâce aux flots qui réjouissent en déliant les afflictions” (III et seconde épigramme en l’honneur de Tatianos). À Sardes Seuerus Simplicius a rénové l’aleiptéria (le mot est inhabituellement employé au féminin, τὸ ἔργον τς ἀ[λει]πτηρίας) – c’est-à-dire, comme nous l’avons vu, l’espace appelé couramment aujourd’hui “cour de marbre”. Il était vicaire d’Asie197.
42Dans la deuxième moitié du iiie s. et au ive s., les gouverneurs prirent donc le relais des élites locales pour la restauration d’édifices balnéaires existants. Leur action se concentra dans les grands centres urbains ou dans les cités dont l’histoire est prestigieuse : Aphrodisias, Milet, Sardes, Éphèse. Avec les théâtres, et, comme nous allons le voir, les aqueducs, ce qui est normal puisque le fonctionnement des édifices balnéaires est subordonné à un approvisionnement régulier en eau, ce sont les édifices qui ont le plus attiré cette action évergétique de prestige. Les bains-gymnases étaient les lieux de l’éducation classique, le lieu de rencontre des citoyens. Encore dans l’Antiquité tardive, ce monument public reste au centre des préoccupations. Dans un legs à Hypaipa en Lydie en 301, le donateur spécifie qu’une stèle devra être dressée dans le gymnase d’Héraklès et dans le gymnase Olympien : cette cité possède donc à cette époque encore au moins deux gymnases qui font l’objet d’un legs (l’expression τὸ βαλανεον λούειν indique qu’il s’agit d’assurer le fonctionnement du bain) et servent de lieu d’exposition d’un document à valeur juridique198. Orcistos fait appel à la générosité de Constantin en utilisant comme argument le fait qu’elle possède des bains. Enfin, au ve et au vie siècles, les bains d’Asie continuent de faire l’objet d’interventions, les évergètes privés des cités jouant de nouveau un grand rôle199.
43Même si les constructions de bains se font rares après le milieu du iiie siècle – l’équipement des cités en cette matière est désormais suffisant – le ralentissement du rythme des interventions ne témoigne pas d’un appauvrissement du sens prêté à l’“ornement de la cité” au ive siècle. Grégoire de Nazianze vante certes la simplicité et les mœurs de sa patrie comparées à celles de Constantinople : “je ne fréquente pas la nouvelle Jérusalem, c’est-à-dire Zeuxippos”200. Mais les foules continuaient d’être attirées dans ces monuments qui concouraient à l’illustration civique, au Haut-Empire comme aux iiie et ive siècles, malgré quelques critiques émises par les chrétiens. Les nouveaux intervenants de l’Antiquité tardive, émissaires du pouvoir central et non plus notables locaux, ont considéré qu’il était nécessaire à la vie harmonieuse des sociétés urbaines qu’elles continuent de s’illustrer par la belle apparence de ces monuments. Ils confortent le renom de la cité, même à une époque où la gestion des revenus civiques était contrôlée par les gouverneurs201. L’idéologie civique, fière de ses origines, proclamée dans les cycles iconographiques au théâtre, dans les bains, et fière de sa gloire présente rendue manifeste par l’existence de ces monuments, conserve de son sens après la crise du iiie siècle. Du iie au ive siècle, les édifices balnéaires constituent donc un élément essentiel et stable du κόσμος de la cité – avec les théâtres. On comprend ainsi la remarque d’Hérodien, originaire d’Asie mineure, qui dit de Byzance, après que son théâtre et ses bains ont été rasés par Septime Sévère, qu’elle a perdu “tout moyen d’ornement et d’illustration”202.
Notes de bas de page
1 Gros 1996b, 413.
2 Men. Rh. 2.386.
3 Luc., Hipp., 5 : Lucien évoque la présence dans les bains de statues d’Hygie et d’Asklépios. La décoration du gymnase de l’Est à Éphèse comporte des statues d’Aphrodite et Hygie (Manderscheid 1981, cat. no 192 pour Hygie, 195 et 196 pour Aphrodite), les bains de Faustine à Milet une statue d’Hygie (ibid. no 209) et plusieurs d’Aphrodite (ibid. no 211213) - ; les bains d’Hadrien à Aphrodisias, plusieurs statues d’Aphrodite (ibid. no 231-233.) Voir à Éphèse la fondation testamentaire de Stertinius Orpex, dont les héritiers ont offert “dans le gymnase” un Asklépios, une Hygie et un Hypnos (IK, 16-Ephesos, 2113 ; Engelmann 2004, 71-72).
4 Aristid., Or., 26.97.
5 Aristid., Or., 17.11.
6 Aristid., Or., 18.5.
7 Aristid., Or., 23.20. Ce discours fut prononcé devant le koinon en janvier 167.
8 Aristid., Or., 19.3.
9 Gros 1996b, 413.
10 Hellmann 1992, 64.
11 Philostr., VS, 2.26 [613.]
12 Puech 2002, 125-126.
13 D. Chr. 36.7-8 : l’éloge de l’apparence physique de Kallistratos va de pair avec la mention de ses qualités guerrières.
14 Plin., Ep. Tra., 10.23.2 (éd. et trad. M. Durry, Paris, CUF, 1948).
15 Plin., Ep. Tra., 10.40.
16 Luc., Hipp., 4.
17 Yegül 1979, 108-130.
18 Philostr., VS, 1.8 [491].
19 Le catalogue présenté par Fagan 1999, 225-347, ne se veut pas exhaustif.
20 Au Haut-Empire, il s’agit des personnes ou entités ayant financé les interventions sur ces bâtiments ; dans l’Antiquité tardive, les proconsuls, praeses et vicaires que nous mentionnons n’ont évidemment pas fourni les fonds à titre personnel, mais donné l’ordre des interventions. Sur le mode de financement à cette époque, voir III.1.
21 Diod. 5.12.2 ; voir également 4.30.1 et 15.13.5.
22 Str. 12.3.11.
23 Str. 12.8.18.
24 Str. 14.1.43.
25 Yegül 1992.
26 IK, 12-Ephesos, 443.
27 Büyükkolanci & Engelmann 1998, 71 (SEG 48, 1375).
28 Hellmann 1992, 398-399.
29 Cette incertitude est partagée par Ginouvès & Martin 1998, 128.
30 Halfmann [2001] 2004, 48-49.
31 IK, 15-Ephesos, 1618 (d’époque impériale, cette inscription indique un don de colonnes pour ce gymnase).
32 Scherrer 1995, 9, 12 et 14.
33 D’après IK, 13-Ephesos, 661, vers 140-150.
34 D’après Knibbe et al. 1993, 116, no 8-10 (AE, 1993, 14681470) - (le nom du gymnase n’apparaît pas).
35 IK, 4-Assos, 15-17.
36 IK, 28.2-Iasos, 256 et Rumscheid 1999, 48.
37 Respectivement, IK, 28.2-Iasos, 269 et 98.
38 IK, 28.1-Iasos, 102 ; Reinach 1893, 180 n. 18, comprend quant à lui 85-86. L’inscription porte la mention “année 170”.
39 IK, 28.1-Iasos, 122 (Robert 1950b, 48, pour le terme kankellos, transcrit du latin cancellus).
40 Demougin 1999, no 130.
41 Milet, VI.1, p. 211.
42 Milet, VI.1, p. 107 et p. 211.
43 Ehrhardt 1984, 390 n. 60.
44 A. Rehm, dans Milet, I. 9.
45 ILabraunda, 20 et 65.
46 ILabraunda, 22 et pl. 5.
47 À Hiérapolis, une colonne fut offerte dans les “thermes romains” à Tibère et au peuple par Hikésios Kôkos et Eusébès (SEG, 46, 1655 et Bull. 1998, 435).
48 Büyükkolanci & Engelmann 1998, 67 (AE, 1998, 1331).
49 Voir le commentaire de Busch 1999, 104-105, pour qui il s’agit de dépenses destinées à l’entretien des bains.
50 IK, 13-Ephesos, 938 : “(…) premier épimélète de la fourniture d’huile dans le gymnase neuf dans le sanctuaire d’Artémis”, (…) ἐπιμελητο πρώτου ἐλεοθεσίας τς ἐν τ καιν γυμνασίῳ ἐν τ ἱερ τς Ἀρτέμιδος. D’après P. Scherrer, sous ce nom serait désigné le gymnase près de l’Artémision, désigné auparavant comme ἀρχαον γυμνάσιον, et dès lors καινὸν γυμνάσιον (Scherrer 1995, 9, 12 et 14).
51 IK, 15-Ephesos, 1618.
52 IK, 17.1-Ephesos, 3066.
53 Voir Halfmann [2001] 2004, 87-88 et notre chapitre III.1.
54 Scherrer 1997, 133-135 et Karwiese 1997. Burrell 2004, 66, donne une vision plus raisonnable du caractère hasardeux de l’identification proposée dans Thür 1997 du squelette découvert dans un sarcophage dans l’Embolos.
55 IK, 12-Ephesos, 427 : [– ἐπὶ] πρυτάνεω[ς] αὐτο το Ἀριστίωνος ἀ [σιάρχου –].
56 D’autres inscriptions dont il est possible qu’elles se rapportent à la construction du gymnase du port sont rassemblées dans Scherrer 1997, 133-135.
57 IK, 12-Ephesos, 509 et IK 59, 159.
58 Keil 1952 (Bull. 1953, 179) ; Picard 1955 ; Kearsley 1999. Selon J. Keil, p. 43 n. 2, le groupe de L. Veratius Felix n’aurait pas été destiné au gymnase du port (IK, 12-Ephesos, 507) ; selon Engelmann 1985, cette statue ornait dès l’origine l’endroit où la base a été retrouvée, à savoir l’angle de la rue des Courètes et de la “rue de marbre”. Bien que ces dédicaces ne recouvrent pas des opérations de construction, nous les mentionnons pour ce qu’elles apprennent du concours de plusieurs évergètes, à ce moment, pour cet édifice.
59 IK, 13-Ephesos, 857 et Add. p. 22 ; IK 59, 161.
60 IK, 12-Ephesos, 517 ; IK 59, 158.
61 IK, 12-Ephesos, 518.
62 IK, 13-Ephesos, 858 et Add. p. 22 ; IK 59, 160.
63 IK, 12-Ephesos, 519.
64 IK, 12-Ephesos, 430.
65 IK, 13-Ephesos, 661.
66 IK, 15-Ephesos, 1988a.
67 Engelmann 1993a, 288 (l’absence de fouille empêche de prendre connaissance d’un éventuel bâtiment hellénistique) et Scherrer 2000, 74.
68 IK, 13-Ephesos, 674a.
69 Voir III. 1.
70 IK, 12-Ephesos, 500.
71 LSJ Suppl. s.v. παιδισκεoς, “with uncertain significance”.
72 IK, 12-Ephesos, 455 et Add. p. 12. IK, 12-Ephesos, 500 est une dédicace encore plus fragmentaire mais qui conserve de manière assurée le nom de Varius au nominatif.
73 IK, 13-Ephesos, 672 et 3080.
74 Sur cet établissement, voir Scherrer 2000, 70-71.
75 IK, 12-Ephesos, 431 et Add. p. 11.
76 IK, 12-Ephesos, 460 (à compléter avec SEG, 53, 1280) ; on peut dater cette inscription d’après IK, 15-Ephesos, 1491, lettre d’Antonin aux Éphésiens sur Vedius Antoninus, gravée dans le bouleutèrion, qui parle des travaux en cours. Cet édifice fut donc achevé peu après.
77 IK, 12-Ephesos, 438.
78 Eck 1972.
79 IK, 13-Ephesos, 676a.
80 Robert 1960, 140-144.
81 Aristid., Or., 48.81.
82 IPergamon, 287. Ce petit fragment d’architrave a été retrouvé dans le pavement d’une maison.
83 IAsklepieion, p. 139 ; sur ce personnage, PME, C 153.
84 IPergamon, 553 (IGR IV, 501) ; des fragments supplémentaires et illisibles ont été retrouvés par la suite, Jacobstahl 1908, 412 no 49.
85 Migeotte 1992, 197.
86 IPergamon, 466.
87 Hepding 1910, 472 no 58 (IGR IV, 1689.)
88 Bilan fait par Halfmann [2001] 2004, 69-70.
89 IPergamon, 335 ; SGO I, 06/02/95.
90 Voir le plan de Pergame (fig. 6).
91 Pour cette cité l’inscription IGR IV, 1440 paraît difficilement exploitable (voir Fagan 1999, 334 n. 302).
92 Ginouvès & Martin 1998, 147 : il s’agit d’une “salle où les athlètes s’enduisaient d’huile”.
93 Pont 2008a contra Foss 1975.
94 IK, 24.1-Smyrna, 697.
95 Philostr., VS, 1.25 [531].
96 Philostr., VS, 2.26 [613]. Voir Puech 2002, 293, sur un homonyme que l’auteur différencie du sophiste évoqué par Philostrate ; voir également p. 339-340 pour des indications biographiques et chronologiques sur ce personnage.
97 Reynolds 1997b (AE, 1995, 1522). P. Gros propose une nouvelle interprétation de cet espace (Gros 2005a, 101-120). Voir le plan d’Aphrodisias (fig. 4).
98 Voir I. 1, tableau 2.
99 Voir également IK, 21-Stratonikeia, 15.
100 Jacopi 1938, 89-96, no 1 ; IAph2007, 4.4.
101 Ferri 1938 ; de Chaisemartin & Lemaire 1996 ; hypothèse également admise dans Foss 1975.
102 Jacopi (1939-1940), 227 no 8 (Bull. 1948, 211).
103 Mendel 1906, 172 a et 173 b.
104 Boulanger 1914, 49.
105 Boulanger 1914, 49 n. 2, complétée, puisque selon A. Boulanger, les dédicaces sur les portiques est et ouest sont semblables.
106 Mendel 1906, 168 n. 1 et 1b.
107 Reinach 1906, 227 no 134.
108 Haussoullier 1920, 74 : “Portique ouest, section nord, col. 4. Sur la plinthe inférieure de la base et la face est” (A. Boulanger, cité dans B. Haussoullier).
109 Mendel 1906, 171-172 (Cormack 1964, 16 no 1 pour une partie ; voir également Robert 1966b, 391, et Bull. 1967, 548). Sur l’aleiptèrion évoqué dans les deux inscriptions, voir Pont 2008a et c.
110 Voir III. 1.
111 Reynolds 1990. Ces blocs d’architrave avaient été déplacés dans le péribole du temple d’Aphrodite.
112 D’après les remarques de Laumonier 1937, 244 n. 3, 257 no 64, 258-259 no 65.
113 IK, 21-Stratonikeia, 15.
114 IK, 22.1-Stratonikeia, 664.
115 IK, 21-Stratonikeia, 281.
116 [Ἀζ] ανίου selon S. Şahin, IK, 22.1-Stratonikeia, d’après le no 706, l. 7 ; [Ἀδρι]ανίου d’après Wilhem 1922, 23 (SEG 4, 241).
117 IK, 22.1-Stratonikeia, 685.
118 IK, 22.1-Stratonikeia, 684.
119 IK, 22.1-Stratonikeia, 706.
120 D’après M. Ç. Şahin, IK, 22.1-Stratonikeia, 706.
121 IK, 22.1-Stratonikeia, 701. Robert 1937, 550 explicite cette inscription.
122 Le cas de Potens à Iasos est très incertain : une inscription dressée devant le Kaisaréion, πρὸ το Καισαρήου (l. 5), pour rapporter les bienfaits de Potens pour la cité, indique qu’une stèle semblable se trouvait devant les bains, πρὸ τν βαλανήων (l. 6-7) (Pugliese Caratelli 1993, 263-264 avec photographie p. 262). Il est difficile de savoir si cet emplacement implique une intervention de Potens sur l’édifice. Nous écartons également de notre recensement les bains offerts par Hédychros à Laodicée du Lycos, d’après une épigramme : selon L. Robert, ces petits thermes peuvent appartenir à une villa (Robert 1969b, 362-363 no 19 ; IK, 49-Laodikeia, 13 ; SGO I, 02/14/03). Cette forme épigraphique est inhabituelle à l’époque pour commémorer une construction publique.
123 IK, 36.1-Tralleis, 148 ; IK 59, 163. Voir Herrmann 1988 sur ce procurateur des carrières de marbre : son bienfait est évidemment facilité par sa fonction.
124 Spanu 1997, 105 et 125 sur les ruines elles-mêmes.
125 IK, 30-Keramos, 19 avec de nouveaux morceaux trouvés en 1979 (photographie pl. VII, 5). Peut-être une inscription similaire provenant du même bâtiment : IK, 30-Keramos, 20.
126 SEG 50, 1110. La taille des lettres n’est pas indiquée.
127 IK, 30-Keramos, 26.
128 IK, 49-Laodikeia, 14 (la l. 3 où se trouve le nom du monument est restituée).
129 Sperti 2000, 57.
130 Blümel 2004, 17-18 no 23 (AE, 1999, 1594 ; SEG 49, 1434 ; Bull. 2001, 400). De même à Sardes une inscription honorifique pour Lucius Verus a été faite par Claudius Antonius Lepidus, “qui dès le début a pris soin de la politéia du gymnase”, ὁ τς περὶ τὸ γυμνάσιον πολιτείας ἐξ ἀρχς προνοησάμενος (Hanfmann & Ramage 1978, no 276), qui, nous semble-t-il, s’est occupé de l’administration du gymnase – fourniture en huile, entraînement des athlètes et des jeunes gens, sans que forcément il y ait mis de son propre argent. Une inscription d’Éphèse fait néanmoins connaître l’emploi de ce verbe (en dehors du gymnase) dans le contexte avéré d’une construction publique : la cité a fait faire le pavement de l’Embolos, “l’administration et l’achèvement ayant été menés par M. Tigellius Lupus, philokaisar, secrétaire du peuple” (IK, 17.1-Ephesos, 3008). Enfin, pour l’érection d’une statue de Trajan à Milet par le Conseil et le peuple, on trouve un ergépistatès et la mention d’un “administrateur”, πολειτευσαμένου Τι(βερίου) Κλαυδίου Θεοδότου φιλοκαίσαρος (Milet, I. 7, 226, l. 9-10).
131 Pont 2008a.
132 IK, 30-Keramos, 18.
133 IK, 30-Keramos, 19 avec de nouveaux morceaux trouvés en 1979.
134 Milet I. 9, 173 no 345 (= Milet VI. 1, 121 no 345 et p. 214 ; Fontenrose 1988, 192 no 18). L’inscription est dans un état très fragmentaire.
135 Didyma, p. 114.
136 CIG, 2881 ; Didyma, 84.
137 Mitchell 1994 date le texte de Marc Aurèle, car le dédicataire en persuadant les Téiens d’envoyer des volontaires à l’armée aurait réussi à détourner d’eux la visite de recruteurs professionnels.
138 CIG, 3080 ; LBW, 107 (IGR IV, 1572).
139 Paus. 7.5.11, dont la description suggère néanmoins qu’il s’agit d’un édifice destiné au thermalisme plus que d’un édifice du centre urbain.
140 IK, 17.1-Ephesos, 3424.
141 MAMA VI, 333.
142 MAMA VI, 56.
143 Yegül 1986, 170 no 3 (SEG 36, 1094) ; Herrmann 1993a, partie 1.
144 Voir Pont 2008a. Il convient également d’abandonner l’idée selon laquelle ces espaces, fallacieusement dénommés “Kaisersaal”, servaient au culte impérial : la démonstration en a été faite notamment dans Burrell 2006.
145 Sardis, 17.
146 TAM V, 2, 976.
147 Ritti 1983, 179. T. Ritti mentionne un autre fragment aujourd’hui perdu qui pourrait se rapporter à l’inscription (publié par Judeich 1898, 12).
148 MAMA V, 6, pl. 14. Aucune datation n’est proposée.
149 TAM V, 2, p. 340.
150 TAM V, 2, 926.
151 Cameron 1931, 239 ; LSJ Suppl., s.v. προάτριον, τὸ.
152 CIG 3695e (IGR IV, 228). Fagan 1999, 335, n. 306, est également favorable à cette interprétation. Si une association avec un édifice balnéaire est possible, la restitution proposée nous semble douteuse (voir I. 1).
153 Petzl 1996, 3 no 2 (AE, 1996, 1455 ; SEG 46, 1505).
154 TAM V, 1, 209.
155 IK, 17.1-Ephesos, 3249.
156 Respectivement, IK, 17.2-Ephesos, 3854, 3855 et 3857.
157 TAM V, 1, 758.
158 “Aux dieux de la patrie et à l’empereur César Marc Aurèle Sévère Alexandre Pieux Heureux Auguste et à l’ensemble de sa famille et à la très douce katoikia des Hyssénoi” (l. 2-4).
159 Ginouvès & Martin 1998, 100, indiquent de ne pas confondre “déshabilloir” et “vestiaire”, où les vêtements étaient gardés.
160 Voir Haspels 1971, no 88 (Bull. 1972, 461).
161 Sartre 1995, 213.
162 Robert 1937, 339-341, n. 1 (pl. 25, 1) ; Robert L. & J. 1954, 317 n. 168.
163 Sartre 1995, 213.
164 TAM V, 1, 517 ; IManisa, 194.
165 Luc., Hipp., 5 et 7 ; Puech 2002, no 209.
166 Franchi de Cavalieri 1901, 110 et 126, col. 2, l. 18 et suivantes.
167 Franchi de Cavalieri 1901, 112 et 118 : l’épisode du procès est inséré dans une narration au caractère par ailleurs irréaliste. L’épisode du procès est étudié dans Robert 1980, 244-256, part. 247 : “ce sont les colonnes, les architraves, les statues dans des niches etc., tout ce qui n’est pas le gros œuvre architectural et qui est normalement en marbre, sculpture ou revêtement notamment”.
168 Franchi de Cavalieri 1901, 116 et 118 et Franchi de Cavalieri 1902, 6 : d’après l’éditeur, dans ce procès “sembra doversi riconoscere un vero processo verbale ed uno, forse, dei piu preziosi documenti che ci sieno pervenuti sulla storia delle persecuzioni dei primi secoli”.
169 Robert 1980, 247.
170 Édition et commentaire Robert 1950b, 28-34.
171 Robert 1950b, 30.
172 Traduction et commentaire par Chastagnol 1981.
173 MAMA, VII, 305 : “ita enim ei situ ad[q]ue ingenio locus opportunus esse perhib[e]tur ut ex quattuor partibu[s e]o totidem in sese confluan[t] uiae, quibus omnibus publicis mansio tamen [u] tilis adque accomo[da] esse dicat[u]r, aquaru[m] ibi abundantem aflu[en] tiam, labacra quoqu[e] publica priua[taqu]e”.
174 Pour leur identification comme des soldats de l’officium du gouverneur, voir Brélaz 2005, 278-281.
175 TAM V, 1, 611 ; Hauken 1998, 247-250.
176 Robert 1943, 115, n. 3 et 6.
177 F. Yegül a souligné l’importance des bains dans la vie villageoise (Yegül 1992, 250 et 453 n. 2).
178 Philostr., VA, 1.16 (trad. Grimal 1958, modifiée).
179 Philostr., VA, 4.27.
180 Philostr., VA, 4.27.
181 Philostr., VA, 2.27 : “Le bain du Roi était un jardin long d’un stade, au milieu duquel avait été creusée une piscine alimentée par une eau bonne à boire et fraîche ; de part et d’autre, il y avait des pistes où, à la manière grecque, il s’exerçait à lancer le javelot et le disque (…). Quand il s’était suffisamment dépensé, il plongeait dans l’eau et s’entraînait à la nage”. Ce jardin avec un bassin fait penser à la place devant le gymnase de Diogénès, à Aphrodisias, où fut découvert un bassin. Voir le plan d’Aphrodisias (fig. 4).
182 Robert 1982, 45.
183 Les salles du gymnase pouvaient être utilisées pour des conférences ou des cours (voir ici le chapitre I.2). La décoration d’une des salles des bains de Faustine à Milet le montre : elle comporte des statues de Muses avec une lyre, debout, assise ou dansant ; une statue de Melpomène, d’Apollon Citharède, Euterpe (Manderscheid 1981, 44 et cat. no 214-220). Voir également dans les bains de Vedius à Éphèse, dans la “Kaisersaal”, la statue d’un philosophe (Manderscheid 1981, cat. no 185) ; de même dans le gymnase du port, cat. no 162 ; dans les bains de l’Est, une Muse, cat. no 197.
184 Jones 1999c, 590 ; il reprend une analyse de L. Robert citée dans Gauthier 1995, 10 et n. 71. Chr. P. Jones applique le concept à toute l’époque impériale ; il faut néanmoins souligner qu’on n’enterre plus les grands bienfaiteurs de la cité au gymnase après la fin du ier siècle.
185 Voir Burrell 2006 et Pont 2008a.
186 Roueché [1989] 2004, no 17.
187 Hermias, un particulier, dépensa 3 000 solidi d’or pour le bain. L’épigramme qui commémore ce bienfait est encadrée par deux croix (voir Robert 1948a, 130). Selon Roueché [1989] 2004, 74, cette épigramme date de la fin du ve ou du début du vie s., plutôt que du ive s. (SGO I, 02/09/15).
188 IK, 13-Ephesos, 621.
189 IK, 14-Ephesos, 1314. Voir Robert 1948a, 112.
190 Scherrer 2000, 174.
191 IK, 12-Ephesos, 453 ; Busch 1999, 185-187.
192 Une épigramme difficile à dater commémore la restauration de bains par l’installation de colonnes et de mosaïques par un proconsul ou par un responsable des maçons d’après l’hypothèse de W. Peek, SEG 34, 1115, à accueillir avec réserve après les travaux de D. Feissel sur Scaurianus à Smyrne (Feissel 1998a, 130-131). Elle est publiée par Knibbe & Iplikcioğlu 1984, 127-128 ; Busch 1999, 187-189 ; SGO I, 03/02/25.
193 Campanile 1994, no 159.
194 Milet, I. 9, 164-165 no 339 (SEG 4, 425) (= Milet, VI. 1, p. 112-114 et p. 212-213) ; SGO I, 01/20/16. Les épigrammes I, II et IV concernent les interventions de Makarios, III celles de Tatianos. Voir également Busch 1999, 153-169.
195 Une autre épigramme concerne encore l’intervention de Tatianos : Milet, I. 9, 166-167 no 340 (SEG 4, 425) (= Milet, VI. 1, p. 114 et p. 213) ; SGO I, 01/20/17 ; Busch 1999, 169-178 (son identification de Tatianos diffère de celle habituellement adoptée). Ce bain a encore connu une rénovation plus tardive, par Hésychios (SGO I, 01/20/18-19).
196 PLRE I, 875 (Tatianus 2) ; Roueché [1989] 2004, 39-42 no 20-21 : Antonius Tatianos, praeses Cariae sous Julien et Valens. Il aurait vécu deux ou trois générations après Makarios.
197 Feissel 1998b, 97 n. 3.
198 IK, 17-Ephesos, 3803.
199 Il ne nous appartient pas de les mentionner ici. Voir notamment Busch 1999, 108-111 (Aphrodisias) ; 111-114 sur AP 9.678 et 213-217 sur AP 9.615 et 662 ; 178-185 sur Hésychios à Milet.
200 Gr. Naz., Carm., 33. Remarquablement grand, ce bain aurait été construit par Septime Sévère et restauré pour l’inauguration de la ville le 11 mars 330 (sur cette datation traditionnelle et nos objections, voir Pont 2008b).
201 Liebeschütz 1992, 7-9.
202 Hdn. 3.6.9.
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