Chapitre IV. Le déroulement de la fête
p. 115-137
Texte intégral
1H. Jeanmaire a montré que le calendrier liturgique athénien opposait nettement deux saisons. En hiver, les dieux viennent visiter, voire provoquer les hommes, mais leur venue apparaît comme un gage de prospérité et de fécondité pour la saison suivante. En été, en revanche, ce sont les hommes qui vont à la rencontre des dieux, “d’où la prépondérance, à ce moment, des rites qui ont pour objet la quête, la conquête ou simplement la manipulation des hiéra, des objets sacrés, de ce dont est faite l’essence des Mystères”.
2Les Mystères d’Andania ont lieu l’été et ils présentent tous les caractères de ces célébrations estivales : “recherche de la pureté rituelle, gestes de supplication, délégation de l’activité religieuse à des minorités susceptibles de satisfaire aux conditions exigées pour l’entrée en communion avec le divin et agissant en tant que représentants des intérêts de la collectivité” pour des “rites qui ne comportent qu’un nombre restreint d’acteurs et n’admettent qu’une publicité partielle”1.
Les serments (§ 1 et 5)
3Les serments constituent le préalable à tous les actes cultuels de la fête ; dans le diagramma, le premier paragraphe conservé en fixe la procédure et les termes avec soin. Ils sont prêtés par les hiéroi (l. 1), le prêtre des Grands Dieux (l. 5), les hiérai (l. 5-6), le gynéconome (l. 26-28) et les Dix (l. 132-137) : tous sont responsables du bon déroulement d’une fête qui comporte des Mystères et implique donc (contrairement à la plupart des fêtes civiques) une entrée en contact personnel avec les dieux ; les serments concourent à ce que tous prennent conscience du danger inhérent à cette expérience du sacré.
4Pour que les hiéroi prêtent serment, il faut d’abord qu’ils aient été officiellement tirés au sort, en l’occurrence dans le cadre des tribus, et la première clause conservée du règlement précise justement que les deux opérations doivent se succéder sans délai (l. 1-2). Les cas exceptionnels qui compromettraient leur application normale sont minutieusement prévus dans les textes juridiques grecs : en l’occurrence, la défaillance d’un hiéros ; on connaît des clauses semblables à propos de magistrats qui seraient empêchés d’exercer leurs fonctions2.
5Le rituel du serment comporte des libations et le sacrifice d’une victime, dont la nature n’est pas précisée ici ; d’autres témoignages montrent que l’on préférait les victimes mâles. En Attique, comme à Cos, on sacrifiait pour prêter serment trois victimes mâles : ταρος κάπρος κριός3. En tout cas, la procédure nous est connue par de nombreux textes : une loi sacrée archaïque de Phlionte, trop fragmentaire pour que le sens précis du texte puisse être restitué4, mentionne à propos d’un serment (hόρoς), les hoρ[]ία c’est-à-dire les victimes sacrifiées ou peut-être plus précisément les morceaux des victimes sur lesquels le serment est prêté ; un règlement de Pergame daté du iie s. a.C. donne à la victime le nom de ὁρκωμόσιoν5. Sur les victimes, sont prélevés les hiéra (peut-être les σπλάγχνα6, les petits morceaux provenant de toutes les parties du corps de l’animal7 ou les ὑπερμηρίδια les “hauts des cuisses”8) que l’on doit prendre dans la main ou toucher pour prêter serment (la racine indo-européenne d’ὄμνυμι signifie saisir et ὅρκος désigne l’objet “chargé de puissance maléfique” que l’on saisit pour prêter serment et qui est “prêt à se déchaîner en cas de manquement au serment”9) ; généralement les victimes s’appellent hiéra, d’où la restitution de ὅρκος qui a été proposée par G. Daux comme premier mot du texte conservé10. Puis on jette les hiéra dans le feu – d’où la restitution [ἱερ]ν καιομένων (l. 2). Les victimes sont entièrement brûlées parce qu’elles sont devenues impropres à la consommation11.
6Enfin, on prononce la formule du serment en répandant des libations, σπένδοντας. La pierre porte nettement σπένδοντας et non σπένδοντες, leçon qu’adopte par erreur l’édition de Fr. Sokolowski12, s’autorisant de la forme πάντες employée comme accusatif à la ligne 174. La libation à elle seule peut suffire pour prêter serment13.
7La libation de sang et de vin n’est pas habituelle dans le rituel du serment car, en principe le vin doit rester pur ; seul Platon place dans le passé mythique de l’Atlantide un serment accompagné de libations de sang (celui d’un taureau offert en sacrifice). Dans le règlement, il s’agit probablement du sang des victimes que l’on fait couler sur le sol, tandis que les chairs et les os sont consumés14. Le sacrifice et les libations sont un moyen de prendre les dieux à témoin et peut-être davantage : “le sacrifiant appelait sur lui-même, pour le cas où il ne tiendrait pas son serment, une mort pareille à la mort des victimes et souhaitait que son sang fût répandu à terre comme l’étaient les libations”15.
8Le règlement fixe le texte du serment prononcé par les hiéroi (l. 2-6) ; il porte strictement sur l’accomplissement de leur tâche d’organisation des Mystères et sur la fidélité aux principes qui leur sont attachés. En l’occurrence, ils promettent de veiller à ce que les rites soient conformes à la tradition : pour les Grecs, être religieux, c’est avant tout être fidèle aux rites ancestraux, eux-mêmes conformes à la Dikè divine et aux institutions humaines qui la reflètent. L’obligation du formalisme rituel est ainsi expliquée par la volonté des dieux.
9Le serment s’achève, comme c’est l’usage, par une formule de malédiction (l. 5-6) dont par exemple le serment des hiéromnémons du règlement relatif aux Pythia offre une variante : [εὐορκέοντι μέμ μοι πολ]-λὰ καὶ τἀγαθά, αἰ δ’ἐφιορκέ(οιμι), τὰ κακὰ ἀντὶ τν ἀγαθν (“Si je jure sincèrement, qu’il m’arrive des bienfaits en grand nombre ; si au contraire je me parjure, que ce soit des malheurs à la place des bienfaits”)16. Sous l’une ou l’autre forme, la formule sur laquelle se termine le serment se réfère à la très ancienne conception du parjure, dont l’oracle de Delphes avait dit :
Du serment naît un fils qui n’a pas de nom, qui n’a ni mains
Ni pieds ; pourtant, il court rapide à la suite du parjure,
Puis, il le saisit avec sa race et sa maison et il l’anéantit.
Mais l’homme loyal verra sa descendance toujours plus prospère après lui17.
10Le mot ἐπιορκεν (se parjurer) est expliqué par un vers d’Archiloque : “Lui qui était un compagnon auparavant, il a foulé aux pieds, marché sur le serment... ἔβη ἐφ’ ὁρκίοις18. Pas plus dans la règlement des Mystères que dans aucun autre texte juridique ancien on ne lit de sanction pour le parjure : en Grèce, comme chez les Indo-européens en général, “le châtiment est censé venir des dieux puisqu’ils sont garants du serment” ; dans ses conditions, toute sanction d’ordre humain s’avère inutile19 et celui qui prête le serment met sa propre vie en jeu20.
11Le secrétaire des synèdres (en tant que représentant permanent de l’exécutif21) fait prêter ce serment aux hiéroi dès qu’ils entrent en fonction (παραχρμα l. 1), ainsi qu’aux Dix (l. 132-136). Puis, les hiéroi avec le prêtre des dieux des Mystères font prêter serment aux hiérai ; les hiéroi font prêter serment au gynéconome ; le diagramma précise que le serment est prêté par le gynéconome “sur les mêmes victimes” (l. 27 ἐπὶ τν αὐτν ἱερν) alors que le texte diffère ; il s’agit certainement moins d’économiser des victimes que de créer une solidarité religieuse entre toutes les personnes qui ont prêté serment pour que les Mystères se déroulent conformément au règlement comme l’indique l’expression κατ’ ἵσον, employée dans le règlement d’une association cultuelle en Cilicie22.
12Les femmes hiérai jurent le même serment que les hiéroi, la veille des Mystères (τι πρóτερον ἁμέραι τν μυστηρίων), ἐν τι ἱερι το Καρνείου (l. 7-8). Le choix du lieu confère au serment une solennité encore plus grande23. Comme les hiérai participent à la procession (l. 20-26), il y a deux explications possibles : soit l’expression ἐν τι ἱερι το Καρνείου ou est synonyme de Carneiasion et les hiérai faisaient l’aller-retour Messène-Andania la veille de la fête pour retourner à Andania le lendemain (ceci paraît peu vraisemblable), soit le hiéron de Carneios est distinct du bois sacré où se déroulent les Mystères et la prestation de serment a lieu probablement à Messène, dans un sanctuaire par ailleurs inconnu de nous, mais qui devait être au Carneiasion d’Andania ce qu’était en Attique l’enclos d’Artémis Brauronia sur l’Acropole au sanctuaire de la chôra.
13Au serment des hiéroi, elles doivent ajouter : “Je me suis, comportée à l’égard de mon époux conformément aux (lois) divines et humaines (ὁσίως καὶ δικαίως)”24. Il s’agit d’éviter qu’une femme adultère n’entre dans le sanctuaire et ne participe au culte. Le Contre Nééra offre un parallèle exact pour les prêtresses de Dionysos à Athènes : on trouve dans l’un et l’autre texte, deux parties, l’une promissoire (engagement à accomplir sa fonction de hiéra) et l’autre déclaratoire (affirmation d’avoir respecté les devoirs de la vie conjugale)25. Ce serment portant sur la fidélité conjugale est caractéristique de l’éthique propre aux Thesmophories dont le témoignage de Clément d’Alexandrie à propos de Théanô permet de comprendre la teneur. La philosophe pythagoricienne avait demandé après combien de jours une femme était kathara (en état de pureté rituelle) pour se rendre au Thesmophorion. On lui répondit : “après des relations sexuelles avec son mari, un jour ; après des relations sexuelles avec quelqu’un d’autre, jamais”26. On veillait à écarter les femmes adultères et les courtisanes de ces célébrations visant à garantir la perpétuation du corps civique, au moyen d’enfants légitimes27. La partie déclaratoire du serment se justifie par la certitude que les dieux châtient immédiatement le parjure : cela explique que le serment soit considéré par les Grecs comme une preuve juridique et, dans le cas qui nous occupe, (à cause de la peur du châtiment du parjure) il vaut comme garantie certaine d’écarter des femmes adultères28.
14Les hiéroi font également prêter un serment au gynéconome, magistrat chargé du bon déroulement de la cérémonie, particulièrement en ce qui concerne les femmes : “(Je jure) de veiller aux prescriptions sur le vêtement et sur toutes les autres questions qui me sont à charge dans le règlement” (l. 27-28).
15Un passage du Contre Nééra précise que les prêtresses de Dionysos appelées γεραραί (ou γεραιραί) doivent prêter serment πρὶν ἅπτεσθαι τν ἱερν, “avant qu’elles ne touchent aux choses sacrées”29. Même si les occasions de prêter serment sont multiples dans la vie civique, il semble que dans le cas des Mystères d’Andania, le serment des ἱεροί et des ἱεραί soit nécessaire pour les qualifier en tant qu’“autorité susceptible de satisfaire aux conditions exigées pour l’entrée en communion avec le divin”30.
16Une fois les serments prêtés, tous les participants sont assurés que les dieux tourneront leur colère contre le parjure et non contre tous ceux qui auraient pris part à la cérémonie. Leur signification religieuse (engagement au respect des rites et au maintien des Mystères sous leur forme actuelle) ne doit pas occulter le fait que les serments prêtés par les hiéroi et les hiérai ne sont guère différents des serments prêtés par des magistrats (sans aucune fonction spécifiquement religieuse) à leur entrée en charge. L’objectif n’est pas seulement d’ordre rituel, mais plutôt social et politique. La procédure des serments successifs, des hiéroi devant le secrétaire des synèdres (l. 1), du prêtre devant les hiéroi (l. 5), puis des hiérai devant les hiéroi et le prêtre (l. 7), le montre clairement. Le serment des hiéroi et du prêtre qui ont à la fois la charge de l’organisation matérielle de la cérémonie et la responsabilité de son bon déroulement est prêté devant le représentant permanent de l’exécutif dans la cité ; une fois investis de l’autorité conférée par ce serment (dont le caractère politique est marqué), les hiéroi et le prêtre sont habilités à recevoir celui des hiérai qui déclarent se conduire conformément à ce que les Grecs attendent des épouses légitimes de citoyens ; en s’engageant à continuer dans cette voie, les hiérai, non seulement ne font pas obstacle à l’accomplissement des Mystères, mais encore permettent la perpétuation du corps civique. On voit ici encore que le serment comporte, à côté de son évidente signification religieuse, une dimension politique31.
La procession (§ 6)
17Comme les sacrifices et les Mystères se déroulent dans un sanctuaire de la chôra messénienne, la fête proprement dite commence par une procession : le texte n’indique pas quel trajet elle suivait ; cependant, il paraît logique que les participants aient dû parcourir solennellement la distance qui sépare Messène du Carneiasion, distant d’une dizaine de kilomètres. Ils empruntaient donc probablement celle des routes qui joignait Messène et Mégalopolis en passant par Andania32.
18La procession des Mystères entre ainsi dans une série de processions “centrifuges”33 qui partent de la ville pour conduire à un sanctuaire de la chôra ou de la périphérie : la plus célèbre est celle qui réunissait les participants aux Mystères d’Éleusis et empruntait la hiéra hodos entre Athènes et Éleusis ; à Sparte, celle des Hyacinthies parcourait la route qui relie la ville au sanctuaire d’Apollon à Amyclées ; à Milet, une procession empruntait une voie sacrée ornée de statues monumentales et conduisait au sanctuaire d’Apollon à Didymes34. Dans tous ces exemples (qu’il s’agisse d’un culte gentilice, d’une fête civique, ou de Mystères), la procession permet de relier symboliquement la ville (considérée comme le centre politique et religieux) à un sanctuaire doté d’une grande importance religieuse, mais éloigné de la ville. La procession des Mystères d’Andania semble avoir joué à Messène un rôle comparable.
19Le diagramma (comme d’autres “lois sacrées”) fixe la composition de la procession et surtout l’ordre dans lequel elle se déroule tout en prescrivant en détail la tenue des participants. En tête vient Mnasistratos, non pas tant comme hiérophante que comme réformateur des Mystères, jouissant à ce titre de privilèges exceptionnels35, parmi lesquels le plus visible est la conduite de la procession. Ainsi, dans la cité voisine de Thouria, la propompè (l’honneur de conduire la procession) est accordée à un étranger qui a comblé la cité de bienfaits36. A Mantinée, dans les Mystères de Corè (en 61/60), la prêtresse Nikippa recevant des honneurs du collège des Coragoi est félicitée d’avoir conduit la procession avec la dignité requise (ἐπισάμως καὶ μεγαλοπρεπς, l. 15-16)37.
20Marchent donc devant les chars qui portent les hiéra :
Mnasistratos,
le prêtre (des Grands Dieux) à côté de la prêtresse,
l’agônothète, chargé des concours et probablement de l’organisation des fêtes en général,
les hiérothytes, chargés des sacrifices,
les aulètes qui accompagnent probablement la procession de leurs instruments.
21Les hiéra, centre de la procession, sont escortés par les jeunes filles hiérai.
22Viennent ensuite les personnes qui jouent un rôle important dans le culte de Déméter :
la thoinarmostria de Déméter,
les hypothoinarmostriai, ses adjointes,
la prêtresse de la Déméter de l’hippodrome,
la prêtresse de la Déméter d’Aigila.
23On est frappé par le grand nombre de spécialistes du sacré qui participent à la fête : prêtre et prêtresse des Grands Dieux, prêtresses de Déméter, prêtre et prêtresse d’(Apollon) Carneios, autres desservantes de Déméter. L’ordre dans lequel ils participent à la procession nous fournit une indication certaine pour leur importance respective.
24Parmi eux, la place d’honneur revient à Mnasistratos, citoyen messénien qui ne porte pas de titre sacerdotal, mais fut à l’origine de la réforme du culte dont la gravure du règlement conserve le témoignage : il détenait en effet des βιβλία qu’il céda à la cité, laquelle en confia, à partir de ce moment, la garde à un collège de hiéroi (l. 11-12). Il avait également conservé jusqu’alors les ἱερά que la procession avait pour fonction d’escorter depuis Messène jusqu’au Carneiasion (l. 29-30)38. Il conduit la procession : ἐν δὲ τι πομπι ἁγείστω Μνασίστρατος (l. 28). La forme ἁγείστω provient de ἡγομαι, mais fait difficulté. C. D. Buck allègue pour l’expliquer des parallèles en Locride en invoquant l’influence de la κοινή étolienne pour rendre compte du groupe noté -στ- alors que -σθ- est attendu ; la graphie est, en fait, largement répandue dans le monde grec39. Si Mnasistratos n’a pas le titre de hiérophante dans le règlement des Mystères, du moins en a-t-il les privilèges : même après la réforme des Mystères, ayant jusqu’alors conservé les hiéra, il conduit la procession qui les escorte jusqu’au sanctuaire (l. 28)40, il reçoit un tiers des sommes d’argent déposées près de la source et les peaux des animaux sacrifiés (l. 86) ; il participe avec sa femme et sa descendance au banquet sacré (l. 97). La conduite de la procession était également l’apanage du hiérophante à Éleusis, qui, semble-t-il, marchait en tête accompagné du dadouque41 ; on ignore ce que percevait le hiérophante de chaque myste car l’inscription fixant les taxes reçues par les prêtres est mutilée au sommet – là où devait être mentionnée la clause concernant le premier d’entre eux, le hiérophante42. Pour ce qui est de Mnasistratos, le règlement précise qu’il reçoit les peaux des victimes : elles constituent traditionnellement la part du prêtre dans beaucoup de cultes. Elles sont un morceau de choix car le cuir entre dans la fabrication d’objets de première nécessité et peut aussi être facilement monnayé43.
25Mnasistratos conduit la procession et assure le service du culte (l. 150-153) ; cependant la réforme du culte (avec notamment la création du collège des hiéroi) a dû limiter ses prérogatives.
26Mnasistratos mis à part, d’autres prêtres et prêtresses sont mentionnés, dont le rôle n’est guère explicité par le règlement. Ils sont surtout cités dans la description du dispositif de la procession qui nous suggère un ordre hiérarchique : derrière Mnasistratos, marche le ἱερεὺς τν θεν ος τὰ μυστήρια γίνεται (l. 28 sq.), qui est appelé ailleurs simplement ἱερεύς (l. 5, 7, 82, 88). Il reçoit avec les hiéroi le serment des hiérai (l. 7) ; il est juge pour les cas d’asylie (l. 82) et chargé de veiller à la consécration des offrandes au nom de la cité (l. 88).
27La lecture de règlement se complique lorsque sont énumérées les prêtresses qui participent au banquet sacré aux lignes 96-97 : au premier abord en effet, mis à part les deux prêtresses de Déméter, il semble qu’il y a une seule prêtresse dans la procession, mais deux au moment du banquet rituel. Cette incohérence apparente a gêné les éditeurs ; S. Koumanoudis, l’auteur de l’édition princeps, avait restitué [καὶ τὰ]ν ἱερέαν κ[αὶ τὰ]ν ἱερέαν το Καρνείου ; pour lui, il y a donc une prêtresse dans la procession et deux durant le banquet. H. Sauppe supposa qu’il y avait une dittographie et fit donc disparaître de la liste des convives du banquet la première prêtresse. Enfin, Fr. Sokolowski propose de restituer [καὶ τὰ]ν ἱερέαν κ[αὶ συ]νιέρεαν το Καρνείου. On peut objecter à cette restitution l’absence d’article pour accompagner [συ]νιέρεα, même si dans un passage du second décret en l’honneur d’Aristoclès44 l’article est omis devant le second substantif coordonné à un substantif de mêmes genre et nombre et le même raccourci est utilisé dans le diagramma (μετὰ τν ἱερν καὶ παρθένων, l. 96).
28La ἱέρεα (l. 29) est l’équivalent féminin du prêtre auprès de qui elle marche dans la procession (on ne sait rien de son rôle, mais il paraît difficile de penser qu’elle est “la prêtresse d’Hagna”45). La tournure de la clause décrivant l’ordre de la procession invite à voir en elle la prêtresse des dieux en l’honneur de qui ont lieu les Mystères et, dans ce cas, la restitution ingénieuse de Sokolowski n’est pas indispensable : le texte de Koumanoudis, beaucoup plus simple, convient tout à fait. Il n’est pas surprenant de voir côte à côte un homme et une femme prêtres pour les mêmes divinités : ainsi existait à Sparte une prêtrise double pour les Dioscures ; elle pourrait se justifier par la tenue de banquets rituels communs aux hommes et aux femmes46. Dans les Mystères d’Andania, l’existence d’un prêtre et d’une prêtresse s’explique probablement par le fait que les hommes et les femmes étaient séparés durant tout ou partie de l’initiation ; le prêtre devait alors se charger de celle des hommes et la prêtresse de celle des femmes. On connaît des parallèles, par exemple dans le culte de Bendis à Athènes, où la prêtresse est appelée συνιέρεα. C’est pourquoi Fr. Sokolowski a proposé de restituer ce titre dans le règlement des Mystères47. Un double sacerdoce est également mentionné par Pausanias dans un culte d’Artémis Hymnia en Arcadie48 et un autre enfin est connu à Messène, dans le culte d’Artémis Limnatis dont le sanctuaire se trouvait sur le flanc occidental de l’Ithôme49.
29Reste à expliquer le fait que la prêtresse de Carneios n’est pas nommée dans la liste des prêtres qui participent à la procession : on peut supposer avec M. Guarducci que la prêtresse de Carneios n’y figure pas parce qu’elle reste dans le sanctuaire50 dont elle a la garde (de même qu’à Éleusis résidaient plusieurs prêtresses et le dadouque51). Ainsi en concluons-nous que la ἱερέα des Grands Dieux et la ἱερέα το Καρνείου sont deux prêtresses distinctes. La prêtresse de Carneios est citée par L. R. Farnell dans sa revue des prêtresses des divinités masculines (qui sont peu nombreuses en Grèce ancienne) ; cependant à Sparte aussi c’est une prêtresse qui a la charge du culte de Carneios Boikètas (κατὰ γένος). D’une manière générale, L. R. Farnell émet deux hypothèses pour justifier l’existence d’une prêtresse dans le culte d’une divinité masculine : soit une hiérogamie fait partie du rituel, soit la prêtrise féminine d’une divinité féminine s’est trouvée associée au culte d’une divinité masculine, comme dans le cas du culte de Ploutôn à Éleusis52.
30A côté des prêtres et des prêtresses, le règlement mentionne également des spécialistes du sacré de rang moins élevé. Parmi eux, la θοιναρμόστρια (l. 30) est, comme l’indique son nom, chargée de l’organisation des banquets rituels (θοναι, ἁρμόζω). Cette fonction est attestée dans (au moins) une autre inscription de Messène53, où Déméter avait un sanctuaire urbain dans un bâtiment remontant à l’époque archaïque54 et à l’Éleusinion de Sparte où “conjointe d’ordinaire à des sacerdoces et à d’autres titres honorifiques”, elle paraît “réservée à des femmes de grande famille” et suppose le financement du banquet par la titulaire de la charge55.
31Le diagramma précise le titre de cette auxiliaire du culte : ἁ θοιναρμόστρια ἁ εἰς Δάματρος où la préposition εἰς introduit l’objet auquel s’applique une action, comme dans une autre expression du texte : τεχνται εἰς τὰς χοριτείας (l. 73)56. Le mot θοίνα qu’il faut sous-entendre dans l’expression ἁ θοιναρμόστρια ἁ εἰς Δάματρος (θοίναν) désigne un banquet sacré ; θοινν θε τινί signifie θύειν θε τινί57. Ses adjointes, ὑποθοιναρμόστριαι (l. 30-31) ne sont mentionnées que dans le règlement des Mystères, sans être autrement connues ; ἐμβεβακυαι signifie “qui sont entrées en fonction”58. Dans d’autres cités, la θοιναρμόστρια s’appelle δαμοθοινία, à Delphes et Aigialè notamment59.
32On ne connaît de thoinarmostria que dans des cultes de Déméter, probablement parce que les femmes n’ont accès au sacrifice et à la cuisine des victimes que dans les banquets de Thesmophories – ou d’autres fêtes apparentées aux Thesmophories, comme les Mystères d’Andania justement. Dans les autres fêtes, ce sont des hommes qui accomplissent toutes les tâches requises (depuis l’abattage de victimes jusqu’à l’organisation du banquet). La thoinarmostria est seulement attestée en Laconie et en Messénie : en Laconie, au sanctuaire éleusinien de Kalyvia, où à l’époque impériale les thoinarmostriai sont des femmes de grande famille titulaires simultanément d’autres prêtrises et portant parfois le titre honorifique de Ἑστία πóλεως (IG, V.1, 583, 589, SEG, 36, 353) et en Messénie avec le règlement d’Andania et une inscription dont la provenance précise est inconnue, mais dont la liste des victimes paraît typique d’un culte éleusinien60.
33La thoinarmostria et ses adjointes ont la préséance sur les deux prêtresses de Déméter qui leur succèdent dans la procession : la première, ἁ ἱερέα τς Δάματρος ἐφ’ ἱπποδρόμωι (l. 31), la prêtresse de la “Déméter de l’hippodrome”, a suscité beaucoup de commentaires. On a pensé qu’il s’agissait de la prêtresse de Déméter Chamynè à Olympie parce que son sanctuaire jouxtait l’hippodrome61 – mais Messène ne semble pas avoir eu de liens avec cette cité à l’époque qui nous occupe, même s’il lui est arrivé, au début de sa propre histoire d’intervenir dans les affaires intérieures des Éléens62. L’hippodrome en question pourrait être celui du mont Lycée – mais aucune trouvaille n’est venue y confirmer la présence de Déméter63 – ou celui de Messène (qui pour le moment n’est pas identifié, mais dont l’existence est d’autant plus probable que la Messénie était réputée pour ses élevages de chevaux64). Dans ce dernier cas on peut supposer une adaptation, pour des raisons de prestige, d‘un titre qui fait penser au sanctuaire d’Olympie ou, à tout le moins, rappelant celui de la prêtresse de Déméter. M. Guarducci65 pense que cette prêtresse appartient au sanctuaire de Déméter à Messène, mentionné par Pausanias, connu aussi par l’importante souscription augustéenne étudiée par L. Migeotte ; P. G. Thémélis l’a récemment identifié66. Il semble que s’il s’agissait d’une prêtresse provenant d’une autre cité, le texte l’aurait précisé comme c’est vraisemblablement le cas pour une autre prêtresse.
34Une autre prêtresse de Déméter porte, en effet, le titre de “prêtresse de la Déméter d’Aigila” (l. 31) ; l’expression a deux sens possibles : soit la prêtresse vient d’Aigila, soit elle est la prêtresse d’une Déméter vénérée en Messénie (à Messène, au Carneiasion ou ailleurs) et “importée d’Aigila” comme l’Artémis vénérée à Cleitôr et dénommée ἁ Ἄρταμις ἁ ἐν Λουσος67. Comme le nom d’Aigila n’est mentionné que dans le règlement des Mystères et dans le livre IV de Pausanias68, on ignore où se trouve le site, mais il est probablement à chercher près de la frontière messénienne avec la Laconie. Pausanias confirme qu’Aigila possédait un sanctuaire de Déméter – qui ne figure pas cependant dans sa description de la Laconie69. L’histoire d’Aristomène, le héros de la “Deuxième guerre” de Messénie, telle que la rapporte Pausanias fournit une explication à la présence de la prêtresse de la Déméter d’Aigila : en effet, Archidameia, qui exerçait ce même sacerdoce avait libéré le héros messénien, fait prisonnier par les Lacédémoniens70. Cet épisode de la geste du héros messénien conduit Pausanias à faire allusion à des fêtes nocturnes célébrées par des femmes et qui sont des Thesmophories71 dans ce sanctuaire laconien. Bien que ce témoignage reste isolé, une identification a été proposée pour le site d’Aigila avec Kournos, situé sur la côte est du Magne ; elle n’est pas certaine, car le nom du site n’est pas connu. Si elle s’avérait exacte, il faudrait alors remarquer que l’un des temples visibles sur le site date “des années 100 a.C. ou un peu auparavant”72, une date proche de la réforme des Mystères d’Andania.
35Un agônothète (c’est-à-dire un responsable de concours) est mentionné dans le dispositif de la procession – mais il n’y a pas de panégyriarque (contrairement à Oinoanda73 par exemple), d’épimélète des Mystères, d’épimélète de la panégyrie (comme à Coronè de Béotie74) ou d’épimélète du concours (comme à Oropos75). Un panégyriarque n’est pas utile dans les Mystères d’Andania probablement parce que le règlement prévoit que la fête doit s’autofinancer, voire dégager des bénéfices ; or dans les cités où cette charge existait, on attendait du citoyen qui l’assumait, qu’il subvînt aux dépenses nécessitées par la réunion d’un grand nombre de personnes dans un sanctuaire, comme on le voit à Oinoanda. Il est vrai que cette fonction est caractéristique de l’époque impériale76.
36L’agônothète participe à la procession sans que le règlement précise quel rôle lui est imparti dans la cérémonie (l. 29). Il est habituellement chargé d’organiser les concours, dont il est le président77, en particulier les Ithômaia, en l’honneur de Zeus Ithômatas. Il est mentionné (et souvent conjointement aux hiérothytes) dans plusieurs inscriptions de Messène d’époque impériale78 et dans des décrets honorifiques79. Sa présence suggère que les Mystères comportaient quelque agôn, mais le règlement ne nous fournit aucune indication précise à ce sujet – peut-être s’agissait-il d’une course de chevaux dans l’hippodrome, comme l’a suggéré W. Burkert80, ou de l’agôn qui opposait deux chœurs de technites. Le peu d’importance qui lui est accordé par le règlement ne laisse pas de surprendre ; en effet, l’agônothète est le personnage principal de la panégyrie des Démosthéneia d’Oinoanda : il recrute ses collaborateurs et tous ceux qui participent à l’organisation de la fête sont placés sous son autorité81.
37Les hiérothytes, équivalents des hiéropoioi que l’on rencontre dans d’autres cités, sont habituellement chargés de l’organisation des sacrifices82, sans être attachés au service exclusif d’une divinité ou d’un sanctuaire, contrairement aux prêtres ; ils organisent donc les sacrifices des divinités et des héros d’importance locale. Dans toutes les inscriptions de Messène où ils sont mentionnés, ils sont plusieurs83 et forment un collège. La charge de hiérothyte était peut-être (à Messène, comme à Lindos) la première que pouvait exercer un citoyen lorsqu’il devenait majeur, comme peut le laisser penser le fait que, dans deux de nos témoignages, les hiérothytes sont mentionnés conjointement à leur père, alors que ce dernier exerce la charge d’agônothète84. Pendant les Mystères d’Andania, les hiérothytes doivent participer à la procession, dans laquelle ils marchent devant les chars qui portent les objets sacrés et derrière les prêtres (l. 29). Le règlement ne fournit pas d’indication sur le rôle qu’ils ont à jouer dans les Mystères : ce sont les hiéroi qui sont chargés de l’organisation des sacrifices ; peut-être leur présence (autrement superflue) se justifie-t-elle s’ils participent à l’accomplissement des sacrifices pour la purification du sanctuaire et pour les Mystères et s’ils assistent l’agônothète85. Pausanias (4.32.1) mentionne à proximité de l’Asclépieion un hiérothésion qui n’a pas encore été nettement identifié ; il devait s’agir d’un enclos “à ciel ouvert réunissant les autels de tous les dieux reconnus” par la cité, dont on rencontre d’autres exemples à Mégalopolis (où les hiérothytes sont chargés du culte héroïque en l’honneur de Philopœmèn)86.
38Tous ces personnages, prêtres et prêtresses, ne semblent pas recevoir de rétribution, ce qui est pourtant attendu pour le prêtre en Grèce87 ; ils ne paraissent pas d’ailleurs avoir grande autorité dans l’organisation et l’accomplissement des Mystères. Le groupe de femmes desservantes de Déméter est fourni et cela démontre l’importance de la déesse parmi les autres divinités du Carneiasion, mais ne prouve nullement qu’il a été introduit précisément à l’occasion de la réforme de 91/90 a.C. Viennent enfin dans la procession les hiérai qui doivent respecter l’ordre dans lequel elles ont été tirées au sort et les “hiéroi dans l’ordre où les auront rangés les Dix” (l. 31-32) ; de la même façon dans les Daidala de Platées qui ont lieu sur le Cithéron, les participants doivent participer à la procession dans l’ordre où ils ont été tirés au sort88.
39Les animaux pour les sacrifices sont également conduits dans la procession puisqu’ils sont indispensables au déroulement de la fête.
40En revanche, les mystes ne sont pas mentionnés dans le chapitre consacré à la procession. A cela, deux explications possibles : soit, ils venaient en dernière place dans un ordre indifférent, soit ils ne faisaient pas partie de la procession. Cependant, la plupart des mystes (du seul fait du poids démographique de cette ville en Messénie) devaient venir de Messène et, pour cette raison, il est vraisemblable qu’ils participaient aussi au cortège.
41Les prescriptions relatives à la procession montrent à quel point “l’organisation hiérarchique est essentielle dans les Mystères”89 : Mnasistratos marche seul en tête ; en avant des hiéra se trouvent ceux qui ont autorité sur les sacrifices, les Mystères et le sanctuaire, en ordre d’importance croissante ; après les hiéra, leur faisant cortège, viennent les desservantes de Déméter. Si les hiérai doivent les suivre dans l’ordre où elles ont été tirées au sort, c’est que les dieux les ont ainsi désignées, marquant entre elles une hiérarchie implicite que la procession doit respecter.
42La procession n’est pas propre aux rituels à Mystères ; H. Jeanmaire note que, à Athènes, “les cérémonies de la période estivale (...) consistent essentiellement dans la manipulation ou le déplacement d’un objet (...) qui a naturellement le caractère d’un objet sacré” et il cite l’exemple des Skirophories, Arrhéphories, Arrhétophories et Thesmophories, sans omettre les grandes Panathénées, les Plyntéries et les processions attachées à la célébration des Mystères d’Éleusis ; un règlement cultuel d’Érétrie pour les Artémisia fixe aussi l’ordre de la procession90. Dans la procession des Mystères d’Éleusis, le hiérophante marche en tête, suivi des prêtres, des animaux de sacrifice et des mystes91.
43“Dans toute procession, il y a un centre, par rapport auquel elle s’ordonne – crescendo en avant, decrescendo en arrière (...). Le schéma restera exactement le même : au cœur de la procession, sinon au milieu, le char des époux” (dans le cortège nuptial), “le char du mort, du prêtre ou du dieu”92, selon qu’il s’agit de funérailles ou d’un autre défilé religieux. Ici, ce sont, placés sur un char, les objets sacrés (ἱερὰ μυστικά) qui sont au centre de la procession. La syntaxe de cette clause est difficile ; la pierre porte le texte suivant : ἄγουσαι τὰ ἅρματα ἐπικειμένας κίστας ἐχούσας ἱερὰ μυστικά (l. 30). Fr. Sokolowski le conserve tel quel, mais H. Sauppe préfère le corriger en supprimant le sigma final de ἐπικειμένας, correction que reprend notamment Fr. Hiller von Gaertringen dans la Sylloge. On traduit alors : “les jeunes filles hiérai conduisant les chars avec la ciste contenant les objets sacrés pour les Mystères”93. Il paraît possible cependant de ne pas corriger le texte. Dans ce cas, la dissymétrie entre le nombre de chars et de cistes fait difficulté : il semble qu’il y ait une seule corbeille, κίστας ἐχούσας se comprenant comme un génitif absolu ; en revanche le texte parle de chars (ἅρματα) au pluriel. Cette dissymétrie s’explique peut-être simplement par le fait qu’il y avait une seule ciste (comme c’est le cas dans les autres cultes à Mystères), mais que d’autres objets sacrés, employés par exemple dans les drames sacrés, étaient également portés sur des chars, jusqu’au Carneiasion. Cependant, il semble plus probable qu’il y ait eu une ciste par char (ce qui s’exprime également au singulier en grec). On aboutit ainsi à cette traduction : “les jeunes filles hiérai conduisant les chars, sur lesquels reposent des corbeilles contenant les hiéra pour les Mystères”.
44Au cours des Grands Mystères éleusiniens, les éphèbes transportaient d’Éleusis à Athènes les objets sacrés cachés dans des corbeilles le 14 de Boédromiôn, et le 19, les hiéra étaient escortés à Éleusis au cours d’une procession beaucoup plus ample94. Dans la mesure où il est peu probable que les hiéra soient restés toute l’année au Carneiasion, nous pouvons supposer que la procession permettait justement de les conduire de Messène (cité organisatrice des Mystères) jusqu’au sanctuaire où ils intervenaient dans l’initiation. Peut-être les hiéra étaient-ils conservés dans le sanctuaire de Déméter à Messène dont l’existence est attestée pas la description de Pausanias et par une inscription augustéenne95 ; P. G. Thémélis l’identifie avec le sanctuaire Ω-Ω, qui, d’abord consacré à une divinité chthonienne, est, par la suite, devenu le sanctuaire de Déméter96. La distance entre Messène et le Carneiasion est comparable à celle d’Athènes à Éleusis ; elle représente donc un itinéraire possible pour la procession.
45La procession centrifuge (comme celle des Mystères d’Éleusis) apparaît comme typique des cultes de Déméter parce que les sanctuaires de Déméter se trouvent souvent en dehors de la ville, soit en bordure d’une plaine agricole où sont cultivées les céréales sous la protection de Déméter (comme à Éleusis ou à Andania), soit dans les eschatiai (comme à Phigalie ou Lycosoura)97.
46En étudiant l’iconographie des Mystères d’Éleusis, Cl. Bérard avait mis en évidence la disproportion entre les très nombreuses représentations figurant la procession et les très rares images faisant une allusion même lointaine au culte du blé. On observe ici la même dissymétrie entre un règlement détaillé de la procession et un silence presque complet sur le déroulement des Mystères. C’est que la procession est la seule partie de la cérémonie qui soit volontairement exhibée : les participants s’y montrent à tous dans leurs vêtements les plus beaux. Les victimes qui seront offertes aux dieux défilent également aux yeux de tous ; l’ordre dans lequel tous les participants s’avancent reflète le futur bon déroulement du rite qui garantira le maintien du kosmos98.
47Parmi les règlements cultuels qui fixent les modalités d’une procession, celui des Mystères d’Andania apparaît comme le plus détaillé ; il diffère nettement de la plupart des autres parce qu’il prescrit dans la procession un dénuement rituel strict ; cette singularité s’explique probablement par le fait que la fête religieuse a un caractère initiatique.
Les sacrifices
1. Les sacrifices cathartiques (§ 7, 12)
48Les sacrifices cathartiques (katharmos) se placent probablement à l’arrivée de la procession au Carneiasion, sur les lieux où les sacrifices et les Mystères doivent s’accomplir. Il s’agit de “rites prophylactiques visant à éliminer des souillures dont on se trouve chargé sans le savoir, d’impuretés possibles, dont l’origine n’est pas précisée ; c’est le cas lors de cultes initiatiques”99. Cela explique que les mots καθαρμοί et τελεταί soient parfois synonymes100.
49Le hiéreus purifie vraisemblablement le sanctuaire dans son ensemble101 : l’espace purifié est délimité par des bandelettes disposées par les hiéroi (l. 35-37), de la même façon qu’on entourait à Athènes l’espace où se réunissait l’ecclèsia avec une corde ou que l’on avait placé des bornes à l’Amphiaraion d’Oropos102. La purification du sanctuaire devait comprendre le sacrifice de “deux agneaux blancs et d’un bélier sans tache” (l. 67) et une circumambulation du territoire dont le tracé était marqué par des bandelettes. Les victimes blanches sont souvent prescrites, en particulier pour les Dioscures103. G. Radke note qu’“à Lycosoura on immolait à Despoina θύματα θήλεα λευκά (IG, V.2, 514, l. 18)” ; de la même façon, on sacrifiait avant le commencement des Mystères d’Andania deux béliers blancs. Dans les deux cas, nous nous trouvons dans la sphère de divinités chthoniennes pour lesquels le sacrifice de victimes blanches est surprenant. Ce fait peut cependant s’expliquer par le fait que l’on se représentait les divinités des Mystères qui étaient secourables et amicales comme blanches104. Cette explication générale est certainement valable ; mais à Andania les divinités auxquelles s’adressent les Mystères sont les Grands Dieux, c’est-à-dire les Dioscures qu’on se représente resplendissants de blancheur105.
50Le théâtre est purifié avec un soin particulier, au moyen du sacrifice, parce qu’y ont lieu des représentations essentielles à l’accomplissement des Mystères, voire peut-être l’intégralité de l’initiation, puisqu’aucun télestérion n’est mentionné dans le texte106. On utilise alors trois porcelets (l. 68), victimes de peu de prix, caractéristiques des purifications : en effet, de même que le sang lave le sang qui souille le criminel, les porcs, réputés impurs, sont sacrifiés dans les purifications ; “dans une telle opération, la substance cathartique agit d’une manière paradoxale en raison de son impureté”107. Il semble que Déméter exige particulièrement le sacrifice cathartique d’un porcin, puisque, à Délos, le Thesmophorion est purifié au moyen d’un porc108, comme le temple et la maison de la prêtresse à Éleusis109.
51Les mystes doivent aussi sacrifier collectivement cent agneaux, fournis par la cité en même temps que les autres bêtes de sacrifice. Les moutons sont comme les porcs les victimes que l’on réserve aux purifications – pour la même raison. Le parallèle s’impose avec les Mystères d’Éleusis : le 16 de Boédromiôn, les candidats à l’initiation sacrifient un porcelet chacun110.
52Le texte ne comporte pas d’indication précise sur la façon dont les participants à la fête doivent se purifier. Il mentionne simplement des vases à lustration (à ablution) appelés d’un mot rare, sinon inconnu par ailleurs, ὕδραναι (l. 37), mais que d’autres textes nomment περιῥῥαντήρια et qui, placés à l’entrée des sanctuaires, en marquaient les limites111 ; l’opération s’accompagne probablement d’une circumambulation comme le suggère l’emploi d’un mot technique formé avec le préfixe περι-.
2. Les thusiai (§ 6, 12)
53La purification constitue un rite préparatoire à la fois pour le grand sacrifice (thusia) et pour les Mystères. Il semble que le sacrifice a lieu près de la source Hagna ; un passage du texte le laisse du moins entendre : “Que Mnasistratos reçoive ce que les sacrifiants (oἱ θύοντες) déposent (τραπεζντι) près de la source ainsi que la peau des victimes” (l. 86). Il y avait donc près de la source une table à offrandes (τράπεζα), sur laquelle étaient déposées des offrandes appelées τραπεζόμενα ; ce rite accompagne normalement le sacrifice des victimes sanglantes (thusia) sur un autel (bômos)112.
54Les victimes fournies par des citoyens, dûment examinées et marquées113, puis conduites dans la procession, sont destinées, chacune en particulier à l’un des dieux du sanctuaire :
une truie pleine pour Déméter,
un bélier pour Hermès,
une jeune truie de deux ans pour les Grands Dieux,
un verrat pour Apollon Carneios,
une brebis pour Hagna (l. 33-34 et 68-69).
55Déméter reçoit dans beaucoup de fêtes une truie pleine ; c’est le cas par exemple à Athènes, pour Déméter Chloè ou à Mykonos le 10 de Lénaion114. D’une manière générale les porcins interviennent fréquemment dans le culte de Déméter : à Camarine et dans le centre du Péloponnèse, des ex-voto représentent la déesse avec un porcelet dans les bras115. Les os d’animaux trouvés dans les fouilles du sanctuaire de Déméter et Corè à l’Acrocorinthe proviennent majoritairement de porcins. Les textes littéraires décrivent le rituel attique des Skira consistant à enterrer des porcelets entiers que l’on laisse pourrir dans des fosses (les mégara) avant de les exhumer aux Thesmophories suivantes ; des squelettes entiers de porcelets témoignant probablement de cette pratique ont été retrouvés au sanctuaire de Déméter à Mytilène116. On sacrifie généralement une victime pleine à des divinités féminines, d’où le choix d’une truie pleine pour Déméter117.
56Le sacrifice d’un bélier à Hermès se comprend bien puisqu’il s’agit d’Hermès Criophore, dont Pausanias a vu la statue dans le bois sacré118 ; cependant “l’attribution de cet animal à Hermès avait un sens mystique que Pausanias ne s’est pas permis de révéler”119. Les Grands Dieux, quant à eux, reçoivent une jeune truie de deux ans.
57Le règlement des Mystères énumère à deux reprises les victimes qui doivent être immolées au cours de la thusia. Les listes varient sur deux points : l’ordre de l’énumération (les victimes dédiées à Hermès et aux Grands dieux sont interverties) et la formulation pour la victime à sacrifier aux Grands Dieux (“une jeune truie” [l. 34] et “une jeune truie de deux ans” [l. 69]). Ces variantes s’expliquent probablement par des oublis du rédacteur ou du lapicide : dans le premier cas, l’oubli a pu être rectifié, mais pas dans le second. Il ne semble pas fondé de voir dans la précision sur l’âge de la victime pour les Grands Dieux l’indice d’un changement dans le rituel : en fait, l’hypothèse que les Grands Dieux furent introduits au Carneiasion à l’occasion de la réforme de 91/90 est en contradiction avec le texte de l’oracle d’Argos (Syll.3, 735) qui affirme l’existence de sacrifices traditionnels pour ces divinités120.
58On sacrifie à Hagna plus probablement une brebis qu’un mouton (le grec est équivoque : ος). La divinité de la source en effet a dû être vénérée à une date très ancienne et était probablement à l’origine du culte121 ; or le mouton, victime sans grande valeur, est immolé dans les sacrifices de peu d’importance122.
59Le règlement des Mystères ne donne aucune précision sur le sacrifice lui-même, si ce n’est le silence prescrit aussi bien dans les sacrifices que dans les Mystères (l. 39). Il ne précise pas non plus quelles offrandes non-sanglantes accompagnent le sacrifice des victimes, contrairement à une loi sacrée de Lycosoura par exemple123, mais il y fait allusion puisque Mnasistratos recevra les offrandes déposées près de la source (l. 95-96). Comme il s’agit d’une thusia c’est-à-dire d’un sacrifice avec égorgement sur l’autel de la divinité, les victimes sanglantes sont partagées entre les dieux qui reçoivent τὰ νόμιμα (l. 95), c’est-à-dire les os des cuisses des victimes que l’on fait brûler sur l’autel124, Mnasistratos qui reçoit les peaux (l. 86), ce qui est la part du prêtre dans beaucoup de cultes125, et les convives du banquet. Le partage est assuré par les hiéroi : [τὰ λοι]πὰ κρέα καταχρησάσθωσαν εἰς τò ἱερòν δεπνον126. La fondation d’Attale II à Delphes (en 160/159) offre une formule parallèle : καταχρείσθωσαν δὲ τὰ κρέα ἐν τὰν δαμοθ[οι]νίαν127. Cette clause implique que les participants au banquet n’emporteront pas de parts des victimes pour leur consommation privée ; on pratiquait de même dans les Mystères d’Éleusis128.
60Le banquet rituel (ἱερòν δεπνον) rassemble tous ceux qui ont participé à la procession : “Avec les (femmes) hiérai et les jeunes filles (hiérai) (...), que (les hiéroi) accueillent le prêtre et la prêtresse et la prêtresse d’(Apollon) Carneios et Mnasistratos et sa femme et sa descendance et, parmi les technites, ceux qui auront joué dans les chœurs et, parmi le personnel de service, ceux qui les auront assistés dans l’exercice du culte” (l. 96-98). Si la thoinarmostria de Déméter et ses adjointes ne sont pas citées, c’est probablement qu’elles assurent l’organisation matérielle du banquet qui réunit le personnel d’encadrement des Mystères – mais exclut les mystes, semble-t-il.
61On peut supposer que le banquet a lieu sous les tentes (et non dans un bâtiment spécifique), comme aux Thesmophories d’Athènes, où les femmes festoyaient dans des huttes de feuillage sur la Pnyx129 ou aux Carneia à Sparte130. Le terme technique attendu (σκηνον) n’est pas employé dans le diagramma. On y trouve cependant le mot σκαναί (l. 34, 36, 38) qui se rencontre dans deux contextes différents : il s’applique soit à un campement rituel (en particulier pour la célébration des Thesmophories131), soit à des échoppes temporaires dans les panégyries132. Cependant on ne peut pas hésiter sur le sens de σκαναί dans le règlement d’Andania, puisqu’il précise que μηθένα τν μὴ ὄντων ἱερν ἔχειν σκανάν (l. 36). Les tentes ne peuvent être installées que dans l’espace que les hiéroi ont délimité (περιστεμματώσωντι, l. 35-36) et leur taille est limitée, dans un souci de dénuement rituel en accord avec la proscription du luxe des vêtements et des parures.
62Ce type de festin collectif qui avait lieu à la campagne “dans un décor de bois, de sources, de montagnes”133 appartient à un fonds primitif de la religion grecque et plaide en faveur de l’ancienneté du sanctuaire et du culte. L. Gernet en rapporte l’origine à des festivités qui réunissaient plusieurs villages autour d’un même sanctuaire, en une manifestation d’hospitalité réciproque134.
63Tous les aspects du culte que nous avons décrits jusqu’à maintenant pourraient appartenir à n’importe quelle fête grecque importante : procession, purification, sacrifice. Ils appartiennent aussi bien aux Panathénées qu’aux Carneia, aux Thesmophories qu’aux Pythia. Toutefois, ce qui fait l’originalité de la fête qui nous occupe, ce sont les Mystères : leur déroulement n’est pas décrit (le contraire serait surprenant), mais le diagramma fournit cependant quelques indices sur cette partie de la fête.
Les Mystères
1. Le vocabulaire propre aux Mystères
64Le règlement des Mystères appelle la fête simplement τὰ μυστήρια (l. 2, 140-141, 178-179, 188) ou plus précisément αἱ θυσίαι καὶ τὰ μυστήρια (l. 39, 74, 75, 85-86) et τὰ μυστήρια καὶ αἱ θυσίαι (l. 183-184). Les fêtes religieuses grecques sont souvent désignées par l’énumération de leurs composantes : par exemple la fête de Magnésie du Méandre en l’honneur de Zeus Sosipolis est définie par le triptyque κατευχὴ καὶ πομπὴ καὶ θυσία135.
65Même si le terme de μύησις n’est employé à aucun moment, c’est l’initiation qui constitue la justification même de tout le culte et nous trouvons dans le règlement cultuel le lexique spécifique des Mystères. Le texte interdit aux non-initiés (ἀμύητος l. 36) l’accès à l’espace sacré délimité par les hiéroi. Le candidat à l’initiation n’est pas désigné par le mot habituel : μύστης. En revanche il est question de πρωτομύσται (l. 14, 50, 68) ; le mot peut se comprendre de deux façons : soit “ceux qui viennent d’être initiés”136, soit “ceux qui sont initiés pour la première fois”, conformément aux deux sens possibles des composés en πρωτο-. Il est peu vraisemblable qu’il s’agisse comme le pense H. Sauppe d’une dénomination pour un grade supérieur d’initiation137 et il ne peut s’agir non plus de chefs de groupes d’initiés, puisque cette fonction est manifestement désignée par le mot μυσταγωγοί (l. 149-150). Ces initiés se signalent par le port de la στλεγγίς qui les distingue des autres participants jusqu’au moment où ils se couronnent de laurier comme les autres, probablement au début de la thusia, comme dans les Leucophryèna de Magnésie du Méandre138 ; ils paient l’ὑποστατικόν (l. 50), qui semble être un droit d’entrée et offrent un sacrifice particulier de cent agneaux (l. 68). Peut-être trouvons-nous ici un équivalent des éphèbes athéniens initiés collectivement à Éleusis et faudrait-il entendre par πρωτομύσται “ceux qui sont initiés pour la première fois”.
66Les mystagôgoi, choisis parmi les hiéroi (l. 149-150) sont probablement, comme à Éleusis139 et, comme leur nom l’indique, ceux qui ont pour fonction d’encadrer un groupe de mystes.
67Le texte ne distingue pas entre plusieurs stades d’initiation, comme télétè ou muèsis et épopteia à Éleusis ou à Samothrace, où ont été mis au jour des listes de μύσται et d’ἐπόπται140. L’initiation est désignée par le mot τελετά (l. 3)141, accomplir les Mystères se dit ἐπιτελεν (l. 2-3, 60, 63, 176-177, 184-185) ou συντελεν (l. 39, 64, 141-142) ; leur accomplissement est dénommé συντέλεια (l. 60, 184-185).
68Les Mystères peuvent avoir lieu seulement parce que Mnasistratos a transmis la κάμπτρα (l. 11) et les hiéra, appelés ici expressément ἱερὰ μυστικά (l. 30). Ces derniers sont contenus dans la κίστα (ibid.), la corbeille propre aux cultes à Mystères, présente notamment dans les cultes dionysiaques, mais aussi dans de nombreux cultes de Déméter et singulièrement à Éleusis ; elle est le centre de la procession qui permet d’escorter solennellement les ἱερά jusqu’au sanctuaire où les Mystères auront lieu.
69Les clauses du règlement consacrées à la procession et aux sacrifices sont très détaillées ; au contraire, seules quelques allusions isolées concernent les Mystères. Cette disparité de traitement s’explique par le secret qui entoure les initiations ; on la retrouve dans l’iconographie où les processions et les sacrifices sont abondamment représentés alors que les actes de piété individuels sont rares. Peut-être faut-il en conclure qu’il est plus important de représenter la piété dans ses manifestations collectives et poltiques plutôt que l’engagement individuel du fidèle142.
70Bien que le diagramma ne soit pas très prolixe sur le contenu de l’initiation, il est cependant fait allusion à deux rituels typiques des cultes à Mystères : les danses et les représentations théâtrales.
2. Les danses
71Les danses sont associées aux sacrifices, mais aussi aux Mystères ; d’après Lucien, elles sont indissociables de ces derniers143. Peut-être faut-il en chercher la raison dans le fait que d’après Platon144, les danses sont toujours mimétiques : elles miment l’amour, la guerre, les travaux des champs. “Il est possible que les danses aient à l’origine dû favoriser, en vertu de lois magiques, le succès des actes qu’elles symbolisent”145.
72Il est impossible de savoir ce qu’étaient précisément les danses du Carneiasion. Peut-être – au moins pour partie – étaient-elles exécutées par les initiés, comme dans le culte à Mystères de Despoina et de Déméter, dans la cité voisine de Lycosoura : les initiés (en tout cas certains d’entre eux) portant des masques d’animaux jouaient d’instruments de musique et dansaient. Un pan de draperie appartenant au groupe cultuel de Damophon de Messène (et plus précisément à la statue de Despoina) montre ces personnages146.
73Généralement, les danses sont exécutées par des technites réunis en corporation, comme c’était le cas dans les cultes anciens147 ; les artistes pour les chœurs sont recrutés par les hiéroi (l. 73-75). Nous n’avons pas autrement connaissance de l’existence d’une telle corporation à Messène ; la seule autre attestation du mot dans l’épigraphie messénienne se trouve dans le relevé de l’oktôbolos eisphora148.
74Le texte ne nous apprend rien de plus sur les danses. Reste que “dans la plupart des fêtes, plusieurs équipes de danseurs rivalisent, il y a des vainqueurs et des vaincus ; l’action sacrée de la danse se confond avec celle du concours”149 et nous pouvons supposer que tel était le cas au Carneiasion. La présence de l’agônothète trouverait ainsi une justification (l. 29).
3. “Représentation des dieux” (§ 4)
75Le diagramma fait une allusion rapide à la θεν διάθεσις (l. 24), pour laquelle les hiérai doivent suivre particulièrement les recommandations des hiéroi à propos des vêtements et objets tabous, puisqu’elles se déguisent (διασκευάζεσθαι [ibid])150. Le texte de la clause fait difficulté ; la pierre porte : ὅσα δὲ δε διασκευάζεσθαι εἰς θεν διάθεσιν ἐχόντω τòν εἱματισμòν καθ’ ὃν ἄν oἱ ἱεροὶ διατάξωντι. Les premiers commentateurs butèrent sur ὅσα. H. Sauppe suppléa un sigma en comprenant que ὅσας était le sujet de ἐχόντω, puisque ce dernier devait se trouver dans la proposition relative ; il traduisait : “celles qui doivent se déguiser pour la représentation des dieux…”. Il paraît préférable de conserver tel quel le texte et de comprendre que le sujet de ἐχόντω est sous-entendu : “Et pour tout ce qui doit être arrangé en vue de la représentation des dieux, qu’[elles] portent le vêtement que les hiéroi auront prescrit...” Cette solution paraît préférable car elle évite une correction dans un texte très soigneusement gravé ; on doit simplement, dans ce cas, admettre la légère anacoluthe impliquée et l’idée que toutes les hiérai ne participaient pas à la “représentation des dieux” (hypothèse effectivement vraisemblable).
76De telles représentations sacrées assumées par les participants au culte ne sont pas très fréquentes : certaines ont lieu au cours de la procession ; ainsi l’épiphanie divine est figurée par une mise en scène dans le culte d’Isis et de Zeus-Sarapis151. A l’époque impériale, le règlement attique des Iobacches offre cependant un parallèle : les μερισμoί sont des rôles assumés par cinq Iobacches qui représentent Dionysos, Corè, Palaimôn, Aphrodite et Proteurythmos152.
77Il semble que les hiérai participaient à ces représentations dans un théâtre qui se trouvait effectivement à l’intérieur du sanctuaire et non à Messène153 et où elles devaient jouer le rôle des dieux dans des drames mythologiques. L’ordre dans lequel elles avaient été tirées au sort avait peut-être, ici comme dans la procession, son importance, si l’on en croit le parallèle offert par le règlement attique des Iobacches (l. 125-136). Au Carneiasion, le lieu possible des représentations n’a pas été identifié. En revanche, nous connaissons des édifices construits spécialement pour ce type de rituels. Ainsi le sanctuaire des Grands Dieux à Samothrace possède un étonnant édifice (autel de douze mètres de long et de huit mètres de haut) qui tourne le dos au temple ; H. Seyrig a émis l’hypothèse qu’il servait à mettre en scène des théoxénies, dans lesquelles les mystes ou les fidèles déjà initiés jouaient le rôle des dieux154.
78A Éleusis, on suppose qu’avaient aussi lieu des pantomimes représentant le mythe de Corè : ce sont les drôména155 ; de même, au cours des Thesmophories, les Mégariennes mimaient le moment où Déméter erre à la recherche de Corè156. L’incorporation de représentations d’un mythe était rare dans les rites en Grèce ancienne ; aussi K. Clinton insiste-t-il sur l’importance de l’innovation qu’a dû représenter le culte d’Éleusis dans ce domaine157. En effet, les dieux des cultes à Mystères ont en commun une expérience de la vie humaine : Perséphone, enlevée aux Enfers, connaît la mort, comme Dionysos mis en pièces ; Déméter, à la recherche de sa fille disparue, connaît les affres du deuil ; réciproquement les initiés acquièrent une expérience du divin, en particulier en mimant les mythes dont les dieux des Mystères sont les héros.
79En somme, bien avant la transformation du culte du Carneiasion en filiale d’Éleusis (à l’époque impériale), des Mystères préexistaient dans le bois sacré d’Andania. Ils ne comportaient manifestement qu’un degré d’initiation, dont le contenu essentiel nous échappe. Nous savons seulement qu’il s’adressait aux femmes comme aux hommes, aux libres comme aux esclaves et qu’il nécessitait des danses et des pantomimes.
4. Périodicité et date
80Les Mystères sont célébrés chaque année, comme le montre ce passage du texte : “Que les hiéroi inscrivent chaque année (καθ’ ἐνιαυτόν) à l’avance (le nom) des aulètes et des citharistes qui assureront le service du culte dans les sacrifices et les Mystères” (l. 73-74). Beaucoup de cultes à Mystères sont annuels, comme les Mystères d’Éleusis. Cependant quelques-uns sont mensuels, comme ceux d’Orphée158 ou triétériques, comme certains cultes de Dionysos159 ou de Déméter160. La périodicité annuelle des Mystères incite à les rattacher au cycle des saisons et donc à des cultes agraires. La détermination de la date de la cérémonie confirmera cette hypothèse.
81Le règlement des Mystères utilise un calendrier dans lequel les mois sont numérotés ; jusqu’au iie siècle a.C., les Messéniens employaient un calendrier épichorique qui nous est mal connu, sinon par trois noms de mois mentionnés dans un règlement cultuel (IG, V.1, 1447) ; mais, lorsqu’ils furent contraints d’adhérer au koinon achaien en 192 a.C., ils adoptèrent le calendrier fédéral161, qui semble s’être maintenu même après la conquête romaine et la dissolution du koinon162 – comme le confirment notre texte et le relevé de l’oktôbolos eisphora (l. 16-17 et 32).
82Deux noms de mois y sont attestés, le sixième : “Le douzième jour du sixième mois, que les damiurges, avant que n’ait lieu le tirage au sort des hiéroi et des hiérai, défèrent au peuple un vote à main levée en vue de la nomination des Dix” (l. 116-122), et le onzième : “Que ceux qui sont devenus hiéroi et hiérai la 55e année prêtent le même serment, avant les Mystères, au cours du onzième mois” (l. 10-11).
83Ce dernier passage nous livre la date de la fête : le Onzième mois. En 91/90 a.C., année de la restauration des Mystères, les opérations devront être précipitées ; mais, les années suivantes, les Dix puis les hiéroi seront désignés le douzième jour du sixième mois, cinq mois avant les Mystères qui avaient lieu au onzième mois. La date des Mystères peut être précisée en établissant une correspondance entre le calendrier achaien et ceux de Delphes et d’Athènes. On sait d’une part que le septième mois achaien correspond à l’Endyspoitropios delphien, d’autre part que le Poitropios delphien correspond au Poséidéôn athénien163. Le onzième mois du calendrier achaien correspond au Métageitniôn attique et les Mystères ont donc lieu en août-septembre, c’est-à-dire pendant le mois de Carneios au cours duquel les Spartiates fêtent les Carneia, en l’honneur de l’Apollon Carneios auquel le sanctuaire d’Andania est consacré.
84Les Carneia spartiates avaient lieu à la pleine lune164 ; compte tenu des nécessités d’une procession assez longue, on peut supposer que les Mystères d’Andania avaient également lieu à cette date, afin que le départ puisse avoir lieu très tôt le matin, avant le lever du soleil, comme c’est encore aujourd’hui l’usage dans la région pour les processions du 15 août en l’honneur de la Panhagia qui conduisent à des chapelles situées au loin dans les montagnes165.
Notes de bas de page
1 Jeanmaire 1939, 255 et 256 (loc. cit.).
2 l. 1 : [ἂ]μ μή τις ἀρρωστε ; cf. supra, p. 80.
3 Stengel 1910, 82 ; Stengel 1920, 137.
4 Phlionte : IG, IV, 439, cf. pour la bibliographie : Van Effenterre-Ruzé 1995, no 9 (date : 600-550).
5 Pergame (règlement à propos de la prêtrise d’Asclépios) : LSA, 13, l. 28.
6 Stengel 1920, 136-137 ; Nilsson 1969, 140.
7 Rudhardt 1992, 262.
8 Comme dans un fragment d’une inscription de Dréros (Nomima, II, 10) ; Van Effenterre-Kalpaxis 1991, 26-30 (fragment du iie s., où le mot figure également dans le contexte de serments ; cf. BCH, 113, 1989, 447-449).
9 Benvéniste 1969, 163 ; Pfister 1922, 21-58.
10 Daux 1942, 59.
11 Stengel 1920, 61 et 137-138.
12 LSG, 65, l. 2.
13 Stengel 1920, 138.
14 Plat., Critias, 120 b ; Stengel 1920, ibid.
15 Daremberg-Saglio, s.v. Sacrificium, 957 ; Démosthène, C. Aristocratès, 67-68 : L’accusateur dans une affaire de meurtre “prête serment avec imprécation contre lui-même, sa descendance et sa maison (...) celui qui a prêté un tel serment n’est pas cru sur parole : s’il est convaincu de mensonge, il y aura seulement gagné de faire retomber son parjure sur ses enfants et sur sa descendance” (trad. J. Humbert-L. Gernet, CUF, 1959).
16 LSG, 78, 158, l. 8-9. Le passage a été restitué grâce à la formule parallèle du serment du greffier (l. 12) ; cf. G. Rougemont, CID, I, 10 et le commentaire 103-106 ; J. Rudhardt (1992, 208, notes 2 à 4) réunit les exemples attiques – littéraires ou épigraphiques.
17 Hdt. 6.86 (traduction A. Barguet, légèrement modifiée).
18 Diehl, I, 265 cité par É. Benvéniste (1969, 163-175).
19 Benvéniste 1969, 175.
20 Stengel 1920, 85.
21 Cf. Deshours 2004b, 138.
22 Hicks 1891, 233-236, no 16 ; cf. OGIS, 573 (cf. Latte 1920, 7 et n. 7) ; il s’agit d’une association d’Ἑταροι et de Σαββατισταί (= LSA, 80, mais Fr. Sokolowski refuse de lire κατ’ ἵσον l. 23).
23 Stengel 1920, 86 ; cf. Paus. 2.2.1 ; 8.15.2.
24 Cf. supra, p. 59-60.
25 Démosthène, C. Nééra, 78 : “Je suis en état de pureté rituelle (ἁγίστεύω), exempte de toute cause de souillure (καθαρὰ καὶ ἁγνὴ ἀπό τε τν ἄλλν τν οὐ καθαρευόντων) et en particulier de l’union avec l’homme. Je célébrerai les Théoinia et les Iobaccheia en l’honneur de Dionysos conformément aux rites des ancêtres et aux temps prescrits” (trad. L. Gernet, CUF, 1960). E. Krob (1997, 448-449) cite aussi une loi sacrée de Cos, provenant du dème d’Antimacheia et mentionnant la nécessité pour les prêtresses de Déméter de prêter serment à leur entrée en charge (le texte [LSG, 175, ive s.] n’en précise pas la teneur).
26 Parker 1996, 82 ; Clément d’Alex., Stromates, 4.19.121.1-3.
27 Burkert 1985, 365-370 ; Detienne 1989, 151-155 et eiusdem 1979, 183-214, passim.
28 Latte 1920, 7.
29 Démosthène, C. Nééra, 78 (trad. L. Gernet, CUF, 1960) ; cf. Deubner 1932, 100 avec les notes 5-7.
30 Jeanmaire, ibid.
31 Certaines hiérai ne sont pas des femmes mariées ; cependant il est assez clair (étant donné ses termes) que, dans ce cas, elles ne prêtent pas le même serment que les épouses légitimes.
32 Valmin 1930, 95 ; cf. supra p. 49, 52.
33 Graf 1996. L’auteur distingue les processions centripètes, qui se déploient depuis la périphérie du territoire jusqu’au centre (comme celle des Panathénées ou celle de Dionysos Éleuthéreus à Athènes) et les centrifuges qui partent de la ville en direction d’un sanctuaire de la chôra (comme celle des Hyacinthies à Sparte ou des Brauronies à Athènes).
34 Pour la procession des Mystères d’Éleusis : IG, II2, 949, l. 9 sq ; cf. Mylonas 1961, 245 sq. ; Graf 1996, 61-65 ; pour la procession des Hyacinthies : Calame 1977, 306-307 ; pour la procession des Molpoi à Milet : LSA, 50, l. 18-31 ; cf. Tuchelt 1992, 38-50 ; Graf 1996, 60-61.
35 Cf. supra, p. 71-72, 75-77.
36 Valmin 1929, no 2, Décret de Thouria en l’honneur de Damocharis, contemporain du règlement des Mystères = SEG, XI, 974, l. 20.
37 IG, V.2, 265 (85e année de l’ère achaienne) ; cf. Jost 1996, 344.
38 Cf. supra p. 71, 73.
39 Buck 1955, § 851 ; Mendez-Dosona 1985, p. 347 ch. 2.10 g ; Brixhe 1995-1996.
40 C’est en tant que réformateur de la fête qu’il conduit la procession ; cf. Koehler 1996, 164 (cependant l’affirmation que Mnasistratos a contribué au financement de la fête est gratuite).
41 IG, II2, 949, l. 9-10 ; Foucart 1914, 178 ; Clinton 1974, 46.
42 Ibid., 10-11.
43 Le Guen-Pollet 1988, 150.
44 IG, V.1, 1432, l. 23 (τν ἀρχότων καì συνέδρων).
45 Contra Fr. Sokolowski, LSG, 65, p. 132, ad l. 29.
46 Pour les Dioscures : IG, V. 1, 109, l. 2-3 (Auguste) et 233 (Hadrien) ; cf. Hupfloher 2000, 120-123 ; l’auteur écarte un troisième exemple (586). D’autres prêtrises sont tantôt exercées par des hommes, tantôt par des femmes (eiusdem, 107-146).
47 LSS, 6, l. 15-16 (c. 431-411) et LSG, 45, l. 6-7.
48 Paus. 8.13.1 ; sur le sanctuaire, cf. Jost 1985, 121 ; sur le culte, eiusdem, 416-441.
49 IG, V.1, 1442 : Dédicace des deux prêtres à la Limnatis ; cf. Ad. Wilhelm, AM, 16, 1891, 351.
50 Guarducci 1934, 180.
51 IG, II2, 1672 apporte la preuve qu’en 329/328 la prêtresse des deux Déesses (dont la maison est mentionnée à plusieurs reprises [l. 17, 74, 305]) ainsi que le dadouque (l. 305) et d’autres prêtresses (l. 293) vivaient dans le sanctuaire éleusinien ; cf. Clinton 1974, 20.
52 Farnell 1904, 74 et 86. Cf. IG, V.1, 589, l. 7-8 ; l’épiclèse est par ailleurs attestée dans IG, V. 1, 497, l. 12 et 608, l. 2-3 (où elle est partiellement restituée) sous la forme Boικέτας et non Oibotas, comme l’écrit L. R. Farnell.
53 Messène : IG, V.1, 1447, l. 12, 15 (date antérieure à l’entrée de Messène dans le koinon achaien [191]) = LSG, 64. IG, V.1, 1498, l. 4, 6, 7, 11. Il s’agit d’une loi sacrée de Déméter, datant du iie s. a.C. d’après W. Kolbe et que l’on peut envisager d’attribuer à Messène car, si elle a été remployée près de Corônè, sa provenance est inconnue et sa petite taille autorise une telle hypothèse ; cf. LSG, 66.
54 Migeotte 1985, 606 ; BCH, 117, 1993, 795. Cf. infra, p. 209 et 228.
55 Foucart 1876, 168 ; IG, V. 1, 584, 589, 592, 596, 606, 1511 (= LSS, 29, loi sacrée très mutilée trouvée à l’Éleusinion de Kalyvia qui mentionne peut-être aussi des hiérai), SEG, 36, 353. La fonction est attestée sous d’autres formes dialectales : θυναρμόστρια (IG, V.1, 583) et σειναρμόστρια (229). Cf. Cook 1950, 279 ; Hupfloher 2000, 37-46.
56 SGDI, 4689 p. 136. Même construction dans une inscription de Kalyvia (IG, V.1, 606, l. 3-5) ; cf. Hupfloher 2000, 41.
57 J. et L. Robert, Bull. 1962, 206 et SGDI, ibid.
58 Sauppe 1896, 273 = 1859, 282 ; Syll.3, 736, n. 24 : Fr. Hiller von Gaertringen précise qu’elles ont non seulement été désignées, mais qu’elles ont vraiment assumé leur fonction, sans se contenter de la solliciter pour des raisons de prestige.
59 Delphes : LSS, 44, l. 7 (160/159 a.C.) ; Aigialè : LSS, 61, l. 52 (fin du iie s. a.C.).
60 IG, V.1, 1447 ; Cook, 1950, 279 et n. 41. Le titre de Ἑστία πόλεως est également connu à Méssène (SEG, 51, 458, l. 25)
61 Paus. 6.21.1 ; le Périégète met en rapport l’épiclèse Χαμύνη avec la fermeture (χανεν) de la terre après le passage du char d’Hadès enlevant Corè.
62 Grandjean 2003, 67 (participation des Messéniens aux côtés des Arcadiens à la guerre contre Élis en 365 a. C.) ; 74 (expédition messénienne victorieuse contre Élis et occupation de la ville vers 272 a. C.).
63 Pausanias (8.38.5) mentionne un hippodrome sur le mont Lycée, situé près de la source Hagnô et consacré à Pan ; Stiglitz 1967, 66 et 229 ; Jost 1985, 182 et Pl. 48.2 et 3.
64 Baladié 1980, 193 ; l’un des domaines mentionnés dans IG, V.1, 1433 s’appelle Hippika (l. 24, selon la lecture d’Ad. Wilhelm).
65 Guarducci 1934, 180.
66 Paus. 4.31.9 ; SEG, XXIII, 207, l. 28 ; BCH, 117, 1993, 795 ; BCH, 118, 1994, 714-715.
67 IG, V. 2, 399 ; cf. J. et L. Robert, Bull. 1976, 255 ; Jost 1985, 419-420.
68 Paus. 4.17.1.
69 Hirschfeld 1984.
70 Paus. 4.17.1 ; Detienne 1981, 85.
71 Cf. infra, p. 188-189.
72 Cavanagh et al. 1996, II, 306, LL205 (avec les références) ; Winter-Winter 1983, 3-10.
73 Oinoanda : Wörrle 1988, 10, l. 59-62 et le commentaire 209-215.
74 IG, VII, 2871, l. 3 : liste de vainqueurs aux Pamboiotia.
75 IG, VII, 453 : τòν δενα ἐπιμελετὴν γενο[μένον] ἱερν et IG, VII, 4254 (décret de l’Amphiaraion daté de 329/328), l. 11-14 : οἱ χειροτονηθέντες ὑπò το δήμου ἐπὶ τὴν ἐπιμέλειαν το ἀγνος καὶ τν ἄλλων τν περὶ τὴν ἐορτὴν το Ἀμφιαράου.
76 Robert 1963, 68-69 = OMS, 6, 607-608 ; Wörrle 1988, 209-215.
77 Reisch 1895, 870-877.
78 Winand 1990, 207.
79 SGDI, 4651, l. 11-12 (iiie ou iie s. a.C.) : l’agônothète est chargé de proclamer les honneurs décernés à un personnage inconnu.
80 Burkert 1985, 279.
81 Oinoanda : l. 59-68 ; cf. Wörrle 1988, 183 ; 195-196.
82 Arist., Pol., 6.1322b. 24-25.
83 IG, V.1, 1467, l. 4 (ier s. p.C. d’après W. Kolbe) ; 1468, l. 11 (80/81 d’après J. Winand [1990, 177]) ; IG, V.1, 1469, l. 4 (126/127 [ibid.]) ; SEG, 41, 337, l. 5 (174) ; SEG, 41, 339, l. 2 ; BCH, 94, 1970, 984, l. 9-10. Cf. également SEG, 40, 366.
84 Winand 1990, 207.
85 Winand 1990, 173 (l’auteur considère à tort Andania comme la cité qui organise les Mystères).
86 Winand 1990, 206.
87 Le Guen-Pollet 1988, 149. A contrario, une loi sacrée athénienne fixe les rénumérations des prêtres et de leurs aides pour les Mystères d’Éleusis (date : entre 510 et 480) : SEG, XII, 2 (= LSS, 1) ; Bull. 1949, 36.
88 Paus. 9.3.7 : οἱ δὲ αθις κληρονται καθ’ ἥντινα τάξιν τὴν πομπὴν ἀνάξουσι.
89 Gernet-Boulanger 1970, 75.
90 Érétrie : LSG, 92, l. 35-40 (ive s. a.C.).
91 IG, II2, 949 ; Clinton 1974, 46.
92 Gernet-Boulanger 1970, 79.
93 Syll.3, 736, note 22.
94 Nilsson 1969, 664.
95 Paus. 4.31.9 ; SEG, XXIII, 207, l. 28.
96 Thémélis 1998, 157-186 ; cf. le plan Pl. 4, p. 276.
97 Graf 1996, 64.
98 Bérard 1984, 138.
99 Rudhardt 1992, 164 qui cite Démosthène, Couronne, 259.
100 Cf. Croissant 1933, 66 ; cf. Eur., Bacch. 72-79 ; Plat., Phèdre, 244e ; Lois, 7.815c cité par L. Moulinier (1952, 300 et note 6).
101 Foucart 1876, 278.
102 Waechter 1910, 7.
103 Radke 1936, 23-27 ; pour les Dioscures, 25 (cf. Hh Dioscures, 10).
104 Radke 1936, 26.
105 Pour leur identification, cf. infra, p. 207-210.
106 Cf. supra, p. 89.
107 Moulinier 1950, 106 ; Rudhardt 1992, 166.
108 Bruneau 1970, 270-274, 286-287 ; cf. p. 287 le tableau récapitulant les mentions dans les comptes des hiéropes de porcs destinés à purifier le Thesmophorion. Cependant la purification au moyen du sang d’un porcin est attestée dans d’autres cultes, notamment dans le sanctuaire d’Apollon et de Lèto à Délos (Parker 1996, 30) ou celui d’Asclépios à Pergame (Ælius Aristide 48.31).
109 IG, II2, 1672, l. 126-127.
110 Deubner 1932, 75.
111 LSJ donne une seule autre attestation douteuse ; Waechter 1910, 7.
112 Rudhardt 1992, 233 et n. 4.
113 Sur l’adjudication et la docimasie des victimes, cf. supra, p. 86-87.
114 Nilsson 1969, 151-152 ; Athènes : IG, II2, 1358 ; Myconos : Syll.3, 1024, l. 15 sq (= LSG, 96).
115 Ferguson 1989, 20 ; cf. Wegner 1982, 201-219.
116 Athènes : Deubner 1932, 43 (Skira) et 50 (Thesmophories) ; Corinthe et Mytilène : Bookidis 1999, 51.
117 Stengel 1920, 155 et n. 7. Par exemple, une brebis pleine pour Athéna Skiras dans le règlement des Salaminiens (LSS, 19, l. 92), pour Gè dans le calendrier d’Erchia (LSG, 18E, l. 16-21), pour Déméter dans le calendrier cultuel de Thoricos (SEG, 33, 147, l. 38-39, 43-44).
118 Paus. 4.33.4.
119 Paus. 2.3.4 et Foucart 1876, 165.
120 Cf. supra, p. 67-69.
121 l. 84 : ἀρχαα ἔγγραφα.
122 Meillet 1975, 300.
123 IG, V. 2, 514, l. 13-17.
124 Rudhardt 1992, 262 ; Burkert 1985, 56-57.
125 Le Guen-Pollet 1988, 149-156 ; cf. LSG, 92, l. 28-30 (Érétrie) ; LSG, 164, l. 23 (Cos) ; LSG, 12, l. 8-11 (la prêtresse d’Athéna Nikè reçoit les peaux, les pattes [σκέλη] et 50 drachmes) ; LSG, 28, l. 5-6 ; ils peuvent aussi recevoir une part des victimes (LSG, 29, l. 2-3).
126 L. 95-96.
127 LSG, 80, l. 10-11. D’autres règlements cultuels prescrivent comment répartir les différentes parties des victimes après le sacrifice : LSG, 90, Callatis, culte de Dionysos Dasyllios au iie s. a.C. : les viandes vont aux mystes ; les peaux, les têtes, les pattes et les cornes sont à vendre dans le Dasylleion ; LSA, 54 (Didymes) et 72 (Halicarnasse).
128 Foucart 1876, 374-375 et n. 3 ; de même à Myconos, dans un sacrifice pour des divinités chthoniennes, il est précisé : δαινύσθων αὐτο (Syll.3 1024, l. 26 = LSG, 96).
129 Aristophane, Thesmo., 624 et 658.
130 Wide 1893, 74.
131 Aristophane, Thesmo., 658 ; cf. Schmitt-Pantel 1992, 281. Un fragment de pyxis attique trouvé à Géla porte cette dédicace (c. 475-450) : hιαρὰ Θεσμοφόρō/ ἐκ τς ∆ικαιȏς σκανς ; “(Je suis) consacrée à (la) Thesmophore ; (je viens) de la tente de Dikaiô” (cf. Pugliese-Carratelli 1996, 199 ; Dubois 1989, no 155).
132 Cf. supra, p. 92.
133 Gernet-Boulanger 1970, 36.
134 Ibid., 38.
135 Magnésie du Méandre : Syll.3, 589, l. 7-8 = LSA, 32 (197/196 a.C.).
136 C’est le sens que donnent les dictionnaires.
137 Sauppe 1859, 268 = 1896, 302.
138 Syll3, 695, l. 39.
139 Daremberg-Saglio, s.v. Eleusinia, 565. P. Foucart pense que les prôtomystes sont les chefs de groupes de mystes et cite Achille Tatius (3.32) qui n’est guère probant : νόμος ἡμν, ἔφη, τοὺς πρωτομύστας τς ἱερουργίας ἄρχεσθαι, μαλιστ’ ὅταν ἄνθρωπον καταθύειν δε.
140 Éleusis : Nilsson 1969, 655 ; Samothrace : Cole 1984, 38-48 ; Lehmann in Fraser 1960, 74-111.
141 Pausanias (4.1.6) emploie la même expression : τελετὴ τν Μεγάλων Θεν. A Samothrace, τελετή n’est pas attesté ; on emploie l’expression τὰ μυστήρια, cf. Cole 1984, 114 (note 217).
142 Verbanck-Piérard 1988.
143 Luc., De saltatione, 25 ; cf. Gernet-Boulanger 1970, 69.
144 Plat., Lois, 7.814 d-817 a.
145 Rudhardt 1992, 145-146.
146 Jost 1985, 332-333.
147 Gernet 1970, 70 ; par exemple à Phlya.
148 IG, V.1, 1433, l. 11. Deshours 2004b, 141.
149 Rudhardt 1992, 149.
150 J. Zingerle veut corriger ce verbe qui est rare (1937, 317) ; Ad. Wilhelm explique qu’il signifie “se déguiser” et fournit d’autres attestations du mot (1940, 52).
151 Koehler 1996, 123.
152 Athènes : LSG, 51, l. 121-125.
153 Cf. supra, p. 000.
154 Lehmann-Spittle 1964, passim et fig. 1-3 ; Seyrig 1965, 105-110.
155 Deubner 1932, 84.
156 Paus. 1.43.2 : A Mégare, ἔστι δὲ το πρυτανείου πέτρα πλησίον. Ἀνακληθρίδα τὴν πέτραν ὀνομάζουσιν, ὡς Δημήτηρ, εἰ τ πιστά, ὅτε τὴν παδα ἐπλαντο ζητοσα, καὶ ἐνταθα ἀνεκάλεσεν αὐτήν. Ἐοικοία δὲ τ λόγῳ δρσιν ἐς ἡμς ἔτι αἱ Μεγαρέων γυνακες : “Près du prytanée, il y a un rocher ; on le nomme le rocher du Rappel (Anacléthre) car Déméter (si on peut croire ces récits), quand elle errait à la recherche de sa fille, la rappela aussi en cet endroit. Les femmes de Mégare accomplissent ancore aujourd’hui un rite qui rappelle cette histoire” (trad. J. Pouilloux, CUF, 1992) ; cf. Clinton 1992, 18 et note 20.
157 Clinton 1992, 30.
158 Nilsson 1962, 38.
159 Eur., Bacch., 132 ; cf. Gernet-Boulanger 1970, 38 ; Farnell 1909, V, 307, n. 101. Ce rythme est lié aux apparitions et aux disparitions caractéristiques de Dionysos (Detienne 1998a, 14-18).
160 A Phénéos on célébrait des Mystères vraisemblablement annuels pour Déméter Éleusinia, et d’autres, triétériques, pour Déméter Kidaria (Paus. 8.15.1 ; cf. Jost 1985, 317-320) ; dans un sanctuaire proche de Trapézonte en Arcadie, au lieu-dit Bathos ont lieu des Mystères des Grandes Déesses (non identifiées) tous les trois ans (Paus. 8.29.1 ; cf. Jost 1985, 337-338).
161 Meyer 1978b, 277.
162 Samuel 1972, 97.
163 Foucart 1876, 165 ; Samuel 1972, 97 et SGDI, 1774 (acte d’affranchissement delphique) ; ibid. 74 et SGDI, 2089.
164 Pettersson 1992, 57 (cf. Eur., Alc., 445-451).
165 Par exemple celle de la Panhagia Volimnos, bâtie sur le site de l’ancien sanctuaire d’Artémis Limnatis, dans le Taygète (au nord du village d’Artémisia) ; cf. Papachatzis 1979, 108 n. 1.
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Les mystères d’Andania
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Les mystères d’Andania
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