Chapitre II. Les messéniens prennent le contrôle des mystères
p. 65-97
Texte intégral
1Entre la fin de la Guerre d’Achaïe et 91/90 a.C., il y eut peu de résistances à la domination romaine dans le monde grec. Au moment où le règlement des Mystères est gravé, en 91/90, personne ne peut songer qu’un obscur roi du Pont va une dernière fois s’opposer aux Romains au nom de l’hellénisme1. Par conséquent, après un quart de siècle de soumission à Rome sans aucune révolte, les Grecs ont compris qu’ils ne peuvent sauvegarder leur identité que sur le plan religieux ou culturel. De nombreux témoignages épigraphiques nous montrent justement que les cultes deviennent le moyen pour les cités de réaffirmer leur identité civique : tel est le point commun entre les textes qu’avait regroupés le premier Ad. Wilhelm et étudiés O. Kern. Tel est aussi le contexte dans lequel le règlement des Mystères fut gravé.
2Multiples sont les fondations et les réformes de cultes à l’époque hellénistique – souvent connues par des documents épigraphiques plutôt que par des sources littéraires ; à leur propos, les savants insistent souvent sur la difficulté de décider s’il s’agit de réformes ou de créations ex nihilo2. Même si nous ne possédions pas le texte de Pausanias (qui fait des Mystères d’Andania le plus ancien culte messénien contemporain du règne de Polycaôn et de Messènè, les premiers souverains de Messénie) ou si nous décidions de douter radicalement de son récit lorsqu’il tend à montrer l’ancienneté des cultes au Carneiasion3, le règlement des Mystères suffirait à prouver qu’en 91/90 a.C. Messène n’a pas fondé un culte entièrement nouveau dans un sanctuaire de sa chôra. Le nom de la source Hagna, qui a pourtant été mentionné à deux reprises dans les prescriptions pour le sacrifice (l. 34 et 69) se justifie à sa troisième occurrence par la référence à des “écrits” anciens (ἀρχαα ἔγγραφα [l. 84]). Peut-être s’agit-il des βιβλία, les livres transmis par Mnasistratos (l. 13) ; il est tentant d’y reconnaître la transcription des lamelles d’étain que le héros de la “Deuxième guerre” de Messénie, Aristomène, mit à l’abri, dit-on, dans une hydrie de bronze sur le mont Ithôme lorsqu’il prit conscience de l’imminence de la défaite messénienne4. Un autre témoignage va dans le même sens : l’inscription Syll.3, 735, découverte à Argos en 1904 dans le sanctuaire d’Apollon Pythéen, transcrit un oracle rendu à Mnasistratos, le hiérophante, au nom des Messéniens “au sujet du sacrifice et des Mystères” (l. 21-23) ; son interprétation prouve qu’une partie du culte au moins était ancestrale.
3Enfin, un troisième élément indique que le règlement fut gravé à l’occasion de la refondation d’un culte à Mystères : en effet, la réforme consiste dans le transfert (§ 2) de tous les objets nécessaires pour célébrer les Mystères détenus jusqu’alors par Mnasistratos aux mains du collège des hiéroi, institué “la 55e année” (1. 10-11, 52) et chargé désormais de leur conservation ainsi que d’une grande part de l’organisation de la fête.
4Dès lors, il revient à la cité de décider quels moyens financiers et quelles dispositions matérielles seront mis en œuvre pour réaliser la réforme. Les Messéniens souhaitent dorénavant exercer sur l’organisation du culte un contrôle étroit ; c’est pourquoi ils fixent par écrit dans le règlement des Mystères le rôle imparti aux hiéroi, aux deux commissions spécialisées nouvellement créées et aux instances civiques ordinaires.
La réforme de 91/90 : le rôle de Mnasistratos et l’institution des hiéroi
1. La consultation de l’oracle d’Argos (Syll.3, 735)
5Un demi-siècle après la découverte du règlement des Mystères, une extraordinaire coïncidence livra dans les fouilles du sanctuaire d’Apollon Pythéen à Argos le texte d’un oracle qui concernait justement la réforme des Mystères d’Andania à l’occasion de laquelle le diagramma fut lui-même gravé. On sait combien la gravure de tels textes était exceptionnelle et on peut en attribuer avec confiance l’initiative au hiérophante Mnasistratos, qui s’était chargé de consulter le dieu au nom des Messéniens5.
6Les Messéniens entretenaient avec le sanctuaire de Delphes des relations qui, malgré leurs efforts pour être admis au ive siècle dans l’amphictionie, étaient – semble-t-il – restées très lointaines, depuis que, conjointement avec les Mégalopolitains, ils avaient reçu le titre “d’évergètes du dieu et des amphictions”... et une fin de non-recevoir à leur demande d’admission6. En revanche, plusieurs épisodes de leur histoire les montrent proches des Argiens et les uns comme les autres avaient, au ive siècle, tirant profit de l’abaissement de la puissance spartiate, exalté leur parenté avec les Héraclides7. La revendication d’une telle proximité contribue à expliquer le recours à l’oracle d’Argos plutôt qu’à celui de Delphes.
7Un certain nombre d’autres raisons pouvaient avoir poussé les Messéniens à consulter le dieu dans le sanctuaire argien. En effet, cette consultation s’inscrit dans la rivalité d’Andania avec Éleusis qu’atteste le jugement inattendu de Pausanias (les Mystères d’Andania sont les plus respectables après ceux d’Éleusis [4.33.5]). Les Athéniens consultaient le dieu à Delphes lorsqu’ils souhaitaient son appui dans des initiatives concernant les Mystères et le sanctuaire d’Éleusis, et si le sanctuaire oraculaire d’Argos ne pouvait guère rivaliser avec celui de l’Apollon delphique, Argos, en revanche, se targuait (comme Athènes) de liens privilégiés avec Déméter : les Danaïdes étaient réputées avoir fondé les premières Thesmophories et une tradition rapportée par Pausanias affirme même qu’Argos avait institué pour la première fois des Mystères pour Déméter dont même ceux d’Éleusis étaient issus8 ; or les Mystères d’Andania réservent à Déméter une place importante, ne serait-ce que par la présence de plusieurs prêtresses de cette déesse (l. 31).
8Il s’agissait en tout cas pour les Messéniens de rendre plus solennelle la réforme du culte dont Mnasistratos avait dû prendre l’initiative et dont les Messéniens avaient assumé la mise en place, sans investissements financiers considérables, mais avec le souci d’organiser soigneusement une cérémonie religieuse qui avait aussi un caractère politique, du fait du rôle de Déméter et du sanctuaire d’Andania dans la “légende nationale” messénienne9.
9L’interprétation de la consultation oraculaire et de la gravure du règlement des Mystères ne s’impose pas d’emblée : le texte de l’inscription, malheureusement très mutilé, ne livre pas, de prime abord, de renseignements précis sur le contexte immédiat de la réforme, contrairement à ce que l’on aurait pu espérer ; en particulier, on ne comprend pas instantanément si l’initiative de 91/90 est une réforme ou une restauration des Mystères. Voici le texte de l’oracle (Syll.3, 735, l. 17-28) :
[17] χρησμὸς
ὁ γενóμενος τ πóλει τν Mεσ-
σανίων ἀνεγράφη κατὰ τò ψά-
[20] φισμα τν ἀρχόντων καὶ συνέ-
δρων, μαντευομένου Μνασιστρά-
του το ἱεροφάντα περὶ τς θυσί-
ας καὶ τν μυστηρίων·
ὁ θεὸς ἔχρησε·Μεγάλοις Θε-
[25] ος Καρνείοις καλλιεροντι κα-
τὰ τὰ πάτρια, λέγω δὲ καὶ Μεσ-
[σανί]ο[υ]ς ἐπιτελεν τὰ μυστή-
[ρια---]
10La déception initiale provoquée par la lecture de ce texte a été surmontée par plusieurs savants qui ont rivalisé d’ingéniosité pour interpréter ses difficultés, au nombre de trois :
le mode de καλλιεροντι (qui commande l’établissement de la ponctuation).
la nature du mot Καρνείοις.
la lacune.
11Le sens que l’on peut donner à l’ensemble du texte dépend essentiellement de l’interprétation de καλλιεροντι. W. Vollgraff, le premier éditeur de l’inscription, avait émis l’hypothèse que καλλιεροντι était une forme dorienne non-assimilée de présent de l’indicatif, équivalent de l’att. καλλιεροσι. On peut trouver un parallèle dans une inscription de Trézène, probablement contemporaine de la domination de Nabis sur certaines cités d’Argolide (à partir de 198 a.C.), où on lit διατελοντι comme forme de présent de l’indicatif10. Il traduisait donc :
L’oracle rendu à la ville des Messéniens a été gravé conformément au décret des archontes et des synèdres, Mnasistratos, le hiérophante, consultant le dieu au sujet du sacrifice et des Mystères. Le dieu a répondu : “Ils offrent aux Grands Dieux à la fête des Carneia, conformément à l’usage des ancêtres, un sacrifice qui leur est agréable. J’enjoins aussi aux Messéniens de célébrer les Mystères”11.
12Cette interprétation a été écartée par Ad. Wilhelm, qui voyait dans καλλιεροντι un participe au datif en koinè, se rapportant au consultant. Il supposait, avec quelque apparence de raison, que la question posée par Mnasistratos devait commencer par la formule ἄμεινον καὶ λιόν ἐστι....12 et alléguait un parallèle à Dodone, où, toutefois la réponse de l’oracle, lapidaire, tenait en deux mots – ce qui n’est pas le cas dans l’oracle argien où elle paraît plus complexe ; Ad. Wilhelm toutefois ne précisait pas le sens de δὲ καί dans le cadre de cette construction13.
13Les travaux de P. Amandry, d’H. W. Parke et D. E. W. Wormell, de J. Fontenrose ont montré que, contrairement à ce que répète la tradition littéraire, les oracles authentiques de l’Apollon delphique n’étaient nullement ambigus ; ils portaient pour l’immense majorité d’entre eux sur des questions religieuses14 – et non pas du tout politiques, malgré Hérodote ou Plutarque... et les questions posées au dieu étaient précises, ne méritant en fait aucune élaboration de la réponse, dont la substance excédait rarement le simple assentiment. Si la question n’a pas été transcrite, c’est probablement qu’on en trouve l’intégralité des termes dans la réponse ; cette hypothèse nous conduit à formuler la question sous une forme telle que : ἄμεινον καὶ λιόν ἐστι τος Μεσσανίοις καλλιερεν τος Μεγάλοις Θεος Καρνείοις, ἐπιτελεν δὲ καὶ τὰ μυστήρια ;
14De plus, le sujet de la consultation est résumé par les mots (1. 21-23) : μαντευομένου (...) περὶ τς θυσίας καὶ τν μυστηρίων.
15On peut penser que Mnasistratos a demandé l’assentiment de l’oracle pour l’ensemble du culte dénommé ἁ θυσία καὶ τὰ μυστήρια ; cependant l’attention est attirée par une dissymétrie entre le sujet de la consultation et la réponse divine : si ἁ θυσία καὶ τὰ μυστήρια sont l’enjeu de la question posée, cette dénomination ne se retrouve pas littéralement dans la transcription de l’oracle. Le sacrifice et les Mystères y sont dissociés, les premiers étant représentés par καλλιεροντι (καλλιερεν signifie littéralement “faire un sacrifice que les dieux agréent”15), les seconds sont en revanche nommés – mais à part (ἐπιτελεν δὲ καὶ τὰ μυστήρια).
16Ainsi, une série de termes en rapport avec les sacrifices s’opposent à une autre désignant les Mystères :
κατὰ τὰ πάτρια | ἐπιτελεν |
καλλιεροντι | |
θυσία | μυστήρια |
confirmation (indicatif) | restauration (infinitif dépendant de λέγω) |
religion civique | culte à Mystères |
17Les fêtes sont souvent nommées par l’addition de leurs composantes cultuelles16. Dans la formulation de l’oracle, la disjonction entre les deux parties de la fête est inhabituelle ; elle nous conduit à formuler l’hypothèse suivante : en fait, Apollon Pythéen répond que les Messéniens, qui vouent effectivement un culte sous forme de θυσία aux Grands Dieux (κατὰ τὰ πάτρια), doivent aussi (δὲ καί) accomplir les Mystères. Les deux parties de la fête sont dissociées, comme dans d’autres textes épigraphiques, et affectés, l’une d’une référence à la tradition (κατὰ τὰ πάτρια), l’autre non. Ainsi dans les accords des Salaminiens au sujet des cultes sont juxtaposées des prescriptions déjà connues (dénommées κατὰ τὰ πάτρια) et des innovations17. En fait, l’oracle affirme que la partie θυσία a de la fête est confirmée et les Mystères restaurés. Le règlement des Mystères met d’ailleurs solennellement en garde contre la κατάλυσις des Mystères (1. 4, 44, 187-188). Le mot qui a son sens habituel de “ruine” n’est appliqué qu’aux Mystères et non à l’ensemble du culte parce que la partie θυσία avait été maintenue pendant la période où les Mystères n’étaient plus célébrés (il ne s’agit pas d’un risque de divulgation, mais d’une éventuelle négligence).
18Nous traduisons donc :
L’oracle rendu à la cité des Messéniens a été gravé conformément au décret des archontes et des synèdres. Sur consultation de Mnasistratos, le hiérophante, au sujet du sacrifice et des Mystères, le dieu a rendu l’oracle : “(Il fait bien d’) offrir aux Grands Dieux Carneiens le sacrifice qui leur agrée, selon l’usage ancestral ; j’ordonne aussi aux Messéniens d’accomplir les Mystères...” (l. 17-28).
19On peut hésiter sur le sens de Καρνείοις: jusqu’à la découverte récente d’une inscription du ier s. p.C., j’étais tentée de comprendre “aux Carneia” (“à la date des Carneia”) ; il semble qu’il faut y voir une épiclèse des Grands Dieux qui fait référence au sanctuaire où se déroulent les Mystères18.
20L’oracle a été consulté par Mnasistratos au nom des Messéniens ; le personnage est également nommé dans le règlement des Mystères où toutefois il ne porte pas le titre de hiérophante, qui apparaît dans l’intitulé de l’oracle, comme pour justifier la mission que lui ont confiée ses concitoyens. De la confrontation des deux textes, il ressort que le hiérophante Mnasistratos détenait jusqu’à la réforme de 91/90 a.C. des hiéra et des hiéra biblia contenant des textes nécessaires à la tenue des Mystères, qu’il a remis (παράδοσις) à la cité, laquelle, à son tour, en confie la charge annuelle aux hiéroi successifs.
21Le nom de Mnasistratos (qui est panhellénique19) est attesté dans une série d’inscriptions concernant des Messéniens :
Syll.3, 735, l’oracle d’Apollon Pythéen.
IG, V. 1, 1390, le règlement des Mystères.
SEG, XI, 979, un relevé de taxes.
SEG, XI, 982, une dédicace pour Asclépiadès, fils de Mnasistratos.
SEG, XXIII, 208, un décret des gérontes d’Oupèsia pour Mnasistratos, fils de Philoxénidas.
Ergon, 1995 p. 31 et 1996 p. 56 (propylée du gymnase).
22On peut émettre l’hypothèse que les personnages appelés Mnasistratos appartiennent à une même famille qui s’est signalée par une participation active à la vie politique et religieuse de Messène au dernier siècle de la République et au ier siècle de l’Empire.
23Les deux inscriptions concernant la réforme d’Andania mentionnent un Mnasistratos sans patronyme, comme le relevé de taxes SEG, XI, 979 (qui semble devoir être détaché du dossier de l’oktôbolos eisphora IG, V. 1, 1432-143320) ; il n’est pas certain que le très riche citoyen (le plus riche particulier de la liste) puisse être identifié avec le hiérophante. En effet, la date de cette inscription n’est pas du tout assurée ; elle oscille entre le iie siècle a.C. et le ier siècle p.C.
24Les rédacteurs du règlement eurent soin d’impliquer l’ensemble de la cité dans la réforme des Mystères ; cependant, nous pouvons nous demander si elle ne résulte pas d’une initiative privée de Mnasistratos. Ainsi, un citoyen lindien, Timachidas, prend l’initiative de réunir les éléments nécessaires à la rédaction de la Chronique du sanctuaire, mais la décision de la rédiger et de la graver est présentée comme venant de la cité21.
25Le règlement ne précise ni le patronyme ni la qualité de Mnasistratos et ne lui donne pas le titre de “hiérophante” que lui applique au contraire l’oracle d’Apollon Pythéen à Argos (Syll.3, 735, 1. 21-22). Or la tradition littéraire montre que la possession de textes et d’objets sacrés est corrélative de la fonction de hiérophante ; ainsi, à Éleusis, le hiérophante Eumolpide possède les objets sacrés qu’il a pour fonction de montrer au cours de l’initiation – cette ostentation des hiéra semble avoir été le point culminant de l’expérience religieuse vécue par les initiés à Éleusis, si l’on en croit les témoignages expliquant ainsi le terme d’époptie (“vue complète”)22. En tout cas, le mot “hiérophante” semble bien signifier “celui qui montre les hiéra”23. A Éleusis le hiérophante Eumolpide a la surveillance des hiéra que conservait sa famille24. De la même manière, Hérodote dit que les Deinoménides, génos des tyrans de Géla, étaient hiérophantes des divinités chthoniennes et se transmettaient à ce titre, de génération en génération, les ἱρὰ τουν τν θεν25. Le titre est également attesté à Mégalopolis pour les Mystères des Grandes Déesses26, ainsi qu’à Éleusis où le hiérophante a pour fonction de préparer le sacrifice et le banquet ainsi que d’envoyer des hérauts proclamer la trêve sacrée et de rédiger des invitations pour les cités étrangères27.
26Le règlement des Mystères n’énonce pas exactement quelle est la nature des objets transmis par Mnasistratos aux hiéroi : “Transmission (παραδόσιος) : que les hiéroi transmettent à leurs successeurs le coffret (κάμπτραν) et les livres (βιβλία) qu’a remis Mnasistratos et qu’ils (leur) transmettent aussi tout ce qui aura été préparé en vue des Mystères” (§ 2, l. 11-13). Cependant, son titre de hiérophante (Syll.3, 735, l. 21-22) implique qu’il ait été le détenteur des hiéra, dénommés dans la suite du texte ἱερὰ μυστικά (l. 30) et nous sommes donc conduits à identifier – pour tout ou partie – “le coffret (...), les livres (...) et les autres objets” avec les hiéra des Mystères. Même si les deux descriptions (celle de l’hydrie de bronze d’Aristomène [Paus. 4.20.3-4] et celle de la κάμπτρα de Mnasistratos) ne coïncident pas, il paraît plausible que le texte des lamelles d’étain ait été transcrit dans les livres sacrés que Mnasistratos remet aux hiéroi, désormais responsables du bon déroulement du culte. Pausanias accrédite la véracité de l’ensemble du récit de fondation en déclarant avoir vu personnellement au Carneiasion d’Andania une hydrie de bronze qu’il identifie justement avec l’objet mis au jour par le chef argien28.
27En fait, Mnasistratos reçoit des honneurs essentiellement pour avoir conservé les hiéra29 dont il avait la charge manifestement par héritage30. Le fait qu’il ait veillé sur eux, permettant ainsi la réforme des Mystères, le rattache au héros Aristomène, réputé avoir enterré sur l’Ithôme l’hydrie de bronze qui les dissimulait lorsque, à la fin de la “Deuxième guerre” de Messénie, la victoire spartiate parut certaine31 ; cela invite à considérer Mnasistratos comme le descendant d’une famille en vue au moment de la fondation de Messène. Elle avait peut-être, dès cette époque revendiqué le sacerdoce pour les Mystères d’Andania, puisque Pausanias mentionne l’existence d’une famille de prêtres attachée au culte dans son récit de la “Deuxième guerre” de Messénie (les sources du Périégète appartiennent au ive, tout au plus au iiie siècle a.C. et si l’existence d’une famille sacerdotale à l’époque supposée d’Aristomène paraît douteuse, elle devient plus vraisemblable à une date postérieure à la fondation de Messène en 370/369)32.
2. Une initiative de Mnasistratos à l’origine de la réforme (§ 3, 4, 17)
28A l’époque hellénistique, on connaît plusieurs exemples de cultes dont les fondateurs étaient devenus les prêtres33 : le prestige et les avantages matériels attachés aux sacerdoces constituaient une récompense naturelle pour un citoyen qui avait rendu service à sa cité en instaurant un culte et en veillant à son organisation (moyennant des dons éventuels). Tel n’est pas du tout le cas de Mnasistratos, le Messénien à l’origine de la réforme des Mystères. En effet, d’une part, Mnasistratos exerçait des fonctions religieuses avant la réforme du culte. Il est lié personnellement à la déesse Hagna et, pour cette raison, chargé dorénavant de veiller sur la source et la statue cultuelle qui se trouve à proximité ; or Hagna, la divinité de la source, est la seule dont le règlement des Mystères affirme l’ancienneté du culte34 : son nom a été transmis par des “écrits anciens” (l. 84), à l’évidence les biblia que Mnasistratos a remis aux hiéroi. Il reçoit la peau des victimes qui est généralement la part du prêtre35 et l’argent jeté dans le tronc placé près de la source36. Enfin, le titre de “hiérophante” (que lui donne l’oracle d’Argos [1. 21-22], mais qui ne figure pas dans le règlement des Mystères) n’est pas anodin ; il s’applique uniquement à des personnages possédant une qualification religieuse que ne requiert nullement l’exercice de simples prêtrises. D’autre part, il apparaît clairement que son rôle cultuel dans les Mystères tel qu’il est décrit dans le règlement était limité. Les fonctions sacerdotales y sont partiellement assumées par des prêtres et des prêtresses (ce qui n’a rien de très surprenant) et, pour la majeure partie, par un collège de hiéroi (ce qui l’est bien davantage). La création du collège des hiéroi s’explique justement ainsi : à partir du moment où Mnasistratos abandonne ses prérogatives de “hiérophante”, il est nécessaire qu’elles soient assumées par d’autres, en l’occurrence le collège de hiéroi.
29Mnasistratos transmet alors à ses successeurs un ensemble d’objets sacrés par une procédure juridique que le règlement nomme παράδoσις (1. 11). Le mot est bien attesté dans le contexte des redditions de comptes, comme par exemple dans l’inventaire des clérouques d’Imbros (IG, XII. 8, 51) ; J. Tréheux définit la paradosis comme l’une des variétés possibles de transmission de charge avec inventaire : “un collège d’administrateurs prend en charge une collection d’objets au début de son exercice. Il en dresse l’inventaire, contradictoirement avec le collège qui l’a précédé (...) A la fin de l’exercice, notre collège remet la collection à ses successeurs et une nouvelle paradosis est établie dans les mêmes conditions”37. Les inventaires d’offrandes de Délos appartiennent aussi à cette catégorie et la procédure de la paradosis implique que l’inventaire soit remis en présence d’une instance de contrôle (à Délos, la boulè)38 ; à l’Amphiaraion d’Oropos, la procédure a lieu en présence des polémarques et des katoptai (qui contrôlent en Béotie des opérations financières des autres magistrats39). Ici, lorsque les Mystères sont restaurés, Mnasistratos remet aux hiéroi les objets nécessaires à la célébration des Mystères (1. 12-13) ; puis, cette procédure se répète chaque année, entre, d’une part, le collège de hiéroi sortant et, d’autre part, le collège nouvellement désigné, lorsque ce dernier entre en charge : παραδιδόντω οἱ ἱεροὶ τος ἐπικατασταθέντοις, παραδιδόντω δὲ καὶ τὰ λοιπά... (1. 12).
30Mnasistratos remet aux hiéroi des ἱερά, dénommés μυστικά40 c’est-à-dire des objets dont la nature nous est inconnue, mais dont la fonction est de permettre l’initiation, comme l’indique l’épithète. Le texte qui rappelle le plus précisément le règlement des Mystères à cet égard est certainement la “Chronique du Sarapieion de Délos” dans laquelle, le prêtre de Sarapis fait graver sur une stèle l’histoire du culte et du sanctuaire, fondés par son aïeul Apollonios ; de la même façon qu’à Andania, la transmission des hiéra apparaît au Sarapieion comme la condition nécessaire à la (re)fondation du culte41.
31Parmi les objets remis par Mnasistratos aux hiéroi de la 55e année se trouvent des βιβλία et une κάμπτρα (l. 11-12). Le mot βιβλίον on (comme βίβλος) désigne un papyrus écrit et roulé (le uolumen des Romains)42. Quant au mot κάμπτρα, s’il est très rare dans les textes littéraires et épigraphiques, il est en revanche bien attesté dans les papyrus où il désigne un coffret de bois ou d’osier43. On peut le rapprocher du latin capsa, l’étui de métal ou de bois qui servait à conserver les volumina44. Cependant P. Chantraine refuse ce rapprochement qui lui paraît injustifiable et apparente κάμπτρα à la racine καμπτρ- qui désigne une courbe, comme par exemple dans καμπτήρ (la borne de l’hippodrome autour de laquelle tournent les chars). Peut-être, dans ce cas, faut-il faire appel pour expliquer l’emploi de ce mot à une analogie possible entre la κάμπτρα et l’hydrie de bronze (vase de forme ronde) qui avait, selon la légende, servi à préserver les textes sacrés45.
32La question de savoir si les livres remis par Mnasistratos sont des livres sacrés paraît de prime abord se résoudre d’elle-même puisqu’ils ne sont pas qualifiés de hiéra, contrairement au ἱερὸς λόγος qu’un édit de Ptolémée iv à propos du culte de Dionysos intime l’ordre aux prêtres d’apporter à Alexandrie. La nature de ce dernier texte (λόγος) a été beaucoup discutée : les uns y voient un texte à contenu religieux (le premier éditeur comprend qu’il s’agit d’un exposé de la doctrine des Mystères) et sont conduits à supposer une volonté du souverain lagide d’établir un dogme (ce qui ne laisse pas de surprendre) ou de contrôler les cultes initiatiques, les autres reconnaissent dans le ἱερὸς λόγος de simples archives concernant le sanctuaire, comme l’obligation de nommer les prêtres successifs en charge du culte incline plutôt à le faire croire46.
33On considère communément l’absence de livre sacré comme l’une des caractéristiques de la religion grecque et le fait est indéniable lorsqu’il s’agit de la religion civique. En revanche, l’existence de livres sacrés, en tout cas de recueils de textes sacrés, semble être attestée dans certains cultes privés et également dans des cultes à Mystères. Dans les cultes privés, P. Foucart fait remarquer que “les ministres du culte avaient d’autant plus besoin d’avoir sous la main un recueil de tous les rites, qu’ils ne restaient en charge qu’une année et n’auraient pu, sans un tel secours, connaître et faire observer exactement tant de prescriptions minutieuses”47. On trouve une situation comparable dans le cas de cultes à Mystères (fussent-ils organisés par l’instance civique) ; en effet si les rites qui permettent l’initiation sont secrets on peut admettre aisément qu’ils étaient fixés par écrit afin de rester conformes dans leur déroulement aux πάτρια. Plusieurs documents conduisent à conclure à l’existence de livres sacrés dans les cultes à Mystères48.
34Or, dans le cas des Mystères d’Andania, il n’existe plus (à partir de la gravure du règlement en 91/90 a.C.) de hiérophante, exerçant cette charge à vie et assurant ainsi la permanence de l’autorité religieuse pour les Mystères. Ce sont les collèges successifs de hiéroi (renouvelés chaque année comme ceux de magistrats) qui ont la charge d’assurer la pérennité du culte : ils doivent donc impérativement disposer d’un texte écrit auquel se référer pour assurer un déroulement des rites conforme à la tradition. En outre, la légende de fondation du sanctuaire mentionne des textes sacrés en leur attribuant une origine très ancienne, un long séjour dans le sol du mont Ithôme durant l’éclipse de l’État messénien et, finalement un retour dans le sanctuaire lorsque fut (re)fondé l’État messénien en 370/369 a.C.
35Une inscription augustéenne de Nysa commémore la restitution de ἱερὰ γράμματα dont la nature est plus composite : à des textes de contenu cultuel (περὶ τν θεν) s’ajoutent des documents concernant des privilèges attribués au sanctuaire de Ploutôn et de Corè (τὰ ἱερὰ γράμματα περὶ τν θεν / καὶ τς ἀσυλίας αὐτν καὶ τ[ς] ἱκεσίας καὶ τς περὶ τὸ ἱερὸν ἀ[τ]ελήας49 ; ces précisions prouvent qu’un texte qualifié de ἱερóς dans une loi sacrée peut effectivement avoir un contenu religieux.
36En somme, on ne peut écarter l’hypothèse que les βιβλία a transmis par Mnasistratos aux collèges successifs de hiéroi aient un contenu religieux, plus probablement cultuel ou étiologique que “théologique”. En tout cas, le fait que ce soit Mnasistratos qui détiennent ces textes s’explique mal si ce n’est pas le cas ; car s’il s’agissait d’archives du sanctuaire la prêtresse de Carneios ou le prêtre et la prêtresse des Grands Dieux paraîtraient plus indiqués pour les détenir. Comme la réforme de 91/90 porte sur la restauration des Mystères, il paraît vraisemblable que la transmission des livres sacrés ait été une condition nécessaire à sa réalisation ; en effet, s’il s’était agi uniquement de documents comptables ou d’inventaires, on ne comprend pas pourquoi Mnasistratos les auraient eu en garde, alors que les Messéniens offraient auparavant des sacrifices civiques aux dieux du Carneiasion50, ce qui impliquait la conservation par l’État messénien des archives du sanctuaire – et non par un citoyen, fût-il le descendant d’une famille sacerdotale. Paradoxalement, les textes conservés au Carneiasion dans le cadre d’un culte à Mystères organisé par l’instance civique s’apparentent donc aux écrits concernant le culte égyptien introduit à Délos par la famille sacerdotale qui s’y était installée.
37On ignore si Mnasistratos a donné de l’argent pour permettre la refondation de culte – il ne semble pas que ce soit le cas puisque les Mystères doivent s’auto-financer, sinon la première année, du moins les suivantes51. Cependant, les services qu’il a rendus (y compris la consultation de l’oracle à Argos) lui valent des privilèges, à la fois honorifiques : conduite de la procession (1. 28), participation avec toute sa famille au banquet sacré (1. 97) et matériels : perception d’un tiers des offrandes déposées dans le tronc près de la source (1. 87-88) et attribution des peaux des victimes (1. 86) – tous, accordés à titre personnel. En bref, bien qu’il n’exerce plus de fonction sacerdotale, les privilèges qui lui sont décernés rappellent, tous, qu’il en a exercé une.
38Il semble en somme que la réforme de 91/90 a.C. marque l’abandon du privilège de conservation des objets sacrés par Mnasistratos au profit des hiéroi successifs, probablement parce que Messène tenait à contrôler intégralement l’organisation des Mystères.
39Dans ce cas, Mnasistratos en rendant possible la restauration des Mystères accomplit une évergésie, dont la cité pourrait logiquement le remercier par les récompenses d’habitude accordées aux bienfaiteurs. Le diagramma ne fournit pas les précisions que l’on trouve d’ordinaire dans les décrets honorifiques (aussi bien n’en est-il pas un) ; cependant plusieurs passages du texte pourraient faire allusion à des récompenses civiques. Ainsi, dans le paragraphe concernant le financement des Mystères, une phrase difficile mentionne une somme de 6 000 drachmes que les Cinq doivent verser à Mnasistratos, somme accordée par la cité (ὑπὸ τς πόλεος) “pour la couronne” εἰς τὸν στέφανον (1. 53). Les commentateurs se sont demandé s’il s’agissait d’une couronne honorifique décernée à Mnasistratos pour le rôle qu’il avait joué dans la réforme des Mystères52. Cependant le texte ne dit pas expressément que cette couronne lui est effectivement destinée ni que la cité la lui a décernée à titre de récompense. Son coût est élevé (6 000 drachmes d’argent) et, s’il n’est pas inouï s’agissant de récompenses civiques53, il reste étonnant ; aussi peut-on envisager d’autres hypothèses. D’abord, la couronne pourrait être un insigne sacerdotal, puisque les prêtres portaient des vêtements spécifiques et possédaient des objets distinctifs54. Ensuite, la couronne pourrait ne pas être destinée à Mnasistratos : certaines couronnes probablement lourdes, ouvragées et donc coûteuses (comme celle qui nous occupe) pouvaient être offertes à une divinité pour parer la statue cultuelle ; à la fin du iiie ou au début du iie s., la fondation d’Épictéta à Théra en offre un exemple. Plusieurs détails montrent que Mnasistratos avait un lien particulier avec la source Hagna ; or le règlement des Mystères comme Pausanias mentionnent un agalma de la divinité placée près de la source : la couronne pourrait lui avoir été destinée55.
40Enfin, de même que le verbe στεφανόω- ne signifie pas toujours “couronner”, mais plus largement “récompenser”, le substantif στέφανος ne désigne pas exclusivement une couronne ; il a notamment chez Polybe le sens de “somme d’argent” – donnée en récompense, comme une couronne. J. A. O. Larsen note justement que ce sens du mot a échappé à Tite-Live dans un passage où Polybe raconte comment Marcus Fulvius a reçu des gens d’Ambracie qu’il avait bien traités un στέφανος de 150 talents56.
41On voit que l’interprétation de la couronne comme récompense civique destinée à un bienfaiteur n’est pas certaine. En revanche, il semble que l’invitation officielle au banquet sacré (dont le règlement ne précise pas la raison) s’interprète aisément comme un privilège accordé en récompense du service rendu par le refondateur des Mystères : comme Mnasistratos a renoncé à toute fonction officielle dans les Mystères, il ne peut en principe participer au banquet ni à titre de “hiérophante” (ce qu’il n’est plus), ni à titre de prêtre (son nom est mentionné dans la liste des participants à la procession sans fonction sacerdotale), ni à titre de hiéros, ni à celui d’initié. Théoriquement, il n’y a donc pas de place et son invitation officielle ne peut donc s’interpréter que comme un privilège octroyé en récompense des services rendus, en l’occurrence la conservation des hiéra et la mise en place de la réforme.
42Il est possible que Mnasistratos appartienne à une famille de riches citoyens messéniens qui ont exercé des fonctions politiques et accompli des évergésies au ier s. a.C. et au ier s. p.C. ; en tout cas un autre Mnasistratos (peut-être apparenté à ce dernier) reçoit la “couronne d’Artémis”, à cause d’une générosité à l’égard de la cité que le décret compare avec celle de ses ancêtres57.
3. Les hiéroi (§ 1, 2)
43Les livres se rapportant aux Mystères sont transmis par Mnasistratos à un collège de hiéroi ; son institution constitue l’innovation essentielle de la réforme et ses attributions sont nombreuses dans l’organisation des Mystères. Reste que la signification du mot hiéroi ne va pas de soi.
44Les sanctuaires grecs ont livré une multitude d’inscriptions déclarant ἱερός un homme ou une femme : à côté des objets (les offrandes de diverses natures appelées ἱερά), des personnes pouvaient donc également être consacrées à la divinité. Il s’agissait d’esclaves qui appartenaient au dieu c’est-à-dire faisaient partie des biens du sanctuaire et par conséquent étaient placés sous l’autorité du prêtre58. Parmi eux se trouvaient d’ailleurs des catégories très différentes : du hiérodule au contremaître de chantier, comme à l’Artémision d’Éphèse, en passant par des ouvriers appelés παδες το θεο ou des ἱεροὶ παδες qui travaillaient sur le chantier du sanctuaire d’Apollon à Didymes59.
45A l’évidence, les hiéroi des Mystères d’Andania n’appartiennent pas à de telles catégories : ils ne sont pas des personnes consacrées aux divinités (au sens que nous venons d’évoquer), ce sont des hommes libres et même sans aucun doute des citoyens de Messène. Si les prêtres et prêtresses voient leur rôle quasiment réduit à une participation à la procession et probablement à la présidence du sacrifice, c’est que toute l’organisation de la cérémonie est confiée aux hiéroi, qui ne sont pas à proprement parler des prêtres (c’est pourquoi nous gardons le mot grec), mais comme, après Liddell-Scott-Jones, le traduit Fr. Sokolowski “des membres d’un collège religieux”60. Ils sont nombreux puisqu’ils comprennent vingt rhabdophores (1. 41), chargés du service d’ordre et des mystagogues qui, comme à Éleusis, devaient encadrer des groupes de mystes pour les préparer à recevoir l’initiation61.
46Alors que des hiérai sont également connues à Gytheion62, hiéros comme adjectif substantivé masculin est peu attesté. On avait cru pouvoir trouver un parallèle à Chalcédoine, mais la restitution doit être écartée : ποταγόντω δὲ το[ὶ ἱ]εροὶ τοὶ ἑκαστάκι γινόμενοι τὰ ἱερεα ἅ κα [δέηι θυσιάζει]ν. L’édition de Fr. Sokolowski fait disparaître le mot hiéroi, en même temps que le seul parallèle actuellement connu63.
47Il n’y a donc qu’à Messène que le mot serve à désigner des hommes libres spécialement responsables d’un culte. Par ailleurs, des hiéroi de Carneios sont attestés dans un texte récemment mis au jour dans le secteur du théâtre : il s’agit d’une dédicace que P. G. Thémélis date du début du iiie siècle, faite par le prêtre et six hiéroi de Carneios dont les noms sont précisés. L’absence de patronyme (comme pour Mnasistratos dans le règlement des Mystères et dans l’oracle d’Argos) implique qu’il devait s’agir de notables aisément identifiables. Cependant, dans le règlement des Mystères, les hiéroi qui ne sont pas rattachés à Carneios sont, en revanche systématiquement mis en rapport avec leur équivalent féminin, les hiérai (le prêtre de Carneios ne joue pas de rôle cultuel dans les Mystères, seule la prêtresse est invitée au banquet [1. 97], les prêtres principaux étant le prêtre et la prêtresse des dieux des Mystères [1. 28-29 et 96-97]). Aussi paraît-il sage, dans l’état actuel de la documentation64, de discerner les deux groupes.
48Comme les mots ὅσιος et ἱερός ont un sens voisin, le rapprochement s’impose d’emblée avec les hosioi d’Éleusis, les initiés ; mais le terme de hiéroi ne désigne pas ici les initiés en tant que tels65 même s’il est clair que les hiéroi sont initiés. Le serment qu’ils doivent prononcer le prouve : “Je jure (...) de veiller à ce que les rites de l’initiation se passent comme il plaît aux dieux et en toute justice ; de ne rien faire moi-même d’irrespectueux ni d’injuste qui puisse ruiner les Mystères ni de permettre à quelqu’un d’autre de le faire” (1. 2-4). Tous les initiés cependant ne sont pas des hiéroi : ce titre est réservé à ceux qui exercent une fonction dans l’organisation des Mystères durant une année. Le règlement des Mystères, en effet, nous apprend qu’ils sont des citoyens (1. 126-131) – ce que ne sont pas nécessairement tous les initiés (puisque des femmes esclaves sont mentionnées [1. 18]). On pourrait donc penser que les hiéroi sont des citoyens – initiés – que la cité sollicite non seulement pour encadrer les participants à la cérémonie (tâche religieuse au sens où ils sont responsables du bon déroulement de la fête), mais aussi pour la financer. Messène était une cité prospère où un groupe visiblement fourni de riches citoyens aurait été à même d’assurer une telle liturgie. Cependant, les clauses du règlement consacrées au financement des Mystères prouvent que les hiéroi ne sont pas des liturges : il en ressort en effet que les hiéroi n’y subviennent pas et que seule la cité pourvoit aux dépenses nécessaires à la mise en place de la réforme dans l’espoir qu’elle n’aura plus besoin ensuite de les financer et même qu’elle en tirera des revenus (1. 45-64).
49La fonction de hiéros avoisine plutôt l’exercice d’une magistrature dans la mesure où les prêtrises s’apparentent aux yeux des Anciens à des charges civiques ; de fait, le serment prêté par les hiéroi est similaire à celui qu’une cité exige des magistrats à leur entrée en charge (l. 2-6). L’effectif du collège qu’ils composent peut s’estimer à cinquante (à raison de dix par tribu). Si les Mystères ne sont restaurés qu’en 91/90 a.C., comme semble le montrer l’oracle d’Argos, c’est que les hiéroi ont connu une initiation privée – en tout cas une initiation dans un cadre différent de celui que met en place le règlement.
50Un collège de ὅσιο est attesté au sanctuaire d’Apollon à Delphes, notamment par une inscription (SEG, 42, 472) et des textes de Plutarque (Quaest. Graec., 292 d ; De def. orac., 437a, 438b). Au nombre de cinq, nommés à vie, passant pour les descendants de Deucalion et pour “les plus nobles de Delphes” (Euripide, Ion, 414), les ὅσιoι collaborent avec les prêtres pour les sacrifices et les prophètes lors des consultations de l’oracle (mais ne sont ni prêtres ni prophètes). Ils sont, en fait, chargés de veiller à ce que le contact avec le sacré (ἱερόν) que permettent les prêtres (ἱερες) se fasse sans dommage pour les humains, dans la sauvegarde de l’ὅσιον66. Bien que le recrutement des deux collèges ne soit pas comparable, les ὅσιοι de Delphes et les hiéroi de Messène exercent des responsabilités similaires, au sens où les uns comme les autres en sont investis dans le cadre d’un culte précis (impliquant un contact plus étroit que de coutume avec la divinité, prophétie ou Mystères).
4. Rôle des hiéroi (§ 1-2, 7, 9-10, 12-15, 17-25)
51Les hiéroi sont chargés de l’organisation matérielle de la fête : ils doivent délimiter l’espace sacré réservé aux initiés dans le Carneiasion (1. 34), donner en adjudication la fourniture des victimes et les contrôler (1. 64 sq.), désigner les aulètes et les joueurs de cithare (1. 73-74), veiller à ce que la cité fasse des offrandes appropriées (1. 63 sq.), faire construire deux troncs à offrandes (1. 90 sq.), conserver la clef du tronc qui est dans le temple des Grands Dieux (1. 92-93), organiser le banquet sacré (1. 95-96), délimiter l’espace où le marché a lieu (1. 99).
52En outre, durant les Mystères, leur autorité s’étend jusqu’à juger les manquements aux prescriptions du diagramma (1. 44, 75-76, 78-79, 101-103, 106, 111), à propos desquels ils devront faire un rapport au prytanée (l. 112) ; ils se substituent donc pour ces délits aux juridictions civiques habituelles qui ne sont plus compétentes pendant la fête, mais le redeviennent ensuite67. Enfin, les hiéroi sont chargés de transmettre à leurs successeurs les hiéra et les βιβλία (1. 11-12), indispensables pour que les Mystères continuent à être accomplis et dont ils sont responsables durant l’exercice de leur charge. La tâche des hiéroi n’est pas strictement administrative ; elle a des aspects religieux.
53La façon dont ils sont désignés n’est pas explicitement énoncée68, mais il est probable qu’ils doivent appartenir à une classe censitaire élevée comme les Cinq (1. 46-47) ; en tout cas le critère retenu n’est pas l’âge puisque seuls les rhabdophores affectés au service d’ordre sont ainsi explicitement choisis. Le critère censitaire est également conforme au principe oligarchique qui paraît important à Messène, même s’il est combiné au principe démocratique qui préside généralement à la désignation des prêtres (le tirage au sort).
54Les hiéroi sont, en effet, tirés au sort par tribu. A Messène, le corps civique est organisé en cinq tribus : la Κρεσφοντίς, la Δαιφοντίς, l’Ἀριστομαχίς, l’Ὑλλίς, la Κλεοδαία69. A ces cinq tribus (également connues à Thouria70) s’ajoute au ier siècle a.C. un groupe de Ῥωμαοι, qui ne saurait être une “tribu de Romains” et qui ne fournit pas de hiéroi71. En cas de maladie, on tire au sort (κλαρώσατο) le hiéros remplaçant dans la même tribu (l. 6-7) ; une clause comparable apparaît dans le règlement de l’oracle d’Apollon Coropaios ainsi que dans le règlement des Iobacches ; elle implique que les citoyens désignés ne peuvent pas se dérober72. Le recours au principe censitaire pour désigner des citoyens (les Cinq et probablement les hiéroi) qui ont une responsabilité financière est général dans le monde grec. C’est parce qu’ils auront à manier de l’argent au nom de la cité qu’ils doivent être de riches citoyens ; ainsi ils seront solvables si la cité doit récupérer à leur dépens de l’argent public qu’ils auraient détourné ou dépensé indûment.
55Parmi les hiéroi, il faut distinguer plusieurs sous-groupes : des rhabdophoroi (porteurs de baguette) et des mystagogoi. Le terme de rhabdophoroi n’est pas technique et ne s’applique pas spécifiquement au “service d’ordre” d’une fête religieuse ; il y avait aussi bien des rhabdophores dans le théâtre pendant les représentations (comme nous l’apprend une scholie d’Aristophane73) ou à l’Assemblée pour contenir la foule. Des rhabdouchoi sont également connus dans le décret de Démétrias relatif au sanctuaire d’Apollon Coropaios ; ils doivent être choisis parmi des hommes de moins de 30 ans. G. Daux a bien montré qu’il ne fallait pas ajouter de négation au texte, puisque cette tâche revient à des hommes jeunes plutôt qu’à de plus mûrs, malgré le préférence habituelle marquée par les Grecs pour les citoyens plus âgés lorsqu’il s’agit d’incarner l’autorité74.
56D’autres hiéroi avaient la fonction de mystagôgoi dans les Mystères d’Andania ; dans le règlement des Mystères d’Éleusis qui date aussi du ier siècle, les mystagogues doivent accompagner et surveiller les mystes lors de la procession d’Athènes à Éleusis ; dans les Mystères des Cabires à Thèbes, les παραγωγοί assuraient les mêmes fonctions75. Comme l’indique l’étymologie de leur nom, les mystagôgoi doivent de même assurer l’encadrement des mystes dans les Mystères d’Andania.
57On voit, en somme, que les prérogatives des hiéroi sont très étendues ; ils assument en effet des responsabilités qui reviennent habituellement aux prêtres ou à des magistrats civiques spécialisés dans les affaires cultuelles (ainsi ils doivent faire construire des trésors alors que cette tâche incombe d’ordinaire au prêtre ou à de tels magistrats76). Cependant leur autorité ne s’étend qu’aux préparatifs et au déroulement des Mystères.
5. Les hiérai
58A côté du collège des hiéroi, un groupe de femmes appelées hiérai participe aussi à la célébration des Mystères. Pas plus que les hiéroi, les hiérai ne sont des personnes consacrées à la divinité ; il s’agirait alors d’esclaves, propriété du sanctuaire – ce que, à l’évidence, elles ne sont pas puisqu’elles se trouvent sous l’autorité du gynéconome, magistrat qui contrôle spécifiquement les épouses de citoyens77. D’autres hiérai sont attestées en Laconie et en Messénie78.
59Parmi les hiérai, le diagramma distingue plusieurs groupes : les hiérai gynaikes, les paides et les parthénoi. Les hiérai, épouses de citoyens, rappellent les femmes qui président des fêtes religieuses, notamment des Thesmophories avec le titre d’ἀρχοσα, ἀρχηίς, ἀρχείνη79 ; à la différence près qu’en Attique notamment une seule femme était désignée par dème puisque, aussi bien, la célébration des Thesmophories semble avoir eu le dème pour cadre80. Les unes et les autres (hiérai à Andania ou responsables des Thesmophories attiques) prêtent un serment similaire81. Il fait d’elles des co-responsables du bon déroulement de la cérémonie et de la sauvegarde des Mystères – conjointement aux hiéroi. A la différence des hiéroi, elles n’ont pas à juger des manquements au règlement. Rien n’indique cependant qu’elles ne soient responsables que d’elles-mêmes ou que des femmes ; au contraire, la formulation du serment (identique pour sa première partie à celui des hiéroi) incline à nous faire entendre qu’elles ont, comme eux, la responsabilité large de veiller au bon déroulement de la cérémonie dans son ensemble.
60En outre, il ressort des prescriptions sur les vêtements (§ 2) qu’à côté des hiérai qui étaient des femmes adultes, participaient aussi aux Mystères des jeunes filles (parthenoi) et des fillettes (paides) qui sont aussi qualifiées de hiérai. Normalement le mot παδες désigne des petites filles et παρθένοι des adolescentes et on est tenté de considérer les unes et les autres comme deux groupes distincts, correspondant à deux classes d’âge. Cependant, dans les prescriptions sur les vêtements (l. 17, 20, 21), seules sont mentionnées les παδες, alors que dans le chapitre consacré à la procession (l. 29, 32), seules sont mentionnées les παρθένοι. Il est donc possible que les deux termes s’appliquent indistinctement au même groupe de jeunes filles non mariées, quel que soit leur âge. On trouve aussi l’opposition entre des hiérai épouses de citoyens et des jeunes filles hiérai à Gytheion, dans une inscription augustéenne où sont mentionnées αἱ ἱεραὶ κόραι καὶ αἱ γυνακες82. Cela paraît étonnant car on connaît surtout des cultes réservés soit aux femmes mariées (comme les Thesmophories) soit à des jeunes filles ou à des enfants (comme les Brauronies). Toutefois Diodore offre un témoignage peut-être comparable à propos des Mystères de Dionysos célébrés par les femmes : il explique que les jeunes filles (parthénoi) y jouaient un rôle différent de celui des femmes adultes (gynaikes)83.
61Les hiérai d’Andania ne sont pas les seules connues à Messène : on y rencontre aussi des hiérai d’Artémis ; certaines ont consacré des statues qui étaient exposées dans la pièce K de l’Asclépieion (au nord-ouest du sanctuaire) avec des dédicaces qui les désignent comme hiérai, c’est-à-dire probablement comme initiées dans le culte d’Artémis Ortheia. L’éventualité d’un lien entre les Mystères d’Andania et le culte d’Artémis Ortheia reste envisageable : ainsi P. G. Thémélis a émis l’hypothèse d’une identité des hiérai d’Andania et des hiérai d’Oupèsia84, jeunes filles qui avaient participé aux Mystères d’Artémis (à Athènes le culte rendu à Artémis par des jeunes filles comportait également des Mystères85). Cependant le terme de hiéros/hiéra semble s’appliquer en Messénie, comme en Laconie86 aux cultes de diverses divinités et on ne peut pas supposer que les hiéroi ou les hiérai constituent un collège permanent qui pourrait assurer en tant que tel des fonctions dans le cadre de plusieurs cultes. A Andania, la distinction entre les jeunes filles hiérai et les femmes hiérai s’inscrit probablement dans le cadre d’une organisation par classes d’âge propre aux Mystères87. Le règlement des Mystères mentionne, d’une part, des hiérai paides (l. 20, 21), des hiérai parthénoi (l. 29, 32) en les distinguant des hiérai gynaikes (l. 19, 20 ; 31, 32) et, d’autre part, des hiéroi lesquels peuvent exercer des fonctions diverses (rhabdophores, mystagogues), mais ne sont pas répartis en classe d’âge dans le cadre du culte.
62En somme, nous trouvons comme responsables de l’organisation des Mystères d’Andania d’une part un collège composé de riches citoyens (les hiéroi), d’autre part un collège d’épouses de citoyens (les hiérai). Or la réforme des Mystères en 91/90 réside essentiellement dans l’institution du collège des hiéroi (laquelle n’a pas de parallèle exact). Peut-être que ce collège de responsables masculins fut créé sur le modèle d’un collège féminin qui encadrait une “fête de type thesmophorique” c’est-à-dire réservée aux femmes (en l’occurrence aux épouses de citoyens) et organisée par des femmes désignées comme responsables sous le nom de hiérai (équivalant aux archousai d’Athènes). Les Mystères, eux, sont par définition ouverts à tous, hommes et femmes, citoyens et non-citoyens, libres et non-libres. Pour les organiser, on aurait eu alors l’idée de créer un collège de hiéroi sur le modèle de celui des hiérai.
Conclusion sur la réforme des mystères
63En somme, la réforme de 91/90 comporte des mesures circonstancielles de restaurations dans le sanctuaire, mais surtout des innovations institutionnelles dont la plus importante est la création du collège des hiéroi – qui s’apparente à un collège de magistrats et assure le contrôle de la cité sur l’ensemble de la fête.
64Nous voyons dans l’oracle d’Apollon Pythéen à Argos la preuve que les Mystères n’ont pas été fondés ex nihilo en 91/90, comme le montre aussi la lecture critique de la “légende nationale” messénienne combinée à l’interprétation des témoignages numismatiques et archéologiques ; sinon Mnasistratos n’aurait pas pu détenir des livres sacrés et les ἱερά qu’il transmit aux hiéroi successifs et ces derniers n’auraient pas pu déjà être initiés (alors qu’ils le sont très probablement – même si le règlement ne nous laisse pas connaître dans quel cadre).
65Les Mystères ont été réformés et non institués en 91/90 et cette décision a eu pour conséquence essentielle la création du collège des hiéroi. On ne connaît pas de parallèle pour la création d’un tel collège – en revanche la reviviscence d’une pratique religieuse ou sa solennisation marquée par un transfert de l’autorité religieuse des prêtres du sanctuaire à des magistrats civiques est connue au moins par deux exemples. A Éleusis, lors de la réforme de l’aparchè due aux Deux Déesses éleusiniennes, la responsabilité administrative est transférée aux hiéropes (magistrats athéniens) alors que la gestion des aparchai incombait jusqu’alors au hiérophante et au dadouque, prêtres appartenant aux familles sacerdotales traditionnelles des Eumolpides et des Kérykes88. De même, dans les années 335 a.C. à Chios, la grande famille des Clytides accomplit une réforme cultuelle qui consiste en un transfert des objets cultuels (ἱερά) de leur phratrie dans un sanctuaire commun construit tout exprès89 ; là aussi, il s’agit de transférer l’autorité exercée sur un culte par une famille sacerdotale à la communauté civique, comme dans le cas des Mystères d’Andania en 91/90, lorsque Mnasistratos renonce pour lui-même et ses descendants à la fonction de hiérophante et que la cité institue alors le collège des hiéroi. Elle s’assure ainsi un contrôle complet du sanctuaire et du culte tout en s’acquittant par l’octroi de quelques privilèges personnels de sa dette à l’égard de Mnasistratos.
L’organisation de la fête par la cité
66Les Mystères ne sont pas un “culte civique” au sens où on l’entend généralement : la communauté des participants ne peut pas être identifiée au corps civique car la participation aux Mystères, ouverte à tous, est affaire de choix individuel. Cependant l’expression “culte civique” n’a pas d’équivalent en grec ; les textes connaissent en revanche des cultes “financés par la cité” et les Mystères d’Andania appartiennent à cette catégorie (en tout cas à partir de la réforme de 91/90)90.
1. L’organisation financière (§ 11)
67Comme c’est souvent le cas dans les textes concernant la gestion des sanctuaires, le diagramma paraît de prime abord détailler des mesures d’intérêt général ; en fait, il porte surtout sur le financement de la réforme et se limite à quelques directives schématiques sur l’organisation financière à mettre en place pour les années qui suivront91.
68Pour réformer le culte du Carneiasion, il faut que Messène prenne en charge le financement de la fête, la première année au moins : jusqu’alors en effet, il semble bien que ce soient les moyens financiers qui aient manqué (en premier lieu, pour restaurer les bâtiments). Le règlement des Mystères comprend donc un descriptif précis du dispositif mis en œuvre par la cité pour assurer le financement des restaurations dans le sanctuaire et de la fête elle-même, du moins pour la 55e année (l. 45). La commission des Cinq est chargée de gérer les crédits consacrés par Messène aux Mystères et les recettes qu’ils permettent de percevoir (l. 49), puis, les Mystères accomplis, d’en dresser la comptabilité (l. 49-50). Les Cinq sont responsables de leur gestion devant les synèdres (l. 48-49).
69Les Cinq sont assistés par des techniciens, le trésorier, l’épimélète et l’argyroscope. Contrairement à ce que suppose H. Sauppe, il est peu vraisemblable que le tamias (le trésorier)92 soit le grand argentier de la cité ; il s’agit plutôt d’un magistrat subalterne, plus proche du comptable que du “ministre des finances”, même si le titre est semblable à celui du responsable des finances du koinon achaien93. De fait, il n’est pas mentionné dans le dossier de l’oktôbolos eisphora, affaire d’importance s’il en est ; l’épimélète (l. 49) est son assistant94.
70L’argyroskopos est un vérificateur de monnaie (l. 48) ; le mot argyrognômôn est plus courant pour désigner ce spécialiste95 qu’on appelle aussi dokimastès, à Athènes par exemple96. Cet homme n’est certainement pas un magistrat civique, mais plutôt un banquier de banque privée ou publique (cette dernière hypothèse est peu probable à Messène), mandaté par la cité. Il a pour tâche de vérifier l’aloi des monnaies et leur étalon ; il avait probablement beaucoup de travail à Messène puisque – comme dans l’ensemble du Péloponnèse – y circulaient des monnaies d’étalons différents (étalon éginétique réduit dit “symmachique”, monnaies péloponnésiennes autonomes, monnaies de Grèce centrale de poids symmachique et stéphanéphores attiques). Les deniers, en revanche, n’étaient pas encore adoptés dans le Péloponnèse : le relevé de l’oktôbolos eisphora en fournit la première attestation97. Les sommes mentionnées dans le texte se réfèrent probablement à l’étalon éginétique.
71Les sources de financement sont de trois ordres : taxes sur la purification (δι[ά]φορα ἀπὸ το καθαρμο)98, les taxes acquittées par les mystes (ἀπὸ τν πρωτομυστν) et “d’autres recettes”, à savoir les amendes (l. 49-50). La pierre a subi un accident qui affecte les lignes 54-57 en leur milieu ; à la ligne 56, l’établissement du texte fait difficulté. On peut envisager de restituer ποθόδους φερόντω.
72On aboutit ainsi pour l’ensemble du passage à la traduction suivante : “S’il y a encore besoin de fonds excédant ces recettes, que (les Cinq) fassent un rapport en notant expressément pour quel usage”. Reste cette difficulté que πόθοδος n’est pas attesté dans les textes de Messène au sens de revenu (c’est εἴσοδος qui y est employé dans cette acception).
73Le recouvrement des amendes incombe aux polémarques. Comme leur nom l’indique, ces magistrats avaient une fonction militaire à l’origine, mais, à l’époque hellénistique, la fonction de polémarque correspond à des tâches administratives d’importance très différente selon les cités99 ; ainsi à Thouria, les polémarques sont chargés dans le cadre du règlement sur le fonds de grains de vendre au prix fixé le grain acheté par la cité pour faire face à des difficultés d’approvisionnement100. Le règlement des Mystères nous apprend qu’à Messène les polémarques contribuaient à l’application des sanctions judiciaires en recueillant la liste des contrevenants qui devaient acquitter une amende (l. 164-165), dont le recouvrement leur incombait probablement. Une fois les Mystères accomplis, les hiéroi n’ont plus d’autorité et ce sont les magistrats civiques qui exercent un pouvoir de coercition sur les débiteurs de la cité.
74Le verbe ἀναχράομαι (l. 60) a le même sens que καταχράoμαι (l. 61), mais il n’est pas utile de lui préférer ce dernier car, comme Ad. Wilhelm l’a fait remarquer, le composé en ἀνα-est attesté dans le premier décret pour Aristoclès101.
75On sait que la Messénie (dans laquelle Messène tenait du fait de l’importance de sa population une place écrasante102) était prospère au début du ier siècle a. C.103 – c’est ce qui permet à la cité d’avancer l’argent nécessaire à la réforme des Mystères –, mais il semble bien que Messène ait recherché dans cette initiative une nouvelle source de revenus : si la cité a avancé de l’argent pour restaurer les bâtiments du sanctuaire, il est prévu que, dès la première année, les taxes prélevées permettent aux Cinq de la rembourser et de payer en totalité les 6 000 drachmes accordées à Mnasistratos pour la couronne (l. 52-55). Un excédent est même attendu qui devra être consacré à la poursuite de la restauration du Carneiasion (l. 55-56). Enfin, “quand le trésorier aura acquitté toutes (les sommes) dont on a besoin pour l’accomplissement des Mystères, que les sommes qui proviennent des Mystères fassent partie des revenus de la cité” (l. 63-64). En clair, une fois acquittées les dépenses exceptionnelles rendues nécessaires par le mauvais état des bâtiments, les Mystères doivent devenir une source de revenus pour Messène. De même, la célébration des Mystères de Lycosoura apportait à Mégalopolis des ressources appréciables, voire indispensables puisqu’en 42 p.C., “la concurrence avec les jeux olympiques avait été telle que les Mystères n’avaient rien rapporté à Lycosoura : l’argent manqua même pour les impôts courants de l’Empire” et un évergète paya pour la cité toute entière104.
76Les années suivant la restauration des Mystères, les hiéroi qui organisent le banquet rituel veillent à ce que, annuellement, les dépenses afférentes (pour le service et pour les chœurs) ne dépassent pas une certaine somme dont le montant n’a pas été gravé (l. 99) : d’autres documents présentent aussi un vacat là où devait être inscrit le montant des dépenses (ou d’autres mentions) ; probablement n’était-il pas encore fixé lorsqu’on fit graver la stèle et oublia-t-on de l’indiquer par la suite105.
77Au chapitre des dispositions financières s’ajoute la fourniture des victimes pour les sacrifices et du bois pour le chauffage des bains. La cité charge certains citoyens de fournir les victimes selon une procédure connue par exemple à Magnésie du Méandre106. La clause offre une difficulté de construction : θυμάτων ν δε θύεσθαι καὶ παρίστασθαι ἐν τος μυστηρίοις (l. 65). On peut comprendre qu’il s’agit d’un ὕστερον, πρότερον, θύεσθαι signifiant “sacrifier” et παρίστασθαι, “fournir”107. On peut aussi envisager l’hypothèse d’un changement de construction, le second infinitif équivaut alors à un impératif et ka¤ ne relie plus les deux infinitifs, mais les deux propositions. La seconde construction paraît plus simple et nous traduisons donc : “Que les hiéroi une fois nommés et après l’avoir fait annoncer par le héraut, donnent en adjudication la fourniture des victimes qui doivent être sacrifiées et les présentent lors des Mystères et (qu’ils donnent) aussi (en adjudication) celles qui sont destinées aux purifications, en le faisant soit, si cela leur semble nécessaire, pour toutes les victimes en bloc, soit (si cela leur semble préférable) par partie, à celui qui s’engage à accepter la somme la plus basse” (l. 64-67). Les adjudicataires devaient probablement prêter serment pour sceller leur engagement à fournir les victimes108. L’adjudication a généralement lieu longtemps avant la fête ; dans l’intervalle, les adjudicataires doivent nourrir les animaux109. La cité se prémunit contre d’éventuels abus qui lui feraient perdre de l’argent : des garants suppléeront aux défaillances des citoyens désignés qui se déroberaient. C’est l’aspect proprement administratif. Elle doit surtout se prémunir contre les infractions possibles aux exigences divines : d’où l’examen des victimes. D’une façon générale, on sait qu’elles ne doivent pas être malades ou mal formées, mais en bonne santé, jeunes et intactes : le texte précise qu’elles doivent être εὐίερα καθαρὰ ὁλόκλαρα (l. 70)110. Dix jours avant les Mystères, les hiéroi jugent de la conformité des victimes à ces critères : l’opération s’appelle dokimasia (l. 71). Puis les hiéroi apposent une marque sur les victimes qu’ils ont contrôlées afin d’empêcher toute substitution : cette pratique est connue par d’autres textes épigraphiques111. Il serait sacrilège de présenter d’autres victimes à la place de celles que les hiéroi ont marquées, car elles risqueraient de ne pas être καθαρά – ce qui provoquerait une souillure risquant de perturber les sacrifices et les Mystères. Contrairement à d’autres lois sacrées, le règlement des Mystères ne fixe pas de prix pour les victimes à fournir ; a contrario un fragment appartenant au code de lois rédigé par Nicomachos après la restauration de la démocratie athénienne énumère les victimes à prévoir (parmi d’autres), pour la fête des Éleusinia en indiquant leur prix112. Le bois nécessaire au chauffage de la salle où l’on se frotte d’huile est également fourni par des citoyens qui s’engagent à fournir la quantité suffisante selon une procédure similaire (l. 108-109).
78Il arrive que les sanctuaires jouissant d’une autonomie financière soient, de ce fait, contraints de gérer leur budget en assumant les dépenses nécessaires et en trouvant les moyens de se procurer les revenus correspondants. Le produit des quêtes, les amendes et les autres revenus reviennent alors au sanctuaire113. En vertu du règlement que nous commentons, il apparaît que le sanctuaire du Carneiasion n’a aucune espèce d’autonomie financière : c’est la cité qui finance les restaurations et les constructions nouvelles, ainsi que l’organisation de la fête la première année de la réforme ; elle fait un investissement (qui n’est certainement pas considérable puisqu’elle doit rentrer dans ses frais dès la première année). Par la suite, les revenus des Mystères sont versés dans les finances civiques (aussi bien les taxes, que les offrandes ou les amendes), à l’exception de ce qui revient à Mnasistratos (l. 86-88).
2. Restaurations et constructions dans le sanctuaire (§ 11, 18)
79La restauration du culte s’accompagne de travaux dans le sanctuaire, soit que le culte ait été à proprement parler abandonné114 soit que les bâtiments se soient dégradés avec le temps. A cette occasion, le règlement des Mystères donne quelques renseignements sur les édifices qui se trouvent dans le sanctuaire. Nous possédons aussi une brève description du Carneiasion par Pausanias et les deux textes se rejoignent pour mentionner une source qui est appelée Hagna dans le diagramma. Le règlement des Mystères évoque aussi une statue d’Hagna (ἄγαλμα) près de la source et précise que cette dernière porte le nom d’Hagna d’après des “écrits anciens” (l. 84-85). En rapprochant les deux témoignages et en supposant un saut du même au même, H. Sauppe a suppléé dans le texte de la Périégèse le nom de la déesse qui rend à la description sa cohérence ; car si le nom d’Hagna n’a pas encore été mentionné, on ne comprend pas pourquoi Pausanias l’explique comme une épiclèse de Corè : θεν δὲ ἀγάλματα Ἀπόλλωνός ἐστι Καρνείου καὶ Ἁγνς καὶ Ἑρμς φέρων κριόν. ἡ δὲ Ἁγνὴ Κόρης τς Δήμητρός ἐστιν ἐπίκλησις. Ὕδωρ δὲ ἄνεισιν ἐκ τς πηγς παρ’ αὐτὸ τὸ ἄγαλμα (4.33.4).
80Les restaurations portent sur plusieurs bâtiments du sanctuaire, que le règlement énumère : le temple des Grands Dieux, un oikos, le théâtre.
81Le temple des Grands Dieux, ναὸς τν Μεγάλων Θεν (l. 91) se trouvait peut-être à l’ouest de l’ancienne église de Polichni, où N. Valmin a retrouvé “les restes d’un grand bâtiment en belles pierres de taille de calcaire clair, dont une partie semble construite sur plan demi-circulaire”115. Son existence prouve que ces divinités, sur l’identification desquels nous reviendrons116, avaient une grande importance dans le culte, du moins à l’époque de la réforme. En revanche, il n’est pas fait mention d’un temple d’Apollon Carneios (il faut entendre hiéron [l. 113] au sens de “sanctuaire”, en l’occurrence, il s’agit du Carneiasion) ni d’un temple de Déméter, malgré la place essentielle de cette déesse dans le culte. L’“édifice qui se trouve dans le sanctuaire”, ὁ οκος ὁ ἐν τι ἱερι (l. 113) ne désigne probablement pas le temple des Grands Dieux : à propos d’un sanctuaire, le mot οκος s’applique à un bâtiment qui a divers usages, mais qui n’est pas un temple ; ainsi à Délos les oikoi servent soit à déposer des offrandes ou du matériel cultuel, soit à abriter des banquets rituels (le nom technique est alors ἑστιατόριον)117.
82Le théâtre dans lequel a lieu la purification (l. 67-68) était probablement utilisé pour la θεν διάθεσις, la “représentation des dieux”. Dans la mesure où, partie intégrante de l’initiation, elle avait vraisemblablement lieu au Carneiasion, il faut supposer que le théâtre s’y trouvait et non à Messène, comme le pensait P. Foucart118 ; U. von Wilamowitz en fait le point d’arrivée de la procession119. Notons qu’il n’y a pas au Carneiasion de télestérion ou d’équivalent, aucun bâtiment qui soit spécialement consacré à l’initiation120 – ce qui nous conduit à penser que les Mystères eux-mêmes se déroulaient peut-être dans le théâtre, puisque ce lieu recevait une purification particulière121.
83La réforme du culte nécessite, en plus de la restauration des bâtiments du sanctuaire, la construction de deux thèsauroi c’est-à-dire de troncs à offrandes (l. 89-92), comparables par exemple à celui qui, découvert à Thasos, se rattache au culte du héros Théogénès ; il s’agit d’un bloc de pierre cylindrique dont l’intérieur est creusé d’une cavité tronconique destinée à recevoir les pièces de monnaie. Ils permettent de protéger les offrandes d’éventuelles indélicatesses ; on en a trouvé un dans la pièce d’Artémis Oupèsia de l’Asclépieion de Messène122. Ces troncs doivent recueillir les offrandes des mystes (l. 50) qui permettront de financer la cérémonie l’année suivante ; des clefs permettent de protéger leur contenu, (l. 92-93) comme à l’Asclépieion de Cos, où les quatre clefs du trésor sont confiées à quatre magistrats différents : ἐχέτω δὲ ὁ θησαυρὸς κλακας τέσσαρας· τὰν δὲ κλαϊκν τὰμ μὲν μίαν τοὶ προστάται ἐχόντω, τὰ(ν) δὲ ἑτέραν τ[οὶ ἱερο]φύλακες, τὰ[ν] δὲ τοὶ ταμίαι, τὰν δὲ ὁ ἱερεὺς το Ἀσκλαπιο 123.
84Des bains étaient installés à proximité du Carneiasion, probablement alimentés en eau par la source Hagna, grâce à un réservoir (βλημα) et à des canalisations (ὀχετoί), dont N. Valmin a peut-être retrouvé des vestiges124. Il pense également avoir identifié l’emplacement des bains en question, en l’occurrence, la chapelle d’Hagios Athanasios à Bouga (aujourd’hui Kallirhoï, à moins d’un kilomètre au sud-ouest de Polichni où se trouve le site du Carneiasion)125. Ce sont les hiéroi en fonction la 55e année (date de la restauration des Mystères) conjointement avec l’architecte officiel de la cité126 qui ont la charge de veiller aux constructions (l. 90-91).
3. Organisation de la panégyrie (§ 7, 20-22)
85Comme beaucoup d’autres fêtes religieuses, les Mystères d’Andania attiraient un grand nombre de fidèles127 ; les Grecs appellent ces rassemblements “panégyries”. Une telle réunion implique l’organisation d’un campement provisoire ; elle est aussi l’occasion d’une foire128 que le règlement appelle simplement ἀγορά (l. 99)129.
86L’agoranome est, comme son nom l’indique, le magistrat chargé de l’organisation des marchés, y compris des foires. Au Carneiasion, il doit veiller à la régularité des transactions sur le marché sans fixer les conditions précises de vente, le prix des marchandises ou les heures de marché (l. 99) : telle est généralement sa fonction, “surveiller les contrats commerciaux et veiller au bon ordre”130. A ce dernier titre, il est également chargé de veiller à l’approvisionnement en eau et au bon fonctionnement des bains (l. 103-109). Il doit faire fouetter l’esclave contrevenant et infliger une amende aux hommes libres, si ceux qui doivent assurer l’approvisionnement en bois et le service des bains manquent à leur charge (l. 110-111). De même, à Parion, un agoranome avait été élu “à l’effet d’approvisionner le marché et de surveiller les transactions lors de la célébration d’une certaine panégyrie”131, à cette différence près que, à Messène, cette tâche incombe au magistrat ordinaire (ὁ ἀγορανόμος ὁ ἐπὶ πόλεος). La fonction d’agoranome devait être prestigieuse puisque, dans une dédicace impériale, un citoyen messénien se targue d’avoir été prêtre de Néron, prêtre de Rome, secrétaire des synèdres et agoranome132. En 99 de notre ère, l’agoranome avait un subordonné appelé ὑπαγορανομός133.
87L’agoranome doit veiller à la fois à l’organisation matérielle de la vie quotidienne des participants et au bon déroulement du marché. Comme la célébration des Mystères dure plusieurs jours et qu’elle se tient dans un sanctuaire de la chôra éloigné de Messène, l’organisation d’un campement s’impose ; tout provisoires qu’ils fussent, de tels campements aux abords des sanctuaires pouvaient être l’occasion pour les rois ou pour des notables d’exhiber leur fortune : c’est probablement la raison pour laquelle le règlement mentionne les tentes parmi les objets qui doivent être conformes à la simplicité marquant l’ensemble de la célébration cultuelle134.
88Comme la responsabilité du confort des “pélerins”, acheteurs ou curieux, incombe à l’agoranome, il doit veiller à ce que tous les participants disposent de suffisamment d’eau pour les bains. Ainsi ils pourront être organisés tous les jours de la fête, de la 4e à la 9e heure, c’est-à-dire de 10 à 15 heures135. Le règlement des Mystères établit des prescriptions très strictes sur l’approvisionnement en eau (l. 103-105) et sur la fourniture du bois (l. 108-109). Des inscriptions d’Oropos offrent des parallèles car un torrent traverse l’Amphiaraion et nécessite des aménagements comparables à ceux du Carneiasion autour de la source Hagna. L’une d’elles interdit de faire obstacle à l’écoulement de l’eau dans des termes proches de ceux du règlement des Mystères : τὸ ὕδωρ μὴ κωλύηται ῥεν ὑπὸ τς χαράδρας136. L’agoranome doit organiser les bains pour que les pélerins disposent de baignoires (c’est le sens de μάκρα) et de douches (τος κατακλυζομένοις) alimentées en eau tiède (εὔκρατος)137.
89Comme l’édifice des bains se trouve à l’intérieur du sanctuaire (l. 107), la question se pose de savoir s’ils avaient ou non une fonction religieuse. Certes les bains jouaient dans certains cultes à Mystères un rôle cathartique138, mais aucun détail ne permet de penser que c’était ici le cas. Il s’agit de bains publics, où les esclaves ne sont admis que pour le service (l. 109). ἄλειμμα n’a pas ici le sens de distribution d’huile comme c’est souvent le cas, en particulier dans les décrets honorifiques où l’ἄλειμμα est un bienfait souvent rappelé ; il a le sens technique propre aux bains de “onction”139.
90Si l’on prend beaucoup de précautions pour assurer l’approvisionnement en eau, c’est probablement parce qu’on attend beaucoup de pèlerins. En effet, habituellement, la Messénie ne souffre pas de pénurie d’eau. Située sur la façade occidentale de la Grèce continentale, elle reçoit des précipitations beaucoup plus élevées et mieux réparties que la Grèce centrale et orientale ; les rivières y sont nombreuses et si Divari doit effectivement être identifiée avec la source Hagna, elle est abondante puisqu’elle assure aujourd’hui l’irrigation d’une partie de la haute plaine. Le règlement garantit un libre accès à la source, alors que, comme les personnes privées, les sanctuaires pouvaient vendre l’eau d’une source qu’ils possédaient140. C’est l’agoranome qui est responsable de l’approvisionnement en eau parce que le règlement édicte des prescriptions valables seulement pour la durée de la panégyrie ; a contrario, d’autres textes dont l’application est permanente engagent la responsabilité d’un magistrat spécialisé.
91Les marchés sont habituellement soumis à une réglementation dont l’agoranome assure l’application ; ainsi à Athènes une loi prescrivait ce principe qu’il ne faut pas commettre de fraude sur le marché (ἀψευδεν ἐν τ ἀγορ)141. Le règlement des Mystères formule cette même exigence (peut-être en référence à une loi de Messène analogue à celle d’Athènes) en précisant que les marchandises vendues doivent être ἄδολα καὶ καθαρά (l. 100) ; cette junctura est couramment utilisée dans les papyrus lagides à propos de la vente de grain (on ajoute généralement ἀκρεθα)142.
92Du fait qu’il a lieu à l’occasion des Mystères, le marché suit un règlement particulier : ce sont les hiéroi qui doivent délimiter l’espace dans lequel il se tient (l. 99) ; ensuite restait probablement à l’agoranome la tâche de fixer l’emplacement où chaque produit serait vendu, comme c’est l’habitude143.
93Aucun droit de place (appelé ἀγορς τέλος ou ἀγοραστικόν) n’est exigé des vendeurs : μηδὲ πρασσέτω μηθεὶς τοὺς πωλοντας το τόπου μηθέν n (l. 101) ; collecté par l’agoranome, il pouvait servir, dans les cités où il était imposé, à financer des installations permanentes pour le marché (qui n’existaient certainement pas à Andania) ; l’absence d’une telle taxe s’explique par l’intérêt strictement local de la fête144. Les prix des marchandises et des heures de marché ne sont pas fixés ; Fr. Sokolowski commente : “On proposait toutes les facilités pour attirer des gens” ; il n’est pas certain que les Anciens aient eu une telle préoccupation économique. L’absence de réglementation s’expliquerait plus volontiers par les difficultés d’approvisionnement provoquées par la concentration d’un grand nombre de personnes (cette interprétation est corroborée par les prescriptions sur l’approvisionnement en eau [l. 103-106])145.
94On peut hésiter sur le sens des skènai, qui font l’objet du paragraphe 7 ; le mot se rencontre en effet dans la contexte de la panégyrie – d’où l’expression σκηνον καὶ πανηγυράζειν146. Il désigne des éventaires dressés conformément aux règlements sous le contrôle de l’agoranome comme dans les panégyries de Delphes ou de Délos. Cependant skènai peut aussi être l’équivalent de skiai et de skiades ; tel est le cas dans le règlement des Mystères. Le mot désigne alors des tentes pour un campement nécessité par un rituel qui dure plusieurs jours, se déroule généralement dans un sanctuaire de la chôra et comprend un banquet (qui a lieu sous les skènai)147.
4. Création de commissions spécifiques aux Mystères : les Cinq et les Dix (§ 11, 25)
95Malgré le contrôle exercé par les hiéroi sur l’ensemble de la célébration des Mystères et l’implication de nombreux magistrats civiques réguliers dans son organisation, le règlement prévoit aussi la création de deux commissions ad hoc, renouvelables chaque année ; cependant leur activité est limitée à la durée des préparatifs et de la célébration de la fête. Ce sont les Cinq et les Dix.
96Les membres de la commission des Cinq sont désignés par le damos, sur proposition des archontes (l. 45-47). Le diagramma ne précise pas s’ils étaient ou non choisis par tribu ; leur nombre le laisse cependant supposer car il y a cinq tribus à Messène148. Les Cinq ont des responsabilités financières ; c’est pourquoi ils sont soumis à reddition de comptes devant les synèdres. Comme ils exercent leur fonction uniquement durant le temps nécessaire à l’organisation et la célébration des Mystères (entre le huitième mois [l. 116] et le onzième [l. 11]), la procédure a lieu immédiatement après la fête, “lors de la première réunion régulière des synèdres” (l. 48-49)149. Leurs compétences financières expliquent aussi qu’ils soient – comme probablement les hiéroi – contraints de posséder une certaine fortune, en l’occurrence un τίμαμα d’un talent au moins (l. 46-47) ; Ad. Wilhelm a expliqué le sens du mot qui signifie “fortune estimée”150. Selon l’habitude des cités grecques, Messène en choisissant de riches citoyens se prémunit contre les risques inhérents à la manipulation de l’argent public : on suppose qu’ainsi ils seront moins exposés à la tentation de malversation et la cité s’assure qu’elle pourra, le cas échéant récupérer son bien aux dépens d’un citoyen solvable151. C’est ce que dit explicitement une inscription de Corcyre du iie siècle : ἑλέσθαι δὲ τὰν βουλὰν τοὺς χειριζοντας τὸ ἀργυρίον ἄνδρας τρες εἰς ἐνιαυτὸν τοὺς δυνατωτάτους χρήμασι152. Dans le cas des Cinq à Messène, le cens requis, sans être exorbitant est, toutefois relativement élevé ; en effet, passée la première année de la réforme, les sommes que la cité risque de perdre ne sont pas considérables. Cependant, si la somme requise est plus importante à Messène, c’est probablement aussi parce que la cité est prospère153.
97Les membres de la commission des Dix sont désignés par l’Assemblée du peuple, par un vote à main levée, χειροτονία (l. 116-126). Contrairement aux hiéroi, les Dix ne sont pas désignés κατὰ φυλήν, mais ἐκ πάντων τν πολιτν (l. 121-122), ἐξ ἁπάντων dirait-on à Athènes.
98Alors que le recrutement des Cinq qui assument des fonctions financières est soumis à des conditions de fortune, celui des Dix, qui ont la responsabilité morale de la cérémonie, est soumis à des conditions d’âge. Ils doivent avoir plus de quarante ans (l. 122-124) car le principe d’ancienneté commande souvent le choix des responsables dans les cités grecques (en dehors de toute préférence oligarchique) ; ainsi à Athènes les cosmètes doivent avoir quarante ans154.
99Il est difficile d’établir le texte de la clause précisant les conditions dans lesquelles les Dix sont désignés même si le sens est clair (l. 124-126) : “(qu’ils ne désignent) pas les mêmes à deux reprises...” Cette partie du texte est inscrite sur la tranche de la seconde pierre et n’est donc plus consultable depuis que cette dernière est remployée. Le relevé d’A. Blastos est le suivant : T/.NΓIONENIAYTON. Le premier éditeur, S. Koumanoudis et H. Sauppe ont restitué τ[ὸ]ν [αὐτ]όν. R. Meister a proposé τ[ὸ]ν [γ ’ ἰ]όν et traduit “dans l’intervalle d’une année”155. La clause signifierait qu’il n’y a pas de possibilité d’itération immédiate (ce qui est également exclu dans le cas des Cinq [l. 46] et paraît donc plausible pour les Dix). Enfin, Fr. Sokolowski (en s’inspirant d’une hypothèse de J. Zingerle) suggéra dans une note de son édition (dans laquelle il conservait le texte de R. Meister) une solution qui paraît meilleure : τ[ὸ]ν /[ἔ]νγιον ἐνιαυτόν (“l’année la plus proche”)156.
100Les Dix ont la haute main sur l’organisation de la cérémonie ; ils incarnent l’autorité civique, alors que les hiéroi détiennent une autorité d’ordre religieux. Cette répartition de l’autorité se traduit par le fait que les Dix organisent en cas de nécessité une délibération des hiéroi, dont ils président probablement la réunion ; les décisions sont alors prises à la majorité (l. 171-177).
101Contrairement au collège des hiéroi, les commissions des Cinq et des Dix sont des instances civiques : les Cinq assument l’entière responsabilité financière de la cérémonie et les Dix ont haute autorité sur les Mystères du point de vue civique ; c’est à ce titre qu’ils peuvent poursuivre les hiéroi s’ils contreviennent au règlement et ils prononcent alors les jugements (l. 168-170).
5. Les institutions ordinaires de Messène dans l’organisation de la fête (§ 7, 11, 24-25)
102Les hiéroi (et, dans une moindre mesure, les hiérai) avec les deux commissions spécifiques des Cinq et des Dix sont responsables du bon déroulement de la fête ; cependant, c’est toute la cité qui participe à l’organisation du culte et le règlement des Mystères fixe le rôle des instances de pouvoir civique dans la préparation et l’accomplissement des “sacrifices et des Mystères”.
103Les trois principaux organes du pouvoir à Messène sont les σύνεδροι (le conseil)157, les ἄρχοντες (la réunion en collège des magistrats) et le δμος (l’ensemble des citoyens réunis en assemblée) ; ce schéma institutionnel est partagé par d’autres cités qui furent membres, comme Messène, du koinon achaien158.
104Les synèdres (l. 49, 57, 89, 186) et leur secrétaire (l. 1, 5, 134-135), bien qu’assez peu évoqués, jouent le rôle le plus important dans le contrôle des Mystères par la cité, les archontes sont cantonnés à une tâche plus ponctuelle (l. 46, 128) ou associés aux synèdres (l. 56) et le δμος intervient seulement à deux reprises pour élire les membres de commissions spécialisées dans l’organisation de la fête (l. 46, 119).
105Dans le règlement des Mystères, les synèdres préparent les projets de décrets, tantôt avec les ἄρχοντες (l. 56-57)159, ainsi pour débattre au sujet d’éventuels crédits supplémentaires, tantôt sans eux, pour combler les lacunes du règlement (l. 185-186). Les synèdres (et singulièrement leur secrétaire) interviennent chaque fois qu’il s’agit d’assurer le contrôle de Messène sur le déroulement de la fête : dans la prestation des serments, où l’engagement à l’égard des dieux se double d’un engagement vis-à-vis de la cité, dans les redditions de comptes et dans la rédaction des décrets (βουλευέσθωσαν οἱ σύνεδροι) destinés à combler les lacunes de la loi (ἄγραφα)160. Les σύνεδροι ont l’initiative des décrets et parfois même le pouvoir de les voter sans l’accord du damos ; ainsi ils fixent seuls les offrandes que la cité consacrera aux dieux lors de la fête (l. 40)161.
106En plus de leur fonction probouleumatique, les synèdres ont également un pouvoir de contrôle dans les redditions de comptes162 : “Lorsque les Mystères auront été accomplis, que (les Cinq) rendent leurs comptes, sur tous les points (ἐμ πάντοις), au cours de la première réunion légale des synèdres” (l. 48-49), ἐν τι πρώται συννόμωι συναγωγι τν συνέδρων. Le mot attendu163 pour désigner l’assemblée ordinaire est plutôt ἔννομος dont σύννομος serait un doublet. Comme σύννομος n’appartient pas d’habitude au vocabulaire politique164, certains éditeurs ont supposé une erreur du lapicide qui aurait transcrit συννόμωι à la place de ἐννόμωι, du fait de la proximité de συναγωγι et de συνέδρων; il semble cependant préférable de garder le texte tel qu’il est, car son orthographe est dans l’ensemble très soignée et l’existence d’un doublet ne saurait être absolument exclue.
107Comme les décrets en l’honneur d’Aristoclès165, le règlement des Mystères utilise ἀπολογίζομαι (l. 48) au sens de “rendre ses comptes” (emploi qui est habituel en ce sens) Le terme d’ὑπόμαστροι (l. 51) est plus surprenant. Ad. Wilhelm l’a rapproché d’une notice d’Hésychios qui donne pour μαστρεαι (terme employé dans le relevé de l’oktôbolos eisphora [IG, V. 1, 1433, l. 15]) : αἱ τν ἀρχόντων εὔθυναι ; de plus, des magistrats du nom de mastroi sont effectivement attestés dans d’autres cités, mais pas à Messène. P. Fröhlich a nettement mis en évidence le fait que l’emploi du mot ὑπόμαστροι (l. 51) ne suffit pas à démontrer l’existence de magistrats spécialisés dans le contrôle des autres magistrats sous le nom de mastroi ; et de fait, la fonction généralement remplie par les mastroi dans certaines cités à l’époque hellénistique tardive était en fait assumée à Messène par les synèdres – ce qui contribue à faire du synédrion “la clef de voûte des institutions messéniennes”166.
108Comme il assure la permanence de l’exécutif, le γραμματεὺς τν συνέδρων (le secrétaire des synèdres, en fait, leur président) doit faire prêter serment aux hiéroi (l. 1-2). Il fait aussi prêter serment aux Dix, qui composent la commission chargée de contrôler le bon fonctionnement des Mystères (l. 132-137).
109Les archontes se bornent à rédiger conjointement aux synèdres certains décrets, en l’occurrence celui qui allouerait d’éventuels crédits pour de nouvelles restaurations au Carneiasion (l. 56-57) et à désigner les Dix qui contrôlent la cérémonie des Mystères (l. 126-132).
110Les archontes sont, en outre, chargés sur proposition des damiurges de désigner les Cinq qui sont les responsables financiers pour les Mystères : εἰσφερόντω δὲ οἱ ἄρχοντες ἀνάνκαι πάντες, μὴ δὶς τοὺς αὐτούς, κτλ (l. 46). Le verbe εἰσφερόντω n’a pas d’objet exprimé, sauf si l’on considère πάντες comme un accusatif en lieu et place de πάντας167. Dans la mesure où l’accusatif πάντας est attesté aux lignes 39-40 (εὐφαμεν πάντας), il paraît raisonnable de relier πάντες à ἄρχοντες et de comprendre que la décision ne peut être prise que par les archontes au complet.
111Le δμος n’est pas absent, même si les synèdres exercent (seuls ou avec les archontes) la fonction probouleumatique. Dans le règlement des Mystères, il intervient à deux reprises : il élit directement les Dix, qui ont la haute main sur toute l’organisation de la cérémonie ; le texte précise que le vote a lieu à main levée (χειροτονία) : “Le douzième jour du sixième mois, que les damiurges, avant que n’ait lieu le tirage au sort des hiéroi et des hiérai, défèrent au peuple un vote à main levée en vue de la nomination des Dix” (l. 116-122). Si les damiurges sont chargés d’organiser cette élection, c’est qu’ils ont la présidence des réunions de l’assemblée du peuple.
112Le δμος entérine le choix des Cinq, magistrats chargés des questions financières pour les Mystères et qui sont désignés par les ἄρχοντες (l. 45-46). En somme, même si le damos n’est pas entièrement écarté de l’exercice du pouvoir, ses prérogatives paraissent réduites à la désignation de représentants ou plutôt à l’approbation des candidats désignés par d’autres instances.
113Le règlement d’Andania mentionne aussi une γερουσία dont l’identification paraît particulièrement délicate168. Elle est chargée de “noter la fortune des magistrats en place” (il s’agit des Cinq) “aussi bien que celle de ceux qui ont proposé leur nom” (l. 47) ; les Cinq qui composent une commission de responsables financiers pour la cérémonie sont désignés selon un critère censitaire (τίμαμα) que la gérousie a mission de contrôler. Elle pourrait être un conseil d’Anciens coexistant avec le synédrion (comme à Méthymna où des πρεσβύτεροι ont conjointement à des timouques introduit une proposition devant la boulè169 ou à Pagai où les magistrats sortis de charge devenaient synèdres à vie, à la manière des sénateurs romains170) ou bien une commission des synèdres (comme c’était le cas à Mégalopolis171).
Conclusion du chapitre II
114La responsabilité de la gestion du sanctuaire est généralement partagée entre prêtres et magistrats et les lois sacrées ont souvent pour fonction (entre autres) de préciser la répartition des prérogatives entre les uns et les autres : ainsi le règlement du Thesmophorion du Pirée attribue la surveillance conjointe du sanctuaire au démarque et à la prêtresse de Déméter (l. 13), tout en réservant le pouvoir de sanctionner les contrevenants au démarque (l. 13-16) et en interdisant à quiconque l’accès au sanctuaire (sauf naturellement pendant les fêtes) en dehors de la présence de la prêtresse (l. 3-12), ce qui revient à lui garantir le maintien de son autorité et de ses revenus172. Or, le règlement des Mystères d’Andania révèle un partage des responsabilités plus complexe, à trois termes, entre magistrats (nous venons de voir que les instances civiques impliquées dans l’organisation des Mystères sont très nombreuses), prêtres, hiéroi et hiérai. Ce partage des compétences tient probablement au fait que le culte comporte des Mystères dans lesquels l’organisation hiérarchique comme l’engagement individuel sont plus importants que dans les autres cultes civiques.
115Rares sont les magistrats civiques concernés par les affaires religieuses qui soient absents de l’organisation des Mystères ; or si l’on compare le dispositif des magistrats spécialisés dans ce domaine avec celui d’une autre cité que nous connaissions suffisamment bien et qui organise une fête d’une ampleur comparable, c’est-à-dire Thespies, nous constatons qu’ils ne sont pas aussi nombreux à Messène (ici, pas de “commissaire aux temples”, ni de “secrétaire des affaires sacrées”, ni de “trésorier des fonds sacrés”)173. Pour l’organisation des Mystères d’Andania, les techniciens sollicités sont moins nombreux, en revanche des collèges spécifiques aux Mystères (les hiéroi, les Cinq, les Dix), composés de riches citoyens, assurent l’encadrement des participants et la gestion de la fête ; ce trait distinctif s’accorde bien avec l’accent oligarchique des institutions messéniennes. Il correspond également au rôle croissant des notables dans les cités à l’époque hellénistique tardive, y compris dans le domaine religieux. Ainsi, à Athènes, les années 100-90 sont marquées par l’accentuation de ce phénomène : en l’occurrence, Médeios du Pirée et Sarapiôn de Mélitè, deux hommes politiques importants dans le régime oligarchique en place, assurent à eux seuls de nombreux sacerdoces et le financement de la plupart des cultes civiques, ce qui met ces derniers en péril lorsque Médeios et Sarapiôn sont écartés174. A Messène, le notable Mnasistratos accepta que la cité assure à sa place l’organisation des Mystères en y impliquant de nombreux magistrats et en la confiant aux collèges des hiéroi et des hiérai, ce qui revenait à placer les Mystères sous la garde des élites de la cité et à assurer ainsi leur pérennité.
Notes de bas de page
1 Deininger 1971, 242-244.
2 Les sources : Wilhelm 1914, 83-85 ; Kern 1938, 152-183. Fondations ou réformes : Nilsson 1988, 82-88 ; Kern 1918 ; Chaniotis 1995.
3 Cf. infra p. 180-185.
4 Paus. 4.20.3-4 ; cf. Foucart 1876, 169 ; Pasquali 1912/1913, 99 ; Wilamowitz-Moellendorff 1932, 541 et n. 1 ; cf. infra p. 191-195.
5 Syll.3, 735 ; cf. Vollgraff 1909 ; Piérart 1990 ; Deshours 1999 (le texte du présent chapitre reprend en partie celui de cet article) ; cf. L. Dubois, Bull. 2000, 328.
6 CID, IV, 7 (= Syll.3, 224), c. 345/344 ; cf. Lefèvre 1998, 219.
7 Deshours 1999, 470-473.
8 Hdt. 2.171 ; Paus. 1.14.2.
9 Cf. infra, p. 181-185, 187-191, 195-200.
10 IG, IV, 756, l. 11.
11 Vollgraff 1909, 178-179.
12 J. Fontenrose (1978, 37) considère la construction ἄμεινoν καὶ λιóν ἐστι ἐμoὶ πoιoντι comme la formule habituelle pour questionner l’oracle delphique. On rencontre une formule de même sens à Dodone : τίνι κα θεν ἢ ἡρώων θύοντες κάλλιστα καὶ ἄριστα Ϝοικέοιεν; (Parke 1967, no 2 et 3). Platon (Lois, 8.828 a) utilise cette formule lorsqu’il prescrit de consulter l’oracle de Delphes pour établir le calendrier religieux de la cité des Lois : αἵτινες θυσίαι καὶ θεος οστισιν ἄμεινον καὶ λόν θυούσῃ τ πόλει γίγνοιτ’ ἄν “quels sacrifices et à quelles divinités il sera, pour la cité, profitable et salutaire d’offrir.” (CUF, 1976, trad. A. Diès).
13 Wilhelm, Neue Beiträge, 3 (1913), 23-27, no 17 = Akademieschriften, I, 145-146 ; Dodone : SGDI, 1587.
14 Amandry 1950, 191 ; Parke-Wormell 1956, 320-377 ; Fontenrose 1978, 31 et les décomptes de l’auteur (tableaux p. 27 ; 42-44).
15 Rudhardt 1992, 267-268, 287 ; Van Straten 1995, 190 et n. 108-110 ; Xén., Anabase, 7.8.5 : ἐθύετο τ πατρῴῳ νόμῳ καὶ ἐκαλλιέρει.
16 Cf. infra, p. 133.
17 LSS, 19.
18 SEG, 43, 163 ; cf. la restitution proposée infra p. 218 et Deshours 2004a, 124-125.
19 LGPN, I (1987), s.v. Μνασίστρατος, Μνησίστρατος, II (1994), s.v. Μνησίστρατος, Μνησίστρατος, III (1997) s.v. Μνασίστρατος, Μνησίστρατος.
20 Cf. Wilhelm 1914, 87 ; Grandjean 1996, 689-691 ; Migeotte 1997, 57.
21 Blinkenberg 1912, 30-31.
22 Mylonas 1961, 274-278.
23 Clinton 1974, 47 et note 268.
24 Clinton 1974, 39 : les hiéra sont conservés dans l’anactoron, partie du télestérion où seul peut entrer le hiérophante.
25 Hdt 7.153 : “Des citoyens de Géla, ayant eu le dessous dans une discorde civile, s’étaient réfugiés à Mactorion, ville sise au-dessus de Géla ; Télinès les ramena chez eux, n’ayant à sa disposition aucune force armée, mais seulement les objets sacrés du culte de ces déesses ; d’où les avait-il reçus, ou se les était-il procurés lui-même, je ne puis le dire ; toujours est-il que, plein de confiance en eux, il ramena les bannis, à la condition que ses descendants seraient hiérophantes des Déesses” (CUF, 1951) ; Ph. -E. Legrand (157 note 2) s’appuie sur une scholie ad Pindare, Pythiques, 2.27b pour éclairer ce passage : “le compagnon d’Antiphèmos avait apporté du Triopion un culte, qui, d’abord culte de famille, était avec le temps, devenu un culte public”. On discute pour savoir si le Thesmophorion de Bitalemi était justement leur sanctuaire gentilice [cf. Kron 1992, 648] ; il fut fréquenté depuis le milieu du viie s. jusqu’en 405, lorsque Géla fut détruite par les Carthaginois [Ibid., 612]).
26 Lycosoura : IG, V. 2, 517, l. 2, décret des Achaiens en l’honneur de Saon (le hiérophante) trouvé dans le pronaos du temple de Despoina (“à peu près contemporain de Pausanias” d’après M. Jost) ; le titre apparaît comme un emprunt à Éleusis. Cf. Jost 1985, 343 ; Jost 1999, 232-233.
27 Athènes : LSS, 12, l. 6-7 ; la fonction de spondophore était réservée aux membres des génè des Eumolpides et des Kérykes : [δεδόχθαι τος γενέ]σιν ἐξ ν οἱ σπονδοφόροι ἐκπέμποντ[αι] ; cf. Robert, Hellenica 11-12, 108-111.
28 Paus. 4.33.5 ; cf. infra, p. 191-195.
29 De la même façon, le hiérophante d’Éleusis Julius fut honoré pour avoir préservé les hiéra lors de l’invasion des Costoboques qui, en 170 ou 171 p.C., avaient ravagé le sanctuaire ; cf. Clinton 1974, 39 et IG, II2, 3411.
30 De même, Apollonios (II), Égyptien de Délos, avait hérité de son grand-père et de son père des hiéra pour le culte de Sarapis (IG, XI. 4, 1299).
31 Paus. 4.20.3-4 ; cf. infra, p. 191.
32 Pausanias nomme Rhianos de Bène (4.1.6 ; 4.6.1-3 ; 4.15.2 ; 4.17.11) et Myron de Priène (4.6.1, 3, 4) ; ces deux auteurs (actifs dans le premier tiers du iiie siècle) durent utiliser une source plus ancienne, un historien du ive s. : cf. infra, p. 174-175.
33 Par exemple : LSA, 13 (Pergame, prêtrise d’Asclépios, iie s. a.C., avant 133) ; cf. Robert 1954, 298, note 5). Fr. Sokolowski donne d’autres exemples comparables (commentaire ad LSA, 13).
34 IG, V. 1,1390, l. 84-85.
35 La peau des victimes constitue, entre autres, la “part du prêtre”, cf. Stengel 1920, 40-41 ; Le Guen-Pollet 1988, 150 ; eiusdem 1991, par exemple no 44 (= LSA, 44, 1. 3-4, Milet, c. 400 a. C.) et p. 147 sq. (commentaire).
36 Pour d’autres exemples, cf. Stengel 1920, 42. L’auteur cite notamment le cas de la prêtresse d’Aphrodite à Cos qui recevait les pièces de monnaies que les fidèles jetaient dans le trésor ; cf. Herzog 1928, 14 (= LSG, 155, A, 1. 15-17).
37 Tréheux 1956, 472 ; Aleshire 1989, 104-109 (sur la parodosis) ; cf. J. Tréheux, Bull. 1990, 379 (sur les différentes catégories d’inventaires à l’Asclépieion).
38 Linders 1988, 46.
39 Oropos, 324 (= LSG, 70, 1. 20-22 = Le Guen-Pollet 1991, no 56) ; cf. Roesch 1982, 290-292.
40 Cf. infra, p. 79, 127.
41 IG, XI. 4, 1299, l. 12 : παραλαβόντος δέ μου τὰ ἱερά; cf. Roussel 1916, 71-83 ; Engelmann 1964 ; Bruneau 1970, 459-466 ; Le Guen-Pollet 1991, no 82.
42 Devreesse 1954, 8.
43 Par exemple : BGU, III (1898), 781, 1. 12 (ier s. p.C.) ; BGU, III (1898), 717, 1. 13 (159 p.C.).
44 Sauppe 1896, 270 = 1859, 230 ad 1. 11.
45 Chantraine, DELG s.v κάμπτω ; cf. Paus. 4.26.7-8 et infra, p. 191-195.
46 BGU, 1211 ; Roussel 1919 ; pour la bibliographie, cf. Lenger 1980, no 29.
47 Foucart 1876, 14.
48 W. Burkert réunit les exemples en précisant que ces livres ne doivent pas se comparer à ceux qui fondent les monothéismes (Burkert 1992 [trad. fr.], 63-65). Le plus notable est celui de Phénéos où les γράμματα qui sont conservés dans le Pétrôma, “deux grosses pierres ajustées l’une à l’autre” (Paus. 8.15.1-2, trad. M. Jost, CUF, 1998) d’où on les sort pour les lire durant la nuit de l’initiation aux Mystères ; cf. Stiglitz 1967, 137-138 ; Jost 1985, 30-31, 317, 319.
49 Syll.3, 781, l. 9-11 (année 1 a. C.) et la note 6 de Fr. Hiller von Gaertringen.
50 Cf. supra, p. 68-69.
51 1. 63-64 ; mais pour l’heure (la 55e année), il semble plutôt que la cité devra offrir des financements supplémentaires nécessaires aux restaurations dans le Carneiasion (1. 55-57).
52 Guarducci 1977, 140-142.
53 Gauthier 1985, 45 ; cf. par exemple OGIS, 6, l. 26-27 (couronne d’or pour Antigone Le Borgne).
54 Stengel 1920, 47-48. Ainsi à Pergame, le prêtre d’Asclèpios porte une couronne ex officio (LSA, 13, l. 11-12 [avant 133 a.C.], cf. Robert, La Carie, II, 298, n. 5).
55 IG, XII. 3, 330, l. 181 : παρέξει δὲ καὶ στέφ[α]νος τος θεος καὶ τὰ λοιπὰ τὰ ποτὶ τὰν θυσίαν πάντα et l. 188 παρέξει δὲ καὶ στέφανος τος ἥρωσ[ι] καὶ τὰ λοιπὰ τὰ ποτὶ τὰν θυσίαν πάντα (cf. Wittenburg 1990, 156).
56 Pol. 21.30.9-10 ; Liv. 38.13 : coroneam auream [...] centum et quinquaginta pondo, une couronne en or de 150 livres ; cf. Larsen 1968, 441, note 3.
57 SEG, XXIII, 208, l. 9-13 : δαπανν πάντα μεγαλοψύχως καὶ μεγαλομερς, ἀξίως τν προγόν[ων] καὶ το Φιλοξενίδα το πατρὸς ποτὶ τὰν Οὐπησίαν κτλ. sur les personnages appartenant peut-être à cette famille, cf. supra, p. 70 et Deshours 2004a.
58 Par exemple au sanctuaire d’Asclépios à Pergame : M. Fränkel, I.v. Pergamon, II, 251, l. 26 : κυριεύοντα τν ἱερν παίδων. Pour πας au sens de δολος : Cardinali 1908, 165 sq. ; Debord 1982, 78-83.
59 Ces exemples avec d’autres avaient été réunis par B. Haussoulier (1897, 113-114).
60 Cf. Robert, BCH 52, 1928, 419, note 12 = OMS, II, 890, n. 3 ; Kern 1911 ; Link 1913.
61 Sur les mystagogues à Éleusis : Mylonas 1961, 237, 319.
62 Gytheion : SEG, XI, 923, l. 27-28 (date : 15-19 p. C.). Il s’agit du règlement des Caisareia, doublées des Eurycleia ; dans la procession figurent αἱ ἱεραὶ κόραι καὶ αἱ γυνακες.
63 Syll.3, 1010, l. 6 (= LSA 2) ; W. Dittenberger rapproche les hiéroi de Chalcédoine de ceux d’Andania en précisant : certe non de sacerdote, sed de quibusdam eius adiutoribus, quo officio hieroi funguntur in titulo Andaniensi. Cependant Fr. Sokolowski note que la leçon de W. Dittenberger, το[ὶ ἱ]εροί, ne correspond pas à l’estampage de Fr. Bechtel et propose de restituer [το]ὶ [θιασ]ται.
64 Thémélis 2001, 70-79, avec un fac similé (no 2).
65 Contra Ad. Wilhelm (1914, 86) qui traduit ἱερoι par “Geweihten” (initiés) ; H. Sauppe (1896, 289 = 1859, 252) préfère “Heiligen” (saints).
66 SEG, 42, 472 ; Plut., Quaest. Graec., 292d ; De def. orac., 437a, 438b. Cf. Jay-Robert 1997, notamment p. 43. D. Mulliez leur attribuait seulement “un rôle dans la gestion financière des biens du dieu” (1992, 317-332 ; cf. Ph. Gauthier, Bull. 1993, 276). Pour les emplois de ὅσιον et ἱερόν, cf. infra, p. 59-60.
67 Cf. infra, p. 108-109, 112, 140.
68 Cf. supra, p. 55.
69 IG, V. 1, 1433, l. 1-6, 40-44 et dans une liste d’éphèbes (SEG, 43,145) ; cf. Deshours 2004b, 140-141.
70 Thouria : IG, V. 1, 1386.
71 Ph. Gauthier, Bull. 1991, 165.
72 Démétrias : LSG, 83, l. 22-23 (c. 100 a. C.) : ἐὰν δέ τις τν προγεγραμμένων ἀρρωστ(ι) ἢ ἐγδημ(ι), ἕτερον πεμψάτω (“si l’un de ceux dont le nom a été noté à l’avance est malade ou en voyage, qu’on en envoie un autre [à sa place]”) ; il s’agit des magistrats, des prêtres et des fonctionnaires nécessaires ; Athènes : LSG, 51, l. 49-53 Règlement des Iobbaches (entre 161 et 178 p.C.).
73 Schol. ad Aristophane, Paix, 733 : ἦσαν δὲ ἐπὶ τς θυμέλης ῥαβδοφόροι τινές οἳ τς εὐκοσμίας (ἐπ)εμέλοντο τν θεατρν ; Syll.3, 1109, note 65 ; LSG, 83, l. 24-25.
74 Daux 1959, 287.
75 Nock 1952, 180, n. 1 ; IG, VII, 2428, l. 6.
76 Kaminski 1991, 178-181.
77 Bömer 1960, II, 153.
78 Le Roy 1961, 228-232 ; cf. J. et L. Robert, Bull. 1962, 145.
79 Des mots construits sur la racine de ἄρχειν s’appliquent à des responsables de fêtes religieuses. Il peut s’agir d’hommes ou de femmes. Ces dernières sont souvent responsables de cultes de Déméter ; cf. Vollgraff 1951, 329 ; Athènes : LSS, 124 = IG, ii2, 1184 (ive s.), règlement relatif aux Thesmophories du dème de Cholargos (cf. Clinton 1996, 118-119, 121-122) ; I. of Cos 34 ; 384, 2 ; Syros : IG, XII. 5, 655, l. 4 ; 659, l. 9 (ἀρχείνη) ; Ténos : SEG, XIV, 553 (ἄρχων) iie-ier s. a.C., cf. J. et L. Robert, Bull. 1955, 181 ; Paphos : OGIS, 166, n. 1 ; Laconie : IG, V. 1, 586 l. 5-7 (ἀρχηίς, présidente du concours des Hyacinthies).
80 Clinton 1996, 113-120.
81 Cf. infra, p. 118.
82 Gytheion : SEG, XI, 923 (15 p.C.) ; cf. Seyrig 1929, 85-88, 100.
83 Diod. 4.3.3 : παρὰ πολλας τν Ἑλληνίδων πόλεων διὰ τριών ἐτν βακχεά τε γυναικν ἀθροίζεσθαι, καὶ τας παρθένοις εναι θυρσοφορεν καὶ συνενθουσίαζειν εὐαζούσαις καὶ τιμώσαις τὸν θεόν ; cf. Chirassi-Colombo 1979, 25-58. De plus, il est possible que des jeunes filles aient pris part aux Thesmophories.
84 Thémélis 1994, 122, note 42.
85 Jeanmaire 1939, 261. L’auteur cite une scholie ad Théocrite (2.66) : τὰ δὲ μυστήρια τατα Ἀθήνησι πoλιτεύoνται.
86 Le Roy 1961, 228-232.
87 Jeanmaire 1951, 171.
88 IG, I3, 78, l. 16 sq. ; cf. Clinton 1974, 15 et n. 26 ; Parker 1996, 143 et n. 83 (la date est comprise entre 435 et 415).
89 Chios : LSG, 118 (= Syll.3, 987) ; cf. Le Guen-Pollet 1991, no 4 ; Graf 1985, 32-37, 428-429.
90 Aleshire 1994, 9-16.
91 Debord 1982, 213.
92 l. 51, 53, 54, 57, 58, 59, 62.
93 A. Aymard (1938a, 323 n. 9) note cependant que le tamias ne fait pas partie des synarchies qui, ayant le pouvoir de prendre des décisions sans en référer à aucune autre instance, ne comportent que le stratège et les damiurges du koinon.
94 Cf. Syll.3, 736, n. 43.
95 Wilhelm 1906, 148-149.
96 Stroud 1974, 165-166 : Loi de 375/374 sur le monnayage d’argent ; les pièces sont contrôlées par un magistrat civique, [ὁ] δοκιμαστὴς ὁ δημόσιος (l. 5)
97 IG, V. 1, 1433 ; cf. Migeotte 1997, 60-61.
98 Les mystes paient un droit d’entrée (cf. Meister, SGDI, 4689 [p. 134]). A Éleusis aussi les mystes doivent acquitter une taxe : LSS, 3, C, l. 16-19 (règlement des Mystères c. 460 a. C.).
99 Arist., Pol., 6.1322b. 1-2 ; cf. Schönfelder 1917, 117 ; Schaefer 1956, s.v. Polemarchos.
100 IG, V.1, 1379, l. 9-11.
101 IG, V.1, 1432, l. 3-4 ; Ad. Wilhelm restitue [ἀ]νακέχρ(η)ται (1914, 33-34).
102 C. A. Roebuck (1945, 164) évalue la population de Messène à 40 000 et celle de la Messénie à 90 000 vers 100 a. C.
103 D’une manière générale, et contrairement à ce que la lecture de Strabon (8.362) avait longtemps laissé penser, le Péloponnèse était prospère jusqu’à la Guerre des Pirates ; cf. Kahrstedt 1954, 220 sq. ; pour Messène, cf. Baladié 1980, 308 et la note 39 avec les références à la bibliographie antérieure ; Grandjean 2003, 253-259.
104 IG, V.2, 516 ; Jost 1985, 331-332 ; cf. J. et L. Robert, Bull. 1956, 50 (la date, la 32e année, a été discutée ; on a proposé l’année 1/2 p.C., en considérant qu’il s’agissait de l’ère d’Actium).
105 Roesch (1965, 13-14) a réuni les exemples ; cf. L. Robert, OMS, I, 279-293 : décret honorifique d’Acréphie (p. 439, l. 31 et le commentaire p. 445 avec la note 6 qui renvoie à Keil 1913, 241 [vacat suivant des noms sans patronyme et sans ethnique dans des décrets de proxénie d’Éphèse]) ; cf. aussi Keil 1959, 144, l. 25 (le montant d’une amende n’a pas été gravé) ; J. et L. Robert, Bull. 1962, 284 et IG, II2, 1183, l. 27 (décret de Myrrhinonte sur les affaires financières du dème : une somme d’argent n’a pas été gravée) ; IG, II2, 1195, l. 4 (décret du dème de Collytos sur les sacrifices).
106 I. Magnesia, 98 ; cf. Syll.3, 589, note 18.
107 Robert, Hellenica, 11-12, 126-131 à propos de l’expression παράστασις ἱερν (“fourniture des victimes”).
108 Pergame : OGIS, 483 ; cf. Latte 1920, 13.
109 SEG, 45, 1508, A, l. 4-5 ; cf. Zimmermann 2000, 454 et n. 17.
110 Jost 1992, 81-82.
111 Ph. Gauthier les a réunis pour rétablir le sens de cet examen, distinct de la docimasie à l’entrée en charge des magistrats, cf. Gauthier 1984, avec la bibliographie citée p. 846 n. 3.
112 LSS, 10, l. 60-85, cf. Prott-Ziehen, LGS, II, 2 (= IG, I2, 5 = IG, I3, 5) ; cf. Deubner [1932] 1966, 91-92.
113 Debord 1982, 193-202.
114 C’est l’avis de U. von Wilamowitz-Moellendorff (1932, 542) ; cependant notre lecture de l’oracle d’Argos tend à considérer qu’une partie du culte (la thusia) avait été conservée, même si probablement les Mystères devaient effectivement être restaurés ; cf. supra, p. 68-69.
115 Valmin 1930, 93.
116 Cf. infra, p. 207-210.
117 Courbin 1983, 120 n. 1 ; Valois 1966, 55-64 ; Schmitt-Pantel 1992, 316-317 ; cf. aussi Van Buren 1937, s.v. οκος, 2119-2120 ; Hellmann 1992, s.v. οκος, au sens de temple ou chapelle cf. p. 303.
118 Foucart 1876, 166.
119 Wilamowitz-Moellendorff 1932, 541.
120 Contrairement à Éleusis (dont le télestérion offre un dispositif architectural original) et au Cabirion de Samothrace.
121 l. 68 : cette hypothèse peut s’appuyer sur la fait que le Cabirion de Thèbes possédait également un théâtre et pas de télestérion ; cf. Daumas 1998, 20-21 : les nécessités cultuelles avaient probablement imposé le dispositif architectural original du “théâtre”. De même à Lycosoura, les gradins construits le long du temple de Despoina étaient peut-être utilisés pour des représentations sacrées ; cf. Jost 1985, 176.
122 Thémélis 1994, 111 et fig. 16.
123 Pour le trésor de Thasos : Martin 1940-1941,163-165 et fig. 1-3 ; pour les clefs des trésors, à Cos : Herzog 1928, 37-39, no 14 = LSG, 155, l. 15-17 et à Argos : Vollgraff 1909, 171 sq. à propos de réparations dans le sanctuaire d’Apollon Pythéen. Sur les trésors en général : Kaminski 1991 ; cf. D. Knoepfler, Bull. 1999, 430.
124 l. 106-111 ; Valmin 1930, 92-93.
125 Ibid. 94. C’est dans cette chapelle que fut trouvée l’inscription dédiée à l’helladarque Tibérios Claudios Crispianos ; cf. Valmin 1929, no 7, 139 sq. = SEG, XI, 984. Cf. infra, p. 219-220.
126 De même à Tanagra, l’architecte officiel est consulté par la commission chargée du transfert du temple de Déméter (LSG, 72, l. 12-14 [iiie s. a.C.] ; Roesch 1971, 207).
127 Cf. Nilsson 1967, 826-831 ; Wörrle 1988, 214-251 ; De Ligt 1988 ; Gauthier 1989, 108-109 ; Chandezon 2000.
128 IG, IX. 12, 583 ; cf. Habicht 1957.
129 Le mot ἀγoρά s’applique aux “échanges commerciaux lors (des) fêtes religieuses” ; Chandezon (2000, 75-76) allègue comme parallèle une inscription de Mylasa (Mylasa I, 108, l. 7-9).
130 Arist., Pol., 6.1321b. 13-14.
131 Holleaux 1938, 294 ad Syll.3, 596 Parion. Il s’agit de la fête fédérale des cités du koinon de Troade qui s’appelle les Panathénées : cf. Robert 1966, 24.
132 IG, V.1, 1449 (datant du début du règne de Néron, peu après 54).
133 SEG, 41, 336 (cf. Praktika, 1989 [1990], 70-71, avec photographie).
134 l. 35-36 ; cf. Chandezon 2000, 71 et n. 2.
135 Kubitschek 1928, 182 (pour août-septembre).
136 Oropos, no 292, l. 3-4 (cf. IG, VII, 4255 ; Syll.3, 973) ; Koerner 1973, 201-202.
137 Wilhelm 1940, 52-53 ; J. Zingerle avait proposé εὔχρηστος (1937, 318) ; cf. R. Flacelière, J. et L. Robert, Bull. 1939, 118 (p. 465).
138 Ginouvès 1962, 420. C’était peut-être le cas à Thouria dans le culte de la Déesse Syrienne dans la mesure où le bienfaiteur offre l’huile pendant la durée des Mystères ; cf. SEG, XI, 974 (décret pour Damocharis).
139 Pour ἄλειμμα au sens de “distribution d’huile”, cf. Holleaux 1938, 361, n. 1.
140 Koerner 1973, 170-174. L’auteur cite deux exemples de sanctuaires dans ce cas.
141 Démosthène, C. Leptine, 9 ; cf. Jakab 1997, 73-74.
142 Cf. e.g. P. Oxy., 1124 (26 p.C.), l. 11 : πυρὸν νέο[ν] καθαρὸν ἄδολον ἀκρεθον, “new, pure unadulterated and unmixed with barley”, trad. A. S. Hunt.
143 Jakab 1997, 75.
144 Sur le droit de place, cf. Chandezon 2000, 96-97 ; pour les Actia : IG, IX. 12, 583 (date : 216, après la paix de Naupacte) ; cf. Habicht 1957 ; J. et L. Robert, Bull. 1958, 270.
145 Fr. Sokolowski, LSG 65, p. 133 ; cette explication est discutée par Chandezon (2000, 80, 83-84) qui voit là plutôt une motivation politique qu’économique.
146 Welles, RC, no 3, l. 3 (lettre d’Antigone le Borgne à la cité de Téos à propos du synœcisme avec Lébédos, c. 303) ; cf. Chandezon 2000, 71 et note 2.
147 Aristophane, Thesmo., 658 ; cf. Broneer 1942, 251 sq.
148 Cf. supra, p. 80.
149 Fröhlich 1999, 233.
150 Wilhelm 1914, 108-110.
151 Cf. Ph. Gauthier, Bull. 1993, 169 (p. 484).
152 Corcyre : IG, IX.1, 694, l. 43-48 (fondation pour le paiement de technites dionysiaques).
153 Aux Métrôa de Minoa d’Amorgos, les citoyens désignés comme sacrificateurs doivent seulement posséder un τίμημα de deux cents drachmes, cf. Syll.3, 1047 = LSG, 103 B, l. 52 sq. (ier s. a.C.) : ὁ δὲ δμος αἱρείσθω ἀεὶ ἐν τας ἀρχαιρεσίαις ἐπιμηνίους εἰς Μητρώια ἄνδρας δύο τν πολιτν τίμημα ἔχοντας μὴ ἔλασσον δραχμν διακοσίων; Syll.3, 976 : un cens de trois talents est exigé dans la loi sur le blé de Samos pour chacun des deux commissaires chargés du blé (l. 40-42) et de deux talents pour le sitonès (l. 45-47) ; pour une charge de phrourarque, un cens de quatre talents est exigé dans une inscription de Téos commentée par J. et L. Robert (1976, 196-197 et n. 174).
154 Roussel 1942 (1951), 12-18, 21-23, 133-140 (fonctions requérant trente, quarante ou cinquante ans à Athènes). Il s’agit soit d’une fonction législative (nomographes à Téos : cf. Syll.3, 344, l. 44-45) soit d’une fonction de contrôle des jeunes ou des femmes (cosmètes à Athènes : Aristote, AP, 42.2 ; pédonomes à Téos : Syll.3, 578, l. 1 sq. ; gynéconomes à Méthymna : IG, XII Suppl. p. 30, ad n. 499), soit d’une fonction judiciaire (à Stymphale IG, V. 2, 357, l. 14 sq.) ; J. et L. Robert 1976, 196-197 et n. 174.
155 Sauppe 1859, 245 = 1896, 283 ; Meister, SGDI, 4689.
156 Fr. Sokolowski, LSG, 65, p. 134 ; cf. Syll.3, 646 (sénatus consulte pour Thisbè en 170 a. C.), l. 24 : ἔτη δέκα τ[ὰ] ἔγγιστα ; Zingerle 1937, 325-327.
157 Pour le sens de σύνεδροι, cf. Holleaux 1938, 291.
158 Deshours 2004b, 136, 144-145.
159 De même, les archontes et les synèdres ont conjointement confié à Aristoclès la charge d’organiser le prélèvement de l’oktôbolos eisphora (IG, V. 1, 1432, l. 22-23).
160 Cf. infra, p. 119.
161 La formule de résolution des décrets ἔδοξε τος συνέδροις (IG, V. 1, 1432, l. 14 et SEG, XXIII, 207, l. 40) est reprise ici sous la forme ἃ ἂν τος συνέδροις δόξει (l. 89).
162 Fröhlich 1999, 235-239.
163 J. et L. Robert, Bull. 1939, 118.
164 σύννομος signifie soit “qui paît çà et là”, soit “allié, apparenté”.
165 IG, V. 1, 1432, l. 3 (restitution d’Ad. Wilhelm ; W. Kolbe avait édité λoγισαμένoυ) ; cf. Wilhelm 1914, 31-32 pour d’autres emplois d’ἀπολογίζομαι en ce sens.
166 Fröhlich 1999, 239.
167 J. Zingerle proposa de corriger le texte en ἄμα καὶ πάντες (1937, 323-324) ; cf. J. et L. Robert, Bull. 1939, 118.
168 Deshours 2004b, 141-143.
169 IG Suppl. XII, 139, l. 1-3 ; cf. Labarre 1996, 175 : “On serait plutôt enclin à penser à un Conseil d’un genre proche de la gérousia spartiate”.
170 IG, VII, 190, l. 38-39 et Wilhelm 1907, 17-32 ; cf. ibid., 38-39 ; Ferrary 1987-1989, 212.
171 IG, V. 2, 443, l. 2 ; cf. Fougères 1896, 123.
172 Le Pirée : LSG, 36 (deuxième moitié du ive s. a.C.) ; cf. Le Guen-Pollet 1991, no 1 et p. 17-19.
173 Roesch 1965, 22.
174 Mikalson 1998, 239-241, 279-280.
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