XXXV - Temps de l’histoire et temps de la bibliographie les Vies de Démosthène et de Phocion de Plutarque1
p. 299-305
Texte intégral
1La biographie est un genre littéraire qui a fait son apparition dans le monde grec au ive siècle a.C., d’abord sous la forme de l’Éloge, puis comme récit d’une vie tenue pour exemplaire1. Nombre de ces biographies nous sont inconnues et c’est seulement avec l’œuvre de Plutarque qu’il est possible de mesurer la forme que prend la temporalité dans ce type d’exercice2. Mais, parce que les héros de Plutarque sont des hommes qui ont été mêlés à l’histoire de leur temps et qui en ont été les acteurs, il peut être intéressant de comparer temps de l’histoire et temps de la biographie, de voir de quelle manière l’histoire interfère avec le récit d’une vie.
2Les Vies de Plutarque, on le sait, mettent en parallèle un Grec et un Romain. Mais, au sein de l’ensemble que constituent les Vies grecques, il existe des “couples” d’hommes contemporains des mêmes événements : ainsi, parmi les Athéniens, Thémistocle et Aristide, Cimon et Périclès, Nicias et Alcibiade, Démosthène et Phocion. Si j’ai choisi le dernier de ces “couples”, c’est parce qu’il présente par rapport aux autres une évidente originalité : à savoir que l’une des sources principales de Plutarque pour la connaissance des événements de la période est l’œuvre même de Démosthène. L’orateur le plus fameux de l’Antiquité avec Cicéron, a fourni à son biographe sa propre autobiographie, à travers les discours où il évoque aussi bien ses affaires personnelles (les trois plaidoyers Contre Aphobos) que son action politique (singulièrement le discours Sur l’Ambassade et le discours Sur la Couronne)3. Plutarque a certes utilisé également d’autres sources, en particulier des auteurs de la fin du ive siècle, tels Théophraste ou Démétrios de Phalère, qu’il cite nommément aussi bien dans la Vie de Démosthène que dans la Vie de Phocion4. Néanmoins, le recours à l’œuvre de Démosthène comme source de la biographie que lui consacre Plutarque se traduit par l’importance accordée à ce moment essentiel de l’histoire d’Athènes : le conflit qui l’opposa à Philippe de Macédoine. Cela ne saurait être indifférent pour l’appréciation de la relation entre temps de l’histoire et temps de la biographie.
3Toutes les biographies de Plutarque, à quelques variantes près, sont construites sur le même schéma : après une introduction parfois méthodologique, ou destinée à justifier le parallèle entre le Grec et le Romain, la séquence comporte d’abord le rappel de l’origine et du milieu familial, puis la formation, les débuts dans la vie politique, les hauts faits et s’achève sur les circonstances de la mort. C’est l’importance relative de ces différents moments dans les deux biographies que j’ai retenues qui va permettre de mesurer si la temporalité historique et la temporalité biographique répondent aux mêmes exigences et se développent selon le même rythme.
4Fixons pour commencer quelques repères chronologiques. Phocion est l’aîné de Démosthène, puisqu’il naquit vers 402 et Démosthène en 384. La première partie de sa vie est mal connue bien qu’il ait certainement été stratège à plusieurs reprises. Il est mentionné pour la première fois en 349, quand il reçut le commandement d’une expédition en Eubée. C’est seulement après Chéronée qu’il passe au premier plan. Il est l’ami des Macédoniens, et d’abord d’Alexandre. Il devient après la guerre lamiaque le principal dirigeant de la cité qu’il gouverne au nom d’Antipatros. Il est condamné à mort par les Athéniens lorsque la démocratie est restaurée en 318.
5Démosthène, lui, se fait connaître dès l’âge de vingt ans en intentant à ses tuteurs un procès retentissant. Il fait son entrée dans la vie politique vers 356/5, d’abord dans l’entourage d’Eubule, puis comme l’un des orateurs du “parti anti-macédonien”. À partir de 351, il occupe la tribune de l’assemblée, dénonçant les entreprises de Philippe et ceux qui le soutiennent. Il se rallie en 346 à la paix qui installe Philippe au Conseil amphictyonique et en fait l’arbitre des affaires grecques, mais pousse à la guerre qui s’achève en 338 par la défaite de Chéronée. Partiellement sur la touche dans les années qui suivent, il sort néanmoins vainqueur du procès sur la Couronne en 330. Compromis dans “l’affaire d’Harpale”, il doit s’exiler en 323. Il rentre à Athènes au début de la guerre lamiaque. La défaite le contraint à fuir et il se donne la mort en 322 pour échapper aux sbires d’Antipatros5.
6Ce double résumé met déjà en évidence la place que va tenir l’histoire d’Athènes dans ces deux biographies. Le véritable rôle politique de Phocion commence quand s’achève celui de Démosthène. Les événements politiques et militaires n’occuperont donc pas la même place dans l’une et l’autre des deux biographies, et le temps sera dilaté ou comprimé selon que le héros y joue un rôle de premier plan ou au contraire reste dans l’ombre. Par ailleurs, la nécessité de mettre en valeur tel ou tel aspect de la personnalité de son héros, mais aussi, dans le cas de Phocion, le petit nombre d’informations précises sur son activité avant la dernière période de sa vie6, conduisent Plutarque à bousculer la séquence chronologique des événements. Voyons cela de plus près.
7Première constatation : l’une et l’autre biographies présentent par rapport à la temporalité linéaire de l’histoire deux parties bien distinctes. Après une introduction générale qui occupe les trois premiers chapitres, huit chapitres (IV à XI) forment une première partie où l’évocation de l’origine, du milieu familial, de la formation, s’accompagne de nombreuses anecdotes qui renvoient à des moments divers de la vie du héros. Ainsi, par exemple, au chapitre IX de la Vie de Démosthène, pour illustrer son jugement sur l’éloquence de l’orateur, Plutarque évoque deux manifestations de cette éloquence : une intervention contre un certain Python de Byzance, ami de Philippe, qui se place en 343, et une réplique à Lamachos de Smyrne qui faisait l’éloge de Philippe et d’Alexandre, lorsque Démosthène représenta la cité aux Olympiades de 3247. On retrouve la même indifférence à la chronologie dans la Vie de Phocion où l’évocation des liens qui unissaient Phocion au stratège Chabrias, mort en 3578, est immédiatement suivie d’une allusion au procès de 330 contre Aristogiton9.
8À partir du chapitre XII au contraire, dans les deux Vies, commence un récit qui semble suivre la continuité du temps linéaire, avec en particulier la même césure à la fin du chapitre XV, avant que ne commence “la guerre contre Philippe”. Toutefois, à l’intérieur de ce récit, Plutarque introduit des développements qui en brisent la continuité. Pour la Vie de Démosthène, c’est le long passage qui occupe les chapitres XIII à XV et qui est consacré pour l’essentiel au rappel des principaux discours de l’orateur, dans un ordre parfaitement arbitraire. Ainsi, en 13.5, le Sur la Couronne de 330 est mentionné avant le Contre Aristocratès de 354 ; et en 15.3, le Contre Leptine (que Plutarque appelle Sur les Immunités) de 354 également, est cité après le Contre Aristogiton de 324. C’est aussi à propos du Contre Lep tine, composé par Démosthène pour le fils du stratège Chabrias, que Plutarque fait allusion aux projets matrimoniaux que formait alors le jeune orateur : il ambitionnait d’épouser la veuve du stratège disparu trois ans plus tôt. Plutarque ajoute que le projet échoua et que, par la suite, Démosthène épousa une Samienne (15.4)10. En revanche, à partir du chapitre XVII, les grands moments de la vie de Démosthène sont rappelés dans l’ordre chronologique : les expéditions en Propontide, la tournée diplomatique dans le Péloponnèse, les débuts de la quatrième guerre sacrée (XVII-XX), la mort de Philippe, le soulèvement de Thèbes et son écrasement par Alexandre (XXI-XXIII) le procès sur la Couronne (XXIV), l’affaire d’Harpale (XXV-XXVI), la guerre lamiaque et ses conséquences (XXVII), la mort (XXVIII-XXX).
9Dans la Vie de Phocion, les chapitres XII à XV rapportent à peu près dans l’ordre les expéditions que le stratège mena avec succès entre 349 et 340, en Eubée, en Propontide et à Mégare. Le chapitre XVI résume brièvement la campagne de Chéronée et les négociations qui furent menées par Démade au lendemain de la défaite11. Mais, à partir du chapitre XVII, les anecdotes abondent qui interrompent un récit événementiel très sommaire. Anecdotes relatives aux relations amicales avec Alexandre et à l’incorruptibilité de Phocion (XVII-XVIII), longue digression sur les qualités de la femme de Phocion (XIX-XX) et enfin long développement sur les relations d’Harpale avec le gendre de Phocion, le sculpteur Chariclès, auquel il avait commandé le tombeau de sa maîtresse, la courtisane Pythonikè (XXII). Ce développement d’ailleurs est significatif de la manière dont Plutarque met à plat, en quelque sorte, l’écoulement du temps. Il intervient au moment où, évoquant l’affaire d’Harpale, Plutarque tient à opposer l’attitude de Phocion, demeuré insensible aux avances du trésorier d’Alexandre à celle des autres orateurs, attitude d’autant plus méritoire que, par son gendre, Phocion était lié à Harpale dont il devait d’ailleurs recueillir la petite fille devenue orpheline quelques années plus tard. C’est par un simple mentoi que Plutarque enchaîne sur l’inculpation de Chariclès. Or, il va de soi que les relations d’Harpale avec une courtisane athénienne, la naissance d’une petite fille, la mort de Pythonikè, la commande du tombeau supposent un assez long laps de temps12. C’est d’ailleurs pour rendre compte de cette durée que Flacelière traduit ce mentoi par “plus tard”, ce que ne dit pas le texte de Plutarque. Et c’est seulement après ce chapitre XXII que le récit des événements reprend : la guerre lamiaque (XXIII-XXVI), les négociations avec Antipatros (XXVII-XXXI), la restauration de la démocratie à l’instigation de Polyperchon (XXXII), le procès, la mort et la réhabilitation (XXXIII-XXXVIII).
10Mais, pour bien comprendre ce qui distingue la temporalité biographique de la temporalité historique, il nous faut maintenant comparer ces deux séquences temporelles qui correspondent au même moment de l’histoire d’Athènes, la période qui va de 340 à 322, les quatre dernières années de la vie de Phocion constituant un développement qui n’entre pas dans cette comparaison.
11Il apparaît aussitôt que les différents moments de cette histoire n’occupent pas la même place dans les deux récits. Les événements de la période 340-323 forment onze chapitres de la Vie de Démosthène (XVI à XXVI). Plutarque a utilisé bien évidemment les discours d’Eschine et de Démosthène, mais aussi pour l’affaire d’Harpale, d’Hypéride et de Dinarque. D’où une abondance de détails tant sur les événements militaires que politiques de ces années. La même période, dans la Vie de Phocion, occupe seulement trois chapitres. La “guerre contre Philippe”, c’est-à-dire les opérations des années 339-338 jusqu’à Chéronée sont résumées en une seule phrase du chapitre XVI. Deux autres paragraphes du même chapitre rappellent l’opposition de Phocion à cette guerre et son absence d’Athènes au moment où furent désignés les stratèges chargés de conduire l’expédition. La fin du chapitre évoque le rôle de Phocion dans les négociations qui précédèrent la paix de Démade. La mort de Philippe est résumée en deux lignes à la fin de ce même chapitre XVI, alors qu’elle occupe tout un chapitre (XXII) dans la Vie de Démosthène, ce qui fournit d’ailleurs à Plutarque l’occasion de rappeler l’attitude, condamnée par ses adversaires, de l’orateur, manifestant bruyamment sa joie, alors qu’il venait de perdre sa fille. La période correspondant au règne d’Alexandre (336-323) forme cinq chapitres de la Vie de Démosthène (XXIII à XXVII) et deux chapitres seulement dans la Vie de Phocion (XVII-XVIII) destinés surtout à mettre en valeur l’incorruptibilité de Phocion. Et si Plutarque revient en XXI-XXII sur l’affaire d’Harpale, c’est essentiellement, comme je le rappelais plus haut, pour évoquer les liens qui unissaient le stratège athénien au trésorier d’Alexandre. En revanche, la guerre lamiaque qui n’occupe qu’un chapitre dans la Vie de Démosthène (XXVII), en occupe six dans la Vie de Phocion (XXIII-XXVIII), quatre sur la guerre elle-même et les opérations militaires, deux sur les négociations entamées par Phocion et la conclusion de la paix13.
12Quelles conclusions peut-on tirer de cette brève analyse ? La première découle directement de ce qui précède : le genre biographique diffère du récit de l’historien en ce qu’il contracte les moments où le personnage dont on raconte la vie ne joue qu’un rôle secondaire, pour dilater en revanche ceux où il passe au premier plan. Cela est particulièrement sensible dans la Vie de Phocion, dont les dix-huit dernières années (336-318) occupent plus de la moitié du texte, comme s’il ne s’était rien passé d’important avant 336 dans la vie d’un homme qui, aux dires de Plutarque, aurait été quarante-cinq fois stratège et qui aurait attendu d’avoir soixante-cinq ans pour jouer un rôle politique14. Mais cela est vrai aussi dans la Vie de Démosthène : les quatre années (340-336) qui séparent le début de la guerre de la mort de Philippe, occupent à elles seules huit chapitres sur trente et un. Certes, pour le reste du récit, le déséquilibre est moins grand, et cela tient à ce que Démosthène lui-même a fourni à son biographe des informations précises, sur sa famille en particulier.
13Seconde conclusion : les anecdotes, les “petites phrases”, les “bons mots” constituent un élément essentiel du genre biographique, créant des ruptures dans le cours du récit, et donc dans la continuité temporelle15. Ces anecdotes, qu’elles illustrent le caractère du personnage ou qu’elles éclairent tel ou tel événement précis, sont sans relation avec la chronologie, non seulement les unes par rapport aux autres, mais également par rapport aux différents moments de la vie du héros. Cela est particulièrement frappant – et révélateur – lorsque Plutarque évoque les unions matrimoniales de l’un et de l’autre. Le mariage de Démosthène apparaît incidemment dans le cours d’un développement sur les principaux discours de l’orateur, parce que le Contre Leptine a été composé pour le fils de Chabrias dont Démosthène espérait épouser la veuve. Celui, ou plutôt ceux de Phocion, sont évoqués à propos des relations qu’il entretenait avec Alexandre. Nous n’avons aucun moyen de savoir quand ces unions ont été contractées16. Et cela ne s’explique pas seulement par la faible importance des femmes dans la vie des citoyens athéniens, puisque la seconde femme de Phocion apparaît, au contraire, à travers diverses anecdotes la concernant, comme la digne compagne de son époux. II y a là un aspect original de la temporalité biographique. L’anecdote y a une valeur intemporelle.
14Dernière conclusion enfin : si nous ne disposions que des Vies de Démosthène et de Phocion pour reconstituer l’histoire d’Athènes au ive siècle, nous serions singulièrement démunis. D’abord, parce que l’activité politique de ses deux héros ne débute vraiment qu’après le milieu du siècle. Les événements de la première moitié de ce même siècle, c’est dans les Vies de Lysandre, d’Agésilas et de Pélopidas que l’on peut les trouver, et Athènes n’y tient qu’une place très réduite17. En revanche, les anecdotes, les jugements dont Plutarque enrichit son récit sont révélateurs des débats qui ont dû se dérouler à Athènes au sein des écoles philosophiques, et plus précisément de l’école péripatéticienne, à la fin du ive et au début du iiie siècle. Les références à certaines sources, en particulier à Théophraste et à Démétrios de Phalère, sont à cet égard significatives. Mais, précisément, parce qu’il s’agit d’exempla, ces anecdotes n’apportent à l’historien aucun repère chronologique. Les efforts des Modernes pour les dater sont de ce fait voués à l’échec, au mieux à l’incertitude. Le temps de l’histoire et le temps de la biographie demeurent donc, en dépit des apparences, sinon inconciliables, du moins soumis à des rythmes différents.
15Ces trois derniers articles ont été écrits en parallèle avec ma participation à l’entreprise de publication collective des Vies Parallèles de Plutarque, Paris, Quarto Gallimard, 2001, à laquelle on se réfèrera pour une vue d’ensemble sur l’œuvre du biographe de Chéronée et pour les aspects particuliers évoqués dans ces trois articles.
ANNEXE : REPÈRES CHRONOLOGIQUES
Athènes | Démosthène | Phocion |
404-403 Tyrannie des Trente | 402 Naissance | |
386 Paix du Roi | 384 Naissance | |
378-377 Deuxième confédération maritime | 364 Procès contre Aphobos | |
357-351 Guerre des Alliés | 356-355 Premiers plaidoyers politiques | 357 Lieutenant de Chabrias devant Chios |
355-346 Troisième Guerre sacrée | 347 Contre Midias | 349-348 Expédition en Eubée |
340 Campagne de Philippe contre Byzance | 341 Quatrième Philippique | 340-339 Expédition de Byzance |
339 Début de la Quatrième Guerre sacrée | 339 Ambassades de Démosthène à Thèbes et dans le Péloponnèse | |
338 Chéronée. Paix de Démade | 337 Oraison funèbre des morts de Chéronée | 338 Phocion en ambassade auprès de Philippe |
336 Mort de Philippe | 336 Intrigues et “double jeu” | |
335 Soulèvement de Thèbes | 330 Procès sur la Couronne | 335 Intervention de Phocion auprès d’Alexandre en faveur des orateurs démocrates |
324 Affaire d’Harpale | 324 Démosthène à Olympie. | |
323 Mort d’Alexandre. Guerre lamiaque | 323 Retour de Démosthène | 323 Hostilité de Phocion à la guerre |
322 Défaite d’Athènes | 322 Mort de Démosthène | 322 Phocion maître d’Athènes |
319 Mort d’Antipatros | 319 Négociations avec Nicanor | |
318 Rétablissement de la démocratie | 318 Procès et mort de Phocion |
Notes de bas de page
1 Sur l’origine de ce genre littéraire qu’est la biographie, je renvoie au livre de Momigliano 1991. Pour Momigliano, la biographie apparaît en même temps que l’histoire, dès le ve siècle, et n’est pas, comme on le répète souvent, d’origine péripatéticienne. Toutefois, les biographies antérieures au ive siècle, pour autant qu’on puisse les reconstituer, concernaient des poètes ou des philosophes, non des hommes publics, comme ce sera le cas au ive siècle. Voir également du même auteur, Momigliano 1983.
2 Voir la remarque de Momigliano 1991, 27 : “La donnée la plus importante à considérer reste que les biographies antiques ne suivaient pas nécessairement un ordre chronologique”.
3 À propos du Sur la Couronne, Momigliano remarque (1991, 88) : “Ce texte est autobiographique non tant par les épisodes de la vie de Démosthène qu’il renferme que par cet étrange examen du passé, énergique, irrésistible et douloureux qui en font l’unité”.
4 D’après Denys d’Halicarnasse, Sur Démosthène, 53, Démétrios de Phalère aurait écrit une Vie de Démosthène. Je n’aborderai pas ici le problème des sources de Plutarque dans ces deux Vies. Je renvoie aux Notices de la Collection des Universités de France, aux Belles Lettres (t. X pour Phocion, t. XII pour Démosthène). Dans le préambule à la Vie de Démosthène, Plutarque évoque les difficultés que lui causent, pour l’accès aux sources, le fait d’habiter une petite ville et sa connaissance toute relative de la langue latine (2.1-2).
5 Sur Démosthène, voir en dernier lieu Carlier 1990 et Mossé 1994 ; sur Phocion, Tritle 1988.
6 L’essentiel de notre information, en dehors du récit de Plutarque, provient du livre XVIII de Diodore.
7 Dém. 18.136 pour l’intervention contre Python ; Hyp. 5.18 ; Dinarque 1.81-82 ; Diod. 18.8.
8 Sur Chabrias, l’un des grands stratèges du ive siècle, voir Dém. 20.76-86 ; Népos, Chabrias, 4.1-3.
9 Sur le personnage d’Aristogiton, voir les deux discours démosthéniens (Contre Aristogiton, I et II) et le discours de Dinarque (Contre Aristogiton). Lycurgue aurait été le principal accusateur de celui que Plutarque qualifie de sycophante (Phocion, 10.9).
10 Cette mention d’un mariage avec une Samienne, que Plutarque emprunte à Démétrios de Magnésie, contemporain de Cicéron et auteur d’un ouvrage Sur les homonymes, ne laisse pas de surprendre. La loi athénienne sur ce point était formelle, qui ne reconnaissait pas le mariage d’un Athénien avec une étrangère, et l’on peut penser que, si Démosthène avait contracté une telle union, Eschine n’aurait pas manqué de le souligner. Faut-il alors supposer avec R. Flacelière, reprenant une hypothèse de Blass 1877, 29, qu’il s’agissait sans doute de la fille d’un clérouque athénien de Samos ? Voir la discussion dans Davies 1971, 138-139.
11 Sur la paix de Démade et les négociations qui précédèrent la conclusion de l’accord avec Philippe, voir Diod. 16.87.
12 La chronologie des événements auxquels Harpale se trouva mêlé est particulièrement confuse. Sur “l’affaire d’Harpale” proprement dite, voir la Notice au Contre Démosthène d’Hypéride par Colin 1946, 227-239). Il est vraisemblable qu’Harpale avait séjourné à Athènes auparavant et avait reçu la citoyenneté pour avoir envoyé à la cité du blé en un moment où elle connaissait de graves difficultés de ravitaillement. Sur Harpale, voir également Badian 1961, 16-43.
13 Il est intéressant, à ce propos, de remarquer que la mort de Démosthène n’est évoquée qu’au début du chapitre XXIX et très brièvement, Plutarque renvoyant son lecteur à ce qu’il dit ailleurs, c’est-à-dire dans la Vie de Démosthène, sur le sujet.
14 En dépit de la légende qui s’est créée ensuite autour des circonstances de sa mort, il est douteux que Phocion ait été un homme politique de premier plan. Il est clair en particulier qu’il n’avait pas une grande influence sur le dèmos, en dépit de ce que Plutarque dit de son éloquence. En fait, c’est seulement après 322 qu’il est apparu comme le vieux soldat garant de l’indépendance d’Athènes. Lycurgue, que Plutarque n’évoque qu’incidemment, et Démade pour lequel il a un profond mépris, ont tenu une place beaucoup plus importante dans la vie de la cité à l’époque d’Alexandre. Mais, aux yeux du biographe, Phocion seul pouvait se comparer aux grands hommes du passé, car seul il réunissait en sa personne les qualités de stratège et d’orateur, comme autrefois Périclès, Solon ou Aristide (Phocion, 7.5).
15 Sur la place et l’importance des anecdotes dans les biographies, voir Momigliano 1991, 101 sq. À ses yeux, l’introduction d’anecdotes dans le récit biographique serait la marque de l’école péripatéticienne, et plus particulièrement d’Aristoxène de Tarente. Voir la conclusion p. 112 : “Je soupçonne fort Aristoxène d’être à l’origine de l’idée qu’une bonne biographie est une biographie remplie de bonnes anecdotes”.
16 Des seules indications données par Plutarque, on peut conclure que Démosthène se maria après avoir renoncé à épouser la veuve de Chabrias, donc après la rédaction du Contre Leptine que l’on date de 355/354. Quant aux deux mariages de Phocion, rien ne permet de les dater. Le premier, avec la sœur du sculpteur Képhisodotos doit se placer dans les années 70 du ive siècle (Davies 1971, 559). La seule indication concernant le second est donnée par Plutarque en 19.4 : la femme de Phocion aurait répliqué à une Ionienne faisant étalage de ses bijoux : “Ma parure, c’est Phocion, qui est depuis vingt ans stratège des Athéniens”.
17 La répartition des Vies grecques du ive siècle est particulièrement révélatrice de la représentation que donne Plutarque de l’histoire de cette période. Voir sur ce point mon article Mossé 1996.
Notes de fin
1 Mètis 12, 1997, 9-17.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Architecture romaine d’Asie Mineure
Les monuments de Xanthos et leur ornementation
Laurence Cavalier
2005
D’Homère à Plutarque. Itinéraires historiques
Recueil d'articles de Claude Mossé
Claude Mossé Patrice Brun (éd.)
2007
Pagus, castellum et civitas
Études d’épigraphie et d’histoire sur le village et la cité en Afrique romaine
Samir Aounallah
2010
Orner la cité
Enjeux culturels et politiques du paysage urbain dans l’Asie gréco-romaine
Anne-Valérie Pont
2010