Chapitre I. Colonnades et entablements
p. 193-196
Texte intégral
Piédestaux
1Les piédestaux ont été largement utilisés à Xanthos à l’époque impériale, comme c’est souvent le cas à cette époque dans les provinces orientales1. Ils sont fondamentalement du même type, quelques variantes pouvant exister dans les moulurations2.
Bases et bas de colonne
2Toutes les bases de colonne retrouvées pour le moment à Xanthos sont de type attique-ionique et ne portent pas de décor.
3Les bas de colonne sont dérivés du même type que les bases et peuvent d’ailleurs apparemment cohabiter avec celles-ci dans le même ensemble monumental. Elles ne portent en général pas de décor. C’est au théâtre que l’on trouve les seuls exemples xanthiens de bas de colonne décorés.
Chapiteaux
4Dans l’état actuel de nos connaissances, les chapiteaux corinthiens sont les chapiteaux les mieux représentés à Xanthos. Le plus ancien exemplaire de ce groupe est un chapiteau de demi-colonne qui n’est pour le moment pas attribué à un édifice précis et qui pourrait dater de la fin de la période hellénistique. En dehors d’un seul fragment de chapiteau peut-être datable du début de la période impériale, les autres chapiteaux corinthiens de Xanthos datent au plus tôt de la deuxième moitié, voire de la fin du iie siècle p.C. : c’est le cas des chapiteaux des portiques de l’agora inférieure et de ceux du théâtre.
5Les chapiteaux à acanthes et godrons sont également bien représentés. On ne connaît pas les édifices auxquels ils appartenaient, mais on constate que cette formule a connu un grand succès à Xanthos. Les chapiteaux à acanthes et godrons les plus anciens datent de la première moitié du iie siècle p.C. ; un exemplaire est sans doute attribuable à la fin du iie siècle, voire au début du iiie siècle p.C., un autre au début du ive siècle.
6Les chapiteaux doriques ne sont représentés que par deux exemplaires fragmentaires et sans doute très tardifs. On n’a retrouvé que quelques fragments de chapiteaux ioniques.
7Les deux chapiteaux composites remployés dans le rempart ouest sont pour le moment indatables.
Architraves et architraves-frises
8De façon peu originale, les architraves que l’on trouve sur le site possèdent le même arrangement décoratif : elles sont composées de trois fasces croissantes vers le haut et leur couronnement consiste toujours en un astragale, un ovolo et un cavet. Il s’agit là d’une formule consacrée, utilisée en Asie Mineure depuis l’époque hellénistique et pendant toute l’époque romaine.
9Les architraves-frises de la série 4 se distinguent de la norme car elles possèdent des fasces inférieures et supérieures d’égale hauteur, la fasce médiane étant de hauteur moindre.
10Au parement extérieur, les fasces des architraves sont en général séparées par des astragales de perles et pirouettes, alors qu’on peut ne trouver que de simples décrochements à leur parement intérieur, comme c’est le cas pour les architraves de la série 4.
11Les moulurations de couronnement sont toujours décorées de perles et pirouettes, d’un kymation ionique et d’un anthémion composé de palmettes droites ouvertes et fermées.
12Les architraves du théâtre et du présumé nymphée, les architraves-claveaux de la basilique civile, édifices datables de la fin du iie ou du début du iiie siècle, sont construites suivant ce schéma. Pour autant que l’on puisse en juger, c’est aussi le cas des architraves remployées dans le rempart.
13Une architrave remployée dans la basilique épiscopale fait exception à la règle : elle ne possède que deux fasces sur un parement et un bandeau lisse sur l’autre. On ne connaît pas son édifice d’origine.
14La formule qui consiste à tailler dans le même bloc de pierre l’architrave et la frise a été souvent utilisée à Xanthos. Les architraves-frises de l’agora romaine sont composées d’une architrave construite de façon habituelle et d’une frise à profil convexe. Toutes les moulurations sont lisses. C’est aussi le cas d’une architrave-frise isolée remployée dans le rempart et dont la partie architrave ne comprend que deux fasces. Les architraves-frises du théâtre et du présumé nymphée sont décorées, celles du nymphée de façon particulièrement riche.
15Sur les architraves et architraves-frises de la série 2, les motifs qui décorent les moulurations sont en stricte correspondance : les pointes des oves tombent entre les pirouettes et les palmettes qui ornent le cavet sont dans l’axe exact des dards de l’ovolo. On trouve exactement le même schéma sur les architraves du présumé nymphée. Cette correspondance des motifs est fréquente sur les édifices à partir du milieu de la période antonine et tout au long de l’époque sévérienne.
16Les soffites des architraves de Xanthos ne présentent pas une grande variété de décors, à l’exception de ceux du théâtre. Les architraves-frises de l’agora romaine possèdent un soffite simplement décoré d’un panneau aux extrémités concaves, suivant une formule très courante en Asie Mineure. Le même décor a été adopté pour les architraves de la série 2. Les soffites du théâtre ne montrent pas de décors inhabituels ; on y retrouve en effet des motifs fréquents dans les édifices de spectacle : guillochis, rinceaux, feuilles imbriquées, méandres, le plus souvent dans un cadre bordé d’un kymation lesbique, motif lui aussi très habituel dans cette position.
Frises
17Comme c’est le cas dans la plupart des sites micrasiatiques à l’époque romaine, les frises de Xanthos sont décorées de rinceaux ou de files de godrons. Les frises du théâtre portent des rinceaux, de même que les frises de la basilique civile. La frise des architraves-frises du présumé nymphée porte des godrons et plusieurs blocs de frise à godrons, que l’on ne peut pas pour le moment attribuer à un édifice particulier, gisent sur le site ou sont remployés dans le rempart, dans le mur médian du rez-de-chaussée de la basilique civile, dans les basiliques chrétiennes. Les godrons sont en général sculptés sur une cyma recta, sauf dans le cas des architraves-frises du présumé nymphée.
18Sur celles-ci, les godrons sont enrichis d’un motif décoratif supplémentaire. Si l’on se souvient que les chapiteaux à acanthes et godrons sont représentés du début du iie siècle jusqu’à l’époque byzantine, on peut penser que le motif du godron a été particulièrement prisé à Xanthos.
Corniches
19Qu’il s’agisse de corniches ioniques ou de corniches corinthiennes à modillons, la corniche et la sima sont toujours taillées dans le même bloc, la sima étant munie de faux déversoirs en tête de lion. Nous ne connaissons actuellement que deux blocs de corniche-sima creusés au lit d’attente de façon à porter une gouttière rapportée.
20Les plus anciennes corniches ioniques de Xanthos se trouvaient peut-être à l’entablement des salles qui ouvraient sur la terrasse du monument des Néréides. Les corniches de l’agora romaine sont du même type que celles de l’arc de S. M. Priscus daté des années 68-69. Les corniches qui gisent au pied de la porte nord-est du rempart sont probablement postérieures. Dans tous les cas, ces corniches ne sont pas décorées. Les corniches proches de la porte nord-est sont les seules corniches ioniques à posséder des denticules.
21Les corniches à denticules et modillons représentent le nombre d’exemplaires le plus important. Même si l’on peut distinguer des séries différentes parmi les blocs recensés, on peut considérer que toutes ces corniches sont bâties suivant le même schéma. Les arrangements décoratifs sont également du même type, la différence majeure entre les séries, indépendamment des dimensions, étant la présence ou non d’une cyma reversa, lisse ou ornée de rais-de-cœur, au-dessus des denticules.
22Dans la plupart des cas répertoriés, les modillons des corniches sont décorés au soffite d’une feuille d’acanthe. Seules les corniches provenant de la basilique civile sont ornées au soffite de palmettes extrêmement stylisées.
23Dans quelques cas, au théâtre, les modillons ont reçu une décoration latérale, ornement supplémentaire surtout utilisé à l’époque d’Hadrien.
24Les entre-modillons sont le plus souvent décorés de rosettes à quatre pétales. Sur certains exemplaires, on trouve un bouton floral (fleur de lotus) disposé en diagonale, parfois une simple feuille, une seule fois une tête d’homme barbu, disposée à l’envers. Dans tous les cas un kymation ionique entoure les modillons et les entre-modillons.
25Les coronas sont toujours lisses3. Elles sont séparées de la sima par un astragale de perles et pirouettes surmonté d’un kymation ionique. Un seul bloc du théâtre porte un kymation lesbique à la place d’un kymation ionique au-dessus de l’astragale.
26Les simas de toutes les corniches à modillons sont décorées d’un anthémion comme c’est le plus souvent le cas en Asie Mineure. Dans un seul cas, une tête humaine est représentée dans l’angle du bloc.
27L’étude des blocs errants ou remployés de Xanthos révèle que les mêmes formules ont toujours été utilisées : les moulurations de couronnement sont par exemple toujours les mêmes pour les architraves, les corniches à modillons portent toutes le même type d’arrangement décoratif. La comparaison avec les autres sites d’Asie Mineure montre qu’il n’y a rien d’original à cela.
28Du point de vue chronologique, on observe que l’architecture du Haut Empire n’a pas laissé de traces. On sait qu’après la destruction de la ville par Brutus, Antoine a encouragé les Xanthiens à reconstruire leur ville. Il semblerait que cette reconstruction ait été retardée. Du premier siècle bien peu de vestiges sont conservés. Le seul monument daté avec certitude, l’arc de S. M. Priscus, est d’époque flavienne. Si l’on en juge par la parenté des profils des corniches, l’agora romaine date peut-être également de la fin du ier siècle ou du début du iie siècle p.C. Une série de chapiteaux à godrons et acanthes est peut-être datable de la première moitié du iie siècle p.C. La plupart des autres éléments d’architecture répertoriés proviennent de monuments construits à l’époque antonine ou à l’époque sévérienne qui semble bien avoir été une période de grande prospérité à Xanthos.
Notes de bas de page
1 Ward-Perkins 1948, 70.
2 On trouve la même homogénéité à Oenoanda, Ling 1981, 35 et no 4.
3 L. Vandeput, qui fait la même constatation à propos des corniches de Sagalassos, met ce phénomène sur le compte du désir des sculpteurs de ne pas surcharger les entablements, déjà richement décorés. On peut se demander aussi s’il ne s’agit pas d’une spécificité du sud-ouest de l’Asie Mineure.
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