Chapitre II. Stéréotomie et méthodes d’assemblage
p. 175-178
Texte intégral
1Les édifices de Xanthos datables de l’époque romaine sont tous de grands bâtiments publics construits en pierre de taille. Les constructions plus modestes ne sont actuellement pas connues.
2Au contraire de ce que l’on constate à l’époque classique, il n’y a pas de stéréotomie particulière à l’époque romaine. On ne construit plus d’édifices de type lycien. Les murs des édifices sont composés de blocs rectangulaires, alors que certains murs de terrasse continuent de mettre en œuvre des blocs polygonaux. Les blocs rectangulaires qui composent les appareils orthogonaux sont en général munis d’anathyroses.
Appareils
Appareil polygonal (pl. 31-32)
3La pérennité de son utilisation à l’époque romaine est tout à fait frappante. On constate cependant qu’il n’est plus employé que dans la construction de murs de terrasse. On peut distinguer quatre types d’appareil polygonal qui se différencient par la dimension des blocs, mais surtout par le traitement de leur parement.
Type 1 (pl. 31)
4Ce premier type d’appareil polygonal montre des blocs de dimensions moyennes, en général bien ajustés, bien que l’on puisse voir quelques rares bouchons. Le parement des blocs est fortement piqueté, de sorte que les murs ainsi construits devaient produire un fort effet d’ombre et de lumière.
5Cet appareil a été employé au parement extérieur des murs de fond du portique est de l’agora, mais il n’est conservé que sur une courte section. On le retrouve au mur de soutènement sud de l’agora romaine. Comme il présente le même parement piqueté qu’au mur du portique est, on peut se poser la question de son rôle décoratif, car, masqué par le frons scaenae, il n’était pas visible depuis les gradins. On est obligé dans ce cas de conclure que la construction de l’agora romaine est antérieure à celle du mur de scène du théâtre, hypothèse confirmée par l’étude de la décoration architecturale des deux ensembles.
6On retrouve pour la troisième fois cet appareil polygonal (pl. 31, fig. 95c) employé sur l’agora romaine, cette fois dans la construction d’un mur qui délimite au nord et à l’ouest l’emplacement du pilier inscrit. On ne connaît pas pour le moment l’utilité de ce dispositif, mais tout porte à croire qu’il a été conçu au moment où l’on construisait, ou reconstruisait l’agora, soit vraisemblablement vers la fin du ier siècle p.C.
7Un mur attribué par A. Farrington aux thermes I de Xanthos est construit avec un appareil polygonal du même type, datable, selon l’auteur, de l’époque flavienne (pl. 31, fig. 95b).
Type 2 (pl. 32, fig. 96a et b)
8Il s’agit d’un appareil polygonal composé de blocs de dimensions équivalentes à celles des blocs du type 1, toujours soigneusement disposés à joints vifs, mais dont le parement n’a pas été piqueté, mais laissé brut ou pourvu d’un léger bossage.
9Cet appareil a été utilisé dans la construction du mur de soutènement du portique ouest de l’agora romaine. Il n’était apparent que sur une faible hauteur et a été traité davantage comme un mur de terrasse, apparemment sans grand souci décoratif. Mais étant donné sa localisation, on a du mal à penser qu’il ne soit pas contemporain du reste de l’agora romaine et il faut sans doute mettre cette différence d’aspect sur le compte d’une situation moins exposée aux regards.
10Le mur de soutènement d’une terrasse qui était aménagée directement à l’ouest du sarcophage des danseuses présente un appareil polygonal du même type.
Type 3 (pl. 32, fig. 97a et b)
11L’appareil polygonal est cette fois composé de blocs de dimensions un peu plus importantes. Les blocs sont, comme toujours, soigneusement appareillés, sans bouchons. Le parement des blocs est différent de celui des blocs des autres types. Il n’a pas été laissé brut et n’a pas non plus été piqueté de façon aussi flagrante que sur l’agora romaine. Cela tient peut-être une fois encore à la situation de ce mur qui constitue l’angle de la terrasse de l’agora inférieure, et qui ne devait être visible que de loin. On notera que les blocs qui constituent l’angle proprement dit sont de dimensions plus importantes que les autres. Une autre section du même mur a été découverte récemment : l’appareil du mur est très proche du type 1 (pl. 31, fig. 93a).
Type 4 (pl. 31, fig. 98)
12Nous ne possédons qu’un seul exemple de ce dernier type qui consiste en un appareil “de blocs polygonaux soignés”, “les joints et les trous de la pierre étant masqués par un mortier, visible ça et là, fait avec du sable et des débris de briques”1. Cet appareil a été utilisé au parement intérieur de la chambre funéraire de la tour de l’agora romaine. Cette technique, surtout utilisée dans les thermes, aux parements intérieurs des murs, est, d’après A. Farrington, employée en Lycie à partir de l’époque flavienne2, ce qui pose un problème quant à la datation de la tour funéraire attribuée, comme on l’a vu, aux toutes dernières années du ier siècle p.C.
Appareil orthogonal (pl. 32)
13L’appareil orthogonal est la plupart du temps disposé à joints vifs et les blocs sont munis d’anathyroses sur les faces de joints. Les thermes II sont le seul édifice où cet appareil est associé à un large usage du mortier, au moins dans les parties visibles.
Type 1 (pl. 33, fig. 99)
14Un appareil orthogonal extrêmement soigné a été utilisé dans la construction d'une “tour funéraire” située à quelques mètres au sud du pilier des Harpyies. Il est composé de blocs de calcaire dur de dimensions conséquentes (H = 0,72 m/0,75 m, L maximum = 2 m).
15Leur parement est lisse. Cette tombe a été décrite par P. Demargne et datée sans plus de précision des “débuts de l’occupation romaine en Lycie, transformée comme on le sait en province sous l’empereur Claude en 43”3.
Type 2 (pl. 33, fig. 100)
16Ce type d’appareil orthogonal est celui que l’on rencontre le plus fréquemment à Xanthos à l’époque romaine, ce qui pose problème pour l’utiliser comme critère de datation. Il met en œuvre des blocs rectangulaires de calcaire dur, aux arêtes chanfreinées, et dont le parement extérieur présente un panneau central piqueté encadré par une ciselure assez large, formule déjà en faveur à l’époque hellénistique et utilisée tout au long de l’époque romaine.
17Le mur de fond du portique est de l’agora romaine montre un appareil orthogonal isodome (panneresse en parpaing et deux cours de panneresses).
18On retrouve un appareil orthogonal composé de blocs traités de la même façon aux murs du théâtre, notamment au mur de soutènement est.
19A l’est du vallon qui sépare la ville en deux secteurs, le même appareil orthogonal a été utilisé dans la façade est de la basilique civile, ainsi que dans le mur de fond des portiques est et sud de la place inférieure, et dans le mur percé de deux baies qui ferme au sud la terrasse des Néréides. Il s’agit dans ces trois derniers cas d’un appareil pseudoisodome.
Type 3 (pl. 33, fig. 101)
20Le parement des blocs rectangulaires qui composent cet appareil est assez abîmé et l’on ne peut pas discerner de traces d’outil. Le calcaire semble différent de celui qui est employé dans les autres types d’appareil orthogonal. Il semble plus tendre et il est en tout cas de couleur différente, plus claire que le gris-bleu qui caractérise le calcaire dur généralement employé à Xanthos.
21Le mur de fond sud du portique du décumanus, le mur de fond du portique sud de l’agora supérieure, le mur de l’extrémité sud de la basilique civile sont construits avec des blocs de ce type.
22Les assises de calcaire tendre qui soutiennent les stylobates de la basilique civile sont faites de blocs apparemment semblables, mais les murs qui montrent cet appareil ne sont pas suffisamment conservés pour que l’on puisse dire comment les blocs étaient disposés.
Type 4
23Il s’agit d’un appareil rectangulaire avec utilisation de mortier. Nous n’en conservons qu’un seul exemple, aux thermes II. Les murs de l’édifice sont faits de blocs rectangulaires de dimensions différentes, disposés en assises de hauteurs très irrégulières et dont la cohésion est essentiellement due au large emploi du mortier. Ces murs donnent l’impression d’une construction peu soignée.
24On notera l’utilisation de blocs de calcaire tendre pour la construction de la plus haute assise conservée, sur laquelle reposaient probablement les voûtes.
Scellements
Scellements horizontaux
25Les scellements horizontaux ont presque complètement disparu à Xanthos à l’époque romaine. Ils n’ont en tout cas pas été utilisés dans la construction la plus soignée attribuée à cette époque, c’est-à-dire la tour funéraire de l’agora. Quelques-uns des blocs du théâtre portent des mortaises pour crampons métalliques.
Scellements verticaux
26La plupart des bases de colonne étaient munies au lit d’attente d’une mortaise pour goujon, en général associée à un canal de coulée. Les bases de l’agora romaine, celles de la basilique civile montrent ce dispositif. En revanche, les bases de colonne remployées dans le rempart ouest (RO118) ne présentent pas de mortaise pour goujon.
27Les colonnes monolithes de granit (DEC007), ainsi que celles de marbre (DEC009) étaient aussi munies de mortaises de goujon, celles de la basilique civile également. Les tambours de colonne de calcaire ne possédaient pas systématiquement ce dispositif, au contraire des cippes.
28Quelques rares chapiteaux étaient scellés au fût de la colonne par un goujon métallique : c’est le cas du chapiteau à acanthes et godrons DEP002, du chapiteau ionique AS009, d’un chapiteau corinthien fragmentaire (AI015). Les chapiteaux corinthiens de grand module n’étaient en revanche jamais munis d’une mortaise de goujon.
29Les éléments d’entablement répertoriés ne montrent pas de scellements verticaux. On voit cependant des mortaises sur les faces de joint de deux claveaux : sur DEC011, qui n’est pas sûrement attribué, mais qui faisait peut-être partie d’une des arcatures ouvertes dans le mur est des portiques du décumanus. Le même dispositif est visible sur un des claveaux (CR002) qui composaient l’arc ouest de l’extrémité nord de la basilique civile.
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