Chapitre IV. L’agora supérieure et la basilique civile
p. 67-87
Texte intégral
1Cet ensemble monumental de plus de 4000 m2, composé d'une place à portiques, jouxtée, à l'ouest, par un édifice à trois nefs, prend place sur la plus septentrionale des trois terrasses qui prolongent le flanc sud de l'acropole haute, à une altitude voisine de celle de l'agora romaine. Bordé au nord par le décumanus et, à l'est, par le cardo, le complexe se trouve ainsi au cœur même de la ville romaine et cette situation privilégiée lui conférait sans doute une importance particulière dans le dispositif urbain (pl. 9, fig. 32).
2On peut considérer que l’appellation de basilique est abusive pour l’édifice de Xanthos. La basilique, telle qu’on la conçoit dans l’Occident romain, est un édifice à trois nefs limitées par des murs latéraux. On a sans doute ici affaire à une formule plus courante en Asie Mineure, qui consiste à placer sur un côté d’une place à portiques un édifice à trois nefs, dont l’une d’elles ouvre par l’intermédiaire d’une colonnade sur la place attenante, édifice qui s’apparente formellement à une stoa (“stoa-basilica”). En ce qui concerne l’édifice de Xanthos, il est impossible de savoir comment se présentait son portique ouest, qui pouvait aussi bien être limité par un mur ou par une colonnade. J’emploierai donc le terme de basilique par commodité, parce qu’il est vraisemblable que l’édifice de Xanthos, si l’on en juge par son plan, sa localisation à la rencontre des deux axes principaux et les découvertes qu’on y a faites, jouait un rôle civique important dans la ville.
3Bien que le mur de façade est de la basilique soit en partie conservé (pl. 9, fig. 33), le monument n'a pas retenu l'attention des premiers fouilleurs de Xanthos, qui, comme on l'a vu, ont surtout concentré leurs recherches dans la partie ouest de la ville et dans les nécropoles. L’ensemble monumental fait l’objet de fouilles depuis 19991, mais son exploration n’est pas achevée.
Description des vestiges
L'agora supérieure
4De cette place, il reste à vrai dire fort peu de chose, l’ensemble basilique-place à portiques ayant été arasé jusqu’au sol. Les dimensions extrêmes de la place sont de 55 m d’est en ouest et 60 m du nord au sud. Cet espace était délimité sur au moins trois côtés (nord, ouest, sud), peut-être quatre, par une colonnade dont aucun vestige n’est conservé, en dehors d’un tambour de colonne qui lui est peut-être attribuable, mais qui n’est pas en place2. L’agora a été aménagée sur une terrasse artificielle dont le mur de soutènement ouest est encore repérable par endroits, quand on se dirige vers la place en venant de l'agora romaine, bien qu'il ait en grande partie dégringolé dans le petit ravin que domine la place, à l'ouest. La crépis est en revanche assez bien conservée, en tout cas sur les côtés ouest, sud et est de la place. Les fouilles mentionnées plus haut ont en outre permis de dégager une partie de l'aula. On ne sait pas où se trouvait l’entrée principale de la place. Un seuil de faibles dimensions encore visible dans le portique ouest indique peut-être une entrée secondaire.
Portique nord
5Du mur de fond de ce portique, un seul bloc semble être conservé en place. Il s'agit d'un bloc de calcaire tendre appuyé contre un socle qui marque l'angle nord-est du mur de fond et sur lequel nous reviendrons plus loin. Le reste du mur a complètement disparu. L'angle nord-ouest a été recouvert à une époque indéterminée par une construction manifestement tardive qui a réutilisé des blocs d’architecture3.
6La crépis a été partiellement dégagée en 2003. Composée de trois degrés, elle est en bon état de conservation, à l’exception de quelques blocs de stylobate. Ce dernier est maintenant visible sur toute la longueur du portique, sauf à l’angle nord-ouest où il est lui aussi recouvert par une construction tardive.
Portique ouest
7Le mur tardif qui recouvre l'angle nord-ouest du portique ouest s'interrompt à l'aplomb d'un seuil peut-être en place. Au sud de ce seuil est encore visible une assise de calcaire tendre du mur de fond du portique. La partie sud du mur de fond est complètement éboulée dans le ravin. Ce mur, qui jouait le rôle de mur de soutènement de la terrasse portant l'agora, montre une technique de construction assez tardive : le mur est constitué de petits moellons et de gros galets liés avec du mortier, surmontés de deux assises de gros blocs de calcaire tendre, qui portent elles-mêmes une assise de blocs de calcaire dur (un seul bloc de cette assise est encore en place, mais de nombreux blocs de la même série gisent en contrebas, dans le ravin).
8La crépis ouest a été dégagée sur quelques mètres, à l'occasion du premier sondage mené dans ce secteur. Il s'agit d'une crépis à trois degrés dont l'euthynteria n'est pas visible car l'intérieur de la cour du portique a été dallé. Les blocs qui composent la crépis sont en calcaire dur et présentent des longueurs irrégulières, le parement des blocs est assez soigné. Le stylobate n'est pas conservé sur toute la longueur de la crépis ouest et les nombreuses lacunes permettent de constater que les deux premières assises de la crépis ne sont bien travaillées que dans la partie antérieure des blocs. La ligne de pose des assises supérieures est bien visible, mais l'arrière des blocs n'est pas travaillé et il est jouxté par un blocage de moellons et de mortier qui prolonge en profondeur le lit d'attente des blocs.
9Il semble que des traces de piédestaux soient visibles sur les blocs de stylobate. Si c'est bien le cas, on peut estimer l'entraxe des colonnes portées par ces piédestaux à 2,60 m (L entrecolonnement = 1,60 m). D'une façon générale, la surface des blocs constituant le stylobate est assez peu usée et pose la question de la durée d'utilisation de ce portique, ou de son achèvement.
10L'intérieur du portique est revêtu d'une mosaïque à grosses tesselles. Dans sa partie nord, elle montre un panneau au décor très érodé porteur d’un cartouche inscrit, malheureusement illisible.
Portique sud
11L’angle sud-ouest du mur de fond du portique est encore repérable, bien que très ruiné, et les restes du mur proprement dit, visibles par endroits. Le mur est construit avec de gros blocs rectangulaires de calcaire tendre, soigneusement appareillés, mais sans scellements, et dont l'assise mesurable atteint 0,55 m de haut. L'angle sud-est n’est pas conservé.
12L'angle sud-ouest de la crépis a lui aussi disparu. Seule la première assise de la crépis est conservée : elle est composée de gros blocs de calcaire dur qui reposent, comme la crépis ouest, sur un blocage de moellons et de mortier. L'angle sud-est de la première assise est en place.
Portique est
13Le portique oriental est particulièrement intéressant parce qu'il servait aussi de nef ouest à la basilique. L'angle sud-ouest du stylobate est bien visible, ainsi que les trois degrés de la crépis, qui ont été dégagés sur une courte section à l'époque des anciennes fouilles. Un nettoyage de surface a permis de mettre au jour, à l'extrémité nord du portique, quelques mètres carrés de la mosaïque qui revêtait le sol. Comme pour le portique ouest, il s'agit d'une mosaïque à grosses tesselles polychromes, semblable à celle qui a été utilisée à l'intérieur des portiques de l'agora ouest. L'angle nord-est du stylobate est visible, bien que recouvert par une construction tardive qui procure un symétrique exact à la construction tardive élevée à l'angle nord-ouest. Une série de dalles de calcaire prolonge curieusement le stylobate, jusqu'au mur du fond du portique nord, où elles butent contre un piédestal. Un second piédestal, de même type, se trouve à l'aplomb du premier, sur le côté est du portique. Plusieurs blocs d'architecture, dont un claveau, retrouvés lors du dégagement de surface et qui n'ont pas été déplacés depuis qu'ils se sont écroulés, montrent qu'un arc reposait sur les piédestaux et constituait l'extrémité nord de la nef ouest de la basilique. On ne sait pas comment se présentait le mur de fond du portique est et l’on peut se demander s'il s'agissait d'un mur percé de portes, ou bien d'une colonnade. Sur l'assise de dalles de calcaire conservée, aucune trace n'est visible qui pourrait nous servir d'indice.
L’aula
14Elle n’a été dégagée que sur une centaine de mètres carrés. Elle a été revêtue de grandes dalles de calcaire de faible épaisseur, à une date qui devra être précisée, mais qui, en première analyse, se situe à l’époque protobyzantine. A l’angle nord-est, une crépine a été installée dans une des dalles qui devait être raccordée au système de drainage de la place. Nous avons pu constater, lors du premier sondage mené en 19984, que des blocs de pierre provenant de l’entablement du portique ouest avaient perforé ce dallage au pied de la crépis, ce qui semble indiquer que l’ensemble monumental a été détruit par un séisme, puis abandonné, puisque des fragments sont restés en place.
La basilique civile
15Cet édifice à trois nefs mesure environ 74 m de long et 16,50 m de large. Il constitue la bordure est de la terrasse de l'agora supérieure, de sorte que l'accès, au soubassement, composé de deux nefs, se faisait depuis le cardo, alors que le rez-de-chaussée, composé de trois nefs, se trouvait au niveau de la place, la nef ouest de la basilique servant, comme on vient de le voir, de portique est à la place. Le monument est considérablement ruiné, à l'exception de son long côté ouest.
Le rez-de-chaussée
16Au rez-de-chaussée, la basilique comprenait trois nefs et la nef ouest correspondait au portique est de la place. Nous ne possédons que peu d'indices permettant de restituer les deux autres nefs. Le mur dont nous avons vu qu'il était fait de remplois dans sa partie sud, supportait une colonnade. Une colonne est encore en place à son extrémité nord et de nombreuses colonnes, ou fragments de colonne, de diamètre correspondant, gisent à proximité du mur, le plus souvent dans la nef est. Quant au long côté est de la basilique, il était couronné par une balustrade, qui alternait blocs de parapet et balustres avec des piédestaux en saillie. Le lit d'attente de ces piédestaux porte des traces qui montrent que, au-dessus, prenaient place des bases de type ionique-attique qui supportaient des colonnes.
17L'existence d’un soubassement induit bien sûr celle d'un plancher. Nous n'avons absolument aucune trace de celui-ci à l'exception peut-être d'une cavité ménagée en dessous de la cinquième assise de la section de mur comprise entre la porte 2 et la porte 3. Il pourrait en effet s'agir d'une cavité d'encastrement destinée à recevoir une poutre. Nous n'en avons en tout état de cause qu'un seul exemple.
18L’extrémité sud de la basilique présente un aménagement dont on ne connaît pas la destination. Les deux sommiers d’un arc, en calcaire tendre, sont en effet visibles à l’extrémité sud de la nef centrale et, parmi les blocs qui gisent au pied de l’édifice, on voit un claveau mouluré, cette fois en calcaire dur, qui servait peut-être de parement extérieur à l’arcature. Le dégagement des blocs d’architecture épars dans ce secteur et qui proviennent sans doute de la destruction de la basilique, permettra sans doute de comprendre le but de cette installation.
19Au nord des trois arcs qui marquaient l’extrémité nord des nefs et dans le prolongement de la basilique, se trouve une salle de 16,50 m sur 8,50 m dont on ne connaît pas la destination précise. Cette salle a été revêtue d’une mosaïque à fond blanc et décor de losanges qui, comme au portique ouest, porte deux cartouches inscrits (pl. 10, fig. 34)5.
Le sous-sol
20Le sous-sol de la basilique donnait sur le cardo situé en contrebas et à l'est de la place à portiques. Composé de deux nefs dont on ne sait pas comment elles communiquaient entre elles à l’origine, il était accessible par de hautes portes dont quatre sont encore conservées. Ces portes étaient percées dans un mur construit en grand appareil fait de blocs rectangulaires de longueurs et hauteurs différentes6 dont il reste cinq assises. Les blocs qui composent le mur sont en calcaire dur et ont été soigneusement travaillés au parement extérieur. Ils ont été munis d'une ciselure périmétrale de 0,08 à 0,10 m, ménagée autour d'un panneau central piqueté. Les arêtes des blocs sont chanfreinées. Les faces de joint ont reçu des anathyroses. Au lit d'attente des blocs constituant l'assise supérieure, on voit une surface de décharge de 0,18 m prévue pour la pose des blocs constituant la balustrade qui prend place à l'étage. En façade, le mur est construit à joints vifs. A l'arrière de la façade et sur toute la longueur conservée, on constate que le mur a été consolidé avec un genre de béton.
21Les portes, dont les dimensions varient7, ne possèdent pas d'encadrement sculpté. Les blocs ont été simplement taillés pour recevoir les huisseries : on remarque au linteau de la porte 1 un encastrement pour poteau d’huisserie (P = 0,12 m), ainsi que des encoches verticales de même largeur sur la face interne des blocs formant les jambages, la fermeture se faisant probablement au moyen d'une barre pivotante. Les linteaux en place ne sont jamais constitués par un bloc indépendant, mais sont composés de trois blocs : deux blocs dont chacun est disposé horizontalement sur chaque jambage, et un bloc introduit entre les deux, qui fait office de clef. Ces “linteaux clavés”8 sont maintenus en place par le poids de la balustrade qui couronne le mur. Les artisans qui se sont chargés de ce chantier ont fait preuve d’un raffinement inattendu en donnant à la “clef” une forme spécifique : en façade, les joints sont verticaux, alors que l’arrière du bloc s’évase pour un meilleur encastrement.
22Au-delà de la porte 4, vers le sud, la façade a presque totalement disparu, ou est réduite à une seule assise. On peut cependant facilement suivre le cours du mur jusqu'à son extrémité sud. On remarque que celle-ci a été remaniée. Un massif profond de 2,20 m construit en blocs rectangulaires de même type que ceux du mur est a prolongé la basilique vers le sud, pour une raison que l'on n'explique pas.
23Nous n’avons trouvé dans les pièces du sous-sol aucune trace d’escalier et il semble qu’il n’y avait pas de communication entre cette partie de l’édifice et le rez-de-chaussée qui ouvrait sur la place.
24Comme la fouille de l’édifice n’est pas terminée, il reste beaucoup d’incertitudes sur l’apparence du monument et son aménagement intérieur mais les résultats acquis permettent d’ores et déjà une vision plus claire de l’édifice.
le mur de séparation entre les deux nefs du sous-sol, qui servait de soubassement à la colonnade est de l'étage, est, dans sa partie sud, intégralement fait de blocs remployés, ce qui n'est, pas le cas, semble-t-il, dans sa partie nord. Une porte était aménagée dans ce mur et permettait d'accéder à la nef ouest. Mais le fait que le mur et la porte soient construits avec des remplois ne permet pas d'affirmer qu'un tel dispositif existait à l'origine.
la nef ouest a été aménagée en une série de citernes communiquant entre elles, à une époque pour le moment indéterminée.
les murs et le fond de la citerne dégagée au nord et au sud de la nef ouest sont revêtus d'un enduit hydraulique assez bien conservé. La citerne était recouverte par une voûte faite de moellons et de fragments de briques liés par du mortier. Le départ de la voûte est par endroits encore bien visible.
au-dessus de la citerne, le mur ouest est construit avec des moellons hétérogènes, de dimensions variables, liés avec du mortier. Cette maçonnerie de médiocre apparence est surmontée par une et parfois, suivant les endroits, deux assises de gros blocs de calcaire tendre, quadrangulaires, au parement brut9. Au-dessus des blocs de calcaire tendre prend enfin place une assise de blocs de calcaire dur, de couleur blanc-jaune10. Le parement de ces blocs est abîmé par les intempéries, mais on peut voir qu'il a été travaillé au ciseau grain d’orge sur ses faces visibles.
les fondations du portique est de la place (nef ouest de la basilique) montrent, dans leurs parties basses, plusieurs blocs d’une colonnade et d’un entablement dorique datables en première analyse de la basse époque hellénistique, remployés avec de gros blocs et moellons de calcaire11.
Inventaire des blocs attribuables à la basilique civile
Bases
CR043
D estimé = 0,60 m | H totale = 0,345 m |
H plinthe = 0,135 m |
25La base CR043 a été retrouvée lors d'un dégagement superficiel à l'intérieur de la nef est de la basilique. Elle était enfouie sous une faible épaisseur de remblai, avec des fragments de colonne et des éléments d'entablement (frise et corniche-sima), au pied d'un des piédestaux de la façade, sur lequel nous l'avons replacée. Un autre fragment, (CR037) découvert lors du même nettoyage, est attribuable à la même série. Les deux bases fragmentaires sont de type ionique-attique.
Bas de colonne
26Un exemplaire complet, appartenant à cette série, est en place dans la basilique civile. On a retrouvé plusieurs autres fragments, parfois des blocs presque complets, attribuables à la colonnade intérieure est de la basilique, lors du dégagement de son soubassement.
CR007 (pl. 10, fig. 35)
D = 0,79m | H totale conservée = 1,16 m |
H de la mouluration de base = 0,38 m |
27La mouluration est dérivée de la forme ionique-attique. Il n'y a pas de plinthe. Le tore supérieur est surmonté de moulures (quart-de-rond, filet) qui constituent la liaison avec le fût.
Fûts lisses
Conglomérat rougeâtre
28Cette série regroupe des colonnes dont le diamètre inférieur atteint 0,54 m, et le diamètre supérieur 0,50. On en a retrouvé quatre exemplaires12 dans la nef est de la basilique civile, qui prenaient sans doute place sur les piédestaux de la colonnade de façade.
Calcaire
29Deux fûts de colonne13, d’environ 0,47 m de diamètre inférieur, proviennent de l’effondrement de la nef est, au sud du monument.
Marbre
30Quatre fragments de colonne, en marbre gris foncé, ont été découverts lors du nettoyage de la nef centrale de la basilique, au bas des piédestaux qui s’élèvent à l’extrémité nord de la nef. On ne peut pas estimer le diamètre des colonnes.
Chapiteaux
31Deux chapiteaux ont été mis au jour lors du dégagement de la nef centrale de la basilique : un chapiteau de pilastre appliqué, attribuable au rez-de-chaussée de l’édifice (CR538), et un chapiteau de demi-colonne qui provient de l’étage (CR532).
CR538 (pl. 10, fig. 36 et pl. 39, fig. 113)
H = 0,64 m | L abaque = 0,80 m |
P abaque = 0,64 m | H couronne inférieure = 0,22 m |
H couronne supérieure = 0,34 m |
32Les deux feuilles d’acanthe de la couronne inférieure du chapiteau naissent à 0,01 m au-dessus de l’arête inférieure du bloc et ne sont pas contiguës. Elles comportent cinq lobes à cinq digitations (quatre pour les lobes inférieurs). Le lobe central se recourbe vers l’avant de façon très prononcée. La nervure axiale des lobes médians, fortement marquée, prend naissance à la base de la feuille, et court jusqu’à la pointe de la digitation centrale. La rangée supérieure est constituée d’une feuille, disposée dans l’axe du chapiteau, et de deux demi-feuilles, aux angles. La nervure axiale de la feuille est flanquée par deux sillons profondément creusés. Les trois digitations supérieures des lobes médians sont bien marquées. Des caulicoles de section triangulaire naissent des calices bipartis, dont la feuille extérieure supporte la volute angulaire, alors que la feuille intérieure est masquée par une feuille supplémentaire, sculptée dans l’axe du chapiteau, et sur laquelle reposent les volutes des hélices. Les crosses sont traitées en relief très plat, leurs volutes, en escargot. Ces dernières supportaient le motif axial, aujourd’hui cassé. La mouluration de l’abaque consiste en un cavet, décoré de feuilles d’eau, surmonté par un listel, et une baguette ornée d’une torsade, disposée symétriquement autour du fleuron, et convergeant vers celui-ci. On note une assez forte dissymétrie dans le décor du chapiteau et la qualité du travail est assez médiocre.
CR532 (pl. 10, fig. 37 et pl. 39, fig. 114)
H = 0,46 m | L abaque = 0,62 m |
P abaque = 0,66 m | H couronne inférieure = 0,18 m |
D 1/2 colonne = 0,18 m |
33Le registre supérieur de ce chapiteau est très abîmé. On ne peut décrire que la couronne inférieure de feuilles qui naît à 0,015 m au-dessus de l’arête inférieure du calathos. Elle comporte quatre feuilles d’acanthe à cinq lobes. Les lobes inférieurs possèdent trois digitations, les lobes médians, quatre. La retombée du lobe sommital est très marquée. Deux sillons profonds flanquent la nervure axiale des feuilles, jusqu’à mi-hauteur de celle-ci. Les lobes médians sont animés par une nervure tout aussi profonde, qui marque la troisième digitation en partant du bas. Les feuilles, contiguës, forment, en se touchant, quatre losanges superposés. Les œillets formés par la rencontre des digitations sont de forme triangulaire.
Architraves
34Tous les exemplaires conservés sont des architraves sur mur14. Nous possédons également un bloc d’entablement mixte, à la fois architrave et sommier (CR002). L’ornementation est semblable pour les deux types de blocs.
CR417 (pl. 10, fig. 38 et pl. 40, fig. 116)
L = 1,32 m | H = 0,50 m |
P au lit d’attente = 0,80 m | H des fasces = 0,05/0,06/0,13 m |
35Les trois fasces de l’architrave, de hauteur croissante vers le haut, sont séparées par des astragales ornés de perles hexagonales et de pirouettes losangées. Au-dessus de l’astragale supérieur, le couronnement est composé d’un kymation ionique surmonté d’un anthémion de palmettes lisses alternativement ouvertes et fermées, sculpté sur un cavet.
CR002 (pl. 11, fig. 39 et pl. 42, fig. 119)
L = 0,66 m | H = 0,71 m |
P à l’extrados = 0,74 m | H des fasces = 0,075/0,08/0,13 m |
36Le soffite du sommier ne possède pas de cadre. L’intérieur est décoré d’une file de feuilles disposées longitudinalement.
37Sur sa partie sommier, le bloc possède trois fasces croissantes vers le haut, séparées par des astragales de perles et pirouettes. Le décor était le même sur la partie architrave, mais les dimensions des fasces diffèrent ( ?/0,11/0,11 m).
38Le couronnement du sommier, seul conservé, était composé d’un astragale de perles et pirouettes, surmonté d’un kymation ionique, et d’un cavet décoré d'un anthémion alternant palmettes lisses ouvertes et fermées.
39La stéréotomie du bloc est en revanche plus singulière, et CR002 constitue le seul exemple de ce type à Xanthos. Sa morphologie force en effet à l’attribuer à un entablement alternativement horizontal et arqué, comme on peut en voir un exemple au temple d’Hadrien à Éphèse.
Claveaux (pl. 11, fig. 40 et pl. 42-44)
40L’inventaire comprend deux types de claveaux, qui diffèrent par leurs moulurations. Les claveaux appartenant au groupe 1 sont attribuables aux arcs de l’extrémité nord de la basilique. Les claveaux du groupe 2 ont tous été découverts à l’extrémité sud de la basilique ; il est tentant de les mettre en relation avec un arc fait de gros claveaux de calcaire tendre qui marque l’extrémité sud de la nef centrale et correspond peut-être à un aménagement hydraulique (fontaine ?).
Groupe 1
41Douze exemplaires sont actuellement répertoriés15.
42L’ornementation de ces blocs est le même que sur le bloc CR002 décrit ci-dessus. Le meilleur état de conservation du claveau CR563 permet d’observer une ciselure ménagée juste au-dessus des astragales de perles et pirouettes qui séparent les fasces. Au-dessus, prend place un kymation ionique d’oves et de flèches.
43L’anthémion, qui orne le cavet, est composé de palmettes lisses à cinq feuilles, alternativement ouvertes et fermées, sans élément de liaison entre elles. Les feuilles des palmettes ouvertes naissent de l’arête inférieure du cavet, comme c’est le cas des feuilles les plus externes des palmettes fermées. Les trois autres feuilles de la palmette jaillissent d’une tige commune qui, elle aussi, naît de la bordure inférieure du cavet.
Groupe 2
44Les douze exemplaires conservés16 proviennent de l’effondrement de l’extrémité sud de la basilique. Sur une face, les claveaux comportent deux fasces dont les hauteurs croissent du bas vers le haut. Elles sont surmontées d’une baguette, d’un quart-de-rond, d’un cavet et d’un bandeau. La face arrière du bloc comporte, au-dessus des deux fasces, un simple chanfrein surmonté d’un bandeau.
Frises
45Cette série comprend sept blocs. CR009, CR579 et CR930 (bloc incurvés) ont été retrouvés dans la nef est de la basilique civile, CR427 dans la nef centrale. CR224 provient de l’effondrement de la façade sud du bâtiment. AS004 a été dégagé lors du nettoyage de l'angle nord-ouest de l'agora supérieure. SSE02 gît très loin des blocs précédents, à proximité d'une villa proto-byzantine qui n'est pas encore fouillée, et dans la construction de laquelle le bloc avait peut-être été remployé
CR009 (pl. 11, fig. 41 et pl. 48, fig. 128)
L conservée = 0,90 m | H = 0,30 m |
P = 0,73 m |
46Le rinceau très foisonnant qui orne la frise, de profil convexe, progresse vers la gauche, et il est composé d’une tige principale fortement acanthisée dont les boucles enserrent des rosettes à quatre pétales trilobés.
47Le couronnement comporte un astragale de perles et pirouettes, surmonté d’un kymation ionique d’oves et de dards. Les perles et les pirouettes sont de forme cylindrique. Les oves, presque complètement arrondis, sont détachés des enveloppes, et séparés par des dards épais, eux aussi indépendants des enveloppes.
AS004 (pl. 11, fig. 42 et pl. 48, fig. 129)
L conservée = 0,58 m | H conservée = 0,25 m |
P au lit d’attente = 0,64 m |
48La frise convexe est décorée d'un rinceau composite, fait de feuillages et de fleurs. Les fleurs, entourées par le rinceau, possèdent quatre pétales. Les feuillages se présentent sous la forme d'une tige grossière pourvue de feuilles à trois ou quatre lobes. Les blocs sont trop fragmentaires pour que l'on puisse restituer le tracé complet de ce rinceau, mais la disposition des feuillages semble être aléatoire, l'horreur du vide primant sur la logique des schémas.
49Le relief de la frise est extrêmement plat. Les éléments du décor ont perdu tout caractère végétal. Les fleurs, comme les feuilles, sont empâtées, les lobes ressemblent à des doigts, aucune nervure n'est représentée. La presque totalité de la frise est recouverte par le décor. Les profonds recreusements entre les éléments animent un peu cette décoration que l'on pourrait presque croire inachevée.
50Le couronnement du bloc est composé d'un astragale de perles et pirouettes, au-dessus duquel prend place un ovolo assez grossièrement sculpté.
51Les blocs CR009 et AS004 possèdent donc le même décor, mais celui-ci est plus soigné sur CR009, ce qui indique peut-être que le bloc était plus visible.
Blocs à anthémion (pl. 51 et 52)
52Plusieurs blocs d’un type très particulier, et de dimensions différentes, ont été découverts à proximité immédiate de la basilique et lors des fouilles de la nef centrale de l’édifice.
CR040 (pl. 12, fig. 43 et pl. 51, fig. 133)
L conservée = 0,40 m | H = 0,41 m |
53Le bloc, dont deux faces seulement sont conservées, est décoré, à la base, d’un kymation ionique. Les oves et leurs enveloppes sont assez épais et sont séparés par des dards en forme de pointe. Au-dessus du kymation prend place un listel.
54Le bloc présente un profil en cyma recta extrêmement prononcée et porte un décor composé de palmettes ouvertes alternativement droites et pendantes, traitées comme des acanthes et liées ensemble par un rinceau végétalisé.
55Pour autant que l’on puisse en juger, les palmettes possédaient trois lobes de chaque côté de la feuille médiane. Le lobe inférieur et le lobe médian, composés de seulement deux digitations, naissent de la base de la palmette, qui est munie d’un bandeau de serrage. Leur nervure axiale est marquée par un léger bourrelet. Le lobe supérieur est composé de cinq digitations. La nervure de la digitation la plus longue est marquée par une profonde incision pratiquée au trépan. Les pointes des digitations touchent le rinceau, dont les feuilles sont traitées de la même façon que les lobes des palmettes. Au-dessus de l’anthémion, on trouve à nouveau un listel. Celui-ci est surmonté d’un astragale de perles et pirouettes, d’un kymation lesbique et d’un bandeau plat.
CR053
P au lit de pose = 1,53 m | H = 0,40 m |
56Ce bloc appartient à un pilastre. Il est intégralement conservé et décoré sur une face étroite et sur 0,67 m en retour sur les deux faces adjacentes. Au-delà de cette distance, un ressaut limite le décor et les faces sont lisses. On reconnaît sur la tête de bloc le même anthémion de palmettes acanthisées que celui décrit ci-dessus, sculpté sur un profil en cyma recta
CR00317 (pl. 12, fig. 44 et pl. 51, fig. 134)
P au lit de pose = 0,60 m | H = 0,50 m |
Trou de louve |
57Le bas du bloc est décoré d’un kymation ionique. Les oves qui composent celui-ci sont très détachés de leurs enveloppes. Ils sont séparés par de simples dards, eux-mêmes très distants des enveloppes. Le kymation est couronné par un listel (H = 0,02 m). Au-dessus du listel, le bloc, de profil rectiligne, est décoré d’un anthémion composé de palmettes liées par un rinceau. Les palmettes, alternativement droites et pendantes, sont composées de huit lobes qui naissent d’une feuille médiane bilobée. Chaque lobe possède trois digitations dont les nervures sont marquées par de fins bourrelets. Les palmettes sont étroites et resserrées. Elles sont munies d’un bandeau de serrage très stylisé de forme rectangulaire.
CR033 (pl. 12, fig. 45 et pl. 52, fig. 135)
H = 0,43 m | P au lit de pose = 0,62 m |
Trou de louve |
58Le bloc est décoré sur trois faces. Un kymation ionique composé d’oves et de dards, assez grossièrement sculpté, orne le bas du bloc. Au-dessus, on retrouve le même anthémion composé de palmettes acanthisées dressées et pendantes. Les palmettes possèdent six lobes à trois digitations. La surface des lobes est simplement animée par deux fines rainures, qui séparent les digitations. A la base, la palmette est munie d’un bandeau de serrage réduit à un rectangle décoré de deux stries parallèles. L’ensemble du décor laisse l’impression d’une grande sécheresse. Les motifs sont très détachés du fond et traités de façon extrêmement raide, à tel point que les palmettes semblent recroquevillées sur elles-mêmes et presque cassantes. Les liaisons des pointes des digitations avec le rinceau ne sont pas claires, ce qui produit un arrangement décoratif assez confus.
CR57518 (pl. 12, fig. 46)
H = 0,65 m | L. cons. = 0,68 m |
59Le bloc est décoré sur trois faces. Une des faces est presque intégralement conservée. On retrouve, au bas du bloc, un kymation ionique, cette fois composé d’oves et de flèches et surmonté d’un large listel déversé. Une palmette acanthisée dressée, ouverte, est sculptée dans l’axe du bloc. Elle est composée de huit lobes à trois digitations soulignées par de fins bourrelets, qui naissent d’une feuille médiane à un seul lobe portant, à la base, un bandeau de serrage rectangulaire. Du pied de la palmette naît un rinceau végétalisé qui la relie, de chaque côté, à des feuilles d’acanthe qui décoraient les angles du bloc. Ces feuilles possèdent six lobes à cinq digitations (quatre pour les lobes inférieurs). On ne peut rien dire de la retombée de la feuille, cassée dans les deux cas.
60Au-dessus d’un listel plat, un astragale de perles allongées, alternant avec des pirouettes en forme de losange, était surmonté d’un kymation lesbique très abîmé.
61Le sculpteur a manifestement recherché les effets de contraste en négligeant complètement le modelé et en dissociant le décor du champ. Le décor semble être disposé en avant de la face du bloc, à la manière d’un treillage plaqué contre un mur.
CR050
L visible = 0,34 m | P = 1,13 m |
H = 0,26 m |
62Seule la partie supérieure du bloc est conservée. Il a été brisé au niveau d’un astragale de perles et pirouettes dont seule une courte section subsiste. La mouluration en cyma reversa, qui prend place au-dessus de l’astragale, est ornée de rais-de-cœur en étrier, l’élément central d’un des motifs a été placé à l’angle du chapiteau. Le kymation lesbique est surmonté d’un anthémion composé de palmettes lisses, à cinq feuilles, alternativement ouvertes et fermées, sans élément de liaison entre elles. Une palmette traitée de façon naturaliste a été disposée à l’angle. Le bandeau plat, qui correspond à l’abaque, semble ainsi soutenu par les digitations des lobes supérieurs de la palmette, les lobes inférieurs étant recourbés vers le bas.
Corniches-simas
63Nous avons identifié à ce jour une vingtaine de blocs de corniche attribuables à la basilique civile. Ils ont tous été découverts à proximité immédiate du bâtiment, voire à l’intérieur de celui-ci. C’est ainsi que le bloc CR004 gisait sur la place dallée, au pied du mur de la basilique, le bloc CR001 se trouvant à quelques mètres plus à l’est. Les blocs CR010, CR031 et CR415, incurvés, se trouvaient à l’intérieur de la nef est du monument, ainsi que le bloc rectiligne CR031. Les blocs AI005, AI006 et AI009 gisent à l’extrémité sud de l’édifice, et les blocs CR026, CR027 et CR028 ont été remployés et sont encore en place dans le mur qui sépare les deux nefs du rez-de-chaussée de la basilique. Parmi les blocs qui proviennent de l’effondrement de la façade sud du monument, nous avons pu dégager six autres blocs de corniche-sima19 ainsi que plusieurs fragments.
64CR004 nous intéresse particulièrement, car il s’agit d’une corniche d’angle qui s’est écroulée de son emplacement d’origine et y est restée jusqu’à aujourd’hui. Il en va de même pour AI006, corniche de fronton, qui trahit l’existence d’un dispositif monumental à proximité du lieu où elle se trouve actuellement.
65Ces différents blocs de corniche sont passablement dégradés par leur exposition aux intempéries et leur décor n’est que partiellement conservé. On peut cependant le restituer en confrontant les exemplaires conservés.
CR004 (pl. 12, fig. 47 et pl. 59, fig. 145)
L = 1,03/0,97 m | P au lit de pose = 0,59 |
P au lit d’attente = 1,05 m | H = 0,46 m |
66Au-dessus de la file de denticules, on trouve un kymation ionique composé d’oves assez arrondis, très détachés de leurs enveloppes et séparés par de simples dards. Les modillons20 sont ornés d’une feuille, traitée de façon très schématique, et qui équivaut à une version simplifiée des palmettes ouvertes présentes à la sima. De la feuille médiane naissent deux “lobes” à seulement deux indentations. Les lobes inférieurs, construits de la même façon, naissent directement de l’arête inférieure du modillon. Les lobes ne se touchent pas entre eux, et sont séparés par un canal creusé de façon très sèche. Les nervures de la feuille ne sont pas figurées et le motif a perdu toute qualité végétale.
67Des feuilles traitées de façon identique ornent les entre-modillons, qui sont couronnés d’un ovolo, en alternance avec des rosettes à quatre pétales.
68La corona est lisse. Elle est surmontée d’un astragale de perles et pirouettes, reliées entre elles par des pédoncules de pierre qui n’ont pas été supprimés. Les motifs qui composent l’astragale sont très détachés les uns des autres, à tel point qu’ils semblent juxtaposés.
69La sima est décorée d’un anthémion composé de palmettes alternativement droites et pendantes, liées entre elles par un ruban qui, sans être traité de façon végétale, est souligné par un fin bourrelet figurant une sorte de nervure axiale. Les palmettes droites, fermées, sont lisses ; les palmettes pendantes, ouvertes, sont traitées de façon plus naturelle. Dans les deux cas, elles sont munies d’un bandeau de serrage. Les nervures axiales des feuilles des palmettes sont représentées par un léger bourrelet. Les palmettes pendantes possèdent quatre lobes qui naissent de la feuille médiane. Les lobes supérieurs présentent quatre larges digitations, les lobes inférieurs seulement deux. Leurs pointes touchent le ruban, l’espace délimité par celui-ci étant complètement occupé par la palmette.
70Cet anthémion peut toutefois légèrement varier suivant les blocs. Sur CR010 et AI009 par exemple, on constate qu’il est composé de palmettes toujours traitées de façon naturaliste, qu’elles soient ouvertes ou fermées.
71La plupart des caractéristiques stylistiques de ces blocs rappellent celles évoquées plus haut pour les autres séries de corniches : l’espacement des motifs des ovolos, l’épaisseur des enveloppes des oves, la géométrisation et la sécheresse du traitement des acanthes des soffites indiquent que ces corniches sont assez tardives.
72L’anthémion qui décore la sima est du même type que celui que portent les corniches à kymation lesbique de la série 1, à cette différence près que l’élément de liaison est un simple ruban au lieu d’un rinceau, et que le nombre des digitations des lobes supérieurs diffère.
Formes et décors des blocs attribuables à la basilique civile
Acanthes (pl. 60, fig. 149)
73Des feuilles d’acanthe, sculptées avec assez peu de soin, ornent le chapiteau de pilastre corinthien CR538. On note que la ressemblance entre ce chapiteau, attribuable à la basilique, et le chapiteau de pilastre corinthien TH039, provenant du théâtre, est très frappante. Les proportions des deux chapiteaux, assez trapus, sont comparables, l’exécution des motifs également. On remarque surtout l’extrême similitude dans le traitement des volutes en escargot, sans doute une caractéristique d’atelier. Le motif de feuilles d’eau, qui décore l’abaque de CR538, se retrouve sur le chapiteau de colonne du théâtre TH470.
74Les feuilles d’acanthe qui décorent la corbeille de CR538 semblent exactement du même type que celles du chapiteau TH039. Elles possèdent notamment des lobes médians très largement étalés, qui occupent un maximum d’espace sans pour autant qu’il y ait contact de feuille à feuille21, et des nervures fortement creusées. Les digitations inférieures des lobes supérieurs des feuilles sont perpendiculaires à l’axe du chapiteau, comme c’est le plus souvent le cas à partir de la deuxième moitié du iie siècle p.C. La simplification et la géométrisation des éléments décoratifs, ainsi que le traitement assez rude de l’ensemble, destiné à créer un violent effet de contraste, en multipliant les zones noires obtenues par le contact entre digitations adjacentes, invitent à ne pas dater le chapiteau avant le premier quart du iiie siècle p.C.
75Les feuilles d’acanthe du chapiteau de demi-colonne engagée CR532 ont été traitées avec plus de soin, et sont en outre très bien conservées à la couronne inférieure. A l’inverse de CR538, il y a contact de feuille à feuille, de sorte que les pointes des digitations des lobes, en se rejoignant, forment quatre losanges superposés, figure géométrique commune à cet endroit dans le troisième quart du iie siècle p.C., mais qui apparaît déjà à l’époque hadrianique22. On trouve des feuilles de ce type à Sagalassos, au nymphée de l’agora supérieure, daté de 160-180 p.C.23, (pl. 85, fig. 244) aux thermes de Faustine à Milet, datés de 160-170 p.C. (pl. 76, fig. 213). Le meilleur parallèle est fourni par un chapiteau provenant du dégagement des substructions de la basilique de l’agora de Smyrne, et sans doute attribuable à celle-ci : on y voit également une forte retombée sommitale et la même superposition de formes géométriques produite par la rencontre des digitations (pl. 88, fig. 252). Les édifices de l’agora de Smyrne, endommagés par un tremblement de terre, ont été réparés après 178 p.C.
Anthémion
76Trois types d’anthémions ont été utilisés dans l’ornementation des blocs de la basilique. Comme c’est l’usage à Xanthos, et ailleurs en Asie Mineure au iie siècle p.C., les cavets de couronnement des blocs d’architrave sont décorés d’anthémions composés de palmettes lisses, dressées, alternativement ouvertes et fermées, sans élément de liaison (pl. 61, fig. 154).
77Les simas des corniches portent elles aussi un anthémion de palmettes (pl. 62, fig. 162). Il semble que l’on puisse restituer, à partir de plusieurs blocs, une séquence composée comme suit : palmette acanthisée dressée-palmette acanthisée pendante-palmette lisse fermée-palmette acanthisée pendante-palmette acanthisée dressée, avec un ruban plat comme élément de liaison. Toutes les palmettes sont munies d’un bandeau de serrage. Les anthémions de ce type sont utilisés fréquemment pendant les périodes antonine et sévérienne, l’élément de liaison entre les palmettes étant plus souvent un rinceau qu’un ruban. A Cremna, les corniches du grand propylon sévérien montrent un anthémion comparable à celui de nos blocs, bien que les palmettes soient reliées par un rinceau. Comme sur les blocs AI009 et CR010, les deux types de palmettes ouvertes y sont représentés24. A Laodicée du Lycos25, l’anthémion des corniches du nymphée est assez proche, mais il ne comporte que des palmettes acanthisées. Un bloc de corniche du théâtre de Kibyra est décoré d’un anthémion où l’on voit une palmette ouverte qui rappelle beaucoup celles de CR004. Cet anthémion constitue, à ma connaissance, le parallèle le plus proche pour l’arrangement utilisé à la basilique civile. Le théâtre de Kibyra est daté, pour sa seconde phase, du iiie siècle “avancé”26.
78Bien que son traitement soit beaucoup plus sec, l’anthémion que portent les corniches du nymphée près du rempart tardif de Sidé, daté de la deuxième moitié du iiie siècle27 est construit sur le même schéma que CR004. Les palmettes du bloc de Xanthos ont cependant conservé une plasticité absente sur l’exemple de Sidé.
79Le troisième type d’anthémion employé à la basilique de Xanthos est beaucoup moins habituel (pl. 62, fig. 161). On ne le trouve que sur une face du bloc CR575. Il est composé de deux feuilles d’acanthe, disposées de part et d’autre d’une palmette acanthisée, avec un rinceau pour élément de liaison. Sur les deux autres faces du bloc, l’anthémion alterne palmettes acanthisées droites et pendantes, liées par un rinceau. Je ne connais pas d’exemple d’anthémion de palmettes et feuilles d’acanthe et l’on peut penser que cet choix décoratif tient à la morphologie du bloc, décoré sur trois faces, et dont la face principale serait traitée à la manière d’un panneau central mis en valeur par des motifs différents, disposés symétriquement.
80Les anthémions de palmettes acanthisées, alternativement pendantes et dressées, qui décorent les autres blocs de cette série sont tout à fait courants au iie et au iiie siècles p.C., mais leur traitement très inhabituel constitue sans doute une caractéristique d’atelier. Les lobes des palmettes sont en effet traités avec peu de relief et ont perdu toute plasticité. Les digitations sont extrêmement raides et peu charnues. Les nervures ne sont plus représentées. Le décor semble plaqué en avant de la surface du bloc, comme une grille, et ce traitement particulier paraît préfigurer les sculptures de l’époque byzantine. Ce dernier trait invite à dater ces blocs au plus tôt au iiie siècle p.C.
Kymation ionique
81Le kymation ionique a été employé pour décorer le couronnement des architraves, claveaux et frises de la basilique. On le trouve également sur les corniches et sur les blocs à anthémion. Dans ce dernier cas, il orne la base du bloc.
Oves et dards (pl. 63, fig. 170 et pl. 64, fig. 177 et 178)
82Comme le plus souvent à Xanthos, les oves des kymations ioniques de la basilique sont larges et complètement détachés de leurs enveloppes. Celles-ci n’entourent pas complètement l’ove, mais ne font plus qu’un seul motif avec les pirouettes, entre lesquelles vient tomber la pointe de l’ove. Ce trait est particulièrement marqué sur la corniche d’angle CR004. Les blocs d’architrave-frise du nymphée de Laodicée du Lycos28, daté de l’époque des Sévères, montrent la même caractéristique. Sur le kymation ionique qui orne la base du bloc à anthémion CR040, les enveloppes n’entourent pas non plus les oves et sont coupées de part et d’autre de celle-ci par l’arête inférieure du bloc.
Oves et flèches
83Sur le claveau CR563, les oves du kymation sont très proches de ceux de la corniche CR004, par leurs proportions, et par le fait qu’ils ne sont pas complètement entourés pas les enveloppes. La seule différence entre les deux décors vient du motif intermédiaire, ici sculpté en forme de flèche. La cohabitation des deux types de kymation ionique dans le même édifice s’explique probablement par une différence de main.
84Le kymation ionique qui décore le bas du bloc à anthémion CR569 (pl. 64, fig. 176) est en revanche très différent. D’apparence beaucoup plus soignée, il alterne des éléments plus élancés, les oves y sont bien enserrés dans leurs enveloppes, la flèche, moins charnue. Ce décor trouve un excellent parallèle sur un bloc de frise qui provient des dégagements récents des substructions de la basilique de Smyrne (pl. 89, fig. 259). On remarque que c’est précisément la base de ce bloc qui est décorée d’un kymation ionique fait de très gros oves et de flèches, très comparable à celui de Xanthos. Le bloc de Smyrne fait probablement partie de l’entablement intérieur de la basilique, actuellement datée de l’extrême fin du IIe ou du début du iiie siècle p.C.29 Ce type de kymation ionique apparaît sur de grands édifices d’époque sévérienne (Sardes, Hiérapolis) et traduit probablement une imitation de formes plus anciennes30.
Kymation lesbique (pl. 64, fig. 176)
85Cet ornement n’apparaît que sur la série de blocs à anthémion. Or, le motif des rais-de-cœur qui décore la cyma reversa de ces blocs ne peut pas être retenu comme critère de datation, car il est susceptible d’apparaître sous des formes différentes à la même époque et sur le même édifice, comme on en a un exemple à la Bibliothèque de Celsus à Éphèse31. Les rais-de-cœur des blocs de Xanthos montrent cependant certaines caractéristiques qui invitent à les dater au moins de la deuxième moitié du iie siècle p.C. On constate notamment que le haut du motif est tronqué par l’arête supérieure de la mouluration, trait récurrent tout au long du iie siècle. A partir de l’époque antonine, le motif central de l’étrier devient complètement indépendant, ce qui est le cas sur le bloc CR040. Le kymation lesbique reste cependant encore dans la tradition de l’époque d’Hadrien et rappelle les kymations du sanctuaire des dieux égyptiens de Pergame (pl. 81, fig. 230), du nymphée F3 de Pergé, post-hadrianique32, ou ceux du théâtre de Sidé, daté du milieu du iie siècle p.C.33
Perles et pirouettes
86Ce motif se retrouve sur tous les blocs décorés de la basilique : claveaux, architraves, frises, corniches, blocs à anthémion. Il est toujours traité de la même façon : des perles allongées, à facettes, et des pirouettes grossièrement rhomboïdales. C’est la forme habituelle des perles et pirouettes, à partir de la fin de l’époque antonine. Sur les blocs de la basilique, lorsque les astragales décorés sont employés en association avec un kymation ionique, la concordance est chaque fois la même : les pointes des oves sont placées entre les pirouettes, et le dard est dans l’axe médian de la perle. Ce dernier point ne peut pas être retenu comme critère de datation.
Rinceau
87Des rinceaux de feuilles d’acanthe ornent les frises de la basilique. Malheureusement, nous ne possédons que trois blocs appartenant à cette série, ce qui ne nous permet pas de restituer une séquence décorative complète34. Les rinceaux des blocs de la basilique sont, de toute façon, apparentés à des exemples assez tardifs, comme par exemple ceux de l’édifice M de Sidé35, daté de la fin du iie siècle p.C.36 ou encore, toujours à Sidé, le mausolée de la nécropole ouest. Celui-ci possède une frise décorée d'un rinceau composite qui, s'il n'offre pas un parallèle exact pour les blocs de Xanthos, s'en rapproche assez. Le mausolée est daté par l'analyse de son décor de la fin du iie siècle ou du début du iiie siècle37.
Fonction de l’édifice
88La simple observation du plan de l’ensemble invite à l’identifier comme équivalant à la formule forum-basilique, type d’ensemble monumental surtout répandu dans l’Occident romain et à ce jour inconnu en Lycie.
89La version orientale du forum-basilique (stoa-basilica)38 a été utilisée à partir de l’époque augustéenne, d’abord à Éphèse (Basilika am Staatsmarkt). L’édifice, terminé en 11 p.C., était muni à son extrémité orientale d’une salle indépendante dans laquelle on avait placé des statues d’Auguste et de Livie39.
90A l’époque hadrianique, on trouve un ensemble comparable40 à Cremna en Pisidie. La basilique (55 m x 19 m) est construite sur le côté nord du forum d’ordre dorique (62 m d’est en ouest et 44 m du nord au sud) et son aile sud correspond au portique nord du forum. Le “mur” de fond de celui-ci prenait la forme d’une colonnade qui permettait l’accès à la basilique. Celle-ci était divisée en trois nefs par deux rangées de piliers rectangulaires supportant des arcs. Le mur ouest de la basilique était percé de trois arcs.
91Le complexe de Cremna a été rapproché, par J. B. Ward-Perkins, du Caesareum de Cyrène41. Cet ensemble monumental est composé d’une basilique à trois nefs (81 m x 21,60 m), munie d’une abside et d’un vestibule et d’un quadriportique d’ordre dorique (52 m x 81 m) dont le portique nord se confond avec la nef ouest de la basilique. Un petit temple sur podium, tétrastyle in antis, s’élevait sur l’axe longitudinal de la place. La fonction du complexe est assurée par une inscription qui le désigne comme Caesareum.
92L’agora de Smyrne, en Ionie, offre un autre exemple de ce type de dispositif : le côté nord de la place est clos par un grand édifice de 165 m de long, construit sur un soubassement à arcatures, et composé, au rez-de-chaussée, de trois nefs ouvrant, à l’ouest, sur une salle pour le moment identifiée comme “tribunal”. Cette grande basilique, qui ouvre sur la place par sa colonnade sud, possédait un étage. Elle est datée de la fin du iie siècle p.C.42
93Le plan du complexe de Xanthos semble bien ressortir au même type que celui de Cremna et de Smyrne43. Aucune inscription ne permet pour l’instant une identification certaine, mais il est probable qu’il s’agissait d’un édifice majeur. Nous avons fait en 2000 la découverte, dans la nef est, d’un cippe portant une belle inscription en l’honneur de l’empereur Hadrien, sôter tou kosmou. Lors de la campagne 200144, nous avons dégagé de la citerne tardive aménagée dans la nef centrale un autre cippe inscrit, datable en première analyse de la fin du iie siècle p.C. Un autre cippe fragmentaire mentionne Zeus45. Ces inscriptions sont actuellement en cours d’étude46 mais leur concentration, dans ce secteur et dans ce bâtiment même, prouve d’ores et déjà son importance civique.
94La construction de la basilique, en limite est de la terrasse sur laquelle est aménagé le quadriportique, appelle un autre commentaire. Le bâtiment était disposé de telle façon qu’on accédait au second niveau de l’édifice, c’est-à-dire à la basilique, par la place à portiques, alors que son premier niveau était accessible par le cardo. De cette façon, non seulement le bâtiment ne rognait pas l'espace disponible sur la terrasse, mais il contribuait au contraire à l'augmenter.
95Des aménagements comparables sont fréquents dans les villes d'Asie Mineure car ils tiennent à la topographie de celles-ci, souvent peu propice à la construction de grandes places. Pour R. Martin47, la première réalisation de ce type date du ive siècle a.C. et concerne l'agrandissement de l'agora de Priène. L'auteur cite ensuite les cas d'Assos, Héraclée du Latmos, Aigai, Alinda dont les agoras ont reçu ce type d'aménagement, à l'époque hellénistique48. A ces exemples, H. Lauter49 a ajouté celui d'Aspendos, en Pamphylie, et donné une synthèse complète sur ces édifices50. Plus récemment, dans sa monographie sur les ruines de Lyrbe-Seleucie51, en Pamphylie, J. Inan a donné une première étude de l’édifice de marché bordant l’agora. Un édifice de même type est également connu dans la ville de Pedlenissos52, en Pisidie. La formule est donc née en Asie Mineure, pour les raisons de contraintes de terrain évoquées plus haut, et a été particulièrement exploitée à Pergame (portique sud de l'agora, terrasse du théâtre), puis dans les villes sous influence pergaménienne (comme Assos et Aigai), mais également dans des villes en dehors de cette sphère d'influence. Ces “édifices de marché” (Marktbau) étaient construits en bordure des agoras commerciales. A Assos, Aigai, Alinda, Alabanda et Aspendos les bâtiments s'élevaient sur trois niveaux. Le premier niveau constituait une extension de la place et un promenoir couvert, le second, en sous-sol, était constitué par une longue salle à deux nefs. Le mauvais éclairage de celles-ci invite à penser qu'elles devaient servir de grenier destiné au ravitaillement public. Le soubassement pouvait abriter des boutiques, mais quelquefois, également, des pièces de stockage, comme c'était peut-être le cas à Alinda. A Assos, une citerne est construite au sous-sol de l'édifice. Elle alimentait un bassin situé au rez-dechaussée et accessible depuis la rue.
96A cette liste d'édifices de marché on peut ajouter un autre bâtiment de même type construit sur le côté nord de l'agora de Selge, en Pisidie53. Cet édifice (50 m x 15,85 m) s'élevait sur trois niveaux. Il était divisé en trois nefs par des colonnades. Le niveau supérieur ouvrait au sud sur l'agora et servait sans doute de halle de marché. Le côté nord prenait la forme d’une quatrième colonnade, constituée par vingt-cinq piliers à demi-colonnes appliquées, entre lesquels étaient disposés des parapets ; les niveaux inférieurs servaient de greniers ou de boutiques avec magasins à l'arrière. Les fouilleurs datent l'aménagement de l'agora de Selge de l'époque hellénistique et la restauration de l'édifice de marché du iie siècle de notre ère.
97Du point de vue du plan, c’est l’édifice de Selge qui constitue le meilleur parallèle à la basilique de Xanthos : en effet, outre la disposition, sur un côté de l’agora, le niveau de l’édifice de plain-pied avec la place possède quatre colonnades, alors que les autres édifices comparables n’en possèdent que trois.
98Il est difficile de comparer les soubassements des deux édifices, car les remaniements successifs, qu’on a déjà signalés pour Xanthos, ont peut-être considérablement modifié le plan d’origine. Les pièces qui ouvrent sur le cardo peuvent correspondre à des boutiques, ou encore à des pièces de stockage, comme on a vu que c’était souvent le cas dans les édifices de marché. Le fait que les portes ne soient pas décorées, qu’il n’y ait pas de fenêtres et surtout que le parement intérieur des blocs de la façade ne soit pas travaillé, va plutôt dans le sens de cette deuxième possibilité. Les vastes citernes, aménagées dans la nef ouest, si elles datent de la conception de l’ensemble, trouvent naturellement leur place dans un bâtiment destiné au ravitaillement public. On a vu plus haut qu’on avait aménagé une citerne dans le sous-sol de l’édifice de marché d’Assos.
99L’importante concentration d’inscriptions honorifiques dans le bâtiment, le fait que l’édifice possédait une riche décoration architecturale et le soin apporté dans la construction de sa façade impliquent cependant que l’édifice n’avait pas seulement des fonctions “utilitaires”. Il semble donc que l’on trouve à Xanthos un type d’édifice hybride, qui aurait eu les fonctions d’une basilique au second niveau, avec peut-être une salle destinée au culte impérial (cippe d’Hadrien) et dont le premier niveau aurait eu des fonctions commerciales, ou de stockage. Un tel édifice n’a pas d’équivalent connu en Lycie54.
Essai de datation
100La chronologie de l’ensemble est encore difficile à cerner car l’édifice a connu plusieurs phases que l’on ne peut pas encore précisément dater. La place à portiques a été totalement arasée et dépouillée de tout membre d’architecture qui aurait pu aider à sa datation. Il est cependant clair que place et basilique font partie du même plan d’ensemble.
101Un dégagement superficiel de la nef est a permis de retrouver des blocs d’architecture (architrave avec départ de claveau, frise, corniche) qui constituaient sans doute l’arcature de l’extrémité nord de la nef. On a également pu retrouver certains des blocs qui composaient l’arcature symétrique de la nef ouest.
102La décoration architecturale de ces éléments permet de les placer à la fin du iie ou au début du iiie siècle p.C. Cette datation est confirmée par l’examen d’autres blocs (blocs à anthémion), retrouvés dans la citerne, ou remployés ou errants à proximité immédiate de la basilique, et que l’on peut probablement lui attribuer. On admettra donc que la basilique date de cette époque. Mais comment expliquer, dans ce cas, la présence du cippe d’Hadrien ? Soit il provient d’un édifice disparu, ou non encore découvert et il a été déplacé au moment de la construction de la basilique sévérienne, soit la basilique existait à l’époque d’Hadrien et l’état sévérien correspond à une autre phase, de reconstruction ou de restauration. La grande ressemblance que l’on constate entre l’ornementation de la basilique et celle du théâtre vient appuyer cette hypothèse et invite à penser que le même atelier a été actif sur les deux édifices.
103Les sondages menés récemment ont donné deux résultats importants. D’une part, le mur qui sépare les deux nefs du rez-de-chaussée est entièrement constitué de blocs d’architecture remployés, dont plusieurs sont attribuables à la basilique sévérienne. Nous n’avons donc actuellement aucun vestige d’un édifice antérieur, ni même d’une première phase de construction. D’autre part, la dernière couche en place du sondage montre que ce secteur était occupé à l’époque hellénistique. On a enfin mis au jour, remployés dans les substructions des portiques est et ouest de la place, plusieurs blocs d’architecture datables de l’époque hellénistique, qui appartenaient à un portique. Il n’est pas impossible que le complexe agora supérieure-basilique ait succédé à un dispositif plus modeste, mais on ne peut actuellement pas en dire plus.
Notes de bas de page
1 Anatolia Antiqua, 2002, 427.
2 On a découvert en contrebas de la place, au nord-ouest de l’agora inférieure, un fragment de tambour de pilier cordiforme (AI001), dont le diamètre (0,51 m) ne convient pas à la colonnade de l’agora inférieure (diamètre = 0,75 / 0,77 m). Il est possible que ce bloc provienne de la colonnade de l’agora supérieure.
3 AS006 et AS010.
4 Anatolia Antiqua, VII, 1999, 370.
5 Anatolia Antiqua, 2003, 429 ; Anatolia Antiqua, 2004, 310.
6 Longueur en façade des blocs comprise entre 0,375 m et 2,27 m. Hauteur des assises conservées = 0,50 m vis. ; 0,78 m ; 0,61 m ; 0,635 m ; 0,48 m. On peut probablement attribuer à ce mur certains des carreaux remployés dans le rempart est. On en trouve une série constituée par une vingtaine de blocs rectangulaires de calcaire dur qui présentent une ciselure périmétrale et un panneau central piqueté. On a pu distinguer trois groupes de blocs, suivant les hauteurs : 0,32 m, 0,40 m et 0,61 m. Les blocs mesurant 0,61 m de haut appartenaient sans doute à la troisième assise du mur est de la basilique.
7 Du nord au sud, porte 1 : l. ext. = 168,5 m ; porte 2 : l. ext. = 163,5 m ; porte 3 : l. ext. = 1,69 m ; porte 4 : l. ext. = 1,46 m.
8 On en voit un autre bel exemple aux thermes de la ville voisine de Tlos (pl. 92, fig. 269).
9 Dimensions moyennes : L = 0,80 - 0,85 m ; P = ca. 0,60 m ; H = 0,60 - 0,62 m. L'état du mur permet de voir que quelques blocs ont une profondeur plus importante atteignant 1,10 m et plus.
10 Dimensions moyennes : L = 1,10 m ; P = 0,90 m ; H = 0,40 m.
11 Anatolia Antiqua, 2003, 427.
12 008, CR009, CR010, CR015.
13 CR122 et CR155.
14 CR052, 112, 158, 240 (angle), 417, 558, 564.
15 CR035, 163, 180, 352, 388, 429, 444, 503,554, 559, 563, 592.
16 CR051, 227, 281, 284, 321, 322, 340, 388, 195, 345, 354, 355.
17 Un fragment provenant d’un bloc similaire a été découvert en 2004 lors du dégagement de la nef centrale de la basilique.
18 Un bloc pratiquement identique, CR582, a été mis au jour lors de la campagne de fouille 2004. Ces deux blocs proviennent de l’arc central de la basilique.
19 CR157, 179, 201, 214, 221, 252.
20 A l’angle, le modillon est placé en diagonale, ce qui, selon Ginouvès 1969, 113, no 2, est une caractéristique pamphylienne (exemples à Sidé et Aspendos), l’auteur citant également des exemples à Sagalassos et Hiérapolis.
21 Sur certains chapiteaux de pilastre, la zone entre les feuilles inférieures est ornée d’un motif végétal supplémentaire. C’est notamment le cas sur le chapiteau de pilastre de l’agora de Pergé, ainsi qu’au temple “hadrianique” de Termessos, deux monuments qui ne sont pas précisément datés, mais que l’on situe habituellement dans la première moitié du iie siècle p.C.
22 Exemples à Pergé : rue à colonnades, nymphée F3, palestre des thermes du sud.
23 Vandeput 1997, 105.
24 Vandeput & Büyükkolancî 1999, Taf. 26-3.
25 Ginouvès 1969, Pl. LII.
26 Bernardi Ferrero 1969, 23 et fig. 30.
27 Mansel 1963, 69.
28 Ginouvès 1969, Pl. XLVIII, 2.
29 Naumann & Kantar 1950.
30 Vandeput 1997, 147.
31 Vandeput 1997, 152.
32 Mansel 1975, 369-371.
33 Ward-Perkins 1980, 57.
34 La découverte récente d’un bloc de frise, très fragmentaire, mais portant une grande palmette lisse divisée, permet d’imaginer que les rinceaux de la basilique sont du même type que ceux qui ornent les frises du théâtre.
35 Vandeput 1997, Pl. 116.3
36 Wegner 1989, 163.
37 Mansel 1963, 177 et 186, Abb. 150-b, Kramer 1983, 145-166.
38 Voir à ce propos les remarques de Coulton 1976, 182-183.
39 Fossel-Peschl 1982.
40 L’ensemble monumental de Cremna, colonie romaine, est désigné sous l’appellation de “forum hadrianique et basilique”, Mitchell 1995, 56.
41 Ward-Perkins & Ballance 1958, 137-195 et Pl. XXVI-XXXVII.
42 Naumann & Kantar 1950.
43 On trouve une grande basilique civile à Aspendos, mais elle n’est pas comme à Cremna et Xanthos en liaison avec une place à portiques.
44 Anatolia Antiqua, X, 2002, 297-333.
45 Deux cippes (BE140 et BE141) qui proviennent peut-être de la basilique et dont on ne peut pas voir s’ils sont inscrits, sont remployés dans l’abside de la grande cathédrale. Un cippe inscrit gît à quelques dizaines de mètres en contrebas et au sud-est de l’édifice. Un cippe portant une inscription de la fin du ier siècle a.C. a été remployé dans la basilique chrétienne construite sur l’aula de l’agora inférieure, directement en contrebas du complexe agora supérieure-basilique.
46 Baker & Thériaut, Anatolia Antiqua, X, 2002, 64.
47 Martin 1951, 485.
48 A propos de ces édifices et de la formule en général, voir Coulton 1976, 91-94. Récemment, sur Alinda, Özkaya & Ona 2003.
49 Lauter 1970, 78-101.
50 Dans le cas de Smyrne, la situation est différente : le soubassement de la basilique semble s’apparenter davantage à un cryptoportique qu’à un édifice de stockage. Les études architecturales en cours sur ce site permettront peut-être de préciser les choses.
51 Inan 1998, Toroslar’da bir antik kent Lyrbe ?-Seleukia ?
52 Paribeni & Moretti 1916-1920, 73-133. Isin 1998, 111-127.
53 Machatscheck & Schwarz 1981.
54 Le Hallengebäude de Tlos, autre ville lycienne proche de Xanthos, est peut-être de même type, voir Wurster 1976, 23-48.
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