Introduction générale
p. 11-33
Texte intégral
“[…] la monnaie s’imbrique, où qu’elle soit, dans tous les rapports économiques et sociaux ;
elle est par suite un merveilleux “indicateur” : à la façon dont elle court, dont elle s’essouffle,
dont elle se complique, ou dont elle manque, un jugement assez sûr peut être porté
sur l’activité entière des hommes, jusqu’au plan le plus humble de leur vie.”
F. Braudel1
Objectifs et cadre de l’étude
Monnaies et “romanisation”
1R. Delmaire avait intitulé un de ses articles “De la monnaie gauloise à la monnaie romaine”2. Ces quelques mots expriment bien ce qui fut, sur le plan matériel, une des conséquences les plus visibles de l’intégration de la Gaule au monde romain. En quelques dizaines d’années, le contenu des bourses gauloises changea du tout au tout et les monnayages indigènes, si reconnaissables et si variés, furent remplacés par des monnaies romaines qui circulaient largement, non seulement à l’intérieur de la Gaule, mais aussi dans les autres provinces occidentales. Illustration frappante, parmi d’autres, de ce qu’on a coutume d’appeler la “romanisation”3.
2Cependant, dans les grandes synthèses récentes sur la “romanisation”, monographies ou recueils d’articles, les auteurs, archéologues comme historiens, utilisent rarement les sources numismatiques4. Il est significatif que les monnaies aient été “abandonnées” aux numismates. Après un certain “âge d’or”, les études numismatiques se sont faites plus discrètes à la fin du xxe s. et ont eu tendance à se concentrer sur les questions d’ateliers, de métrologie, d’iconographie et de légendes. Il s’agit de questions essentielles, mais qui apparaissent comme trop techniques et se sont retrouvées marginalisées dans les sciences historiques. Chez les archéologues en particulier, le progrès de la céramologie et (dans certaines régions) de la dendrochronologie a contribué à rejeter les monnaies dans les annexes des rapports de fouille – quand elles y figurent : réaction exagérée au rôle autrefois prépondérant des monnaies comme “fossiles directeurs”.
3La documentation numismatique offre pourtant beaucoup d’avantages pour une étude des processus de “romanisation”. Un article récent d’A. Suspène montre tous les problèmes administratifs et économiques posés par la création d’une “monnaie d’empire”, dont les rythmes de mise en place sont à déterminer avec précision5. Par ailleurs, les phrases de F. Braudel placées en exergue rappellent combien la monnaie est une réalité qui imprègne la vie sociale tout entière. Les monnaies sont des objets archéologiques particuliers : leurs qualités intrinsèques permettent, dans une large mesure, d’aborder les intentions des producteurs, tandis que leurs contextes de découvertes éclairent les pratiques des utilisateurs. De plus, les monnaies touchent à la fois au politique, à l’économique et au religieux, à la vie quotidienne comme aux grands événements. L’évolution de l’usage monétaire est indissociable des autres mutations sociales, culturelles et économiques. Le problème de l’utilisation de la monnaie et de la monétarisation de la société gauloise au cours des siècles étudiés apparaît donc comme un fil conducteur de premier ordre pour aborder l’intégration de l’espace gaulois à l’empire romain.
4Le travail qui suit a pour but de déterminer comment se fit le passage de la monnaie gauloise à la monnaie romaine. Ces dernières années, les progrès de la recherche archéologique ont considérablement modifié les chronologies du Second âge du Fer gaulois, et apporté une masse importante de données nouvelles6. C’est pourquoi il est non seulement possible, mais souhaitable de tenter une nouvelle synthèse sur le sujet, en menant le récit du début à la fin, de la protohistoire à l’époque romaine. En effet, notamment en raison du cloisonnement universitaire entre protohistoire et périodes historiques, la plupart des travaux se concentrent, soit sur la période préromaine, ce qui crée un sentiment d’incomplétude, soit sur la période romaine, ce qui laisse dans l’ombre toute la genèse du phénomène. Dans le même temps, l’étude des processus de “romanisation” a été profondément renouvelée et, si l’on insiste toujours sur le rôle incontournable de Rome, l’apport des sociétés conquises a été abondamment souligné. À nouveau, la monnaie apparaît comme un objet de choix pour aborder ces questions. D’une part, la nécessité d’intégrer l’apport des recherches récentes oblige à remettre à plat les questions de chronologie et d’usage des différentes pièces, occasion de faire un bilan historiographique et de repartir sur des bases saines. D’autre part, l’ensemble des sciences sociales souligne désormais à quel point la monnaie n’est pas une réalité neutre, mais au contraire indissociable de la société où elle est en usage7. Elle est à la fois agent et indicateur des changements dans cette société. En cela, retracer le passage de la monnaie gauloise à la monnaie romaine, c’est retracer dont Rome s’est implantée en Gaule et dont réagirent les sociétés indigènes.
5Le besoin de rassembler une bibliographie assez diversifiée et dispersée complique une tâche pourtant nécessaire. Pour cette raison, il aurait été irréaliste de vouloir traiter la totalité de l’espace gaulois dans ce travail. Nous avons donc cherché à délimiter une période et une zone d’étude suffisamment étendues pour saisir les processus dans toute leur épaisseur, tout en restant maîtrisable par une seule personne.
Une zone test : la Gaule du Nord et de l’Est
6Du point de vue géographique, il nous semblait crucial d’intégrer à la fois des zones militarisées et des zones civiles ; en effet, l’armée est généralement présentée comme un des principaux agents de “romanisation” mais il est nécessaire de préciser son influence. Notre choix s’est donc porté sur la Gaule du Nord et de l’Est, avec comme limites septentrionale et orientale le Rhin, où furent installés à partir d’Auguste de très nombreux camps militaires. Les bornes occidentale et méridionale ont été fixées de façon plus pragmatique, afin d’obtenir une zone d’étude large tout en restant exploitable et suffisamment riche en données pour les types d’analyses choisis. Le Centre-Est était incontournable, avec des sites comme Bibracte, Alésia, Mirebeau, Besançon, Mandeure ; contiguë, la Suisse actuelle se caractérisait également par une grande richesse de publications. Plus au nord, passé un certain vide en Champagne-Ardennes, Lorraine et Alsace, se trouve le territoire trévire, tout aussi incontournable, avec notamment l’oppidum du Titelberg. À l’ouest, la vallée de l’Aisne et, dans son prolongement, l’antique Belgium, offraient un nombre important de sites fouillés. Nous avons choisi de ne pas prendre en compte la rive droite du Rhin pour l’époque protohistorique, car elle pose des problèmes de chronologie. De plus, la majorité des sites y semble abandonnée avant le milieu du ier s. a.C. et il n’existe aucune continuité avec la période romaine, ce qui limite fortement l’intérêt de ces régions pour notre étude.
7Le territoire étudié recouvre donc la Gaule Belgique, dans son extension augustéenne, élargie à la partie orientale de la Gaule Lyonnaise, en englobant les cités qui bordent la Gaule Belgique au sud (fig. 1). En sus de toutes les cités de Gaule Belgique, le dépouillement a donc porté aussi sur les cités de Gaule Lyonnaise suivantes (du sud-est au nord-ouest) : Ségusiaves ; Éduens ; Sénons ; Tricasses ; Parisii ; Meldes ; Véliocasses ; Calètes.
8La zone d’étude telle que nous venons de la définir nous semblait offrir une cohérence satisfaisante, en intégrant les régions situées sur les grands axes fluviaux du nord et de l’est : Rhône/Sâone, Rhin et affluents, Seine. Elle couvre la Gaule Belgique dans ses diverses acceptions, à la fois le sens “ethnique” trouvé chez César et le sens “administratif” postérieur à la réforme augustéenne. Choisir une zone à cheval sur plusieurs entités administratives permettait en outre de voir si les limites de provinces jouaient un rôle dans les questions monétaires.
9Sur le plan de la numismatique gauloise, le territoire étudié correspond à plusieurs ensembles : la Gaule Belgique (au sens césarien), avec divers sous-ensembles ; la zone du potin au sanglier, qui correspond grossièrement au nord-est de la France actuelle ; les territoires sénons et tricasses ; et la zone du potin à la grosse tête, qui couvre le Centre-Est et la Suisse. La numismatique des Bituriges Cubes, des Carnutes et du Centre-Ouest diffère également, dans les types, de la numismatique de notre zone, ce qui nous a conforté dans notre choix de ne pas inclure ces territoires. De même, le territoire ségusiave, s’il est riche en potins à la grosse tête, est déjà tourné à la fois vers l’Auvergne et vers la vallée du Rhône, qui constituent des ensembles différents. Nous l’avons néanmoins inclus, afin de prendre en compte les découvertes de Lyon et de les replacer dans leur contexte régional. En effet, cette colonie fondée en 43 a.C. offre des niveaux précieux pour les décennies 40 et 30 a.C., souvent mal caractérisées ailleurs, et il nous semblait important de les inclure8.
De la protohistoire au début de l’époque impériale
10Du point de vue chronologique, il semblait logique de commencer l’étude dès l’apparition des premières pièces gauloises au début du iiie s. a.C. Cependant, les contextes archéologiques ayant livré ces monnaies précoces sont rares et leur chronologie reste imprécise (de manière générale, les chronologies du Second âge du Fer sont encore fluctuantes avant La Tène D19). Même si les recherches récentes en livrent régulièrement, ils restent toutefois trop épars pour permettre une exploitation systématique selon la méthode que nous avons choisie (présentée plus loin). Ceci n’était possible qu’à partir de 150 a.C. Cette date s’est également imposée comme un terminus post quem pertinent pour deux raisons principales. Tout d’abord, les premières traces numismatiques de l’influence romaine en Gaule datent des environs de 150 a.C., avec l’adoption dans le Centre-Est d’une iconographie et d’un étalon monétaire romain10. Ensuite, cette même date marque, pour les protohistoriens, le début de La Tène D1, c’est-à-dire d’une étape assez bien individualisée dans les faciès mobiliers du Second âge du Fer. Choisir 150 a.C. comme point de départ de notre étude permettait donc de s’inscrire harmonieusement dans les périodisations existantes. Les frappes monétaires antérieures à cette date seront donc traitées dans un second temps seulement, selon une méthodologie différente (voir infra).
11Le choix du terminus ante quem s’est fait en deux étapes. Parce que nous fondons notre étude sur les monnaies, il est plus fécond de se concentrer sur la transition de la protohistoire à l’époque romaine. En effet, les changements dans la circulation sont visibles matériellement : on passe d’un stock monétaire constitué uniquement de monnaies gauloises à un stock constitué intégralement de monnaies romaines. À partir du moment où les monnaies gauloises ont disparu de la circulation, il devient plus difficile de suivre des évolutions. Nous avions initialement prévu de pousser l’étude jusqu’à la fin du ier s. p.C., plus précisément jusqu’aux environs de 70. En effet, on trouve souvent, dans la bibliographie, l’idée que les monnaies gauloises n’ont cessé de circuler qu’à cette date. Mais la collecte et l’analyse des données ont montré qu’en réalité, il fallait remonter cette date de plusieurs décennies, dans le courant du deuxième quart du ier s. Nous avons donc décidé de choisir la date de 50 p.C., afin de pouvoir traiter en détail du problème des “imitations claudiennes”, dont on a parfois dit qu’elles constituaient les dernières monnaies gauloises11.
Les monnaies comme objets archéologiques
La primauté du contexte archéologique
12Il est évident que nous ne sommes pas le premier à vouloir aborder la “romanisation” à travers les monnaies. Si la documentation numismatique est peu utilisée dans les travaux généraux, les numismates n’ont pas manqué de s’emparer du problème pour livrer des contributions importantes au débat12. Certaines intègrent les derniers apports de la recherche archéologique pour proposer une périodisation plus fine des évolutions13. Mais il s’agit souvent d’études très circonscrites géographiquement, car fondées sur une analyse globale du mobilier archéologique pour une région ou un site donné, dans laquelle les monnaies n’occupent qu’une partie14. La mise en perspective archéologique des monnaies est une des principales voies du récent renouveau des études numismatiques, avec l’intégration de problématiques venues de l’anthropologie15. Par nécessité, les protohistoriens travaillant sur les monnaies celtiques ont souvent été pionniers dans le domaine de la stratigraphie16 et pour le monde romain, ces approches commencent seulement à se répandre17. Notre travail s’inscrit pleinement dans cette tendance actuelle de la recherche, dont il nous semble clair qu’elle est amenée à se généraliser.
13Nous insistons en particulier sur la nécessité absolue de contextualiser les découvertes monétaires d’un point de vue archéologique. Sur ce point, il nous semble important d’aller plus loin qu’on ne l’a fait. Jusqu’à présent, la plupart des études associant archéologie et numismatique ont adopté une définition assez large du contexte archéologique : ce dernier existe à partir du moment où la découverte est localisée et que d’autres éléments archéologiques permettent de caractériser le type et la chronologie de l’occupation, même de façon lâche18. C’est vrai mais ce n’est pas suffisant. Trop d’incertitudes pèsent encore, sinon sur la chronologie fine des mobiliers, du moins sur la chronologie de leur utilisation19. Cela est particulièrement frappant pour les monnaies gauloises : malgré les progrès décisifs réalisés depuis quelques années, il reste beaucoup d’inconnues, en particulier sur les datations de différents types20. Pour ce travail, nous avons donc choisi d’utiliser une définition très restrictive du contexte archéologique. Une monnaie n’a été considérée en contexte que si elle a été retrouvée stratifiée lors d’une fouille archéologique suffisamment documentée. Même s’il existe une part de subjectivité dans cette définition, la plupart des fouilles anciennes se retrouvent exclues de facto, sauf si elles ont concerné des sites dont l’occupation fut brève et bien caractérisée (principalement des camps militaires). Par ailleurs, pour être prise en compte, il était nécessaire que le contexte stratigraphique de provenance de la monnaie fût daté de manière indépendante de tout mobilier numismatique : céramique, mobilier métallique, stratigraphie, parfois dendrochronologie. Les monnaies d’un contexte ont servi, au mieux, à préciser le terminus post quem, mais elles ne constituent jamais, dans notre travail, l’unique mobilier datant. Enfin, nous n’avons pas pris en compte certains contextes lorsque les identifications étaient trop imprécises, la distinction entre monnaies gauloises et monnaies romaines constituant le seuil minimum. Les trois conditions pour qu’une monnaie fût enregistrée ont donc été : une localisation précise ; une datation précise du contexte stratigraphique ; une identification suffisante.
14Comme le notait C. Haselgrove, il est matériellement impossible à une personne seule de rassembler l’ensemble des données actuellement à disposition, même en écartant celles pour lesquelles le contexte est complètement inconnu21. Adopter une définition restrictive du contexte archéologique permet d’apporter une première réponse à ce problème pratique. Mais le développement de l’archéologie préventive livre des trouvailles toujours plus abondantes. Il était nécessaire de restreindre encore le corpus. Nous avons donc fait le choix de ne prendre en compte que les données publiées, en excluant la “littérature grise”. En effet, le dépouillement exhaustif des rapports d’opération d’archéologie préventive n’a de sens que s’il couvre tout le territoire étudié. Or notre zone d’étude embrasse, partiellement ou totalement, six pays : la France, la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg. La consultation des rapports pour la France seule supposerait des séjours dans les Services Régionaux d’Archéologie de dix régions différentes. La centralisation des rapports n’existant pas forcément, du moins à un tel degré, dans les autres pays, il faudrait se rendre auprès de tous les services compétents à l’étranger – à supposer qu’on en ait l’autorisation. Un tel dépouillement n’était pas envisageable. On peut d’ailleurs se demander s’il serait utile : il n’est pas certain du tout que le gain d’information, par rapport à l’énorme investissement de temps que représenterait un dépouillement “exhaustif”, soit très grand. A posteriori, le dépouillement a montré que les données publiées sont très abondantes mais également très dispersées, ce qui en réduit la visibilité et explique l’utilisation constante, dans la bibliographie, des mêmes références. Pour autant, il aurait été malvenu de se priver d’un certain nombre de sites fouillés récemment, et susceptibles de livrer des informations de qualité22. Grâce à l’accord des responsables d’opérations, il a été possible de prendre en compte ces données. Quant à la “littérature grise” et aux travaux universitaires, ils n’ont été intégrés que s’ils étaient d’accès aisé ou s’ils concernaient des sites importants pour notre étude. Deux opérateurs d’archéologie préventive proposent une partie de leurs rapports en ligne ; ils ont naturellement été dépouillés23. Les données sont essentiellement bibliographiques ; nous n’avons travaillé directement sur les monnaies que dans un nombre de cas limité24.
15Contrairement à la plupart des travaux de numismatique, nous ne prétendons donc pas offrir un corpus exhaustif des découvertes monétaires sur une zone donnée, ni même un corpus exhaustif des contextes, bien que nous pensions avoir rassemblé l’essentiel de la documentation publiée. À première vue, cette stratégie peut paraître contre-intuitive, voire contre-productive. Il est certain que certaines analyses auraient gagné à s’appuyer sur des cartes de répartition exhaustive. La thèse de doctorat d’I. Leins sur les monnayages préromains de Bretagne insulaire montre, s’il en était besoin, la fécondité d’une telle démarche25. Mais il pouvait s’appuyer sur les bases de données existantes du Celtic Coin Index et du Portable Antiquities Scheme. Un tel instrument n’existe pas pour la France, même si les bases de données en cours de développement par l’UMR 8546 AOROC viendront combler ce manque pour la protohistoire. Des corpora “exhaustifs” peuvent exister dans les autres pays couverts par notre recherche (Allemagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse) mais ils ne sont pas toujours accessibles ou à jour26. Tenter de rassembler une telle documentation ne nous semblait ni réalisable, ni prioritaire sur le plan scientifique. En effet, l’exploitation des données non stratifiées passe obligatoirement par une étude poussée des données possédant un contexte précis. L’état de la recherche archéologique rend cette étude possible et nous avons choisi d’y consacrer l’essentiel de nos efforts.
16Cela ne signifie pas que nous n’aurons pas recours à des données au contexte moins précis. Ces dernières seront convoquées en fonction de leur disponibilité et de leur utilité pour notre problématique. Ce sera notamment le cas des dépôts monétaires ou “trésors”. Il est toutefois difficile de se reposer sur leur seule étude. En effet, il est presque impossible de proposer avec certitude une date de fermeture pour les trésors constitués uniquement de monnaies gauloises ; beaucoup de séries sont datées imprécisément. Surtout, il faudrait, pour proposer une datation, disposer de références typologiques précises, car la frappe de certaines séries s’étend sur plusieurs décennies. Or la plupart des découvertes sont anciennes et mal documentées, ce qui rend l’opération impossible. Par ailleurs, les trésors de monnaies romaines sont relativement peu nombreux, et les trésors mixtes de monnaies gauloises et romaines, les plus intéressants dans notre optique, quasiment inexistants dans la zone étudiée.
Une base de données relationnelle
17Afin d’en faciliter le traitement, les données ont été enregistrées dans une base de données relationnelle (la “Base Contextes”), réalisée sous FileMaker Pro® 9, qui s’est inspirée à la fois de notre base personnelle, utilisée pour des travaux antérieurs, de celle utilisée sur le chantier de fouille d’Oedenburg27 depuis 1998, ainsi que la base développée par K. Gruel, C. Haselgrove et D. Wigg-Wolf pour les monnaies celtiques au début des années 200028. Le but de la “Base Contextes” était de pouvoir enregistrer le plus d’informations à la fois sur chaque pièce et sur chaque contexte de découverte, tout en codant suffisamment les variables pour permettre une exploitation aisée. Les dépôts ont été enregistrés dans une base séparée, la “Base Dépôts”. Cette dernière recense l’ensemble des dépôts, avec ou sans contextes, pouvant être datés entre le milieu du iie s. a.C. et le milieu du ier s. p.C., en se fondant principalement sur la composition interne de chaque dépôt. Elle est, dans ces grandes lignes, structurée comme la “Base Contextes”. On trouvera, en ouverture du volume de catalogue, une présentation plus détaillée du fonctionnement des deux bases29. La souplesse du logiciel employé, qui permet notamment d’afficher simultanément les rubriques de plusieurs tables, a facilité l’exportation des données. Ces dernières ont été traitées et préparées dans le logiciel Microsoft Excel® (version 2003), notamment par le biais de tableaux croisés dynamiques.
18Dans les bases de données, chaque site, chaque ensemble et chaque dépôt se sont vus assigner un identifiant. Il s’agit, pour les dépôts, d’un code à trois lettres, suivi d’un numéro d’ordre si plusieurs dépôts proviennent du même endroit (par ex., HAL-01, -02 et -03 pour les trois dépôts de Haltern). Les sites ont été répartis par grands ensembles provinciaux et sont ensuite classés par ordre alphabétique (le nom usuel du site ne correspond pas nécessairement au nom de la commune) : par ex., B-001 correspond à Acy-Romance, premier gisement, par ordre alphabétique, situé en Gaule Belgique ; L-007 correspond à Bibracte, septième gisement situé en Gaule Lyonnaise. L’identifiant de chaque ensemble correspond à l’identifiant du site, suivi d’un numéro d’ordre : par ex., les contextes de Bibracte sont numérotés de L-007-01 à L-007-58. Lorsque que nous ferons référence à un site, un contexte ou un dépôt enregistrés dans la base de données, nous citerons son identifiant, qui correspond à son numéro d’ordre dans le catalogue correspondant30. Afin de faciliter les correspondances et pour ne pas surcharger les illustrations, les mêmes identifiants ont également été utilisés pour légender les figures.
Analyses quantitatives et qualitatives
19Les données sont nombreuses et leur enregistrement a été mené selon une méthode unique. Elles se prêtent donc bien à des analyses systématiques, notamment quantitatives. Sur ce point, nous avons privilégié les outils simples. Les données sont certes nombreuses mais pas nécessairement homogènes. Pour cette raison, nous n’avons pas fait usage des tests statistiques et nous nous en sommes tenu à la statistique descriptive, qui consiste à résumer l’information selon différentes mesures (pourcentages, moyenne, médiane, etc.). Selon une tradition bien établie dans la recherche archéologique, nous avons comparé différents individus (par ex. des sites ou des ensembles), des proportions entre un ensemble de variables (par ex. différents types monétaires), à l’aide d’une représentation graphique de type courbe ou diagramme. Nous avons parfois fait appel à des analyses multivariées (dans notre cas, l’analyse factorielle des correspondances). Il faut rappeler que ces analyses s’inscrivent aussi dans le cadre de la statistique descriptive : elles ont pour but de faciliter l’interprétation d’un tableau de données trop important pour être manipulable manuellement et pour être représenté dans un graphique à deux dimensions. En aucun cas, elles n’altèrent les données, ni n’introduisent de nouvelles variables.
20Il a été décidé d’utiliser abondamment l’outil de la cartographie statistique, dont l’intérêt pour l’archéologie n’a plus à être démontré31. Dans les pages qui suivent, les cartes seront bien plus que de simples illustrations : elles sont, dans une large mesure, le support principal de notre argumentation. Chacune d’entre elles se veut une “démonstration visuelle”, qui sera explicitée dans le texte. Une carte n’est jamais neutre et c’est pourquoi il nous faut expliquer brièvement comment nous avons conçu les nôtres32.
21L’usage des cartes s’est imposé au vu de notre volonté de présenter une vision synthétique de la situation, plutôt que de juxtaposer des études de cas. Nous voulions des cartes qui permettent de visualiser trois types de données : le temps, l’espace et des données numismatiques, qui varient selon les cartes. Nous avions choisi de traiter uniquement les données stratifiées pour régler le problème du temps : les différentes cartes suivent donc les différentes étapes archéologiques définies plus loin et dessinent des évolutions par périodes de 20 à 30 ans. L’étude de la répartition spatiale devait prendre en compte la répartition hétérogène des données, qui peut changer selon les époques (voir infra). Pour cette raison, nous avons exclu les cartes choroplèthes ou “en surfaces de tendances”, pour privilégier les cartes ponctuelles, qui font apparaître clairement la discontinuité spatiale de notre dépouillement33. Pour la représentation des données numismatiques, nous avions une double exigence. D’une part, nous voulions étudier des proportions plutôt que des nombres absolus, toujours dans l’optique de dégager des tendances générales. D’autre part, il n’était pas question de gommer les différences entre les contextes dépouillés, dont la richesse en monnaies est très variable (que cela reflète une réalité antique ou une réalité moderne). Les cartes “en cercles proportionnels” et surtout “en diagrammes à secteurs” remplissent parfaitement ces deux conditions34. En effet, les symboles circulaires sont proportionnels au nombre d’individus pris en compte, donnant une idée du corpus utilisé, mais l’usage de secteurs permet également de représenter des proportions (pour des ex. de telles cartes, voir par ex. les fig. 4 à 6).
22Tous les contextes enregistrés dans la “Base Contextes” n’ont pas été employés pour la cartographie. Ceux classés comme “peu fiables”, ainsi que ceux dont la chronologie était trop lâche (un écart entre le terminus post quem et le terminus ante quem supérieur à 50 ans), ont été omis, même s’ils peuvent être utilisés dans le texte. Afin de faciliter la lecture, les données représentées sur le fond de carte ont été réduites au strict nécessaire. Ainsi, les montagnes n’ont pas été figurées, car elles sont largement absentes de la zone d’étude, contrairement aux fleuves et rivières principales, qui la structurent fortement. Les cartes ont été réalisées avec le logiciel Philcarto, créé à cet effet par P. Waniez et disponible gratuitement sur Internet35, avant d’être retravaillées sous Adobe Illustrator ®.
23Il faut dire un mot de la représentativité des données. Il est de bon ton, dans toutes les études, de se demander si le corpus est représentatif, et d’y répondre de manière affirmative, en argumentant que malgré leur caractère lacunaire, inhérent à toute documentation archéologique, les données sont suffisamment nombreuses pour être représentatives. Il s’agit d’une fausse démonstration. La taille de l’échantillon est totalement indépendante de sa représentativité36. En statistique, “un échantillon est dit représentatif s’il possède la même “structure” que la population de référence. Cela signifie que les différents sous-groupes qui composent cet échantillon doivent représenter une part identique à la part qu’ils représentent dans la population […]37.” Contrôler la représentativité d’un échantillon nécessite donc de connaître la population dont il est extrait. Comme de nombreuses autres disciplines, l’archéologie opère la démarche inverse. Elle part des données dont elle dispose pour estimer la population de départ et en tirer des conclusions scientifiques. Il est pratiquement impossible, sauf cas exceptionnel, de déterminer si les échantillons sur lesquels elle s’appuie sont représentatifs, au sens statistique du terme. Mais comme le souligne le sociologue O. Martin, ceci ne rend pas pour autant la recherche caduque38.
24La question de la représentativité dans notre discipline nous semble un faux problème, et l’emploi du terme ne sert qu’à donner, de façon consciente ou pas, un vernis de scientificité à la démarche, qui n’en a nullement besoin. L’important est de construire son corpus de données afin de résoudre au mieux les problèmes posés et d’expliciter autant que possible les critères retenus. Nous avons tenté de le faire plus haut. En archéologie, la population n’étant saisie qu’à travers le “prisme” de l’échantillon, il est important que les données prises en compte couvrent le plus de situations possible, afin d’avoir la vision la plus complète possible du passé. Au vu des critères que nous nous sommes fixé et des réserves exprimées plus loin sur le résultat du dépouillement, il nous semble que notre corpus répond à ces exigences et devrait permettre d’arriver à une approximation satisfaisante de la réalité antique.
25Notre but est d’arriver à une vision synthétique de processus historiques. Pour ce faire, des analyses qualitatives sont absolument nécessaires et nous les conduirons en nous appuyant sur les différentes données disponibles, textuelles, archéologiques ou numismatiques. Les analyses quantitatives longuement décrites dans les lignes qui précèdent ne sont pas une fin en soi, pas plus qu’elles ne sont nouvelles. Mais elles ont été rarement appliquées, sous cette forme, au mobilier numismatique. L’exploration des données par le biais de quantification et de représentation cartographique était une étape nécessaire pour pouvoir bâtir un récit historique sur des bases solides et pour pouvoir envisager les monnaies avec un regard neuf. Elle n’implique pas le renoncement à des méthodes d’analyses plus habituelles, comme on pourra le voir dans les chapitres qui suivent.
Les bases matérielles de l’étude
26Avant de nous concentrer sur l’analyse proprement dite, il nous reste à présenter les données sur lesquelles se fonde ce travail. Comme nous l’avons écrit plus haut, nous voulons suivre des évolutions dans le temps, du iiie s. a.C. au ier s. p.C., en nous appuyant sur des chronologies archéologiques. Nous commencerons donc par préciser quelles ont été nos choix en matière de périodisation, pour l’époque laténienne et pour l’époque romaine. Suivra une présentation générale des données ; nous essayerons de préciser les problèmes rencontrés lors du dépouillement et les éventuels biais qui en résultent. Nous conclurons cette introduction en présentant et en justifiant le plan adopté pour cette étude.
Questions de périodisation
27Pour dégager des évolutions significatives, il est nécessaire d’étudier les contextes dans leur succession chronologique. À cet effet, nous avons décidé, de façon classique, de les regrouper selon différentes périodes chronologiques, afin d’avoir à disposition, pour chaque étape, un corpus suffisant qui permette de mener une étude comparative, de dégager éventuellement différents groupes et de voir leur évolution dans le temps. Mener l’analyse de cette façon conduit nécessairement à écarter, au moins temporairement, certains contextes à cheval sur deux périodes, voire plus. Mais il nous semblait difficile de faire autrement, car les chronologies des mobiliers ne sont pas suffisamment fines pour mener une étude selon des périodes plus courtes Par ailleurs, il n’est pas certain qu’un découpage si précis soit toujours pertinent ; il y a fort à parier qu’il conduirait à un émiettement de l’information, et à une survalorisation d’épiphénomènes, au détriment des tendances longues.
28Il existe déjà de nombreuses périodisations, à la fois pour l’âge du Fer et pour le début de l’époque romaine (fig. 2). Il n’était pas question d’en ajouter une nouvelle. Mais comme nous nous appuyons exclusivement sur des contextes archéologiques, et sur les datations proposées dans les publications (parfois ajustées par nos soins), il était nécessaire de rappeler les principales périodisations en vigueur dans la zone étudiée et d’en tenter une synthèse, afin de permettre l’insertion de nos résultats dans un référentiel global et leur comparaison avec d’autres études et d’autres types de mobiliers. À cet effet, nous avons essayé de voir à quoi correspondaient dans les divers systèmes les différences de datation que l’on note souvent entre périodes équivalentes, en nous assurant notamment des contextes sur lesquels reposaient ces chronologies. Le rôle des monnaies dans l’établissement des datations a bien sûr été pris en compte, afin d’éviter les raisonnements circulaires. On peut dire tout de suite qu’il ne semble pas primordial, ni dans les datations des contextes39, ni dans la chronologie des différentes classes de mobilier, en particulier des importations italiques qui permettent le plus souvent la datation du mobilier indigène40.
29Même si ce travail a été fait par d’autres et continue à être actualisé constamment au fil des découvertes, il nous a paru important de rappeler rapidement les bases sur lesquelles s’appuient les datations utilisées, qui sont en même temps les critères que nous avons utilisés occasionnellement pour corriger des datations qui nous semblaient fautives (principalement dans les publications anciennes de contextes laténiens).
L’époque laténienne
30En l’absence de sources écrites sur lesquelles s’appuyer, la chronologie de l’âge du Fer a été conçue de manière “préhistorique”. Ainsi, les chercheurs ont d’abord ordonné les gisements de manière relative, en se basant sur des critères de présence/absence et de proportions de certains objets. Les différents sites, ou phases d’un site, étaient donc ordonnés en groupes, chacun étant caractérisé par un faciès de mobilier particulier. Ce n’est qu’une fois cette étape réalisée que l’on cherchait à dater chacune des périodes. Pour la fin de l’âge du Fer, les points fixes permettant la datation étaient fort peu nombreux : principalement, la conquête de la Gaule Transalpine vers 121 a.C., et la guerre des Gaules, en particulier le site d’Alésia dont on connaissait le mobilier grâce aux fouilles du Second Empire. Avec l’arrivée de la dendrochronologie, les datations ont pu être dilatées de plusieurs décennies et l’on peut considérer que pour la fin du iie et le ier s. a.C. au moins, la chronologie ne devrait pas connaître à nouveau de tels bouleversements41.
31Tous les chercheurs européens ont à présent adopté pour le Second âge du Fer le système de P. Reinecke, subdivisant les derniers siècles avant notre ère en La Tène A, B, C et D. C’est principalement La Tène D qui nous concerne ici. Actuellement, cette période est divisée en quatre étapes, La Tène D1a, D1b, D2a et D2b. Chacune de ses divisions est caractérisée par un faciès mobilier qui lui est propre. Si cette terminologie est commune à tout le monde, ainsi (mais pas toujours) que le faciès mobilier associé à chaque période, il n’en va pas de même quand il s’agit de traduire cette chronologie relative en dates. En effet, toutes les régions et tous les sites ne présentent pas un développement synchrone. Le principal problème concerne la concordance entre la périodisation de la Gaule et celle du sud de l’Allemagne, mais cette zone ne rentre pas dans le cadre de ce travail. Dans la zone prise en considération ici, les distorsions sont moins importantes, mais peuvent aller jusqu’à une décennie, ce qui n’est pas négligeable lorsqu’il s’agit de faire une étude comparative.
32La situation présentée par A. Colin dans sa thèse42 est encore largement valide, bien qu’il faille la compléter et l’affiner. La comparaison des différentes chronologies régionales43 montre souvent une concordance forte entre les différents systèmes. La fin de La Tène D2b est située presque unanimement vers 30 a.C. : ce terminus ante quem est donné par les premières importations de sigillée italique. Les divergences observées sont de façon évidente dues à des variations régionales, mais il nous est difficile d’évaluer quelle est la part de réalité historique (les rythmes étant différents dans chaque région) et quel est l’impact de la recherche actuelle et de la documentation disponible (toutes les périodes chronologiques n’étant pas également représentées pour chaque région). Un autre facteur à prendre en compte est la zone géographique du système concerné : cela va d’un seul site (Bâle, Bibracte), voire de plusieurs secteurs d’un même site (Acy-Romance) à l’équivalent de deux régions française (Bourgogne/Franche-Comté, Trévires) en passant par l’échelle du département (vallée de l’Aisne). Les périodisations de site ont tendance à être plus fines que celles de territoires plus vastes (qu’on compare par ex. Acy-Romance avec la vallée de l’Aisne, et Bibracte avec la Bourgogne/Franche-Comté).
33La périodisation que nous devons adopter a vocation à s’appliquer le plus largement possible et il est donc naturel d’adopter le “carcan de la périodisation classique de la fin de l’âge du Fer”, soit “la périodisation de la fin de La Tène, cadre commode et incontournable” selon les mots de P. Barral44. Les travaux récents semblent dégager de nouveaux faciès vers le milieu du iie s. a.C. (transition La Tène C2/D1a, parfois appelé La Tène C2b) et au début du ier s. (transition La Tène D1b/D2a, parfois appelé La Tène D1b récent). Néanmoins, afin de ne pas multiplier les périodes, nous nous en tiendrons aux quatre divisions canoniques de La Tène D45. On trouvera les principales caractéristiques de chacun des faciès dans la liste suivante46. Ce sont ces critères qui nous ont guidé lorsque nous nous sommes risqué à rectifier des datations obsolètes :
La Tène D1a : amphores gréco-italiques, présence de Dressel 1A, présence exclusive de campanienne A, domination des fibules de type “La Tène moyenne47”, apparition des fibules de Nauheim.
La Tène D1b : domination des amphores Dressel 1A, domination de la campanienne A, présence de campanienne B, domination des fibules de Nauheim.
La Tène D2a : apparition des amphores Dressel 1B, domination de la campanienne B et B-oïde.
La Tène D2b : apparition (rare) des amphores de Bétique et Tarraconaise, campanienne tardive et B-oïde, apparition des fibules de type Alésia.
34L’ancrage en chronologie absolue de ces périodes se fait principalement grâce aux amphores et à la céramique campanienne : les amphores gréco-italiques apparaissent un peu avant le milieu du iie s. a.C., suivies rapidement des Dressel 1A, dont l’apparition vers 150 a.C. marque le début de La Tène D1a. L’apparition des Dressel 1B vers 90 a.C. marque la fin de La Tène D1b. Les 60 ans que représente La Tène D1 sont divisés en deux moitiés à peu près égales (la transition se faisant vers 130/120), soit deux générations, en s’appuyant notamment sur les dates dendrochronologiques des années 120 a.C. (Genève, Mont-Vully, Fellbach, Besançon).
35La guerre des Gaules marque la transition entre La Tène D2a et D2b, qui est unanimement placée vers 60/50 a.C. Le mobilier du siège d’Alésia joue évidemment un rôle important, mais ce découpage est confirmé par les autres données disponibles, et par le mobilier dendrodaté du rempart 3 de Metz (55 a.C.). La Tène D2b est caractérisée notamment par la diversification des provenances d’amphores, avec les premières importations de la péninsule Ibérique, et l’apparition des fibules de type Alésia. La fin de La Tène D2b, comme nous l’avons rappelé plus haut, peut être fixée par l’arrivée des premières sigillées italiques. Nous avons retenu ici la date de 30 a.C., qui se fonde sur les datations dendrochronologiques du Petrisberg et du Titelberg. Dans de nombreuses régions, la sigillée arrive plus tardivement, tandis qu’elle pourrait être présente un peu plus tôt à Lyon. Mais il était nécessaire de faire un choix entre les différentes chronologies proposées et 30 a.C. nous a semblé un bon compromis au vu des périodisations régionales de référence pour La Tène finale.
L’époque romaine
36La périodisation de l’époque romaine, si elle est similaire dans sa présentation (des faciès de mobilier, caractérisant chacun une période, à laquelle on donne souvent le nom de l’empereur correspondant), repose en fait sur des bases différentes. À partir du principat d’Auguste, la chronologie des mobiliers est pour l’essentiel attachée à un type bien particulier de sites, presque tous situés sur les berges du Rhin, à savoir les camps militaires que Rome y implante pour la conquête de la Germanie. Il faut garder à l’esprit que ce sont ces sites, datés par les sources littéraires (et parfois par la dendrochronologie), qui datent le mobilier, et non l’inverse. La zone étudiée dans le cadre de ce travail étant proche du Rhin, le risque de distorsion chronologique dû à un éloignement géographique peut être écarté. Les principaux camps, en partant du plus ancien, sont48 :
le Petrisberg : 30/29 a.C.
Nimègue/Hunerberg et Dangstetten : 20/19 à 15/12 a.C.49
Oberaden : 11 à 8/7 a.C.
Haltern : 7/5 a.C. à 9 p.C.
Velsen 1 : 15 à 35/40 p.C.
Hofheim, Erdlager (camp de terre) : 30/40 à 70 p.C.
37Même s’il y a des décalages entre les repères que constituent ces sites et ce qu’on peut observer ailleurs, et malgré (mais aussi grâce à) leur spécificité, ces camps militaires à occupation courte permettent d’ancrer solidement la chronologie. Ainsi, le chantier de la place de la Libération à Troyes a montré que les datations en vigueur pour la céramique étaient correctes : en effet, elles s’accordent parfaitement avec les nombreuses datations dendrochronologiques qu’il a été possible d’effectuer50. Si les époques pré-augustéenne et augustéenne précoce sont moins bien connues par manque de repères, on peut considérer qu’à partir de l’époque augustéenne moyenne, les marqueurs sont fiables et la chronologie stable.
38Grâce à ces sites repères, datés dès le début du xxe s., la chronologie des mobiliers pour l’époque romaine a très peu évolué par rapport à la périodisation de La Tène ; on peut donc considérer que, même dans les publications déjà anciennes, les dates proposées pour les contextes romains sont fiables. Par ailleurs, il est difficile, et à notre avis illusoire, de vouloir s’affranchir de la référence aux camps rhénans pour construire une chronologie du début du Principat ; il s’agit pratiquement des seuls repères que nous possédons et nous sommes voués à nous y référer51.
39Comme nous l’avons fait pour l’époque laténienne, nous présentons les principaux marqueurs mobiliers pour les périodes que nous avons retenues52 :
Augustéen précoce : apparition des formes précoces de sigillée italique et des gobelets d’Aco, généralisation des amphores de Bétique et Tarraconaise.
Augustéen moyen : pour la sigillée italique, domination du service I de Haltern et apparition du service II ; apparition des fibules d’Aucissa, de Langton-Down et à queue de paon.
Augustéen tardif : domination du service II de Haltern53.
Tibérien : apparition de la sigillée sud-gauloise (plats Drag. 15/17, 17, 18 ; domination de la coupe Drag. 24/25 ; bol à décor moulé Drag. 29).
Claudien/néronien : disparition de la sigillée italique, domination de la sigillée sud-gauloise (mêmes plats qu’à la période précédente ; domination de la coupe Drag. 27), fibules “pseudo-La Tène moyenne”.
40Comme nous le rappelions plus haut, le camp du Petrisberg fournit une des attestations les plus précoces de sigillée italique. L’apparition de ce type de céramique marque le passage à l’augustéen précoce, dont le début peut par conséquent être placé aux alentours de 30 a.C.54 Le passage à l’augustéen moyen est daté vers 15 a.C. par le site de Dangstetten, légèrement antérieur à Oberaden ; “horizon d’Oberaden” peut être considéré comme un synonyme de “augustéen moyen”. La date de l’implantation du camp de Haltern, éponyme de l’horizon suivant ou “augustéen tardif”, fait débat, mais il faut probablement le placer peu de temps après l’abandon d’Oberaden en 8/7 a.C. À Haltern, la proportion entre les services I et II de sigillée italique est équilibrée, ce qui signifie que le service II, caractéristique de l’augustéen tardif, n’est pas dominant lors de la création du site. Pour cette raison, le passage de l’augustéen moyen à l’augustéen tardif peut être placé vers le changement d’ère. Le passage à l’époque tibérienne est marqué par l’apparition, plus ou moins massive selon les sites, des sigillées sud-gauloises. Les formes sont souvent proches des prototypes italiques et la sigillée arétine peut être présente dans des proportions importantes. Ce n’est que sous Claude/Néron qu’elle disparaît réellement.
41Dans la zone civile, la part de sigillée est plus faible et la vaisselle fine majoritairement composée de céramique dite “gallo-belge” pendant tout le ier s.55 Le travail de X. Deru56 fait désormais référence pour ce dernier type de céramique, et on s’y reportera pour trouver les formes propres à chacun des horizons définis.
Les données analysées
42Le dépouillement a été clos à la fin de l’année 2011. Le principal problème ne résidait pas dans l’absence de données utilisables, qui sont au contraire nombreuses, mais dans leur très grande dispersion. En effet, la désaffection pour les données numismatiques notée plus haut a conduit à un double phénomène. D’une part, les études numismatiques tendent à paraître de façon autonome. Les données sont donc souvent coupées de leur contexte archéologique potentiel, dont il arrive qu’il ne soit jamais publié. D’autre part, dans les publications archéologiques, l’attention portée aux monnaies est parfois très faible et elles sont mal contextualisées, souvent rejetées en annexe. L’absence de monnaies dans certaines publications paraît parfois suspecte, quand on voit les quantités de mobilier (y compris de petit mobilier métallique) mises au jour. Souvent, il nous a fallu réattribuer les monnaies à leur contexte, en usant en particulier des numéros d’inventaire. Il s’agit d’un travail long, aux résultats incertains, souvent compliqué par l’absence d’une liste des unités stratigraphiques dans les publications, qui oblige à un dépouillement minutieux du texte, des plans et des coupes. Mais les renseignements obtenus peuvent concerner des sites importants et se révéler précieux.
43Pour la “Base Dépôts”, nous avons retenu 205 dépôts, répartis sur 150 sites, pour un nombre de monnaies inconnu à cause de la part des découvertes anciennes, mais excédant les 11 000 pièces. La “Base Contextes” peut être résumée par les chiffres suivants :
165 sites ;
873 ensembles retenus pour le catalogue, dont 82 peu fiables, 734 fiables et 59 très fiables ;
480 types monétaires57, dont 304 pour les monnaies gauloises ;
environ 17 900 monnaies.
44Entre le début du ier s. a.C. et la fin du ier s. p.C., les données sont assez équilibrées : environ 2700 monnaies à La Tène D2, 7000 à l’époque augustéenne (mais près de la moitié proviennent de deux sites seulement), 1280 de Tibère à Claude. Les données pour la deuxième moitié du iie s. a.C. apparaissent plus minces : environ 600 monnaies pour La Tène D1.
45La carte des sites dépouillés fait apparaître des vides et des concentrations (fig. 3). On note principalement deux zones pauvres, voire dépourvues de sites : d’une part la Champagne-Ardennes, et dans une moindre mesure la Lorraine, d’autre part la Belgique actuelle, à laquelle on peut ajouter, au nord, les régions hollandaises et allemandes qui la bordent et, au sud, le Nord-Pas-de-Calais58. Dans l’est de la France actuelle, le déficit de sites reflète principalement l’état de la recherche et l’absence de publications récentes utilisables pour notre propos. Il ne s’agit en rien d’une zone désertée pendant l’Antiquité ou qui aurait ignoré l’usage de la monnaie. Rappelons par ailleurs que seuls les sites ayant livré des monnaies dans des contextes archéologiques sont cartographiés ici ; l’absence de points dans une zone donnée ne signifie pas l’absence de monnaies, mais l’absence de monnaies stratifiées disponibles pour étude.
46La rareté des sites dans la Belgique et la Hollande actuelles s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, dans les régions que borde la Manche, le sol ne se prête pas à une stratification importante. Les données livrées par les fouilles sont donc rarement utilisables pour une étude telle que la nôtre. D’autre part, l’usage de monnaies semble avoir été limité à l’époque gauloise et il n’est pas impossible que les premières frappes aient été tardives59. C’est également dans cette zone que furent implantés des peuples d’origine germanique, qui ne faisaient pas usage de monnaie frappée. Quant aux quelques sites placés au milieu de cette zone par ailleurs vide, ils sont sur la voie Bavay/Cologne. Ce n’est évidemment pas un hasard et l’on peut supposer un certain dynamisme de l’occupation autour de cet axe routier majeur. Par ailleurs, il est probable que la recherche se soit concentrée sur ces sites, qui sont (pour l’époque romaine) les plus précoces de la région. Ainsi, la rareté des sites pour cette zone nous semble être due à la fois à l’état de la recherche (ou du moins des publications) et à une situation historique particulière, marquée par une moindre utilisation des monnaies pour la période étudiée.
47Les concentrations, pour leur part, s’expliquent généralement par un dynamisme particulier dans la recherche et dans les publications d’une zone. Ainsi, la vallée de l’Aisne, qui a fait l’objet de nombreux programmes de la part des protohistoriens ; le Grand Duché de Luxembourg, où le Musée National d’Histoire et d’Archéologie est très actif ; la Suisse, en particulier le nord, où plusieurs collections publient de façon régulière des monographies exemplaires.
48De façon quasi-systématique, on trouve une “diagonale du vide” allant du Haut-Rhin à l’Yonne, qui isole le Centre-Est au sud, de la Belgica césarienne. Dans la partie nord de la zone d’étude, les données sont concentrées principalement sur une bande allant de l’embouchure de la Seine au Luxembourg, correspondant grosso modo à la Gaule Belgique occidentale. S’y ajoute à partir de l’époque augustéenne la zone rhénane (principalement Rhin inférieur et moyen). Sur le plan de la numismatique, ces trois zones correspondent à trois ensembles différents : le Centre-Est équivaut largement à la “zone du denier”, et l’usage du potin à la grosse tête y est une constante ; la Belgique occidentale correspond sans surprise à l’ensemble belge, bien caractérisé du point de vue iconographique ; quant au Rhin moyen et inférieur, il s’agit de régions où l’usage des monnaies est restreint, voire inexistant, au ier s. a.C., et où la présence romaine entraîne de ce point de vue un changement profond. Ceci ne doit pas faire oublier pour autant les différences qui existent à l’intérieur de ces trois ensembles. Mais il faudra être attentif, lors de l’interprétation, à ne pas généraliser à une zone des conclusions qui ne s’y appliqueraient pas. De même, il faudra se garder de vouloir à tout prix éclairer ces zones d’ombres que sont le littoral de la Manche et de la mer du Nord, et la Gaule Belgique orientale, car les dynamiques à l’œuvre n’y sont pas forcément similaires.
49Les vides observés sur la carte traduisent d’abord l’absence de découvertes stratifiées. Il est certain qu’il aurait été intéressant pour notre étude de répertorier les zones riches en monnaies et celles où les découvertes sont moins nombreuses. Pour des raisons pratiques, nous ne l’avons pas fait. D’une part, ceci suppose une recension exhaustive de toutes les découvertes monétaires, dont nous avons expliqué plus haut qu’elle était impossible dans le cadre de ce travail. D’autre part, nous ne pouvions envisager de faire un corpus des contextes n’ayant pas livré de monnaies, pour deux raisons principales. On comprendra aisément, au vu de la taille du corpus actuel, qu’un dépouillement suivi de l’enregistrement des ensembles sans monnaie (qui suppose, pour pouvoir effectuer des comparaisons, d’enregistrer les ensembles de façon aussi détaillée que s’il y avait des découvertes monétaires) aurait été démesurément long. La masse de données en aurait également été accrue. De plus, l’interprétation de telles données serait compliquée à l’échelle de la zone étudiée : comment distinguer les “vrais” vides de ceux dus à l’état de la recherche ? Par conséquent, nous avons fait le choix de nous concentrer uniquement sur les ensembles ayant livré des monnaies, avec les conséquences que cela implique au niveau de l’interprétation. Une étude cherchant à établir quels secteurs livrent des monnaies et lesquels n’en livrent pas, et pourquoi, doit être remise à plus tard. Mais il serait imprudent, selon nous, de la mener sur un territoire vaste ; une recherche plus spécialisée, soit sur un site fouillé extensivement (par ex. Bibracte ou Augst), soit sur une catégorie de sites (par ex. les établissements ruraux), nous semble plus appropriée. Ce n’est qu’après avoir mené plusieurs études de ce genre, et en en croisant les résultats, qu’une synthèse pourra être tentée.
50Tous les ensembles enregistrés dans la “Base Contextes” ne sont pas exploitables de la même façon. Certains sont datés de manière beaucoup plus lâche (plus d’un siècle parfois), mais restent intéressants (par ex. par l’absence de monnaies romaines). Pour d’autres, la fiabilité ne nous semble pas totale (par ex. à cause d’intrusions non relevées dans les publications, ou à cause de l’ancienneté de l’étude), mais les contextes restent représentatifs d’une tendance et peuvent être utiles à la discussion. Les contextes dont la datation s’étale sur plus de 50 ans ne seront pas pris en compte de manière systématique dans l’analyse et dans la cartographie, quel que soit le degré de fiabilité. Ils seront convoqués au cas par cas, selon les éclairages qu’ils permettent d’apporter. Il en sera de même pour les contextes peu fiables, qui concernent parfois un nombre significatif de monnaies.
Une démarche inductive
51L’ordre de lecture des chapitres qui suivent a été, pour nous, l’ordre d’écriture. Chaque chapitre se nourrit du ou des chapitres précédents. L’analyse des données n’a pas été dissociée de la rédaction, et nos idées se sont formées “en cours de route”. Il aurait été artificiel et, dans une certaine mesure, malhonnête intellectuellement, de réorganiser notre travail, afin de présenter nos conclusions en ouverture, comme s’il s’agissait d’hypothèses de travail. Dans l’analyse, nous avons adopté une démarche résolument inductive et il fallait qu’elle apparaisse clairement dans la rédaction : dans un premier temps, l’analyse des données ; dans un second temps, l’inscription dans un cadre théorique, dans un modèle, dont l’analyse aura délimité les contours. En cela, nous suivons volontiers J. Andreau, lorsqu’il juge la démarche inductive plus conforme “à la bonne méthode scientifique60”.
52C’est pourquoi on ne trouvera pas, dans cette introduction, de prise de position dans le débat sur la “romanisation”. Le lecteur aura également remarqué que jusqu’ici, contrairement à ce que le titre de l’ouvrage laisse attendre, qu’il n’a été guère été question des décennies antérieures au milieu du iie s. a.C. Nous avons réservé ces développements pour le chap. 5, qui tente d’ordonner les différentes analyses menées aux chap. 1 à 4. Ce choix tient d’abord aux données disponibles. Comme nous l’avons indiqué, les monnaies gauloises stratifiées sont peu abondantes avant le milieu du iie s. a.C. Les monnaies frappées avant cette date, souvent en or, sont généralement des découvertes anciennes pour lesquelles le contexte archéologique est pauvre, voire inexistant61. De nombreuses incertitudes pèsent donc sur leur chronologie et leur fonction. Il nous semble impossible de bâtir nos analyses sur des fondations aussi branlantes. Dans ce cas, il nous paraît plus fructueux de mener une analyse “régressive”. En caractérisant précisément le développement du numéraire aux iie et ier s., il est possible de mieux interpréter les données mal contextualisées du iiie s. a.C. Au vu des évolutions plus tardives, il est possible de privilégier telle piste et d’en exclure telle autre lorsqu’on étudie les premières phases du monnayage gaulois62.
53Les chap. 1 à 4 présentent et analysent les données dans l’ordre chronologique, de 150 a.C. à 50 p.C. Sur ces deux siècles, nous avons dégagé quatre grandes périodes à partir de l’analyse du mobilier numismatique : du milieu du iie au milieu du ier s. a.C. (chap. 1), la guerre des Gaules et les décennies qui la suivent (chap. 2), l’époque augustéenne (chap. 3) et l’époque tibéro-claudienne (chap. 4). Comme nous l’écrivions ci-dessus, chaque chapitre s’appuie sur ce qui précède. Nous avons néanmoins essayé de leur donner une forme “monographique”, en cherchant à dégager ce qui les caractérise, sur le plan de la circulation et de l’usage de la monnaie, mais également au niveau des processus de “romanisation”. Les mêmes thèmes sont abordés dans les différents chapitres, dans un ordre qui peut varier, afin d’assurer une cohérence à cette approche diachronique. Le chap. 5 inverse la perspective et traite de façon synthétique les grands thèmes abordés, sans jamais ignorer les évolutions chronologiques. En ouverture de ce chap. 5, nous reviendrons sur les débuts du monnayage gaulois, afin de replacer les problèmes dans la “longue durée” du Second âge du Fer.
Notes de bas de page
1 Braudel 1979, 383.
2 Delmaire 1996.
3 On a souligné à raison que le mot de “romanisation” recouvrait trop de sens différents pour permettre une appréhension correcte des phénomènes étudiés. Par commodité, nous continuerons à l’employer, dans les pages qui suivent, au sens général d’intégration d’un espace dans l’empire romain. Nous reviendrons sur le terme, pour en proposer une définition plus restreinte, dans le chap. 5.
4 Parmi ces travaux, citons Metzler et al., éd. 1995 ; Webster & Cooper, éd. 1996 ; Mattingly & Alcock, éd. 1997 ; Keay & Terrenato, éd. 2001 ; Webster 2001 ; Hingley 2005a ; Dommelen & Terrenato, éd. 2007 ; Roth & Keller, éd. 2007 ; Revell 2009 ; Mattingly 2011, ainsi que le dossier publié en 2006 dans les MEFRA. Plus spécifiquement, sur la Bretagne : Millett 1990 ; sur la Gaule : Woolf 1998 ; Ouzoulias & Tranoy, éd. 2010. Parmi les exceptions, citons Delestrée 1999 (repris dans Metzler & Wigg-Wolf, éd. 2005), consacré à la Gaule Belgique et dont les résultats doivent être revus à la lumière des données postérieures ; Wigg 1999 dans un volume consacré à la Germanie ; Suspène 2009c dans un volume collectif sur l’Occident romain ; dans Reddé et al., éd. 2011, la contribution de S. Izri et la nôtre (Izri 2011 ; Martin 2011b, qui récapitulait les premiers résultats intermédiaires du présent travail). Barrandon 2011 sur l’Hispanie comporte d’intéressantes analyses du monnayage ibérique, mais dans une perspective différente.
5 Suspène 2009c.
6 Pour la numismatique, voir la bibliographie de Gruel & Haselgrove 2006.
7 En anthropologie, voir le bilan dressé dans Maurer 2006.
8 Pour Lyon, nous n’avons pas pu consulter Flück 2013.
9 Voir Barral & Fichtl, éd. 2012, 16 fig. 1.
10 Voir le chap. 1.
11 Voir le chap. 4.
12 Nous pensons en particulier aux différents articles réunis dans Metzler & Wigg-Wolf, éd. 2005, précieux volume consacré spécifiquement aux questions numismatiques.
13 Suivant en cela les travaux pionniers de Polenz 1982 pour l’Europe centrale, Haselgrove 1987b pour la Grande-Bretagne et Guichard et al. 1993 pour la France.
14 Nous pensons par ex. à Pion 2005, fondé sur Pion 1996.
15 Voir notamment Aarts 2005a ; Kemmers & Myrberg 2011 ; Howgego 2013. Parmi les travaux plus anciens, Py 1990 est à notre connaissance un des premiers à traiter les monnaies en même temps et de la même manière que le reste du mobilier archéologique.
16 Voir le bilan dressé dans Gruel & Haselgrove 2006.
17 Outre Aarts 2005a et Howgego 2013 déjà cités, la présence d’un chapitre intitulé “Coins and the archaeology of the Roman Republic” dans le Blackwell companion to the ancient world sur l’archéologie républicaine est un bon indice des évolutions en cours (Evans, éd. 2013, 110-122).
18 Voir par ex. Haselgrove 2005a.
19 Les amphores vinaires républicaines constituent un exemple de choix : comme l’a récemment rappelé F. Olmer, la distinction typologique entre Dressel 1A et Dressel 1B ne recouvre pas une distinction chronologique tranchée. La distribution de ces deux types en Gaule est fonction des choix des ateliers, des circuits d’approvisionnement, des contacts commerciaux et diplomatiques entre Romains et Gaulois… Voir Olmer 2012 ; Olmer et al. 2013.
20 Pour notre zone d’étude, le travail de Haselgrove 1999 a constitué une avancée fondamentale ; nous avons nous-même cherché à le prolonger et à l’étendre.
21 Haselgrove 2005b, 30-31.
22 Nous pensons notamment aux fouilles d’Autun/Faubourg d’Arroux, Mandeure/Champ des Fougères, Mirebeau/la Fenotte et Oedenburg.
23 Il s’agit de l’Inrap et d’Archeodunum SA. Les rapports sont consultables sur les sites suivants : http://dolia.inrap.fr et http://www.archeodunum.ch (consulté le 13/01/2015).
24 Ce fut le cas pour les sites d’Autun, Paris, Oedenburg, Strasbourg en France, et de l’Hermeskeil en Allemagne.
25 Leins 2012.
26 Le projet Fundmünzen der Antike longtemps porté par l’Université de Francfort, a abouti à la publication monumentale des Fundmünzen der römischen Zeit in Deutschland, par la suite déclinée également au Luxembourg et aux Pays-Bas. Mais pour ce dernier pays, la couverture n’est pas complète. Pour l’Allemagne, certains volumes sont maintenant anciens et n’ont pas été mis à jour.
27 Communes de Biesheim-Kunheim (F), direction M. Reddé.
28 Base fournie par K. Gruel aux participants des stages de numismatique celtique organisés à Bibracte.
29 Vol. de catalogue.
30 Vol. de catalogue.
31 Un exemple parmi tant d’autres : Batardy et al. 2008. Sur les usages de la cartographie en archéologie, voir également les articles publiés dans la revue électronique Mappemonde, et accessibles en ligne sur http://mappemonde.mgm.fr/dos_archeo2.html (consulté le 13/01/2015).
32 Pour une vision personnelle, très documentée et très argumentée de la cartographie et de son évolution, voir Bord 2012.
33 Pour une présentation détaillée : Waniez 2008, 20-24 (cartes choroplèthes) et 36-42 (cartes en surfaces de tendances).
34 Ibid., 25-35. Malgré les critiques de Bertin 1973 envers ce type de “cartogrammes”, ils nous paraissent néanmoins les plus adaptés aux problèmes traités ici.
35 À l’adresse http://philcarto.free.fr (consulté le 13/01/2015). Pour l’histoire du logiciel : Waniez 2010. Le manuel d’utilisation, outre sa fonction première, récapitule l’usage des différentes cartes proposées par le logiciel : Waniez 2008.
36 Schwartz 1994, 35.
37 Martin 2009a, 23.
38 Ibid., 27-28.
39 Les travaux récents ont, le cas échéant, corrigé les datations des publications plus anciennes (jusqu’aux années 1980), qui s’appuyaient sur la vision erronée de J.-B. Colbert de Beaulieu (Colbert de Beaulieu 1973, résumée dans Pion 2008, 352-354).
40 Nous pensons en particulier à la céramique de table, à vernis noir dite “campanienne”, sigillée italique, et de type “parois fines”. Pour ces trois catégories, les principales publications sont :
Campanienne : les travaux de J.-P. Morel continuent de faire référence (Morel 1981 ; 1985 ; 1990 ; 2009). Il faut noter les publications de deux sites majeurs pour ce type de céramique, Cosa (Scott 2008 ; compte-rendu dans Jolivet 2009) et Tarragone (Díaz 2000). Les sites et contextes de référence sont tous situés sur le pourtour méditerranéen, et on trouve peu de sites datés de façon certaine par des événements historiques après le iie s. a.C. Les contextes espagnols sont des jalons importants pour La Tène D ; outre les sites militaires (camps de Scipion à Numance, camp des guerres sertoriennes à Cacéres el Viejo, destruction de Valence par Pompée en 75 a.C.), voir notamment les travaux de J. Principal.
Sigillée italique : le Conspectus (Ettlinger et al. 1990) reste la référence, plutôt que Goudineau 1968 (maintenant complété par Maffioli 2010). Dans le Conspectus, la liste des sites datants fait clairement apparaître le rôle prédominant des camps rhénans (Ettlinger et al. 1990, 39-43). Parmi les publications de sites récentes, on peut noter, à nouveau, celle sur Cosa (Marabini Moevs 2006).
Parois fines : la typologie la plus usitée est celle de Mayet 1975 pour la péninsule Ibérique, reprise par le DICOCER (Py, éd. 1993). Dans cet ouvrage, les contextes sont donnés pour chaque forme ; il faut se rappeler que les datations sont calibrées pour la péninsule Ibérique. Les sites datés par les événements historiques semblent être, ici encore, les camps du Rhin. Pour la fin de la République, voir également les contextes tarragonais (Díaz 2000) et ceux de Cosa (Marabini Moevs 1973). Pour l’époque triumvirale et l’époque augustéenne précoce, on dispose désormais de la publication de Dangstetten (Roth-Rubi 2006).
41 Pour une historiographie des chronologies de la fin de l’âge du Fer, voir les contributions de J. Collis, G. Kaenel et P. Pion (cette dernière portant sur la numismatique) dans Lehoërff, éd. 2008. Voir également Kaenel 2006.
42 Soutenue en 1991, publiée dans une version légèrement remaniée en 1998 : Colin 1998.
43 Outre notre fig. 2, on pourra également se reporter à Colin 1998, 98 tab. III ; Pion 2005, 52-55 fig. 9 et 10 ; Deberge et al. 2007, 196 fig. 16 ; Barral & Fichtl, éd. 2012, fig. 1.
44 Dans Dhennequin et al., éd. 2008, 90.
45 Voir notamment, pour notre région, par Barral & Fichtl, éd. 2012, qui a paru trop tard pour être pris en compte dans la conception de notre périodisation. La principale nouveauté réside dans la subdivision de La Tène D1b en deux étapes, fondée principalement sur les importations (ibid., 13-14) : La Tène D1b “classique” entre 125 et 100 a.C., et La Tène D1b “évoluée” entre 100 et 75 a.C. Par rapport à la périodisation adoptée dans notre travail, le début de La Tène D2a se trouve donc abaissé d’une dizaine d’années environ (voir infra). Cependant, dans la mesure où nous analysons ici La Tène D1 et La Tène D2a ensemble, au vu des fortes continuités que nous avons identifiées, cette nouvelle périodisation de La Tène D1b a peu d’incidences sur notre propos. De plus, elle n’est pas (encore ?) reconnue partout, ni par tous, ce qui complique son utilisation.
46 Pour une liste plus détaillée, voir Colin 1998, et surtout la thèse de P. Pion (1996, en particulier vol. II) : bien que centrée sur la vallée de l’Aisne, elle propose une discussion serrée et très complète de la chronologie des différents mobiliers pour chaque période, de La Tène C2 à l’époque augustéenne. Pour la zone étudiée, outre Barral & Fichtl, éd. 2012, voir également les synthèses régionales suivantes : Lambot & Friboulet 1996 (Acy-Romance) ; Dhennequin et al., éd. 2008, 90-92 (Bibracte) ; Metzler-Zens et al. 1999 et Metzler & Gaeng 2009 (Trévires occidentaux) ; Deschler-Erb 2011b (Bâle).
47 Ou “de schéma La Tène II”, ou encore “de schéma La Tène C”.
48 Hanut 2004b, 199 fig. 22, rappelle comment sont datés la plupart de ces camps.
49 Ces faciès “pré-Oberaden” sont moins bien connus et commencent seulement à être mieux définis. La fin de Dangstetten peut être placée pendant l’horizon d’Oberaden, mais son installation est antérieure. Le début ne peut être fixé avec précision et est sujet à débat ; K. Roth-Rubi propose de le placer dès 20, mais cette datation ne fait pas l’unanimité (voir par ex. Ehmig 2010b. Pour le mobilier du site, Fingerlin 1986 ; 1998, complétés par les études précises de la céramique fine et des amphores : Roth-Rubi 2006 ; Ehmig 2010a). La publication récente de la céramique fine du camp de la Hunerberg à Nimègue a confirmé que cet établissement était antérieur à Dangstetten (Niemeijer 2014). Sur la base des données historiques et numismatiques, F. Kemmers a également proposé de dater la fondation de la Hunerberg de 20/19 (Kemmers 2006). Un examen poussé de toutes les catégories de mobiliers, étendu à d’autres sites de la région, reste nécessaire.
50 Delor Ahü & Roms 2007. À ce sujet, nous sommes en désaccord avec la remarque d’A. Desbat (p. 96 de l’article cité) : “C’est l’exemple type, précisément, où la datation dendrochronologique n’apporte rien à la datation des ensembles céramiques […].” Cela nous semble être, au contraire, tout à fait décisif, car cela montre que les céramologues ont travaillé correctement depuis plusieurs décennies !
51 En ce sens, le projet de Hanut 2004a, qui visait à construire pour la Gaule Belgique une chronologie libérée des horizons militaires, est un échec partiel : il est évident, malgré des décalages marginaux, que son découpage est largement synchrone avec la chronologie rhénane.
52 On trouvera pour la céramique fine une énumération plus détaillée dans Deru 1996, dont la périodisation est proche de la nôtre. Voir également Hanut 2004b.
53 Sur certains sites militaires rhénans, on arrive à saisir une phase de transition entre l’augustéen tardif et le tibérien, autour de 10/20 p.C., caractérisée par la présence de formes tardives de sigillée italique (Consp. 19, 31, 33, 36) à côté d’un service II dominant. Les toutes premières formes de sigillée sud-gauloise sont parfois attestées, toujours de façon marginale. Cette phase est difficile à saisir, notamment dans la zone civile ; nous avons donc choisi de ne pas l’individualiser dans la suite de notre étude.
54 La datation des contextes de Lyon reste sujette à débat et ils semblent de toute manière isolés et exceptionnels par leur précocité : Desbat 2005 ; 2012.
55 Delor Ahü & Mouton-Venault 2011 offre une synthèse pour les cités des Rèmes, Tricasses et Lingons. Voir également Delor 2006 et les travaux déjà cités de F. Hanut (2000 ; 2004a ; 2004b).
56 Deru 1996.
57 Au sens défini dans la présentation de la base de données ; voir vol. de catalogue.
58 La situation sur la rive droite du Rhin, qui peut sembler hétérogène selon les zones, répond en fait à la distribution des camps militaires, principalement augustéens, dont la liste s’allonge de façon régulière. Les concentrations indiquent très probablement les axes de pénétration principaux empruntés par l’armée romaine.
59 Voir à ce propos van Heesch 1998.
60 Pour le débat induction/déduction, voir par ex. Hopkins 1995-1996 et Andreau 2010, 46-48 (citation p. 48).
61 Pour l’or, les données sont rassemblées dans Sills 2003 (qu’il faudra désormais compléter par Sillon 2014, sur les monnayages d’or de Gaule Belgique, dont les apports n’ont pu être pris en compte).
62 Sur les avantages et les “périls” de la méthode régressive, voir les remarques toujours actuelles de Bloch 1931, x-xiv.
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