Épouse
p. 205-240
Texte intégral
1Les filles bien nées étaient normalement destinées à contracter un bon mariage, ce qui pouvait se faire dès l’âge de 12 ans1. Parents ou tuteurs2 s’employaient activement à trouver le meilleur parti, même si le consentement des intéressées était, théoriquement, obligatoire3. Outre la garantie d’être à l’abri du besoin et de gagner une plus grande reconnaissance sociale, être “l’épouse de …” était le véritable rôle des femmes de la bonne société romaine. C’était en tout cas leur rôle principal au vu de notre documentation. En effet, à l’époque impériale, une femme bien mariée assumait avec son époux une position qui la propulsait sur le devant de la scène publique et lui permettait de laisser des traces dans des inscriptions fortement codifiées, comme nous aurons l’occasion de le monter dans la deuxième partie de ce chapitre.
2La première sera consacrée à un thème d’histoire sociale et rendue possible grâce à l’abondance de la documentation concernant les épouses : il s’agira de comprendre les stratégies matrimoniales de l’élite, décelées par l’enquête épigraphique. D’autres avant nous ont montré que, même si les pratiques endogamiques restaient majoritaires, les mariages inégaux existaient. Les femmes nées de condition inférieure, voire en esclavage, pouvaient en effet prétendre à une amélioration de leurs conditions de vie après avoir séduit un bon mari, puisque l’interdiction faite aux sénateurs et à leur descendance d’épouser une personne esclave de naissance4, cela ne s’appliquait pas aux autres citoyens5. Aussi nous baserons-nous sur ces considérations pour dégager, parmi les inscriptions à notre disposition, les éléments portant sur les mariages des gens distingués de l’Hispanie romaine en général et sur le rôle et la personnalité de l’épouse en particulier.
Un apport d’histoire sociale : stratégies matrimoniales chez les élites hispaniques
3Dès que l’on s’intéresse à l’histoire des élites romaines, se pose la question de leur maintien et des stratégies matrimoniales qu’elles mirent en place6. Dans quelle mesure le mariage pouvait-il changer complètement la situation socio-économique d’un notable et par conséquent, le déroulement de sa carrière ? Des études antérieures ont montré que l’épouse pouvait apporter à son mari les ressources nécessaires, qu’elles fussent économiques (à la dot, il fallait ajouter les biens hérités de ses parents, notamment les negotia7), morales ou sociales, propres à favoriser son accès à une position supérieure, comme l’agrégation à l’ordo d’une cité ou même l’admission dans les ordines supérieurs. Quoi qu’il en soit, le notable avait besoin économiquement, politiquement et moralement d’une épouse légitime ; il devait être marié et, si possible, père de famille. La femme faisait sans doute rarement un mariage d’inclination, plus souvent un mariage de raison, voire forcé, synonyme de changement de tuteur. Parler de stratégies matrimoniales revient donc à cerner les raisons sociales et économiques à l’origine de ces mariages. Les exemples les mieux connus, ceux des sénateurs et des chevaliers, mettent en évidence un fort ancrage local, marqué par le maintien des liens avec les familles de l’aristocratie municipale, ce qui permettait d’arrondir les patrimoines et d’établir, sur place, un réseau d’adfines sur plusieurs générations8. À partir de la documentation épigraphique, nous avons admis comme représentants de l’élite un large éventail social allant des sénateurs aux affranchis enrichis9, sans masquer pour autant le caractère partiel et discontinu de nos informations. Nous nous sommes employés à définir des tendances et des critères de sélection propres au milieu de ces personnages plus ou moins importants. Les caractéristiques de notre documentation, composée d’un ensemble aléatoire, n’éclairent certes pas tous les aspects des stratégies matrimoniales des élites hispaniques. Elles permettent toutefois de se poser des questions sur quatre types de pratiques, qui seront au centre des lignes qui suivent. Les inscriptions s’avèrent relativement prolixes en ce qui concerne le mariage des affranchis, traité en premier lieu ; dans une deuxième partie, certains éléments onomastiques nous permettront de constater la pratique qui consistait à épouser au plus proche chez les notables hispaniques, comme ailleurs dans l’empire ; en troisième lieu, et toujours grâce aux aspects onomastiques, on pourra comprendre l’importance de la lignée féminine dans les alliances des élites hispaniques ; pour finir, nous nous arrêterons sur les unions entre notables natifs de villes différentes, bien attestées, et leurs conséquences sur les provinces hispaniques.
Le mariage des affranchis enrichis
4Le dossier des affranchis est pour l’essentiel alimenté par les cités de la Citérieure et par des inscriptions issues de grands monuments funéraires, qu’ils affectionnaient tout particulièrement. La nature même de cette source explique d’une part, la relative abondance des données dans certaines cités, et d’autre part, leur chronologie ancienne, entre le ier et le début du iie siècle. Il est évident que cette documentation, répétitive et standardisée, ne visait pas à renseigner les particularités des mariages du monde servile. Leurs monuments funéraires et leurs hommages ressemblent en tous points, jusqu’aux textes épigraphiques, à ceux des notabilités locales. Ce sont les particularités onomastiques qui permettent d’entr’apercevoir, derrière l’image idyllique, les stratégies matrimoniales des gens nouvellement enrichis et désireux d’acquérir de la notoriété.
5La documentation hispanique révèle que, comme on pouvait l’imaginer, les liberti enrichis épousèrent parfois une femme qui portait le même gentilice qu’eux, soit qu’elle ait été leur co-affranchie, soit que l’ancien maître affranchi ait épousé son ancienne esclave, pratique assez fréquente si l’on en croit les nombreuses rubriques que lui consacre le livre 23 du Digeste10. Quelques exemples hispaniques viennent l’illustrer : dans la capitale de la Citérieure, à la fin du ier siècle, L. Vibius Alcinoüs, probablement d’origine servile vu son cognomen, érigea une statue sur piédestal à son épouse, Vibia Felicula [406], qu’il qualifia de liberta et uxor, comme le fit aussi le sévir M. Herennius Mascellio sur l’autel funéraire de sa femme Herennia Faonicè [358]. Dans les deux cas, ce sont les hommes, maîtres du jeu, qui rendirent l’hommage, marquant ainsi leur pouvoir post mortem, mais d’autres femmes considéraient leur union avec leur patronus comme une réussite personnelle et ne manquèrent pas de l’indiquer dans les inscriptions. Trois d’entre elles firent ainsi leur entrée dans l’élite de leur cité ; elles sont les seules qui, esclaves de naissance, épousèrent un ingénu d’après le témoignage de notre documentation.
Tableaux n° 18. Femmes affranchies qui épousèrent leur maître11
N° | Datation | Cité d’origine | Épouse et affranchie | Époux et patron |
1 | fin du ier s. | Tarraco, Citérieure | Vibia Felicula [406] | L. Vibius Alcinoüs |
2 | fin du ier s. ou début du iie | Edeta, Citérieure | Iunia Apronia [521] | L. Iunius Iusti fil. Gal. Severus, duumvir et flamine, patronus et maritus |
3 | iie s. | Tarraco, Citérieure | [-] [409], liberta et uxor | [---] Uxamensis Ambirodacus, magister Larum |
4 | iie s. | Valentia, Citérieure | Her(ennia) Leontis [607] | P. Herennius P. f. Pal. Novatianus, patronus et maritus |
5 | 171-200 | Singilia Barba, Bétique | Acilia Plecusa [199] | M’. Acilius Quir. Fronto, préfet des ouvriers, patronus et maritus |
6 | seconde moitié du iie s. ou début iiie | Tarraco, Citérieure | Herennia Faonicè [358], liberta et uxor | M. Herennius Mascellio, sévir |
6Voici maintenant des femmes qui occupèrent une position remarquable dans leur cité et dont l’onomastique indique qu’elles étaient probablement des affranchies, mariées à leur propre maître12 ou à un affranchi du même patron.
Tableau n° 19. Époux affranchis qui partageaient le même gentilice
N° | Datation | Cité d’origine | Épouse | Époux et co-affranchi |
1 | milieu du ier s. | Barcino, Citérieure | Caecilia L. l. Pieris [451] | L. Caecilius L. l. Crescens, sévir augustal |
2 | époque julio-claudienne | Tarraco, Citérieure | Cornelia L. l. [---] [341] | L. Corneli[us ---], sévir |
3 | seconde moitié du ier s. | Astigi, Bétique | Fuficia M. l. Maurilla [42] | M. Fuficius M. l. Quietus, augustal |
4 | seconde moitié du ier s. | Ituci, Bétique | [C]alpurnia M. l. Thyc(h)è [136] | Calpurnius [M. l.] Vernio, augustal |
5 | antérieure à la fin du ier s. | Barcino, Citérieure | Iulia C. l. Coenè [468] | C. Iulius C. l. Daduchus, sévir augustal |
6 | première moitié du iie s. | Barcino, Citérieure | Clodia Pephilemenè [453] | L. Clodius Hyginus |
7 | première moitié du iie s. | Barcino, Citérieure | Pedania Dyonysia [476] | Pedanius [-] |
8 | milieu du iie s. | Tarraco, Citérieure | Caecilia Ianuaria [327] | L. Caecilius Epitynchanis |
9 | milieu du iie s. | Barcino, Citérieure | Valeria Thallusa [491] | L. Valerius L. lib. Hedistus, sévir augustal |
10 | iie s. | Emerita Augusta, Lusitanie | Iuvinia ? Sabina [244] | M. Iuvinius [---], sévir |
11 | iie s. | Valentia, Citérieure | Riccia Nymphè [609] | C. Riccius Atimetus |
12 | fin du iie s. | Singilia Barba, Bétique | Cornelia Blanda [205] | L. Cornelius Themison |
7Avec seulement 18 exemples, ce dossier pourrait nous amener à revoir l’hypothèse selon laquelle il était fréquent qu’un affranchi épouse une affranchie ou co-affranchie. Toutefois, nous pensons que ce type d’union était bel et bien courant. Il est alors légitime de s’interroger sur cette apparente contradiction. L’explication tient au fait que le phénomène ne peut être étudié avec pour seule documentation celle qui concerne les femmes des élites. Nous avancerons plusieurs raisons : d’abord, le nombre de femmes nées esclaves que l’on peut considérer comme partie de l’élite s’avère en réalité minime par rapport au total ; ensuite, les stratégies matrimoniales des affranchis enrichis consistaient, semble-t-il, à se marier avec des femmes certes souvent affranchies, mais dans d’autres familles que la leur. Nous y reviendrons. Enfin, la troisième raison tient à la partialité des sources épigraphiques : fait rare dans notre documentation, les inscriptions que l’on possède sur les mariages entre un affranchi et son ancienne esclave furent, pour la plupart, rédigées par les époux. On peut imaginer que leurs femmes, une fois veuves, ne vouèrent pas toujours de la gratitude à l’égard de leur défunt mari ni ne respectèrent les traditions qui exigeaient de rendre un hommage posthume aux pères de leurs enfants, à l’exception des mariages qui supposaient une progression sociale significative, tel celui d’Iunia Apronia [521].
8Comme mentionné précédemment, les inscriptions montrent qu’il était un peu plus fréquent que les riches liberti prennent épouse parmi les anciennes esclaves d’une autre famille13. Sont listés ci-dessous les exemples les plus marquants.
Tableau n° 20a. Couples d’affranchis qui n’avaient pas le même gentilice
N° | Datation | Cité d’origine | Épouse | Époux |
1 | ier s. | Tarraco, Citérieure | Iuventia G. l. Prima [364] | T. Fiseuius T. l. Eros, sévir |
2 | fin du ier s. | Emerita Augusta, Lusitanie | Iulia Methè [241] | M. Acilius Hymnus, augustal |
3 | première moitié du iie s. (sous Trajan ?) | Barcino, Citérieure | Acilia Arethusa [443] | L. Pedanius L. l. Epictetus, sévir |
4 | règne d’Hadrien | Labitolosa, Citérieure | Clodia [---] [542] | Cornelius Philemon |
5 | deuxième quart ou milieu du iie s. | Barcino, Citérieure | Valeria Halinè [488] | C. Trocina C. lib. Synecdomus, sévir |
6 | milieu du iie s. | Tarraco, Citérieure | Porcia Hieronis [380] | Clodius Musaeus, sévir |
7 | milieu du iie s. | Tarraco, Citérieure | Fabia Beronicè [347] | Grattius Crescens, sévir |
8 | vers le milieu et la seconde moitié du iie s. | Tarraco, Citérieure | Raecia Irenè [385] | C. Caecilius Augustalis |
9 | seconde moitié du iie s. | Tarraco, Citérieure | Domitia Musa [345] | M. Iulius Paris |
10 | seconde moitié du iie s. | Barcino, Citérieure | Pomponia Philetè [480] | L. Pedanius Paternus |
11 | seconde moitié du iie s. ou début du iiie | Tarraco, Citérieure | Sutoria Surilla [397] | M. Fulvius Musaeus, sévir |
12 | fin du iie s. ou début du iiie | Tarraco, Citérieure | Caecilia Dori[s] [325] | L. Lucretius Martinu[s], sévir et président du collègue du culte des Lares des empereurs |
13 | fin du iie ou début du iiie s. | Corduba, Bétique | Fabia Helpis [10] | L. Vibius Polyanthus, sévir |
14 | début du iiie s. | Tarraco, Citérieure | Vergilia Gemina [405] | Caecilius Eutychès, sévir |
Tableau n° 20b. Couples formés par un affranchi et une dame probablement affranchie qui n’avaient pas le même gentilice que son époux
N° | Datation | Cité d’origine | Épouse | Époux |
1 | ier s. | Norba, Lusitanie | Volosinia Secundina [253] | L. Postumius L. lib. Gal. Apollonius, de Norba, augustal |
2 | seconde moitié du ier s. | Barcino, Citérieure | Marcia Vrania [469] | Q. Calpurnius Q. lib. Nymphius, sévir augustal |
3 | seconde moitié du ier s. | Tarraco, Citérieure | Septimiena Modesta [394] | M. Volumnius M. lib. Primulus |
4 | première moitié du iie s. | Barcino, Citérieure | Aurelia Nigella [450] | C. Publicius Hermès, sévir |
5 | sous Trajan ou Hadrien | Singilia Barba, Bétique | Rutilia Fructuosa [209] | L. Iunius Nothus, sévir perpétuel honoré avec les plus grands honneurs qu’on puisse donner à un affranchi |
6 | iie s. | Dianium, Citérieure | Aemilia Scintilla [513] | Sex. Terentius Lemnaeus, sévir |
7 | seconde moitié du iie s. | Tarraco, Citérieure | Fabia Saturnina [351] | C. Baebius Myrismus, sévir |
8 | fin du iie s. ou début du iiie | Mentesa Bastitanorum, Bétique | Valeria Fortunata [154] | L. Fabius Glycon |
9Dans ces 22 cas d’unions entre affranchis et affranchies de familles distinctes, il faut penser à des arrangements de leurs anciens patroni : ces mariages permettaient de nouer, voire de renforcer, des liens entre les différentes gentes de l’élite par l’intermédiaire de leurs liberti et libertae. Dans ce registre, on peut rappeler le cas barcelonais déjà évoqué de l’union d’Acilia Arethusa [443] et de L. Pedanius L. l. Epictetus, sévir augustal : il s’agissait des affranchis des Acilii et des Pedanii, les grandes familles de la cité. Parfois, mari et femme mariaient leurs propres esclaves, ce qui explique qu’après leur libération, ils portaient des nomina différents14. Il s’agissait, en quelque sorte, d’une postérité de deuxième catégorie qui, faute de mieux, permettait perpétuer un grand nom, ce qui, si l’on en croit P. Veyne, était plus important encore que les liens du sang15.
10Cette descendance, de choix ou de nécessité, se voyait contrainte par la loi de respecter ses maîtres. Les affranchis achevèrent les donations évergétiques qui leur incombaient et construisirent les monuments funéraires de leurs patrons morts sans descendance légitime16. Ce sont eux aussi qui érigèrent en public les statues posthumes de leurs anciens maîtres décédés17. Ils apprirent ainsi les codes de la respectabilité sociale qu’ils s’appliquèrent à imiter leur tour venu. En effet, on trouve dans les couples d’affranchis un fort mimétisme18 : ils adoptèrent rapidement les comportements d’honorabilité observés chez leurs maîtres19 pour prendre l’apparence de nouveaux notables. Au ier siècle, ils se construisirent de grands monuments funéraires semblable à ceux des magistrats ; au iie, ils réalisèrent leurs galeries de portraits gentilices en ville, de telle sorte que 15 % de la documentation honorifique du dossier des femmes concerne des affranchies20. Un exemple remarquable en est fourni, à Tarraco, par les liberti et les libertae de la flaminique provinciale Fulvia M. f. Celera [353], maintes fois mentionnée : avec son mari, elle fut honorée à l’intérieur d’une grande “galerie honorifique”. L’un de ses affranchis et héritiers, M. Fulvius Musaeus, devenu sévir et marié à Sutoria Surilla [389], reçut par la suite, de ses affranchis, une galerie de portraits.
11Les données des tableaux n° 20a et 20b illustrent la difficulté pour les hommes esclaves de naissance d’épouser des ingénues et réciproquement : la plupart des femmes affranchies épousaient un ancien esclave. Le cas d’Acilia Plecusa [199], qui se maria avec un homme né libre, probablement parce qu’elle était enceinte et que le futur père, M’. Acilius Quir. Fronto, préfet des ouvriers, avait besoin d’un héritier, demeure une exception. La bonne société ne semblait pas accepter ce type de mariage et n’en faisait pas l’étalage. Quand il avait lieu, notamment dans les cas de remariage, les mœurs obligeaient à le passer sous silence.
12Il arrivait parfois qu’un affranchi épouse une femme née libre et vice versa. Les informations sont suffisamment rares pour que l’on s’arrête sur ces cas dès lors qu’ils sont avérés, comme celui de M. Cornelius M. lib. Euvenus, un puissant affranchi, sévir augustal, peut-être l’un des premiers de la colonie de Barcino (son monument funéraire date de l’époque julio-claudienne), qui réussit à épouser une ingénue, Coelia L. f. Severa [454]. Plus tard, Vernio, esclave de M. Calpurnius, cohabitait avec une autre esclave du même maître, dénommée Thyc(h)è [136], mère de ses enfants Nebris, Chryseros, Phyramis et Vitalis ; une fois affranchi et devenu M. Calpurnius M. l. Vernio, il épousa légalement sa compagne qu’il avait sans doute rachetée, devenue [C]alpurnia M. l. Thyc(h)è, et qui mourut peu après. Assez fortuné et connu dans la cité d’Ituci, où il fut augustalis, il convola en secondes noces avec une femme née libre, Blattia Modesta [133].
13Voici résumées les rares données en notre possession sur ces mariages entre affranchi(e)s et personnes ingénues à la position distinguée :
Tableau n° 21. Dames ingénues qui épousèrent un homme affranchi21
N° | Cité d’origine | Datation | Épouse | Époux |
1 | Ituci, Bétique | seconde moitié du ier s. | Blattia Modesta [133], épouse en secondes noces | M. Calpurnius [M. l.] Vernio, augustal |
2 | Barcino, Citérieure | époque julio-claudienne | Coelia L. f. Severa [454] | M. Cornelius M. lib. Euvenus, sévir |
Tableau n° 22. Affranchies ayant épousé un ingénu qui n’était pas leur maître
N° | Cité d’origine | Datation | Épouse | Époux |
1 | Barcino, Citérieure | époque julio-claudienne | Valeria L. lib. [487] | L. Carpurnius L. f. Gal Iuncus, édile, duumvir et flamine |
2 | Tarraco, Citérieure | époque flavienne | Cornelia Faventina [338] | T. Manlius Ti. f. Gal. Silvanus, édile, duumvir et flamine |
3 | Barcino, Citérieure | première moitié du iie s. | Cominia Nereis [455] | Q. Calpurnius [-] |
14Malgré le caractère aléatoire des découvertes, les tableaux n° 21 et 22, avec 5 exemples seulement, témoignent de l’existence des tabous sociaux de l’époque : on ne parlait pas d’une union jugée peu respectable. On peut aussi y déceler une résistance des mentalités aux mariages inégaux – ce qui renforçait l’endogamie – vécue dans le milieu servile et présentée dans les tableaux n° 18 à 20. Les affranchis épousaient le plus souvent des femmes de la même condition.
Épouser au plus proche
15La pratique de l’endogamie bien ancrée dans la société romaine22 (on se mariait entre soi, au plus proche, pour défendre son rang et, surtout, éviter la dispersion des patrimoines) l’était aussi dans la péninsule23, dans les cercles fermés des notables des petites et moyennes cités. Précisons qu’il ne s’agit là que de déductions, puisque le but des inscriptions n’était pas d’informer spécialement sur de tels arrangements. Une exception remarquable nous vient cependant d’Aeso au iie siècle, où Porcia Catulla [426] dédia une inscription honorifique à sa tante paternelle et homonyme, qui était aussi sa belle-mère (amita et socrus), ce qui signifie qu’elle avait épousé son cousin germain du côté paternel. Un autre cas significatif se trouve à Castulo, où l’on a découvert plusieurs piédestaux d’une même famille, dont on peut reconstruire le stemma24 : Cornelia P. f. Severa [501], fille de (P. Cornelius -) et de Iunia M. f. Severina [504], épousa un membre de la famille de sa mère, dénommé M. Iunius C. f. Gal. Paternus, duumvir et flamine de Rome et d’Auguste. Son mari était lui-même issu de l’union d’un Iunius, dont on ignore l’identité complète, et de Cornelia M. f. Caesiana [499]. Les époux étaient donc cousins des deux côtés.
16À défaut d’autres informations directes, un nomen identique pour deux époux ou pour la mère et ses enfants issus d’une union supposée légale nous laisse à penser que d’autres mariages de ce genre25 eurent lieu. Cette proposition nous a permis de dresser la liste qui suit. On peut en effet constater des mariages entre membres d’une même famille comme, par exemple, celui de la généreuse évergète de Castulo, Cornelia C. f. Marullina [500], dont le fils se nommait L. Cornelius Marullus (à Castulo, les Cornelii sont nombreux et semblent souvent s’être mariés entre eux).
Tableau n° 23. Partage du même gentilice entre époux et enfants légitimes262728
N° | Datation | Cité d’origine | Dame (épouse ou mère) | Époux | Enfants |
1 | avant Claude | Emporiae, Citérieure | Rosia [528] | L. Rosius, édile, duumvir et questeur | |
2 | avant Claude | Emporiae, Citérieure | V[aleria] [529] | C. [Vale]r[i]us L. f., édile, duumvir, questeur | |
3 | règne d’Auguste ou de Tibère | Ossigi Latonium, Bétique | Cornelia L. f. [175] | [.] Cornelius C. f. [Ga]l. Vetulus, duumvir, premier pontife de César | |
4 | époque flavienne | Baesucci, Citérieure | Sempronia Augè [439]26 | C. Sempronius Celer | |
5 | fin du ier s. ou iie s. | Algámitas, nomen ignotum, Bétique | Sempronia C. f. Rustica [27] | Q. Sempronius Secundinus | |
6 | ier s. ou début du iie | Igaedis, Lusitanie | Iulia Varilla Celeris f. [285] | L. Iulius Quir. Modestus | |
7 | fin du ier s. ou iie s. | Urgauo, Bétique | Helvia Procula [233]27 | M. Helvius Varus, augustal perpétuel | |
8 | sous les Flaviens et les premiers Antonins | Cisimbrium, Bétique | Valeria Actè [87]28 | C. Valerius C. f. Gal. Valerianus, magistrat et prêtre | |
9 | fin du ier s. ou première moitié du iie | Saetabis, Citérieure | Fulvia M. f. Marcella [562] | [.] Fulvius L. f. Gal. Marcianus, duumvir et flamine de Rome et d’Auguste | |
10 | début du iie s. | Castulo, Citérieure | Cornelia L. f. Verecundina [502] | Cornelius C. f. Gal. Valentinus, duumvir, flamine de Rome et d’Auguste | |
11 | première moitié du iie s. | Ammaia, Lusitanie | Allia Serani f. Maxuma [255] | G. Allius Syriacus, questeur et quatuoruir | |
12 | iie s. | Igaedis, Lusitanie | Annia Rufina [282] | Annius Valens | |
13 | iie s. | Villajoyosa, nomen ignotum, Citérieure | Manlia Chrysis [613]29 | C. Manlius Q. f. Quir. Celsinus, duumvir et flamine | |
14 | iie s. | Dianium, Citérieure | Sempronia Marina [517] | Q. Sempronius Valerianus | |
15 | milieu du iie s. | Iliturgi, Bétique | Quintia Vitalis [114] | Sex. Quintius Sex. f. Gal. Vitalis | |
16 | milieu du iie s. | Tarraco, Citérieure | Valeria Silvana [402] | L. Valerius Tempestivus | |
17 | milieu du iie s. | Acci, Citérieure | Valeria Hygia [414]30 | C. Valerius C. f. Pup. Restitutus | |
18 | milieu du iie s. | Egara, Citérieure | Grania Anthusa [530]31 | Q. Granius Q. fil. Gal. Optatus, duumvir et tribun militaire | |
19 | seconde moitié du iie s. | Mellaria, Bétique | Sempronia Varilla [150] | Sempronia Varilla [151] | |
20 | sous Antonin le Pieux | Augustobriga, Citérieure | Valeria Firmina [401] | C. Valerius Avitus, duumvir | |
21 | seconde moitié du iie siècle | Castulo, Citérieure | Cornelia C. f. Marullina [500] | L. Cornelius Marullus | |
22 | seconde moitié du iie s. | Pollentia, Citérieure | Flavia Mamma [552] | L. Flavius Paulinus | |
23 | seconde moitié du iie s. | Pollentia, Citérieure | Flavia Paulina [553] | Flavius Paulinus et Flavius Macrinus | |
24 | seconde moitié du iie s. | Oretum, Citérieure | Maria Calpurnia [425] | Marius Marianus | P. Marius Mariani f. Calpurnianus |
25 | seconde moitié du iie s. ou début du iiie s. | Olisipo, Lusitanie | Iulia Iusta [301] | L. Iulius L. f. Galer. Iustus, édile |
17Les exemples, on le voit, ne sont pas nombreux par rapport au total des documents concernés, peut-être parce que notre critère de sélection, malheureusement le seul, ne reflète pas toutes les unions au plus proche. La famille de la mère en particulier n’est pas représentée ici. La pratique du mariage cantonnée à un seul et même cercle familial et amical semble en revanche se confirmer au sein des élites hispaniques du Haut-Empire.293031
18Mais si l’endogamie apparaît familiale avant tout, elle se révèle aussi géographique : les mariages se contractaient entre un homme et une femme résidant dans la même cité, entre familles qui se connaissaient et qui trouvaient là le moyen d’unir leurs domaines et leurs intérêts politiques. Les notables qui trouvèrent leur épouse en dehors de leur ville s’avèrent très peu nombreux et appartenaient pour la plupart aux couches supérieures de l’aristocratie32. Ajoutons à cela une endogamie de nature sociale, en lien avec le rang des époux : entre personnes du même monde, il était facile d’arranger le mariage des enfants, de magistrats d’un côté, de sévirs de l’autre. Malheureusement, les particularités de la documentation hispanique ne permettent pas de l’affirmer : il est rarissime que les inscriptions informent à la fois du rang de l’époux et du rang du père d’une dame, car même dans les cas où elles comportaient des données dynastiques, n’était concernée que l’une des branches du couple.
19Parmi les informations exceptionnelles, il convient de mentionner celles qui permettent de déduire l’existence d’un mariage inégal. Ainsi, Pompeia Gn. Lib. Glènè [479], affranchie dont la mère et le frère moururent en esclavage, réussit à épouser un magistrat de Barcino ; Cornelia Faventina [338], sœur de sévir, était mariée avec un membre de l’ordo décurional ; enfin, Varinia Flaccina [229], fille d’un grand notable de Bétique, épousa le sénateur Licinius Serenianus. Par conséquent, si les pratiques endogamiques semblent majoritaires dans les stratégies matrimoniales des notables, les unions en dehors de leur milieu, bien que rares, avaient une grande importance : elles apportaient “du sang neuf” et des ressources financières à des élites souvent vieillissantes et parfois désargentées.
L’importance de la lignée féminine
20S’il faut bien reconnaître que le dossier épigraphique des femmes s’avère peu probant quant aux stratégies matrimoniales des élites hispaniques, malgré une tendance marquée à épouser au plus proche, il met en lumière un aspect essentiel des relations sociales de l’époque, qui passaient inéluctablement par le mariage : il s’agissait, avant toute chose, d’unir deux familles. La gens de la femme égalait souvent celle de l’époux en termes socio-économiques et la surpassait même parfois. Dans le noyau familial qu’elle créait avec son mari, l’épouse représentait sa famille d’origine. En tant que telle, elle se devait d’entretenir la mémoire et de faire fructifier le patrimoine de ses ancêtres avant de le transmettre à ses descendants. L’onomastique constitue un marqueur fiable de cette transmission du prestige par l’intermédiaire des femmes.
La transmission onomastique
Le gentilice de la mère
21Comme a montré S. Armani, les notables hispaniques avaient un fort attachement identitaire à la famille maternelle, manifesté par la transmission du gentilice de la mère aux enfants. De fait, il s’agissait d’établir un lien direct entre un fils et un grand-père maternel sans descendance mâle dont l’image était particulièrement prestigieuse ou attachante pour la famille. Cette pratique, présente à tous les niveaux de la société, s’avère plus significative encore dans les hautes sphères, où la transmission de l’honneur, de la mémoire et, par voie de conséquence, des noms, permettait d’exister publiquement. Cependant, le répertoire épigraphique établi par S. Armani33 (complété ici) montre que le remplacement du gentilice du père par celui de la mère n’était pas très fréquent, même si les exemples, classés par ordre chronologique, sont particulièrement instructifs34 :
Cornelia [456] était la fille de Cornelius [-] et de Numitoria [472], l’épouse de G. Aemilius L. f. Gal., la mère de L. Cornelius G. f. Gal. Secundus, édile et duumvir, et de Q. Cornelius G. f. Gal. Niger. Cornelia vécut à Barcino, Citérieure dans la première moitié du ier siècle.
Valeria P. Cor(neli ?) Valentis fil. Valentina [430] était la fille de P. Cor(nelius ?) Valens qui vécut à Aeso, Citérieure dans la seconde moitié du iie siècle.
Aelia Domitia Severiana [54] était la fille de C. Iulius Aelius Theseus et d’Aelia Domitia Tertullina [55], et la sœur de Q. Aelius Iulius Severus. Le père de la flaminique porte également le gentilice Aelius à la suite de son nomen principal, Iulius, ce qui permet d’affirmer qu’il appartenait à la gens Aelia par sa mère : les époux C. Iulius Aelius Theseus et Aelius Domitia Tertullina seraient des cousins. Aelia Domitia Severiana vécut à Barbesula, Bétique dans la seconde moitié du iie siècle ou début du iiie.
Iulia Persilla [242] était la fille de L. Antestius Persicus, duumvir et pontife perpétuel, et la sœur d’Antestius Avitianus. Elle vécut au début du iiie siècle à Emerita Augusta, en Lusitanie.
Varinia Serena [230] était la fille de Lic(inius) Serenianus, u(ir) c(larissimus), et de Varinia Flaccina [229], c(larissima) f(emina), et la petite-fille de C. Varinius Pietas, duumvir, flamine de la province de Bétique35. Pour marquer la lignée paternelle, elle hérita d’un cognomen issu de celui de son père. Varinia Serena décéda à l’époque sévérienne. Sa famille maternelle était originaire de la cité d’Ugultunia en Bétique.
Iulia Casiana [299] était la fille de Iulia D. f. Casiana [298], clarissima femina. Elle était aussi la sœur de Florica Sabina [297]. Elle vécut à Olisipo au début du iiie siècle. Étant donné les gentilices différents de deux sœurs, on peut penser à un remariage de leur mère ou, plutôt, à la transmission du gentilice maternel étant donné la condition de clarissime de leur mère.
22Outre sa rareté et son caractère privé, il nous faut émettre l’hypothèse que cette pratique onomastique pouvait aussi résulter de l’adoption des petits-enfants par leur grand-père maternel, comme le fit M. Licinius L. f. Quir. Celtiber, édile et duumvir d’Aeso, en Citérieure, père de Licinia M. f. Numantina [424]36 : à défaut de fils, il adopta l’un de ses petits-enfants, Fabius Licinianus, déjà orphelin de père, devenu ainsi M. Licinius Celtiber Fabius Licinianus.
23Parfois, même si le gentilice d’un enfant était celui du père, on donna à l’enfant (ici aux filles) le nomen de la mère comme surnom. En voici de nouveaux exemples classés par ordre chronologique :
Cornelia M. f. Prisca [98] était la mère de D. Cutius Balbinus M. Cornelius Potitus L. Attius Iunianus Romulus, IIIIuir uiarum curandarum, originaire d’Hispalis dans la première moitié du iie siècle.
Sempronia Fusca Vibia Anicilla [51] était la fille de C. Sempronius C. f. Gal. Sempronianus, deux fois duumvir et pontife perpétuel. Sa mère s’appelait très probablement Vibia Anicilla. Elle vécut à Aurgi, Bétique, au iie siècle.
Aelia Q. f. Licinia Valeriana [126] était la fille d’Aelius Prisus ; sa mère se nommait probablement Licinia Valeriana. Elle vécut à Italica dans la seconde moitié du iie siècle.
Sempronia M. f. Materna [392] était la mère de C. Caecil(ius) Iubatus Semp(ronius) Maternus qui vécut à Tarraco dans la seconde moitié du iie siècle.
24Les dames de cette courte liste possèdent une dénomination polynominale. Le snobisme social lié à l’étalage onomastique, initié par des familles sénatoriales, avait gagné les notables des provinces, particulièrement ceux de la péninsule Ibérique, surtout dès le milieu du iie siècle.
25Quand les inscriptions permettent de connaître plusieurs générations de la famille d’un notable hispanique, les éléments onomastiques qui relient les descendants aux grands-pères, parfois paternel, mais surtout maternel, apparaissent plus nettement encore. Le tableau suivant présente ainsi les noms des petits-enfants dont le cognomen est un dérivé du nomen de leur grand-père maternel.
Tableau n° 24. Réminiscences du gentilice maternel dans la dénomination des descendants
N° | Cité | Date | Grand-père maternel | Fille | Petits-enfants |
1 | Cisimbrium, Bétique | sous les Flaviens | C. Valerius C. f. Gal. Valerianus, duumvir et pontife perpétuel | Flavia Valeriana [86] | |
2 | Aeso, Citérieure | fin du ier et le début du iie s. | M. Licinius L. f. Quir. Celtiber | Licinia M. f. Numantina [424] | - Q. Fabius Q. f. Gal. Maternus, édile - M. Licinius Celtiber Fabius Licinianus, duumvir (il s’appelait Fabius Licinianus, avant d’être adopté par M. Licinius Celtiber, son grand-père maternel) |
3 | Saguntum, Citérieure | fin du ier ou du début du iie s. | (M. Sergius -) | Sergia M. f. Peregrina [579] | Antonia L. f. Sergilla [567] |
4 | Barcino, Citérieure | première moitié du iie s. | (Aemilius -) | Aemilia Furiana [445] | L. Pedanius Gal. Aemilianus, magistrat et prêtre local |
5 | Cartima, Bétique | iie s. | D. Iunius Gal.Melinus | Iunia D. f. Rustica [71] | C. Fabius Iunianus |
6 | Iluro, Bétique | iie s. | (Vibius -) | Vibia Lucana [117] | C. Fabius Vibianus |
7 | Pollentia, Citérieure | seconde moitié du iie s. | (Manlius -) | Manlia Fabiana [554] | Vibius Manlianus |
8 | Barcino, Citérieure | seconde moitié du iie s. | L. Numisius Atticus | Numisia Perpernia [471] | L. Fulvius L. f. Quir. Numisianus |
26Ces données permettent d’avancer l’hypothèse suivante : dans les milieux aisés, les cognomina dérivés de gentilices, outre une éventuelle marque d’adoption, constituaient surtout un rappel identitaire du nom d’un ancêtre proche, en général du côté maternel, normalement absent dans l’héritage direct du nomen.
Le cognomen de la mère
27L’héritage des cognomen constituait une autre marque onomastique du lien entre mère et enfants, comme le prouvent les tableaux suivants.
Tableau n° 25. Transmission du cognomen de la mère (ou du grand-père) à ses fils
N° | Cité | Date | Grand-père maternel | Mère | Fils |
1 | Cartima, Bétique | sous Claude | [-] Mel[in]a [72] | D. Iunius Gal(eria) Melinus, le premier chevalier de la cité | |
2 | Tarraco, Citérieure | fin du ier ou iie s. | Assalica L. f. Avita [318] | M. Cornelius M. f. Gal. Avitus | |
3 | Aquae Calidae, Citérieure | iie s. | Porcia Proba [433] | L. Aemilius L. fil. Quir. Probus, édile, duumvir | |
4 | Barbesula, Bétique | iie s. | Cervia Mau[ra] [56] | C. Cretius Mau[rus] | |
5 | Callet, Bétique | iie s. | Lucia P. f. Avircia Aciliana [61] | M. Aemilius Afer Acilianus | |
6 | Castulo, Citérieure | iie s. | Cornelia C. f. Marullina [500] | L. Cornelius Marullus | |
7 | Valentia, Citérieure | sous Trajan | C. Iulius C. f. Gal. Niger, édile et décurion | Iulia C. f. Maxima [606] | - L. Antonius L. f. Gal. Niger - L. Antonius L. f. Gal. Crescens, édile, duumvir, flamine |
8 | Pollentia, Citérieure | seconde moitié du iie s. | L. Flavius Paulinus | Flavia Paulina [553] | - Flavius Paulinus - Flavius Macrinus |
9 | Aeso, Citérieure | seconde moitié du iie s. | Maria Calpurnia [425] | P. Marius Mariani filius Calpurnianus | |
10 | Hispalis, Bétique | iie s. ou début du iiie | Claudia Ti. f. Sabina [97] | Q. Pomponius Clemens Serg. Sabinianus, édile, duumvir, pontife et augure, |
Tableau n° 26. Transmission du cognomen de la mère à ses filles
N° | Cité | Date | Mère | Fille(s) | Petit-fils |
1 | Tarraco, Citérieure | début du iie s. | Cornelia L. f. Avita [337] | Assalica L. f. Avita [318] | M. Cornelius M. f. Gal. Avitus |
2 | Barcino, Citérieure | première moitié du iie s. | Cornelia Secunda [462] | Cornelia L. f. Secundina [463] | |
3 | Castulo, Citérieure | première moitié du iie s. | Iunia M. f. Severina [504] | Cornelia P. f. Severa [501] | |
4 | Tucci, Bétique | première moitié du iie s. | Manlia P. f. Paetina [221] | Valeria C. f. Paetina [222], prêtresse de Cordoue, flaminique de Tucci et prêtresse ou flaminique de Castulo | |
5 | Singilia Barba, Bétique | 131-170 | Cornelia Blanda [205] | Cornelia Blandina [206] | |
6 | Ostur, Bétique | seconde moitié du iie s. | Fabia M. f. Prisca [182] | Rantulana Priscilla [183] |
28Ces données onomastiques prouvent l’attachement social à la lignée maternelle dans certaines familles. En effet, les noms étudiés agissaient comme marqueurs d’appartenance à un groupe de parenté féminin. Ils manifestaient le prestige d’un grand-père particulièrement honorable, notamment dans le cas d’héritiers mâles. Cependant, ces données restent minoritaires par rapport à celles qui concernaient la transmission onomastique via la lignée masculine : en effet, le cognomen des enfants était principalement lié à celui du père.
Le remariage des femmes
29Pour comprendre l’importance de la lignée féminine dans les unions, il faut aussi s’intéresser aux remariages des veuves37. Rappelons qu’elles avaient, pour la plupart, déjà hérité de leurs parents, mais aussi de leur époux, dont elles administraient la totalité du patrimoine au nom de leurs enfants. Elles représentaient souvent de bons partis, même pour les hommes riches, car ils augmentaient ainsi leur patrimoine. Cependant, selon le code de bonne conduite, les secondes noces ne donnaient guère lieu à se réjouir, d’autant plus qu’elles étaient rarement à l’origine d’une descendance, assurée par ailleurs. Ces unions étaient souvent guidées par l’amour dans le cas de l’un des contractants ! Néanmoins, les remariages n’avaient pas bonne réputation et l’appât du gain était souvent invoqué pour définir l’intérêt du fiancé envers la promise, comme ce fut le cas d’Apulée après son mariage avec Pudentilla, la mère de son ami Pontianus38. C’est pourquoi les secondes noces, et à plus forte raison celles des femmes39, n’étaient pas renseignées explicitement dans les inscriptions.
30Dans la péninsule Ibérique, on peut évoquer un exemple significatif, connu grâce au témoignage de Pline dans ses lettres40 : mère de Voconius Romanus, dont l’identité restera toujours secrète41, veuve d’un chevalier, C. Voconius C. f. [-], et de noble naissance, cette dame épousa en secondes noces un homme plus important encore, peut-être procurateur ou sénateur, C. Licinius Marinus, qui adopta son fils, C. Voconius Romanus, devenu C. Licinius Marinus Voconius Romanus. Elle légua à son fils quatre millions de sesterces, en grande partie sous forme de propriétés agricoles, pour qu’il puisse espérer entrer dans l’ordre sénatorial.
31Dans les inscriptions, les remariages ne peuvent être que déduits à partir des éléments onomastiques : la différence de gentilices entre les enfants d’une même fratrie ou encore entre les nomina des descendants et de l’époux.
32Les exemples connus ont été répertoriés, par ordre chronologique, dans les lignes qui suivent :
[---]a Sex. f. Sexta [484] était la sœur de [---]us Q. f. Gal. Secundus, édile, duumvir, flamine. La cassure du support empêche de connaître les gentilices des enfants, qui devaient être différents, car Sexta et son frère n’avaient pas le même père. Ils sont attestés à Barcino dans la seconde moitié du ier siècle.
Il convient de mentionner à nouveau la dame de Sagonte [585] qui épousa en premières noces C. Voconius [-], magistrat municipal et chevalier, puis C. Licinius Marinus. Son fils, Voconius Romanus, issu de son premier mariage, fut adopté par son second mari et prit le nom de C. Licinius Marinus Voconius Romanus. Elle vécut à la fin du ier siècle et au début du iie. Elle était originaire de Sagonte.
Herennia C. f. Optata [467] épousa en premières noces un homme dont elle eut un fils, M. Aemilius L. fil. Gal. Optatus. Elle se maria ensuite avec un parent proche, dénommé M. Her[ennius] C. f. Severus, édile, duumvir et flamine d’Auguste. Elle vécut à Barcino dans la première moitié du iie siècle.
Cornelia Aciliana [336] épousa en premières noces un certain Florius, qui lui donna un fils, Florius Vegetus, flamine de la province d’Hispanie citérieure. Elle se remaria avec Plautius Plautianus, praefectus equitum. Elle est attestée à Tarraco au iie siècle.
Aemilia Lucilla [34] était la mère de Sergius Rufinus et de Q. Traius Q. Trai Areiani fil. Quir. Areianus, honoré par la cité d’Arua. Elle fut mariée en premières noces avec Sergius [-] et en secondes avec Q. Traius Areianus. Elle vécut à Arua au iie siècle.
Sempronia M. f. Materna [392] était la mère de C. Caecil(ius) Iubatus Semp(ronius) Maternus, né d’un premier lit. Elle épousa ensuite L. Pomponius Avitus. Elle vécut à Tarraco dans la seconde moitié du iie siècle.
Caecilia Galla [326] était la mère d’Herennia Aphroditè [357] et de M. Granius Probus, décurion, pontife et édile de Tarraco. Mariée en premières noces avec un Herenius, Caecilia Galla épousa ensuite un Granius. Les inscriptions datent du début du iiie siècle.
33Force est de constater que cette liste, bien qu’intéressante, est brève et issue de données indirectes, ce qui confirme le caractère peu reluisant du remariage. Toujours passé sous silence dans les textes épigraphiques, il est donc impossible de mesurer son ampleur et, par conséquent, de comprendre son importance réelle. Ces exemples montrent toutefois que par le biais d’un remariage, les veuves cherchaient à assurer leur position dans la sphère sociale tout en protégeant l’avenir de leurs enfants, comme l’illustre la vie d’une femme de Barcino, probablement à la santé fragile, qui épousa en secondes noces un parent proche, M. Her[ennius] C. f. Severus, qui s’occupa de son fils après sa mort.
Le mariage entre notables de cités différentes
34La quatrième pratique attestée dans les mariages des dames de l’élite hispanique concerne les couples dont les époux n’étaient pas nés dans la même cité. Si les unions matrimoniales attestées montrent une forte endogamie géographique, on constate qu’un certain nombre de mariages dépassèrent les limites de la ciuitas. On les étudiera ici à partir de la documentation féminine.
35Les données les plus abondantes sont issues de l’épigraphie de Tarraco, important pôle d’attraction de flux migratoire42, étant donné son rôle de capitale de la Citérieure. Les notables arrivaient de toutes les cités de la province pour élire domicile fixe ou temporaire près des gens considérés comme distingués et influents, et près des cercles de la bonne société formés autour du gouverneur et du flamine provincial. Pensons, par exemple à C. Valerius Avitus, duumvir déplacé du municipe d’Augustobriga à la colonie de Tarraco par Antonin le Pieux, qui arriva avec sa mère, Valeria Firmina [401], et dont on connaît l’épouse, [-] Faustina [352]. On peut imaginer que, comme ce magistrat du Nord-Ouest, ces notables arrivaient en famille, avec femmes et enfants (voir leur mère !). Cela fut le cas d’Atilia Valeriana [320], et de son époux, le chevalier M. Fabius M. f. Gal. Paulinus, tous les deux originaires d’Ilerda, installés à Tarraco sous le règne de l’empereur Hadrien, avec leurs affranchis dont Atilia Alcyonè [319] et Atilius Onesimus. Il n’est pas dans notre propos de refaire ici le dossier sur l’émigration à Tarraco, mais partant de ce constat préalable, il nous est permis de montrer qu’une fois arrivés dans la capitale, les notables trouvèrent parfois épouse parmi les jeunes filles en vue ou ils purent marier leurs enfants avec ceux d’autres familles de prestige, de Tarraco ou d’ailleurs. Les données sur ces mariages sont résumées dans le tableau suivant :
Tableau n° 27. Couples attestés à Tarraco dont l’un des conjoints (ou les deux) naquit dans une autre cité43
N° | Épouse | Cité d’origine | Époux | Cité d’origine | Datation |
1 | Aemilia Kara [314] | Tarraco | L. Cornelius C. f. Gal. Romanus, duumvir d’Osicerda, sa cité natale, et de Tarraco | Osicerda | fin du ier siècle et le milieu du iie s. |
2 | Iulia Sex(ti) filia Reburrina [361] | probablement une cité du Nord-Ouest | P. Fabius Ser. [-] | inconnue | fin du ier siècle et le milieu du iie s. |
3 | Fab[ia Le]pida [348] (fille de la précédente) | Tarraco | [---]rcianus, adlectus inter quinquennales, juge de cinq décuries | inconnue | fin du ier siècle et le milieu du iie s. |
4 | Porcia M. f. Materna [381], flaminique provinciale | Osicerda | L. Numisius Montanus, magistrat de la colonie, flamine de la province, admis au rang des chevaliers par l’empereur Hadrien et juge de la Ière décurie | Tarraco | entre 120 et 140 |
5 | Lucretia Montana [368] | possiblement Tarraco | C. Marius C. f. Gal. Nigrinus, flamine provincial | Auso | première moitié du iie s. |
6 | Didia Amabilis [343] | Tarraco | Q. Anthracius Q. f. Velina Ingenuus, agrégé à l’ordo de Tarraco, ensuite édile et duumvir | Palma ou Pollentia | iie s. |
7 | Paetinia Paterna Paterni fil. [373], flaminique provinciale | Amoca | L. Antonius Paterni fil. Quir. Modestus | Intercatia | milieu du iie s. |
8 | Val(eria) G. f. V. Fidi fil. Fida [400] | Segobriga | L. Caecilius Porcianus, probablement la même personne qui, originaire d’Afrique, fut agrégée parmi les citoyens de Tarraco et, ensuite, élu décurion, édile et duumvir | africain | milieu du iie s. |
9 | Sempronia M. f. Materna [392] | Tarraco | T. Pomponius T. f. An. Avitus, flamine provincial | Caesaraugusta | entre le milieu et la seconde moitié du iie s. |
10 | Aurelia Marcellina [321], flaminique de la province | originaire du conventus de Clunia | L[i]cinius [Spar]sus, flamine de la province | peut-être originaire d’Asturica Augusta | seconde moitié du iie et au début du iiie s. |
11 | Antonia Frontonia [316] | Tarraco | Aemilius Valerius, Chorintus, édile de Tarraco | peut-être de Corinthe | fin du iie ou au début du iiie s. |
12 | Baebia Vrsina [324] | Ilerda | Sul(picius) Primitivus, sévir | Tarraco | fin du iie ou au début du iiie s. |
36Les données du tableau concernent tout d’abord des couples des flamines provinciaux (n° 4, 7 et 10), issus de villes différentes44. Mais on y trouve également des membres de l’ordo de Tarraco dont la famille était originaire d’une autre cité et dont l’épouse était souvent native de la capitale de la Citérieure (n° 1, 3, 6, 9 et 11)45. D’autres mariages intracommunautaires y sont attestés ; les notables de toute la province et même d’autres parties de l’empire, arrivaient pour profiter des avantages de la capitale (n° 6, 8 et 11). Un dossier particulièrement fourni montre que les mariages intracommunautaires pouvaient se produire pendant plusieurs générations dans ces familles venues d’ailleurs. Ainsi, Iulia Sex. filia Reburrina [361], probablement native d’une ville du Nord-Ouest étant donné son cognomen46 et la forme de sa filiation avec le mot filia en toutes lettres, épousa à Tarraco un notable extérieur, car il était inscrit dans la tribu Sergia. Leur petite fille, Fab[ia Lep]ida [348], épousa, elle aussi, un étranger, [---]cianus, admis parmi les quinquennales de la capitale hispanique.
37Les données suivantes dépassent le cadre de Tarraco et concernent le mariage entre notables de villes voisines les unes des autres. Une fois qu’un mariage avait eu lieu, les liens entre les habitants des deux cités étaient encore plus forts et leurs déplacements plus fréquents. Dans la Citérieure, une zone semble avoir été particulièrement propice à ce type de voyages et de mariages : il s’agit de cités de la côte méditerranéenne, tout particulièrement Barcelone, Valence, Saetabis et Sagonte47. Par ailleurs, ces villes attiraient des habitants de l’intérieur des terres et entretenaient d’importantes relations entre elles et avec les cités proches de la Meseta sud, comme le met en lumière le tableau qui suit :
Tableau n° 28. Les mariages entre notables des cités de la côte méditerranéenne
N° | Épouse | Cité d’origine | Époux | Cité d’origine | Datation |
1 | Manlia L. f. Silana [600], flaminique de Tugia et de la province d’Hispanie citérieure | Tugia | L. Postumius Q. f. Serg. Fabullus, duumvir de Salaria, officier équestre et flamine de la province d’Hispanie citérieure | Salaria | 70 et 90 p.C. |
2 | Fabia Marcellina [571] | Saguntum | C. Cornelius Maximus, édile et duumvir | Valentia | seconde moitié du ier s. |
3 | [--- M]ontana [470] | Barcino | [---] M. f. Anien. [---], édile et duumvir | Caesaraugusta | fin du ier s. |
4 | Postumia Philippida [577] | Saguntum | D. Cornelius [---] | Celsa | fin du ier ou au début du iie s. |
5 | Fabia L. f. Fabulla [561] | Saetabis | P. Licinius [---] | Laminium | première moitié du iie s. |
6 | Vibia Liviana [492] | Barcino | C. Marius L. fil. An. Aemilianus, trois fois duumvir, flamine de Rome et des Augustes divinisés, juge sélectionné des cinq décuries | Caesaraugusta | deuxième quart du iie s. |
38Un troisième type de relations a été mis en évidence par E. Melchor : les notables de Bétique, notamment ceux qui appartenaient aux grandes familles de rang sénatorial ou équestre, prenaient fréquemment épouse dans une cité voisine.
Tableau n° 29. Les mariages entre notables de cités différentes en Bétique
N° | Épouse | Cité d’origine | Époux | Cité d’origine | Datation |
1 | Helvia [231] | Urgauo | L. Annaeus Seneca, chevalier | Cordoue | première moitié du ier s. |
2 | Domitia Paulina [95] | Gades | P. Aelius Hadrianus Afer, sénateur | Italica | seconde moitié du ier s. |
3 | Etrilia Afra [106] | Tucci | Valerius Vegetus, sénateur | Iliberri | avant 91 ou en 112 |
4 | Cutia Prisca [99] | Hispalis | M. Messius [.] f. Gal. Rusticus Aemilius Papus, sénateur | Siarum | première moitié du iie s. |
39La liste des mariages entre notables de villes différentes se termine par un exemple de Lusitanie : une femme peut-être originaire de la cité de Capera, en Lusitanie, Trebia Procula [268], se maria avec un notable de la colonie de Norba. Leur fille, Cocceia Celsi fil. Severa [185], épousa un homme important de Regina, cité de la Bétique proche de la frontière avec la Lusitanie.
40Ces unions purent s’établir grâce aux cercles de relations tissées lors des déplacements fréquents de certains notables hispaniques, surtout les plus importants. Ces changements momentanés ou définitifs de domicile furent provoqués pour des raisons politiques et économiques. Les voyages les plus évidents sont ceux des aristocrates vers la capitale provinciale, étudiés par R. Étienne et G. Fabre48 pour Tarraco et E. Melchor pour Corduba49. Au contact des personnes influentes et du pouvoir des représentants de l’État dans la province, les notables des cités provinciales pouvaient oser espérer faire progresser leur carrière plus rapidement et efficacement ; certains parvenaient ainsi à être agrégés à l’ordo equester et parfois à l’ordo senatorius par l’empereur. Le poste de flamine et de flaminique de la province était aussi très prisé. Cependant, comme l’a montré E. Melchor, certains déplacements d’élites étaient motivés par des intérêts économiques50 : il était fréquent, en raison d’un héritage, qu’une même famille possédât des domaines sur le territoire de différentes cités, ce qui l’obligeait à se déplacer de l’une à l’autre. Cela explique que les membres de l’aristocratie hispanique soient à l’occasion adlecti à plusieurs ordines locaux, que les femmes occupent des prêtrises dans plus d’une ciuitas et que les uns ou les autres soient honorés dans plusieurs cités. Des raisons d’agrément poussaient aussi à voyager, comme la prise des eaux dans une station thermale, telle que les Aquae Calidae, où les notables tarraconais aimaient à se reposer et à se côtoyer51.
41À l’intérieur de chaque province, tous ces déplacements permettaient à une partie de l’aristocratie, notamment la plus élevée et la plus riche (les sénateurs de Bétique y sont bien représentés, même si leur domicile se trouvait à Rome), de faire connaissance. Les notables, accompagnés de leur famille, se rencontraient dans différents endroits et à l’occasion de diverses manifestations sociales. Avec eux voyageaient leurs affranchis qui, désireux d’améliorer leur avenir et de se distinguer, formaient une sorte de seconde élite, dont les migrations se reflètent également dans les inscriptions. Tous ces mariages, divers mais relativement nombreux malgré le laconisme des textes épigraphiques, mettent en lumière l’existence de cercles que la très bonne société provinciale fréquentait au rythme des activités politiques et religieuses annuelles. On peut parler d’une certaine provincialisation des relations des hauts aristocrates locaux.
42L’expression publique d’un couple uni
43À l’image de l’empereur, un homme de bien, digne de servir sa cité et l’Empire, était un homme marié, prêt à donner de nouveaux citoyens à Rome. Dès le règne d’Auguste, la manifestation de la moralité exigée par l’exercice d’une charge publique nécessitait la présence de l’épouse aux côtés de son honorable mari dans la sphère locale. Ce type de représentation, on l’a déjà montré, impliquait l’acceptation des codes de conduite publique selon lesquels chaque épouse devait ressembler à la parfaite matrona romaine. Aussi participait-elle à la réussite de la carrière politique de son époux, au moyen des biens qu’elle apportait au ménage, de sa dot52 et de ses divers héritages53. Ensuite, comme le mettent en exergue les sources littéraires, elle s’occupait de la maison et de la bonne gestion des biens54. Néanmoins, dans la description des matronae idéales, des perfectissimae feminae, les textes ne font guère mention de leur rôle de représentation sociale, car il allait à l’encontre de la modestie et du plein dévouement à leur foyer attendus des meilleures des femmes, à l’instar d’Helvie, la tante de Sénèque qui entoura son époux d’amour et de discrétion55. En revanche, les inscriptions permettent d’aller au-delà de ce cliché et de montrer que certaines dames, poussées par le prestige de leur gens et bien mariées, assumèrent une présence publique soutenue. En effet, les meilleures épouses partagèrent avec leur mari la splendeur sociale, qui se manifestait par leur présence dans la sphère publique avec leurs portraits et leurs noms figurant dans les inscriptions. Il s’agit à présent de déterminer la nature et les particularités de ce prestige. Pour ce faire, il est nécessaire de revenir sur les textes où les uxores sont mentionnées. Nous n’analyserons pas ici les épitaphes, dont les principales conclusions ont été exposées dans les pages précédentes, ni les donations évergétiques, qui seront traitées globalement plus tard56. Le rôle et, par conséquent, le statut et le prestige des femmes mariées apparaissent dans les hommages qui présentaient leur identité à la communauté. Leur analyse fait l’objet des lignes suivantes.
Les hommages entre les époux
L’uxor honore son époux57 (fig. 1)
44Dans les cités hispaniques du Haut-Empire, une femme mariée se devait d’honorer son époux. Cet hommage prenait fréquemment la forme d’une statue sur piédestal élevée in loco publico. Les exemples conservés de cette pratique sont listés dans le tableau suivant, ordonné de manière chronologique.
Tableau n° 30. L’uxor honore son mari58
N° | Datation | Ciuitas | Épouse et dédicante | Époux et dédicataire | Autres |
1 | sous Auguste ou Tibère | Ossigi Latonium, Bétique | Cornelia L. f. [175] | [.] Cornelius C. f. [Ga]l. Vetulus, duumvir, premier pontifice de César | |
2 | sous Tibère | Astigi, Bétique | Arria [36] | L. Caninius L. f. Pap. Pomptinus, centurion de la II légion (Pansiana), augur et duumvir | |
3 | sous les Flaviens | Cartima, Bétique | Iunia D. f. Rustica [71], première prêtresse perpétuelle | C. Fabius Fabianus | dévolution des frais de l’hommage public |
4 | 98 | Mellaria, Bétique | [---] Venusta [152] | C. Sempronius Speratus, flamine des empereurs de la province de Bétique | idem |
5 | fin ier, ou début du iie s. | Tarraco, Citérieure | Aemilia Kara [314] | L. Cornelius C. f. Gal. Romanus, flamine, duumvir d’Osicerda, sa cité, et de Tarraco | |
6 | fin ier, ou début du iie s. | Castulo, Citérieure | Cornelia L. f. Verecundina [502] | C. Cornelius C. f. Gal. Valentinus, duumvir, flamine de Rome et Auguste | disposition testamentaire |
7 | fin ier, ou début du iie s. | Urgauo, Bétique | Helvia Procula [233] | M. Helvius Varus, augustal perpétuel | remboursement des frais de l’hommage public |
8 | fin ier, ou début du iie s. | Tarraco, Citérieure | Pompeia Donacè [375] | L. Cornelius C. f. Gal. Celsus, magistrat local et préfet de la Ière et IIe cohorte du littoral | |
9 | première moitié du iie s. (sous Trajan ?) | Barcino, Citérieure | Acilia Arethusa [443] | L. Pedanius L. l. Epictetus, sévir augustal | galerie de portraits |
10 | première moitié du iie s. | Aeso, Citérieure | Atilia L. fil. Vera [419] | L. Aemilius L. fil. Gal. Paternus, centurion et primipile | |
11 | première moitié du iie s. | Castulo, Citérieure | Cornelia P. f. Severa [501] | M. Iunius C. f. Gal. Paternus, magistrat | galerie de portraits |
12 | première moitié du iie s. | Tarraco, Citérieure | Fulvia M. f. Celera [353] | Vibius Latro, magistrat, chevalier et flamine provincial | galerie de portraits |
13 | première moitié du iie s. | Saguntum, Citérieure | Popillia Avita [574] | P. Baebius L. f. Gal. Maximus Iulianus, édile et flamine | disposition testamentaire du père |
14 | première moitié du iie s. | Barcino, Citérieure | [Turpi ?]lia [---]id[---] [486] | Cn. Turpilius Dius, sévir augustal | galerie de portraits LDDD |
15 | seconde quart du iie s. | Barcino, Citérieure | Vibia Liviana [492] | C. Marius L. fil. An. Aemilianus, trois fois duumvir, flamine de Rome et d’Auguste, juge des 5 décuries | LDDD |
16 | sous Hadrien | Labitolosa, Citérieure | Cornelia Neilla [541] | M. Clodius M. f. Gal. Flaccus, magistrat, juge de 5 décuries, chevalier | disposition testamentaire |
17 | deuxième quart ou milieu du iie s. | Barcino, Citérieure | Valeria Halinè [488] | C. Trocina C. lib. Synecdomus, sévir augustal | |
18 | iie s. | Dianium, Citérieure | Aemilia Scintilla [513] | Sex. Terentius Lemnaeus | avec son fils, galerie de portraits |
19 | iie s. | Tarraco, Citérieure | Didia Amabilis [343] | Q. Anthracius Q. f. Velina Ingenuus, agrégé à l’ordo et après édile et duumvir | |
20 | iie s. | Tarraco, Citérieure | Pomp(eia ?) Verecunda [377] | Sex. Pompeius Sedatinus, d’Aquae Tarbelli, sévir augustal et décurion des Lares de la colonie | probablement sur un emplacement attribué par les décurions |
21 | iie s. | Alcoléa del Río, nomen ignotum, Bétique | Iulia Tu[sci]la [26] | C. Manilius Flaccinus | disposition testamentaire |
22 | iie s. | Italica, Bétique | [Iu]nia L. f. Lucilla [140] | L. [Semp]ronius Qui. I[---]anus, magistrat | |
23 | iie s. | Villajoyosa, nomen ignotum, Citérieure | Manlia Chrysis [613] | C. Manlius Q. f. Quir. Celsinus, magistrat et flamine | |
24 | milieu du iie s. | Corduba, Bétique
| Aelia Flaviana [4] | Iulius M. f. Q. nep. Gal. Gallus Mummianus, tribun militaire de la cohorte du littoral, duumvir de Corduba et flamine de la province de la Bétique | |
25 | milieu du iie s. | Egara, Citérieure | Grania Anthusa [530] | Q. Granius Q. fil. Gal. Optatus, duumvir et tribun militaire | LDDD |
26 | milieu du iie s. | Ilerda, Citérieure | Porcia P. f. Nigrina [536] | C. Licinius C. f. Gal. Saturninus, magistrat et flamine | |
27 | milieu du iie s. | Tarraco, Citérieure | Valeria Silvana [402] | L. Valerius Tempestivus | disposition testamentaire de l’homme honoré. Elle agit avec les autres membres de sa famille |
28 | seconde moitié du iie s. | Dianium, Citérieure | Aemilia L. f. Severina [514] | Cornelius Q. f. Gal. Placidus, magistrat local | |
29 | seconde moitié du iie s. | Gerunda, Citérieure | Iulia C. f. Marcia [532] | L. Plotius L. f. Gal. Asprenas, édile, duumvir, flamine, tribun militaire | |
30 | seconde moitié du iie s. | Ilerda, Citérieure | Licinia L. f. Nigrina [534] | M. Cornelius L. f. Gal. Arrianus, magistrat et flamine | |
31 | seconde moitié du iie s. | Edeta, Citérieure | Licinia L. f. Celerina [522] | L. Caecilius L. f. Gal. Cassianus, magistrat local | disposition testamentaire de son fils |
32 | seconde moitié du iie s. | Pollentia, Citérieure | Manlia Fabiana [554] | L. Vibius L. f. Vel. Nigellio, magistrat local | LDDD |
33 | seconde moitié du iie s. | Tarraco, Citérieure | Sempronia M. f. Materna [392] | L. Pomponius Avitus, prêtre provincial | galerie de portraits |
34 | seconde moitié du iie s. ou début du iiie s. | Tarraco, Citérieure | Sutoria Surilla [397] | M. Fulvius Musaeus, sévir augustal | galerie de portraits |
35 | 171-200 | Singilia Barba, Bétique | Acilia Plecusa [199] | Mn. Acilius Quir. Fronto, préfet des ouvriers | galerie de portraits |
36 | début du iiie s. | Barcino, Citérieure | Sergia Fulvianilla [483] | G. Iulius G. f. Gal. Paulinus, magistrat | LDDD |
45Les premières conclusions qui se dégagent du tableau sont d’ordre chrono-géographique : les hommages des épouses à leur mari surgissent dans les paysages urbains à l’époque julio-claudienne, alors que démarre au même moment l’autoreprésentation des notables dans les cités les plus romanisées. Deux documents sont datés du début de l’Empire (n° 1 et 2), deux autres de l’époque flavienne (n° 3 et 4) ; tous les quatre découverts en Bétique. Le nombre de documents de la fin du ier, mais surtout du iie siècle est très important (n° 5 à 34). Ils disparaissent toutefois à la fin de l’époque sévérienne (avec deux exemples, n° 35 et 36). Si les premiers exemples sont issus de la Bétique, les plus abondants proviennent de la Citérieure, et tout particulièrement des villes méditerranéennes. Le hasard est à l’origine de l’absence des données au Sud de la Lusitanie. Phénomène urbain par excellence, les hommages des uxores ne sont pas attestés dans les cités du centre et du nord de la Péninsule.
46Le deuxième bloc de conclusions concerne la personnalité de l’époux honoré : la dénomination du mari était accompagnée de l’énumération de ses postes politiques dans 85 % des hommages. On y découvre surtout des membres de l’ordo local (n° 1-2 ; 5-6 ; 8 ; 11-13 ; 15-16 ; 19 ; 23-26; 28-31 ; 36) dont certains purent occuper le flaminat provincial (4 ; 12 ; 24 ; 33) et /ou être agrégé à l’ordre équestre (8 ; 12 ; 16 ; 24-25 ; 29 ; 35). Les sévirs et les augustales sont également attestés, bien que les hommages soient moins nombreux (7 ; 9 ; 14 ; 17 ; 34). La présence presque systématique de l’expression des honneurs publics dans ces textes permet d’affirmer que les épouses n’honorèrent leur mari ni par amour conjugal ni par désespoir face au deuil. Elles s’y soumirent parce qu’elles étaient moralement et socialement obligées : les meilleures épouses avaient des devoirs sociaux à accomplir, parmi lesquels celui d’ériger la statue de leur époux, surtout s’il venait de mourir. Ainsi l’exigeaient les bonnes manières, d’autant plus qu’un époux était de surcroît le père des enfants qu’il fallait protéger59. La mémoire du maritus disparu prenait souvent la forme d’une galerie dynastique de portraits60 (voir n° 9, 11-12, 14, 18, 33-35)61.
47Les uxores honorèrent leur époux souvent à leur mort, dans un contexte post mortem déjà analysé dans le chapitre consacré aux inscriptions honorifiques en général62. Parfois, les épouses remboursaient les dépenses engagées par une cité pour honorer leur époux à titre posthume, souvent dans le cadre d’un funus publicum63 (n° 3-4 et 7)64. Ce phénomène, analysé par S. Dardaine, est surtout attesté en Bétique65. Les dames des cités concernées étaient poussées à engager leurs biens dans les hommages attribués à leurs maris, ce qui leur permettait, par la même occasion, d’inscrire leur nom dans les textes.
48Les hommages érigés par les épouses disparurent, comme les autres, après l’époque sévérienne à un rythme que l’on ignore66. On remarque cependant une évolution dans les formulaires des derniers textes honorifiques. Prenons, par exemple, l’un de Barcino daté du iiie siècle : G(aio) Iul(io) G(aii) f(ilio) Gal(eria) / Paulino, / Barc(inonensi), / omnib(us) honorib(us) / in re p(ublica) sua per/functo, / marito optimo, / benignissimo, / rarissimo, / Sergia Ful/uianilla ; / l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum). Maintes fois reproduite à Barcino, l’expression de la permission décurionale est inscrite. Sur l’emplacement qui lui fut attribué, Sergia Fulvianilla [483] honora son époux G. Iulius Paulinus, un magistrat local. Sa carrière n’est pas détaillée, comme dans les inscriptions plus anciennes, mais résumée. En revanche, les épithètes qui soulignent les liens affectifs entre les époux prennent une place considérable dans le texte. Ils reflètent l’importance sociale acquise à cette époque par la famille, devenue un atout de premier ordre67. À leur tour, les époux honorèrent leurs épouses68.
L’époux honore son épouse
Tableau n° 31.
N° | Date | Ciuitas | Dédicant | Dame honorée | Autres |
1 | sous les Flaviens | Capera, Lusitanie | M. Fidius Macer, magistrat de la ville stipendiaire et duumvir du municipe flavien, préfet des ouvriers | Iulia Luperci f. Luperca [267] | galerie de portraits |
2 | fin du ier ou début du iie s. | Igaedis, Lusitanie | L. Iulius Quir. Modestus | Iulia Varilla Celeris f. [285] | |
3 | fin du ier ou iie s. | Valentia, Citérieure | M. Antonius Avitus | Sertoria Q. f. Maxima [610] | galerie de portraits |
4 | première moitié du iie s. | Barb(otum), Citérieure | L. Valerius L. fil. Gal. Maternus | Aemilia Placida [441] | disposition testamentaire de son époux, galerie de portraits |
5 | première moitié du iie s. | Barcino, Citérieure | L. Clodius Hyginus | Clodia Pephilemenè [453] | LDDD |
6 | première moitié du iie s. | Teba del Condado, nomen ignotum, Bétique | L. Fabius L. f. Gal. Fabianus | Cordia L. f. Sergiana [211] | galerie de portraits |
7 | première moitié du iie s. | Barcino, Citérieure | L. Valerius Rufus | Cornelia L. f. Secundina [463] | le dédicant honore son épouse avec leur fille LDDD |
8 | sous Trajan ou Hadrien | Singilia Barba, Bétique | L. Iunius Nothus, sévir perpétuel | Rutilia Fructuosa [209] | galerie de portraits ? |
9 | entre 120 et 140 | Tarraco, Citérieure | L. Numisius Montanus, magistrat de la colonie, flamine de la province, juge de 5 décuries et chevalier | Porcia M. f. Materna [381], flaminique de la province, d’Osicerda, Caesaraugusta et Tarraco, | galerie de portraits |
10 | iie s. (sous Hadrien ?) | Naeua, Bétique | L. Aelius Quir. Aelianus, magistrat | Egnatia M. f. Lupercilla [161] | galerie de portraits |
11 | iie s. | Dianium, Citérieure | M. Sempronius [Fi]dus | Calpurnia Marcella [515] | |
12 | iie s. | Singilia Barba, Bétique | [. I]unius Nothus Corn(elianus) [Q]uietinus | [L]ollia L. f. [M]arciana [208] | remboursement des frais publics |
13 | milieu du iie s. | Tarraco, Citérieure | L. Antonius Paterni fil. Quir. Modestus, d’Intercatia, magistrat local et prêtre des Augustes, flamine provincial | Paetinia Paterna Paterni [373] fil., d’Amoca, flaminique provinciale | galerie de portraits |
14 | milieu et seconde moitié du iie s. | Tarraco, Citérieure | C. Caecilius Augustalis | Raecia Irenè [385] | galerie de portraits |
15 | seconde moitié du iie s. | Italica, Bétique | Laberius Firmanus | Aelia Q. f. Licinia Valeriana [126] | remboursement des frais publics |
16 | seconde moitié du iie s. | Barcino, Citérieure | C. Aelius Cotta, magistrat | Antonia L. fil. Siloniana [448] | |
17 | seconde moitié du iie s. | Tarraco, Citérieure | C. Baebius Myrismus, sévir | Fabia Saturnina [351] | |
18 | seconde moitié du iie s. | Tarraco, Citérieure | Porc(ius) Longinus | Perpenia Eunois [374] | |
19 | seconde moitié du iie s. | Tarraco, Citérieure | Veti[li]us Aelianus | Sulpicia [---] Calagurritana [395] | |
20 | seconde moitié du iie s. | Aeso, Citérieure | [-] | Valeria P. Cor(neli ?) Valentis fil. Valentina [430] | |
21 | 180 | Tarraco, Citérieure | C. Cornelius Valens | Sempronia Fusci f. Placida [393], flaminique | consensu concili(i) p(rouinciae) H(ispaniae) c(iterioris) |
22 | fin du iie s. | Olisipo, Lusitanie | M. Gellius Rutilianus | [---]lia Vegeta [307], flaminique | |
23 | fin du iie ou début du iiie s. | Munigua, Bétique
| G. Licinius Victor Annianus | Aelia L. f. Procula [155] | remboursement des frais publics
|
24 | fin du iie ou début du iiie s. | Iliberri, Bétique | P. Valerius Lucanus | Cornelia L. f. Corneliana [104] | l(oco) d(ato) d(ecurionum) d(ecreto) |
25 | fin du iie ou début du iiie s. | Mentesa Bastitanorum, Bétique | L. Fabius Glycon | Valeria Fortunata [154] | accepto loco ab ordine {Me} Mentesano(rum) |
26 | fin du iie ou début du iiie s. | Murgi, Bétique | L. Pedanius Venustus | Porcia Maura [160] | q(ui) l(ocum) a(cceperunt) a r(e) [p(ublica)] |
27 | fin du iie ou début du iiie s. | Siarum, Bétique | T. Aelius Clodianus | Maecilia P. f. Herenniana [198] | galerie de portraits |
49À ces hommages, il faut ajouter les dédicaces à une divinité féminine in honorem et memoriam de l’épouse disparue69. Les spécialistes en iconographie s’accordent à dire que le visage de la déesse devait porter les traits de la dame70. On trouvera ci-dessous les piédestaux connus aujourd’hui :
Tableau n° 32. Les hommages in honorem et memoriam de l’épouse disparue.
N° | Cité | Datation | Divinité | Formule | Dedicant | Dédicataire |
1 | Celti, Bétique | iie s. | Venus Auguste | ex testamento | M. Annius Celtitanus | Aemilia Artemisia [84] |
2 | Tarraco, Citérieure | milieu du iie s. | Juno Auguste | in honorem et memoriam | L. Caecilius Epitynchanis | Caecilia Ianuaria [327] |
50C’est sans surprise que l’on constate que les hommages aux épouses sont moins nombreux qu’aux époux. Ils sont aussi plus tardifs, car ils n’apparaissent qu’à l’époque flavienne (n° 1 et 2, tableau n° 31). Mais la vraie question réside dans la raison des hommages aux épouses. Rappelons ce que Pline déclara au sujet des effigies des “meilleurs des hommes” : souvenirs pour l’éternité, elles devaient afficher dans la sphère publique les modèles de comportement incarnés par les meilleurs citoyens71. Sans rôle officiel, le seul cadre de cette explication ne peut suffire à justifier la présence des femmes dans leur contexte d’exposition, ce qui oblige à en trouver les raisons : comme les portraits des filiae, au moins la moitié des honneurs aux dames (numéros 1, 3-4, 8-10, 13-14 et 27) faisaient partie des galeries de portraits. Ils étaient réalisés pour renforcer le prestige des hommes honorés avec elles. Les statues sur piédestal des épouses romaines montraient à la cité qui les regardait que l’homme qu’elles avaient épousé, un homme public et donc politique, était, comme l’empereur, un bon époux et, par conséquent, un bon père de famille prêt à gérer la cité. Le caractère typifié des effigies des femmes72, fortes, mais pudiques, confortait cette apologie de la famille comme valeur politique et social à travers la représentation d’un couple uni. Leur splendeur publique avait pour but d’accompagner la réussite de l’époux.
51Cette importance politique du mariage se constate tout particulièrement dans le dossier des épouses de flamines provinciaux de la Citérieure. Selon G. Alföldy73, les piédestaux des flamines de la Citérieure érigés par la province étaient disposés chaque année dans l’area du temple du culte impérial provincial à Tarraco74. Au moins à partir du règne d’Hadrien, les statues des épouses des flamines, elles-mêmes flaminiques, parfois même celles de leurs filles, y furent également érigées75. Il est tentant de penser que ces effigies féminines étaient associées aux représentations masculines : le flamine et la flaminique étaient ainsi représentés en couple, parfois même avec leurs enfants76. On doit avec certitude à la province d’Hispanie citérieure deux hommages aux femmes des flamines : celui de Valeria Fida, de Segobriga [400], flaminique, épouse du flamine provincial L. Caecilius Porcianus77, et celui de Cornelia Aciliana [336], mère du flamine Florius Vegetus et épouse du chevalier Plautius Plautianus, qui furent honorées ex d(ecreto) p(rouinciae) H(ispaniae) c(iterioris). À la différence de G. Alföldy, nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que tous les autres hommages des flaminiques aient été offerts par la province d’Hispanie citérieure et cela, pour deux raisons. D’une part, certains monuments furent payés à leurs frais par les flamines à leurs épouses flaminiques, comme celui de Paetinia Paterna Paterni fil. [373], érigé par son mari, L. Antonius Modestus, avec la permission de la province (consent(iente) p(rouincia) H(ispania) c(iteriore), s(ua) p(ecunia) f(ecit) ou celui de Sempronia Placida [393], fait par son époux, C. Cornelius Valens, consensu concili(i) p(rouinciae) H(ispaniae) c(iterioris). D’autre part, à la différence des hommages masculins, les abréviations P.H.C. ne sont pas dupliquées dans les hommages aux flaminiques, ce qui signifie que la mention fait allusion au titre de prêtre du mari, même si la disposition de cette abréviation, au centre du champ épigraphique, cherche à imiter la signature de la province, jouant ainsi avec l’aspect symbolique de la mise en page. Le fait que la plupart de ces textes n’aient pas de dédicant n’est finalement pas si gênant : si la dénomination de la femme contient la mention du lien conjugal, la seule interprétation possible – sous peine de rendre la formulation incompréhensible – est que l’hommage féminin se trouvait à côté du monument masculin.
52Par conséquent, la documentation nous permet d’affirmer qu’en Hispanie citérieure, la province honora parfois les épouses, et même les mères de certains flamines, par une statue érigée au siège du conseil. Entraînés par ces prestigieux exemples, d’autres prêtres provinciaux voulurent également honorer leur épouse (parfois même leur fille ou leur fils) d’une statue élevée à côté de la leur, autour du temple du culte impérial de Tarraco, après en avoir demandé l’autorisation au conseil provincial. On doit toutefois penser que cette pratique ne devint jamais systématique.
L’imitatio honorifique des personnes enrichies
53Un hommage à la meilleure des épouses, dans un emplacement public à côté de celui de son époux, était donc devenu l’un des éléments clefs de la visibilité des élites dès la fin du ier siècle et tout au long du iie, l’un des marqueurs principaux de leur prestige. Si l’honneur social distinguait particulièrement la hiérarchie civique, avec les notabilités locales, les chevaliers et les sénateurs, une double hiérarchie se créa avec celle du monde servile. Bien structuré, il copie rapidement la dimension matérielle de la reconnaissance publique. En effet, les affranchis furent concernés par un nombre significatif d’hommages tant comme dédicants que comme bénéficiaires. Les femmes de leurs famille occupèrent une place significative dans ce processus, de manière semblable à celles de l’élite municipal, environ 15 % des hommages connus, surtout dans la Citérieure : voir dans le tableau 30, n° 9, 14, 17-18 et 34 et dans le tableau 31 n° 5, 8, 14, 17-18 et n° 25.
54Portons notre attention dans le premier tableau sur l’exemple d’Acilia Arethusa [443] qui érigea une statue sur piédestal tripartite à son époux, le sévir L. Pedanius L. l. Epictetus, qu’elle qualifie d’optimus. Probablement à titre posthume, cet hommage était sans aucun doute placé sur un lieu public, comme l’indique la formule LDDD78. Plus tard, à sa mort, Acilia Arethusa fut honorée par son fils, L. Pedanius Clemens, et son petit-fils (Pedanius) Clemens Minicianus. Les monuments du couple devaient se situer à proximité l’un de l’autre. Arethusa et Epictetus étaient des affranchis79 appartenant aux prestigieuses familles de Barcino, les Pedanii80 et les Acilii81. Le tableau n° 31 (n° 5) signale par ailleurs l’hommage que L. Clodius Hyginus érigea dans un lieu public de Barcino à son épouse et peut-être affranchie ou sa co-affranchie, Clodia Pephilemenè [453]. Compte tenu de son importance, il convient d’ ajouter la statue sur piédestal reçue à Singilia Barba par Rutilia Fructuosa [209] de son époux L. Iunius Nothus, sévir perpétuel qui reçut les plus grands honneurs que l’on puisse accorder à un affranchi. Ces exemples illustrent l’émulation des gens de peu, parfois très riches (la magnifique villa Arethusa et Epictetus est bien connue82) qui prétendait, de façon pompeuse, imiter la veille aristocratie.
Les époux honorent ensemble la mémoire de leurs enfants
55Les pratiques familiales qui entouraient l’expression du prestige des élites dans les cités romaines concernaient également les enfants. Le rôle des filles de famille a été analysé dans le chapitre précédent83. Il faut maintenant insister sur les devoirs du couple envers les enfants. En tant que parents, ils honorèrent ensemble la mémoire de leur progéniture disparue, surtout masculine, mais aussi féminine, dans le cadre de l’exposition publique de la famille comme symbole de réussite sociale. Les parents de l’époque impériale exprimaient publiquement, comme les us et coutumes l’exigeaient, l’attachement à leur progéniture et la tristesse devant leur mort. Ils laissaient de cette façon loin derrière eux les positions archaïques du pater familias, qui taisait ses sentiments pour les siens. Ce qui avait commencé comme une norme sociale, à savoir les hommages en famille, devint ainsi une norme morale. Un texte particulièrement prolixe d’Aeso appelle ce sentiment communis affectio84. Cette obligation morale d’honorer ensemble leurs enfants pouvait aussi se manifester par la restitution à la cité des frais de la statue érigée à leur fils ou à leur fille. Cependant, dans la plupart des cas, ce sont les parents eux-mêmes qui en prenaient l’initiative.
56Les épitaphes témoignent de la présence des couples unis dans la conservation de la mémoire de leur enfant décédé ; on remarque le même phénomène dans les statues post mortem exposées dans la cité : le père encore en vie au moment de la mort de l’un de ses enfants, ajoutait le nom de son épouse dans l’inscription85. Gardons à l’esprit que, dès la seconde moitié du iie siècle, les monuments honorifiques traditionnels se partageaient les espaces publics avec d’autres que nous avons dénommés cénotaphes urbains, érigés à une divinité in honorem et memoriam d’un cher disparu. Il s’agit d’un type d’ornatus commémoratif très prisé dans l’entretien de la mémoire des enfants, mais aussi d’un acte évergétique, car les parents honoraient la mémoire de leurs enfants, tout en décorant leur cité avec un signum à la divinité86.
57Au terme de cette enquête, les conclusions dégagées des inscriptions hispaniques abondent dans le sens des sources juridiques : être une femme parfaite mariée constituait en théorie l’objectif de tous les membres féminins de l’élite. Leur position sociale en dépendait, parce qu’elles existaient à travers leurs maris ou, plus exactement, à travers l’honorabilité attribuée socialement au rôle d’épouse. Les lois et les mœurs firent du couple le fondement de la société : un homme public, donc un notable, avait besoin d’une épouse. Propulsées au côté de leurs maris sur le devant de la scène des cités, les dames mariées laissèrent de nombreuses traces inscrites de leur rôle. En effet, la mise en exergue du couple dans la vie publique des cités favorisa la représentation d’une femme auprès de son époux, d’abord dans les sépultures et dans les monuments honorifiques élevés en ville ensuite. Les notables associèrent également leurs épouses à certaines évergésies. Grâce à leur rôle d’épouse, certaines dames hispaniques bénéficièrent d’un prestige certain, d’ordre éminemment social et, au fond, toujours considéré comme transitoire, à l’image d’un pont entre deux générations d’hommes d’une même famille.
58Ces uxores, les notables les avaient le plus souvent trouvées dans leur entourage proche, comme l’enquête onomastique l’a révélé. On remarque par ailleurs l’importance de la documentation concernant les couples d’affranchis, qui formaient une sorte de descendance de seconde zone pour les élites locales. Leur comportement, largement médiatisé via les inscriptions, était toujours motivé par l’émulation grossière, mais publique, des aristocrates de souche. L’étude des stratégies matrimoniales a permis d’isoler un phénomène nouveau : les mariages entre certains notables au niveau de la province, ce qui permet de mettre à jour des cercles de relations sociales dans lesquels les femmes mariées jouaient un rôle important dans les réseaux économiques et politiques hispaniques.
59Dans tous ces mariages, on peut constater un attachement identitaire à la famille maternelle : outre le fait de donner des enfants à leur mari, les femmes, devenues épouses, s’occupaient de leur nouvelle famille, mais étaient aussi les héritières de leur propre gens dont elles transmettaient une part du prestige. L’onomastique s’est avérée un axe de recherche fondamental. Elle montre comment les fils et les filles portaient dans leurs dénominations le rappel prestigieux de la famille de leur mère, autrement dit, de leur grand-père maternel.
Notes de bas de page
1 Dig., 23.2.4 et 48.5.14.8 et CJ, 5.4. Sur la questions, Durry 1970 ; Shaw 1987, 13-19 ; Syme 1987 ; Corbier 1987 ; Raepsaet-Charlier 1994 ; Kirbihler 2009, 55 ; Grubbs 2002 ; Fayer 2005.
2 La loi protégeait la jeune femme des ambitions de son tutor : il était interdit aux curateurs et aux tuteurs de prendre comme épouse leur pupilla. Dig., 23.2, rubriques 15, 36 et 59.
3 Dig., 23.1.12 et 23.2.2. Néanmoins, elle ne pouvait résister à la volonté de son père que pour cause d’infamie du futur marié.
4 Les lois augustéennes, lex Iulia de maritandis ordinibus et lex Papia Poppaea, l’interdisaient explicitement : Dig., 23.2.23 : Lege Papia cauetur, omnibus ingenuis, praeter senatores, eorumque liberos, libertinum uxorem habere licere ; aussi Dig., 23.2.27, 23.2.42 et 23.2.44. Marc Aurèle ratifia cette interdiction (Dig., 23.2.16) même si, parfois, l’empereur pouvait permettre d’y déroger (Dig., 23.2.31). Les personnes de rang sénatorial ne pouvaient pas épouser de femmes qui avaient fait de la prison (Dig., 23.2. 43.10) ou les comédiennes ou de famille de comédiens (23.2.44).
5 La lex Iulia permettait déjà le mariage entre un patronus et son affranchie (Dig., 23.2.45). Il devait s’agir d’une pratique fréquente, puisque le livre 23 du Digeste lui consacre de nombreuses rubriques. Les abus devaient être nombreux, car Marcianus (lib., 10, Dig., 23.2.28) spécifie que inuitam libertam uxorem ducere patronus non potest. La rubrique 23.2.29 mentionne même l’existence d’une norme juridique concernant cette question datée du consulat d’Ateius Capito, juriste et consul suffect en 5 p.C. (PIR2 1205).
6 Dixon 1985.
7 Sur les fortunes féminines, van Bremen 1983, 223-224 ; Crook 1986, 153-172. Sur les femmes riches et leur héritage Gardner 1986 ; Corbier 1987, 1267-1285 ; Pölönen 2002, 147-179.
8 Dixon 1985 ; pour la péninsule Ibérique, des Boscs 1995 ; sur les mariages inégaux, Demougin 2014.
9 À ce propos, voir l’introduction p. 15-18.
10 Voir n. 5 p. 205.
11 La documentation répertoriée dans les tableaux n° 18 à 20 ne concerne que les femmes affranchies ou mariées avec un homme affranchi que l’on peut considérer proche de l’élite. Une enquête globale, sans distinction de ressources économiques pour les affranchis, devrait proposer plus d’informations, mais ne changerait pas les conclusions générales auxquelles nous sommes parvenus.
12 Puisque la filiation ou la marque du patron n’est presque jamais exprimée, cette liste présente des femmes dont le cognomen trahit l’origine servile. Elles ont le même gentilice que leur époux, probablement parce que le même maître leur rendit leur liberté ou parce que cet époux était leur patronus.
13 La filiation n’est presque jamais indiquée, mais les femmes ont des cognomina d’origine grecque.
14 Ainsi, par ex., un sévir, dénommé L. Flavius Chrysogonus, fut honoré respectivement par ses affranchis ; l’un porte son gentilice, L. Flavius Silvinus, mais les deux autres s’appellent Cornelia Festiva [339] et Q. Cornelius Silvicus. Ils pourraient être les affranchis de sa femme.
15 Veyne 1961, 213-247.
16 Comme Cornelia Fortunata, qui érigea le monument funéraire de son patron, Cornelius Fuscus, sévir augustal de Tarraco, CIL, II, 4292 ; RIT, 413 ; fin du iie siècle ou début du iiie.
17 Ainsi, à Segobriga, où Manlia Eufès [590], son mari et son fils, érigèrent une statue à leur maître sur un emplacement public.
18 Sur ces questions, voir l’analyse pour la Narbonnaise de Christol 2004, 59-76, suivant l’étude de Veyne 1961 sur la vie de Trimalcion.
19 Dans ce domaine, il faut noter que les affranchis alignaient aussi leur comportement sur celui de leur maître en allant par ex. s’installer dans la capitale provinciale, où ils essayaient de mener à bien une carrière digne de leurs ambitions : ainsi, pour les affranchis de ce couple d’Ilerda, Atilia Valeriana [320] et son époux, le chevalier M. Fabius M. f. Gal. Paulinus, établis à Tarraco : Atilia Alcyonè [319] et son co-affranchi d’Atilius Onesimus y érigèrent un hommage à Atilia Valeriana, et un autre de ses affranchis, L. Atilius Paezon y fut sévir.
20 Navarro Caballero 2003, 124.
21 Plus peut-être certains exemples du tableau n° 20b.
22 Moreau 2002, 179-205 ; dans la famille impériale, Corbier 1994.
23 Des exemples intéressants dans l’étude récente d’Armani 2011.
24 Présenté sous la rubrique Cornelia P. f. Severa [501].
25 Cependant, on ne peut jamais exclure qu’il s’agissait d’un patronus et de son ancien esclave, surtout quand le cognomen de l’épouse laisse suspecter une origine servile. C’est le cas de Grania Anthusa [530], l’épouse de Q. Granius Optatus. En outre, il y a d’autres explications au partage du gentilice entre époux qu’un seul mariage au plus proche : il est parfois permis de penser que les époux acquirent ensemble la citoyenneté romaine et adoptèrent le même gentilice grâce aux bienfaits du droit latin de leur cité, comme peut-être ce couple de Baessuci, en Bétique, C. Sempronius Celer et Sempronia Augè [439].
26 Peut-être affranchie en raison de la prêtrise de son mari.
27 Idem.
28 Peut-être aussi l’affranchie de son mari étant donné son cognomen.
29 Peut-être aussi l’affranchie de son mari étant donné son cognomen.
30 Idem
31 Idem
32 Voir infra, p. 223-227.
33 Cet auteur insiste sur le fait que, des 300 inscriptions environ qui montrent le port du même gentilice par la mère et ses enfants, seules quelques-unes sont exploitables, car elles présentent le nom et le statut du père : outre le mariage entre membres d’une même famille, évoqué dans les lignes précédentes, il faut considérer le cas des illegitimae nuptiae (Armani 2003, 78).
34 Étant donné notre sujet, nous ne tenons compte ici que des exemples de familles qui avaient sans aucun doute un niveau social élevé. Il est possible que d’autres familles répertoriées par S. Armani aient été également membres de l’élite, mais rien dans les inscriptions ne permet de le démontrer.
35 CIL, II, 983 ; EE, VIII, 89 (D. 6904) ; ERBC, 113 (AE, 1972, 246).
36 IRC, II, 27 et 28. Cette femme, mariée à un Q. Fabius inscrit dans la Galeria, eut au moins deux enfants, celui qui avait été adopté par son père et un autre, dénommé Q. Fabius Q. f. Gal. Maternus. Elle honora ses deux enfants d’une statue sur piédestal : IRC, II, 26 et 29.
37 Humbert 1972.
38 Accusé d’avoir utilisé la magie pour enchanter la dame, Apulée fut jugé. Sa plaidoirie est reproduite dans son Apologie. Les chapitres 69 au 92 décrivent les circonstances affectives et économiques de ce mariage.
39 Toujours dans l’Apologie, Apulée insiste sur les causes de la mauvaise réputation suscité par le remariage des femmes : il existait après la mort ou le divorce, deux circonstances à passer sous silence, Ap., 92.9-10 : siue illa morte amisit maritum, ut scaeui ominis mulier et infausti coniugii minime appetenda, seu repudio digressa est, utramuis habens culpam mulier, quae aut tam intolerabilis fuit ut repudiaretur, aut tam insolens ut repudiaret.
40 Ep., 2.13.4 et 10.3.1-3.
41 Voir la bibliographie de la mère de Voconius Romanus dans la prosopographie [585].
42 Étienne & Fabre 1979, 18 ; Fabre et al. 1990, 530-532.
43 Données présentées par ordre chronologique.
44 Sur cette question, voir aussi infra, p. 282-288.
45 Un phénomène semblable est attesté à Éphèse : des notables venus d’autres cités prirent épouse dans les familles éphésiennes, Kirbihler 2009, 65.
46 Sur ce cognomen et sa distribution, Abascal 1994, 31-32 ; Atlas Lusitania ; Vallejo 2005, 382-390.
47 Voir à nouveau, Fabre et al. 1990, 530-532.
48 Fabre 1970-1972 ; Étienne & Fabre 1979 ; Fabre et al. 1990, 530-532.
49 Melchor 2006a.
50 Melchor 2011a ; 2011b.
51 C’est le cas du riche affranchi L. Vibius Alcinoüs et de son épouse Vibia Felicula [406], qui firent un don à Apollon dans la cité thermale d’Aquae Calidae. Ils étaient des affranchis de C. Vibius Latro, magistrat de Tarraco et flamine provincial, l’époux de la flaminique provinciale Fulvia Celera [353].
52 Gaius, Inst., 1.178. Dans le Dig., 23., les titres 3, 4 et 5 sont entièrement consacrés à la dot. Sur la question, Dixon 1985, 353-378.
53 Selon Martial, Epigr., 10.41 Proculeia divorça pour ne pas avoir à aider financièrement son mari dans sa course à la préture. Le livre 24 du Digeste, consacré aux donations entre époux (très compliquées sauf post mortem), recueille un texte de Gaius (Dig., 24.1.41 et 42), qui mentionne une disposition impériale d’Antonin le Pieux qui permettait aux femmes de donner légalement des biens à leur époux pour lui permettre d’accéder aux ordres supérieurs : Nuper, ex indulgentia principis Antonini, recepta est alia causa donationis, quam dicimus honoris causa : ut ecce, si uxor uiro laticlauii petendi, gratia donet, uel ut equestris ordinis fiat, uel ludorum gratia.
54 Il s’agit là du rôle féminin par excellence, mis en exergue par les sources littéraires, de Sénèque (Helu., 14.2-3) à Ausone (Parentalia, 7.8 et 19.6-8).
55 Sen., Helu., 19.4.
56 Voir infra p. 257-278.
57 Ces conclusions ont été publiées dans Navarro Caballero 2013.
58 Données classées par ordre chronologique.
59 Navarro Caballero 2001, 191-201.
60 Sur l’existence de série de portraits dynastiques, voir supra, p. 115-135.
61 Sur la composition des galeries, cf. Navarro Caballero 2003, 119-127 et 115-135.
62 Voir supra, p. 107-163. Voir aussi Navarro Caballero 2004, 389-399.
63 Sur le funus publicum, Wesch-Klein 1993 ; Asdrubali 2005 ; Melchor 2006c.
64 Sur la dévolution des frais, voir supra, p. 137-143.
65 Sur le remboursement des frais publics et les formules utilisées, comme honore usus, usa, cf. Dardaine 1992.
66 Bauer & Witschel 2007, 1-24.
67 Sur l’évolution de la famille sous le Haut-Empire et son contexte politique, cf. Veyne 1978 [1991], 35-66, 90-101).
68 Ces conclusions ont été publiées dans Navarro Caballero 2013.
69 Sur ce type d’inscription Cesari 1998, 959-972.
70 Wrede 1981 ; Mikocki 1995.
71 Plin, Nat., 34.9.17.
72 Annexe 1, p. 55-59.
73 Alföldy, Flam. H.C., 7.
74 Sur cet ensemble, les travaux du TED’A restent indispensables, notamment TED’A 1989.
75 Sur la découverte de ces hommages, Alföldy, Flam. H.C., 7-9. Une première esquisse est proposée par Ortiz de Urbina 2006, 69-72.
76 L’hommage de l’un des flamines parle de statua inter flaminales uiros (CIL, II, 4248 [D. 6937] ; RIT, 333) ce qui pourrait indiquer l’existence d’un emplacement réservé aux seuls flamines. Nous pensons au contraire que l’inscription ne parle pas d’un lieu, mais d’un type de statue.
77 RIT, 328.
78 Sur ces questions, voir Navarro Caballero 2005.
79 Ils ont tous les deux des cognomina d’origine grecque, Arethusa dans Solin 1992, 402 ; Lozano 1998, 37 ; Epictetus dans Solin 1992, 990 ; Lozano 1998, 81.
80 Rodà 1975 ; IRC, IV, p. 103-104.
81 IRC, IV, p. 190.
82 Rodà et al. 2005.
83 Cf., p. 183-201.
84 CIL, II, 4465 ; ERL, 75 ; IRC, II, 35.
85 Voir les exemples infra, tableaux n° 33a et 33d, p. 244-248.
86 Sur ce thème voir supra p. 149-150 et 197.
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