Les femmes dans les hommages
p. 103-164
Texte intégral
1Dès l’époque augustéenne, à Rome, en Italie et dans les cités très romanisées des provinces, en particulier dans la péninsule Ibérique, le portrait honorifique devint le signe de la réussite individuelle. Être un personnage important impliquait de plus en plus l’exposition d’une ou de plusieurs effigies visibles par la communauté, accompagnées du titulus correspondant. Le phénomène atteignit son apogée au iie siècle, avant de décliner à un moment difficile à dater, mais que l’on peut situer vers le milieu du iiie siècle.
2Dans ce débordement d’images, les portraits masculins en toge étaient bien évidemment majoritaires. Néanmoins, la présence de quelques représentations féminines incite à s’interroger sur le processus à l’origine de leur commande et de leur exposition. Dans ce phénomène complexe étroitement lié à la vie des communautés urbaines, les représentations de femmes – pièces supplémentaires sur l’échiquier des valeurs de la sphère publique – nous invitent à nous pencher sur les raisons et la manière dont s’exposait l’image féminine dans les cités. En d’autres termes, comment représentations honorifiques féminines et valeurs sociales se confortaient-elles mutuellement et évoluaient-elles ensemble ? Honorer une femme était lui donner une reconnaissance sociale, suivant des critères matérialisés symboliquement dans la pierre, objets de notre étude. Mais les femmes étaient également les auteures des hommages. Il faut donc se demander quelles étaient les circonstances qui les poussaient alors à prendre une telle initiative publique, et ce faisant, en déduire les codes de conduite féminine dans les cités hispaniques en particulier, et romaines en général.
3Nous retrouverons ainsi des faits et des situations parfois constatés ailleurs1. Toutefois, en nous concentrant sur les données propres à la péninsule Ibérique, nous chercherons à mettre en lumière, d’une part, les spécificités et originalités des provinces hispaniques, et d’autre part, des pratiques sociologiques et des particularités contextuelles propres aux hommages romains d’époque impériale en général. Pour ce faire, nous avons choisi une démarche qui repose sur l’épigraphie et l’archéologie. En effet, l’épigraphie fait connaître des personnalités et les situe dans le temps ; l’archéologie s’attache aux supports et aux statues, à leur typologie et aux informations que fournit parfois leur localisation.
Le début des hommages et le début de la présence des femmes
4Les critères de datation retenus et exposés dans la première partie montrent que les cités hispaniques furent peu à peu recouvertes de représentations honorifiques des notables locaux2. Au début, ces effigies étaient érigées officiellement par la cité, mais elles furent très vite l’objet d’initiatives privées dont nous tâcherons d’identifier les auteurs. Ces statues, posées sur un piédestal portant l’elogium de la personne honorée, cohabitaient dans les espaces publics avec celles de l’empereur et des divinités, parfois avec celles de certains personnages de haut rang3, comme les représentants de l’État dans la province ou les patroni des cités. Cette cohabitation commença à se développer dès le premier quart du ier s. p.C., dans des cités de plus en plus nombreuses. Pour des raisons qui restent encore à élucider, les notables hispaniques jugèrent nécessaire de multiplier leurs effigies aux yeux de leurs concitoyens, dans les endroits publics les plus fréquentés, accompagnées de leur épouse et parfois de leurs enfants. Pour mieux comprendre la signification sociale de ces ensembles dynastiques, il est nécessaire de présenter leurs caractéristiques.
Les antécédents
L’époque républicaine
5À l’époque républicaine, les statues féminines sur piédestal étaient peu fréquentes à Rome ; les rares exemples sont particulièrement significatifs. Selon Pline l’Ancien, le Sénat avait décrété à Rome l’érection des statues des quelques femmes qui s’étaient distinguées au service de l’État4. Parmi celles-ci, une seule d’entre elles, Cornelia, la mère des Gracques, n’était pas une figure mythique, comme l’a justement mis en évidence E. A. Hemelrijk5. Sa statue, la plus ancienne représentation d’une femme à Rome et dont l’authenticité est incontestable, était exposée dans la porticus Metelli et faisait figure de symbole. Érigée par le tribun Saturninus en 100 a.C., elle glorifiait cette femme, mais aussi, à travers elle, sa famille et ses fils, les Gracques, opposés aux Metelli6. Cet honneur public avait, en fait, un motif politique et Cornelia n’avait mérité sa statue qu’en raison de sa position familiale.
6Il est aussi vrai qu’à l’époque républicaine, les promagistrats en charge dans les provinces hellénophones n’hésitaient pas à se faire représenter avec tous les membres de leur famille (mères, épouses et filles incluses), dans les exèdres des places hellénistiques7. Cicéron lui-même ne faisait pas exception, puisqu’il fut honoré avec sa famille à Tarse, cité de la Cilicie qu’il gouvernait8. J.-C. Balty a montré que l’exposition de groupes statuaires comprenant, entre autres, des personnages féminins, comme dans les monuments de promagistrats des provinces orientales, était liée à l’idée dynastique et que les modèles en remontaient aux monarchies hellénistiques9. Aussi les personnages représentés étaient-ils honorés comme les anciens rois. Ces représentations étaient, en principe, contraires à la mentalité romaine en raison de leur association avec la royauté. Cependant, à partir de la seconde moitié du iie s. a.C., on voit apparaître à Rome, dans les sanctuaires ou les espaces publics, certains monuments portant les effigies de plusieurs grands magistrats d’une même famille10. Mais ces statues étaient exclusivement masculines. Les ensembles dynastiques incluant la représentation de femmes in (loco) publico11 n’apparurent qu’à partir de l’époque augustéenne avec la famille du Prince.
Les modèles impériaux
7Selon divers auteurs, on doit à Octavien l’initiative de reproduire les statues des héroïnes légendaires de l’histoire romaine12, y compris celle de la mère des Gracques13 : elles se présentaient comme des modèles de vertu féminine, comme l’étaient aussi Livie et Octavie. En effet, en 35 a.C., le fils de César leva le tabou culturel et, peut-être après avoir obtenu un senatus consultum sur la question14, ordonna l’érection d’une statue à sa sœur Octavie et une autre à son épouse Livie à l’intérieur du temple de Vénus Genitrix15. Elles représentaient l’idéal romain de la femme vertueuse, par opposition à l’image qui était véhiculée par l’effigie de Cléopâtre dans le même temple16. Dès lors, la vertu était liée à la dynastie, concept hellénistique repris par la propagande augustéenne, surtout à partir de 9 a.C., quand le Sénat décréta l’érection de statues à Livie pour la consoler de la mort de son fils Drusus17. Livie apparaissait en public dans son rôle de mère, à côté de son fils, dans un contexte funéraire18. Cette même année, le jour de l’anniversaire de l’impératrice, fut consacré l’ara Pacis, monument qui affirmait son rôle maternel, tout en exposant la famille augustéenne au grand complet. Dès lors, jusqu’à la fin du règne d’Auguste, la dynastie, illustrée par la domus Augusta, fut souvent représentée à Rome et ailleurs19.
Les exemples italiens
8Comme le veut le mimétisme social, la pratique honorifique dynastique trouva rapidement un écho dans une société italienne20 qui avait déjà produit des galeries privées de portraits, comme celle qui a été découverte à Cartoceto21. Les premiers exemples publics, qui sont des modèles caractéristiques, méritent que l’on s’y attarde. C’est le cas de la cosidetta basilique d’Herculanum22, décorée des effigies de la famille du sénateur M. Nonius Balbus23 : il y fut représenté avec ses parents par décret de décurions24. D’autres statues de M. Nonius Balbus ornaient la cité, dont une était accompagnée de celle de son fils25. On peut dater de la fin du ier s. a.C. la galerie de portraits des Mammii dans la même cité d’Herculanum26 et la galerie des Mineii à Paestum érigée par Mineia M. f27. Autres exemples significatifs : les arcs des Sergii à Pola ou des Gabii à Vérone, qui sont, avec la galerie des Mineii, les premiers ensembles familiaux à caractère honorifique exposés en public payés par des fonds privés. Celui des Sergii28 est une construction du tout début de l’époque augustéenne, située à l’intérieur de la ville, près d’une porte : une femme, Salvia Postuma, le fit édifier en l’honneur de son fils, L. Sergius Lepidus, tribun de la XXIXe légion29 qui participa à la bataille d’Actium, de son mari, L. Sergius, et de son beau-frère, Cn. Sergius, magistrats de la colonie ; elle fit couronner le monument de leurs effigies30. Salvia Postuma fut, quant à elle, statufiée plus tard, à sa mort31. En revanche, à Vérone, l’arc de la famille Gabia32 était un tetrapylon construit sous Tibère près d’une porte de la ville, mais en dehors du poemerium. Quatre statues étaient disposées dans les niches, deux par deux, sur les faces nord et sud, une de chaque côté de la porte. Une femme, Gavia M. f., et deux hommes, M. Gavius C. f. Macer et C. Gavius C. f. Strabo, y étaient honorés33.
9Sur ces monuments on observe deux caractéristiques déjà présentes dans les représentations de Livie : d’une part, une forte inspiration des modèles gréco-hellénistiques, marquée par l’iconographie, la position des personnages selon leur place dans la dynastie et la présence de femmes, et d’autre part, un contexte éminemment funéraire. Ainsi, c’est à sa mort que le sénateur M. Nonius Balbus, grand mécène d’Herculanum, fut honoré par la ville avec toute sa famille. De même, si c’est l’argent de la famille, géré par Salvia Postuma, qui finança l’érection de l’arc des Sergii à Pola, elle prit cette initiative après le décès des siens.
Les hommages les plus anciens et les femmes
10Au début de nos recherches, nous avions considéré que, dans la péninsule Ibérique, les statues de femmes ou érigées par des femmes étaient d’abord apparues à l’époque flavienne, mais la révision globale de l’épigraphie hispanique nous a permis de déceler quelques exemples plus anciens. De nouvelles découvertes, comme celle du piédestal double de Cordoue34, viennent confirmer la datation relativement haute des premiers monuments honorifiques marqués de la présence féminine. Tâchons avant toute chose de décrire les données épigraphiques à notre disposition.
Les inscriptions
11La documentation conservée concerne, dans un premier temps, la Bétique à la fin du règne d’Auguste, notamment dans les colonies et certains municipes. Ainsi, à Tucci, deux monuments avec présence féminine renvoient aux premiers descendants de colons d’origine italienne : en premier lieu, un hommage à Cassia A. f. Montanilla [218], au statut non précisé, que le type de paléographie, le manque de cadre mouluré autour du champ épigraphique et la formule decreto decurionum inscrite en toutes lettres permettent de dater du début de l’Empire ; en deuxième lieu, un hommage rendu, entre le règne de Tibère et 43, par son cousin germain, L. Maecius Nativos, à Iulia C. f. Laeta [219], flaminique de la maison impériale, fille de C. Iulius L. f. Ser. Scaena, centurion de la IVe légion35. Un peu plus tardif (entre 41 et 68), un hommage inscrit sur un piédestal rond fut érigé en l’honneur d’Anicia Sex(ti) f. Postuma [216], épouse d’Etrilius Afer et mère d’une dame de l’ordo sénatorial, Etrilia Afra [106].
12À Astigi, Arria [36] offrit une statue sur piédestal à son époux, L. Caninius L. f. Pap. Pomptinus, vétéran de la IIe légion Pausiana36, qui avait participé à la fondation de la colonie vers 14 a.C. Sa condition d’officier subalterne, qui lui faisait disposer d’un lot de terre plus important que d’autres, lui avait sûrement permis de devenir magistrat rapidement37 ; sa statue était placée sur un piédestal circulaire. Une autre fut élevée par une femme certainement dans un lieu public : il s’agit d’une base équestre38 que (Pontia) Amoena [128] a érigée à son père, L. Pontius C. f. Ser., dans l’aile ouest de la porticus post scaenam du théâtre d’Italica39. L’onomastique et la paléographie permettent de dater ce monument de l’époque d’Auguste ou du début du règne de Tibère.
13L’épigraphie du municipe d’Ossigi Latonium conserve, elle aussi, l’un des premiers monuments érigés par une femme, Cornelia L. f. [175], à son époux, le duumvir et premier pontife de César, [.] Cornelius C. f. Gal. Vetulus. Dans ces balbutiements de la représentation honorifique, le contexte funéraire était bien présent, car le texte se termine avec la formule [pos]t mortem. La prêtrise, l’absence de cognomen, la paléographie, ainsi que le type de champ épigraphique permettent de dater l’ensemble sous Tibère. Il en reste le dé, qui, selon C. Gonzalez, a appartenu à une base équestre40. On trouve un autre exemple dans le municipe d’Ilipa Ilia, où Dasumia L. f. Turpilla [112] reçut, à sa mort, des honneurs funéraires publics par décret des décurions : éloge funèbre, prise en charge des frais des funérailles et lieu de la sépulture. On conserve le piédestal rond qui soutenait son effigie, érigée avant l’époque flavienne, étant donné l’absence de cadre mouluré.
14D’autres exemples proviennent de la province d’Hispanie citérieure. A Sagonte, se trouve un piédestal monolithique qui serait l’un des plus anciens de la péninsule41 : le champ épigraphique n’est pas mouluré, et surtout, Aemilia [565], honorée par son père, L. Aemilius Macer, n’avait pas de cognomen. La cité de Saetabis, quant à elle, a produit une petite galerie de portraits sur trois bases monolithiques de taille réduite. La première était dédiée à Cornelia C. f. Flaccella [557] ; la seconde, à son probable époux, Q. Iunius Q. f. Gal. Iustus42, duumvir et flamine d’Auguste divinisé, ce qui permet de la dater sous Tibère ; la troisième au père de son mari, Q. Iunius Q. f. Gal. Aenibelis43, dont le cognomen ibérique renvoie au début du ier siècle. Pour finir, la forme du support et du champ épigraphique, ainsi que la paléographie conduisent à dater de la première moitié du ier siècle un piédestal récemment découvert sur le forum de Valeria : une dame, Fabia Flavina [612bis], l’érigea pour son fils, L. Grattius L. f. Gal. Rufinus.
15Le contexte dynastique des premiers hommages publics dans la péninsule Ibérique vient d’être récemment corroboré par une découverte majeure faite à Cordoue44. Elle a permis de mettre en valeur l’existence d’un autre type de piédestal, assez rare, composé d’une base double soutenant ici les statues de Valeria T. f. [22] et d’Acilia L. f. [2]. La morphologie du monument, mais surtout la parenté avec l’orateur cordouan L. Acilius Lucanus, respectivement époux et père de ces femmes et grand-père du poète M. Annaeus Lucanus, permet de dater le monument de 20 p.C. environ. La dénomination féminine est complétée par le nom de l’époux au génitif, ce qui suggère qu’un second piédestal double, situé dans un emplacement voisin, pourrait avoir porté les statues de deux hommes, L. Acilius Lucanus et P. Aemilius Silo, les époux des dames.
16Le monument cordouan confirme les conclusions tirées des documents épigraphiques précédemment cités : d’une part, dans certaines cités hispaniques (et dans des milieux extrêmement romanisés), la pratique d’ériger des monuments honorifiques aux femmes était très ancienne, et d’autre part, ces hommages naquirent certainement dans un contexte de glorification dynastique. Par ailleurs, le piédestal de Cordoue a permis de comprendre l’importance de deux autres monuments analogues, tous les deux de l’époque flavienne. Le premier, daté sous Vespasien et aujourd’hui disparu, provenait d’Olisipo45. Il portait les hommages de Servilia L. f. [305], flaminique de la province, et de sa fille, Lucceia Q. f. Albina [302]. Comme dans l’exemple de Cordoue, l’ensemble honorifique fut élevé par décret des décurions (D. D.) et la dénomination de ces dames indique le nom de leurs époux au génitif, ce qui permet d’émettre à nouveau l’hypothèse d’un piédestal double, celui de leurs époux, à côté du leur.
17Un troisième piédestal double a été découvert à Segobriga46, mutilé et dont seul a subsisté le nom de Calventia C. f. Titulla [589]. Quant au dédicant, il ne s’agit plus de la cité, mais d’un notable, son frère, L. Calventius [---] (fig. 1).
18Pour conclure sur ces premiers exemples, il faut signaler tout d’abord leurs caractéristiques morphologiques. On remarque l’apparition très ancienne (dès le règne de Tibère, voire avant) des piédestaux tripartites monolithes, comme à Ossigi et à Saetabis, de petite taille et sans cadre mouluré entourant le champ épigraphique. Les piédestaux de statues à cheval47, comme celui de L. Pontius C. f. Ser. érigé par sa fille, sont offerts tôt. Les exemples mentionnés montrent aussi que, dès le début, les hommages des notables hispaniques se situaient dans un contexte extrêmement romanisé, presque toujours italien. Les textes soulignaient la situation familiale – les épouses partagent les honneurs honorifiques avec leur mari et leur descendance –, et le caractère funéraire de l’hommage – certaines statues ayant manifestement été érigées post mortem.
Les données iconographiques
19Les données apportées par les inscriptions honorifiques peuvent être confirmées et complétées par les vestiges de sculptures féminines, à deux conditions : que les matériaux iconographiques proviennent d’un lieu public urbain antique et qu’ils puissent être raisonnablement considérés comme partie intégrante de la représentation d’une femme de l’élite locale, et non, par exemple, d’une dame de la famille impériale.
20La première difficulté vient en effet de l’identification de l’emplacement d’origine de ces monuments, car apparaît là encore le problème de méthode que l’on a essayé de résoudre dans notre première partie. Étant donné les liens étroits entre représentations funéraires et représentations honorifiques – on a déjà démontré qu’elles étaient semblables –, ainsi qu’entre initiative privée et disposition in (loco) publico, il n’est pas toujours évident, pour l’époque julio-claudienne, de distinguer une base de statue disposée dans une sépulture d’une base élevée au centre de la cité48 ou dans une maison. Plus tard, la question se pose moins en raison des changements qui s’opèrent dans la forme des tombeaux, avec la quasi disparition des représentations en ronde-bosse.
21Quant à la seconde difficulté, elle a été illustrée par la discussion suscitée par le travail de J. A. Garriguet selon lequel la majorité des corps de grande taille, masculins et féminins trouvés dans la péninsule Ibérique, seraient des éléments de statues impériales ; cela nous semble dans les faits improbable49. Par précaution, et pour la période antérieure à l’époque flavienne, nous n’avons retenu tout d’abord que les statues qui, au vu de leur tenue n’ont, d’après C. Marcks, aucun lien avec la domus Augusta. Toujours de manière hypothétique, l’auteur ne retient que sept statues féminines représentant des dames locales trouvées dans un monument public : l’une sur le théâtre d’Emerita Augusta50, et six autres sur différents forums hispaniques dont le forum provincial de Cordoue51, le forum de la cité de Cordoue52 et le forum de Pollentia53. Ajoutons à cette liste un nouveau fragment trouvé sur le forum de Mérida54 et les cinq qui ont été découverts sur la place publique de Segobriga55. Plus hypothétique est l’interprétation des vestiges iconographiques exhumés dans le théâtre de la même cité : il s’agit de plusieurs corps féminins qui, pour J. M. Noguera56, pourraient avoir appartenu à des monuments honorifiques de dames locales. Par prudence, ils font partie de notre liste. Nos avons aussi tenu compte des vestiges iconographiques féminins dont la découverte à l’intérieur du périmètre urbain antique fait penser qu’à l’origine, ils étaient disposés dans un bâtiment public ou dans les rues. Ces données, probablement incomplètes du fait de l’absence d’études locales, sont résumées dans le tableau suivant :
Tableau n° 4. Les statues féminines trouvées avec certitude ou avec forte probabilité dans un espace public au ier siècle.
N° | Cité | Lieu de découverte | Type iconographique | Datation | Principales références bibliographiques | |
Bétique | ||||||
1 | Iluro | périmètre urbain | Formia | sous Auguste | Marcks 2008, n° 88 | |
2 | Salpensa | périmètre urbain | Formia | début de l’Empire | Marcks 2008, n° 21 | |
3 | Corduba | forum | indéterminé | Tibère ou Claude | Marcks 2008, n°17 | |
4 | Corduba | forum de la colonie | indéterminé | sous Claude | Marcks 2008, n° 14 | |
5 | Corduba | forum de la colonie | indéterminé | époque julio-claudienne | Marcks 2008, n° 13 | |
6 | Corduba | forum | Korè | époque julio-claudienne | Marcks 2008, n°16 | |
7 | Corduba | forum de la colonie | indéterminé | ier s. | Marcks 2008, n° 15 | |
Lusitanie | ||||||
8 | Caurium | probablement sur le forum | Orans | première moitié du ier s. p.C. | Marcks 2008, n° 57 | |
9 | Emerita Augusta | théâtre | Korè | ier s. | Marcks 2008, n° 165 | |
10 | Emerita Augusta | forum | indéterminé | ier s. | Peña 2009, 591, n° 9 | |
Citérieure | ||||||
11 | Barcino | probablement sur le forum | Korè | fin du règne d’Auguste ou début du règne de Tibère | Marcks 2008, n° 80 | |
12 | Segobriga | scène du théâtre | Korè (Vatican-Uffizi) | fin du règne de Tibère ou début du règne de Caligula | Marcks 2008, n° 54 | |
13 | Segobriga | scène du théâtre | Korè (Vatican-Uffizi) | fin du règne de Tibère ou début du règne de Caligula | Marcks 2008, n° 55 | |
14 | Segobriga | scène du théâtre | Korè (Vatican-Uffizi) | fin du règne de Tibère ou début du règne de Caligula | Marcks 2008, n° 57 | |
15 | Clunia | probablement sur le forum | Korè | époque julio-claudienne | Marcks 2008, n° 85 | |
16 | Segobriga | scène du théâtre | Schulterbausch-Typus | milieu du ier s. | Marcks 2008, n° 5857 | |
17 | Segobriga | scène du théâtre | indéterminé | milieu du ier s. | Marcks 2008, n° 59 | |
18 | Segobriga | scène du théâtre | indéterminé | milieu du ier s. | Marcks 2008, n° 63 | |
19 | Pollentia | forum | Pudicitia | ier s. | Marcks 2008, n° 77 | |
20 | Segobriga58 | scène du théâtre | indéterminé | ier s. | Marcks 2008, n° 56 | |
21 | Segobriga | scène du théâtre | indéterminé | ier s. | Marcks 2008, n° 60 | |
22 | Segobriga | scène du théâtre | indéterminé | ier s. | Marcks 2008, n° 62 | |
23 | Segobriga | scène du théâtre | indéterminé | ier s. | Marcks 2008, n° 64 | |
24 | Segobriga | forum (portique nord) | indéterminé | ier ou iier s. | Noguera 2012, n° 209 | |
25 | Segobriga | forum (portique nord) | indéterminé | ier ou iier s. | Noguera 2012, n° 211 | |
26 | Segobriga | forum (portique nord) | indéterminé | ier ou iier s. | Noguera 2012, n° 212 | |
27 | Segobriga | forum (portique nord) | indéterminé | ier ou iier s. | Noguera 2012, n° 213 | |
28 | Segobriga | forum (portique nord) | indéterminé | ier ou iier s. | Noguera 2012, n° 210 |
22L’analyse iconographique57 de ces vestiges iconographiques révèle que les modèles les plus fréquents ne sont pas les mêmes qu’en contexte funéraire. En règle générale, dans les tombes, on favorisait les sculptures féminines couvertes et pudiques, tandis que sur les monuments honorifiques exposés en public, le choix portait plutôt sur les types plus grandioses et plus dévêtus, à l’instar des types Korè58, Formia59, ou Orans60 par ordre d’importance (les deux premiers étant les plus répandus), souvent utilisés pour représenter les femmes de la famille impériale. Notons une exception : celle d’une statue type Pudicitia de la variante du braccio nuovo, du ier siècle découverte sur le forum de Pollentia61, tout près d’une statue masculine en toge62.
23Par conséquent, on peut affirmer que, comme partout dans l’empire, mais de façon très marquée dans la péninsule, l’émulation dans la recherche des honneurs s’accompagnait d’une certaine platitude maintes fois reproduite dans les représentations de l’image publique : la personne honorée, homme ou femme, définissait certains types iconographiques dont les modèles, appliqués d’abord dans les ensembles impériaux, étaient ensuite copiés dans les cités par les particuliers. Les sculptures montrent des femmes sereines, de carrure imposante, manifestement capables de soutenir leur famille et leur cité, à l’image de l’impératrice censée le faire pour l’empire.
24Outre la répétition du langage iconographique, cette liste de témoignages iconographiques féminins, relativement pauvre, n’offre guère de quoi nourrir davantage notre commentaire. Notons toutefois une exception : les vestiges de statuaire féminine honorifique trouvés dans les cités hispaniques datent pour la plupart du ier siècle, souvent avant l’époque flavienne63. Ils sont donc plus nombreux que les bases de la même époque et que celles de la période postérieure. Ces constatations permettent d’affirmer que les effigies de l’époque julio-claudienne furent souvent réutilisées, en raison sans doute de leurs particularités formelles et de leur ancienneté.
L’éclosion du phénomène honorifique : quelle place pour les femmes ?
25À la fin du ier s. p.C., le paysage urbain hispanique se peupla de statues : divinités, empereur, citoyens éminents. La donation de certaines de ces statues relevait de l’initiative publique, mais la plupart étaient financées par des fonds privés. En tout cas, toutes étaient considérées comme des ornamenta urbains, disposés à un emplacement attribué par décret des décurions. Dans ce cadre, la réussite des notables nécessitait une exposition publique accrue au moyen d’un portrait et d’un titulus, surtout si le financement était public. À défaut, les moins chanceux investissaient abondamment leurs fonds personnels, de telle sorte que l’on peut parler d’une effervescence honorifique parfois démesurée au iie et au début du iiie siècle. Une personne qui se distinguait par ses mérites politiques ou publics pouvait même faire l’objet de plusieurs statues, parfois érigées en même temps64, dans des lieux distincts ou adjacents. Elle pouvait, à l’instar d’un jeune magistrat d’Obulco65, s’offrir une statue équestre pour elle-même, tout en honorant son père et sa mère. La documentation montre, comme il est précisé plus haut, que le centre public de certaines villes devait ressembler à une forêt d’effigies exposées au regard des passants, plus ou moins intéressés par un décor dont la densité n’incitait probablement pas à la lecture des textes. Bien qu’elles aient été absentes de la politique locale, beaucoup de ces monuments étaient érigés par des femmes et représentaient des femmes. Pourtant, le prétexte de cet hommage pouvait être léger. C’est le cas à Murgi où Porcia Maura [160] obtint sa statue sur piédestal, simplement parce qu’elle était une épouse dévouée et une mère pieuse : Porciae / Maurae, / L(ucius) Pedanius / Venustus, / uxori opti/mae, et / L(ucius) Ped(anius) Clarus e[t] / L(ucius) Ped(anius) Lupus f[ilii], / matri piissi[m(ae)], / posuerun[t] ; / editis circ(ensibus) / dedicaueru[nt], / q(ui) l(ocum) a(cceperunt) a r(e) [p(ublica)]. On est là bien loin des représentations des héroïnes mythiques de la Rome républicaine ! En tout cas, la pratique honorifique est bien présente et mérite que nous nous y attardions.
Les “galeries dynastiques”
26Les données épigraphiques montrent que, très souvent, les monuments honorifiques des dames hispaniques étaient situés dans des galeries de portraits familiaux66. La raison est évidente : le rôle familial justifiait la plupart du temps la présence des femmes in (loco) publico. Même quand une femina particulièrement généreuse envers sa cité était honorée, son hommage était souvent accompagné de ceux qui étaient rendus à d’autres membres de sa famille.
27Malheureusement, il est très rare que plusieurs composants d’une série honorifique familiale aient été découverts ensemble. Trois exceptions cependant. La première est un ensemble d’hommages érigés dans la cité de Labitolosa (La Puebla de Castro, Huesca) par Cornelia Neilla. Sur le forum de cette ville pré-pyrénéenne s’élève un bâtiment qui a été interprété comme la curie67. Les murs intérieurs étaient décorés de statues sur piédestal des notables locaux, autour de celle du Génie du municipe, qui dominait l’ensemble. Au moins quatre de ces monuments honorifiques, dont les piédestaux ont été trouvés in situ, furent érigés sous Hadrien conformément aux dernières volontés d’une femme, Cornelia Neilla [541], en l’honneur d’elle-même, de son mari, M. Clodius Flaccus, magistrat municipal puis chevalier, et des collègues de celui-ci (fig. 2).
28Le deuxième dossier est celui du tetrapylon de la cité lusitanienne de Capera (Oliva de Plasencia, Cáceres)68, construit par M. Fidius Macer, trois fois magistrat de la cité encore stipendiaire et premier duumvir du nouveau municipe de droit latin à l’époque flavienne. Sa progression sociale dépassa le petit cadre lusitanien, car l’homme devint praefectus fabrum69. Le tetrapylon, réalisé ex testamento, à l’entrée du forum, au croisement de deux axes, devait exalter sa famille et perpétuer sa mémoire, tout en exposant sa réussite à ses concitoyens. Cette construction monumentale en béton, occupant une surface de 64 m2 environ, était parée de pierres de taille ; sa hauteur maximale devait atteindre 13,30 m (fig. 3a). Sa façade sud (fig. 3b) était décorée, de chaque côté de l’ouverture, par les statues en pied des parents pérégrins du magistrat, Bolosea Pelli f. [265] et Fidius Macri. Leur piédestal, adossé à la pile, est encore in situ, ainsi que, de l’autre côté de l’entrée, probablement celui de sa propre statue et de celle de son épouse, Iulia Luperci f. Luperca [267], dont l’hommage a été trouvé ailleurs. Du côté nord (fig. 3a et c), deux appendices semblables à des piédestaux très longs font saillie perpendiculairement à chacun des piliers : il pourrait très bien s’agir des supports de statues équestres du magistrat et de son père, comme A. García y Bellido en a émis l’hypothèse, il y a quelques décennies.
29La troisième découverte archéologique est double. Les travaux archéologiques récents sur le site de los Bañales70 ont mis à jour une partie importante du forum, entouré de portiques, eux-mêmes décorés de petits monuments architecturaux érigés par les élites de la cité. Espaces d’autoreprésentation des notables, ils participaient de l’ornatus de la ciuitas, tout en favorisant la convivialité. Les parallèles les plus significatifs de ces structures se trouvent dans la cité d’Avenches où des collèges et des notables inondèrent le forum de petits bâtiments ouverts décorés de statues, et dénommés scholae dans les inscriptions71. Deux ont été exhumés à ce jour dans la cité hispanique. Ils sont tous les deux rehaussés de piédestaux. Le premier conserve les bases des simulacres érigés par disposition testamentaire d’une dame dénommée Pom(-) Pullatis f. Pulla [596] (fig. 4a). La deuxième schola, adjacente à la première du côté gauche, est ornée, dans sa partie inférieure, d’une frise en calcaire taillée en forme de cinq piédestaux tripartites surmontés de statues, aujourd’hui disparues (fig. 4b). L’ensemble était présidé par l’imago de la Victoire Auguste, érigée par un couple, M. Fabius Novus et Porcia Faventina [598]. À droite de la divinité étaient disposées les deux statues du couple, dont la dénomination est au nominatif dans l’inscription. Ils étaient à la fois auteurs et dédicataires. À sa gauche, étaient situés les hommages à deux membres de leur famille : l’un fait par la femme, Porcia Faventina, à une autre femme, Porcia Germulla [597], l’autre érigé par M. Fabius Novus à son oncle par lignée paternelle, L. Fabius Placidus. Ils devaient représenter pour chacun des conjoints un référent important dans leur famille respective, une sorte de légitimé dynastique.
30Certains textes épigraphiques complètent ces données archéologiques, dans le sens où ils apportent des renseignements fondamentaux sur la composition des galeries de portraits gentilices72.
31Ainsi, la cité de Cartima (Cartama, Málaga)73 en Bétique, à l’époque flavienne, honora d’une statue la flaminique et évergète Iunia D. f. Rustica [71], accompagnée de son fils, C. Fabius Iunianus. Elle accepta les statues et ajouta, à ses frais, la représentation de son époux, C. Fabius Fabianus, le père de son fils, probablement défunt. Trois statues sur piédestal, élevées sur un espace public de la cité, formaient ainsi une série qui avait donc été créée en deux phases, par les volontés conjointes de la cité et de la flaminique.
32De même, l’un des premiers magistrats du nouveau municipe de droit latin de Cisimbrium (Zambra, Cordoue), C. Valerius C. f. Gal. Valerianus, flamine perpétuel, avait promis à ses concitoyens une généreuse donation, qui devait contribuer à la monumentalisation du forum : un temple et cinq statues de dieux, parmi lesquelles il plaça ostensiblement cinq effigies le représentant lui-même (quinque statuas suas)74. Ces statues pouvaient faire partie de la décoration du téménos ou de la place. C’est sa petite-fille, fille de sa fille, Flavia Valeriana [86], sûrement sa seule descendante encore en vie et en tout cas son héritière, qui se chargea de dédicacer l’ensemble, en ajoutant un banquet, comme on peut le lire sur le linteau qui décorait l’entrée du temple. Elle s’occupa également d’ériger, à ses frais, la statue de sa grand-mère75, Valeria Actè [87], à qui la cité avait accordé cet honneur ; cette statue se trouvait probablement à côté de celle de son époux.
33Il existe deux dessins (fig. 5) du piédestal disparu qui soutenait la statue de l’augustal perpétuel Q. Valerius Optatus, à Sosontigi (Alcaude, Jaén)76. Le monument était situé sur un emplacement, public sans aucun doute, qui lui avait été attribué gratuitement par l’ordo de la ville et qui accueillait vraisemblablement les effigies de son épouse et de ses enfants : Q(uintus) Valerius Optatus, / augustalis perp(etuus), / huic ordo municipii Flaui / Soson[t]-igitanorum / cenas publicas decreuit / et locum / in quo sta/tuas sibi uxori liberisq(ue) poneret loco adsignato / ponendas curauit.
34Enfin, une inscription, également disparue, décrivait une série honorifique exposée à Obulco à la fin du ier ou au début du iie siècle77. [.] Cornelius L. f. L. n. Gal. [---], édile, mort jeune et sans enfant, avait souhaité, par testament, la création d’une galerie où son père et lui-même seraient honorés d’une statue à cheval et sa mère d’une statue en pied : statuas sibi et patri equestres et matri pedestrem. Sa sœur, Cornelia L. f. Anus [168], se chargea de réaliser le vœu du défunt.
35Ces quelques dossiers appellent plusieurs sortes de remarques. Tout d’abord, on voit que l’érection d’une série de portraits dépendait soit de l’initiative publique, soit de l’initiative privée, parfois même des deux, comme dans la série de Cartima. Ensuite, dans le cas d’une initiative d’ordre privé exclusivement, l’autorisation de la cité était nécessaire, puisque les statues étaient sans aucun doute érigées dans un lieu public (locum in quo sta/tuas sibi uxori liberisq(ue) / poneret loco adsignato / ponendas curauit78), même si cette mention n’était pas systématiquement précisée. En plus, la réalisation de ces ensembles pouvait être menée à bien en une ou plusieurs étapes, comme l’atteste l’exemple de Iunia Rustica [71]. Enfin, les statues honorifiques étaient pédestres en majorité, mais l’exemple d’Obulco et le tetrapylon de Capera prouvent que l’on élevait aussi des statues masculines à cheval. Même un modeste augustalis pouvait être représenté sur une monture, surtout si c’était lui qui en avait assumé la dépense. Ces statuae equestres et leur accompagnement de statues féminines pédestres pouvaient former un ensemble dynastique cohérent, selon une composition qui n’est pas sans rappeler le plus ancien groupe statuaire familial privé trouvé en Italie, celui de Cartoceto79.
36Ces constatations permettent d’avancer quelques propositions concernant la recomposition de certaines séries honorifiques, dont les notables et leurs familles, femmes incluses, étaient bénéficiaires ou donateurs. La démarche consiste à associer certains piédestaux à une galerie de portraits.
Galeries de portraits érigées par un seul dédicant
37Le critère le plus simple et le plus évident est celui de l’auteur. Il arrive en effet fréquemment qu’un nombre indéterminé de bases, et donc de statues, ait été érigé par la même personne ou la même entité, souvent dans les mêmes circonstances, malgré une réalisation définitive parfois différée. À ce sujet, un exemple public d’Iliberri (Grenade), en Bétique, s’avère éclairant. Pour honorer Valerius Vegetus, son plus éminent concitoyen, devenu consul en 92 ou en 112 (l’année demeure incertaine, selon qu’il s’agisse du père ou du fils80), la cité, par décret des décurions, décida d’ériger, avec la sienne, des statues de toute sa famille. Celle du sénateur, posée sur un piédestal cylindrique, était accompagnée au moins de celles de sa mère, Cornelia Severina [105], et de son épouse, Etrilia Afra [106]. Seules deux autres “galeries honorifiques” furent payées par les deniers publics81. En revanche, les auteurs privés de séries honorifiques sont beaucoup plus nombreux : 27 dédicants à l’origine de 67 hommages. Parmi eux, il faut mettre en exergue la galerie créée par Cocceia Celsi fil. Severa [185] : native de la colonie de Norba, elle érigea, au iie siècle, à Capera, une statue sur piédestal à sa grand-mère maternelle82, Avita, à sa mère83 et à la sœur de celle-ci84. Elle accomplit ce geste en partie parce que sa grand-mère le lui avait demandé et dans le but de mettre en avant sa famille maternelle dans un lieu public de la cité qui avait compté sa grand-mère dans le corps de ses citoyens : ob honorem quot ciuis recepta est Caperae.
38Les données épigraphiques qui permettent de reconstituer des galeries de portraits à partir de l’initiative d’un(e) même dédicant(e) sont résumées dans le tableau suivant :
Tableau n° 5. Un même dédicant pour plusieurs portraits
N° | Cité | Datation | Dédicants | Personnes honorées | Circonstances | Autres |
Bétique | ||||||
1 | Cisimbrium | sous les Flaviens et les premiers Antonins | C. Valerius C. f. Gal. Valerianus, duumvir et pontife perpétuel | lui-même Valeria Actè [87], son épouse | quinque signa deor(um) et quinque statuas suas | sa petite fille, Flavia Valeriana [86] se chargea d’accomplir les dispositions |
2 | Iliberri | 91 ou 112 | la cité | Valerius Vegetus, cos. Cornelia P. f. Severina, mater consulis [105] Etrilia L. f. Afra, Valeri Vegeti uxor [106] | ||
3 | Naeua | iie s., probabl. à partir du règne d’Hadrien | L. Aelius Quir. Aelianus, duumvir et Egnatia M. f. Lupercilla, son épouse [161] | eux-mêmes | omnium statuarum quae in his porticis ab iis datae et sub inscriptione eorum positae sunt | |
4 | Antikaria | iie s. | Terentia L. lib. Felicula [32] | L. Calpurnius Senecio Hispanianus, son fils | disposition testamentaire | Fabia Fabulla [29], demi-sœur et héritière se chargea d’accomplir les dispositions testamentaires |
5 | Obulco | iie s. | [.] Cornelius L. f. L. n. Gal. [---], édile | lui-même son père, nomen ignotum sa mère, nomen ignotum | disposition testamentaire | la sœur, Cornelia L. f. Anus [168] se chargea d’accomplir les dispositions testamentaires |
6 | Regina | iie s. | P. Numisius Superstes | lui-même Cornelia Severiana, peut-être sa mère [186] | disposition testamentaire | Cocceia Severa, Norbensis [185], se chargea de faire la galerie de portraits en tant qu’héritière, peut-être l’épouse de P. Numisius Superstes |
7 | Sosontigi | iie s. | Q. Valerius Optatus, augustal perpétuel | lui-même son épouse87 ses enfants | huic ordo municipii Flaui Soson[t]-igitanorum cenas publicas decreuit et locum in quo statuas sibi uxori liberisq(ue) poneret loco adsignato ponendas curauit | |
8 | Antikaria | seconde moitié du iie s. | P. Quintius Hospitalis | Quintia P. f. Calvina, Hospitalis f. [30], sa fille Quintia P. f. Galla Hospitalis f. [31], sa fille P. Quintius P. f. Hospes Hospitalis f., son fils | ||
9 | Munigua | seconde moitié du iie s. | L. Aemilius Pudens, duumvir à deux reprises | L. Aemilius L. f. Quir. Pudens, duumvir à deux reprises, son père Fulvia [---] [158], sa mère | accepto loco ex decreto ordinis epulo dato utriusque sexus d(edit) d(edicauit) | |
10 | Singilia Barba | seconde moitié du iie s. | Acilia Plecusa [199] | M’. Acilius Quir. Fronto, son mari M’. Acilius Phlegon, son fils Acilia Mn. f. Sept(umina) [201], sa fille M’. Acilius Fronto, son petit-fils Acilia Sedata Septumina, [200], sa petite-fille | la série fut créée en plusieurs étapes | |
11 | Teba del Condado | seconde moitié du iie s. | L. Fabius L. f. Fabianus | Nummia M. f. Rustica [212], sa mère Cordia L. f. Sergiana [211], son épouse L. Fabius Gal. Gallus, son fils | ||
12 | Hispalis | iie s. ou début du iiie | la cité | Q. Pomponius Clemens, Sabinianus édile, duumvir pontife et augure Q. Pomponius Clodianus Antonius Iuventinus, fils du précédent | les parents, du magistrat, Q. Pomponius Clodianus et Claudia Sabina [97], honore usi, impensam remisere | |
13 | Siarum | fin du iie ou début du iiie s. | T. Aelius Clodianus | Maecilia P. f. Herenniana [198], son épouse | accepto loco ab splendidissimo ordine Siarensium | |
Lusitanie | ||||||
14 | Capera | fin du ier s. | F. Fidius Macer, magistrat | Bolosea Pelli f. [265] et Fidius Macri f., ses parents Iulia Luperci f. Luperca [267], son épouse | Tetrapylon du forum | |
15 | Capera | première moitié du iie s. | Cocceia Celsi fil. Severa, de Norba [185] | Avita Moderati f., [264], sa grand-mère Trebia Procula [268], sa mère Trebia Vegeta [269], sa tante | ||
Hispanie citérieure | ||||||
16 | Tarraco | fin du ier s. | Vibius Silvanus | L. Vibius Alcinous Vibia Felicula [406], son épouse et affranchie | ||
17 | Tarraco | sous les Flaviens | Cornelia Faventina [338] | [---]lina, sa mère M. Cornelius Phaedimus, sévir, son frère M. Cornelius Faventinus, sévir, son frère Ti. Manlius Ti. f. Gal. Silvanus, édile, duumvir et flamine, son époux | ||
18 | Aeso | fin du ier ou début du iie s. | L. Porcius L . f. Quir. Serenus, IIIIuir, IIuir | lui-même L. Porcius L. f. Quir. Priscus, son fils | disposition testamentaire | Porcia Procula [382], fille et héritière, érigea les monuments honorifiques |
19 | Sigarra | fin du ier ou début du iie s. | C. Vibius Latro | Iunia Severina [504], sa mère C. Vibius Lupercus, son père | ||
20 | Labitolosa | sous Hadrien | Cornelia Neilla [541] | elle-même [541] M. Clodius M. f. Gal. Flaccus, magistrat et flamine, juge des cinq décuries et tribun militaire, son époux L. Aemilius Attaeso Sex. Iunius Siluinus | disposition testamentaire | |
21 | Barb(otum) | première moitié du iie s. | L. Valerius L. fil. Gal. Maternus Boletanus | lui-même Aemilia Placida Materni [441], son épouse Aemilius Ductus Barb(otanus), son beau-père Maria Cordi fil. [442], sa grand-mère de son épouse | disposition testamentaire | |
22 | Castulo | iie s. | la cité | Cornelia C. f. Marullina [500] L. Cornelius Marullus, son fils | honore accepto, d[e] pec(unia) sua poni iussit, [h]oc donum illius C(aius) Co[r(nelius)] Bellicus, heres eius. | |
23 | Ilerda | iie s. | Marcia Tempestiva [535] | elle-même [535] G. Marcius Gal. Mascelus, magistrat de la cité, son fils Sempronia Tempestiva [537], sa fille | ||
24 | Tarraco | iie s. | Sempronia Lychnis [391] | M. [---]ius Viventius, président du collège du culte des Lares des empereurs [---], sa grand-mère maternelle | ||
25 | Dianium | iie s. | Aemilia Scintilla [513] avec Sex. Terentius Lemnaeus, son fils | Terentia Doryphoris Sex. f. [518], sa fille Sex. Terentius Lemnaeus, sévir, son époux | ||
26 | Saetabis | iie s. | Terentia Terentulla [563] | Valeria M. f. Maxsima [564], sa fille Valerius M. f. Gal. Marianus, son fils | ||
27 | Edeta | seconde moitié du iie s. | L. Caecilius Crassus (ex testamento) | L. Caecilius L. f. Gal. Cassianus, son père Licinia L. f. Celerina [522], sa mère | Licinia L. f. Celerina [522] fut l’héritière |
Séries épigraphiques mettant en scène la même famille
39Pour reconstituer les “galeries honorifiques”, le regroupement des textes épigraphiques appartenant aux membres d’une même famille offre un indice que nous jugeons suffisamment sûr. Les exemples déjà évoqués de Iunia Rustica [71] à Cartima et de Valeria Actè [81] et des siens à Cisimbrium montrent clairement comment les initiatives croisées publiques et privées, prises au gré de circonstances précisées par les inscriptions, permettent de reconstituer des séries.
Tableau n° 6. Séries honorifiques mettant en scène la même famille
N° | Cité | Datation | Dédicants | Personnes honorées | Galerie honorifique |
Bétique | |||||
1 | Cartima | sous les Flaviens | la cité Iunia D. f. Rustica [71] | Iunia D. f. Rustica [71], sacerdos perpetua et prima in municipio Cartimitano . C. Fabius Iunianus, son fils . C. Fabius Fabianus, son époux | autour de Iunia D. f. Rustica [71] |
2 | Cisimbrium | sous les Flaviens et les premiers Antonins | C. Valerius C. f. Gal. Valerianus la cité | lui-même à Valeria Actè [87], épouse du précèdent | autour de C. Valerius C. f. Gal. Valerianus |
3 | Siarum | sous Trajan ou Hadrien | L. Iulius Nothus l’ordo de la cité ciues Singilienses et incolae | Rutilia Fructuosa [209], son épouse L. Iulius Nothus L. Iulius Nothus | autour de L. Iulius Nothtus |
4 | Barbesula | iie s. | la cité, par décret de décurions Cervia Maura [56] | M. Cervius Quintianus [.] Cretius Mau[rus], son fils | autour de Cervia Maura, parente (fille ?) de Cervius Quintianus |
5 | Malaca | seconde moitié du iie s. | la cité par décret de décurions le peuple, par collecte populaire | L. Valerius L. f. Quir. Proculus, préfet d’Égypte, patronne Valeria Lucilla [148], épouse du précédent | autour de L. Valerius L. f. Quir Proculus |
Lusitanie | |||||
6 | Olisipo | iie s. | Peticia P. f. Tusca [304] | C. Caecilius Q. f. Gal. Gallus, magistrat Peticia P. f. Tusca | autour de Peticia P. f. Tusca |
Hispanie citérieure | |||||
7 | Saetabis | première moitié du ier s. | Q. Iunius Pupillus dédicant non exprimé dédicant non exprimé | Cornelia C. f. Flaccella [557], sa mère Q. Iulius Q. f. Gal. Iustus, magistrat et flamine, époux de la précedente Q. Iunius Q. f. Gal. Aenibelis, père du précédent | autour de Q. Iulius Q. f. Gal. Iustus |
8 | Tarraco | fin du ier s. | L. Vibius Alcinous Vibius Silvanus, affranchi de L. Vibius Alcinous | Vibia Felicula [406], son épouse L. Vibius Alcinous, son patron | autour de L. Vibius Alcinous |
9 | Tarraco | fin du ier ou première moitié du iie s. | Assalica L. f. Avita [318] Cornelia L. f. Avita [337] | M. Cornelius M. f. Gal. Avitus, son fils Assalica L. f. Avita [318], sa fille | autour d’Assalica L. f. Avita [318] |
10 | Tarraco | fin du ier ou première moitié du iie s. | Sutoria Surilla [397] Sutorius Epitynchanus | M. Fulvius Musaeus, sévir augustal, son époux Sutoria Surilla [397], sa patronne | autour de Sutoria Surilla [397] |
11 | Aeso | fin du ier ou iie s. | Q. Fabius Licinianus L. Terentius Terentianus Licinia M. f. Numantina [424] | M. Licinius L. f. Quir. Celtiber, aedilis, IIuir, son grand-père maternel M. Licinius L. f. Quir. Celtiber, aedilis, IIuir, son tuteur Q. Fabius Q. f. Gal. Maternus, son fils M. Licinius Celtiber Fabius Licinianus, IIuir, son fils | autour de M. Licinius L. f. Quir. Celtiber et de sa fille, Licinia M. f. Numantina [424] |
12 | Valentia | fin du ier ou iie s. | M. Antonius Avitus Antonia M. f. Lepida [602] (Antonius) Anatellon | Sertoria Q. f. Maxima [610], son épouse Sertoria Q. f. Maxima [610], sa fille Antonia M. f. Lepida [602], sa patronne et fille de la précédente | autour de Sertoria Q. f. Maxima [609] |
13 | Tarraco | première moitié du iie s. | Fulvia M. f. Celera [353] Fulvius Musaeus et Fulvius Moschus (ex testament(o) Fuluiae Celerae) Fulvius Diadochus | Popilia Secunda [379], flaminique de Tarraco, sa mère C. Vibius Latro, son époux magistrat et flamine provincial Fulvia Celera [353], sa patronne Fulvia Celera [353], sa patronne | autour de Fulvia Celera [353] |
14 | Aeso | première moitié du iie s. | anonyme L. Aemilius L. fil. Gal. Paternus Atilia L. fil. Vera [419] | L. Aemilius L. fil. Gal. Paternus M. Aemilius L. f. Gal. Fraternus, chevalier, son frère L. Aemilius L. fil. Gal. Paternus, son époux | autour de L. Aemilius L. fil. Gal. Paternus |
15 | Barbotum | première moitié du iie s. | M. Cornelius Pompeianus L. Valerius Gal. Maternus, Boletanus, lui-même ex testamento | L. Valerius Gal. Maternus, Boletanus, son ami lui-même Aemilia Placida [441], son épouse P. Aemilius Ductus, Barbotanus, son beau-père Maria Cordi f. [442], la grand-mère de sa femme | autour de L. Valerius Gal. Maternus, Boletanus |
16 | Barcino | première moitié du iie s. | Gn. Turpilius Dius [Turpi ?]lia [---]id[---] [486] | Turpilia Pacata [485], sa sœur Gn. Turpilius Dius, son époux | autour de Cn. Turpilius Dio |
17 | Castulo | première moitié du iie s. | la cité Cornelia P. f. Severa [501] | M. Iunius C. f. Gal. Paternus, duumvir et flamine de Rome et d’Auguste Iunia M. f. Severina [504], sa mère Cornelia M. f. Caesiana [499], sa belle-mère | autour de Cornelia P. f. Severa [501] |
18 | Castulo | première moitié du iie s. | la cité ? Valeria C. f. Paetina, Tuccitana [222] | Valeria C. f. Paetina, Tuccitana [222], prêtresse de Tucci et de Castulo [---] | autour de Valeria C. f. Paetina, Tuccitana [222] |
19 | Barcino | première moitié du iie s. (sous Trajan ?) | Acilia Arethusa [443] Pedanius Clemens et (Pedanius) Clemens Minicianus | L. Pedanius L. l. Epictetus, sévir augustal, son époux Acilia Arethusa [443], leur mère et leur grand-mère respectivement | autour d’Acilia Arethusa [443] |
20 | Tarraco | sous le règne d’Hadrien | M. Fabius Asiaticus, devenu Tarraconensis et plus tard, sévir et magister Larum des empereurs L. Minicius Pudens Atilius Onesimus et Atilia Alcyonè [319] | M. Fabius M. f. Gal. Paulinus, chevalier d’Ilerda, son patron M. Fabius M. f. Gal. Paulinus, son ami Atilia L. f. Valeriana [320], leur patronne, épouse du précédent | autour de M. Fabius M. f. Gal. Paulinus |
21 | Dertosa | iie s. | L. Munnius Placidus Porcia Placida [512] | L. Munnius L. f. Gal. Placidus, magistrat, son père L. Munnius L. f. Gal. Placidus, magistrat, son époux | autour de L. Munnius L. f. Gal. Placidus |
22 | Laminium | iie s. | C. Licinius Hedymelès Collegium [---] anensem, à leur patronne | Licinia Macedonica [545], flaminique perpetuelle, sa patronne Allia M. f. Candida [543], fille de la précédente | autour de Licinia Macedonica sur le forum de Laminium |
23 | Tarraco | vers le milieu et la seconde moitié du iie s. | C. Caecilius Augustalis Raecia Irenè [385] C. Caecilius Augustalis | Raecia Irenè [385], son épouse C. Caecilius C. f. Gal. Potitus, son fils à un chevalier inconnu | autour de Raecia Irenè et de son époux, C. Caecilius Augustalis |
24 | Tarraco | milieu et seconde moitié du iie s. | Sempronia M. f. Materna [392] C. Caecil(ius) Iubatus Semp(ronius) Maternus | L. Pomponius Avitus, flamine provincial, son époux Sempronia M. f. Materna [392], sa mère | autour de Sempronia M. f. Materna |
25 | Edeta | seconde moitié du iie s. | L. Caecilius Crassus (ex testamento) | L. Caecilius L. f. Gal. Cassianus, son père Licinia L. f. Celerina [522], sa mère | Licinia L. f. Celerina [522] fut l’héritière |
Mention du lien conjugal85
40D’autres critères, comme le génitif dit “d’appartenance” vont accroître encore l’importance de ce contexte dynastique dans le phénomène d’autoreprésentation des notables locaux. Aussi faut-il insister sur le fait que l’honorabilité d’une femme tenait à sa position familiale, qui, outre par la mention de sa filiation, se manifestait par l’emploi du génitif du nom du mari (généralement le cognomen), le mot uxor étant sous-entendu. Ce génitif, qu’A. Sartori nomme “d’appartenance”86, se révèle particulièrement significatif, car il désigne le statut de femme mariée. Les données honorifiques avec cette mention sont exposées dans le tableau n° 7, qui présente un classement.
Tableau n° 7. Mention du lien conjugal dans les hommages aux femmes87
N° | Datation | Cité | Dédicants | Épouses honorées | Époux | Autres éléments |
1 | vers 20 p.C. | Corduba, Bétique | la cité | Acilia L. f. [2] | P. Aemilius Silo | honorée avec sa mère, Valeria T. f. [22] |
2 | vers 20 p.C. | Corduba, Bétique | la cité | Valeria T. f. [22] | L. Acilius Lucanus, orateur né à Cordoue | honorée avec sa fille, Acilia L. f. [2] |
3 | sous Claude ou Neron | Tucci, Bétique | la cité | Anicia Sex(ti) f. Postuma [216] | Etrilius Afer, peut-être un sénateur | |
4 | sous Vespasien | Olisipo, Lusitanie | la cité | Servilia L. f. flaminique de la province [305] | Q. (Lucceius) Albinus | honorée avec sa fille, Lucceia Q. f. Albina [302]. |
5 | sous Vespasien | Olisipo, Lusitanie | la cité | Lucceia Q. f. Albina [302] | [-] Terentianus | honorée avec sa mère, Servilia L. f. [305]. |
6 | 80-100 p.C. | Tarraco, Hispanie citérieure | C. Terentius Philetus, domo Roma | Baebia T. f. Galla, flaminique de la province d’Hispanie citérieure [322] | Q. Licinius M. f. Gal. Silvanus Granianus, flamine provincial, préfet du rivage de la Laetanie et procurateur de l’empereur. | honorée avec son époux |
7 | fin du ier s. | Corduba, Bétique | la cité | Calpurnia Q. f. Anuus [8] | [-] Severus | Inpensa remissa |
8 | 91 ou 112 | Iliberri, Bétique | la cité | Etrilia L. f. Afra [106] | Q. Valerius Vegetus, cos. | |
9 | fin du ier ou début du iie s. | Ossigi Latonium, Bétique | Pleps (sic) Latoniensis | Cornelia L. f. Sillibor [176] | [-] Vetulus | remise des frais |
10 | fin du ier, première moitié du iie s. | Tarraco Hispanie citérieure | la cité | Munnia L. f. Severa [370], flaminique perpétuelle de la Concorde Auguste | (Fonteius) Novatus | Novatianus, fil(ius), remboursa les frais à la cité |
11 | début du iie s. | Emerita Augusta, Lusitanie | dédicant anonyme | [---]+lia Q. f. [---]tina [254] | [--- Po ?]llio | |
12 | après le règne de Trajan | Tarraco, Hispanie citérieure | dédicant anonyme | Pomp(-) Maximina [376] | M. Ulpius Reburrus C. f. Quir. ex (conuentu) Bracaraug(ustano), magistrat de sa cité et flamine provincial | |
13 | première moitié du iie s. | Barb(otum) Hispanie citérieure | h(eres) ex testamento | Aemilia Placida [441] | L. Valerius L. fil. Gal. Maternus Boletanus | honorée avec son époux et le reste de la famille |
14 | à partir de 147 | Malaca, Bétique | la cité | Valeria C. f. Lucilla [148] | L. Valerius Proculus, préfet d’Égypte et patron de la cité | remise des frais |
15 | vers 180 | Tarraco, Hispanie citérieure | dédicant anonyme | Postumia Nepotiana flaminique (provinciale ?) [383] | T. Porcius Verrinus, flamine de la province | |
16 | 181-200 | Singilia Barba, Bétique | Acilia Plecusa [199] | Carvilia P. f. Censorilla [204] | P. Magnius Q. f. Quir. Rufus Magonianus, procurateur impérial | honorée dans la même série que son époux |
17 | iie s. | Barcino (Hispanie citérieure) | M’ Acilius [---], l’affranchi de son mari | [--- A]udi[ena] [449] | M’. Ac[ilius ---] | l(oco) [d(ato) d(ecreto) d(ecurionum)] |
18 | seconde moitié du iie et début du iiie s. | Tarraco, Hispanie citérieure | Ciues [Ta]-rrac(onenses) | Aurelia Marcellina, flaminique (prov. Hispanie citérieure [321]) | L[i]cinius [Spar]-sus, flamine, probablement de la province |
41La lecture du tableau n° 7 permet d’affirmer tout d’abord, qu’avec 18 exemples seulement, la mention du lien conjugal était rare dans les inscriptions honorifiques de la péninsule Ibérique. Elle accompagnait presque exclusivement les dénominations des dames de grand prestige, épouses, mais aussi mères et filles d’hommes importants, parfois tellement connus de tous qu’un seul nom suffisait à les désigner. Leur hommage était souvent offert par la cité. Le génitif “d’appartenance” devint une marque d’honorabilité et de standing, copié directement sur les pratiques de la plus haute aristocratie romaine : dans le tableau, figurent Etrilia L. f. Afra [106], l’épouse du consul Valerius Vegetus, Valeria C. f. Lucilla [148], la femme du préfet d’Égypte L. Valerius Proculus, ainsi que Carvilia P. f. Censorilla [204], l’épouse du procurateur P. Magnius Q. f. Quir. Rufus Magonianus.
42En outre, la documentation montre que ce génitif marquait la disposition de l’hommage féminin dans une série de portraits non loin de ceux du mari, du père ou du fils. Les aristocrates déjà mentionnés étaient ainsi honorés en famille : à l’instar du consul Valerius Vegetus à Iliberri avec son épouse, Etrilia L. f. Afra, [106] et sa mère, Cornelia P. f. Severina [105], du préfet d’Égypte, L. Valerius Proculus, et sa femme Valeria C. f. Lucilla [142] à Malaca, du procurateur P. Magnius Q. f. Quir. Rufus Magonianus, et de son épouse, Carvilia P. f. Censorilla [204] à Singilia Barba.
43L’exemple le plus ancien de cette pratique de série d’hommages avec la mention du lien conjugal est un piédestal double érigé à Cordoue à Valeria T. f. Lucani (uxor) [22] et à sa fille, Acilia L. f. P. Aemili Silonis (uxor) [2]88, respectivement épouse et fille de l’orateur Lucain (le grand-père du poète). Chacune des deux femmes porte la dénomination de son époux au génitif, ce qui a permis aux premiers éditeurs de l’inscription de proposer, à juste titre, que les maris étaient également honorés, à côté de leur épouse, sur un second piédestal double. Un autre exemple significatif a été découvert dans la cité de Barbotum (Hispanie citérieure), où un notable, L. Valerius L. fil. Gal. Maternus, Boletanus89, avait demandé par clause testamentaire l’élévation de sa statue et de celles de la famille de sa femme ; on a conservé son hommage, ainsi que ceux de son épouse, de son beau-père et de la grand-mère de sa femme. Tous présentent dans leur dénomination leur lien avec Maternus, par le génitif “d’appartenance” dans le cas de l’épouse : Aemilia Placida Materni (uxor).
44Le tableau n° 7 montre que la dénomination des épouses des flamines provinciaux de la Citérieure comprenait aussi le nom de leur mari au génitif. Ces dames sont connues par les hommages érigés dans l’ensemble du culte impérial à Tarraco, à côté de celui de leur époux. Nous reviendrons ultérieurement sur ce point90.
Le contexte funéraire des hommages
45Les inscriptions montrent que tous les moments de l’existence pouvaient servir de prétexte à l’érection de sa propre statue et de celle des siens dans un lieu public. Cependant, c’est la mort qui entraînait le plus souvent ces réalisations et ce, pour des raisons évidentes. L’exposition publique des statues des notables décédés (et des textes qui les accompagnaient) perpétuait, devant la cité tout entière, le souvenir de leur personne et de leurs actes exemplaires. Leurs descendants pouvaient ainsi placer leur avenir sous leur protection et faire rejaillir sur eux-mêmes les honneurs acquis par le disparu et les avantages de ses bienfaits, ce que G. Fabre a très justement dénommé le “capital de reconnaissance publique”91. Les femmes ne sont pas demeurées étrangères à ces pratiques. En effet, elles furent tour à tour gardiennes de la mémoire des leurs et objet des honneurs rendus par leur cité ou leur famille.
46L’habitude d’honorer les défunts fut tout d’abord une reconnaissance collective dans le cadre des funérailles publiques, surtout en Bétique, dès l’époque flavienne92. Cette pratique publique perdura tout au long du iie siècle, surtout dans sa première moitié, et un peu au début du iiie siècle. Dans un funus publicum93, la cité octroyait une partie ou la totalité des rites et des frais funéraires : ornements de magistrat94, panégyrique public, lieu de la sépulture, frais de construction du monument95 etc. Les statues in (loco) publico96 du défunt semblaient en constituer un élément presque constant. En tout cas, toute notre information provient des piédestaux. Dans les cités hispaniques, les familles des défunts assumèrent presque toujours les frais en remboursant ceux qui étaient avancés par la caisse publique. Dans ce contexte de prestige à travers l’honneur et la mémoire des meilleurs des citoyens (ou au moins ceux qui, près du pouvoir, pouvaient s’octroyer entre eux des funérailles publiques), les femmes eurent un rôle à jouer, présenté de façon analytique dans le tableau suivant : il résume, par provinces et par ordre chronologique, les hommages funéraires accordés par les cités aux femmes, mais aussi ceux qui furent rendus aux hommes dont une dame avait accepté le don et remboursé les frais97.
Tableau n° 8. Les funérailles publiques et les femmes.
N° | Datation | Cité | Formule de l’hommage officiel | Personnages honorés | Personnages qui remboursèrent les frais |
Bétique | |||||
1 | milieu du ier s. (avant les Flaviens) | Ilipa | popul(us) laudation(em) public(am), inpensam funer(is), locum sepultur(ae), d(ecreto) d(ecurionum) | Dasumia L. f. Turpilla [112] | |
2 | juste après l’année 98 | Mellaria | hic prouinciae Baeticae consensu flamini<s> munus est consequutus peracto honore flaminico e<i> FECIALI omn(is) concilii consensus, statuam decreuit, - huic ordo Mellariensis decreuerunt sepult(urae) locum, impen(sam) funeris, laud(ationem) statuas equestres duas | C. Sempronius Speratus, flamen Diuorum Aug(ustorum) de la province de Bétique | [---] Venusta [152], son épouse honore accept(o), imp(ensa) remissa p(osuit) |
3 | fin du ier ou iie s. | Aurgi | d(ecreto) d(ecurionum) | P. Aelius P. f. Gal. Vrsus, IIuir municipes municipi Flauii Aurgitani | Acilia Plocè [46], sa mère honorem accepi[t], impensa[m] remis[it] |
4 | fin du ier ou début iie s. | Laelia | d(ecreto) d(ecurionum) et populi | Calpurnia Q. f. Galla [143] | Clodia C. f. Optata [144], sa mère honore usa, impensam [remisit] |
5 | fin ier ou iie s. | Conobaria | ex consensu populi Conoba(riensis) | L. Acilius Quirina Albanus | Mamilia Lucill[a] [88], sa mère i[mpens]am [remisit] |
6 | fin du ier ou iie s. | Urgauo | d(ecreto) d(ecurionum) | M. Helvius Varus, augustal perpétuel | Helvia Procula [233], son épouse honorem accepit, impensam remisit |
7 | début du iie s. | Italica, Hispalis, Asido, Siarum et Callet | ordo Italicens(is) et Romulens(es) Hispalens(es) et Caesarini Asidonens(es) et Fortunales Siarenses et Aeneanici Callenses decreuerunt inpensam funeris et statuas | Lucia P. f. Avircia Aciliana [61] | M. Aemilius Afer Acilianus, son fils honore usus, inpensam remisit |
8 | début du iie s. | Malaca | ex dec(reto) dec(urionum) mun(icipii) Mal(acitanorum) | L. Caecilius Q. f. Quirina Bassus | Valeria Q. f. Macrina [149], sa mère honore contenta, inpensam remisit |
9 | 131-170 | Singilia Barba | huic ordo m(unicipum) m(unicipii) lib(eri) Sing(iliensis) impensam funeris et locum sepulturae decreuit | Cornelia Blandina [206] | |
10 | sous Trajan ou Hadrien | Singilia Barba | d(ecreto) d(ecurionum) m(unicipum) m(unicipii) [l]iberi [S]ingilien(sis) | [L]ollia L. f. [M]arciana [208] | L. Lollius L. f. Aelianus et de [Ca]lpurnia Clementina [203], ses parents et I]unius Nothus Corn(elianus) [Q]uietinus, son époux |
11 | iie s. | Arua | huic ordo municipi Flaui Aruensis, ob merita, laudation(em), impensam funeris, locum sepulturae et statuam decreuit | Q. Traius Q. Trai Areiani fil. Quir. Areianus | Aemilia Lucilla [34], sa mère, et Sergius Rufinus, son frère |
12 | iie s. | Batora | ordo Bator(ensi)s decreuit | P. Fabius P. f. Gal. Iulianus, deux fois duumvir et pontife | Iun(ia) M. f. Severa [60], sa mère |
13 | iie s. | Illiberri | d(ecreto) d(ecurionum) | P. Manilius P. f. Gal. Urbanus | Manilia P. f. Tertulla [108], sa sœur |
14 | iie s. | Ilurco | decreto ordinis Ilurconensis | Fabia C. f. Brocilla [115] | L. Fabius Avitus, son père |
15 | iie s. | Lacilbula | ordo Lacilbulensium dec(reuit) laud(ationem), loc(um) sep(ulturae), fun(eris) inpensam, statuam | L. [Semp]ronius Qui. I[---]anus | [Iu]nia L. f. Lucilla [140], son épouse |
16 | iie s. | Lacilbula | ord[o L]acidu[len(sium) dec]reuit laudatio[n(em), im]pensam funeri[s, locum] sepulturae, [monu]ment(um), statuam | [Me]mmia [.] f. Ael[iana ---] [141] | Aelia M. f. Bassina [139], sa fille |
17 | milieu du iie s. | Aurgi | huic ordo Mentens[anum] fun(eris), impensam [- - -] decreuit [- - -] | Calpurnia L. f. Scantilla [47] | --- |
18 | seconde moitié iie s. | Canania | ordo mun(icipum) [m(unicipii) F(laui)] Canan(iensis) loc(um) sepu[lt(urae)], funer(is) impens[am], statuam pedes[tr(em)] de[c]reuit | L. Thacius L. f. Quir. Lupus | L(ucius) Thacius Lupu[s] et Cornel[ia] Secunda [70], ses parents |
19 | seconde moitié du iie s. | Mellaria | Mellarienses, locum sepulturae, funeris inpensam, statuam laudationem decreuere | Sempronia Varilla [150] | Sempronia Varilla [145], sa fille |
20 | seconde moitié du iie s. | Sacili | m(unicipium) S(aciliense), d(ecreto) d(ecurionum), funerum impensas, laudationes, loca sepulturae, statuas | Cornelia Q. f. Lepidina, flaminique du municipe [190] | |
21 | seconde moitie du iie s. | Nescania | ordo Nescaniensium statuam poni iussit | C. Marius Quir. Clemens | Fabia Restituta [165], sa mère |
22 | fin du iie s. | Corduba | d(ecreto) d(ecurionum) | L. Aelius L. f. Gal. Faustinus, IIvir | Aelia Faustina [3], sa fille |
23 | iie ou début iiie s. | Hispalis | ex d(ecreto) c(olonum) c(oloniae) R(omulensium) | Q. Pomponius Clemens Serg. Sabinianus, édile, duumvir c(olonum) c(oloniae) R(omulensium), pontife et augure - Q. Pomponius Clodianus Antonius Iuventinus | Q. Pomponius Claudius et Claudia Ti. f. Sabina [97], pater et mater et auus et auia respectivement |
24 | seconde moitié du iie ou début du iiie s. | Italica | splendidissimus ordo Italicens(ium) funeris impensam, locum sepulturae, statuam ponendam decreuit | Aelia Q. f. Licinia Valeriana [126] | Aelius Prisus, son père, et Laberius Firmanus, son époux |
25 | fin du iie ou début iiie s. | Munigua | huic ord[o] splendissimus Muni[gu]ensium, ob inpensam (sic) fun[e]ris, locum sepulturae, statuam decreuit | Aelia L. f. Procula [155] | G. Licinius Victor Annianus, son époux |
26 | première moitié du iiie s. | Corduba | in honorem memoriae (...) ordo splendidissimae coloniae Cordubensium, statuam equestrem poni decreuit | C. Annius C. f. Lepidus Marcellus, triumuir capitalis | Quintia P. f. Galla [19] |
Lusitanie | |||||
27 | iie s. | Olisipo | L. Cantius L. f. Gal. Marinus, édile | Vibia Maxima [306] sa grand-mère du côté maternel et, Maria Procula [303], sa mère | |
28 | seconde moitié du iie s. | Collippo | impensam funeris, locum sepulturae et statuam d(ecreto) d(ecurionum) Collipponensium datam | Laberia L. f. Galla (Eborensis) [272], flaminique d’Ebora et flaminique de la province de Lusitanie | L. Sulpicius Claudianus, probablement son mari |
Hispanie citérieure | |||||
29 | époque flavienne | Baesucci, Laminium, Tugia et Viuatia | [h]uic municipium Flauium Baesuccitanum laudationem, locum sepulturae, inpensam funeris, exsequias, statuam decreuit ; municipium Flauium Laminitanu[m], d(ecreto) d(ecurionum), laudationem, statuam, municipium Flauium Tugiense, d(ecreto) d(ecurionum), laudationem, locum sep[ul]turae, inpensam funeris ; municipium Flauium Viuatiense, d(ecreto) d(ecurionum), laudationem, locum sepulturae, inpensam funeris ; [ci]ues Baesuc(citani) et incolae, statuas | C. Sempronius Celer, filius | C(aius) Sempronius Celer et Sempronia Augè [439], ses parents |
30 | époque flavienne | Laminium, Baessuci, Viuatia et Tugia | d(ecreto) [d(ecurionum) municipii] F(laui) Laminit[ani] huic mun(icipium) F(lauium) Laminit[anum lau]- dationem, statuam [decreuit], munic(ipium) [F(lauium)] Baesucc[itanum] d(ecreto) d(ecurionum), laudationem, [locum sepu]lturae, inpens[am funeris, exsequia]s, statuam | C. Sempronius Celer, filius | C. Sempronius Celer et Sempronia Augè [439], ses parents |
31 | sous les Flaviens et au début du iie s. | Tarraco | Tarraconens(es), d(ecreto) d(ecurionum) | Munnia L. f. Severa [370], flaminique perpétuelle de la Concorde Auguste | Novatianus, son fils |
32 | fin du ier, ou première moitié du iie s. | Tarraco | quae ex d(ecreto) d(ecurionum) Tarr(aconensium) quod factum post mortem eius, posita est adiectis ornamentis aedilicis | P. Fabius P. f. Ser. Lepidus, édile à titre posthume | Iulia Sex. filia Reburrina [361], sa mère |
33 | première moitié du iie s. | Tarraco | ex d(ecreto) d(ecurionum) Tarraco/nensium | C. Marius C. f. Gal. Nigrinus, Ausetanus, flamine provincial | Lucretia Montana [368], sa femme |
34 | première moitié du iie s. | Castulo | ordo Castulon(ensium), pro liberalitate Cor(neliae) Marullinae matris (…) statuam ei et filio suo positeram se decreuerat | L. Cornelius Marullus Cornelia C. f. Marullina [500], la mère de celui-ci | Cornelia C. f. Marullina [500] ex testamento |
35 | première moitié du iie s. | Castulo | statuam decretam ab decurionibus Castulonensium | M. Iunius C. f. Gal. Paternus, duumvir et flamine de Rome et d’Auguste | Cornelia P. f. Severa [501], son épouse |
36 | première moitié du iie s. | Castulo | Municipium Castulonensis | L. Cornelius L. f. Gal. Agricola, duumvir et flamine de Rome | Flavia Sperata [503] |
37 | milieu du iie s. | Acci | cui splendidissimus ordo locum et statuam decreuit | C. Valerius C. f. Pup. Restitutus | Valeria Hygia [414], sa mère |
47Comme on pouvait s’y attendre, les 37 documents répertoriés, datés de la fin du ier siècle et surtout du iie, mettent surtout en scène les membres masculins des familles de l’élite. 23 statues post-mortem leur furent en effet décrétées par les cités (sans compter évidemment les documents sans présence féminine que nous n’avons pas retenus98) contre 20 aux femmes ; 14 des hommages rendus aux dames de l’élite furent remboursés en totalité ou en partie par un homme. Sans surprise, la présence masculine est donc prédominante, même quand le choix de la documentation vise à mettre les femmes en valeur. Nous reviendrons dans la quatrième partie sur les hommages et les funérailles publics attribués aux femmes. Ajoutons, pour l’heure, que les dames qui assument les frais de la statue d’un parent sont beaucoup plus nombreuses dans le tableau n° 8, avec 28 attestations, que les hommes. Si dans sept cas, elles sont accompagnées d’un membre de leur famille (4 en compagnie de leur époux, encore en vie), dans vingt autres, elles agissent seules. Douze d’entre elles sont des mères honorant leurs enfants. Il s’agit probablement de veuves qui dirigeaient la famille, évidemment pas de façon légale mais de facto. C’est ce rôle moral de mater familias99 qui explique qu’elles prennent en charge les dépenses publiques prévues pour les funérailles et la statue de leur mari (cinq exemples) ainsi que de leur enfant dont le statut nous échappe100 souvent.
Un hommage public devenu coutume
48Puisque certains personnages importants de la cité recevaient une statue au moment de leur mort aux frais de la caisse publique101, les familles de l’aristocratie des cités hispaniques102 incluaient presque systématiquement l’érection d’une effigie sur piédestal du défunt au moment des cérémonies funéraires, surtout si aucune ne lui avait été élevée de son vivant. Une inscription de la fin du iie siècle trouvée dans la cité d’Iptuci103 mentionne explicitement l’expression ex more : suivant la coutume, un frère, Fabius Montanus, avait érigé une statue à sa sœur disparue, Fabia [---]insensis [123]. Le monument, dont le piédestal monolithique tripartite nous est parvenu, est important à plusieurs titres. En effet, outre la formule déjà citée, le texte mentionne l’installation de l’effigie sur un lieu public (accepto loco a splendidissimo ordine Iptucitanoru(m)) ; même si une localisation semblable est envisageable pour tous, cette précision manque dans la plupart des hommages. Dans les familles qui voulaient respecter les usages respectables, l’érection d’une statue du défunt in (loco) publico dans le cadre des rituels funéraires était de bon ton, presque socialement nécessaire pour les hommes, mais souvent aussi pour les femmes. Pline justifia cette pratique par la consolation : l’honneur et la gloire d’une statue en public permettait de supporter le chagrin de la perte d’un être cher104.
49La coutume favorisant l’érection d’une statue posthume dans un lieu public, en l’absence d’une initiative publique, c’étaient les familles qui prenaient en charge leur réalisation. Le cadre est bien spécifié dans les textes où la formule post mortem est exprimée en toutes lettres, comme sur le piédestal rond que Lucretia Lucilla érigea à sa mère, Aemilia C. f. Rustica [192], dans la cité de Segida Augurina en Bétique. Un autre exemple remarquable se trouve à Barcelone. Ses caractéristiques typologiques ont permis à ses éditeurs de le dater de la première moitié du iie siècle105. Le texte, inscrit à l’intérieur d’un cadre mouluré en creux, est un hommage disposé dans un espace public. En effet, l’expression l(oco) d(ato) d(ecurionum) d(ecreto)106 figure clairement. Cependant, la lecture complète de l’inscription montre qu’il était question d’une statue sur base, élevée à l’initiative d’une femme, Cominia Nereis [455], peut-être affranchie, en l’honneur de son fils, Q. Calpurnius Q. f. Gal. Flavus, duumvir. On a donc affaire à un monument érigé in loco publico, mais objet d’une initiative privée, dans un contexte de commémoration manifestement funéraire. Aussi le texte spécifie-t-il clairement le décès du magistrat, car il indique l’âge qu’il ne dépassera jamais, comme dans une épitaphe ; ensuite, l’inscription parle des honneurs posthumes du flaminat, décernés par les décurions de Barcino107 ; enfin, la formule post mortem est explicite. Comme dans le texte précédent, un petit nombre d’hommages spécifient l’âge de la personne honorée, déjà défunte108. Parmi ceux-ci, il faut mettre en avant l’inscription qui, dans la cité d’Aeso, en Citérieure, célébrait la memoria pietatis d’un adolescent décédé dans la seconde moitié du iie siècle. Selon ce texte, un couple d’Oretum, Marius Marianus et Maria Calpurnia [425], émigrés vers cette cité du nord de la province, a perdu son enfant, objet de tout leur amour et de leur admiration, et qui représentait en outre leur totale intégration dans leur nouvelle patrie. En effet, leur fils, P. Marius Mariani filius Calpurnianus, Oretanus, avait été reçu parmi les citoyens de la cité109. Ses parents lui érigèrent une statue équestre110, sans aucun doute exposée dans un lieu public : impetrato loco ex d(ecreto) ord(inis).
50Ces documents, complétés par d’autres, souvent moins explicites, montrent que l’accomplissement du devoir funéraire avec l’érection d’une statue in loco publico fut, dès le iie siècle, une des activités publiques les plus fréquentes des femmes appartenant aux familles notables ou, tout au moins, celles dont l’épigraphie parle davantage. Aussi prirent-elles en charge l’entretien de la mémoire de leur famille, car la vie les fit endosser le rôle de chef moral, à défaut de pouvoir en être le chef légal. Ensuite, leur souvenir a été entretenu par leurs héritiers de la même manière, avec une statue dans un lieu public, car ces dames, dont les maris étaient morts depuis plus ou moins longtemps, assuraient le lien entre les générations d’une même famille.
51Dans ce même contexte d’autoreprésentation après la mort, les notables eux-mêmes, hommes, mais aussi beaucoup de femmes, s’occupèrent personnellement de leurs funérailles et de la bonne disposition de leur statue post-mortem in loco publico. Ils laissèrent, pour ce faire, des indications précises dans leur testament. Outre l’assurance de l’entretien de leur mémoire publique111, la réalisation d’une statue ex testamento permettait aux défunts de transmettre leur souvenir aux membres de la famille de plusieurs façons. D’une part, les dispositions posthumes concernaient à la fois l’effigie du défunt ou de la défunte, auteur du testament, et celles de certains membres de sa famille, ce qui participait de la création de dynasties familiales, que nous avons maintes fois évoquées ; d’autre part, les héritiers, et par conséquent, les responsables de l’hommage, pouvaient associer en public leurs dénominations à la personne de l’illustre (ou prétentieux) prédécesseur et reprendre ainsi le flambeau familial et politique.
52Ce phénomène est résumé dans le tableau suivant, qui propose une synthèse des hommages honorifiques ex testamento où une femme tint un rôle : honorante, honorée ou héritière. Leur présence ne commence ici qu’à la fin du ier siècle, pour devenir fréquente au iie siècle.
Tableau n° 9. Hommages ex testamento dont l’inscription mentionne une femme
N° | Cité | Datation | Dédicants ex testamento | Dédicataires | Héritiers |
Bétique | |||||
1 | Algámitas, nomen ignotum | fin ier ou iie s. | Sempronia C. f. Rustica [27] | Q. Sempronius Secundinus, son fils | Sempronius Sempronianus, son mari |
2 | Iptuci | fin ier ou iie s. | Fabia [---]insensis [123] | elle-même | son frère et héritier, ex more |
3 | Obulco | fin du ier ou, iie s. | . Cornelius L. f. Gal. [---], édile | . Cornelius L. f. Gal. [---], lui-même, . Cornelius [-], son père . une dame inconnue, sa mère | Cornelia L. f. Anus [168], sa sœur, [post] mortem testamento |
4 | Vgultunia | première moitié du iie s. | Fabio Turpio | Didia L. f. Severina [227], son épouse | Pompeius Priscus et Didi(us) Seuerinus, haer(edes) |
5 | Alcoléa del Río, nomen ignotum | iie s. | Iulia Tu[sci]lla [26] | C. Manilius Flaccinus, son époux | |
6 | Iluro | iie s. | C. Fabius Vibianus | Vibia Lucana sa mère [117] | Fabia Firma [116], sa sœur ? |
7 | Iporca | iie s. | A. Cornelius Quir. Gallus | A. Cornelius Quir. Gallus, lui-même | Cornelia Prisca [118], heres |
8 | Antikaria | iie s. | Terentia L. lib. Felicula [32] | L. Calpurnius Senecio Hispanianus, son fils | Fabia Fabulla [29], sœur de Terentia L. lib. Felicula, heres dedicauit |
9 | Barbesula | iie s. | L. Fabius Gal. Caesianus, magistrat | L. Fabius Gal. Caesianus, lui même | Fulvia Sex. F. Honorata [58] et Fabia C. fil. Fabiana [57], heredes |
10 | Celti | milieu du iie s. | Aelia Q. f. Optata [83] | Q. Aelius Q. f. Optatus, son père ou son frère | G. Appius Superstes Caninius Montanus |
11 | Celti | milieu du iie s. | Calpurnia L. f. Sabina [85] | Q. Fulvius Q. f. Lupus, son fils | C. Appius Superstes Caninius Montanus |
12 | Regina | milieu du iie s. | P. Numisius Superstes | Cornelia Severina [186], peut-être sa femme P. Numisius Superstes, lui-même | Cocceia Celsi fil. Severa (Norbensis) [185] |
13 | Loja, nomen ignotum | seconde moitié du iie s. | Postumia M. f. Aciliana [146] | elle-même | son fils, L. Fabius Superstes |
14 | Corduba | à partir de 177 | Marcia Sex. fil. Lupata [13] | M. Bassaeus Rufus, mari de la petite-fille d’un consulaire | heredes eius |
Lusitanie | |||||
15 | Capera | époque flavienne | M. Fidius Macer, magistrat | . M. Fidius Macer, lui-même . Fidius Macri f., son père . Bolosea Pelli f., sa mère [265] . Iulia Luperci f. Luperca [267] | |
16 | Igaedis | iie s. | Annia Rufina [282] | Annia Vegeta [283] Anni Valentis, sa fille | |
17 | Mirobriga | iie s. | G. Pagusicus Valerianus | G. Pagusicus Valerianus, lui-même | Scribonia G. f. Maxima [293], son héritière |
Hispanie citérieure | |||||
18 | Aeso | fin du ier ou iie s. | L. Porcius L . f. Quir. Serenus, IIIIuir, IIuir | L. Porcius L. f. Quir. Priscus, son fils L. Porcius L . f. Quir. Serenus, IIIIuir, IIuir, lui-même | Porcia Procula [382], sa fille |
19 | Castulo | fin du ier ou iie s. | Cornelia L. f. Verecundina [502] | C. Cornelius C. f. Gal. Valentinus, magistrat, son époux | |
20 | Emporiae | fin du ier ou iie s. | Q(uintia ou –inctia) Fru[cta] [527] | [. C]ornelius [. f.] Gal. Volte[ian]us, son fils | |
21 | Tarraco | première moitié du iie s. | Fulvia M. f. Celera [353], flaminique perpétuel de la colonie et flaminique de la province d’Hispanie citérieure | C. Vivius Latro, magistrat de la colonie et flamine de la province d’Hispanie citérieure, son époux Fulvia M. f. Celera, elle-même | Fulvius Musaeus et Fulvius Moschus, les héritiers de Fulvia Celera [353] |
22 | Aeso | première moitié du iie s. | C. Aemilius C. f. Quir. [---] | lui-même | L. Aemilius C. f. Crescentinus, son oncle paternel, Fabia C[--] [420], sa mère, et Aemilia Pressa [416], sa sœur, heredes |
23 | Barbotum | première moitié du iie s. | L. Valerius Gal. Maternus, Boletanus | . L. Valerius Gal. Maternus, Boletanus, lui-même . Aemilia Placida [441], son épouse . P. Aemilius Ductus, Barbothanus, son beau-père . Maria Cordi f. [442], sa grand-mère de sa femme | l’heres n’a pas été spécifié |
24 | Saguntum | première moitié du iie s. | C. Popillius Cupitus | P. Baebius L. f. Gal. Maximus Iulianus, édile et flamine, son beau-fils | Popillia Avita [574], sa fille |
25 | Tarraco | sous Hadrien | Numisia L. f. Victorina [371] | L. Numisius L. fil. Pal. Montanus, magistrat et chevalier, son frère | |
26 | Labitolosa | sous Hadrien | Cornelia Neilla [541] | . M. Clodius M. f. Gal. Flaccus, magistrat et flamine, juge de cinq décuries et tribun militaire, son époux . L. Aemilius Attaeso . Sex. Iunius Silvinus . Cornelia Neilla, elle-même | Cornelius Philemon et Clodia [---] [541] heredes eius] |
27 | Dertosa | iie s. | Porcia Placida [512] | L. Munnius L. f. Gal. Placidus, magistrat, son époux | |
28 | Barcino | à partir de 150 | Pedania Ianuaria [477] | L. Pedanius L. f. Pal. Clemens Senior, magistrat, son père | Ped(anii) Sacerdos et Ianuaria, heredes eius, patrono posuerunt |
30 | Tarraco | milieu du iie s. | L. Valerius Tempestivus | L. Valerius Tempestivus, lui-même | Quintius Flaccus, son oncle et sa belle-mère, Valeria Verana [403], sa belle-mère, heredes |
31 | Edeta | seconde moitié du iie s. | L. Caecilius Crassus Cassiani fil. | L. Caecilius L. f. Gal. Cassianus, magistrat, son père | Licinia L. f. Celerina [522] |
Vers l’apparition de cénotaphes en ville
53Nous avons vu que les statues honorifiques servaient à la fois à la conservation de la mémoire publique et de la mémoire familiale. Elles sont devenues, dans la cité, des agents essentiels de la gloire des défunts : les sépultures de notables se rapprochant de plus en plus des uillae et ce faisant plus intimes et fermées à la communauté112, les statues in loco publico sont apparues, dans la seconde moitié du iie siècle et au début du iiie, comme un des seuls souvenirs urbains des personnalités disparues. Ce processus accompagna un phénomène de société que P. Veyne113 appelle la “métamorphose des relations conjugales” : dans un empire qui connaissait la paix extérieure et un gouvernement monarchique à l’intérieur, les vieilles valeurs de la uirtus, du courage, de l’engagement politique firent place à l’exaltation publique des valeurs familiales et des liens affectifs. Ces derniers passèrent ainsi au centre de la représentation individuelle, au même titre que les fonctions politiques locales. Conformément aux convenances sociales, elles-mêmes associées à l’honorabilité, on saluait l’amour entre époux, parents et enfants. Dans cette célébration des bons sentiments à son comble au moment de la mort, ainsi qu’en témoignent les épithètes au superlatif, les femmes, en tant qu’épouses et mères, connurent un regain d’importance publique. Citons, à cet égard, les exemples de Maecilia P. f. Herenniana [198], uxor carissima, à qui son époux éleva, à ses frais, une statue dans un emplacement public114 et de Fabia Saturnina [351] à Tarraco, uxor optima, que son mari, sévir, honora d’une statue sur piédestal dans la seconde moitié du iie siècle. En apparence, quelle que soit la réalité des situations, les femmes n’étaient plus seulement mises en avant comme liens de mémoire entre les générations, mais comme les protagonistes nécessaires à l’amour familial, au moins pour l’image donnée en société. En effet, comme le rappelle à nouveau P. Veyne115, il n’est guère possible de faire la distinction entre les bons sentiments affichés, dictés par les convenances sociales, et ceux qui étaient effectivement éprouvés.
54En tout cas, c’est dans ce contexte marqué publiquement par les symboles de valeurs collectives de l’honorabilité qu’on assiste à l’apparition de piédestaux in loco publico portant la formule in memoriam (et ses variantes), tel celui qui fut élevé, au milieu du iie siècle, à Tarraco, par Aemilia Nymphodotè [313] in honorem et memoriam de son fils, Aemilius Augustalis. Cette mère précise tout de même, probablement pour de banales questions d’héritage, qu’elle en avait assumé la dépense. Un exemple significatif d’hommage en contexte funéraire reste celui de Lucia P. f. Avircia Aciliana [61], qui reçut un hommage funéraire de cinq cités de Bétique. Le piédestal, qui soutenait sa statue érigée par la ville de Callet, porte sur sa façade un texte introduit par la formule D. M. De la même façon, la cité d’Aurgi gratifia Calpurnia Scantilla [47] d’honneurs funéraires, dont l’éloge gravé sur le piédestal commençait par D. M.116.
Les statues de divinités in honorem et in memoriam d’un parent disparu
55Théoriquement les défunts s’approchaient, en public, de la perfection individuelle et s’éloignaient de la politique. Les qualités personnelles s’étalaient au vu et au su de tous, et l’au-delà, avec ses divinités, était proche. C’est ainsi que, dès le milieu du iie siècle et pendant une partie encore non-déterminée du iiie siècle, les espaces publics des cités hispaniques, notamment les monuments religieux, furent ornés de signa de divinités, souvent qualifiées d’Augustes, érigées in honorem et memoriam (avec des variations) d’une personne disparue. Ces monuments, avec leurs codes textuels et leurs symboles iconographiques, reliaient trois aspects de la vie en société : la perpétuation du souvenir funéraire, l’hommage honorifique et enfin, un acte religieux qui, outre la manifestation de la pietas personnelle, constituait un élément d’ornementation de la cité. Typologiquement, ils ne se différenciaient guère des monuments honorifiques, sauf que le piédestal portait alors le simulacrum de la divinité.
56On possède plusieurs données qui semblent exprimer la préférence pour le métal dans la réalisation de ce type de statue, en particulier l’argent en Bétique117. Parfois plus petites, en raison du prix élevé de la matière première utilisée, ces effigies nécessitaient une base plus réduite que celles qui représentaient des personnes. On assista donc à l’usage fréquent de piédestaux monolithiques ou maçonnés118. Dans ces derniers cas, le dé était souvent très bas. Les statues des divinités pouvaient avoir les traits du défunt, représenté ainsi in forma deorum. Quant aux femmes et aux divinités représentées, évidemment toujours féminines, elles portaient souvent des bijoux, ce qui laisse à penser qu’elles étaient plutôt exposées dans un lieu clos et protégé, comme un temple. À l’instar d’autres statues, elles durent souvent faire partie des ornamenta aedium. Les documents qui soulignent cette pratique (17 exemples) ne sont pas en grand nombre, mais les femmes y sont convenablement représentées, comme le montre le tableau n° 10.
Tableau n° 10. Les statues de divinités in honorem et in memoriam avec présence féminine
N° | Cité | Datation | Divinité | Formules | Personnes honorées | Dédicant |
Bétique | ||||||
1 | Celti | iie s. | Venus Auguste | post mortem | Aemilia Artemisia [84] | Aemilia Artemisia [84bis] |
2 | Ostur | seconde moitié du iie ou début du iiie s. | Diane Auguste | ob memoriam | Fabia m. f. Prisca [182] | Rantulana Priscilla [183] remboursements des frais à l’ordo |
3 | Barbesula | seconde moitié du iie ou début du iiie s. | Junon Auguste | in honorem | Aelia Domitia Severiana [54] | la cité |
4 | Munigua | début du iiie s. | Ceres Auguste | in honorem et memoriam | Quintia M. f. Flaccina [159] | Q. Aelius Vernac(ulus), son ami et héritier |
Lusitanie | ||||||
5 | Emerita Augusta | seconde moitié du iie s. | Jupiter | in honorem | M. Arrius Reburrus, originaire de Lancia Transcudana | M. Arrius Laurus et Paccia Flaccilla [247], ses parents |
6 | Igaedis | seconde moitié du iie s. | Vénus Auguste | in honorem | Rufina Reburrini f. [286] | [-] Severa [308], sa mère |
7 | Mirobriga | seconde moitié du iie ou début du iiie s. | Vénus Victrix Auguste | sacr(um) in honorem | Lucilia Lepidina [291] | Flavia Titia [290], sa mère |
8 | Mirobriga | seconde moitié du iie s. | Mars | sacr(um) in honorem | G. Pag(usicus) Marinus | Pag(usica) Mariana [292], sa sœur |
9 | Pax Iulia | seconde moitié du iie s. | Sérapis Pantheon | in honorem | G. Marius Priscianus | Stelina Prisca [309], sa mère |
10 | São Bartolomeu de Messines, ignotum, | seconde moitié du iie ou début du iiie s. | Jupiter | in memoriam filii | L. Atilius Maximus Severianus | L. Atilius Atilianus et Artullia G. f. Severa [311], ses parents |
11 | Sellium | seconde moitié du iie ou début du iiie s. | Mars | in honorem | T. Aemilius Martianus | Allia Amoena [312], sa mère |
Hispanie citérieure | ||||||
12 | Tarraco | seconde moitié du iie, début du iiie s. | Isis Auguste | in hono(rem) et memoriam | Iulia Sabina [362] | Clodia Orbiana [334], sa mère |
13 | Tarraco | seconde moitié du iie, début du iiie s. | Junon Auguste | sacrum in h(onorem) (et) me(moriam) | Caecilia Ianuaria [327] | L. Caecilius Epitynchanis, son époux |
14 | Acci | seconde moitié du iie, début du iiie s. | Isis | in honorem | [-] Avita [411] | Fabia L. f. Fabiana [412], sa grand-mère |
15 | Aeso | seconde moitié du iie, début du iiie s. | Lune Auguste | in honorem et memoriam | Aemilia L. fil. Materna [415] | L. Aemilius Maternus, duumvir, et Fabia Fusca [421], ses parents |
16 | Aquae Calidae | seconde moitié du iie, début du iiie s. | Apollon Auguste | honori memoriaeque | L. Aemilius L. fil. Quir. Celatianus | Porcia Festa [432], sa mère |
17 | Castulo | seconde moitié du iie, début du iiie s. | Pietas Auguste | in memoriam | L. Cornelius Marullus | Cornelia C. f. Marullina [500], sa mère |
57La carte de distribution de ce type de monuments (fig. 6) montre qu’ils furent érigés partout où la pratique honorifique avait été importante : en Bétique, dans les cités de la côte méditerranéenne et dans le sud de la Lusitanie. On remarque cependant qu’en raison de leur caractère votif, ils furent également élevés en nombre dans le centre de la Lusitanie, dans des cités où l’érection des hommages aux notables et aux femmes de la province était une pratique peu répandue. Notons, de surcroît, le faible nombre de données issues des cités de Bétique, qui peut s’expliquer par l’importance des honneurs de type traditionnel et par la réalisation fréquente des simulacra en argent sans mention de la formule in memoriam119.
Données iconographiques dès la fin du ier s. p.C.
58Nous avons, jusqu’ici, suivi le phénomène honorifique à partir des informations apportées par les textes des piédestaux, très nombreux dans certaines parties de la péninsule Ibérique. Les vestiges de statues de femmes qui surmontaient ces bases in loco publico sont très peu nombreux, alors qu’ils devraient l’être autant que leurs piédestaux. Leur absence archéologique est d’autant plus remarquable que les effigies féminines susceptibles d’avoir été exposées sur un piédestal de la fin du ier siècle au début du iiie sont encore moins nombreuses que celles qui sont datées des trois premiers quarts du ier siècle ; ce phénomène touche également les représentations masculines. Ces données contrastent avec celles d’autres régions, où les effigies de notables, de femmes en particulier, remontent pour la plupart au iie siècle120.
59À en juger par les données concernant le matériel iconographique en ronde bosse de la péninsule Ibérique, recensées par C. Marcks, seules quatre statues honorifiques féminines non impériales datées de cette période ont été trouvées en contexte archéologique. Ainsi, près de la basilique de Baelo Claudia, on a découvert le fragment d’un corps féminin vêtu proche du modèle Arthémis, datant d’une période située entre les règnes d’Hadrien et d’Antonin le Pieux121. Le deuxième exemple, une statue du type Korè122 du iie siècle, a été découvert sur le forum de Malaca. L’exemple le plus important a été découvert à Aurgi. Il s’agit d’une statue féminine de la variante Allia et du type de Berlin, datée du règne de Trajan (fig. 7b) ; elle a été mise au jour dans la fontaine de la Magdalena123, avec le corps et la tête d’un homme en toge (fig. 7a)124, le piédestal de Fabia Threptè [49] et d’autres éléments appartenant à un nymphée monumental125. Il semble possible de suggérer que la statue féminine surmontait la base, faisant ainsi partie intégrante du même hommage126. Ce nymphée, plus modeste que ses parallèles orientaux, indique que les effigies honorifiques sur piédestal pouvaient être disposées dans des endroits très variés, autres que la chaussée, notamment près ou sur des fontaines. Enfin, en Citérieure, sur un forum de la capitale, Tarraco, on a exhumé une statue fragmentée dont on ne conserve qu’un torse féminin vêtu, de datation incertaine127.
60D’autres exemples de corps féminins ont été trouvés hors contexte (toujours selon la compilation de C. Marcks), mais il nous est possible de deviner leur fonction honorifique. Le type Korè est le plus représenté, comme l’atteste un fragment d’époque flavienne trouvé à Castulo128 et une statue à Fuengirola, l’ancienne Suel (province de Málaga), du milieu du iie siècle129. Cette liste comporte aussi une pièce trouvée à Norba, datée du iie siècle130, et deux à Begastrum de la fin du ier et du iie siècle131. Un autre type de corps féminin attesté est celui dénommé Orans. La cité de Suel (Fuengirola, Málaga) en a fourni un exemplaire, daté de la fin du règne d’Hadrien ou du début de celui d’Antonin le Pieux132. Quant à la statue de Naeua (Cantillana, Séville), elle a été associée, d’après l’inscription de l’un des piédestaux de son époux133, à la série d’effigies que reçut Egnatia M. f. Lupercilla [161]. Ces données ont été résumées dans le tableau suivant.
Tableau n° 11. Corps de statues féminines datés de la fin du ier, du iie ou du iiie siècle trouvés (avec quelque probabilité) dans un espace publique134
N° | Cité | Contexte | Type | Datation | Bibliographie |
Bétique | |||||
1 | Aurgi | nymphée | Allia | sous Trajan | Marcks 2008, n° 25 |
2 | Baelo Claudia | près de la basilique | Arthemis | sous Hadrien ou Antonin le Pieux | Le Roux & Dupré 1975, 200 ; Baena 2000, 6 ; Marcks 2008, n° 6 ; Loza 2010, n° 2 |
3 | Baelo Claudia | à la porte de la basilique | peut-être du type Arthemis | sous Hadrien ou Antonin le Pieux | Le Roux & Dupré 1975, 200 ; Baena 2000, 6 ; Marcks 2008, n° 6 ; Loza 2010, n° 3 |
4 | Naeua | forum ? | indéterminé | iie s., probablement dès le règne d’Hadrien | Marcks 2008, n° 7 |
5 | Malaca | forum | Korè | iie s. | Baena 1984, 82, n° 17 ; Marcks 2008, n° 29 |
6 | Suel | inconnu | indéterminé | milieu du iie s. | Baena 1984, 85, n° 18 et 2000, 7.13 ; Marcks 2008, n° 24 |
7 | Suel | inconnu | Orans | sous le règne d’Hadrien ou début de celui d’Antonin le Pieux | Baena 1984, 80, n° 16 ; Marcks 2008, n° 23 |
Lusitanie | |||||
8 | Norba | inconnu | indéterminé | iie s. | Marcks 2008, n° 56 |
Hispanie citérieure | |||||
9 | Begastrum | inconnu | indéterminé | fin du ier s. | Marcks 2008, n° 82 |
10 | Castulo | inconnu | Korè | sous les Flaviens ou début du iie s. | Baena 2000, 7 ; Baena & Beltrán 2002, 84, n° 30 ; Marcks 2008, n° 11 |
11 | Begastrum | inconnu | indéterminé | iie s. | Marcks 2008, n° 83 |
12 | Tarraco | forum de la cité | indéterminé | iie s. | Marcks 2008, n° 94 |
61À ces statues, il faut ajouter avec moins de certitude, un exemple du type Hygia, daté entre les règnes d’Hadrien et Antonin le Pieux, et qui décorait la ville d’Italica135 ; un autre du modèle Eumachia-Fundilia découvert à Munigua136 ; un troisième du type Thémis ou “Hüftbausch” de la fin ier, début du iie siècle à Caesarobriga137 ; un quatrième corps du type palliata d’époque flavienne, découvert à Valentia138 ; et un cinquième, une togata de la fin du ier ou début du iie siècle à Pompaelo139. Des statues féminines non identifiées ont enfin été trouvées à Asido140, Italica141 et Pax Iulia142.
62Bien que peu nombreuses, ces données fournissent néanmoins un petit aperçu des représentations féminines honorifiques : des types redondants et plus ostentatoires que les statues funéraires. Il faut toutefois comprendre la raison de leur faible nombre. La première est l’évolution constante des décors urbains. Les statues étaient changées au gré des besoins en espace de représentation, pour en réinstaller d’autres, toujours avec le consentement du conseil des décurions. La cité organisait les paysages urbains et la répartition des lieux d’érection, eux-mêmes prêtés par décision publique et destinés aux statues des particuliers. Quand l’espace venait à manquer, quand la famille représentée n’avait plus d’héritiers, on pouvait enlever les effigies pour en ériger d’autres. Les supports épigraphiques étaient alors vite réutilisés dans des constructions postérieures. Cependant, ce processus n’explique pas pourquoi les statues de l’époque julio-claudienne décrites supra143 ont perduré en plus grand nombre que celles du iie siècle, alors que le jeu des substitutions aurait dû les faire disparaître. Plusieurs hypothèses sont envisageables : tout d’abord, J. Fefjer a récemment suggéré, à partir du témoignage de Dion Chrysostome dans son Discours aux habitants de Rhodes, que les statues les plus appréciées étaient réutilisées. Quand la cité devait honorer un citoyen important (ou son épouse), il était fréquent que l’on emprunte une statue d’un notable ou d’une femme de notable dont la famille avait disparu ; on en conservait le corps et on en changeait la tête. La deuxième hypothèse est directement liée à la précédente : l’iconographie de l’époque julio-claudienne était particulièrement appréciée, car elle semblait créer un cortège des ancêtres peuplant la mémoire collective des habitants de la cité. Elle était donc respectée et réutilisée.
Les représentations des dames de l’élite au iiie siècle
63Les hommages honorifiques adressés à l’élite hispanique, aux femmes en particulier, disparurent probablement dans la seconde partie du iiie siècle. En tout cas, aucun ne peut être daté du ive siècle. Comment s’est déroulé ce processus d’un point de vue chronologique ?
64Comme tous les chercheurs qui se sont intéressés à l’épigraphie hispanique, nous avons rapidement remarqué que, pour les éditeurs de textes, tout semble s’arrêter brutalement aux environs de l’année 200. Même l’époque sévérienne s’avère soudainement dépourvue de documents écrits. Bien que l’étude de l’épigraphie au iiie siècle dans la péninsule Ibérique reste à faire, il est cependant possible, sur la base de la documentation concernant les femmes, de proposer quelques réflexions globales sur la fin des hommages. Notons dès à présent que la réponse ne viendra pas de la datation typologique des piédestaux, car la forme des supports honorifiques, établie à la fin du ier siècle demeura ensuite presque inchangée, tout au moins en ce qui concerne les honneurs attribués aux notables144. Elle n’émergera pas non plus des critères paléographiques, trop vagues pour permettre de répartir les inscriptions entre la seconde moitié du iie siècle et la première moitié du iiie. De ce fait, les seuls éléments de datation relative dont nous disposons sont fournis par la rédaction des hommages, car celle-ci évolua en fonction des conceptions et des conventions sociales. Les inscriptions honorifiques mettent en relief, à un moment donné, les affects familiaux, traduits par des épithètes au superlatif qui sont indiqués dans les inscriptions à partir de 150 p.C. Rien n’empêche, toutefois, de penser que certains de ces textes aient pu être écrits encore au iiie siècle. De la même façon, les dédicaces à une divinité in honorem et in memoriam d’un être cher disparu ont été datées dans les cinquante dernières années du iie siècle, parce que ce type de textes résulta de la fin d’une évolution des valeurs honorifiques. En effet, l’allusion à la mémoire est une pratique épigraphique tardive. Elle apparut dans les épitaphes de la fin du iie et du iiie siècle et, puisque les hommages funéraires étaient directement associés au souvenir post mortem, la mémoire a ainsi fait partie de leur rédaction. Autrement dit, sauf exception, ces monuments doivent être datés, au moins de la fin du iie et du premier quart du iiie siècle. Selon nous, la place des femmes dans l’autoreprésentation publique des élites hispaniques s’est maintenue jusqu’au déclin de cette manifestation sociale, à savoir la fin de l’époque sévérienne. Cette chronologie concorde avec celle qui est proposée pour d’autres régions de l’empire145.
Le rang des dames dans les hommages hispaniques
65Après avoir étudié de manière chronologique la présence des dames dans les hommages, il est maintenant nécessaire d’étudier leur personnalité. On s’interrogera sur l’identité des femmes qui méritèrent un hommage public ou qui prirent l’initiative d’honorer leur entourage. Il est évident qu’elles étaient toutes membres de l’élite, car une statue in loco publico était devenue le symbole le plus important de la reconnaissance au niveau local. Cependant, une analyse détaillée de leur identité devrait nous permettre de déterminer avec plus de précision les critères et l’évolution de leur prestige public.
La mention du rang dans les textes
66Les membres de l’album décurional et leurs femmes furent honorés partout. Ils constituent, dans notre documentation, les effectifs les plus nombreux des personnes statufiées avec 34 exemples, pourcentage très élevé par rapport au total. Les femmes de chevaliers sont aussi relativement nombreuses dans la documentation avec 14 exemples. Dans la plupart des cas, elles étaient les épouses, les mères ou les filles d’equites municipales. En effet, on ne trouve qu’une épouse de procurateur avec son mari, probablement parce qu’elle avait des origines hispaniques : Carvilia P. f. Censorilla [204], épouse de P. Magnius Q. f. Quir. Rufus Magonianus, procurateur impérial de Bétique ; sa statue, à côté de celle de son mari, fut érigée sur le forum de Singilia Barba par Acilia Plecusa [199]. On connaît aussi l’épouse d’un préfet d’Égypte et patron de Malaca, L. Valerius L. f. Quir. Proculus146, Valeria C. f. Lucilla [148], dont les origines hispaniques sont également probables.
67Seules quelques villes, évidemment celles qui avaient donné des sénateurs à l’empire, reçurent des statues de femmes clarissimes ou de sénateurs honorés par une femme. La documentation est peu abondante : quoi qu’en pensent certains chercheurs147, les sénateurs, immigrants volontaires, n’étaient pas vraiment attachés à la vie des cités hispaniques148, à l’exception peut-être de certaines familles comme les Messii Rustici de Siarum ou le Numisii de Barcino. La documentation concerne surtout la Bétique, concrètement les villes de Cordoue, d’Iliberri, d’Hispalis et de Siarum. Les monuments d’Iliberri furent élevés sur les deniers publics au consul Valerius Vegetus, son épouse, Etrilia Afra [106] et sa mère Cornelia P. f. Severina [105], comme la statue équestre dédiée à C. Annius C. f. Lepidus Marcellus, jeune clarissime mort au début du iiie siècle, décrétée par la colonie de Cordoue. Sa mère, Quintia P. f. Galla [195], remboursa les frais. À Hispalis, Cornelia M. f. Prisca [98] et son époux, le sénateur Cutius Balbinus, érigèrent un autel, peut-être situé sur un lieu public, à leur fils D. Cutius Balbinus M. Cornelius Potitus L. Attius Iunianus Romulus, IIIIuir uiar(um) curandar(um). Enfin, une femme de Siarum, Caesia Senilia [195], honora le sénateur M. Cutius M. f. Gal. Priscus Messius Rusticus Aemilius Papus Arrius Proculus Iulius Celsus149, dont le père était originaire de cette cité.
68Les autres informations sont toutes issues de l’épigraphie de Tarraco. Fulvia Procula [346] éleva une statue à son frère, L. Fulvius Ursi fil. Quir. Numisianus, agrégé à l’ordo supérieur parmi les anciens tribuns ; Celsia Flavina [331], épouse de Numisianus, offrit une statue à leur fille, Fulvia Procula [354]. Toujours à Tarraco, Rufria Ovinia Corneliana [388] fit élever une statue sur piédestal à son père, L. Ovinius L. f. Quir. Rusticus Cornelianus, sénateur natif de la cité. Un sénateur en poste en Hispanie citérieure, Q. Gargilius Macer Aufidianus, honoré par son épouse, Apronia Iusta [317] fut l’objet d’une statue sur piédestal, probablement dans un contexte privé.
69À côté des images très nombreuses des membres de la vieille élite, des notables municipaux pour la plupart, le paysage des villes se peuplait des effigies des nouveaux riches (15 % de la documentation environ) d’origine modeste qui avaient réussi à occuper les prêtrises mineures, comme le sévirat ou la présidence du collège qui honorait les Lares des empereurs, souvent les deux. Outre leur réussite sociale, ils montraient également leur réussite familiale en élevant leur statue et celles des leurs. Ainsi, à Barcino, Acilia Arethusa [443] fut honoré par son mari, le sévir L. Pedanius L. l. Epictetus in l(oco) publico ; ils étaient des affranchis150, appartenant respectivement aux prestigieuses familles de Barcino, les Acilii151 et les Pedanii152. On sait par ailleurs qu’Arethusa et son mari étaient très riches, car ils possédaient la grande uilla du Veral de Vallmora (Teià - El Maresme)153. Le cas est intéressant dans la mesure où le couple, héritier onomastique de deux grands noms, avait aussi passé la “ligne de démarcation” de la respectabilité en devenant riche propriétaire foncier après avoir fait fortune. C’est cette honorabilité, parallèle, mais effective, qui justifiait l’implantation de leurs effigies au cœur de la cité. Elle explique aussi d’autres exemples d’hommages entre couples d’affranchis : ainsi, à Barcino, la statue du sévir C. Trocina C. lib. Synecdomus, honoré par son épouse affranchie, Valeria Halinè [488], et celle de L. Valerius L. lib. Hedistus, également sévir, à qui Valeria Thallusa [491] rendit le même hommage.
70Si les affranchis argentés désiraient être statufiés et s’inscrire dans le processus bien connu de l’imitatio des pratiques honorables, on les trouvait le plus souvent dans un rôle plus conforme à leur condition, comme dédicants de statues à leurs patrons ou anciens patrons. Ces manifestations résultaient de gestes spontanés ou de contraintes testamentaires : avec son mari et co-affranchi, Atilia Alcyonè [319] offrit une statue à leur maîtresse Atilia L. f. Valeriana [320], dans les rues de Tarraco. Il en va de même pour les affranchis de Fulvia Celera [353], flaminique de Tarraco et flaminique provinciale ; alors que la dame était encore en vie, son affranchi Fulvius Diadochus lui érigea une effigie ; à sa mort, ses héritiers, Fulvius Musaeus et Fulvius Moschus exécutèrent ses dispositions testamentaires : ériger sa statue et celle de son époux, le flamine provincial C. Vibius C. f. Gal. Latro.
71Parmi les dédicants affranchis, un exemple des plus remarquables est celui d’Acilia Plecusa [199], qu’une promotion matrimoniale avait fait entrer dans la bonne société de Singilia Barba. À la fin du iie siècle, elle créa sur le forum de la ville154 une grande galerie de portraits dans laquelle elle honorait les membres de sa famille (son époux et ancien dominus, préfet des ouvriers, son fils, sa fille, son petit-fils et sa petite-fille), mais aussi des personnages de grand prestige, associés de cette manière à sa gens, comme le procurateur provincial P. Magnius Rufus Magonianus et son épouse, Carvilia Censonilla [204]. Ajoutons que les variations de formulaires, à l’image du large éventail des générations concernées, laissent à penser que la “galerie honorifique” d’Acilia Plecusa se constitua petit à petit.
Les hommages dans les capitales des provinces hispaniques
72La recherche du rang des dames mentionnées dans les hommages porte ses fruits dans les capitales provinciales. L’analyse des textes épigraphiques montre que le niveau social des hommes et des femmes représentés était à la fois plus varié et plus élevé qu’ailleurs. C’est Tarraco qui fournit le dossier le plus dense et le plus significatif. La particularité de la capitale de la Citérieure, par rapport aux autres cités est que beaucoup d’étrangers y venaient à la recherche d’un avenir meilleur. On y trouve d’abord les flamines et les flaminiques originaires de toute la province dont les statues ornaient le forum provincial. G. Alföldy montra jadis les particularités de leurs cursus155 : les flamines étaient, pour la plupart, des magistrats locaux dont une partie avait intégré l’ordre équestre par une milice.
73On y trouve ensuite d’autres notables qui, étant arrivés seuls, épousaient une dame du lieu qui leur apportait la respectabilité et la légitimité recherchées156. Ainsi, Q. Anthracius Q. f. Velina Ingenuus, né à Palma ou à Pollentia, épousa Didia Amabilis [343], originaire de la capitale, qui lui érigea une statue ; agrégé à l’ordo de Tarraco, il fut ensuite édile et duumvir157. Mais, ces hommes venus d’ailleurs pouvaient arriver avec leur épouse, et même avec leur chère mère. Les exemples les plus significatifs sont : d’abord C. Valerius Avitus, duumvir déplacé du municipe d’Augustobriga à la colonie de Tarraco par Antonin le Pieux et richissime propriétaire de la uilla des Munts, qui vint avec sa mère, Valeria Firmina [402], laquelle lui dédia une statue sur piédestal158 ; ensuite Atilia L. f. Valeriana [320], née à Ilerda, qui s’installa définitivement à Tarraco avec son époux, le chevalier M. Fabius M. f. Gal. Paulinus159. Tous les deux furent remerciés par de nombreux hommages dans des lieux publics de la ville160 et ils eurent une descendance à la hauteur de leurs espérances, puisque le sénateur Fabius Paulinus161 était probablement le petit-fils de ce couple. On trouve aussi leur trace dans le parcours de leurs affranchis, déplacés et installés avec eux sous Hadrien162 : M. Fabius Asiaticus, un affranchi de Fabius Paullinus, fut sévir et président du collège de Lares des empereurs163.
Le laconisme des hommages
74Si l’on a pu établir le rang de certaines dames mentionnées dans les hommages, comme le prouvent les lignes précédentes, force est de constater que l’une des caractéristiques des hommages hispaniques avec présence féminine est précisément l’absence fréquente de données sur les honoré(e)s et les dédicataires. Deux raisons semblent être à l’origine de cette particularité épigraphique. La première tient compte de l’origine des protagonistes de l’hommage, notamment les dames : le laconisme de certains textes peut ainsi laisser supposer que l’intéressée souhaitait passer sous silence une origine peu reluisante. Le cas de Clodia Pephilemenè [453], à Barcino, est l’illustration probable de ce type de comportement. En effet, dans la première moitié du iie siècle, son mari, L. Clodius Hyginus, lui érigea une statue située sans aucun doute sur un lieu public, puisque le texte fait mention de l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum)164 ; le statut du mari n’est pas indiqué, mais les deux époux partageaient le même gentilice et avaient des surnoms d’origine grecque165, ce qui fait d’eux des affranchis.
75Toutefois, dans des contextes urbains où les hommages in (loco) publico étaient devenus de plus en plus banals, la dissimulation d’une origine peu glorieuse ne peut pas expliquer à elle seule ce type de rédaction. Ainsi, lorsque les décurions de Cordoue érigèrent, à la fin du ier siècle, à Calpurnia Anus [8], une statue sur piédestal tripartite dont elle remboursa les frais, la raison d’un tel hommage n’est pas spécifiée ; mais l’identité de l’époux figure dans sa nomenclature à travers le cognomen de Severus au génitif, ce qui signifie qu’elle était honorée, en tant qu’épouse d’un homme dont on ignore tout, excepté qu’il méritait la gratitude de la capitale de la Bétique où il était bien connu. Autre exemple significatif : au iie siècle, dans la cité d’Ilerda, Sempronia Tempestiva [537] reçut une statue à l’initiative de sa mère, Marcia Tempestiva [535]166. Rien de leur situation n’aurait été connu sans la découverte d’un autre dé, identique au précédent, rédigé par Marcia Tempestiva à l’adresse de son fils, C. Marcius Gal. Masc(u)lus, édile, duumvir et flamine167, précisant qu’elle était la mère du magistrat. Enfin, Rutilia Fructuosa [209] à Singilia Barba, en Bétique, fut honorée d’un monument par son mari L. Iunius Nothus dont le texte de l’hommage ne dit rien de la condition sociale. On sait cependant, par une autre inscription, qu’il fut sévir perpétuel et honoré des plus grands honneurs qu’on puisse accorder à un affranchi168. La conclusion est simple : comme les tableaux n° 5, 6 et 7 l’ont montré, les hommages avec présence féminine faisaient presque toujours partie d’une galerie de portraits dynastiques dont les hommes étaient le centre et la raison première. En découlent le silence des textes d’un côté et l’abondance des informations de l’autre. La localisation en série des hommages entraîne la fragmentation des données épigraphiques : le rang de la dame, autrement dit celui de son époux, n’y est indiqué que dans une seule des inscriptions de la galerie. Par conséquent, c’est dans la disposition en série qu’apparaît une deuxième explication au laconisme épigraphique des hommages.
76Quelles conclusions peut-on établir alors sur le rang de ces femmes dans les hommages ? Une seule : le fait d’avoir reçu ou payé une statue les classait parmi celles qui disposaient d’une situation économique confortable, respectaient le code de conduite de la bonne société et méritaient, par voie de conséquence, la reconnaissance de la communauté. En ce sens, elles étaient toutes membres de l’élite. Pour le reste, autrement dit, leur rang, l’éventail des possibilités est assez large et les inscriptions ne nous renseignent guère.
77La documentation montre que, dès l’époque augustéenne et jusqu’à la fin des règnes des Sévères, les femmes hispaniques participèrent à l’autoreprésentation des notables d’abord dans les sépultures, ensuite sous la forme d’hommages dressés en ville, pratique qui s’est largement développée au iie siècle et poursuivie jusqu’à la première moitié du iiie siècle. Leur participation fut double. D’une part, les dames des élites locales furent personnellement honorées in loco publico. Une analyse poussée des documents révèle que la plupart des statues féminines sur piédestal étaient érigées dans un ensemble à caractère dynastique : elles étaient représentées en couple, avec leur mari ou avec le reste de leur famille. D’autre part, certaines femmes furent les auteures de monuments honorifiques élevés aux membres de leur famille, particulièrement à des hommes qui avait occupé des postes publics : père, frère, mari, mais surtout fils, notamment s’il était disparu trop tôt.
78Les femmes furent souvent honorées à l’intérieur d’une galerie de portraits. Les textes le prouvent : on honorait les hommes en fonction de leur position politique, passée, présente ou à venir, car c’était leur carrière qui était à l’origine du monument. À leur côté, les femmes, représentées en marbre, diffusaient une image homogène de l’épouse romaine au foyer, parfaite, grande et sereine, suivant l’exemple que donnait, en principe, celle de la domus impériale. Ces dames se présentaient selon des codes de conduite étroitement associés aux conceptions morales et aux codes privés exposés en public. Elles étaient des perfectissimae feminae, autrement dit mères, épouses et filles, pourvues du rôle social qui leur était attribué par la mentalité collective romaine dans la sphère publique : piliers de leurs famille, piliers de la pietas169 et de la deuotio romaines, représentantes de la romanité170 en somme.
79Les dames étaient fréquemment à l’origine des monuments honorifiques des hommes éminents de leur famille au moment de leur mort. Elles agissaient comme intermédiaires entre ceux-ci et la communauté, en utilisant leurs ressources personnelles ainsi que celles de leurs enfants qu’elles pouvaient administrer avec un certain degré d’autonomie (souvent dans le cas des veuves), afin de prouver la continuité civique de leur groupe familial. Leur but était d’entretenir la mémoire des hommes de leur famille, afin que leur dignitas serve aux jeunes descendants, prêts à rentrer dans la vie politique des cités171.
80La documentation met aussi en lumière l’essoufflement de la pratique honorifique et de la présence féminine in loco publico. Le phénomène, alors nouveau de la reproduction locale de l’autoreprésentation romaine, réservée aux plus grands personnages de chaque ville, s’est de plus en plus banalisé, notamment à partir du milieu du iie siècle. Indépendamment des honneurs reçus et de la reconnaissance acquise au sein de sa cité, celui qui avait une fortune suffisante et un peu d’influence trouvait, avec le consentement des décurions, le moyen d’exposer sa statue et celles des siens, souvent des femmes, dans un lieu public. La diffusion à outrance des portraits honorifiques favorisa l’extension de cette pratique aux affranchis et aux immigrés qui imitèrent, comme jadis pour les tombeaux, ces modèles de reconnaissance sociale. L’évolution des contenus que nous avons voulu détailler dans les pages qui précèdent découle de cette banalisation. Trop nombreux, les monuments honorifiques finirent par cesser de représenter la réussite publique dans les cités, comme l’atteste l’absence de plus en plus marquée des cursus municipaux locaux, remplacés par des textes exaltant personnalité et mérites personnels, et des représentations rapprochant individu et divinité.
81L’époque sévérienne semble avoir été celle des derniers témoignages d’une pratique qui s’essoufflait parallèlement, d’ailleurs, à l’évolution que connaissaient les cités elles-mêmes172.
Notes de bas de page
1 Cébeillac, éd. 1983 ; 1996 ; 2000 ; Cébeillac et al., éd. 2003 ; Cébeillac et al., éd. 2004 ; Cébeillac et al., éd. 2009. Pour la péninsule Ibérique, voir Melchor 2006b ; 2006c ; 2010 ; Navarro Caballero 2001 ; 2003 ; 2004 ; 2006 ; 2016.
2 P. 30-40.
3 Sur le début des hommages aux sénateurs, relativement fréquents au ier siècle notamment en Citérieure, Jordán 2002.
4 Voici la liste de ces statues d’après Hemelrijk 2005 :
- La vestale Tarracia Gaia (Plin., Nat., 34.25).
- L’épouse légendaire de Tarquin l’Ancien, Gaia Caecilia, modèle de vertus domestiques, qui avait reçu une statue de bronze dans le temple de Semo Sancus (Plut., Quaest. Rom., 30) ; cf. Sehlmeyer 1999, 82.
- Cloelia (Liv. 2.13.6-11) ; sur sa statue équestre de la uia Sacra, parfois identifiée avec celle de Valeria, fille de Publicola, Liv. 2.13.11 ; Plin., Nat., 34.28-29 ; Plut., Publicola, 19.2-8.
- Claudia Quinta, matrone du iiie s. a.C., parfois aussi identifiée à Valeria, dont la statue fut exposée dans le temple de Magna Mater (sur le personnage, Liv. 29.14.12 et Ovid., Fast., 4.305-348 ; sur sa statue, Val. Max. 1.8.11 et Tac., Ann., 4.64.4 ; sur son identification avec Valeria, ajouter Diod. 34.33.2 ; sur la question, Flory 1993, 289-290).
- Cornelia Africani f. mater Gracchorum (Plin., Nat., 34.31 et Plut., CGrac., 4.3).
En général, sur les statues honorifiques des femmes à Rome, Flory 1993 ; Hemelrijk 2005.
5 Selon Hemelrijk 2005, 311, il n’est pas exclu que la tradition populaire ait attribué à certaines statues anciennes l’identité d’héroïnes légendaires : par ex., la Cloelia du type togata à cheval n’était peut-être que celle d’un jeune homme inconnu. Gaia Caecilia et Claudia Quinta, dont les statues se trouvaient à l’intérieur d’un temple, devaient être représentées en déesses (Sehlmeyer 1999, 82), sauf s’il s’agissait simplement de simulacra anciens associés à nouveau avec les modèles de vertu féminine incarnés par ces deux femmes. Sur la question, Flory 1993, 289-290 ; Hemelrijk 2005, 312 n. 20.
6 Coarelli 1978 ; Kajava 1990, 125 ; Flory 1993, 290-293 ; Sehlmeyer 1999, 187 ; Ruck 2004, 285-302 ; Hemelrijk 2005, 310-313.
7 Tuchelt 1979 ; Kajava 1990, 59-121 ; Rose 1997, 7 ; Eule 2001, 135.
8 Sur son monument à Tarse et sur une possible copie privée d’Italie, voir Böhm 2000, 9-22.
9 Balty 1988, suivi de Smith 1988 ; Rose 1997, 3-7.
10 Sehlmeyer 1999.
11 On pourrait cependant voir dans les bronzes de Cartoceto un exemple d’ensemble dynastique privé.
12 Sehlmeyer 1999, 100-101.
13 Ruck 2004 ; Hemelrijk 2005, 314, probablement en rajoutant sa condition de fille de l’Africain.
14 C.D. 49.38.1, notre seule source n’en dit rien, mais le pouvoir d’attribuer un espace public pour ériger une statue à Rome était réservé au Sénat.
15 Voir les remarques de Flory 1993, 307 et de Hemelrijk 2005, 316. On leur attribua par la même occasion le droit d’administrer leurs biens sans tuteur, ainsi que le privilège de l’inviolabilité dont jouissaient les tribuns du peuple.
16 Flory 1993, 295-296.
17 C’est encore par Cassius Dion (55.2.5) qu’on le sait. Livie se vit par la même occasion le ius trium liberorum.
18 Voir à nouveau Flory 1993, 329-301.
19 Fullerton 1985 ; Rose 1997 ; Boschung 2002 ; Varner 2008. Sur les arcs, de Maria 1988 ; sur les théâtres, Gros 1990.
20 La dernière étude sur la question dans Granino Cecere 2012, 345-379, qui passe en revue tous les ensembles dynastiques italiens de l’époque augustéenne, pour déterminer s’ils étaient honorifiques ou funéraires.
21 Il s’agirait du plus ancien groupe statuaire familial découvert en Italie, car il date de la fin de la République. Les quatre statues en bronze doré dont il est composé reproduisent deux femmes encadrant deux effigies masculines à cheval. Il représentait une famille de Forum Sempronii (Lahusen & Formigli 2001, 54-58), identifiée pendant un certain temps avec celle de Domitius Ahenobarbus (Pollini 1992) ou de Cicéron (Böhm 2000). Étant donné sa datation ancienne, il semble possible que le groupe ait été exposé dans un lieu privé.
22 Insula VII. Si le bâtiment ne semble plus être interprété aujourd’hui comme une basilique, M. Nonius Balbus offrit la basilique à la cité (CIL, X, 1425).
23 PIR2 N 129.
24 M. Nonius Balbus (CIL, X, 1428), son père et homonyme M. Nonius Balbus (CIL, X, 1439), sa mère, Viricia A. f. Archas (CIL, X, 1440) et, probablement, son épouse, Volasennia Tertia (CIL, X, 1435-1437). Sur cette galerie de portraits, Granino Cecere 2012, 347-349.
25 Dans les portiques du théâtre. Les statues sont conservées au Musée de Naples (Fefjer 2008, fig. 138 et 139). Il s’agit de statues en pied vêtues, à la différence des autres effigies du même personnage, l’une à cheval sur le forum (AE, 1947, 53 = AE, 1976, 144) et une autre, nue, au théâtre. Sur les portraits de M. Nonius Balbus, se référer à Allroggen-Bedel 1974, 102 (qui datait de manière erronée la statue du forum de l’époque flavienne) ; Schulacher 1976, 165-184 ; Zanker 1983, 260-263 ; Fefjer 2008, 216-227.
26 Camodeca 2003, 639-654 ; Granino Cecere 2012, 350-351. Les inscriptions sont CIL, X, 1476 et 1449.
27 Sur cette dame, épouse d’un sénateur, cf. FOS, 550bis. La galerie était très complexe. On conserve les dédicaces qu’elle a faites à son époux, le sénateur Cocceius Faustus, à ses frères, M. Mineius M. f. M. n. Flaccus et L. Mineius M. f. M. n., et à son petit-fils C. Cocceius C. f. Aequus, et probablement à son fils. Les statues (il en reste une) étaient disposées dans la basilique offerte par la dame. Sur ces notables et leurs portraits, Torelli 1996, 154-158.
Il faut aussi signaler la galerie de portraits des Rutilii et Velineii à Tusculum, datée de l’époque augustéenne dont on conserve les statues avec une inscription. Granino Cecere 2012, 356-361 les interprète comme la représentation de la procession funéraire d’un Velineius disparu.
28 Kähler 1939, 408-409 ; Traversari 1971 ; De Maria 1988, 251-252.
29 CJC, 31.
30 Les trois piédestaux tripartites étaient taillés dans la corniche de l’arc. Les tituli étaient gravés sur le dé des piédestaux ; au milieu, figurait le nom de la dédicante, CIL, V, 50 (D. 2229) ; Inscr.Ital., 10, 1, 172.
31 Kähler 1939, 408-409 ; Traversari 1971 ; De Maria 1988, 251-252.
32 Tosi 1977 ; De Maria 1988, 331-333 ; Chiabà 2005.
33 CIL, V, 3464 (D. 7730).
34 Stylow & Ventura 2005 ; Ventura & Stylow 2006.
35 Ritterling, RE, 12, 1925, s.u. Legio, col. 1555 ; Le Roux 1982, 74, n. 315, 293 et 301.
36 Les premiers éditeurs (Sáez et al. 2001) montrent bien que la dénomination Pansiana de la IIe légion est antérieure à celle d’Augusta et rappelle le service de notre vétéran sous le commandement de Vibius Pansa.
37 Saquete 2005, 79. Sur les Caninii, il faut se reporter à la notice d’Aelia Q. f. Optata [83].
38 116 x 41 x 103 cm.
39 ERItalica, n° 61 (AE, 1985, 550) ; CILA Se, 399.
40 Son épaisseur, 61 cm, est très importante par rapport à la hauteur et à la largeur (47 et 37 cm respectivement).
41 Alföldy 1979, 270 ; CIL, II2/14, 1, 387 ; IRST, 72.
42 CIL, II, 3620 (ILER, 1578) ; IRST, 8 ; IRST2, 8.
43 CIL, II, 3621 (ILER, 1409) ; IRST, 7 ; IRST2, 7.
44 Stylow & Ventura 2005 ; Ventura & Stylow 2006 (AE, 2005, 827).
45 Cf. les références dans la fiche prosopographique de Servilia L. f. [305] et de Licinia Q. f. Albina [302].
46 Cf. les références dans la fiche prosopographique de Calventia Titulla [589].
47 Sur les piédestaux équestres dans la péninsule Ibérique, Stylow 2001a.
48 Comme dans le cas du piédestal de Servilia [68] dans sa sépulture de Carmo.
49 Voir la critique dans Arce 2002.
50 Marcks 2008, n° 62.
51 Marcks 2008, n° 13, 14, 15, 16.
52 Marcks 2008, n° 17.
53 Marcks 2008, n° 77.
54 Il s’agit de la partie inférieure d’une statue féminine dont les pieds recouverts par la tunique s’appuient sur la plinthe.
55 Leur fourchette chronologique (ier et iie s.) est cependant trop vaste pour être réellement significative dans cette évolution, à la différence des 7 fragments trouvés dans le théâtre datés du ier siècle. Les données de Segobriga sont surreprésentées parce qu’elles ont fait l’objet d’une étude récente, Noguera 2012.
56 Sur l’interprétation de ces statues, Noguera 2012, 305-306.
57 Les types de sculptures féminines vêtues sont présentées dans l’annexe n° 1, supra p. 55-59.
58 Sur ce modèle iconographique, issu de Rosenbaum 1960, 92, voir Traversari 1960, 56-60 ; Kabus-Jahn 1963, 1 ; Saletti 1968, 25 ; Garriguet 2001, 70-72 ; Alexandridis 2004. Ce type est dénommé aussi Schulterbausch dans certaines variantes (Kruse 1975, 120 n. 170) ; résumé de ses caractéristiques et de sa présence dans la péninsule Ibérique dans Marcks 2008, 72-78.
59 Marcks 2008, 90-95 et 183.
60 Kabus-Jahn 1963, 65-70 ; Bieber 1977, 198 ; Marcks 2008, 82-87.
61 Marcks 2008, n° 77.
62 Marcks 2008, n° 183.
63 Voir la suite infra, p. 152-157.
64 Comme fit C. Valerius C. f. Gal. Valerianus dans sa cité de Cisimbrium : quinque statuas suas (CIL, II, 2098 [D. 5356] ; CIL, II2/5, 294), pour lui et pour sa femme, Valeria Actè [87].
65 CIL, II, 2130 (D. 5497 ; ILER, 1713) ; CILA Ja, 300 ; CIL, II2/7, 126, don de Cornelius L. f. L. n. Gal. [---]. Sur ce monument, il faut se reporter à la notice de Cornelia L. f. Anus [168].
66 Sur un début de constat, Navarro Caballero 2003.
67 Sur Labitolosa, la curie, le forum et le reste des monuments, Magallón et al. 1991 ; 1994 ; 1995 ; 1997 ; 2002 ; 2003 ; surtout Sillières & Magallon, éd. 2013. La publication des inscriptions dans Navarro Caballero & Magallón Botaya 2013, 334-419. Voir également la notice de Cornelia Neilla [541].
68 Les premières études sur ce monument, toujours d’actualité, sont celles de García y Bellido 1972-1974, et de Nünnerich-Asmus 1996 ; sur l’historiographie du monument, voir Cerrillo 2006.
69 Sur ce personnage, sa famille d’origine pérégrine, sa carrière, ses évergésies, il faut se reporter aux notices de Bolosea Pelli f. [265] et d’Iulia Luperci f. Luperca [267].
70 Ils sont coordonnés par J. Andreu que nous voudrions remercier pour les informations qu’il a bien voulu nous transmettre sur ces monuments. Ceux-ci ont été publiés récemment dans Jordán & Andreu 2014, 243-255.
71 Goffaux 2010, 7-26.
72 Navarro Caballero 2003, 121 ; 2006, 77.
73 CIL, II, 1956 (ILER, 2054), cf. Navarro Caballero 2006, 73 et 75.
74 CIL, II, 2098 (D. 5356) ; CIL, II2/5, 294.
75 CIL, II, 2099 ; CIL, II2/5, 296.
76 CIL, II, 1721 ; CIL, II2/5, 232 ; voir le commentaire de Navarro Caballero 2006, 76.
77 CIL, II, 2130 (D. 5497 ; ILER, 1713) ; CILA Ja, 300 ; CIL, II2/7, 126.
78 CIL, II, 1721 ; CIL, II2/5, 232.
79 Sur cet ensemble, voir la bibliographie et le commentaire supra, p. 106.
80 Navarro Caballero 2006, 73.
81 Voir tableau n° 5. Il faut rajouter celles répertoriées dans les tableaux n° 6 et 7.
82 Avia Moderati f. [264].
83 Trebia Procula [268].
84 Trebia Vegeta [269].
86 Sartori 2005.
87 Pour la mention du lien conjugal, il faut se reporter à la notice de chaque femme.
88 Stylow & Ventura 2005 ; Ventura & Stylow 2006 (AE, 2005, 827).
89 Voir les références dans le tableau suivant.
90 Voir infra, p. 237.
91 Bost & Fabre 2005, 73.
92 Sauf quelques exemples épars à Tarraco et en Lusitanie, toutes les attestations épigraphiques de funus publicum appartiennent à des cités de la Bétique, ou aux cités de la Citérieure les plus proches de la Bétique, comme Acci, Baesucci, Castulo et Laminium. Seul un exemple (n° 1 dans le tableau n° 8) peut être antérieur à l’époque flavienne.
93 Sur le funus publicum, il faut se reporter aux travaux de Wesch-Klein 1993, 89 ; Flower 1996, 128-133 ; Badel 2005, 35-36.
94 Ainsi, par ex., à sa mort, P. Fabius P. f. Ser. Lepidus fut honoré par la capitale de la Citérieure avec les ornements édiliciens post mortem (la formule est exprimée en toutes lettres) et avec une statue sur piédestal. Sa mère, Iulia Sex. filia Reburrina [361], assuma les frais de cet hommage
95 Impensa funeris o impensa sepulturae remplace souvent dans les inscriptions de la péninsule Ibérique la mention funus publicum (Asdrubali 2005, 56). Une inscription hispanique chiffre ces dépenses : 1000 deniers, donc 4000 sesterces, HEp, 4, 808.
96 Cic., Phil., 9.1-17 décrit l’érection à S. Sulpicius Rufus d’une statue en pied de bronze sur le forum dans le cadre des hommages funéraires qui lui furent rendus. Récemment, Asdrubali 2005, 65 et 74 a proposé que certaines statues de Bétique de la fin du ier et du iie siècle auraient pu être disposées dans la sépulture, car certains monuments ont été découverts près des nécropoles. Étant donné que le contexte n’a pas été bien spécifié, nous considérons comme E. Melchor, que ces statues étaient des copies de celles qui étaient exposées in loco publico (Melchor 2006b) ; exemples d’Espagne et d’ailleurs, dans Asdrubali 2005, 57, n. 12.
97 Sur ces questions, cf. infra, p. 302-303.
98 Pour ceux-là, cf. Dardaine 1980, 39-55.
99 Saller 1999, 182-197.
100 Pour le rôle de mère et d’épouse dans ces remboursements et dans la sphère publique en générale, voir infra p. 205-240 et 241-253.
101 ex d(ecreto) d(ecurionum) Tarr(aconensium) quod factum post mortem eius, posita est dit une inscription de la capitale de l’Hispanie citérieure, CIL, II, 4268 (D. 6945) ; RIT, 343.
102 Au moins celles qui sont concernées par la pratique honorifique, autrement dit celles de la partie est de la Citérieure, les villes et Bétique et du sud de la Lusitanie.
103 CIL, II, 1923 (ILER, 1771) ; IRPC, 501.
104 À propos de la statue décrétée par le Sénat à Vesticius Spurinna et à son fils défunt, Cottius, Plin., Ep., 2.7.7 : Etenim si defunctorum imagines domi positae dolorem nostrum leuant, quanto magis haequibus in celeberrimo loco non modo species ut uultus illorum, sed honor etiam et gloria refertur !
105 CIL, II, 4523 et add. p. XLVIII (ILER, 5555) ; IRB, 49 ; IRC, IV, 55.
106 Sur ces questions, voir Navarro Caballero 2006.
107 Cu[i] post mortem ordo Barcin(onensis) honores flaminales decreuit (l. 5-8). Ce type de monuments est relativement fréquent à Barcino, où la formule l(oco) d(ato) d(ecurionum) d(ecreto) est inscrite de façon presque systématique.
108 ERL, 76 ; IRC, II, 34. Un autre exemple, daté de la seconde moitié du iie siècle, est celui de Fulvia Fulvi Restituti fil. Catulla [423] à Aeso : dans son éloge, l’âge est indiqué, ainsi que l’expression de se bene meritae faciendum curauit.
109 CIL, II, 4465 ; ERL, 75 ; IRC, II, 35 + IRC, V, p. 66-68 (AE, 1988, 831), l. 5 et 6 : recepto in clientelam ciuium Aesonens(ium).
110 ibid., l. 11 : statua equestri.
111 Sur l’immortalité que procurait une statue in loco publico, voir Plin., supra note 1, p. 63.
112 Voir supra p. 93-95.
113 Veyne 19912, 88-92.
114 Accepto loco ab splendidissimo ordine Siarensium.
115 Veyne 19912, 88-92.
116 Un doute subsiste également pour un dé de piédestal de Tarraco de la fin du iie siècle ou du début du iiie, dont le texte commence par D.M. Il fut érigé au sévir Cornelius Fuscus, patrono optimo et benemerenti (CIL, II, 4292 ; RIT, 413) et pourrait faire partie d’un autel funéraire, mais aussi d’un piédestal.
117 Sur les statues en argent, voir supra p. 41-42 et infra p. 273-276.
118 Sur ce type de piédestal, voir supra p. 41-42.
119 Sur ces questions, voir encore supra p. 41-42 et infra p. 271-274.
120 Cf. par exemple le travail de Trimble 2011 sur les grandes Herculanaises, dont la plupart datent du iie siècle.
121 Le Roux & Dupré 1975, 200 ; Baena 2000, 6 ; Marcks 2008, n° 6. Récemment, Loza 2010, 129-132, n° 3 a publié un nouveau fragment du même type. Selon ce même auteur, la statue précédente pourrait représenter une dame de la domus impériale.
122 Baena 1984, 82, n° 17 ; Marcks 2008, n° 29.
123 Sur l’iconographie, Marcks 2008, n° 25.
124 Marcks 2008, n° 128.
125 Sur cette découverte, Lázaro 1988.
126 D’autres donations de fontaines, à Astigi (CIL, II, 1478 ; CILA Ja, 699 ; CIL, II2/5, 1175) et à Ilugo (CIL, II, 3240 et p. 949) ; EE, IX, p. 125 (ILER, 2039) ; CILA Ja, 245).
127 Marcks 2008, n° 94.
128 Baena 2000, 7 ; Baena & Beltrán 2002, 84, n° 30 ; Marcks 2008, n° 11.
129 Baena 1984, 85, n° 18 et 2000, 7.13 ; Marcks 2008, n° 24.
130 Marcks 2008, n° 56.
131 Marcks 2008, n° 82 et 83.
132 Baena 1984, 80, n° 16 ; Marcks 2008, n° 23.
133 Sur la sculpture, Marcks 2008, n° 7.
134 Voir aussi le tableau n° 4, avec les références de la cité de Segobriga qui pourraient être aussi datées du iie siècle, p. 112-113.
135 Marcks 2008, n° 41.
136 Marcks 2008, n° 32.
137 Baena 2000, 6.12 qui lui attribue un contexte funéraire, à la différence de Marcks 2008, n° 90, qui le considère comme honorifique.
138 Marcks 2008, n° 98.
139 Marcks 2008, n° 89.
140 Marcks 2008, n° 30.
141 Marcks 2008, n° 39.
142 Marcks 2008, n° 55.
143 Voir supra tableau n° 4, p. 111-114.
144 Elle a été exposée dans notre première partie, p. 30-39.
145 Bauer & Witschel 2009 ; Witschel 2009.
146 CP, 113 plus suppl. 127 ; Castillo, Pros. Baet., 1965, n° 318 ; Bastianini, Prefetti, 1975, 289 ; Haberman 1997 ; PME, II, IV, V 29 ; Caballos 1995, 325-326, n° 28 ; des Boscs, Parti Hisp., 2005, n° 237 ; Lefebvre 2006a, 257.
147 Navarro Santana 1999 ; Tobalina 2001.
148 Exception faite aussi des sénateurs lusitaniens du iiie siècle, voir supra p. 100-101.
149 PIR2 M 526 ; Pflaum 1965b, 331-337 ; Castillo, Pros. Baet., 1965, 131 ; Castillo, EOS, 46 ; González & Caballos, ZPE, 1983, 161-164 ; Caballos, Senadores, 125 ; CJC, 191 ; des Boscs, Parti Hisp., 2005, 91.
150 Ils sont tous les deux des cognomina d’origine grecque, Arethusa dans Solin 1992, 402 ; Lozano 1998, 37 ; Epictetus dans Solin 1992, 990 ; Lozano 1998, 81.
151 IRC, IV, p. 190.
152 Rodà 1975 ; IRC, IV, p. 103-104 ; Rodà 2010, 183.
153 On y a trouvé un signaculum avec la marque Epictetus, le surnom de son mari ; sur la question, Rodà et al. 2005.
154 Sur Acilia Plecusa, sa famille et sa galerie de portraits, se reporter à sa notice [199].
155 Alföldy, Flam. H.C.
156 À Cordoue et à Mérida, on détecte aussi la présence d’étrangers, surtout dans les épitaphes, mais leur association avec les notables locaux n’est pas avérée.
157 Curchin, Magistrates, n° 912.
158 CIL, II, 4277 (D. 6943) ; RIT, 352.
159 PIR2 F 50 et avec quelques erreurs, des Boscs, Parti Hisp., 239.
160 Voir le dossier épigraphique dans la notice de Atilia Valeriana [320].
161 PIR2 F 50 ; Le Roux, EOS, 23 ; Caballos, Senadores, 72.
162 Sur cette question, Alföldy 1991, 73.
163 RIT, 415.
164 CIL, II, 4553 et p. 982 (ILER, 4380) ; IRB, 11 ; IRC, IV, 125.
165 Solin 1982, 678 et 1369 ; Lozano 1998, 118 pour Hyginus.
166 ERL, 6 ; IRC, II, 6.
167 Fita, Ilerda, 1953 (AE, 1957, 312) ; ERL, 5 ; IRC, II, 3
168 Statuam et honores quos cuique plurimos libertino decreuit, CIL, II, 2023 ; CIL, II2/5, 791.
169 Grubbs 2011, 384-385.
170 Navarro Caballero 2000.
171 Sur ces questions, Navarro Caballero 2001, 199.
172 Une crise urbaine à la fin du Haut-Empire ? L’évolution des espaces civiques dans les villes de l’Occident romain entre le iie et le ive siècle ap. J.-C. (Carthagene, 22-24 mars 2012), Coord. : S. Ramallo Asensio, L. Brassous, A. Quevedo Sánchez ; org. : Fundación Teatro Romano de Cartagena, École des hautes études hispaniques et ibériques (Casa de Velázquez, Madrid), Universidad de Murcia (publication dans Brassous & Quevedo 2015).
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