Reliures de livres avec la peau du condamné : hommage et humiliation autour des corps criminels1
p. 195-211
Texte intégral
1La pratique de relier des livres avec des peaux humaines répond au nom de “Bibliopégie anthropodermique”. C. Marvin considère que ce terme revêt une dimension presque ésotérique, appropriée pour désigner un art qui dérange et fascine2.
2Cette pratique fleurit au xviie s., principalement en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis d’Amérique. Elle perdure jusqu’au début du xxe s.3.
3Malgré un engouement des conservateurs et des libraires pour ce phénomène, les ouvrages reliés en peau humaine demeurent largement méconnus et les travaux récents4 ne font que synthétiser l’article de L. S. Thompson qui constituait jusqu’à présent le seul inventaire raisonné publié dans une revue scientifique5. Un groupe constitué de chercheurs indépendants, l’“Anthropodermic Book Project”, a pourtant été créé en 2015. Toutefois, cette association ne produit malheureusement pas de rapports d’activité mais uniquement de brefs billets postés sur le blog de l’association6.
4Constatant que les travaux étaient demeurés sporadiques, nous nous sommes attelés à la réalisation d’un inventaire analytique des livres reliés en peau humaine. Ce corpus a pu être rassemblé grâce à une revue de la littérature académique, des sources judiciaires et des articles de presse de l’époque.
5Nous avons procédé à une enquête systématique pour tous les ouvrages pour lesquels un lieu de conservation était mentionné ou retraçable par déduction. Cette enquête auprès des institutions muséales et des bibliothèques universitaires, en collaboration étroite avec les conservateurs, nous a permis de constituer la base de données la plus extensive et précise jamais établie autour du phénomène de bibliopégie anthropodermique7.
6Nous présenterons rapidement cet inventaire analytique remis à jour. Ensuite, nous livrerons une proposition de protocole pour l’étude archéométrique de ces artefacts spéciaux. Enfin, nous recentrerons notre discours sur les livres reliés en peau de condamnés à mort afin de proposer quelques réflexions d’ordre anthropologique sur le phénomène de la bibliopégie anthropodermique en contexte judiciaire moderne.
Le corpus
7Nous avons pu répertorier 132 volumes reliés en peau humaine préalablement tannée. Le contenu thématique de 118 volumes est connu. Parmi eux, 44 sont des œuvres littéraires communes, 7 des œuvres érotiques et 8 des textes religieux. Trente-huit volumes traitent de sciences médicales. Enfin, les affaires judiciaires occupent une place intéressante puisque 7 ouvrages décrivent la vie ou le procès de condamnés à mort, 3 ouvrages sont des textes de lois, 1 est un almanach des délinquants.
8Parmi ces volumes, nous avons pu en localiser seulement 70. Ces ouvrages sont majoritairement des œuvres littéraires ou scientifiques, ou des livres en peau de criminels. Ils sont conservés dans des bibliothèques universitaires ou des musées locaux.
9En revanche, les ouvrages subversifs et profanes (littérature commune ou érotique) ont disparu de la mémoire collective parce qu’ils étaient détenus par des particuliers. S’ils ont très bien pu être conservés par les descendants de leur premier propriétaire, nous n’en avons pas retrouvé la trace.
10Les donneurs de peau sont généralement des donneurs involontaires, le plus souvent recrutés parmi les cadavres des indigents dont la dépouille n’était pas réclamée après un décès en milieu hospitalier. L’identité du donneur est alors méconnue : celui-ci est le plus souvent désigné par son sexe et le lieu de sa mort. Le cuir de ces patients recouvre majoritairement des ouvrages médicaux ou des livres “obscènes”8. Leur emploi s’intègre donc dans une démarche opportuniste et subversive, et les commanditaires sont majoritairement des médecins et de riches amateurs de curiositas.
11Une certaine élite intellectuelle et artistique s’est également entichée de la bibliopégie anthropodermique qu’elle utilisait à des fins commémoratives. Cette commémoration peut s’effectuer sur autrui, dans une démarche romantique, ou sur soi-même, en cédant à une impulsion égotique9.
12Enfin, la Justice s’est aussi emparée du phénomène et la peau de célèbres malfrats10 a été employée pour relier des ouvrages. Nous avons dénombré 17 condamnés dont la peau a probablement été employée pour créer une reliure11. Seize d’entre eux étaient des hommes, une était une femme, tous avaient commis des crimes qui ont attiré l’attention par leur violence ou étaient des multi-récidivistes (fig. 1). Ce sont ces donneurs condamnés à mort qui monopoliseront notre attention : nous aurons l’occasion de revenir sur les motivations anthropologiques de l’usage de leurs corps dans un développement ultérieur12.
Fig. 1. Condamnés à mort dont la peau a été employée pour la création de reliures : synthèse de leurs profils et des actions menées sur leurs cadavres.
Nom du | Crime | Lieu d’exécution | Date d’exécution | Autres objets | Expérimentation | Lieu | Références |
Frère Henry | Crime de lèse-majesté | Londres, UK | 3 mai 1606 | / | Collection privée | Communication personnelle | |
Johann | Homicide (femme) | Bristol, Gloucestershire | 1821 | squelette monté | Bristol Record | Thompson 1968 ; | |
George | Homicide (femme) | Devon County Gaol, | 25 mars 1830 | / | Westcountry Studies | Thompson 1946 | |
William | Homicide (femme) | Bury St. Edmunds, | 1828 | squelette monté | Moyse’s Hall Museum | Thompson 1968 ; Egar 1873 ; | |
Mary | Homicide | Leeds, | 20 mai 1809 | squelette monté + langue | Inconnu | Marvin 1994 ; | |
William | Homicides | Édimbourg, Écosse, UK | 1829 | livre incertain + porte-feuilles | Surgeons’ Hall Museum | T. G. S. 1856 ; | |
James | Faux et usage de faux | Castle Hill, Norwich, | 1818 | / | Inconnu | Thompson 1968 | |
James | Homicides (hommes) | Massachusetts, USA | 1837 | / | Boston Athenaeum | Catalogue du | |
Michel | Homicide (homme), | Place de la Roquette, | 30 avril 1884 | squelette monté + porte-cartes | Oui | Inconnu | Goncourt 1898 ; |
Henri | Homicides | Place de la Roquette, | 31 août 1887 | porte-feuilles (3) | Inconnu | Divers journaux | |
Louis-Marius | Homicides | Lyon, France | 25 janvier 1934 | squelette monté (?) | Collection privée | Pierre Bergé | |
Thomas | Homicide (femme) | Cambridge, | 6 août 1819 | marque-page ? | Oui | Christopher Wren’s | Hurren 2016 |
William | Homicide (femme) | Hereford County Gaol, | 1er avril 1816 | / | Inconnu | J. P. 1873 | |
Charles | Homicide (homme) | Newcastle Town Moor, | 3 janvier 1817 | / | Inconnu | Thompson 1968 | |
Arthur | Crime de lèse-majesté | Old Bailey, Londres, UK | 1er mai 1824 | / | Jesus College | Thompson 1968 | |
William | Homicide (femme) | Worcester, | 1827 | / | Inconnu | Thompson 1946 | |
John Thurtell | Homicide (hommes) | Londres, UK | 1823 | livre incertain + effigie en cire | Inconnu | Blumenthal 1969 |
“Prouver” la provenance humaine du cuir : méthodes et limites
13Comme toutes les pratiques originales utilisant des fragments corporels humains, la bibliopégie anthropodermique a suscité fantasmes et affabulations qui ont été largement relayés – par ignorance ou par goût du sensationnel – par les journaux et les revues de bibliophiles.
14Une réévaluation raisonnée du phénomène nécessite donc de faire un point sur les méthodes diagnostiques utilisées jusqu’ici et sur celles qui devront être mises en place dans l’avenir pour déterminer l’affiliation taxonomique du donneur.
L’identification par le témoignage oral ou écrit
15La grande majorité des ouvrages en peau humaine a été identifiée par des témoignages oraux rapportés secondairement par écrit. Les sources sont alors variées : articles de journaux, correspondance épistolaire, testaments des donneurs consentants, autographe directement apposé sur la couverture ou sur une des pages du livre concerné.
16L’utilisation de ces écrits doit évidemment être précédée d’une approche critique de la source, celle-ci relayant un discours façonné en fonction du public auquel il était destiné. Il faut donc composer avec l’incomplétude des sources officielles et la divagation des sources journalistiques.
17Si ces sources sont précieuses, elles ne peuvent pas constituer des “preuves” matérielles formelles de l’existence ou de l’authenticité des livres en question.
L’identification par observation macroscopique et microscopique
18Les chercheurs ont eu recours à l’observation. Elle peut se faire à deux niveaux de lecture : macroscopique et microscopique.
19À l’échelle macroscopique, le cuir a souvent été identifié comme humain à cause de la présence de tétons conservés sur le fragment de peau tannée. À l’échelle microscopique, l’agencement des follicules à la surface de la peau est caractéristique de chaque espèce et peut théoriquement permettre l’identification.
20Quelle que soit l’échelle, l’identification par simple inspection visuelle pose des problèmes évidents à cause de la ressemblance entre cuir humain et cuir porcin. En effet, la similarité entre la peau de l’homme et celle des porcs a été maintes fois soulignée par les médecins. Cette similarité a d’ailleurs amené les chercheurs à utiliser la peau du porc à des fins expérimentales pour comprendre le développement des mélanomes en cancérologie dermatologique13 et améliorer les soins notamment après des brûlures au second degré14.
21Des examens complémentaires sont donc indispensables afin de procéder à l’identification de l’espèce du donneur de peau.
L’identification physico-chimique
22La détermination taxonomique de l’individu donneur de tégument n’est positivement faisable qu’à travers des analyses physico-chimiques.
23Plusieurs procédés sont utilisables sur le cuir, avec plus ou moins de chance de succès. Nous proposons ici une synthèse non exhaustive et une évaluation de l’efficacité de ces méthodes sur les restes bioarchéologiques modifiés comme le cuir.
L’identification de la signature protéique
24L’identification des protéines par spectrométrie de masse (MS) a été utilisée avec succès sur de nombreux documents archéologiques médiévaux et modernes en peau15.
25Parmi les procédés d’identification protéique MS, différents degrés de précision peuvent être atteints. Les analyses PMF16 représentent les analyses les plus simples et les plus couramment usitées sur les objets archéologiques. Elles consistent en une simple mesure des masses des peptides trypsiques issues d’une protéine. La comparaison de ce profil des peptides trypsiques dans une base de données de références permet ensuite d’identifier la protéine. Le désavantage de ce procédé est qu’il ne peut prendre appui que sur une préparation relativement pure : en d’autres termes, la protéine doit être isolée au maximum pour être reconnue.
26L’efficacité de l’identification peut être accrue grâce à la technologie LC-MS/MS et Nano LC-MS/MS. Ces techniques utilisent la chromatographie liquide (LC) couplée à la spectrométrie de masse (MS) afin d’extraire la “signature” des protéomes analysés, et de proposer une identification même lorsque ceux-ci ne sont pas isolés. La version nanométrique est dotée d’une sensibilité encore plus grande qui permet d’identifier des peptides même lorsque celles-ci ont été modifiées (par un processus de digestion enzymatique par exemple) ou lorsqu’elles sont insérées à un mélange de protéines complexes17.
27Deux points positifs doivent être soulignés pour les procédés d’identification des protéines par MS. Tout d’abord, ils sont non destructifs à l’échelle macroscopique et donc compatibles avec une politique de préservation du patrimoine18. Une simple friction de la surface de l’objet à analyser avec une gomme sans latex permet de prélever un échantillon suffisant. La commodité des procédures de prélèvements d’échantillon motive bien souvent le choix de cette méthode d’analyse.
L’immunochimie
28L’espèce du donneur peut être déterminée par dosages radio-immunologiques (pRIA)19. Ce procédé a donné des résultats convaincants pour des résidus préhistoriques20. Malheureusement, il n’a jamais été testé sur de la peau préparée.
L’identification de la signature génomique
29L’analyse de fragments d’ADN après leur multiplication par PCR est couramment utilisée sur les vestiges bioarchéologiques21 et s’applique avantageusement lors de la distinction des espèces pourvoyeuses de peau22. Toutefois, elle semble être légèrement plus efficace sur les parchemins que sur les peaux tannées23.
Potentialité de l’analyse malgré les modifications induites par le procédé de tannage
30Les processus de tannage altèrent sensiblement la structure de la peau. Toutefois, des expérimentations sur cuir de vache ont permis de souligner la survivance des indices permettant l’identification par analyse de l’ADN24. En revanche, il n’existe pas – à notre connaissance – d’expérimentation équivalente pour vérifier la validité des analyses PMF, LC-MS/MS ou NanoLC-MS/MS face à des restes de peaux tannées.
31En ce qui concerne les analyses par pRIA, les résultats très satisfaisants obtenus sur os archéologiques brûlés nous engagent à l’optimisme pour des restes tannés25. Mais aucune expérimentation ne vient soutenir notre sentiment.
Le problème des contaminations
32Des études tendent à souligner des problèmes fréquents de contamination des échantillons lors des analyses protéiques26 et génétiques27.
33La contamination par l’ADN des manipulateurs devient particulièrement problématique lorsque nous analysons de potentiels cuirs humains manipulés par des hommes pendant des décennies. En effet, cette pollution “humaine”, qui est normalement facilement reconnaissable et prise en compte lors de la majorité des analyses sur cuirs ou peaux archéologiques, risque ici d’alimenter la confusion. Les identifications par signature protéique semblent être moins sujettes à la contamination suite aux manipulations successives de l’objet à travers les siècles.
34Ainsi, les analyses protéiques et immunochimiques remportent notre préférence pour l’étude des reliures anciennes.
De l’importance d’un protocole de prélèvement raisonné
35Il est important de se prémunir des problèmes de contaminations des échantillons par un protocole de prélèvement adapté.
36Nous conseillons d’éviter soigneusement tout prélèvement sur l’intérieur de la reliure et particulièrement au niveau de la tranche du livre. En effet, ces zones sont porteuses de colles qui contiennent très probablement des protéines animales risquant de fausser l’identification de l’espèce pourvoyeuse de cuir.
37Les prélèvements pris au sein du cuir et non à sa surface sont évidemment nettement plus fiables. On évite ainsi de prélever des résidus kératineux laissés par les manipulations répétées des bibliothécaires sur la face supérieure et des résidus de colles sur la face inférieure. Toutefois, le caractère destructif de ce type de prélèvement le rend la plupart du temps impossible à réaliser.
Les bénéfices d’une étude croisée
38Nous ne saurions trop encourager la vérification systématique de l’appartenance du cuir à l’espèce humaine par des analyses physico-chimiques à chaque suspicion d’utilisation de peau humaine pour la création d’une reliure. Grâce à cette démarche, l’origine humaine du cuir reliant certains livres authentifiés par des autographes a pu être démentie28.
39Outre la détection de faux archéologiques, une étude croisée entre données physico-chimiques et témoignages autographiques permet une lecture des “mensonges historiques”, tout aussi signifiants que les artefacts authentiques.
40Parmi tous les pourvoyeurs de cuir pour la création de reliures, nous avons pu observer que les criminels tenaient un rôle à part. Nous avons donc recentré notre étude sur les implications anthropologiques de l’utilisation de la peau des malfrats au sein du phénomène de bibliopégie anthropodermique.
Le fragment de corps au sein de la pérégrination du cadavre du criminel
41Lors de toutes les étapes du traitement du corps du condamné à mort (in vivo et post mortem), les acteurs de la justice ont à cœur de créer un choc visuel. Différentes stratégies sont mises en place afin de faire du parcours du corps condamné un véritable spectacle pendant lequel la justice affiche son efficience. La création de lieux d’exposition monumentaux situés à des emplacements stratégiques ainsi que des sentences spectaculaires sont les premiers outils de cette exposition de la justice en marche29.
42La déambulation du cadavre et la création d’objets mortuaires est l’ultime étape de cet affichage. Nous proposerons un rapide rappel des étapes de cette déambulation pour comprendre comment la manufacture de reliures en peau humaine s’y intégrait.
Expérimentations et dissection
43Après l’exécution du condamné, son corps devient un objet de curiosité pour le public et – parfois – un objet d’expériences pour les médecins.
44Des expérimentations ont été menées sur plusieurs cadavres de criminels dont la peau a servi à faire des livres. La dépouille de T. Weems a été traversée par des décharges électriques peu après sa mise à mort en 181930 ; les poumons et la tête de M. Campi ont été utilisés en 188431. Dans les deux cas, il s’agissait de vérifier si le corps pouvait être “ramené à la vie”.
45Si l’expérimentation se fait en privé, la dissection est un acte public. D’abord dénuées de dimension morale32, ces altérations du corps deviennent ensuite des punitions additionnelles post mortem, parfois vues comme une sanction pire que celle de la mise à mort dans le monde anglo-saxon33.
46En France comme en Grande-Bretagne, de nombreux badauds font alors le déplacement pour voir le spectacle de la justice se terminer34 dans ce que E. T. Hurren a appelé un “spectacular post mortem encore”35. La dissection constitue alors un spectacle populaire, auquel il est bon d’être vu et de rapporter un souvenir matériel36 : fragment de corde, fragment de corps, etc.37.
Les objets
47Dans le but d’alimenter ce marché, de nombreux artefacts ont été faits avec les dépouilles des condamnés à mort (fig. 1). Parmi eux nous comptons les crânes anatomiques et phrénologiques, les squelettes montés, les moulages de cire et divers objets de maroquineries. En effet, la peau des criminels était extrêmement prisée et les livres n’étaient pas les seuls artefacts créés en cuir humain. L’histoire se souvient des trois portefeuilles faits de la peau de H. Pranzini38. L’affaire a fait scandale au point que les portefeuilles ont été brûlés39.
48Outre-Manche, on a également gardé le souvenir d’une tabatière faite de la peau de W. Bruke, fabriquée pour le portier de l’ampithéâtre d’anatomie de l’Université d’Édimbourg40. Nous ignorons quels autres objets ont bien pu être recouverts de la peau de W. Bruke, car celle-ci a été vendue par bandes et les acheteurs étaient ensuite libres de confectionner les objets qui leur plaisaient.
49Outre-Atlantique cette fois, la peau de G. Warden – plus connu sous le nom de Big Nose Georges Parrot – fut utilisée afin de confectionner des chaussures (Carbon County Museum).
50La création de ces objets servait à la perpétuation de la légende du criminel dans le cadre familial41 comme dans le cadre public. Pour la société, malgré l’attachement à la personnalité de l’assassin, il s’agissait moins de perpétuer le souvenir de la personne que celle de la bonne marche de la justice face à des crimes importants.
51Malgré cette diversité d’artefacts, les livres sont probablement les objets en cuir humain les plus emblématiques créés par la Justice. Les Anglo-saxons et les Français sont les seuls à avoir pratiqué la reliure de livre en peau de condamnés en tant que mesure courante42. Ces livres étaient généralement des biens revenant à la ville ou aux institutions publiques qui se chargeaient ensuite de les exposer à la vue de la population dans des musées ou des librairies municipales. Cependant, quelques particuliers ont pu également en posséder. Un article du Figaro relate par exemple que l’un des préparateurs de la Société d’Anthropologie, M. Flandinette, s’était réservé la peau du côté droit et du bras de M. Campi, afin de relier un volume contenant des articles parus sur ce personnage mystérieux et sur le détail des recherches scientifiques dont son corps avait été l’objet43.
52Qu’ils soient détenus par des institutions publiques ou des particuliers, ces ouvrages répondent à des codes esthétiques et littéraires bien particuliers qui font d’eux des éléments sémiotiques à appréhender dans leur globalité.
Caractéristiques du livre en peau de condamné
Aspect et iconographie
53Certains livres en peau de criminel ne portent pas de signe extérieur distinctif : c’est le cas de celui de H. Garnet qui arbore une simple couverture marron clair44 ou de celui de G. Cudmore qui n’est paré que de quelques dorures géométriques (fig. 2). Cette simplicité solennelle paraît appropriée à l’expression de la Justice. Elle contraste d’ailleurs avec le baroque des ouvrages contemporains dont le contenu est purement littéraire (têtes de mort, ossements entrecroisés, rinceaux et motifs floraux, etc.).
54Le nom du défunt est souvent mis en valeur45 : il peut être inscrit directement sur la première de couverture (comme pour le livre de J. Allen ou de J. Horwood) ou sur la tranche du livre (comme pour le livre de W. Corder) (fig. 3). Le nom peut être également précisé à l’intérieur du livre. Ainsi, l’évocation de l’origine du cuir est nécessaire pour que l’objet possède pleinement son pouvoir allusif.
55D’autres détails iconographiques peuvent faire l’écho de l’originalité du livre. Un motif de potence se découpe ainsi sur la couverture du livre de J. Horwood comme un rappel graphique de sa sentence. Le livre de W. Corder paraît bien moins évocateur au premier regard... Et pourtant, la présence d’une épaisse ligne rouge sur la tranche a pu être un clin d’oeil au nom même de l’affaire Corder : “The Red Barn”.
56L’exemplaire de L.-M. Rambert, plus tardif que tous les autres livres connus, répond à une intention légèrement différente et s’inscrit dans le contexte historique de fascination pour les peaux tatouées. Cet exemple est particulièrement intéressant car il illustre parfaitement la volonté de restituer au maximum l’aspect du corps vivant. Divers procédés ont été mis en place pour que la couverture donne à voir le torse du criminel de manière naturaliste : nous notons ainsi la conservation volontaire de la pilosité et le déplacement intentionnel du téton qui n’aurait pas dû être apparent s’il avait été conservé à sa place anatomique (fig. 4).
Qualité de la reliure
57Sur la plupart des peaux de condamnés, les mêmes procédés que ceux usités pour la création de cuirs animaux étaient mis en œuvre. La préparation des reliures comprenait ainsi des étapes de tannage, teinture, dorure et vernissage46.
58Sur les fragments de peaux tatoués de L.-M. Rambert la préparation a été très différente. Les fragments semblent avoir été seulement “rincés”, puis mis à sécher sur des cadres avant d’être intégrés à la reliure. Cette préparation minimaliste permet à la peau de conserver un aspect naturel.
Contenu
59Très souvent, le livre relié de la peau du criminel contient l’histoire de sa vie (J. Allen), ses confessions (L.-M. Rambert) ou le résumé de son procès (W. Corder). Le livre est donc une œuvre globale au sein de laquelle le criminel fait pleinement corps avec le volume relié.
60Seuls deux criminels ont “servi” à relier un livre dont le contenu était parfaitement étranger à leur affaire criminelle. Le premier est G. Cudmore dont la peau relia les œuvres poétiques de J. Milton (fig. 1). Le second exemple se rapproche peut-être plus de l’évocation personnelle qu’il ne semble au premier abord. Il s’agit du livre fait de la peau de J. Johnson, qui a servi à relier le Samuel Johnson’s Dictionary, plus couramment appelé le Johnson’s Dictionary. Il ne fait aucun doute qu’un lettré aura été pris d’une furieuse envie de faire un trait d’esprit à travers cette initiative. Celle-ci n’est pas sans rappeler celle du journaliste qui commença son article sur l’ouvrage Poems d’E. A. Poe relié en cuir d’homme par ces mots : “Peau et Poe”47.
Condition d’exposition
61Avec l’utilisation secondaire du corps du criminel au sens large, et du tégument préparé plus précisément, le spectacle continue après l’exécution et la dissection. La confection d’objets permet de servir de support pérenne au souvenir de l’évènement, de transmettre la légende aux futurs citoyens. Ainsi, ils sont préférentiellement exposés là où tout le monde pourra venir les voir : dans les musées municipaux ou les facultés.
62Si les objets sont divers, cette multiplicité n’est pas mise au service d’une dispersion des restes dans différents endroits. Ils restent dans la commune où la sentence a été exécutée, le plus souvent en un seul et même lieu, comme un témoignage de l’histoire locale.
63Les objets macabres sont souvent exhibés dans la même vitrine. Cette accumulation d’artefacts renforce la forte impression qu’ils font déjà sur le public lorsqu’ils sont exposés séparément. L’ensemble est présenté dans une scénographie évocatrice. Le squelette de J. Horwood était ainsi exposé avec la corde autour du cou, près du livre relié de sa peau à l’Université de Bristol48. Le masque mortuaire et le scalp de W. Corder côtoient toujours “son” livre dans le Moyse’s Hall Museum à Bury-St-Edmunds malgré de moults débats éthiques.
64Si la confection et l’exposition des ouvrages en peau de condamnés répondent à des codes si précis, c’est parce qu’ils agissent comme des véritables signes. Ils évoquent et donnent à penser, jouant ainsi un rôle actif dans la préservation de l’ordre public au sein de la société qui les a créés et exposés. Il convient de se pencher sur les discours – officiels et populaires – que ces livres véhiculent.
Quels discours derrière la reliure ?
Dissuader par le traitement exemplaire ?
65Il est apparu clairement à de nombreux commentateurs que la pratique quotidienne de la Justice était portée par “l’amour morbide” du grand public “pour les criminels notoires”49. Les autorités se sont donc emparées de ce phénomène pour le modeler à leur avantage. En faisant de certains condamnés à mort des anti-héros nationaux, dont le traitement était exemplaire par leur rigueur, la Justice a créé des symboles forts. Les fragments corporels de ces individus pouvaient alors incarner l’image du crime implacablement puni et servir de soutien visuel à des fables moralisatrices facilement diffusables parmi les classes les plus populaires.
66L’effet pervers de cette héroïsation du criminel est qu’elle pouvait encourager de futurs meurtriers désireux d’accéder à une notoriété facile50. E. Daudet souligna ainsi que “ces spectacles sont corrupteurs. Ils troublent les imaginations au même degré que les exécutions capitales ; ils engendrent des perversités précoces, développent le goût du sang, sont un appel à la volupté du crime”51.
67Cependant, pour la majorité de la population, la brutalité du traitement post mortem renforçait le caractère dissuasif de la sentence. En effet, peu nombreuses étaient les personnes en Occident contemporain pour qui l’altération de la dépouille humaine n’était pas source d’horreur. L’inviolabilité du corps mort, ultime valeur et droit fondamental de la personne, était non seulement aliénée mais le souvenir de cette “boucherie humaine”52 perdurait par l’exhibition de l’artefact. Par cette exposition, ce n’était donc plus seulement le criminel mais toute sa famille qui se trouvait durablement stigmatisée. Lorsque le destin de son propre corps importait peu au futur criminel, l’opprobre promise à sa descendance pouvait alors être un argument dissuasif recevable.
Un discours sur les frontières sociales
68Pour beaucoup de commentateurs, c’est un discours sur les frontières sociales qui s’instaure avec la pratique de la bibliopégie anthropodermique : les représentants de la Justice s’opposent aux criminels et les détenteurs de l’autorité médicale marquent une dernière fois leur pouvoir sur le patient de faible condition.
69Il est vrai qu’en actant l’exclusion d’un membre du groupe, on renforce la cohésion entre les autres individus de la communauté. Ce fait est d’autant plus efficace lorsqu’il passe par une cérémonie collective, qui s’apparente à un rite de passage, et qui va fédérer des citoyens par milliers53. L’exécution publique, puis la dissection et la manipulation des objets macabres, va ainsi souder les “bons” citoyens en les opposant aux félons dans une dualité quasi manichéenne. Il est alors tentant de voir dans le jeu de l’exposition du criminel mort des rituels moralistes qui paraissent bien immoraux sous le regard du spectateur actuel.
Marginaliser jusqu’à déshumaniser ?
70La stigmatisation du criminel par l’altération de sa corporalité fut vécu comme choquante à l’époque des faits et continue de choquer. Les descendants des criminels dont la peau a été utilisée comme reliure ont parfois le sentiment que la Justice s’est attaquée à l’identité et jusqu’à l’âme du défunt54 à travers la manipulation peu respectueuse de son corps. Et la bibliopégie anthropodermique tient une place particulière dans la panoplie des injures faites au cadavre. En effet, utiliser la peau d’un homme, pour quelque emploi que ce soit, c’est avant tout l’écorcher. Or, cet acte de violation extrême de l’intégrité corporelle n’est pas anodin. De nombreux auteurs y ont vu un moyen de déshumaniser le criminel pour mieux l’exclure de la société55.
71Pourtant, altérer l’image du criminel de manière aussi radicale, c’est également un moyen de matérialiser la métamorphose de ce dernier vers un statut – spirituel, si ce n’est social – peut-être plus enviable que celui qu’il tenait précédemment56.
L’acceptation de la marginalité par le consentement du sort
72Les criminels étaient instruits du sort que leur dépouille allait subir, même si les détails dans le traitement du corps pouvaient évidemment varier selon l’inspiration des médecins ou l’humeur du public. Certains d’entre eux se sont ainsi exprimés avant leur exécution sur le futur destin de leur corps. Deux d’entre eux ont particulièrement tenu à exprimer leur absence de réticence face à leur écorchement.
73J. Allen a expressément demandé à ce que l’on relie l’ouvrage décrivant sa vie et ses crimes avec sa propre peau après son exécution. Il précisa qu’il souhaitait que le volume fût offert, en signe de respect, à sa dernière victime. Cette victime n’est autre que J. A. Fenno, l’homme qui a permis son arrestation et par extension sa condamnation à mort. À cause de ces paroles, le cas de James Allen est souvent classé dans la catégorie des usages commémoratifs de la peau. Cette interprétation nous paraît hautement discutable. Plus qu’un véritable vœu ante mortem, nous pensons plutôt cette déclaration comme une tentative de ré-appropriation de sa propre dépouille. L’utilisation de la peau des criminels après leur exécution étant à la mode, J. Allen se doutait probablement du sort qui allait lui être réservé. Sa déclaration lui a sans doute permis de contourner avec panache ce qui était considéré comme un traitement humiliant, une sorte de double sanction pour les criminels de l’époque.
74Le cas de L.-M. Rambert est quelque peu différent. Il légua sa peau par testament au fils du célèbre A. Lacassagne. Ce legs nous paraît éclairé et répond manifestement à un véritable consentement. En effet, le criminel semble avoir lié une relation de confiance sincère avec le Dr. J. Lacassagne au cours de leurs entretiens pendant son incarcération. C’est en tout cas ce que suggère le ton employé dans le testament :
“sentant très bien que je ne veut pas faire de vieux os je tiendrai, une fois mort à ce que mon corps fût donner à la faculté de médecine (Institut médico-légal) et ma peau pour les tatouages à vous seul M. le docteur Lacassagne57”.
Réhabiliter le marginal ?
75Cet acte de lâché-prise du condamné par rapport à son image peut finalement constituer un pas vers sa réhabilitation post mortem. En effet, être un marginal reconnu et intégré dans un discours officiel global, c’est finalement trouver sa place au sein de sa communauté et contribuer positivement à son bon fonctionnement en prenant sur soi d’être une figure de contre-exemple pour les générations suivantes.
76L’exécution publique et l’exposition post mortem du corps sous forme d’objets est ainsi une opportunité de demander publiquement pardon par la souffrance et l’humiliation. Payer sa dette en martyre civil, voilà l’ultime liberté du condamné qui met en scène sa propre fin.
Conclusion
77Rares sont nos contemporains qui voient les parcelles corporelles des criminels objectifiées comme de simples témoignages historiques d’une époque révolue. Les ouvrages en peau humaine cristallisent ainsi des prises de positions éthiques radicales : certains auteurs proposent de considérer ces artefacts comme de véritables restes humains58 et vont même jusqu’à proposer des sépultures décentes aux reliures en cuir humain. Délaissant la question de la pérennité du témoignage historique, des chercheurs affirment que la priorité est de “réparer” la faute faite jadis par des membres du corps médical et judiciaire peu respectueux de la dignité humaine59.
78Malgré ces débats éthiques légitimes, aucun livre relié de peau humaine n’a été inhumé pour le moment60. Peut-être est-ce parce que, contrairement aux squelettes montés qui font de piètres mémoriaux, le livre est finalement une forme acceptable de “sépulture”61.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Je souhaite remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont contribué à cette étude par le partage de données et de photographies inédites : A. Walker, E. Brenner, P. Harrison, J. Gordon, G. Baxter, L. Parker, A. McWhirter, D. Cronk, A. Scotia, M. Gibson et M. Vercambre. Je souhaite également remercier François Léger de l’Académie Nationale de Médecine. Mon amitié et ma reconnaissance vont à Marine Degli pour nos discussions complices et fécondes autour de ce sujet.
2 Marvin 1994, 133.
3 On note une résurgence de la pratique de la bibliopégie anthropodermique dans les années 2010 (Duff 2012).
4 Marvin 1994 ; Smith 2015.
5 Thompson 1946.
6 https://anthropodermicbooks.org/. M. Rosenbloom prépare actuellement un ouvrage de vulgarisation mais aucune publication scientifique n’est envisagée. La tendance à la communication “tout numérique” autour du sujet de la bibliopégie anthropodermique pose un problème de traçabilité et de pérennité des données. La grande majorité des billets numériques parus sur la question et qui ont servi de base à certaines publications académiques récentes (Harrisson 2017 ; Gordon 2016) ont désormais disparu. Nous déplorons l’absence de rapports d’activité pérennes consultables pour de très nombreuses études physico-chimiques menées sur les livres reliés en peau humaine.
7 Notre corpus s’élève à 132 volumes alors que seulement 47 ouvrages ont été inventoriés par l’“Anthropodermic Book Project”. Quant aux inventaires de L. S. Thompson (1946 et 1968), ils ne comprennent qu’une cinquantaine de références.
8 Goncourt 1866-1870, 49
9 L’exemple de H. Kauffmann en est la plus célèbre illustration (Cim 1905, 295-296).
10 Majoritairement des meurtriers, des traitres à la couronne ou des récidivistes.
11 Deux occurences sont incertaines mais les 15 autres sont abondamment renseignées par les sources.
12 Voir infra chap. 5. Quels discours derrière la reliure ?
13 Herron 2009.
14 Davis et al. 1990.
15 Fiddyment et al. 2015.
16 Peptide Mass Fingerprint ou “empreinte peptidique massique”.
17 Gaspari & Cuda 2011.
18 Kirby et al. 2013.
19 L’immunochimie est une forme spécifique d’identification protéique basée sur les réactions entre anticorps et antigènes.
20 Lowenstein et al. 2006 ; Reuther et al. 2006.
21 Geigl 2015.
22 Hummel 2003.
23 Burger et al. 2001.
24 Vuissoz et al. 2007.
25 Potter et al. 2010, 916.
26 Bell et al. 2009.
27 Geigl 2015.
28 C’est le cas du volume Practicarum quaestionum circa leges regias Hispaniae, de Juan Gutiérrez (Harvard University Art Museums’ Straus Center).
29 Pour des époques antérieures à la nôtre, voir les articles de Vivas et al. ; Bochaton & Genesis dans ce présent volume.
30 Hurren 2016, 242.
31 Anonyme 1932 ; Flammarion 1894.
32 L’“Edinburgh Act” de 1505 autorise l’utilisation de la dépouille des criminels à des fins d’investigation et d’éducation médicale en suivant une démarche opportuniste. Avec le “Murder Act” de 1752, qui prend effet en Grande-Bretagne et aux USA, nous assistons à un tournant symbolique et la dissection devient bien une sanction supplémentaire.
33 Sappol 2002, 104.
34 Morning Chronicle, 28 may 1776.
35 Hurren 2016, 276.
36 Nous trouvons intéressant que la production d’artefacts en fragments de corps de condamnés cesse justement lorsque la dissection cesse d’être publique dans le monde anglo-saxon (avec la “Anatomy Act” de 1832).
37 Nunn 2005.
38 Anonyme 1931a, 11.
39 Anonyme 1931b.
40 Roughead 1921 ; Goodsir & Lonsdale 1868, 163.
41 W. Roughead décrit ainsi qu’un fragment de peau de Burke était conservé par son grand-père dans une boîte afin de pouvoir raconter son histoire à ses descendants (Roughead 1921, 66).
42 L’utilisation de la peau des condamnés est également renseignée en Italie mais elle entre alors dans
la confection d’objets magiques et non de livres (Park 1994, 26).
43 Campi et sa peau. Le Figaro, 329, 24 novembre 1884.
44 Communication personnelle de M. Gibson (Wilkinsons Auctioneers).
45 Ce fait est également vrai pour les autres produits en peau de criminel comme le portefeuille marqué de l’inscription “Burkes Skin Pocket Book”.
46 Quelques recettes de tannage pour ce cuir particulier nous sont d’ailleurs parvenues (Graham 1965).
47 Anonyme 1910.
48 Fissell 1991, 168.
49 Emsley 1996, 84.
50 Aubry 1887.
51 Daudet 1888, VI.
52 Guillot 1888, 7.
53 7 000 spectateurs étaient venus assister à l’exécution de W. Corder (McCorristine 2014, 21).
54 Foucault 1977, 195-228.
55 Harrison 2017, 383 ; McGrowen 1987, 653.
56 Kerner 2016, 111.
57 Testament autographe signé de Rambert, Prison St Paul 12 juin 1932, cité dans Pierre Bergé et Associés 2014, 190. Les approximations orthographiques sont d’origine.
58 Samuelson 2014.
59 Needham 2014.
60 Toutefois, le squelette monté de J. Horwood a fait l’objet d’un ensevelissement lors d’une cérémonie chrétienne en 2011. Les descendants se sont également lancés dans une “révision” du procès de leur aïeul via la publication d’un ouvrage de vulgarisation (Halliwell 2012).
61 Ce sentiment expliquerait que la transformation de la peau en reliure continue d’être demandée par testament (Anonyme 1994).
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