Les fourches patibulaires médiévales et modernes en Touraine. De la constitution d’un groupe de travail interdisciplinaire aux premières investigations de terrain
p. 139-155
Note de l’éditeur
Matthieu Gaultier
Fabrice Mauclair
Mathieu Vivas
Texte intégral
Origine du projet et problématique
1En janvier 2014, un colloque sur les fourches patibulaires du Moyen Âge à l’Époque Moderne était organisé à la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine de Pessac1. À cette occasion Fabrice Mauclair présentait son travail d’inventaire des lieux de Justice en Touraine entre le xiiie et le xviiie s. au travers des sources d’archives2. Au sein de ce dernier, une réflexion était menée sur les fourches patibulaires du département d’Indre-et-Loire à partir des sources textuelles et iconographiques mais en prenant également en compte les indices toponymiques. Ce recensement permettait de localiser des lieux d’exécution et d’exposition des corps dans la seconde partie du Moyen Âge et jusqu’à la période moderne. Dans de nombreux cas, les sources textuelles précisaient dans une commune la présence d’un gibet pour l’exécution des condamnés ou de fourches patibulaires pour l’exposition des corps. Toutefois, la localisation restait souvent imprécise dans ces documents et leurs destructions après la Révolution Française ne permettaient plus d’en deviner l’emplacement exact dans nos paysages actuels.
2L’objectif du projet qui s’est constitué autour de ce thème a donc été de réunir différents professionnels afin de retrouver les localisations précises de quelques-unes des fourches patibulaires de la Touraine en prenant pour point de départ le travail d’inventaire déjà réalisé par Fabrice Mauclair. Ainsi, un groupe de travail réunissant archéologues, anthropologues et historiens a été constitué avec comme premier objectif l’identification des sites tourangeaux présentant les meilleures perspectives de localisation. Le but était à terme de réaliser des interventions archéologiques de terrain (diagnostics et fouilles) pour retrouver ces lieux et les étudier pour apporter une documentation inédite et complémentaire à celle des sources d’archives. L’objectif des travaux de terrain envisagés visait à mettre au jour des vestiges des structures de pendaison et/ou des vestiges osseux (en connexion ou non) attribuables à de potentiels condamnés tel que cela avait pu être fait en Europe centrale et orientale3.
Perspectives de recherches en Touraine
3Les premières discussions ont permis de sélectionner six sites offrant des perspectives intéressantes quant à la localisation des fourches patibulaires.
Le site de l’Île-Bouchard
4La commune de l’Île-Bouchard est située à environ 45 km au sud-ouest de Tours sur la Vienne. La ville se décompose en trois pôles : une île au centre de la Vienne correspondant au centre historique et deux faubourgs, Saint-Maurice au sud et Saint-Gilles au Nord. C’est à environ 500 m au nord de ce dernier que le cadastre établi en 1833 et 18344 situe le toponyme évocateur Les Justices entre “le chemin de la Garnaudrie” à l’ouest et “le Grand Chemin de l’Île Bouchard à Azay le Rideau” à l’est (fig. 1)5.
5Selon Fabrice Mauclair, le terme “Justices” au pluriel désigne indubitablement des fourches patibulaires6. Le plan ancien ne révèle aucun indice quant à l’emplacement précis de piliers de pendaisons. On peut toutefois penser que ceux-ci étaient disposés non loin des axes routiers afin que les dépouilles soient visibles pour servir d’exemples aux voyageurs entrant sur la commune7. Malgré une localisation imprécise, ce lieu présente l’avantage de n’être pas bâti actuellement et, par conséquent, une intervention archéologique (sous la forme d’une prospection géophysique par exemple) reste envisageable en ciblant quelques parcelles utilisées en pâture ou en culture.
Le site de Chinon : des fourches patibulaires des xvie-xviiie s.
6La commune de Chinon est située à environ 50 km au sud-ouest de Tours sur la Vienne et non loin de l’Île-Bouchard (15 km). La configuration du site est relativement proche de celle de L’Île-Bouchard avec un toponyme Les Justices visible sur le cadastre de 1837 au nord-est de la ville, du côté nord de la route menant à Tours (fig. 2). Ce lieu d’exécution a été supprimé en 1791 mais était déjà présent à cet emplacement en 15918.
7Dans ce cas, les 4 piliers des fourches peuvent être grossièrement localisés. En effet, ils sont également dessinés sur le Plan de la route de Tours en Poitou par Azay-le-Rideau, Chinon et Loudun contenant toute la banlieue entre Tours et Chinon réalisé au xviiie s. (fig. 3)9. Les piliers apparaissent non loin d’un carrefour de chemins au nord-est de la ville. Nous avons géoréférencé ce plan – avec quelques difficultés car sa géométrie est loin d’être parfaite – pour parvenir à localiser l’emplacement des piliers sur le cadastre actuel. La zone d’intérêt ainsi déterminée, située entre les actuelles rue des Justices, rue de la Croix Saint-Jean et chemin des Justices, est actuellement lotie, les dernières constructions ayant eu lieu dans la première décennie du xxie s. Les justices sont également visibles sur la carte de Cassini au nord et à l’écart de la route de Tours à Chinon (fig. 4). Ceci tend à confirmer la localisation à l’écart de l’actuelle route départementale 751 telle que nous avons pu l’établir à partir du plan géoréférencé. Le site est donc difficilement accessible.
8Compte tenu de la localisation approximative, il est délicat d’évaluer l’état de destruction ou de conservation des vestiges. La présence d’inhumations associées aux fourches est supposée : une publication dans une revue locale mentionnait, sans plus de précision, la découverte à plusieurs reprises d’ossements humains interprétés comme les vestiges des corps de suppliciés enterrés sur place10.
Le site de Montlouis-sur-Loire : des fourches datées du xviiie s. ?
9La commune de Montlouis-sur-Loire est située à environ 12 km à l’est de Tours, sur la rive sud de la Loire. Au Moyen Âge et à l’Époque Moderne, elle possédait des fourches patibulaires. Leur localisation à l’ouest de la commune est facilitée par le toponyme Les Justices visible sur le cadastre de 1813 au côté d’un autre dénommé Les Piliers. Il se retrouve encore aujourd’hui sur la carte IGN actuelle.
10Le lieu-dit tire son origine de “la justice de Thuisseau” présente avant la Révolution11 à cet emplacement et qui figure sur un plan du Fief des Hautes-Varennes daté du xviiie s. (fig. 5)12.
11Le plan du Fief des Hautes-Varennes permet de localiser assez précisément l’emplacement des piliers. Sur ce plan, orienté au sud, le chemin près duquel sont représentés les piliers correspond à l’actuelle rue du Saule Michaud. Une rue, aménagée à la fin du xxe s. vers le sud depuis la rue du Saule Michaud pour lotir ce secteur, porte le nom de rue des Pilliers. Les abords de ces deux rues sont entièrement lotis. Si la distance des piliers au chemin, telle qu’elle est représentée sur le plan du xviiie s., est correcte, alors le site n’est, à tout le moins, plus accessible et probablement détruit.
Le site de Saint-Pierre-des-Corps ou les fourches patibulaires du bailliage et siège présidial de Tours
12La commune de Saint-Pierre-des-Corps est adjacente à la ville de Tours à l’est et située en rive sud de la Loire. Aux périodes médiévale et moderne, la paroisse accueillait un lieu d’exposition des corps au lieu-dit Les Justices. Il s’agissait des fourches patibulaires du principal tribunal de la province13. Plusieurs plans du xviiie s. mentionnent cet aménagement constitué de quatre piliers disposés en carré localisés entre deux chemins importants (fig. 6)14.
13Il est intéressant de noter sur ce plan du xviiie s. que les fourches sont situées presque au centre d’une parcelle dépourvue de culture à la différence des abords occidentaux et orientaux qui révèlent la présence de probables vignes ou de vergers. L’absence de toute végétation est probablement volontaire afin que ce lieu d’exposition soit bien visible.
14La carte IGN a conservé le toponyme Les Justices mais, au xviiie s., celui de Ragotière Justice Royale figurait également (fig. 7). Une partie de ces dénominations a perduré dans le nom de voies actuelles : impasse de la Ragotière ou rue des Justices.
15Comme pour les sites précédents les terrains de Saint-Pierre-des-Corps semblent assez peu propices à une intervention archéologique en raison de l’urbanisation dans cette partie de l’agglomération tourangelle.
Le site de Chambourg-sur-Indre : des fourches patibulaires royales ?
16Le lieu-dit La Justice indiqué sur la section D1 du cadastre napoléonien (1826) de la commune de Chambourg-sur-Indre15, ainsi que sur les cartes IGN, pourrait correspondre aux fourches patibulaires de la justice royale de Loches. Ce lieu de pendaison est en effet visible sur une vue cavalière de 1575 de La ville et chasteau de Loches16.
17Les piliers sont également figurés sur le Plan très-détaillé de la route de Tours en Berry par Saint-Avertin, Cormery, Le-Fau, Azay-le-Brûlé, Chambourg, Loches, Perrusson, contenant le dessin très-exact de chaque ville et bourg traversés par ladite route daté du xviiie s. (fig. 8).
18Les parcelles aisément identifiables sont aujourd’hui faiblement urbanisées, les fondations des piliers pourraient donc être encore conservées. À l’heure actuelle, nous n’avons malheureusement pas de document planimétrique ancien nous permettant de les localiser plus précisément. Une prospection géophysique pourrait donc être envisagée pour tenter de retrouver leur emplacement.
Les fourches patibulaires du duché-pairie de La Vallière
19La commune de Château-la-Vallière est située à 40 km au nord-ouest de Tours. À la période moderne, des fourches sont attestées par différents documents textuels et iconographiques (cf. infra). Les vestiges en pierres de quatre piliers sont encore visibles dans une parcelle boisée située désormais sur la commune de Couesmes, le long de la route départementale 766.
20Il s’agit donc du seul site d’Indre-et-Loire dont la localisation ne pose aucun problème. Pour cette raison, le groupe de recherche a décidé d’initier son programme de recherche sur ces fourches patibulaires.
Les fourches patibulaires de Château-la-Vallière : un projet de recherche interdisciplinaire
État des sources
21Les anciennes fourches patibulaires de Château-la-Vallière sont assez bien documentées. Elles sont en effet mentionnées dans plusieurs sources manuscrites et un plan du xviiie s. Elles apparaissent également, avant leur destruction complète, sur des clichés datant de la fin du xixe et du début du siècle suivant. Enfin, elles sont citées dans une ancienne légende locale mise par écrit au début du xxe s.
Les sources manuscrites
22L’ancien gibet de Château-la-Vallière, si l’on en croit la légende dite des “Dames blanches” (cf. infra), a sans doute une origine très ancienne. Cependant, il n’apparaît dans les sources que très tardivement, au xviiie s., à l’époque du duché-pairie de La Vallière17.
23Dans les documents comptables liés à la gestion de la seigneurie, aucune mention de dépenses relatives aux fourches patibulaires de Château-la-Vallière n’apparaît, alors que ces mêmes documents mentionnent parfois des sommes engagées pour réparer ou refaire à neuf des poteaux de justice et des piloris18.
24Les sources liées à la pratique judiciaire sont par contre beaucoup plus prolixes. Tout au long du xviiie s., dans le siège ducal de Château-la-Vallière, le recours aux fourches patibulaires est en effet mentionné à de nombreuses reprises dans les sentences de mort prononcées par les juges locaux. Ainsi, en 1710, dans le jugement condamnant Urbain Chalubert à être “pendu et étranglé”, il est précisé que “son corps demeurera attaché à la potence vingt-quatre heures et ensuite sera porté aux fourches patibulaires”19. Cette procédure en deux temps, prévoyant l’exécution en place publique avec une première exposition à la potence puis une seconde exposition aux fourches patibulaires, apparaît systématiquement dans les sentences de pendaison prononcées à Château-la-Vallière au cours du xviiie s. Précisons que le siège royal de Tours procédait également de la sorte.
25En réalité, dans cette importante justice seigneuriale, du fait des contumaces et des commutations de peines (après appel au parlement de Paris), peu de condamnés ont réellement subi la peine prévue. De fait, à Château-la-Vallière, seuls trois individus ont été exécutés au cours du xviiie s., à chaque fois par pendaison :
le 5 mai 1710 : exécution sur la place du Marché de Château-la-Vallière de Jean Mousset, dit le Loup, pour vol aggravé (attaque en réunion sur un grand chemin, avec deux complices en fuite)20.
le 30 mai 1729 : exécution sur la place du Marché de Château-la-Vallière de Pierre Bardet et d’Urbain Bardet, son fils, pour “assassinat” (homicide volontaire : coups et blessures ayant entraîné la mort)21.
26Pour ces trois exécutions il est malheureusement impossible de savoir si l’utilisation des fourches patibulaires (prévue dans les sentences) a vraiment eu lieu. En effet, en 1710, dans le mémoire très détaillé des dépenses engagées à l’occasion du “procès extraordinaire” fait contre Jean Mousset, dit le Loup, il est seulement fait mention des 36 livres payées au bourreau de Tours “pour son voyage et l’exécution”, rien n’étant indiqué à propos du transfert du cadavre au gibet22. De même, à l’occasion des pendaisons de 1729, les deux bourreaux de Tours ont exigé la somme de 120 livres “pour les deux exécutions” et “pour leur voyage”, rien n’étant spécifié pour le transport des corps aux fourches patibulaires23.
Un plan ancien : l’atlas-terrier du duché-pairie de La Vallière (1788-1789)
27Utilisées ou pas au cours du xviiie s., Les Justices de Château-la-Vallière apparaissent sur plusieurs documents figurés24.
28L’ancien gibet a d’abord été représenté sur un plan de l’atlas-terrier du duché-pairie de La Vallière réalisé en 1788-1789 (fig. 9). Sur celui-ci, des fourches patibulaires (à quatre piliers, semble-t-il de forme carrée) sont dessinées à l’entrée nord de la “haute forêt” de Château-la-Vallière, à la pointe de l’enceinte de la Justice, près de l’intersection de la route menant de Château-la-Vallière à Tours (via Neuillé-Pont-Pierre) et d’un chemin secondaire (chemin dit de la Justice à la Teillonnerie). Lorsque l’on observe la représentation attentivement, on s’aperçoit que les piliers sont apparemment encore “garnis” de leurs “liens” (traverses).
Les photographies anciennes
29De manière tout à fait unique en Indre-et-Loire, les Pendoirs de Château-la-Vallière ont bravé le temps, du moins durant quelques années. De fait, comme le montrent trois clichés réalisés au tournant des xixe et xxe s., deux des quatre piliers étaient encore en partie debout à cette époque.
30Sur le premier (fig. 10), daté de 1896, on aperçoit, à travers les branchages, deux hauts piliers maçonnés ; à leur gauche, on semble deviner les restes de deux autres piliers (intégrés apparemment à un talus).
31Sur un autre cliché, sans doute légèrement postérieur au précédent (et tiré en carte postale avec pour titre ‘Les Pendoirs’, restes d’un ancien gibet), les deux piliers encore préservés se dressent fièrement au milieu d’une zone qui semble avoir été défrichée depuis peu. Par rapport au cliché précédent, on voit nettement que les piliers sont constitués de moellons, vraisemblablement en silex, de tailles et de teintes différentes. Ces “perrons” ou conglomérats siliceux, souvent difformes et très durs, sont en effet courants dans la région de Château-la-Vallière ; autrefois, ils étaient déterrés et ramassés dans les champs par les agriculteurs pour édifier les murs des maisons paysannes et autres constructions secondaires. On les retrouve également dans une partie de l’enceinte du château de Vaujours tout proche.
32Sur une autre carte postale réalisée vers 1900 (fig. 11), les matériaux et la technique utilisés pour édifier les piliers des Pendoirs sont encore plus nettement visibles. Ainsi, les moellons en silex semblent avoir été hourdés, c’est-à-dire maçonnés grossièrement, avec un mortier de chaux et de sable25.
33D’après un dernier cliché pris une cinquantaine d’années plus tard, il ne restait plus rien des deux piliers presque intacts au début du xxe s. Pour preuve, le samedi 2 janvier 1965, un historien local, instituteur de son état, a retrouvé et photographié l’emplacement des Pendoirs de Château-la-Vallière désormais écroulés. D’après les relevés effectués sur place par le maître d’école, les piliers “formaient exactement un carré de 6 mètres de côté. Les côtés étaient parfaitement orientés nord-sud et est-ouest (vérifié à la boussole). Tout près se voyaient les traces de l’ancien chemin de la Justice à la Teillonnerie (point de départ : la ‘Croix Sénéchal’)”26. Sur la photographie réalisée ce jour-là, on voit que les deux piliers, encore bien visibles au début du xxe s., ne formaient plus alors que des amas de pierres d’un peu plus d’un mètre de hauteur.
34Au début de l’année 2016, lors d’un premier repérage effectué en vue d’une possible fouille, les restes des fameux Pendoirs étaient toutefois nettement visibles dans la forêt de Château-la-Vallière (parcelle cadastrale n°379), à quelques mètres de la route départementale n°766.
Une légende locale
35Pour terminer cette partie consacrée à l’état des sources, précisons que les Pendoirs de Château-la-Vallière sont évoqués dans la légende des “Dames blanches”, bien connue des habitants du cru et de bon nombre de Tourangeaux27. D’après cette histoire, aux alentours de l’an 1100, les trois filles du seigneur d’Alluye auraient détaché du gibet les “corps déjà raidis” de trois “infortunés pages”, dont elles s’étaient amourachées, au grand dam de leur père, pour se noyer avec eux dans l’étang tout proche. Depuis ce drame, vers l’heure de minuit, il n’est pas impossible de voir, près de l’étang en question, “trois blanches dames se tenant par la main” en train de marcher “sur les ondes et sur les cimes des forêts, tantôt chantant, tantôt poussant des cris plaintifs sur le sort de leurs jouvenceaux” arrachés aux funestes “pendoirs” situés “à proximité de la baronnie sur le bord du grand chemin”.
36Toujours d’après cette légende, les “trois couples de cadavres enlacés” ont été retrouvés le lendemain par un “saint ermite”, lequel les a fait enterrer près de son ermitage. Par la suite, à cet emplacement, un seigneur local a fait élever “une chapelle qu’il consacra à saint Nicolas, le patron des jeunes adolescents, pour le repos des âmes des trépassés”28.
Les reconnaissances de terrain
37En juillet 2016, le groupe de recherche s’est rendu sur place après avoir obtenu l’autorisation du propriétaire pour accéder à la parcelle aujourd’hui boisée. Ce dernier avait connaissance des structures et nous a guidé pour y accéder.
38Les piliers encore visibles sur plusieurs mètres de hauteur au début du xxe s. apparaissaient sous une végétation rampante sous la forme de monticule de blocs de pierres de meulière. Les vestiges des quatre piliers dessinent un carré de 6 m de côté (entre les centres des piliers). Après un premier débroussaillage, nous avons choisi de dégager de façon assez exhaustive les piliers situés au sud qui nous semblaient les mieux conservés. La végétation et l’humus superficiel ont été retirés pour laisser apparaître l’arase des maçonneries (fig. 12).
39Sur le pilier sud-est, une première assise de pierre apparaît nettement. Le dégagement du pilier sud-ouest a permis de mettre en évidence la première assise de pierres ainsi qu’un cône d’éboulis vers le sud-ouest. Les deux piliers semblent construits sur le même modèle, un parement grossier de blocs de meulière non équarris forme une couronne, le noyau du pilier étant constitué par un blocage de blocs liés au mortier.
40Un relevé par photogrammétrie du pilier sud-ouest et de son cône d’éboulis a été réalisé. Il a permis d’obtenir un modèle numérique de terrain et une orthophotographie (fig. 13 et 14). Ces premiers relevés mettent aujourd’hui en évidence la forme circulaire imparfaite des constructions : le diamètre du pilier sud-ouest varie de 1,20 m à 1,30 m. Ils ont également permis de faire un relevé du profil du pilier et du cône d’éboulis (fig. 15).
41Aucun autre vestige de quelque nature que ce soit (aménagement, ossements, céramique) n’a pour le moment été mis au jour au terme de ce simple débroussaillage.
Conclusions
42Centrés sur la Touraine, les premiers travaux du groupe ont donc permis de localiser relativement précisément la plupart des sites. Ils donnent aujourd’hui accès à une première évaluation de leur potentiel de conservation ainsi que de leur accessibilité pour des opérations de terrain. Au terme de cette réflexion, le site de Château-la-Vallière fut retenu en raison de la précision de sa localisation, de ses facilités d’accès et de son état de conservation. La journée de terrain a permis de s’assurer que les conditions étaient réunies pour la mise en place d’une opération programmée de sondages pour la fin de l’année 201729.
Bibliographie
Liste des abréviations
AD 37 : Archives départementales d’Indre-et-Loire
AM : Archives municipales
BnF : Bibliothèque Nationale de France
Bibliographie
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Mauclair, F. (2015) : “Un objet d’histoire (presque) introuvable : les fourches patibulaires dans les sources tourangelles (xiiie-xviiie siècles)”, in : Charageat & Vivas, dir. 2015 [En ligne]. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/criminocorpus/3024.
Vivas, M. (2014) : “Les lieux d’exécution comme espaces d’inhumation. Traitement et devenir du cadavre des criminels (xiie-xive s.)”, Revue Historique, 670, 295-312.
Vivas, M. (2016) : “L’inhumation des condamnés à mort aux fourches patibulaires (Moyen Âge- Époque moderne)”, in : Lauwers & Zemour, dir. 2016, 241-260.
Notes de bas de page
1 Charageat & Vivas, dir. 2015.
2 Mauclair 2016.
3 Mašková & Wojtucki 2016.
4 Section A de Saint Gilles, feuille unique, série 3P, en ligne : 6NUM10/119/004.
5 Actuelles routes départementales 721 et 755.
6 Mauclair 2014, 41.
7 Mauclair 2014, 47.
8 AM de Chinon, Série G. Taille et impôts, 1520-1635.
9 AD 37, C 189-VIII.
10 Boucher 1969, 293. Sur cette thématique, voir Vivas 2014 et 2016.
11 AD 37, G 200 (6e feuille).
12 AD 37, G 200-VI ; Mauclair 2014, 50.
13 Mauclair 2014 : 50.
14 AD 37, G 196 et G 213/1-2.
15 AD 37, en ligne : 6NUM10/049/010.
16 Fonds de la Société Archéologique de Touraine.
17 Mauclair 2008.
18 Mauclair 2008, 61-63.
19 AD 37, 7 B 164 : sentence définitive du 18 mars 1710.
20 AD 37, 7 B 174 : acte de l’exécution à la suite de la copie de la sentence en appel du parlement de Paris du 14 avril 1710. De manière exceptionnelle, on dispose pour cette affaire d’un mémoire mentionnant en détail la dépense engendrée par le procès et l’exécution. AD 37, 14 J 13 : “État des effets de Mousset dit le loup…” du 31 décembre 1710.
21 AD 37, 7 B 175 : acte de l’exécution à la suite de la copie de la sentence en appel du parlement de Paris du 13 mai 1729. Cette exécution a donné lieu à un litige entre le bourreau et le procureur fiscal au sujet du prix à payer. A.D. 37, 7 B 150 : procès-verbal du 29 mai 1729. Acte publié dans Mauclair 2008, 339-340.
22 AD 37, 14 J 13 : “État des effets de Mousset dit le loup…” du 31 décembre 1710.
23 AD 37, 7 B 150 : procès-verbal du 29 mai 1729.
24 Par contre, elles ne sont pas mentionnées sur la carte de Cassini, ni sur le cadastre napoléonien de la commune de Couesmes (1810, section C2).
25 Informations communiquées par des membres de l’association Maisons Paysannes de Touraine.
26 Couillard 2002, 40-42.
27 Cette légende, qui remonterait à la première croisade, à l’époque où la terre de Châteaux était entre les mains des seigneurs d’Alluye, a traversé les siècles et a été mise par écrit par Henri Gasnier, ancien greffier de la justice de paix du canton de Château-la-Vallière avant la guerre de 1914-1918. Plus récemment, G. Couillard en a tiré une chanson intitulée La complainte des Dames blanches (cf. Couillard 2002, 38-44).
28 Couillard 2002, 38. Cette chapelle, détruite à la Révolution et reconstruite au début du xixe s., ou du moins son espace proche, ne conserverait-elle pas les corps des suppliciés accrochés au cours du temps aux fourches patibulaires de Château-la-Vallière ? La question mérite d’être posée.
29 À l’heure de la rédaction de cet article, des sondages archéologiques ont été réalisés sur le site des fourches patibulaires de Château-la-Vallière. Les données et observations générées par cette investigation de terrain seront ultérieurement publiées.
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