Les données épigraphiques
p. 25-44
Texte intégral
1Une analyse approfondie du corpus hispanique permet d’isoler quatre types d’inscriptions qui mentionnent les dames des élites locales et leur famille aux yeux de tous : tout d’abord, les épitaphes ; ensuite, les inscriptions honorifiques érigées à des femmes ou commanditées par des femmes ; puis, les actes de piété publique associés à la personnalité d’une personne du genre féminin ; enfin, les inscriptions commémorant l’évergésie d’une femme à sa cité. Malgré leur différence apparente, les ressemblances formelles de leurs supports rendent parfois difficile leur différenciation, car ces quatre types de textes étaient destinés à afficher le prestige et à graver le souvenir de la dame dans la mémoire publique.
2Avant d’exposer les caractéristiques formelles des d’inscriptions énumérées, il faut signaler que celles qui nous intéressent ne sont pas uniformément réparties dans la péninsule Ibérique (fig. 1). Comme on peut le présumer, et en laissant de côté les hasards de la conservation des monuments, leur érection était généralement le résultat d’un certain dynamisme urbain, et c’est sur les territoires les plus urbanisés que ces inscriptions apparaissent en plus grand nombre. Si la Lusitanie offre environ 76 noms de femmes des élites, essentiellement dans les villes du centre-sud, les autres témoignages, se répartissent entre la Bétique et la Citérieure, avec un avantage pour la deuxième (235 contre 303). Mais les différences ne manquent pas entre ces deux provinces : la Bétique montre une large dispersion géographique des monuments et donc une répartition équilibrée, aussi intéressante que significative, entre les cités, tandis que la seconde accuse au contraire de forts contrastes entre le nombre et l’exceptionnel état de conservation de certains dossiers épigraphiques, comme ceux de Tarraco ou de Barcino. En revanche, le vide épigraphique caractérise les cités du Centre et du Nord-Ouest. Cette absence d’inscriptions peut évidemment être le résultat d’une urbanisation beaucoup moins dense, comme dans certains secteurs du nord de la péninsule. Il ne faut toutefois pas exclure d’autres explications, telle que la réutilisation systématique de la pierre dans les ciuitates de la vallée de l’Èbre, qui est à l’origine de la grande pénurie épigraphique que l’on y déplore aujourd’hui1.
3Le corpus que nous avons établi recouvre de façon générale les principales phases chronologiques de l’épigraphie hispanique : le groupe d’inscriptions le plus nombreux se situe entre la fin du ier siècle et le iie siècle, essentiellement sous les règnes des Antonins. Seuls 14 % des monuments du ier siècle sont antérieurs à l’époque flavienne. 10 % pourraient être rapportés à la première moitié du iiie siècle, la Bétique et la Citérieure étant les provinces qui ont conservé les documents les plus anciens.
4Le support prédominant est le piédestal, car il est utilisé partout (420 environ des documents répertoriés2) : dans les inscriptions funéraires (8 certaines), dans les hommages (335), dans les dédicaces aux divinités (75 inscriptions). Il faut signaler aussi les autres supports, hermès (20 exemples) funéraires (130 exemples environ3) et commémoratifs (30 seulement), qui représentent également une partie significative de notre dossier. Devant la multiplicité de ces monuments et l’absence de classification exhaustive, il nous a très vite semblé que définir typologiquement le support suffisait en grande partie à préciser le contexte urbain et, plus largement, socio-économique qui encadrait l’activité publique des femmes hispaniques. En outre, le classement morphologique aide à comprendre la pratique épigraphique et les comportements qui l’ont induite. Il permet, de surcroît, de préciser des termes souvent mal ou insuffisamment définis, précaution indispensable à notre propos. Nous pouvons, dès lors, établir un classement des monuments étudiés.
Les dames de l’élite dans les épitaphes
5Les textes épigraphiques les plus anciens mentionnant les dames des élites sont les épitaphes de la fin de la République et plus particulièrement du début de l’Empire. C’est le moment où les nécropoles des ciuitates, en Bétique et sur la côte méditerranéenne d’abord, s’ornèrent de monuments funéraires de type italien4, destinés à perpétuer la mémoire des plus grands citoyens de la ville, ou tout du moins, ceux qui prétendaient l’être. On est là au début du processus d’autoreprésentation des élites locales, un processus qui prenait toute sa signification à la mort des intéressés, car c’était le moment où la communauté devait fixer le souvenir du disparu. Dès le début, les femmes y occupèrent une place hautement significative, parce que le rôle social des individus, qui s’exprimait dans le tombeau, nécessitait une mise en scène familiale. Ce processus sera longuement analysé dans le premier chapitre de la deuxième partie. Il s’agit tout d’abord de repérer la forme matérielle que pouvaient revêtir ces épitaphes, une forme très variée5, comme l’était la typologie des sépultures, d’autant plus que ces documents ont été souvent découverts hors contexte archéologique. Le but est de définir les caractéristiques du dossier funéraire associé aux dames de l’élite hispanique pour mieux mesurer leur présence.
6Les supports épigraphiques les plus anciens que nous avons retenus sont les blocs d’architrave des monuments funéraires6 (fig. 2). Les lettres, souvent de grande taille, pouvaient être gravées directement sur la pierre ou taillées dans le métal avant d’être fixées. Fréquents à l’époque augustéenne et julio-claudienne, les blocs épigraphiques funéraires se font plus rares au iie siècle, sauf dans les nécropoles rurales et dans certains secteurs de Lusitanie, tandis que les tombeaux évoluent vers des modèles plus petits et fermés.
7D’autres épitaphes étaient portées sur des plaques directement collées sur la maçonnerie des constructions funéraires (fig. 3). Les plus grandes pouvaient décorer la partie supérieure de la porte, alors que les plus petites marquaient à l’intérieur la clôture du loculus. Dès le milieu du ier s. p. C., ces plaques étaient très souvent entourées d’un cadre mouluré. Les exemples du iie siècle sont également rares dans notre dossier.
8Signalons également l’exposition des portraits des défunts en pied sous la forme de statues en ronde-bosse, fréquentes dans les monuments funéraires au ier s. p.C. On valorisait l’effigie en la surélevant sur des piédestaux qui ne se différenciaient pas des piédestaux honorifiques. Le seul exemple érigé à une femme trouvé in situ est la base de Servilia [68] dans sa sépulture de Carmo7 (fig. 4). On peut imaginer la même fonction funéraire pour 7 autres piédestaux8.
9À cela, s’ajoutent d’autres supports, notamment des autels et des sarcophages placés à l’intérieur des monuments funéraires, surtout aux iie et iiie siècles ; ils sont bien représentés dans notre dossier.
Les piédestaux honorifiques
10Dans les villes de la péninsule, l’épigraphie honorifique, à ses débuts, était essentiellement consacrée à l’empereur et à sa famille ainsi qu’aux patroni des colonies et des municipes. Elle s’est développée, diversifiée et étendue à un grand nombre de cités9 dès le premier quart du ier s. p.C. La pratique politique romaine et sa vanité sociale en favorisèrent la diffusion rapide : les magistrats furent honorés in loco publico, et les généreux évergètes se virent eux aussi ériger une statue dans un endroit central. La représentation individuelle, d’abord réservée au domaine funéraire, investit petit à petit des endroits publics dans le centre des cités, pour devenir le signe de l’appartenance au monde des gens distingués : tous ceux qui voulaient être considérés comme des membres éminents de leur communauté civique devaient avoir leur effigie sur piédestal exposée à la vue de tous. On est là dans le domaine de la reconnaissance de l’excellence. Nous y retrouverons les dames, dans leur double rôle de destinataire et d’auteur des hommages.
11Dans un monde où la communication passait par l’image10, le portrait de l’individu honoré, souvent des hommes, mais aussi des femmes, était l’élément central de ces hommages. Les statuae11 suivaient des modèles traditionnels romains de plus en plus standardisés. Elles étaient placées sur une base12 (statua ou signum cum base selon certains textes épigraphiques13), afin de surélever la personne honorée au-dessus des passants et justifier le monument. L’identité, la carrière et les mérites de la personnalité représentée étaient inscrits sur la face antérieure, et parfois sur les côtés des piédestaux. Ils sont l’élément principal de cette étude. En effet, leur forme, souvent parallélépipédique, a d’une part permis leur réutilisation et donc leur conservation : aussi nous sont-ils parvenus en nombre ; ils portent d’autre part une inscription, notre source essentielle d’information onomastique et prosopographique sur les dames, leur famille et leur entourage.
Morphologie et typologie : les femmes, comme les hommes
12Le piédestal est donc la pièce maîtresse de notre enquête et nous croyons nécessaire de lui consacrer quelques remarques morphologiques. Seules deux études ont véritablement cherché à cerner leur forme et leur évolution chronologique, ce que nous allons exposer de façon complète et nouvelle ici14. La forme d’un piédestal dépend de la typologie, de la taille et du matériau de l’effigie ou élément iconographique qu’il soutenait. La structure des bases des statues en pied était plus étroite que celle qui était destinée aux représentations équestres, évidemment plus longues. Ces dernières, réservées aux hommes, ont été utilisées dans des représentations de groupes familiaux, comme à Porcuna, où le père et le fils sont à cheval et la mère à pied15. D’autres critères sont importants, tels que la taille de la statue, (il en existait de plus petites ou de plus grandes que nature16) ou le matériau, qui pouvait être la pierre – le cas le plus fréquent –, le bronze, parfois, et même un métal précieux, notamment l’argent (quelques exemples rarissimes et toujours pour des représentations divines, comme on le verra plus loin).
13L’analyse des piédestaux constitue la clé de la classification des monuments. Le critère de la structure générale du support nous paraît déterminant, car c’est celui qui, au moins dans les cités hispaniques, définit la position et l’apparence d’un hommage dans l’espace public. À l’exception des cas où statue et dédicace sont insérées dans l’architecture (dans des niches, par exemple, comme dans le sacellum du théâtre de Mérida ou les consoles du temple d’Astigi17), la mouluration des piédestaux, presque toujours la même, reproduit le plus souvent la structure tripartite des ordres architecturaux : elle est composée d’un socle et d’un couronnement, en saillie sur le dé18. Cette mouluration est plus ou moins complexe, réalisée systématiquement à partir de la plinthe inférieure qui stabilise la base au sol et celle du couronnement qui reçoit l’effigie. Ces mêmes plinthes sont soulignées d’une doucine, droite au socle, inversée au couronnement, et ornée d’une série de moulures plus ou moins complexes.
14Dans le détail, le type le plus répandu, dans l’empire romain en général et dans les cités hispaniques en particulier, est la base de pierre, en calcaire ou en marbre, de forme généralement parallélépipédique, de section rectangulaire, plus rarement circulaire. Si la pierre était nue, on pouvait ajouter de la couleur (comme pour les statues), tout au moins peindre les lettres en rouge. Socle, dé et couronnement peuvent former un bloc monolithe ou être composés d’éléments différents. Le nombre de blocs utilisés définit des sous-groupes19.
15Ainsi, les bases monolithes (fig. 5), moins fréquentes que le type tripartite, se trouvent un peu partout sous le Haut-Empire. Elles eurent pour fonction de supporter tout type de statue, tant humaine que divine. Il est intéressant de les trouver dans les tout premiers hommages rendus aux notables locaux de la Péninsule. Leur présence est en effet attestée dès l’époque augusto-tibérienne dans certaines cités de la côte méditerranéenne, comme Sagonte20 et Saetabis21, ou de la province de Bétique22. Elles partagent une chronologie haute avec les piédestaux maçonnés recouverts de plaques de marbre ou de bronze.
16Les piédestaux monolithes les plus anciens sont souvent de petite taille et leur champ épigraphique ne présente pas de cadre mouluré, caractéristique qui n’apparaît qu’à la fin du ier siècle et qui se fait moins fréquent à la fin du iie et début du iiie siècle. Leur hauteur augmente avec le temps. Si les bases monolithes sont attestées partout, on remarque qu’elles sont très fréquentes dans certaines cités, notamment à Munigua ou à Singilia Barba, où elles constituent presque le seul type utilisé. Dans ces cas précis, on peut parler de spécificité locales : les ateliers étaient habitués à tailler ce modèle de base.
17Viennent ensuite les piédestaux les plus nombreux dont les trois parties, socle, dé et couronnement ont été taillées sur des blocs séparés et unis au moment de la pose23. Dans la plupart des cas, ils sont maintenus grâce à la simple loi de la gravité. Parfois, ils peuvent être scellés avec du mortier ou bien encore ils sont unis par des goujons qui permettaient de solidariser les assises. Ce constat, évident en apparence, est rarement fait dans les études épigraphiques hispaniques où les dés parallélépipédiques de section rectangulaire sont appelés “piédestaux rectangulaires”, sans que soit évoquée leur structure. En conséquence, un grand nombre de pièces moulurées appartenant à des socles et couronnements de piédestaux n’ont fait l’objet d’aucune investigation. Si un petit nombre d’exemples qui peuvent remonter jusqu’aux époques augustéenne et julio-claudienne sont connus, la plupart furent réalisés dès l’époque flavienne, comme le prouve le cadre mouluré qui entoure le champ épigraphique, utilisé dès ce moment et tout au long du iie siècle, pour disparaître parfois au début du iiie siècle. Ils sont donc les plus fréquents dans le dossier des femmes (fig. 6 et 7).
18Si la plupart des piédestaux à trois blocs étaient de section quadrangulaire, on connaît des exemples de section hexagonale ou circulaire. Dans ce dernier cas, le dé est cylindrique, semblable à un fût de colonne (fig. 8)24. Le champ épigraphique y est inscrit dans la partie supérieure, parfois à l’intérieur d’un cartouche rectangulaire, parfois en creux, parfois sur la surface aplanie du fût. Les couronnements et les socles ont partout disparu, mais à partir des exemples des grandes colonnes impériales de Rome, on peut imaginer ces derniers en plinthes quadrangulaires destinées à assurer à l’ensemble une meilleure stabilité au sol. La fonction de ces hauts cylindres est grandement symbolique, car si à l’instar des autres piédestaux, elle élevait les dédicataires au-dessus du commun25, elle impliquait aussi un parallèle avec l’empereur26. L. Caninius L. f. Pap. Pomptinus, l’un des vétérans fondateurs d’Astigi et l’un de ses premiers magistrats fut honoré précisément par son épouse, Arria [36]27 sur un piédestal de ce type. Pour les femmes, le plus ancien hommage attesté sur piédestal est celui d’Anicia Sexti f. Postuma [216], épouse d’Etrilius Afer et mère d’Etrilia Afra [106], la femme du sénateur Valerius Vegetus28, également honoré sur le même type de piédestal à Iliberri avec son épouse quelques années plus tard29. Outre l’importance sociale des personnes honorées, les particularités locales semblent avoir une importance décisive dans l’érection de monuments de ce genre au moins jusqu’au iiie siècle30. En effet, on ne les rencontre que dans certaines cités, presque toutes en Bétique31.
19Parmi les piédestaux formés de trois blocs, toujours de section parallélépipédique, A. U. Stylow et A. Ventura ont récemment relevé à Cordoue le cas de bases doubles32 qui, dans l’état actuel de nos connaissances, ne sont attestées, outre l’exemple de la capitale de la Bétique, qu’à Segobriga, à Valence et à Olisipo. Leur particularité vient de ce que le bloc central, seul conservé la plupart du temps, est deux fois plus large que les autres, ce qui permet d’inscrire deux textes côte à côte. La reconstitution proposée par les éditeurs donne à la base double de Cordoue une hauteur totale de 1,70 m et une largeur de 1,03 m pour le dé nécessairement d’assez grande taille, puisque chacun des textes renvoyait à l’une des deux statues posées au-dessus. Pour ce type de piédestal, relativement ancien (dès le règne de Tibère), Stylow et Ventura33 pensent à des prototypes d’époque augustéenne portant les effigies de Livie et de Julie dans la cité de Thasos34. Ces caractéristiques matérielles mettent en lumière la pratique des honneurs doubles, en particulier pour deux femmes d’une même famille, généralement mère et fille, car la signification culturelle et surtout sociale était de grande importance.
20Il faut évoquer rapidement les cas des grands piédestaux dont chaque partie était composée de plusieurs blocs, ce qui arrivait lorsque la statue était très grande, colossale ou équestre, ou bien encore quand il y avait plusieurs imagines. On en trouvera peu ici, dans la mesure où l’importance de l’effigie qu’ils soutenaient, en terme de taille et de statut, excluait le plus souvent les femmes. Notons toutefois le socle du piédestal double du forum de Segobriga dédié à C[alventia] C. f. Titulla [589] dont trois blocs sont encore conservés.
21Quand la pierre choisie était de bonne qualité et/ou de belle apparence (calcaire ou brèche), les blocs étaient laissés à nu35. Sinon, ils étaient enduits, comme nous avons eu l’occasion de le constater à Labitolosa36 : au moment de la fouille de la curie de la cité ont été trouvées de nombreuses bases encore en place et adossées aux murs, qui avaient autrefois porté, avec celle du Génie du municipe, les statues de notables locaux. Si la plupart de ces bases étaient de structure tripartite et en calcaire, trois d’entre elles, en grès, étaient formées de blocs superposés. Du stuc peint qui les couvrait, il restait encore la partie inférieure, moulurée en forme de socle. Sur leur face principale, des mortaises conservaient des restes de fer à l’intérieur. À leur pied, gisaient des fragments des plaques de marbre qui devaient y être fixées et, sur leurs faces latérales, on pouvait observer les restes des mêmes scellements en fer. Cet exemple est intéressant, car il permet d’associer un emplacement aux plaques en marbre comme en bronze, porteuses d’une dédicace honorifique37 et qui, faute de données archéologiques, n’ont pas pu être restituées au contexte qui fut le leur. Aussi pensons-nous qu’elles étaient exposées sur la face frontale de piédestaux enduits. La quantité de données liée à ce type de monument reste encore très faible, car les plaques épigraphiques nous sont parvenues en moins grand nombre que les piédestaux massifs : elles n’étaient certes pas réutilisées directement comme matériaux de construction, mais elles étaient faciles à casser pour faire de la chaux ou refondre le bronze. Celles qui subsistent témoignent d’une utilisation étendue, pendant tout le Haut-Empire. Elles apparaissent dans les premiers monuments honorifiques connus dans la péninsule Ibérique, comme les piédestaux dédiés par la cité d’Emporiae à ses patrons38 à la fin de la République ou au début de l’Empire. Dans cette même cité, une plaque en marbre plus récente, dédiée à Vénus Auguste par un sévir dans le cadre de son sévirat, spécifie le monument sur lequel elle était fixée : [basim cum si]-gno39, ce qui permet de corroborer les éléments typologiques décrits. Cependant, ce type de monument est peu présent dans un dossier consacré aux femmes, déjà bien mince au vu du dossier honorifique total de la péninsule Ibérique.
Les types et les emplacements des hommages féminins
22Les inscriptions honorifiques répertoriées se répartissent en deux groupes40. Le premier est constitué des hommages rendus à une femme. La plupart mentionne l’érection d’une statue par une initiative privée, bien que l’on trouve également des honneurs payés sur les deniers publics, au nombre desquels on rangera les effigies érigées lors d’hommages funéraires publics41. Le second groupe comprend les hommages érigés par une femme.
23Étant donné que la fonction honorifique d’une inscription n’est pas toujours évidente, il a fallu résoudre un problème d’interprétation concernant l’épigraphie en général. Quand l’initiative honorifique est d’ordre officiel, payée par la communauté urbaine, le don du lieu public où doit être placée la statue sur son piédestal était évidente. En revanche, lorsque l’initiative était d’ordre privé, autrement dit quand l’effigie sur piédestal était érigée avec des fonds qui ne sortaient pas de la caisse de la cité ou de la province, la distinction entre un piédestal honorifique et un piédestal funéraire s’avère plus difficile42 pour deux raisons : d’une part, on connaît l’existence de piédestaux surmontés de statues dans les nécropoles43 (l’exemple le plus représentatif étant celui de Servilia [68] à Carmo, déjà mentionné) ; d’autre part, les inscriptions honorifiques étaient très souvent posthumes. Par conséquent, elles contiennent parfois des formules proches des textes funéraires : à l’indication de l’âge ou à l’expression post mortem, s’ajoutent, au iie siècle, les épithètes au superlatif (piissimus/a, pientissimus/a etc.) qui exaltent les vertus familiales du défunt. Or, devant ces difficultés, si les formules d’attribution d’un lieu public sont parfois présentes dans les hommages existants44, elles ne sont pas systématiques45, puisqu’elles semblent être circonscrites à la pratique épigraphique de certaines cités, comme Barcino ou Munigua. En outre, elles n’étaient pas inscrites sur tous les monuments d’une même série.
24Il semble possible de penser que tous les hommages étaient généralement destinés à être exposés dans un lieu vu de tous46. Deux observations justifient cette affirmation : premièrement, nombreux sont les piédestaux qui présentaient l’attribution officielle de leur emplacement public – la formule LDDD, par exemple –, semblables à ceux qui n’ont pas cette indication ; deuxièmement, on connaît, sur les bases mises au jour sur les fora de Segobriga47, Capera48, Laminium49 ou Singilia Barba50, à l’intérieur de la curie ou temple du Génie du municipe de Labitolosa51 et dans le théâtre d’Italica52, des inscriptions honorifiques découvertes in situ érigées sur des fonds privés et dépourvues de la mention LDDD. Ces exemples prouvent que l’indication d’un emplacement par décret de décurions n’était pas systématique, au moins dans le cas de monuments appartenant à un ensemble honorifique érigé avec des fonds privés : elle n’était pas toujours exprimée, car elle était évidente dans leur contexte originel sur un espace public53.
25Reste qu’il est très difficile de savoir, sauf si cela est clairement indiqué – nous l’avons dit54 – si un piédestal honorifique était placé in loco publico ou dans la partie destinée aux réceptions d’une demeure aristocratique. La difficulté s’en trouve accrue lorsque la base était érigée avec des fonds privés. On ne peut d’ailleurs attendre guère de secours de l’archéologie qui ne fournit pas de témoignages sur la pratique pourtant assurément répandue55 d’ériger des hommages dans les maisons, notamment dans la péninsule Ibérique. L’Italie en offre quelques exemples, le plus représentatif étant celui des statues des Volusii Saturnini exposées dans l’atrium de leur luxueuse uilla de Lucus Feroniae56. Mais en Italie, le rapport public/privé était encore plus étroit que dans le reste de l’empire, étant donné la prédominance des honneurs de l’empereur à Rome, où seuls ses proches recevaient du Sénat le droit de disposer leur statue in (loco) publico57. En effet, si les exemples d’effigies sur piédestal d’initiative privée58, et parfois même publique, exposés à l’intérieur des maisons sont bel et bien réels59, ils n’en sont pas pour autant abondants. Leur proportion, par rapport à ceux qui parsemaient les espaces publics des cités, est infime : dans un article fondamental60, W. Eck note que dans les villes bien fouillées comme Pompéi, Herculanum, Lepcis Magna, Timgad ou Volubilis, les hommages, même érigés sur fonds privés, étaient placés dans des lieux publics. Par exemple, un seul cas d’hommage exposé à l’intérieur d’une maison a été découvert dans la cité de Volubilis61. Par conséquent, si l’autocélébration des élites dans les demeures est importante62 – portraits peints, mosaïques, bustes, hermès –, elle prenait rarement la forme d’une statua cum base, car celle-ci était plus adaptée aux espaces publics63.
26De plus, la situation peut devenir plus complexe encore, dans la mesure où l’indication de l’initiative officielle n’entraînait pas toujours l’exposition d’hommage dans un lieu public de la cité. Comme W. Eck l’a très bien montré pour l’Italie64, certains monuments érigés aux frais de la cité furent exposés dans des lieux privés, comme la maison ou la sépulture. Ainsi, dans un mausolée d’Italica, on a retrouvé le piédestal d’Aelia Q. f. Licinia Valeriana [126], qui avait été attribué par décret des décurions ; on connaît des monuments honorifiques érigés aux frais des cités qui ont été exposés à l’intérieur de maisons privées à Acci65, à Iliberri66 et à Siarum67. Comme en Italie, ces documents sont très rares, et comme ceux des Volusii Saturni, ils semblent reproduire les hommages qui étaient présentés in loco publico68. Malgré leur apparente contradiction avec les données précédentes, ces constatations ne font qu’accentuer l’importance des hommages dans l’espace public : ceux que l’on montrait dans un contexte funéraire ou privé n’étaient souvent qu’une copie de ceux qui étaient exposés dans un lieu public. Par conséquent, nous avons regroupé l’ensemble des inscriptions honorifiques mentionnant une présence féminine, qu’elle soit dédicante ou dédicataire. Les exemples hispaniques permettent d’affirmer que la plupart de ces monuments surmontés d’une statue étaient élevés in loco publico, même quand le contexte post-mortem est évident. Pour corroborer cette proposition, remettons-nous en à Pline69, qui déclare que, dans les tombes, dans les lieux publics ou privés, les statues servaient un seul et même objectif : exalter la mémoire des hommes (et de certaines femmes, comme nous le démontrerons par la suite).
27Il existe un type particulier de monument honorifique, différent des bases de statues tant par la forme que par le contexte : il s’agit des hermès-portraits70. Les exemples féminins étaient relativement abondants dans la péninsule Ibérique au ier et au début du iie siècle. Souvent associés aux cultes domestiques, ils décoraient les salles de réception des grandes demeures71. Leur morphologie est tout à fait particulière, car ils sont composés d’un pilier, dit “hermaïque”, plus étroit à la base qu’au sommet. Des encoches permettaient l’insertion, dans sa partie supérieure, d’une tête-portrait du notable honoré, souvent en bronze, parfois en pierre (fig. 9)72. Quant au texte, il est inscrit dans la partie supérieure du pilier ; le champ épigraphique ne présente aucune délimitation, sauf dans les exemples les plus modernes, où il est inscrit à l’intérieur d’un cartel en creux.
Les monuments aux divinités offerts par les dames
28Le troisième groupe de données liées aux dames hispaniques concernent les monuments aux divinités qu’elles erigèrent dans un contexte de piété publique. Ces documents sont relativement nombreux, ce qui est extrêmement intéressant d’un point de vue social, car dans les cités romaines, les manifestations religieuses étaient liées de façon hiérarchique au rôle de chaque individu dans la communauté civique. Les textes montrent que les femmes honoraient les dieux de Rome lorsqu’elles étaient prêtresses, mais aussi en tant que membres d’une communauté au sein de laquelle elles entretenaient des rapports sociaux et des rituels nécessaires au bien-être de la cité.
29Pour comprendre ces comportements, il nous semble nécessaire d’étudier leurs manifestations matérielles. Aussi avons-nous recensé les grands autels et les statues de divinités sur piédestal offerts par des femmes. Pour honorer publiquement les dieux, le second type de monuments leur fut préféré. Évidemment, il s’agit là encore de localiser leur emplacement concret dans l’espace public. Autels et statues trouvaient logiquement leur place dans les sanctuaires, mais comme ils participaient aussi à l’ornement des cités, ils pouvaient également décorer rues et portiques. Leur forme peut apporter des éléments significatifs pour résoudre la difficulté de leur localisation.
30L’autel est l’élément nécessaire du sacrifice par le feu. Néanmoins, son modèle morphologique fut utilisé à des fins autres que sacrificielles, comme en témoignent les petits ex uoto placés dans les sanctuaires ou dans les maisons, mais surtout les grands autels monumentaux qui accompagnaient les statues sur base dans les décors des cités. Ces derniers sont bien représentés dans notre corpus, car ils étaient souvent offerts par les dames.
31La pratique d’ériger pour les divinités, dans différents endroits publics, des statues dédiées par des dames de l’élite hispanique, prêtresses ou non, était largement répandue. Cet usage semble commencer à la fin du ier siècle pour se développer tout au long du iie siècle. On analysera ultérieurement les lieux, les raisons et les circonstances sociales, politiques et religieuses qui les régissaient. La structure de ces monuments religieux est semblable à celle des ensembles honorifiques précédemment analysés, avec lesquels ils cohabitaient dans les espaces publics : une statue, imago ou simulacrum, reposait sur un piédestal. Il est impossible d’identifier les représentations anthropomorphes des divinités qui surmontaient ces bases. En effet, conservées en faible nombre (comme celles des monuments honorifiques), elles étaient d’un usage très commun ce qui empêche toute attribution à un emplacement d’origine particulier. On conserve cependant aujourd’hui un certain nombre de leurs piédestaux, analogues aux piédestaux honorifiques, mais plus petits : la statue de la divinité étant souvent plus petite que nature, le piédestal l’était aussi. Par conséquent, on trouve une quantité importante de bases monolithes ; les piédestaux tripartites sont également bien représentés, à la différence des piédestaux enduits, dont ne sont conservés que quelques exemples.
32Une autre particularité morphologique mérite d’être signalée : parmi les piédestaux à caractère votif, certains ont une hauteur largement inférieure à la moyenne, bien que leur largeur soit équivalente, voire supérieure aux autres. Cette faible hauteur concerne surtout le dé qui mesure entre 0,14 et 0,25 m de hauteur, tandis que sa largueur oscille entre 0,80 et 1,60 m. L’exemple présenté ici a été découvert dans la cité d’Italica (fig. 10).
33D’après M. Pernot, spécialiste d’archéo-métallurgie73, cette quantité d’argent permettait de réaliser une statue anthropomorphe de taille humaine. La donation était donc rare et coûteuse : on offrit peu de statues en argent de cette importance dans les autres provinces de l’empire74. L’équilibre d’un tel ouvrage nécessitait un piédestal large. Reste à savoir pourquoi elles étaient, le plus souvent75, beaucoup moins hautes que les piédestaux habituels. Nous y voyons deux explications possibles : leur grande valeur exigeait une stabilité plus importante, assurée par un soubassement plus large et moins haut ; coûteuses et associées à de petits objets de culte tout aussi précieux, elles étaient exposées à l’intérieur d’un bâtiment, où elles pouvaient être surélevées au moyen d’une structure maçonnée, tels les trois blocs inscrits qui, à l’intérieur du temple du Traianeum d’Italica, soutenaient des statues en argent76. Bien que moins hauts, ces blocs pourraient être les dés de piédestaux tripartites semblables aux précédents. Cependant, d’autres exemples de la même ville de Bétique suggèrent qu’il s’agit parfois de la partie centrale d’une console, insérée dans un mur. Les recherches récentes menées sur le forum d’Astigi, où l’on a trouvé un certain nombre de ces mêmes blocs, semblent confirmer leur disposition à l’intérieur du peribolos du temple, peut-être dans des niches77. Exception faite du cas particulier de Gerunda, petit hommage un peu étrange78, toutes les attestations de statues en argent et, par voie de conséquence, de piédestaux de faible hauteur, sont localisées dans le sud de la péninsule Ibérique, en Bétique, comme à Munigua79 ou dans des villes voisines de la Citérieure, comme Acci ou Castulo. Celles qui en présentent le plus grand nombre sont Astigi et Barbesula, où le don de statues d’argent semble avoir été très fréquent chez les notables, parmi lesquels, deux femmes, Aponia G. f. Montana [35] et Caecilia D. f. Materna [39].
L’évergétisme des femmes
34Les cités romaines avaient des besoins publics liés à leur situation politico-culturelle et à leur propre vie communautaire. L’organisation de ces activités était placée sous la tutelle des magistrats et du conseil des décurions, qui devaient affecter les crédits aux différents projets de la cité. La rubrique 79 de la lex Irnitana dresse la liste des plus importants d’entre eux et présente la procédure légale permettant l’assignation des fonds publics nécessaires à leur réalisation80. Mais pour s’attirer la reconnaissance de leurs concitoyens, et comme partout ailleurs dans l’Empire, les notables locaux de la péninsule Ibérique contribuaient à ces entreprises publiques avec leurs propres biens81. Parmi ces évergètes, on trouve parfois des femmes. Évidemment, on ne connaît ces actes d’évergétisme que grâce aux inscriptions : la cité, ou même un particulier, consacrait parfois une statue au généreux mécène, homme ou femme, pour le remercier de ses bienfaits. Dans ces cas, l’elogium inscrit sur le front du piédestal décrivait82 ces actes de générosité. Il arrivait toutefois que les notables, hommes ou femmes, se chargent eux-mêmes de rappeler leur bienveillance à la communauté en remémorant leurs dons83. Les dames offrant plus fréquemment une statue, le piédestal commémorait donc la donation dans le cas des statues des divinités in (loco) publico84. Dans le cas de la construction d’un bâtiment public, c’est généralement une inscription commémorative qui était gravée sur le monument en question, habituellement sur une plaque (fig. 11). Mais l’analyse de ces documents (peu nombreux dans le dossier) présente une grande variété selon la forme des lettres (litterae aureae ou non) et selon l’emplacement (sur la frise ou au sol, ou sur les pavements, avec des textes en tesselles de mosaïque).
35Les inscriptions évergétiques des dames suivent la même chronologie que celle des hommes : rares sous Auguste et à l’époque julio-claudienne, elles deviennent nombreuses au iie siècle pour disparaître dans le premier quart du iiie siècle.
Notes de bas de page
1 Sur ces questions, voir les commentaires de Martín-Bueno & Navarro Caballero 1997 (ERBil), ainsi que ceux de Galve et al. 2005.
2 Ont été comptabilisées seulement les inscriptions qui mentionnent les dames de l’élite et non celles des autres membres de leur familles, retenues aussi dans notre enquête pour mieux connaître leur personnalité.
3 Elles sont majoritaires en Lusitanie, même dans la capitale, Emerita Augusta.
4 Voir infra, p. 65-71.
5 La typologie des monuments funéraires dans la péninsule Ibérique a été bien établie par von Hesberg 1992 [1994], 1993, 1994 et 2002, suivi des chapitres de Gros 2001 sur l’architecture funéraire. Signalons aussi les travaux de Cancela sur toute la péninsule Ibérique, mais fondamentalement sur la Citérieure (Cancela 2001a et b) ; les publications de l’équipe Funus dirigées par D. Vaquerizo à l’université de Cordoue avec, entre autres, la publication de deux colloques internationaux : Vaquerizo éd. 2001 et 2002 ; les travaux nombreux, surtout sur la Bétique, de Beltrán Fortes 1997 et 2002, parfois en collaboration avec L. Baena del Alcázar 1996 ; les recherches de Jiménez Salvador 1989, 1996 et 2002, sur les monuments de la partie est de l’Hispanie. Sur Mérida, voir Márquez & Nogales 2002 ; Nogales & Márquez 2002.
6 Bonneville 1981, 137.
7 Voir description et commentaire sous la notice de Servilia [68] à Carmo.
8 Sur ces types de monuments, voir infra p. 66-68.
9 Alföldy 1987.
10 Zancher 1987b.
11 Dans le cas des hommages à des individus, les textes mentionnent le mot statua.
12 Bien que “base” soit à notre avis le plus correct, puisqu’il s’agit de la traduction exacte du mot latin, nous tenons les mots “base” et “piédestal” pour synonymes. Cependant, certaines études épigraphiques appellent ce type de support socle (plus restreint) ou soubassement (plus vaste). Exemples dans di Stefano Manzella 1987, 86-87.
13 Rappelons néanmoins qu’un signum était toujours la représentation anthropomorphique de la divinité, à la différence de statua, qui décrivait une effigie au sens large.
14 Voir aussi Navarro Caballero 1994 et 1997b ; Stylow 2001a.
15 CIL, II, 2130 (D. 5497 ; ILER, 1713) ; voir également CILA Gr, 300. Commentaire dans Navarro Caballero 2006, 73. Les piédestaux équestres érigés par des femmes sont les suivants : celui du jeune décurion de Tarraco, L. Aelius Polycletus, commandé par sa mère, anonyme [408] (CIL, II2, 14, 3, 2237 ; Gorostidi, Ager Tarraconensis, n° 10 ; fin du ier-début du iie siècle) ; celui de L. Pontius C. f. Ser. érigé par sa fille (Pontia) Amoena [128] dans le théâtre d’Italica (ERItalica, 61 [AE, 1985, 550] ; CILA Se, 399, sous Auguste ou au début du règne de Tibère).
16 En Hispanie, les seules statues colossales connues sont celles de l’empereur.
17 Ajoutons ici quelques exemples lusitaniens avec une mortaise sur la face supérieure du dé, peut-être pour recevoir directement la statue, voir le commentaire à Artullia G. f. Severa [311].
18 Bonneville 1980, 77 ; 1981, 134-136 ; Bergemann 1990 ; Navarro Caballero 1994 ; Magallón et al. 1995 ; Stylow 2001a, 149-150.
19 Sur ces questions, une étude régionale détaillée dans Cebrián 2000, 103-139.
20 Une dame dénommée Aemilia [565] reçut une statue sur piédestal tripartite au début du ier siècle.
21 Il s’agit du piédestal de Cornelia C. f. Flaccella [557], daté de la première moitié du ier siècle. La forme du support, la paléographie et l’onomastique sont semblables à celles de deux autres monuments de la ville de Saetabis : le premier fut érigé à Q. Iunius Q. f. Gal. Aenibelis, dont la forme et le cognomen ibérique ont fait penser qu’il datait du début du ier siècle (CIL, II, 3621 [ILER, 1409] ; IRST, 7 ; IRST2, 7) ; le second, de même forme, fut érigé à Q. Iunius Q. f. Gal. Iustus, duumvir et flamine d’Auguste divinisé, ce qui permet de le dater du règne de Tibère (CIL, II, 3620 [ILER, 1578] ; IRST, 8 ; IRST2, 8).
22 Une de plus anciennes est une petite base monolithe mise au jour à Tucci et aujourd’hui disparue, qui portait l’hommage à Iulia C. f. Laeta [219], flaminique de la domus Augusta.
23 Navarro Caballero & Magallón Botaya 2013, 336-346.
24 Selon Plin., Nat., 34.11.1, il s’agissait d’un des supports les plus anciennement utilisés à Rome.
25 “Le but des colonnes était d’élever au-dessus des autres hommes ceux à qui on les dressait”, Plin., Nat., 34.12.2.
26 Comme le prouvent deux hommages à l’empereur, l’un à Cordoue, en l’honneur d’Auguste, au début du règne de son successeur, et l’autre, en l’honneur de Claude, trouvé à Epona (CIL, II, 2158 ; CIL, II2/7, 142). Ajoutons celui d’un jeune sénateur, patron d’Urso, dont le monument date du début de l’Empire (CILA Se, 618 et 619), ainsi que l’un des hommages les plus anciens de la péninsule Ibérique, gravé pour T. Mercello Persinus Marius, édile et duumvir honoré à Cordoue par les coloni et incolae (CIL, II, 2226 ; CIL, II2/7, 311). Il était probablement un descendant de L. Mercello, cité en Bell. Alex., 52 et 53. Voir aussi Cebrían 2000, 101-102.
27 À Astigi, Sáez et al. 2001 ; cf. Arria [36].
28 Inscription de Tucci : CIL, II, 1674 (ILER, 1423) CILA Ja, 434.
29 Navarro Caballero 2006, 73.
30 Deux piédestaux cylindriques d’Iliberri furent encore érigés à Gordien III et à son épouse, ILPGr, 32 et 35.
31 À Cordoue, Epona, Tucci (avec une base d’époque augustéenne érigée à un notable local) et à Iliberri, où les exemples sont les plus abondants.
32 Stylow & Ventura 2005, 23-41 ; Ventura & Stylow 2006.
33 Stylow & Ventura 2005 ; Ventura & Stylow 2006, n. 11.
34 IG, XII, 8, 381. Un monument proche a été découvert sur le forum de Magdalensberg : il fut érigé à Livie et aux deux Julies, Iulia Maior et Iulia Minor, par les tribus du Norique. Il est daté de 11-12 ; commentaire dans Fishwick, Imperial Cult, III, 1, 66.
35 Alföldy et al. 2003a.
36 Navarro Caballero 1994 ; 1997a ; Navarro Caballero & Magallón Botaya 2013, 346-352.
37 Il s’agit en fait de ce que les auteurs qui nous ont précédés ont appelé “plaques monumentales” ; Bonneville 1981, 138. Voir aussi Rosso 2006, 113-114.
38 Bonneville 1983 ; Alföldy 1987, 56-57 ; IRC, III, 19-29.
39 IRC, III, 18.
40 Sur les statues en public, Dig., 43.9.2 : Concedi solet, ut imagines et statue, quae ornamenta rei publicae sunt futurae, in publicum ponantur, “On admet d’ordinaire que les bustes et statues destinés à orner la cité soient élevés dans un lieu public”. Ils pouvaient être exposés per theatra et fora […] interque principia legionum (Tac., Ann., 4.2.4).
41 Un premier recueil sur les hommages funèbres rendus aux femmes hispaniques a été réalisé par Gallego Franco 1994, 267-275. Sur ces questions, cf. partie 4, chapitre 3, p. 297-306.
42 Sur ces questions, voir aussi Melchor 2006c, 205-206.
43 Voir infra p. 66-68.
44 Oria 2000.
45 Melchor 2009 ; les découvertes de Labitolosa sont un bon exemple à cet égard. Cf. supra note 36.
46 Contra, Stylow 2002, qui semble avoir changé d’avis par la suite (Stylow & Ventura 2005 ; Ventura & Stylow 2006).
47 Cf. Calventia Titulla [589] à Segobriga ; voir aussi Alföldy et al. 2003.
48 Cf. Iulia Luperci f. Luperca [267] et Bolosea Pelli f. [265], respectivement femme et mère du magistrat M. Fidius Macer.
49 Cf. Allia M. f. Candida [543] et Licinia Macedonica [545], mère et fille honorées sur le forum de la cité.
50 Le piédestal de Carvilia Censorilla [204], épouse du procurateur de la province, érigé par Acilia Plecusa [199] a été trouvé sur le forum de la cité.
51 Cf. Cornelia Neilla [541], à Labitolosa.
52 Comme celle de (Pontia) Amoena [128]. Autres exemples, situés près du forum de la cité, Melchor 2009, 223. Sur le concept de public et privé, voir supra p. 18-19.
53 Nous classons sous cette expression française la totalité des lieux et des bâtiments gérés par la cité, car les textes épigraphiques empêchent de savoir s’il s’agit de loca publica ou de bona ciuitatis (voir supra p. 18-19). Il semble évident que le forum, le théâtre ou les rues étaient de loca publica. La question de la propriété privée du bâtiment sur un sol de la cité se pose pour les exèdres ou scholae de los Bañales (voir fiches sur Pom(-) Pullatis f. Pulla [596] ; Porcia Germulla [597] ; Porcia Faventina [598]). Quoi qu’il en soit, leur fonction était d’ordre collectif, car elles devaient exposer au centre de la cité la réussite d’une famille.
54 Voir supra p. 37.
55 Sur les domus comme lieux d’autocélébration, analyse de Vipard 2004, voir aussi infra p. 165-178.
56 Sur ces vestiges exceptionnels : Autostrade, X, 8, 1968 ; Eck 1972, 463-475 [1996, 125-145] ; Moretti & Sgubini Moretti 1977, 33-35 ; Neudecker 1988, 157 ; Sgubini Moretti 1998, 39-51. Sur ces questions, avec tous les exemples connus, notamment la maison des Iulii Aspri à Grottaferrata, Neudecker 1988, 77-100 ; Eck 1972 [1996, 304]. On connaît la représentation d’un couple à l’intérieur d’une maison de Délos et quelques dédicaces à l’intérieur des maisons à Rome (Eck 1972 [1996, note 48]). Si les monuments romains semblent être pour la plupart posthumes, ce n’est pas le cas de certains hommages des Iulii Aspri, qui étaient toujours en vie.
57 Eck 1972 [1996, 311-312].
58 Panciera 2001 a recueilli les hommages découverts à Rome à l’intérieur de maisons privées dont les auteurs étaient les amici ; le corpus est petit, seulement composé par 6 piédestaux, ce qui lui permet de dire que cette pratique n’était pas très répandue.
59 Généralement érigées par des initiatives privées, mais parfois aussi publiques ; voir commentaires et exemples dans Zaccaria 1995 ; Panciera 2001 ; Vipard 2004 ; Melchor 2009, 225.
60 Cité ici à de nombreuses reprises, Eck 1972 [1996, 309-311].
61 Il s’agit de la série des piédestaux érigés en l’honneur de membres de la gens Pompeia, dont les membres masculins étaient chevaliers. Elle a été trouvée à l’intérieur de leur maison. IAMAR, 2, 427.444.445.467 ; Eck 1972 [1996, 311] ; Lefebvre 2000, 1729-1731.
62 Hales 1971 [réédition 2003] ; Vipard 2004.
63 Le récent ouvrage de M. Gorostidi publie plusieurs blocs de piédestaux honorifiques qui ont été trouvés sur le territoire de Tarraco, parfois associés à des vestiges de uillae (n° 4, 8, 9, 10, 11, 21, 33 de son catalogue). Certains mentionnent des femmes : Apronia Iusta [317], Sutoria Surilla [397], Calaria Liciniana [329] et Sulpicia [---] Calagurritana [395]. L’auteur considère que ces bases étaient disposées à l’intérieur des uillae. Cependant, une analyse des blocs et des uillae permet de constater d’une part, que les contextes archéologiques sont inconnus, d’autre part que, à l’exception du n° 8, tous les blocs ont été réutilisés, surtout comme poids de pressoir. On ne peut donc pas exclure que certains aient été déplacés de Tarraco.
64 Eck 1972 [1996, 305-307]. Sur ces questions, voir aussi Melchor 2009.
65 On a découvert le piédestal de L. Aemi[lius] Propinq[uus] érigé par décret de décurions, mais exposé dans sa uilla dans le territoire de la cité d’Acci ; Stylow 2000b, 775-806 (AE, 2000, 782 ; HEp, 10, 321).
66 P. Manlius P. f. Gal. Manlianus, d’Iliberri, fut honoré par l’ordo dans le cadre des honneurs funéraires octroyés par la cité. Son piédestal a été trouvé dans une uilla dans le territoire de la cité CIL, II, 2063 ; ILPGr, 22 ; CIL, II2/5, 656.
67 Deux hommages aux sénateurs de la famille des Messii Rustici ont été trouvés en contexte privé ; tout d’abord, celui que la cité de Siarum octroya au sénateur M. Aemilius Afer Cutius Romulus Priscianus [Arrius] Proculus, trouvé dans un cortijo, CILA Se, 961 (AE, 1983, 517) ; celui de la cité d’Hispalis semble avoir été découvert également dans une maison suburbaine, CILA Se, 963 (AE, 1988, 721 ; HEp, 2, 635). Ces hommages officiels furent remboursés par la famille, ce qui rend plus logique une exposition privée, rappel de l’hommage exposé en public. Sur ces questions, Melchor 2006d, 210.
68 Certains monuments ont sûrement été déplacés à l’époque moderne du centre ville à la campagne environnante d’Hispalis, comme le suggère Caballos, Senadores, 214, pour l’effigie du sénateur Messius Rusticianus, CILA Se, 961 (AE, 1983, 517).
69 Plin., Nat., 34.9.
70 Rappelons très rapidement que les hermès avaient une origine grecque associée aux carrefours, ils étaient composés à l’origine d’une tête du dieu Hermès scellée sur un pilier trapézoïdal ; vers le ive s. a.C., d’autres divinités ont été disposées sur ce type de piliers ; vers le iie s. a.C. (Peñas 2000, 17-18), surtout à Délos, les hermès, quel que soit le dieu représenté, ont été disposés à l’intérieur de demeures hellénistiques. Ces monuments ont été adoptés par la culture romaine et ont décoré les grandes maisons romaines (Cic., Att., 1.4.3). Les portraits des maîtres des maisons ont ensuite remplacé les dieux sur les piliers hermaïques.
71 Sur ces exemples, Rodríguez Oliva 1985. Dans la péninsule Ibérique, deux hermès semblent cependant avoir été disposés dans un lieu public, Stylow 1989-1990, n° 2 et n° 4, dont un a été érigé par une femme, Popillia Mater[na ?] [248].
72 Wrede 1986 ; Rodríguez Oliva 1985 ; Peñas 2000 ; Fejfer 2008, fig. 152 et fig. 34a-d et fig. 35a-d.
73 Directeur de Recherche émérite au CNRS, IRAmat, CRP2A, Bordeaux, que nous remercions ici pour ses suggestions utiles.
74 La relation de Duncan-Jones ne présente que 3 exemples pour l’Italie (1974, 164) et deux pour l’Afrique (ibid, 94).
75 Si ce type de piédestal est le plus utilisé pour soutenir des statues en argent, on peut trouver également des signa en argent sur d’autres types de supports, notamment des piédestaux monolithes de grande taille, comme celui qui a été érigé à Barbesula par Aelia Domitia Severiana, flaminique perpétuelle [54] pour porter une statue de Junon Auguste de 100 livres d’argent ; signalons aussi le piédestal monolithe érigé par Fabia L. f. Fabiana [412] qui, à Acci, tenait une statue d’Isis parée de ses bijoux ; de même, le piédestal disparu érigé par Cornelia Marullina [500] à la Pietas Augusta dans sa cité de Castulo ; on conserve également la plaque de marbre qui décorait le front du piédestal maçonné qui, à Canania, soutenait une statue en argent du Numen impérial, érigée avec dix autres par Sempronia Galla [65].
76 León 1988, 109-111, entre autres, la statue à la Victoire Auguste érigée par Vibia Modesta [130].
77 Ordóñez & García-Dils 2013, 82-84.
78 Il s’agit de Porcia M. f. Severa [526], qui a refait une statue avec six livres d’or et neuf d’argent.
79 Fabia Ursina [157] érigea une statue à la Fortune Croissante Auguste sur une console qui devait s’insérer dans le mur d’un temple.
80 González 1986 et D’Ors 1986 (AE, 1986, 333) : A. ... Qu[o mi]/nu[s] quantae pecuniae in sacra ludos cenas quibus decuriones cons[cr]/ipti municipesue uacantur, aera apparitoria, legationes, opera ei[us] / municipi facienda r[e]ficienda, aedium sacrarum monumentorum/que custodiam [habend]-am, cibaria uestitum, emptionesque eorum qu[i] / municipibus [s]eruiant, item in eas res quae IIuiris aedilibus ques[to]/ribus sacrorum faciendorum municipum nomine, item officioru[m] / quae honoris eius nomine quem quis inierit expugnari debebunt. D’autres rubriques de ce règlement municipal développent des points spécifiques : les légations, les salaires du personnel, la construction d’œuvres publiques déterminées.
81 Depuis que P. Veyne écrivit en 1976 son livre Le pain et le cirque, les études sur le mécénat et l’évergétisme se sont succédé. La bibliographie est d’une telle ampleur que nous signalerons simplement les trois principaux auteurs qui ont traité la question pour la péninsule Ibérique, et d’abord E. Melchor, dont la bibliographie sur le sujet, notamment sur la province de Bétique, est très importante (voir en particulier ses travaux de 1993 ; 1993-1994 ; 1994 ; 1999b ; 2001) ; pour la Citérieure, voir Navarro Caballero 1997a et pour la Lusitanie, surtout Andreu Pintado 2004.
82 Comme dans le piédestal de Iunia D. f. Rustica [71], honorée par sa cité, Cartima, en remerciement de tous ses bienfaits, énumérés dans le texte.
83 Voir tableau 35, p. 259-280.
84 Voir p. 273-276.
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