Introduction
p. 23-24
Texte intégral
1Comme annoncé précédemment, cette enquête se fonde principalement sur des éléments matériels, en particulier les inscriptions. Il a été évident, dès le début, que l’on ne parviendrait pas à cerner l’image et la présence des dames dans la sphère publique des cités sans résoudre plusieurs questions de méthode. L’information que nous pouvons extraire des textes épigraphiques, notre source principale, est variable, car elle dépend non seulement de leur nature, mais aussi et surtout de leur interprétation. Étant donné le laconisme et les particularités morphologiques de certaines inscriptions, il a fallu sélectionner les documents les plus significatifs. Restait ensuite à définir leur emplacement dans le cadre urbain, toujours dans un souci de rigueur méthodologique lié à la présente recherche : la place des femmes dans la sphère publique des cités hispaniques.
2La constitution du dossier documentaire des femmes hispaniques nous a encouragé à approfondir la réflexion entamée jadis par J.-N. Bonneville sur la forme des supports épigraphiques1, notamment en ce qui concerne les monuments de nature honorifique. Le vocabulaire utilisé par les épigraphistes dans leur description des supports est variable et souvent incertain ; il importait donc, en premier lieu, de préciser le sens des termes à employer. En second lieu, il était nécessaire de justifier nos choix chronologiques2. Comme pour tout objet archéologique daté approximativement, établir des typologies de supports permet d’affiner la chronologie de chaque élément et, par cela même, celle des activités humaines qui en sont à l’origine ; ces éléments épigraphiques mieux définis et mieux datés, nous conduisent naturellement aux commanditaires et au paysage urbain dans lequel ils étaient exposés, et par voie de conséquence, au domaine socio-culturel qui est au centre de nos recherches.
3Le deuxième chapitre de cette partie concerne les effigies qui accompagnaient en général les inscriptions, comme le montrent à la fois l’archéologie, les textes épigraphiques et les sources littéraires. Ces représentations formaient avec les tituli inscrits un ensemble cohérent, visant à mettre en valeur, aux yeux du public, les femmes de l’aristocratie locale et leur famille. D’ailleurs, la statue constituait la partie la plus visible de l’image publique de la femme. De façon extrêmement codifiée et répétitive, elle montrait les vertus féminines. Son étude est donc intimement liée à celle des inscriptions. Cela n’est pourtant pas aussi clair qu’il n’y paraît. La raison vient de ce que l’épigraphie et la sculpture réclament chacune des connaissances techniques spécifiques. Aussi forment-elles des disciplines à part entière. Cet état de fait a entraîné, notamment sur le sujet traité ici, des études séparées dont les conclusions, rarement assemblées, sont parfois opposées, du moins en apparence. Par exemple, les statues féminines se font rares au iie siècle, comme semblent le montrer les dossiers de Emerita Augusta3 et de Tarraco4, alors que, pour la même période, les piédestaux honorifiques érigés en l’honneur des femmes sont les plus abondants5. Pour éviter ce type de contradiction, l’information apportée par les inscriptions sera, tout au long de notre réflexion, associée automatiquement à celle qui est issue des images. On ne peut autrement rendre compte, dans sa totalité, de l’image des femmes dans la sphère publique des cités.
4C’est pourquoi, dans le deuxième chapitre, nous nous attacherons essentiellement à la morphologie des sculptures, l’objectif étant de préciser les caractéristiques principales des représentations féminines trouvées dans la péninsule Ibérique et les messages qu’elles véhiculaient à travers un processus bien connu aujourd’hui qui est celui de la réplique systématique des modèles iconographiques6. Il s’agit là, on l’a dit, d’un champ de recherche très spécifique, dont le caractère demande des connaissances pointues dans le domaine de l’iconographie. On a cependant la chance de disposer actuellement, dans le cas de la péninsule Ibérique, d’une typologie juste et solide de ces représentations féminines. Elle permet de travailler directement sur les questions d’ordre social et culturel, en lien avec les inscriptions. Outre le rappel des principaux types statuaires7 que l’on va rencontrer tout au long de l’enquête, l’objectif est de comprendre la place que tenaient les statues de femmes dans le contexte architectural auquel elles étaient destinées, ainsi que les circonstances de leur découverte et les conditions de leur conservation. Ces éléments détiennent en effet en grande partie la clef de l’interprétation historique.
Notes de bas de page
1 Bonneville 1980, 1981 et 1988. Une réflexion régionale dans Cebrián 2000.
2 Bonneville 1980, 75.
3 Nogales 1997a, 247 et 2001.
4 Koppel 1985, 138-139.
5 Ainsi, pour le conuentus Tarraconensis, Alföldy 1979, 230-231.
6 Perry 2005 ; Timble 2011.
7 Un tableau récapitulatif des principaux types est proposé à la fin de cette partie, cf. annexe 1, p. 55.
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