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Résumés

p. 273-284


Texte intégral

Jean-Luc Chassel

La problématique des sceaux de villes dans le Midi de la France médiévale

1Le sceau est un des principaux attributs matériels du gouvernement des villes dans la France du Midi – sans que le développement du notariat y fasse obstacle – parce qu’il affirme le statut juridique d’universitas-corpus revendiqué par les communautés urbaines. Dans le Corpus des sceaux français du Moyen Âge, tome I : les sceaux des villes de B.M. Bedos (1980), le Midi vient quantitativement en tête. Mais des recherches récentes et des sondages dans les sources diplomatiques montrent que l’usage du sceau par les villes est encore sous-estimé en raison de l’ampleur des deperdita. Supports privilégiés de l’emblématique, à la fois par les inscriptions et par les images, les sceaux montrent un vaste choix de stratégies pour faire valoir l’identité urbaine et la légitimité des élites à gouverner la ville, au regard des habitants comme au regard d’autrui. Ils montrent aussi la complexité des rapports entre villes, seigneurs ecclésiastiques ou laïcs et suzerains-souverains. L’étude propose une analyse synthétique de ces choix, des stéréotypes en vigueur comme des tendances particularistes qu’ils expriment, en soulignant la richesse des informations que les sceaux apportent à tous les champs de l’histoire urbaine du Midi.

The question of town seals in the south of mediaeval France

2The seal is one of the most important material markers of towns in the Midi, the South of France – which the development of the notaire system did not hinder – because this affirmed the judicial status of universitas-corpus which urban communities desired. In the Corpus des sceaux français du Moyen Âge, tome I : les sceaux des villes by B.M. Bedos (1980), the South tops the list in numerical terms. However, recent research and enquiries carried out into diplomatic sources reveals that the use of seals by towns has been under-estimated because of the widespread deperdita. Since they are the special bearers of emblems, which are both inscriptions and images, the seals display a vast choice of strategies in order to promote urban identity and the legitimacy of the elites in governing a city, in the eyes of both the residents and outsiders. They also show the complexity of relations between towns, ecclesiastical and lay lords and liege lords – sovereigns. The study proposes a synthetic analysis of these choices, the stereotypes at work such as the particularist tendencies that they expressed, by highlighting the wealth of information that the seals provide in all aspects of the urban history of the South.

Laurent Macé

Du métal et de l’étoffe. La place de la matrice sigillaire et de la bannière dans les gouvernements urbains méridionaux

3Au même titre que les cloches, les clefs ou encore les cartulaires et autres supports de l’écrit, la matrice du sceau communal fait partie des objets conservés et montrés par les représentants de l’autorité urbaine. Les registres et les livres de coutumes méritent toute l’attention des édiles en raison de la reconnaissance juridique des consulats qu’ils induisent ; ils sont donc archivés dans l’arche, elle-même déposée au sein du bâtiment qui symbolise physiquement les diverses prérogatives obtenues par le pouvoir citadin. Cette maison commune ou un édifice servant de campanile en viennent logiquement à figurer comme motif iconographique, principal ou périphérique, sur le sceau de cire. Quant à la matrice, bien qu’elle soit cachée dans le coffre qui apparaît comme un précieux conservatoire de la mémoire locale, elle demeure avant tout un attribut essentiel de la représentation collective. Anciennes et nouvelles matrices cohabitent, participant à la sédimentation progressive de l’histoire municipale. Arborée, la bannière, elle, bénéficie d’un statut plus ambigu. En tant que signe, elle porte souvent les couleurs du seigneur (roi, comte) mais une emblématique propre à la ville peut parfois se manifester. La matérialité des attributs du gouvernement urbain est donc un élément visible de la communication mise en place par des élites qui souhaitent développer une identité spécifique pour l’ensemble de la communauté.

Of metal and cloth. The role of the signet ring and the banner in southern French urban governments

4Just like bells, keys or even cartularies and other written supports, the communal signet seal has its place among the objects conserved and displayed by the representatives of urban authority. Registers and books of rights were worthy of close attention by officialdom because of the legal recognition of the consulates which they bore. They are therefore stored in the chest which is itself placed in the heart of the building which is the physical symbol of the various prerogatives obtained by those in power in the city. This communal house or construction serving as a bell tower thus logically features as an iconographic motif, in the centre or to the side, on the wax seal. As for the matrice, although it is hidden away in the coffer which then seems to be the precious holder of local memory, it remains above all a vital attribute of collective representation. Old and new matrices exist side by side, participating in the progressive sedimentation of municipal history. Regarding the decorated banner, this symbol has a more ambiguous status. As a sign, it often bears the colours of the lord (king, count) but sometimes emblems proper to the town may be displayed. The material existence of the attributes of urban government is thus a visible element of communication put in place by elites who wish to develop a specific identity for the whole community.

Johan Picot

Montferrand, la communauté, le consulat et l’arca communis (milieu xiiie-début xvie siècle)

5Ville neuve fondée au début du xiie siècle par le comte d’Auvergne, Montferrand obtient la première charte de franchises de la région (c. 1196-1198). L’événement consacre l’autonomie juridique de la communitas et entérine la création de son instance exécutive, le consulat. Dès lors, les Montferrandais ne cessent de mettre en avant les signes qu’ils estiment les plus tangibles de leur existence et qui contribuent à signifier l’identité communale comme le sceau, la cloche et l’arche. L’arca communis paraît, peut-être plus que tout autre attribut, l’incarnation de leur indépendance et bénéficie d’une attention particulière. Dès le milieu du xiiie s. au plus tard, le gouvernement urbain soigne le coffre qui renferme les traces légitimant son existence et son administration, mais aussi les matrices sigillaires, le poinçon pour les métaux précieux ou encore les reliques. Fidèle du pouvoir, l’arche suit les pérégrinations d’un consulat qui, faute de maison commune, est contraint au nomadisme dans la ville. Toutefois, la croissance documentaire qui marque les derniers siècles du Moyen Âge oblige les consuls à modifier leurs pratiques de conservation. La multiplication des contenants impose une sédentarisation des arches communales. Le consulat opte d’abord pour l’aménagement d’une “armoire” au sein de la collégiale Notre-Dame (1409), puis décide de donner de la hauteur à ce qu’il qualifie désormais de “trésor de la ville”. Dès 1496, c’est la tour nord de l’église qui conserve, tels des reliquaires, les coffres de la commune. La pratique répond à un besoin de sécurisation, mais aussi de sanctuarisation de la mémoire collective. En effet, si l’arche est un attribut de gouvernement si important aux yeux de la commune de Montferrand, c’est qu’elle incarne et garantit son existence aux côtés de ses (trop) proches rivales : Clermont, ville épiscopale, et Riom, siège de l’administration capétienne.

Montferrand, the community, the consulate and the arca communis (mid xiith c. - early xvith c.)

6Montferrand was a new town, founded at the beginning of the xiith century by the count of Auvergne and it was granted its first charter of preferential regional franchises (c. 1196-1198). This event marked the judicial autonomy of the communitas and confirmed the creation of the consulate, its executive body. From then on the Montferrandais never missed a chance to promote the insignia/signs which they felt were the most tangible proof of their existence and which helped to mark their communal identity just like the seal, the bell and the common chest. The arca communis seems perhaps more than any other attribute to be the incarnation of their independence and is worthy of particular attention. At the latest, from the middle of the xiiith c. onwards the urban government took good care of the chest which contained the signs that legitimized its existence and its administration as well as the seal matrices, the hallmark punches for the precious metals and even holy relics. Loyal to the governing power, the chest followed the wanderings of the consulate which, with no residence of its own, was obliged to move about the town. However, the increase in documentation which marks the last centuries of the Middle Ages obliged the consuls to change their conservation practices. The increase in the number of containers obliged the communal chests to settle. The consulate first opted for the installation of a “cupboard” inside the Notre Dame collegiate church (1409) and then decided to give what they now called “the town treasure” a higher profile. From 1496 onwards, like relics, the town’s coffers were kept in the north tower of the church. This practice developed from a need for security but was also in response for a need to sanctuarise collective memory. In fact, if the chest is an attribute of government that is so important in the eyes of the town of Montferrand it is because it embodies and guarantees its existence alongside its (close) rivals: Clermont, seat of the bishop and Riom, seat of the Capet administration.

Sandrine Lavaud

Les clés des villes de l’Aquitaine médiévale (xive-début xvie siècle)

7Pensée à l’échelle de la ville médiévale, la question des clés n’a été jusqu’alors que partiellement abordée. Dans le cadre de cette réflexion sur les attributs matériels du gouvernement urbain, l’étude déjà menée sur le cas de Bordeaux a été étendue à d’autres agglomérations de l’Aquitaine, principalement Agen et Bergerac, par le biais des sources communales. L’enquête montre combien les clés, premier des attributs à être distribués aux consuls entrants, le seul à être utilisé sous ses deux formes symboliques et réelles dans les rituels, sont l’une des expressions du pouvoir municipal et un enjeu majeur des rapports ville-seigneur/roi ; de sorte que les clés apparaissent aussi comme un marqueur d’une hiérarchie urbaine, fondée moins sur le rang ou la taille de la ville, que sur le degré d’autonomie des municipalités vis-à-vis de leur seigneur. Pour les gouvernements urbains, la possession des clés implique d’abord de les prendre au moment opportun des rapports de force avec le pouvoir seigneurial et de savoir les conserver face aux prétentions royales ; puis, une fois acquises, de les distribuer selon une répartition qui tienne compte tant des ressources humaines et des préséances que des besoins de la défense ; enfin, de bien user de son droit d’ouvrir et surtout de fermer à clé.

Town keys in mediaeval Aquitaine (xivth c. - early xvith c.).

8When thinking about the mediaeval town, up until now the question of the town keys has only been only partly tackled. In the framework of this collective appraisal of the material attributes of urban governance, the study already carried out into the case of Bordeaux has been extended to other urban centres in Aquitaine, principally Agen and Bergerac, by looking at local sources. Our study shows how keys, the first of the attributes to be handed to the incoming consuls, are the only feature to be used in rituals both symbolically and in reality and are one of the expressions of municipal power and also a major issue in relations between the town and the lord or king. This is the case to such an extent that keys also appear as a marker of urban hierarchy, based less on the rank or the size of the town than on the degree of autonomy of the municipalities regarding their overlord. For urban governments, the possession of keys first implies taking them at an opportune moment in power struggles with the overlord and knowing how to hold on to them when faced with royal pretensions. Then, once acquired, it becomes a question of handing them over according to a distribution which took human resources and rank into account as much as defence needs. Finally it was a question of properly using one’s right to unlock and to lock.

Ézéchiel Jean-Courret

Faire maison commune. Les lieux de réunion de la Jurade à Bordeaux (xiiie-xve siècle)

9Élaboré conjointement à l’enceinte du bourg mercadier dans la première moitié du xiiie s., le complexe de Saint-Éloi articule maison commune, porte-beffroi et sanctuaire municipal. L’espace du gouvernement bordelais devient binucléaire du fait de l’apparition d’un pôle mayoral motivé par la double valence du premier des magistrats : à la fois maire et officier du roi-duc, nommé exclusivement par celui-ci depuis 1289. Et les lieux d’expression de la parole publique de s’avérer encore plus divers lorsqu’on peut les saisir, sur quelques années du début du xive s., dans les délibérations de la Jurade. Ces différents sites n’ont pas le même rôle, ce qui s’y passe n’a pas la même essence. Leur étude intrinsèque et croisée permet d’en dégager les dialectiques et montre combien le pouvoir municipal bordelais se forme dans ses rapports avec les acteurs extérieurs, dans des espaces, des temporalités et des circonstances variées. De tous ces lieux, Saint-Éloi est le seul à constituer un attribut. Espace privilégié de l’universitas, amenée à contenir tous les signes, la maison commune n’apparait pas forcément comme le principal d’entre eux, mais certainement comme le plus centralisateur.

The community house. The meeting places of the Jurade in Bordeaux (xiiith-xvth centuries)

10As a grouped construction at the city wall of the merchant town in the first half of the xiiith c. the complex of Saint Eloi includes a house, a bell tower and a municipal sanctuary. This space for the governance of Bordeaux gained a two-fold function because of the development of the role of mayor who doubled as the town’s first magistrate. The post-holder was both mayor and an officer of the King-duke and appointed exclusively by him from 1289. Places for public expression became more diverse over a few years at the beginning of the xvth c. and it is possible to understand this in the Jurade meetings reports. The different sites did not play the same role and what transpired there did not have the same content. A close and cross-matched study of these allows us to identify the arguments and to show how the municipal power in Bordeaux was shaped by its relations with outside agents, in varied places, times and circumstances. Among all these places, Saint Eloi is the only one to constitute an attribute. It was the privileged location of the universitas, and as such contained all the insignia, thus the community house does not seem to be the main site among these locations but it is certainly the most centralising.

Lionel Germain et Judicaël Petrowiste

Au bric-à-brac de l’universitat : les objets du pouvoir consulaire conservés dans la maison commune de Najac, vers 1260 - vers 1330

11À partir de la fin des années 1260, et pendant plusieurs décennies, les consuls du gros castrum de Najac, en Rouergue, ont eu pour habitude de faire rédiger chaque année à leur sortie de charge un état des biens de l’universitat déposés au sein de la maison commune. La conservation des deux premiers livres de comptes du consulat, sur lesquels ces listes étaient transcrites, offre à l’historien l’opportunité rare d’étudier une belle série de plusieurs dizaines d’inventaires s’étendant jusqu’à 1332. Elle livre un éclairage global sur les objets associés à l’exercice du gouvernement urbain dans une petite ville médiévale, et permet de cerner l’évolution de cet ensemble dans une période marquée par l’épanouissement politique du consulat, et l’essor rapide de la localité. On s’arrêtera successivement sur les objets proprement dits conservés au sein de la maison commune, puis sur les écrits archivés dans cette dernière. L’analyse révèle l’existence d’un noyau dur d’éléments employés dans la gestion quotidienne de l’universitat, qui expriment sa réalité matérielle et confèrent au pouvoir local une dimension sensible : sceaux, trompes et enseignes, étalons des poids et mesures, écrits de gouvernement... Dans cet ensemble se distinguent certains attributs porteurs d’une forte charge symbolique, objets de toutes les attentions, au sein desquels se détache l’arca communis qui trône dans la maison commune. La gestion de plus en plus méticuleuse des documents contenus dans cette dernière, dont le nombre augmente très rapidement au fil de la période étudiée, permet en effet tout à la fois de construire une mémoire du consulat, de mettre en valeur l’étendue de ses libertés, et d’assurer la défense de ses prérogatives.

The bric-à-brac of the universitat : the objects of consular power kept in the communal house at Najac, around 1260-1330

12From the end of the 1260s, and over a few decades, the great consuls of the castrum at Najac, in Rouergue, had the habit every year of drawing up, at the end of their mandate, an inventory of the goods belonging to the universitat and these were deposited in the communal house. The first town registers of the consulate’s accounts which contain the transcription of these lists have been conserved and they offer the historian the rare chance to examine a wonderful series of several dozen inventories dating from as late as 1332. They throw a general light on the objects associated with the exercise of urban government in a small medieval town and allow us to identify the evolution of this during a period marked by the political development of the consulate and the rapid rise of the local area. We shall in turn examine the objects themselves which have been conserved within the communal house and then turn to the written archives also contained therein. Analysis reveals the existence of a hard core of elements used in the everyday management of the universitat, which express its material reality and confer a certain importance upon local power: seals, trumpets and signs, weights and measures standards, government writs …. Among all these some of the attributes carry a very heavy symbolic weight as they are the focus of attention and among them is the arca communis which sits in the communal house. The ever more meticulous management of the documents that it contains, whose number increased rapidly during the period under study, allows us to build up a memory of the consulate, to highlight the extent of his authority and to ensure the defence of his prerogatives.

Vincent Challet

Des murs, des signes et des mots : identité urbaine et consulaire du Montpellier médiéval

13Les murs ne nous aveuglent-ils pas ? C’est par cette interrogation, volontairement polémique dans une rencontre consacrée aux attributs matériels des gouvernements urbains, que je voudrais débuter ces quelques réflexions centrées sur le cas du consulat montpelliérain alors que, de prime abord, la ville semble avoir largement fondé son identité sur l’édification de la Commune Clôture qui, à compter des années 1180, enserre et unifie l’espace urbain. Mais cette interrogation est aussi une manière de dire qu’en fin de compte, ces éléments matériels ne sont qu’en partie matériels : plus que leur matérialité, c’est l’usage que font de ces attributs les gouvernements urbains (ou, ne serait-ce que pour les contester, les populaires) qui importe au sein d’un système global de communication dont il est délicat d’exclure tant les signes sonores que visuels qui parsèment la ville médiévale, depuis les grandes bannières du consulat flottant ostensiblement dans les rues jusqu’aux sonneries du gros bourdon de la maison consulaire qui rythment le temps urbain. D’autant que dans le cas de Montpellier, la clef de voûte du gouvernement urbain paraît bien être cet empilement mémoriel de mots, que constitue la série toujours renouvelée des thalami, registres fondateur de l’identité de la ville, tant dans leur matérialité que dans leur immatérialité. Et c’est ainsi que murs, signes et mots se conjuguent à Montpellier pour faire la ville.

Of walls, signs and words : urban and consular identity in medieval Montpellier

14Do walls not make us blind? It is with this deliberately provocative question posed on the occasion of an encounter devoted to the material attributes of urban governments that I wish to examine a few ideas based on the case of the Montpellier consulate despite the fact that, at first glance, the town seems to have largely founded its identity on the construction of the Common Enclosure (Commune Clôture) which, from around 1180 onwards, enclosed and unified the urban space. But this question is also a way of saying that at the end of the day these material elements are only partly material. Beyond their materiality it is the use made of these attributes by urban governments (or by the people, to protest against them) which counts within a global communication system wherein it is rather delicate to exclude either the auditory or the visual signs scattered about the mediaeval town: from the great consular banners that flew ostentatiously in the streets to the boom of the great bell of the consular house that rang out urban time. This is all the more so in the case of Montpellier since the keystone of urban government seems in fact to be the memory bearing accumulation of words that is the constantly renewed series of thalami, the founding registers of the town’s identity, in both their materiality as in their immateriality. Thus it is that walls, signs and words are conjugated in Montpellier to make the town.

Simone Balossino

À l’origine de l’autonomie communale : les attributs matériels du gouvernement des villes de Provence occidentale, xiie-xiiie siècle

15Dans cette intervention, il sera question de réfléchir sur les premières manifestations matérielles élaborées par les pouvoirs communaux à travers quelques exemples de villes de Provence occidentale. En observant les choix symboliques et les transformations des outils et des biens utilisés pour s’affirmer en tant qu’institutions indépendantes, nous mettrons en valeur l’évolution des gouvernements communaux vers une autonomie de plus en plus aboutie, de la période consulaire jusqu’à l’affirmation des podestats. Nous nous interrogerons, tout particulièrement, sur l’appropriation de la part des gouvernements urbains des attributs propres du pouvoir de matrice publique : sceaux, bulles et livres, fortifications et constructions monumentales, maisons et palais communaux.

At the origins of communal autonomy: the material attributes of town government in western Provence, xiith-xiiith centuries

16In this paper we will be considering the first material manifestations drawn up by the powers in a commune by examining a few examples of towns in western Provence. By studying the symbolic choices and the changes made in the instruments and the goods used to affirm themselves as independent institutions, we shall be highlighting the evolution of communal governments towards an increasingly assured autonomy, from the consular period up until the affirmation of the podestats, or chief magistrates. In particular we shall be questioning the appropriation by urban governments of the attributes proper to the power of the public matrice: seals, bulls and books, fortifications and monumental constructions, communal houses and palaces.

François Otchakovsky-Laurens

L’assemblée marseillaise au xive siècle, quelle existence matérielle ?

17Depuis la prise de contrôle de Marseille par Charles Ier d’Anjou au milieu du xiiie s., le régime communal est réputé aboli et ses attributs matériels sont confisqués par les nouveaux seigneurs de la ville. Le gouvernement municipal ne disparaît pas pour autant : l’universitas Massilie, incarnée par son conseil de ville, exerce une autorité croissante au cours du siècle suivant. C’est notamment par son existence matérielle dans l’espace urbain que se manifeste la progression du pouvoir de l’assemblée des Marseillais.

What material existence for the Marseille assembly in the xivth century ?

18Since control of Marseille was seized by Charles 1st of Anjou in the middle of the xiiith century the communal government was supposed to have been abolished and its material attributes were confiscated by the new lords of the city. However, the municipal government did not disappear: the universitas Massilie, embodied by the town council, exercised growing authority over the course of the following century. In particular it is by its material existence in the urban space that the increase in power of the Marseille assembly is shown.

Guilhem Ferrand

La livrée consulaire en question : à propos d’un procès à Espalion (Aveyron) au milieu du xve siècle

19La construction juridique de la communauté d’Espalion, dans le Rouergue, telle que les chartes de coutumes successives la donnent à voir, témoigne d’une situation de dépendance assez forte de la ville à l’égard de son seigneur. Au milieu du xve s., un procès oppose l’une à l’autre, au sujet de la livrée consulaire dont les consuls réclament le port. Il s’agit d’abord, pour ces derniers, d’affirmer leur présence et leur rôle, dans une ville en pleine expansion, et de réfléchir à la réalité de l’institution qu’ils dirigent et représentent. Les pièces du procès sont conservées sous la forme d’un très beau registre, atypique dans le fonds médiéval conservé concernant Espalion. Les deux parties se font face sans pouvoir s’entendre. Le seigneur défend son droit. La communauté insiste sur la légitimité de la demande, en brossant un tableau de la ville plutôt flatteur et en comparant ce qu’elle est et les attributs dont elle dispose à ce que d’autres villes en Rouergue sont et possèdent. La position des consuls met en évidence que l’octroi de l’attribut qu’ils réclament correspond à une certaine vision qu’ils se font de la ville. En somme, pour eux, l’attribut est une image de la ville, un reflet de son rang et de sa qualité.

Consular livery called into question: concerning a trial at Espalion (Aveyron)in the middle of the xvth century

20The judicial construction of the community at Espalion, in the Rouergue region, such as successive charters of rights reveal, bears witness to the quite close dependence of the town on the local lord. In the middle of the xvth century a court case opposed the two parties on the issue of consular livery which consuls demanded the right to wear. For them, it was firstly a question of affirming their presence and their role in a rapidly expanding town and to reflect upon the reality of the institution that they directed and represented. The transcripts of the case had been conserved in the form of a very fine register, untypical of the medieval items regarding Espalion that have been conserved. The two opposing parties cannot agree. The lord defends his rights. The community insists on the legitimacy of the demand, painting a rather flattering picture of the town, comparing what it is and the attributes it possesses to other towns in Rouergue. The consuls’ position highlights that the granting of the attribute that they demand corresponds to a certain vision that they have of the town. In short, for them, the attribute is an image of the town and reflects its rank and its quality.

Emmanuel Grélois

En avoir ou pas : les signes matériels du pouvoir urbain revendiqués par les villes dépourvues de consulat en Auvergne. Les cas de Clermont, Aurillac et Brioude au xiiie siècle

21Trois des principales villes d’Auvergne – Aurillac, Brioude et Clermont – tentent d’obtenir des libertés urbaines au cours du xiiie s. Sujettes de puissantes seigneuries ecclésiastiques – respectivement abbé (Aurillac), chapitre (Brioude), évêque (Clermont) – elles produisent devant la justice royale des argumentaires justifiant la reconnaissance d’un consulat avec ses prérogatives et ses attributs matériels : sceau, archives, coffre (arca), clefs des tours et des portes, lieu de réunion, enfin signes auditifs (trompettes, cloche). La comparaison entre les trois villes montre qu’avec des conditions de départ objectivement similaires, les procédures, au cours desquelles les villes produisent des preuves de qualité inégale, ne tournent à l’avantage des bourgeois qu’à Aurillac, où le consulat est reconnu, néanmoins comme vassal collectif de l’abbé, tandis qu’à Clermont et à Brioude l’échec est patent. Depuis les destructions qu’ils commettent lors des rébellions urbaines jusqu’aux symboles revendiqués, les bourgeois essaient au fond de s’arroger les éléments matériels (notamment le sceau) du pouvoir seigneurial auquel ils finissent parfois associés (Aurillac), mais dont ils sont ailleurs exclus (Brioude, Clermont).

To have them or not: the material signs of urban power claimed by towns in Auvergne with no consulate. The cases of Clermont, Aurillac and Brioude in the xiiith century

22Three of the principal towns in Auvergne – Aurillac, Brioude and Clermont – attempted to obtain urban freedoms during the xiiith century. They were the subjects of powerful ecclesiastical lords- respectively the abbott (Aurillac), the chapter (Brioude) and the bishop (Clermont) – and before the royal justice they produced arguments justifying the recognition of the consulate with its prerogatives and its material attributes: seal, archives, chest (arca), keys to towers and doors, meeting places and also auditory signs (trumpets, bells). The comparison of the three towns shows that, although starting from quite similar positions, the procedures, during which the towns produced proofs of uneven quality, only came out in favour of Aurillac where the consulate was recognised, although as a collective vassal of the abbot, while at Clermont and Brioude the failure is clear. From the destruction committed during urban rebellions to the symbols that they demanded, the townspeople tried to take over the material elements of the seigneurial power with which they sometimes ended in association (Aurillac), but from which they were elsewhere excluded (Brioude, Clermont).

Laure Verdon

Les attributs immobiliers des universitates provençales, xiiie-xve siècle. Quelques pistes de réflexion

23En s’appuyant sur le renouveau que connaît à l’heure actuelle l’histoire urbaine provençale, grâce notamment à une série de travaux portant sur les registres de délibérations communales de différentes communautés urbaines du bas Moyen Âge, il s’agira de poser quelques jalons d’une première réflexion sur la matérialité immobilière (espaces, places, bâtiments, etc.) que peut revêtir la communauté provençale lorsqu’elle se structure et se dote de statuts.

24Après un premier temps où nous tenterons de dresser un état historiographique de la question pour la Provence médiévale, la réflexion portera, ensuite, plus particulièrement sur deux points : les lieux de réunion de la communauté et les traductions matérielles de l’idéologie du bien commun.

The real estate attributes of the Provençal universitates xiiith-xvth centuries. A few lines of thought

25Based on the revival which Provençal urban history is currently enjoying, thanks notably to a series of studies of the registers of communal debates in different urban communities during the early Middle Ages, this paper proposes to lay out a first few markers concerning the materiality of real estate (spaces, places, buildings, etc.) which a Provençal community may have taken on as it was constructing itself and adopting statutes.

26In the first part, we attempt to draw up a historiographic account of the issue in mediaeval Provence and then our thoughts will turn to two more particular points: the meeting places of the community and the material expressions of the ideology of communal goods.

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