En avoir ou pas : les signes matériels du pouvoir urbain revendiqués par les villes dépourvues de consulat en Auvergne. Les cas de Clermont, Aurillac et Brioude au xiiie siècle
To have them or not: the material signs of urban power claimed by towns in Auvergne with no consulate. The cases of Clermont, Aurillac and Brioude in the xiiith century
p. 243-262
Résumés
Trois des principales villes d’Auvergne – Aurillac, Brioude et Clermont – tentent d’obtenir des libertés urbaines au cours du xiiie s. Sujettes de puissantes seigneuries ecclésiastiques – respectivement abbé (Aurillac), chapitre (Brioude), évêque (Clermont) – elles produisent devant la justice royale des argumentaires justifiant la reconnaissance d’un consulat avec ses prérogatives et ses attributs matériels : sceau, archives, coffre (arca), clefs des tours et des portes, lieu de réunion, enfin signes auditifs (trompettes, cloche). La comparaison entre les trois villes montre qu’avec des conditions de départ objectivement similaires, les procédures, au cours desquelles les villes produisent des preuves de qualité inégale, ne tournent à l’avantage des bourgeois qu’à Aurillac, où le consulat est reconnu, néanmoins comme vassal collectif de l’abbé, tandis qu’à Clermont et à Brioude l’échec est patent. Depuis les destructions qu’ils commettent lors des rébellions urbaines jusqu’aux symboles revendiqués, les bourgeois essaient au fond de s’arroger les éléments matériels (notamment le sceau) du pouvoir seigneurial auquel ils finissent parfois associés (Aurillac), mais dont ils sont ailleurs exclus (Brioude, Clermont).
Three of the principal towns in Auvergne – Aurillac, Brioude and Clermont – attempted to obtain urban freedoms during the xiiith century. They were the subjects of powerful ecclesiastical lords- respectively the abbott (Aurillac), the chapter (Brioude) and the bishop (Clermont) – and before the royal justice they produced arguments justifying the recognition of the consulate with its prerogatives and its material attributes: seal, archives, chest (arca), keys to towers and doors, meeting places and also auditory signs (trumpets, bells). The comparison of the three towns shows that, although starting from quite similar positions, the procedures, during which the towns produced proofs of uneven quality, only came out in favour of Aurillac where the consulate was recognised, although as a collective vassal of the abbot, while at Clermont and Brioude the failure is clear. From the destruction committed during urban rebellions to the symbols that they demanded, the townspeople tried to take over the material elements of the seigneurial power with which they sometimes ended in association (Aurillac), but from which they were elsewhere excluded (Brioude, Clermont).
Texte intégral
1L’idée de la présente monographie est de prendre le problème à l’envers ou en complément des monographies proposées dans la plupart des études que rassemble ce volume. Plutôt que d’examiner les signes matériels du pouvoir urbain dûment attestés pour des villes dotées de libertés municipales larges (qu’on résumera pour simplifier à la détention d’une universitas habilitée à disposer de consuls et d’un sceau matérialisant leur juridiction propre), on prendra le problème par l’autre bout, à l’exemple de villes qui ont revendiqué de semblables privilèges, en ont peut-être joui ponctuellement et de fait, mais ont finalement échoué dans leur tentative de les détenir durablement et de droit (Brioude, Clermont) ou les ont gardés au prix d’un compromis avec la seigneurie éminente (Aurillac). Avec des conditions de départ similaires – une seigneurie ecclésiastique éminente et très ancienne – Aurillac gagne davantage d’autonomie que Brioude et Clermont, même si le consulat demeure vassal de l’abbaye Saint-Géraud. On observe cependant dans les trois cas de semblables revendications juridiques dont les signes matériels sont tantôt les symboles d’une municipalité aboutie et rêvée, tantôt la preuve de leur exercice réel.
2Autant le dire tout net : l’Auvergne n’est pas une terre de franchises urbaines, alors que les franchises des communautés rurales y sont plus fréquentes1. Le “pouvoir partagé” (selon le titre donné à sa thèse des Chartes par Michel Estienne2), à partir du début du xiiie s. entre roi, comte d’Auvergne, comte dauphin, évêque de Clermont, chapitre cathédral de Clermont et de puissantes seigneuries ecclésiastiques ou laïques, favorise le maintien de fortes tutelles émanant de seigneuries de moyenne envergure, sans pour autant que l’Église voie son emprise réduite au spirituel (comme on peut le noter dans certaines cités méridionales), ni que le pouvoir royal, intervenu tardivement et marginalement dans le jeu du dominium en Auvergne, n’octroie de généreuses franchises urbaines.
Généralités : consulats et sceaux dans les villes d’Auvergne
3Si l’on cherche des coffres, des clefs, des lieux de réunion licites, on les trouvera en abondance dans le monde clérical : en 1316-1319, le chancelier épiscopal de Clermont dispose d’une archabanca et stocke les sommes collectées au titre des revenus de l’évêché dans des sacs, classés selon les espèces monétaires3. À la fin du xiiie s., l’église cathédrale, alors en plein chantier de reconstruction gothique, compte en son sein au moins deux “arches” : l’une dans le trésor pour la rétribution des activités liturgiques et pour les achats auxquels procède le chapitre4, l’autre dédiée au financement du chantier (arca edificii), située devant les marches du chœur nouvellement érigé5. Il n’est pas nécessaire de gloser sur les salles capitulaires ou encore sur le fornellum (salle chauffée6, employée pour les réunions en plein hiver et où sont souvent rédigés des actes issus des délibérations capitulaires). Bref, clefs, sceau, lieu de réunion, etc. demeurent durablement des signes du pouvoir seigneurial et, en creux, signent l’échec des gouvernements urbains conçus comme seigneurie bourgeoise collective. Les consulats urbains du xiiie siècle demeurent assez rares en Auvergne et, lorsqu’ils existent, leurs prérogatives sont limitées par de puissantes seigneuries ecclésiastiques.
4C’est ce que montrent les villes retenues ici comme cadre monographique, qui ne sont pas les moindres d’Auvergne : Clermont, la cité et ville de loin la plus peuplée ; Brioude, la ville où se trouve le sanctuaire le plus prestigieux d’Auvergne au haut Moyen Âge, dédié à saint Julien, à équidistance de Clermont et du Puy ; Aurillac enfin, la plus importante agglomération de haute Auvergne. Ces trois villes présentent un faciès fort différent, voire le négatif de celui qu’offrent Riom et Montferrand7, villes dotées durablement d’un consulat à partir du premier tiers du xiiie s.
5Avant d’étudier à grands traits les cas de Brioude et d’Aurillac et surtout plus longuement celui de Clermont, il importe d’évoquer la façon dont sont gouvernées les villes auvergnates. Dans le Massif central, au cours de la seconde moitié du xiiie s., le pouvoir royal achève de casser ou de brider les communes avérées ou revendiquées, soit en rétrocédant, après sa mise sous séquestre (main mise), la juridiction de la ville aux seigneurs “naturels” ecclésiastiques, soit en leur imposant un pariage, notamment à Rodez, à Mende, au Puy8 – pratique néanmoins demeurée étrangère à la basse Auvergne, Philippe le Bel n’étant pas parvenu à s’immiscer dans la seigneurie clermontoise, mais ayant acquis Montferrand en 1292 (germe de l’union de Clermont et de Montferrand en marche à partir de 1553, réalisée en 1630, achevée en 1731 au profit de Clermont). En outre, l’examen de la liste des “treize bonnes villes” de basse Auvergne, fixée progressivement dans la première moitié du xive s., montre que la plupart n’ont pas de consulat ou de commune et qu’à l’inverse la petite ville de Combraille qui en dispose, Herment, ne compte pas au rang de ces villes.
6Ainsi par exemple, aux états généraux de 1357, la députation de basse Auvergne comporte pour le clergé : l’évêque de Clermont, l’abbé bénédictin de Saint-Alyre (abbaye suburbaine de Clermont), le prieur de Saint-André (couvent de chanoines réguliers augustins près de Clermont), le prieur de Saint-Dier (relevant de l’abbaye de La Chaise-Dieu), l’abbé (dignitaire séculier) du chapitre Saint-Julien de Brioude mais aussi bailli et chanoine de Clermont, un chanoine de Brioude et le commandeur hospitalier de Tortebesse (en remplacement de celui de La Tourette) ; pour la noblesse : le seigneur (en fait comte) de Montfort, le comte dauphin, le comte de Boulogne, le seigneur de La Tour [d’Auvergne], Ayme Dauphin, les seigneurs d’Apchon, Langeac, Brion, Montpensier, Vichy, Chalus [les-Bussières], enfin Géraud Autier et H. de Lapeyrouse ; pour le “tiers état”ou les villes (qui seules nous intéressent ici) : les consuls de Riom et de Montferrand, mais aussi de Pont-du-Château (localité qui n’est pas reprise dans la liste fixée plus tard des “treize bonnes villes”) et surtout de Billom (troisième ou quatrième ville de basse Auvergne en taille selon les fouages de la seconde moitié du xive s.). En revanche le repentir du scribe corrige “consuls” en simples “bourgeois” pour Aigueperse et se contente, sans la moindre désignation particulière, d’indiquer les noms des habitants députés “de Cébazat” (qui du reste ne compte pas au nombre des bonnes villes ultérieurement), “de Saint-Pourçain” et surtout “de Clermont”. Il s’agit donc, par défaut, de simples procureurs ad hoc, non de magistrats municipaux élus pour l’année.
7Ces données ne sont pas contradictoires avec celles du Corpus des sceaux français9 qui, si on les prenait au pied de la lettre, donneraient un aperçu biaisé, voire erroné des villes dotées de franchises. D’après cet inventaire très sommaire et trompeur, car tributaire des Archives nationales, six villes situées aujourd’hui dans le département du Puy-de-Dôme disposeraient de sceaux : Clermont, Herment, Issoire, Montferrand, Mozac et Riom. En vérité, la moitié de ces villes seulement, trois des six cas sont avérés durablement disposer concomitamment d’un sceau (mentionné dans les actes) et d’un consulat : Herment (1228, 1234 n. st., 1237, 1239, 1240 n. st. 124810), Montferrand (122611, 1237, 1239, 1252, 125612) et Riom (123413, 124114). Quelques sondages dans les archives prouvent qu’au diptyque consulat/sceau s’ajoute simultanément la qualité individuelle de burgensis/borzés, jusque-là accordée seulement collectivement aux membres de la communauté urbaine15.
8À l’inverse, les sceaux des consuls de Mozac et d’Issoire, dans les nominations de procureurs pour l’assemblée de 1308 relative à l’affaire des Templiers, relèvent de l’unicum : pseudo-consuls désignés ad hoc, dans le seul but d’épouser la forme requise des relations entre roi et bonnes villes, ce ne sont pas des magistrats comparables à ceux de Riom ou de Montferrand, ni même à ceux des villages dotés de chartes de franchises. Il en va sans doute de même pour les sceaux attestés en 1308 pour Saint-Flour et Montsalvy16. Les sceaux de 1308 ne matérialisent donc non des corps de ville autonomes, mais seulement au mieux le droit des communautés d’habitants à désigner ponctuellement des représentants. L’absence de Brioude pose problème, mais s’explique (on y reviendra ci-après). Quant au cas de Clermont, sa présence n’en est pas moins problématique. Nous allons donc reprendre ces deux dossiers, enrichis par le cas très bien documenté d’Aurillac.
Brioude et Aurillac
9Le parallélisme entre les deux villes impose leur comparaison, d’autant que les revendications bourgeoises échouent à Brioude mais réussissent à Aurillac, bien que dans l’un et l’autre cas la seigneurie abbatiale demeure sauve.
L’échec du consulat à Brioude (1283)
10Le cas de Brioude est connu exclusivement par la sentence royale de Philippe le Hardi en mars 1283 n. st.17. Le dossier est plus maigre qu’à Clermont – aucune trace de velléités consulaires avant les années 1280 – mais l’examen attentif du vocabulaire employé dans la sentence de la cour du roi révèle des éléments précis. D’abord, ce sont les habitants de Brioude (“homines ville Brivatensis”) qui lancent la procédure contre l’Église de Brioude, c’est-à-dire contre le chapitre et les chanoines de Saint-Julien. D’après la relation qu’en fait l’unique source, les habitants souhaitent former une communitas, disposer de la garde des portes, des clefs, des murs, des tournelles, des fossés et de la forteresse (fortericia, à savoir l’enceinte urbaine et non le quartier fortifié du chapitre), sous prétexte que ces murs, fossés et forteresse auraient été faits par eux et par leurs ancêtres, à leurs frais. Ils prétendent aussi avoir la garde des places vides et communes qu’on appelle fora, c’est-à-dire de la voirie publique, des lots à bâtir et des marchés, et surtout détenir un sceau commun et un coffre commun (archa communis) ; établir et instituer dans la ville des services de guet, des guetteurs (eschauguetas) ou des corvées de guet (excubias) pour la garde de la ville et des murs ; faire et instituer dans la ville des consuls, procureurs, ordonnateurs (arreatores) et administrateurs ; faire et lever la taille dans la ville, y réunir les hommes et le peuple, avoir la compétence de faire appel au roi à l’occasion des conflits ou des querelles qui les opposent au chapitre de Brioude ou à d’autres parties. Mieux, la détention immémoriale de ces droits justifierait qu’ils revendiquent (intentio) la seigneurie collective (dominium) sur la ville. Pour tenter d’amadouer le pouvoir royal et en obtenir la confirmation des privilèges allégués, ils prétendent prêter serment au roi et lui devoir les traditionnels services féodaux : ost, chevauchée, gîte.
11Le chapitre Saint-Julien s’emploie à réfuter un à un les articles proposés par les hommes de Brioude, l’église abbatiale, qui se dit dame (domina) de la ville, confiant la juridiction au prévôt (dignitaire ecclésiastique). La cour royale donne raison aux chanoines en faisant reposer la sentence sur les fondements asymétriques et inégaux que l’une et l’autre des parties fournissent pour soutenir leurs prétentions. En effet, les habitants invoquent seulement l’opinion (fama) et la mémoire, alors que les chanoines n’ont guère de difficulté à produire des preuves, des privilèges : il s’agit non seulement des chartes et du cartulaire (le Liber de honoribus compilé à la fin du xie s.), mais surtout, en originaux ou en copies vidimées ou enregistrées dans le cartulaire, des diplômes des souverains aquitain (Pépin Ier) et francs (Louis le Pieux, Charles le Chauve, confirmations par Louis VII et Louis IX), ainsi que des actes des comtes carolingiens d’Auvergne (Bérenger, Bernard) et des ducs d’Aquitaine (Guillaume le Pieux, Acfred)18. La détention matérielle des titres, dans le trésor du chapitre ou dans un coffre, fait donc partie des preuves physiques et juridiques.
12Que l’acte royal de Philippe III force le trait ou non en faveur des chanoines, il s’inscrit de toute façon dans la politique, commencée par Louis IX et poursuivie par ses successeurs, visant à encadrer ou à diminuer les libertés urbaines. Le vocabulaire employé révèle la dépréciation par laquelle le pouvoir royal répond à la petitio : alors même que le Liber viridis, second cartulaire de Brioude réalisé peu de temps après les faits (dernière décennie du xiiie s.), n’hésite pas à employer le terme valorisant de “bourgeois” (burgenses), par ailleurs dûment attesté dans des actes de la pratique (1259, 1268, 1272, 1276, 1277, 1281, 1283, 1285, 1287, 128819) et que même Philippe Auguste en use dès 120120, la sentence royale les réduit cependant à de simples homines, terme non seulement moins prestigieux mais qui surtout, loin d’être neutre, en fait des sujets de l’église-dame de Brioude. Pas moins dépréciatif est l’emploi de communitas plutôt que celui d’universitas, tandis que jamais le terme de “consuls” n’est mentionné. Cette partie de cache-cache sémantique peut également être suivie à Aurillac et à Clermont.
Le compromis inattendu à Aurillac (1277-1298)
13Le cas d’Aurillac est mieux connu que celui de Brioude, grâce à une documentation plus abondante et remarquablement éditée et étudiée par Roger Grand. Les burgenses d’Aurillac, mentionnés pour la première fois en 1190, constituent alors un “corps capable d’une action politique et sociale collective concertée21”. En 1233, une guerre civile les conduit à détruire non seulement le château Saint-Étienne, siège de la puissance féodale de l’abbé de Saint-Géraud, mais aussi les titres consignant les privilèges de l’abbaye, et à saccager trésor, livres, autres biens mobiliers et objets sacrés. Quelques mois plus tard, excités un peu plus par leur excommunication, ils détruisent cette fois-ci les maisons et annexes du monastère avec les fortifications22. Ce qui frappe dans le choix ciblé des destructions, c’est qu’il vise les biens matériels emblématiques d’un pouvoir local qui se trouve être seigneurial et monastique à Aurillac, mais qui ailleurs pourrait être consulaire et laïque, celui-là même que revendiquent les bourgeois de la petite ville ; seule la profanation des objets sacrés trahit sinon une forme d’anticléricalisme populaire, du moins une opposition résolue à l’abbé en tant que seigneur éminent de fait ecclésiastique. L’intrusion capétienne par le biais du Parlement (1258) et en la personne d’Eustache de Beaumarchais, bailli des Montagnes d’Auvergne pour Alphonse de Poitiers, permet à l’abbé de saisir la justice royale à plusieurs reprises.
14En 1277, l’abbé dénie aux Aurillacois le droit d’avoir une maison consulaire, un trésor, des archives et un sceau, et de faire des bannies à son de trompe ou par un crieur public. Les deux parties prétendent que leurs droits respectifs – la seigneurie exclusive pour l’abbé, les libertés consulaires pour les bourgeois – remontent à un diplôme de Charles le Simple que détiendrait l’abbé, lequel refuse de l’exhiber en guise de preuve bien que les consuls en demandent une copie authentique délivrée par la chancellerie royale23. Lors d’une “montrée” en présence d’enquêteurs, les consuls prétendent posséder les murs, les fossés, et une maison de réunion où ils gardent coffre, sceau, archives, armoiries et clefs de la ville. L’abbé prétend s’en remettre au droit coutumier, dont use le Parlement ; en revanche, les consuls soutiennent qu’Aurillac, en pays de droit écrit, est régi par le statut des municipes romains, qui suffirait à fonder leurs prétentions, mais ils sont incapables de fournir des titres et doivent s’en tenir à la renommée, sous prétexte que, par trois fois, la ville avec ses chartes aurait été détruite par des bandits24.
15Les données, on le voit, sont fondamentalement les mêmes qu’à Brioude : les revendications des bourgeois sont identiques, jusque dans la maîtrise des places publiques et des espaces vacants en ville, tandis que la seigneurie ecclésiastique leur dénie le droit de créer des consuls et de former une communauté, puisqu’ils ne seraient que des habitants ou des “hommes de poesté” (“homines potestatis et jurati monasterii Aureliaci25”). Les habitants d’Aurillac obtiennent néanmoins beaucoup plus que leurs homologues brivadois, grâce aux deux “Paix” de 1280 (œuvre d’Eustache de Beaumarchais) et de 1298 (qui unit consuls et abbé contre les prétentions de l’évêque de Clermont en matière de juridiction temporelle sur la ville). L’abbé nouvellement élu est tenu de prêter aux habitants le serment de respecter leurs libertés, de les convoquer aux procès criminels26 et de leur remettre les clefs de la ville. Grâce à l’habile fiction juridique qui ouvre la voie au compromis durable, l’abbé reconnaît cependant, avec ses droits le consulat, toute commune jurée qu’il est, mais… comme fief vassal dont il est l’unique seigneur éminent27.
16Il est probable que le succès des Aurillacois en 1280 ait poussé les Brivadois à tenter en vain leur chance auprès du Parlement de Paris, au moment où, après la première “Paix”(1280), de nouveaux litiges suscitent à Aurillac la reprise jusqu’en 1286 de la longue enquête commencée dès 1277. Le début des années 1280 constitue assurément le point culminant dans les tentatives de consulat : comme on va le voir, c’est encore le cas à Clermont en 1284.
Clermont
17Le dossier documentaire relatif à la cité auvergnate est infiniment plus substantiel : une vingtaine de pièces du xiiie s., sans compter les prolongements ultérieurs28, dispersées à travers les fonds communal, du chapitre cathédral et de l’évêché de Clermont, enfin les fonds parisiens pour le Parlement (dont des pièces de procédure ont été expédiées à l’évêque de Clermont) et un acte concernant Alphonse de Poitiers. La proximité (moins de 2 km) et la rivalité de Clermont avec sa rivale comtale Montferrand rendent nécessaires des comparaisons entre les deux villes, d’abord en termes de franchises.
Un sceau de Clermont comme à Montferrand ?
18En 1202, l’évêque Robert de La Tour reçoit en garde (nomine custodie) ce que son frère le comte Guy II possède sur la cité de Clermont, après une guerre entre les deux frères rivaux. En 1199, le comte Guy II s’était déjà réconcilié avec son frère par l’entremise d’Henri de Sully, archevêque de Bourges29, et il avait concédé aux Clermontois une charte similaire dans ses articles à celle que l’évêque leur avait accordée en 119830. Dauphin, comte d’Auvergne, et son fils Guillaume, membres de l’autre lignage comtal avaient aussi remis en 1199 à Philippe Auguste les droits seigneuriaux dont ils disposaient à Clermont et à Issoire (“jus et dominium quod habemus Claromonte et Iciodori31”). 1202 consacre donc la disparition de toute juridiction comtale et même laïque sur la ville pour longtemps, puisque Philippe Auguste a rétrocédé entre-temps la part comtale à l’évêque. En 1202, l’acte de dépôt, d’après son eschatocole, doit être scellé par le sceau de la commune (communitas) de Clermont32 : sans doute les bourgeois, profitant de la guerre civile entre l’évêque et son frère le comte, ont-ils obtenu momentanément, en plus des chartes de 1198 et 1199, la reconnaissance de leur personnalité juridique, matérialisée par un sceau éphémère ou plutôt dont l’apparition épisodique ponctue le xiiie s. La concession d’une charte de coutumes à Montferrand vers 1196 n’a pu que renforcer la détermination des Clermontois à obtenir de l’évêque et du comte des privilèges urbains.
19Signe néanmoins de la faiblesse manifeste des prérogatives obtenues ou revendiquées par les bourgeois de la cité, les Clermontois (“comunitas urbis Claromontensis”) et les Montferrandais (“comunitas ville Montisferrandi”) projettent en novembre 1232 un accord de coopération policière et judiciaire pour une durée de cinq ans, afin de poursuivre conjointement les auteurs d’homicides et d’incendies commis dans l’une et l’autre ville33. Conservé dans le fonds communal de Montferrand, le document surprend à bien des égards. D’une part, il a été préparé pour être scellé, mais la fente prévue à cet effet n’a visiblement pas reçu la queue de parchemin attendue, preuve que la charte n’a jamais été validée ni mise à exécution. D’autre part, à plusieurs reprises, le vocabulaire est choisi avec autant d’attention que de prudence. D’abord, la ville de Clermont est désignée comme urbs, terme certes valorisant (évocateur d’une petite Rome) et assurant la prééminence honorifique de Clermont sur Montferrand, mais visant surtout à passer sous silence sa qualité épiscopale qu’aurait clairement signifiée l’emploi attendu de civitas, qu’il s’agisse prudemment pour les Montferrandais de ne pas froisser les intérêts de l’évêque, seigneur haut-justicier de la cité, ou plus franchement d’en nier la compétence en matière d’homicides et d’incendiaires au profit des bourgeois de Clermont, leurs alliés putatifs. En outre, chacune des deux villes s’engage à “soutenir autant qu’elle pourra les droits de l’autre ville et à lui porter conseil et aide (consilium et auxilium)”, c’est-à-dire que les communautés de ville s’attribuent, ni plus ni moins, les prérogatives seigneuriales, y compris les devoirs vassaliques par excellence que constituent l’aide et le conseil vis-à-vis du suzerain. Les Montferrandais ont-ils cherché, non seulement à s’affranchir de leur récente tutelle (les seigneurs de Beaujeu34), mais aussi à entraîner les Clermontois sur le chemin de l’émancipation envers l’évêque (qui a récemment changé, en 1227) ? Le fait est que les seigneurs éminents des deux villes ne sont pas explicitement mentionnés, seulement évoqués par la formule allusive et indistincte “salvo jure et dominio que dominos utriusque comunitatis attingunt”. Il se peut aussi que les Montferrandais, soucieux du caractère synallagmatique de l’accord proposé aux Clermontois, inventent, à cet effet, une communauté fictive dans la cité afin de disposer d’un interlocuteur à même de négocier avec eux sur un pied d’égalité. Enfin, le rédacteur du projet d’accord a mis un soin particulier dans l’annonce du sceau : “presentes litteras concessit dicte urbis comunitas Montisferrandi comunitati comunitatis sigilli Claromontis munimine roboratas” ; l’ordre des mots, d’apparence curieuse, voire confuse à première vue, enclave la comunitas Montisferrandi dans l’unité sémantique dicte urbis (…) comunitati [de Clermont] et conduit à la séquence comunitati comunitatis sigilli où la répétition de comunitas n’est pas redondante ; le style de rédaction, prenant quelque liberté avec les formulaires usuels, met en valeur l’intrication des deux villes et la réciprocité souhaitées, en vain.
Tentatives communales (1251-1287)
20Il faut attendre jusqu’en 1251 pour voir ressurgir, dans la documentation, des velléités communales à Clermont, probablement ravivées par la mort de l’évêque Hugues de La Tour (1227-1249) et la vacance du siège au début de l’année 1250. D’après les registres de la cour royale, le nouvel évêque Guy de La Tour accuse les bourgeois de Clermont d’être entrés dans la ville armés, d’avoir agressé en armes le bailli épiscopal et jeté des pierres aux fenêtres de la résidence épiscopale, d’avoir fait des cris publics et tenu des assemblées, institué des procureurs pour leurs affaires et ourdi une conspiration contre l’évêque – toutes choses prouvées, c’est-à-dire probablement établies par une enquête testimoniale, sauf la conspiration. Par la sentence du 21 novembre 1251 et son exécution le 3 janvier 125235 devant un officier mandaté par le roi, la curia regis de Louis IX dispose, à la suite d’un conflit entre l’évêque de Clermont Guy de La Tour et les bourgeois (cives) de Clermont, en faveur du prélat, que les bourgeois, qui avaient créé huit procureurs, ne seraient désormais plus autorisés à en avoir, pas plus que des consuls ; qu’ils doivent jurer fidélité à l’évêque, sauf la fidélité au roi, l’évêque devant en retour jurer de respecter les “bons usages” ; que les bourgeois peuvent garder le sceau dont ils disposent alors, sous réserve de ne l’employer que dans des lettres de procuration et qu’ils ne puissent en user dans les contrats, ventes et autres conventions ou obligations, qui relèvent de la juridiction de l’évêque36 ; que la confrérie dite de l’Hôpital est dissoute, les confrères excommuniés faisant amende honorable en présence du bailli de Mâcon pour obtenir l’absolution de l’évêque ; que nul cri (preconizatio), ban ou édit ne peut être fait sans l’accord de l’évêque ou de son bailli ; que toute levée de subside (commune) par des prud’hommes (probi viri) est conditionnée à l’absence de préjudice pour l’évêque ou pour le roi (tailles et reddition de comptes) ; que les bourgeois ne peuvent, sans l’accord de l’évêque, établir des tours de garde ni marcher en armes dans la ville37 ; qu’ils peuvent enfin détenir les clefs de la cité, à condition de laisser l’évêque et les siens entrer et sortir tant qu’ils le voudraient.
21En août 1255, tentant un nouveau coup d’éclat pour quitter l’encombrante fidélité qui les lie à l’évêque, les Clermontois (comunitas civium Claromontensium) prêtent serment de fidélité à Alphonse de Poitiers, toujours en vain, l’acte étant scellé d’un sceau propre38. Quelques semaines plus tard, en octobre 1255, les habitants ou bourgeois (cives) de Clermont, condamnés à verser à l’évêque 7 000 livres de deniers clermontois pour “le fait de Chamalières” (probablement le meurtre d’un sergent de l’évêque39), dressent la liste nominative d’environ 240 otages (fidejussores, obsides, hostagia) assignés à résidence à Billom. Mais faute de détenir un sceau, ils font sceller l’acte, pour eux, par l’abbé de Thiers40.
22En 1262, le bailli de Bourges est mandaté pour enquêter sur de nouveaux troubles dus aux Clermontois : les bourgeois ont, en effet, pendant plusieurs jours et plusieurs nuits tenu closes les portes de la ville, empêchant ainsi de rentrer en ville le maréchal de l’évêque avec son foin, mais aussi l’official, le bailli épiscopal et son panetier ; ils ont mis des vigiles sur les murs et sur les tours la nuit ; ils ont fait des proclamations et sonné à coups de trompe, fermant les portes des tours aux sergents de l’évêque ; ils ont encore jeté des pierres aux fenêtres du palais épiscopal… ; surtout, après s’être réunis à la chapelle, ils auraient fait serment et conspiration et auraient établi des procureurs – seule la conspiration n’est pas prouvée41. La plupart des griefs imputés aux Clermontois sont les mêmes qu’en 1252, dix ans plus tôt.
23Baroud d’honneur : le 22 septembre 1284, huit “procuratores communitatis sive universitatis ac rei publice Claromontensis”, avec 201 concitoyens (concives) demandent, moyennant le versement de 3 000 livres tournois, la grâce et la faveur royales, afin de recouvrer (redditio, restititutio) la propriété de l’enceinte urbaine mais, bien qu’ils usent du sceau et du contre-sceau dont ils avaient “eu l’usage au temps qu’il fut mis dans la main du roi”, ils ne revendiquent même plus l’exercice d’une juridiction autonome, indépendante du bailli épiscopal42.
24Enfin, un projet de charte communale non daté (“copia privilegiorum civitatis Claromontensis43”) mais qui a des chances d’avoir été dressé dans le contexte des années 1284-128744, expose les prétentions des Clermontois à disposer d’une universitas ou communitas ; l’autorité qui l’accorde (concedimus) n’est même pas mentionnée, bien qu’il s’agisse clairement de l’évêque, peut-être de concert avec le chapitre cathédral qui dispose alors d’une juridiction propre45. Parmi les 47 articles, on relève les précisions suivantes en matière de signes matériels du pouvoir urbain : la communauté ou universitas détiendrait “la garde des murs, tours, tournelles, fossés et places vides”, selon les mêmes mots que pour Brioude en 1283 et dans des termes très proches de ce qu’on trouve dans l’enquête de 1277-1284 à Aurillac46 ; elle pourrait créer des consuls, en nombre et au moment qu’elle souhaiterait, en vertu du droit ou de la coutume47 ; elle aurait la capacité juridique de créer des procureurs et des crieurs publics susceptibles de faire des cris et d’alerter la population à son de trompe au nom de la communauté comme au nom de l’évêque ; elle aurait une “maison commune” avec “cloche commune” pour convoquer la communauté à sa guise, une “arche commune”, le “sceau propre de la cité” et même des “armes”48. Quoi qu’il en soit, Philippe le Bel achève de casser les privilèges prétendus en 129649.
Retour sur les signes matériels et leur signification
25À Clermont, comme d’ailleurs à Brioude et à Aurillac, les signes revendiqués sont donc les clefs, le sceau, le coffre à archives (arche), les cloches et les trompes, enfin et peut-être surtout, le lieu de réunion.
26Les clefs des portes et des tours matérialisent l’usage du système de défense et le déploiement de sentinelles, mais aussi la possession des murs justifiée par son financement au moyen de la taille levée sur les bourgeois. À Clermont, le mur de ville, construit lors du premier tiers du xiiie s. dans des conditions financières et institutionnelles qu’ignore la documentation conservée, a dû mobiliser des capitaux importants et probablement justifier des prélèvements exceptionnels sur les bourgeois, dont ce serait l’acte de naissance institutionnel.
27Le sceau, signe visuel intermittent, apparaît pour la première fois en 1202, mais seulement dans son annonce à la fin de la charte, l’original étant perdu. Une empreinte du “sceau de la république de Clermont” (“sigillum reipublice Claromontensis”) est conservée sur l’hommage des Clermontois à Alphonse de Poitiers en 125550. Le sceau est ensuite confisqué puis restitué par Louis IX, contre l’avis de l’évêque51. Les “procureurs de la république de Clermont” en usent en tout cas en 1284, qu’il s’agisse du même ou qu’ils en aient fait fabriquer un nouveau, avec même un contre-sceau ; malheureusement l’un et l’autre, annoncés dans l’eschatocole52, sont perdus. Ce sceau (1255), avec son type à la Vierge bénissante, légendé Sancta Maria, rappelle les sceaux de communes de cités épiscopales réalisés au début du xiiie siècle (Strasbourg, Narbonne)53, davantage que les sceaux qui donnent à voir, tel un caléidoscope, les privilèges urbains (assemblée de pairs, maison de ville, armoiries, etc.) : la Vierge, représentée et désignée dans la légende du champ comme protectrice de la ville, dédicataire de la cathédrale dont le chantier de reconstruction gothique bat alors son plein, fait de l’évêque et aussi, le cas échéant, du chapitre cathédral, les véritables seigneurs de la ville, dont les bourgeois seraient au mieux un vassal collectif, sauf le droit du roi que représente à gauche la fleur de lis, symbole d’une sujétion alternative et plus lointaine. À cet égard, le sceau clermontois, par la signification qui s’en dégage (la suprématie de la seigneurie ecclésiastique sur les velléités communales), se rapproche de la fiction juridique qui permet aux Aurillacois de disposer d’une commune, sans amoindrir pour autant la seigneurie éminente unique de l’abbé de Saint-Géraud, mais aussi du cas brivadois où l’église de Saint-Julien est dame (domina) de Brioude et de ses habitants.
28L’archa communis, coffre à archives, où devaient être également conservés le sceau et les comptabilités, n’a pas laissé de trace, pas plus que les cloches et trompes ou trompettes, signes auditifs utilisés pour convoquer les habitants en assemblée générale, signaler un danger ou organiser les tours de garde. Le coffre à archives, comme on l’a vu, demeure un privilège seigneurial, tout comme les véritables querelles de clochers qui surviennent entre églises paroissiales et couvents de mendiants attestent la jalousie des églises et des seigneuries ecclésiastiques peu enclines à partager le privilège d’avoir cloches et clocher54 et soucieuses de se signaler dans l’espace sonore des villes par leur capacité à se réunir “ad sonum campane more solito”.
29Tous ces éléments – clefs, sceau, arche, trompes et cloches – semblent finalement bien avoir existé mais avoir été confisqués par Louis IX, sans la moindre restitution en dépit des requêtes de 1284 et de 1295, Philippe le Bel mettant un terme à près d’un demi-siècle de revendications.
30Mieux documenté et surtout identitaire voire conspiratif, le lieu de réunion apparaît plus durable55. Faute de disposer de la “domus propria et communis” revendiquée, les Clermontois tiennent leurs assemblées dans la “chapelle de Clermont”, c’est-à-dire dans l’une des deux chapelles de l’hôpital de la ville. En 1251, c’est à un laïc et même à un bourgeois que, moyennant serment, le chapitre cathédral remet les clefs de l’hôpital56 : c’est peut-être dans cette faille que, grâce au soutien d’un des leurs, s’engouffrent les conjurés pour se réunir dans cet espace clos et protégé, dont ils sont difficilement délogeables. Le fait même qu’on l’appelle “la chapelle de Clermont” et même “la Chapelle” par excellence (en emploi absolu), ou qu’on dénomme encore à la fin du Moyen Âge “actes de chapelle” les délibérations des élus de Clermont, montre que l’hôpital ou “chapelle des Pauvres” est le lieu, certes par défaut, où les cives/bourgeois font communauté, même de façon épisodique, intermittente ou illicite. La chapelle et le cimetière se trouvent dans un enclos, distinct de la place et de l’église Saint-Pierre ; il s’agit plus exactement de l’église Saint-Barthélemy, voisine d’une autre chapelle, Sainte-Marie, existant dans le même hôpital, les deux édifices partageant le même cimetière57. Lorsque les Clermontois finissent par avoir des élus (1379)58, les réunions s’y déroulent désormais régulièrement, par exemple en 1394 pour l’élection du capitaine de ville59, comme en témoignent encore les délibérations au siècle suivant60. Le quartier, celui de l’église Saint-Pierre (érigée en collégiale en 1242, mais totalement assujettie au chapitre cathédral, comme l’hôpital), est le poumon économique de la ville, juxtaposant rues et places larges (rue des Gras, Mazet et place Saint-Pierre). Originellement conspirative et d’usage ponctuel, la chapelle est devenue un lieu coutumier de réunion une fois que les élus (et non les consuls) de Clermont ont acquis le droit de se réunir de leur propre chef. Elle apparaît donc comme le seul signe matériel durable dans la difficile trajectoire qu’ont suivie les libertés urbaines de la cité auvergnate.
31Les trois dossiers examinés, qui au fond ne recèlent aucune originalité profonde ou exemplaire dans le domaine des franchises urbaines, attestent le caractère profondément seigneurial du dominium collectif qu’entendent assumer les bourgeois constitués en commune insurrectionnelle ou plus modestement en coseigneurs vassaux de l’institution ecclésiastique suzeraine. La violence réelle ou symbolique exercée contre les seigneurs éminents frappe les signes matériels que convoitent les conjurés eux-mêmes. À Aurillac, c’est le château abbatial qui est détruit, tandis qu’à Clermont les émeutiers s’en prennent aux fenêtres ou plus probablement aux vitres du palais épiscopal : on y lit, en négatif, l’aspiration du corps commun à disposer de sa propre maison commune ou de son hôtel de ville. La même remarque vaut, toujours à Aurillac, pour la destruction du trésor et du mobilier liturgique, lesquels constituent le symétrique inverse de l’arca communis laïque mais inviolable (forme laïque de sacralité). Parallélisme moins violent mais tout aussi parodique, la cloche (simbalum commune) revendiquée à Clermont, en plus des trompes également mentionnées à Brioude et à Aurillac, est la réplique de la cloche de la cathédrale, au même titre qu’ailleurs le beffroi singe le clocher. À Clermont, le seul signe durable et visible que conquièrent de fait puis de droit les bourgeois, à savoir la réunion dans la chapelle, est emblématique du compromis trouvé : faute d’universitas, les cives ne peuvent avoir une maison commune et se replient sur une église, espace inviolable mais qui ne leur appartient pas ; quant au signe intermittent, le sceau, il exprime autant par son type religieux (la Vierge Marie) que par sa légende principale (“sceau de la république de Clermont”), l’improbable juste milieu entre le consulat souverain et le maintien de la seigneurie épiscopale : loin d’être un terme prestigieux, respublica permet surtout d’éviter les notions mieux définies et juridiquement et politiquement plus abouties de communia ou commune, de consulatus ou consules, ou encore d’universitas. Enfin, plus généralement, le recours aux fictions juridiques, qui épousent aisément la variété des situations, produit les formes dans lesquelles se coulent les compromis obtenus entre les aspirations des seigneurs ecclésiastiques à maintenir intact leur dominium et celles des communautés désireuses d’exercer une parcelle de pouvoir concédé. Cette ductilité autorise la mise en sommeil et le réveil de signes matériels et de symboles réinterprétés, la discontinuité des droits exercés mais aussi la constance de leur puissance mobilisatrice.
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Annexe
Pièce justificative n° 1
(1232, novembre)
Les communautés des villes de Clermont et de Montferrand établissent une convention en vertu de laquelle, si des hommes de l’une ou l’autre ville sont injustement molestés ou attaqués, les deux villes se porteront mutuellement aide et conseil, sans préjudice pour les seigneuries dont relèvent lesdites villes ; de plus, s’il est prouvé qu’un individu de Clermont ou de Montferrand s’est rendu coupable d’homicide ou d’incendie, aucune des deux villes ne l’accueillera [pour lui donner asile] ni ne le retiendra [captif]. La convention est établie pour cinq années.
A. Original, parchemin dont le scellement sur queue avait été prévu, mais probablement jamais scellé : Archives départementales du Puy-de-Dôme, 3 E 113 Dép., Fonds II, AA 10, n° 1.
Noverint universi presentes litteras inspecturi quod comunitas urbis Claromontensis et comunitas ville Montisferrandi convenerunt adinvicem in hunc modum : quod, si casu aliquo contigerit homines Claromontis vel ville Montisferrandi ab aliquo molestari et sine causa rationabili infestari, promisit utraque comunitas jura ville alterius pro posse suo sustinere et consilium et auxilium exhibere, salvo jure et dominio que dominos utriusque comunitatis attingunt ; preterea si aliquis dicte urbis vel ville Montisferrandi omicidium vel incendium fecerit in civitate predicta vel in pertinenciis dicte civitatis vel in villa Montisferrandi vel in pertinenciis dicte ville, homines Claromontis seu ville Montisferrandi predicte, si dictum incendiarium vel omicidam invenerint, postquam de comisso facto probatus fuerit, non debent eum recipere nec tenere. Hanc autem constitucionem utraque comunitas, a mense novembris quo presentes littere scripte fuerunt, in quinquennium instituit et etiam approbavit. Et ut predicta in se obtineant firmitatem et ex facili non valeant aboleri, presentes litteras concessit dicte urbis comunitas Montisferrandi comunitati comunitatis sigilli Claromontis munimine roboratas. Actum anno Domini millesimo ducentesimo tricesimo secundo predicto mense novembris.
Pièce justificative n° 2
(s. d., probablement 1287)
Rôle énumérant les privilèges que revendiquent les bourgeois de Clermont et que le roi de France a dans sa main [en attendant que le Parlement rende son arrêt], à savoir : les chartes conservées pour une partie [au Parlement de Paris] et pour l’autre dans une tour à Clermont dont le bailli [d’Auvergne] détient la clef ; les clefs des portes et des tours, la garde des murs et des fossés de la cité ; le sceau dont ils scellaient leurs actes et l’arche commune où ils conservaient leur sceau, leurs archives et leurs comptes ; le droit d’assemblée et les trompes utilisées pour annoncer les assemblées ; les armes pour participer à l’ost royal ou défendre la cité. Les bourgeois de Clermont en demandent la restitution, arguant du fait que, s’ils ont été mis à l’amende pour avoir porté préjudice à l’évêque [de Clermont] ou au roi, ils l’ont néanmoins payée. Des demandes d’information sont faites : à Jean de Morancez à propos des appels faits [par le roi] contre les bourgeois et contre l’évêque ; au bailli [d’Auvergne] sur les murs et les fossés de la ville que l’évêque a baillés à cens, ainsi que sur les comptes que les bourgeois doivent rendre à raison des tailles qu’ils lèvent, comme dans les autres bonnes villes.
A. Original, deux peaux de parchemin cousues l’une à l’autre, 210 x 390 mm et 203 x 260 mm : Archives départementales du Puy-de-Dôme, 3 E 113/8 (ex-3 E 113 Dép., Fonds I), AA 6, C III a 1 [a bis].
||61 Che sont les choses que li roys prist seur les bourgois de Clarmont, les queles il tient en se main, ch’est asavoir les chartres les privileges de la ville, dont il en a partie en le court de cheens, et partie en une tour a Clarmont dont li baillieus a le clef.
¶ Item li roys prist seur les dis bourgois et tient en sa main les clés des portes, des tours et des tourneles, le garde des murs et des fossés, le pourfit d’aucunes tourneles qui estoient baillies a rente dont il retenoient et rapareilloient les murs, les tours et les tourneles et les portes. Et par ce que li bourgois tenoient et avoient en leur main les clés des portes quant li roys62 les prist et mist en se main, li dit bourgois avoient leurs gardes qui gardoient les portes de jours et de nuis, et leurs gaites qui cornoient seur les murs et seur les portes et leurs eschargaites, qui gardoient et aloient parmi le ville de nuis. Et toutes ches choses faisoient et faisoient faire li dit bourgois a leurs propres cous pour le pourfit commun pour clers et pour lais et pour les trespassans parmi le chité. Et sera trouvé ou jugement qui fu piecha fais cheens63 que li bourgois n’amenderoient nient de ce que il avoient fait gaitier a armes parmi le ville et tromper et corner seur les murs. Quar il fu dit ou jugement que il estoit bien trové que li bourgois estoient en saissine des clés des portes, des tours et des tourneles, et des choses qui i afferoient.
¶ Item li roys prist seur les dis bourgois et tient en sa main le seel dont li dit bourgois seeloient les choses qui leur apartenoient a seeler et l’arche commune ou estoit li siaus et li privilege et li escrit de leurs contes et de leurs besoignes.
¶ Item il prist et tient en sa main l’asiamblee et les trompes par les queles li bourgois s’asiambloient pour le pourfit et les besoignes de le chité.
¶ Item il prist et tient en sa main les armeüres64, les arbalestes, maniers et chiaus a tour65 et toutes manieres d’autres armeüres que li dit bourgois avoient, dont il servoient le roy en ost et secouroient le chité quant mestiers estoit, et le lieu ou ches armeüres sont dont li baillieus a le clef ou ses commandemens de par le roy.
¶ Toutes les choses desus dites requierent li dit bourgois que li roys leur rende et que il les en resaissise et methe en leur main comme chil qui de lui les avenent a tenir et qui par pluisieurs fois les a en leur main prises et rendues quant il li a pleüt. Quar il font au roy serement de fealté devant touz hommes, et li doivent ost et chevauchie au païs et sen giste en le chité si comme il est acoustumé.
¶ Et dient les bourgois que il ne mesfisent66 onques au roy ni a l’evesque par quoi li roys ne leur doie rendre et resaissir des choses desus dites, et se aucun de le chité ou le plus grant partie mesfisent onques contre le roy ne contre l’evesque il en ont esté taxé en amendes de deniers et l’ont paié au roy et a l’evesque, ne ne furent onques jugié ne fourgugié a avoir perdu leur estat ne les choses desus dites. Les queles li roys prist seur les dis bourgois et bien requierent que li arrest et li jugié qui furent fait selonc les enquestes du tans de lors soient veü, que par che jugié se determinera, se Dieu plaist, toute le querele. Quar il fu acordé quant il se misent en jugement contre l’evesque que li arrest et li jugié qui sont es registres et es arrés de cheens seroient veü et jugemens fais seur ce et seur les raisons proposees des parties. Et dient les bourgois que selonc raison et l’usage de le court de cheens, puis que communs est mis en amende de deniers pour un meffait, leur estat et leur privilege leur demeurent sauf. Ne li evesques ne dist mie que li bourgois de Clarmont, quant li mesfais que il dist qui fu fais a sen devantier67, que li bourgois mesfesisent68 de fait ne de parole au cors de l’evesque, anchois failli li evesques qui adonc estoit a prouver aucunes choses que il mist avant contre les bourgois si comme il sera bien trouvé ou jugié du tams de lors et en l’enqueste qui faite en fu, si comme il fut adonc prononchié par jugement. Par quoi li bourgois desus dit vous requierent que vous leur rendés leur estat et les choses desus dites et que vous les en resaisissiés en le maniere que il en estoient saissi quant li roys les prist en se main, et vous en demandent, seigneur maistre, droit et jugement, et se drois disoit que li roys ne deust rendre les choses desus dites as dis bourgois, ne les deveroit il mie rendre a l’evesque. Quar li bourgois ne les eürent ne n’avouerent onques a tenir fors du roy, ains les deveroit li roys retenir pour lui, quar che que li bourgois i ont, il l’ont du roy et de par le roy.
|| 69 ¶ Item on doit parler a maistre Jehan de Morenciés70 de l’enqueste que il a faite seur les appellacions contre les bourgois et l’evesque et, maistre Jehan oÿ, le cours doit avoir conseil.
Item il fu commandé au baillieu que il aprisist pour le roy des fossés que li evesques avoit donné a chens et a courtillages, et des tours que avoit baillié a cens, et des pierres des murs cheüs que ses gens avoient vendu. Li baillieus s’en emfourma au païs et raporta l’aprise au parlement qui passa. Li evesques le debati quanques il peut, et parmi tout sen debat il fu dit au parlement qui passa qu’elle seroit baillie a veoir et che sera trouvé es arrés, si requierent li bourgois qu’elle soit delivree.
¶ Item il fu dit au parlement qui passés est que li roy s’enfourmeroit des nouveles franchises que li evesques et li chapitres faisoient de nouvel a aucuns bourgois pour estre quite de leur tailles et que li roys i garderoit sen droit. Il fu commandé au baillieu que il en aprisist. Il n’en a riens fait. Si requierent li bourgois que il soit commandé au baillieu arriers.
¶ Item a che que li evesques dit que li bourgois n’ont mie conté souffisamment quant il ne nomnent les menues pieches de leurs rechoites et de leurs mises, respondent li dit bourgois que il ont conté bien et souffissamment, ainsi comme les autres bonnes villes content cheens, si comme vous porrés veoir es contes. Quar il seroit grans prieus a toutes les bonnes villes et especialment a chiaus de Clarmont se li evesques savoit les menues pieches et se il savoit chiaus qui courtoisie leur font du leur et a qui il donnent pour avoir conseil secreement. Ne li evesques ne le fait que pour mectre contens71 entre les bourgois et que il sache mal gré a chiaus qui les conseillent ne aident secreement. Ne les bonnes gens de le ville ne veulent mie que on sache combien chascuns endroit lui a vaillant, c’est asavoir se il est povres ou riches, et bien plaist a chiaus du commun et se tiennent apaié de ce que les bonnes gens ont levé et mis en le maniere que il est fait, et ont agreé le conte par devant l’evesque, et eüssent li rechiveur assés plus recheu que il n’ont, se ne fust pour les nouveles franchises que li evesques et li chapitres ont donnees a chiaus de le ville, et se li evesques savoit qui courtoisie leur feroit il le destourberoit se il voloit.
Collat.
Notes de bas de page
1 Voir les synthèses régionales les plus récentes sur le sujet : Charbonnier 1990 ; Teyssot 1997.
2 Estienne 1987.
3 Grélois 2002, 310.
4 AD Puy-de-Dôme, 3 G Sup. 15, fol. 24v (1287) : “statuimus fieri archam cum duabus feris et duabus clavibus quas tenebunt duo canonici ad reponendum et custodiendum denarios habendos pro capis, festis, horis et vicariis et alios denarios qui fuerint deputati ad emptiones faciendas pro ecclesia nostra Claromontensi. (…) Item statuimus quod canonici, qui dictam peccuniam recipient et custodient, de receptis et expensis teneantur annis singulis computare”. La détention du coffre est donc assortie, pour les chanoines titulaires, d’une obligation de rendre des comptes en fin d’exercice.
5 AD Puy-de-Dôme, 3 G Sup. 160, fol. 22v (1282, copie 1335) : “ante gradiis chori ecclesie Claromontensis, recte ante arcam edificii”.
6 Par exemple BnF, Nouv. acq. fr. 9790, fol. 317 (copie xviiie s.) : “in fornello primo abbatis”(abbaye bénédictine de Saint-Alyre, 13 janvier 1213 n. st.) ; AD Puy-de-Dôme, 1 G 6/150 (vidimus 1269) : “actum Claromontis in furnello episcopatus”(évêché de Clermont, 8 janvier 1219 n. st.) ; AN, 273 AP 199, fol. 100v : “actum fornello abbatie Sancti Germani”(chapitre de Saint-Germain-Lembron, novembre 1241).
7 Voir, dans ce volume, l’article de J. Picot que je remercie pour les documents qu’il m’a communiqués et pour sa relecture.
8 Meissonnier 2014.
9 Bedos, éd. 1980 (sceaux urbains).
10 Bossuat 1942-1943, 47-48 [6, 7, 10, 11, 12, 13].
11 AN, J 421, n° 1 (février 1226 n. st.), information communiquée par Johan Picot.
12 Bossuat 1942-1943, 55 [39], 63 [63], 69 [82], 70 [85].
13 Teyssot 1999, 112.
14 Bossuat 1942-1943, 55 [37].
15 Grélois 2010, 213 (premières mentions avérées des sceaux).
16 Douët d’Arcq, éd. 1867, 334-335 (n° 5466 : Montsalvy ; n° 5468 : Saint-Flour).
17 Original perdu ; copie dans le Liber viridis (transcription aimablement communiquée par Jean Berger), second cartulaire du chapitre Saint-Julien de Brioude compilé à la fin du xiiie s. (AN, 273 AP 199, fol. 6v‑7). Éditions : Ordonnances 1747, 416-417 ; Chassaing, éd. 1886, 162-164, n° 70.
18 Filippov 2010, 134.
19 AD Puy-de-Dôme, 4 G 206/4 (1259) ; AN, 273 AP 199, fol. 24v (1283), 38v (1286 n. st.), 41 (1288), 47 (1287), 57v (1223 n. st.), 74 (1277), 90v (1268), 100 (1277 n. st.), 101v (1272).
20 AN, 273 AP 199, fol. 55v : “canonicis et burgensibus et omnibus aliis habitatoribus Brivate”.
21 Grand 1945, lxiv.
22 Grand 1945, lxvi-lxvii.
23 Fray 2011, 218-241 : ce diplôme (899), bien que connu sous la forme de copies modernes faites d’après un pseudo-original interpolé du xiie siècle, repose bien sur un original sincère perdu.
24 Grand 1945, lxix-lxxvi, lxxix-lxxx.
25 Grand 1945, lxxxi et 64.
26 Il doit aussi les consulter lors des procès pour lèpre (Picot 2009).
27 Grand 1945, lxxxvii, cv-cvii.
28 Grélois 2003, vol. 1, 143-167 et vol. 3, 194-217 (transcription quasi exhaustive du corpus) ; voir aussi Tardieu 1870, 505-518 et surtout Rivière 1874, 255-260.
29 AD Puy-de-Dôme, 1 G 134/1 (copie de 1548).
30 Sève 1955, 522-524.
31 AN, J 426, n° 1 (30 septembre 1199) ; Teulet, éd. 1863, n° 501, 206-207. Sur ce point, Grélois 2014, 380 : Delphinus, comes Arvernie est [Robert] Dauphin et non Guy II.
32 Baluze 1708, II, 78-79 : “in cujus rei testimonium nos civitas Claromontensis, de voluntate dictorum episcopi et comitis, sigillo communitatis Claromontensis presentem cartulam fecimus sigillari”.
33 AD Puy-de-Dôme, 3 E 113 Dép., Fonds II, AA 10, n° 1 (pièce justificative n° 1). Je remercie Johan Picot de m’avoir communiqué ce document insolite ; à propos de cette même pièce, voir sa propre communication.
34 Remarque que je dois à Johan Picot.
35 AD Puy-de-Dôme, 1 G 16 (a-b).
36 C’est-à-dire de l’officialité de Clermont qui fonctionne régulièrement depuis 1217.
37 Inversement, les archives judiciaires du chapitre cathédral mentionnent à de nombreuses reprises les crimes commis par des clercs qui se déplacent armés, à pied ou à cheval, dans les rues de Clermont, comme si les choriers (membres du clergé auxiliaire dépendant de la juridiction capitulaire) vivaient plus bourgeoisement que selon la norme qu’exigerait leur état de clerc séculier.
38 AN, J 273, n° 3 (voir Tardieu 1870-1872, 515) ; fig. 1.
39 Beugnot 1839, 417-418 ; Boutaric 1863, 1, n° 5.
40 L’acte est en outre scellé par l’évêque et le doyen de Clermont et par les abbés de Riom et de Thiers. Les Montferrandais recourent semblablement en 1273 aux sceaux des abbés bénédictin de Saint-Alyre et prémontré de Saint-André pour faire sceller le vidimus de la confirmation, obtenue en 1249 n. st. auprès de Guichard de Beaujeu, de leur charte de coutumes.
41 AD Puy-de-Dôme, 3 E 113 Dép., Fonds I, carton AA, BB, EE, FF, C II 8 a [2] (août 1262, copie xve s.) ; éditions : Savaron 1662, 375 et Beugnot 1839, 154-155 ; voir Tardieu 1870-1872, 515-516.
42 AD Puy-de-Dôme, 3 E 113 Dép., Fonds I, AA 6, C III a 1 b ; édition : Savaron 1662, 375-378.
43 AD Puy-de-Dôme, 3 E 113 Dép., Fonds I, AA 6, C III a 1 a ; éditions : Savaron 1662, 369-374 (charte datée “anno 1220 circum circa”) ; Rivière 1874, 262-268 (“vers 1262”) Tardieu 1870-1872, 508-511 (“septembre 1219”).
44 Il s’agit peut-être des “nouveles franchises que li evesque et li chapitres ont donnees a chiaus de le ville” mentionnées vers 1287 (pièce justificative n° 2, que nous publions parce qu’elle est inédite et que, en ancien français et probablement rédigée par un clerc du roi picard, elle présente un indéniable intérêt philologique).
45 Grélois 2014, vol. 3, 386-387.
46 Grand 1945, 61, art. 11.
47 Cette précision renvoie peut-être à la mauvaise expérience des Aurillacois, qui prétendent former un municipe de droit écrit, mais dont le syndic douche les espoirs en déclarant que les litiges entre le monastère et les habitants auraient toujours été portés devant le Parlement, et donc jugés selon la coutume (Grand 1945, lxxvii).
48 § 14 : “quod dicta communitas habeat et detineat custodiam murorum, turrium, tornellarum, fossatorum et platearum vacuarum. — § 24 : quod sit in villa Claromontensi communitas seu universitas et consules et quod communitas alias major par[s] possit facere et constituere consules quos et quales et quotiens sibi videbitur faciendum, que communitas [et] consules habeant potestatem plenariam quam debent et possunt habere consules de consuetudine vel jure. — § 25 : quod habeant potestatem faciendi actores seu procuratores et e[...] et constituendi publicas personas, scilicet preconem seu precones qui faciant officium preconatus et teneantur ad mandatum seu jussum dictorum consulum preconizare et tubicinare ex parte nostra et episcopi Claromontensis e[t] bajuli nostri et consulum predictorum, et in suo officio teneantur dictis consulibus et civitati obedire. — § 26 : quod habeant domum propriam et communem in qua possint habere et detinere simbalum commune et ar[…], quod possint pulsare si et totiens quotiens voluerint pro congregari dictam communitatem et pro nego[tiis] ejusdem. — § 30 : quod habeant archam communem, et sigillum ipsius civitatis proprium, et armaturas, et de eis possint uti prout de talibus est utendum”(voir n. 43). Les armaturas (§ 30) doivent être non des armoiries mais bien des armes offensives (voir n. 64)
49 Grélois 2003, 215-217.
50 Douët d’Arcq, éd. 1867, 334-335, n° 5461 (légende et description du sceau).
51 Beugnot 1839, 471-472 ; Boutaric 1863, 38, n° 433 (1260).
52 “In cujus rei testimonium dicto domino regi has litteras concessimus sigillo nostro comuni, quo utimur et quo usi fueramus usque ad tempus quo illud fuit positum ad manum domini regis predicti, et contrasigillo ipsius sigilli sigillatas”(voir n. 42).
53 Bedos-Rezak 2002, 198.
54 Par exemple à Montferrand, les abbés de La Chaise-Dieu et de Saint-Antoine-de-Viennois finissent par s’accorder en 1302 pour que le prieur casadéen du moûtier Saint-Robert, détenteur du droit paroissial sur la ville, accepte que les hospitaliers de Saint-Antoine y disposent d’un campanile et de cloches (AD Haute-Loire, 1 H 82, n° 6) ; à Clermont même, les chanoines séculiers de Saint-Genès s’adressent au pape (qui demande une enquête en 1322) pour se plaindre du préjudice que leur a causé l’érection d’un clocher par les Carmes, lesquels, récemment installés (1315) dans la paroisse Saint-Genès, avaient repris l’ancien couvent des Sachets, ordre dissous au concile de Lyon II en 1274 (AD Puy-de-Dôme, 5 G 121, liasse 14, n° 3).
55 Contrairement à ce qui se passe à Montferrand et à Bordeaux : voir les articles de J. Picot et d’É. Jean-Courret, dans ce volume.
56 AD Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 5, sac A, Supplément, c. 1 : “Guillelmus de Glavenatz, civis Claromontensis, vocatus a capitulo Claromontensis ecclesie in capitulo eorumdem (…), recognovit (…) claves etiam dicti hospitalis habuisse et habere a capitulo Claromontensi”.
57 AD Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 5, sac A, c. 3 aux sceaux.
58 Éditions : Savaron 1662, 383-384 ; Tardieu 1870, 518.
59 Édition : Savaron 1662, 385-386 (1394 n. st.).
60 AD Puy-de-Dôme, 3 E 113 Dép., Fonds I, Registre du Chien, fol. 12 (1415) : “le xxve jour du mois de juing l’an mil cccc et xv furent commis et ourdenez en la chapelle de S. Berthelemi esleuz au gouvernement de la dite ville, c’est assavoir saiges hommes Amblard Balbet, Guillaume de Riom, Bertrant Renoux alias d’Ussel et Jaques Sarrazin”(document communiqué par Johan Picot).
61 Première peau.
62 “li roys” redoublé dans l’original.
63 Au parlement de l’Ascension 1260 (Beugnot 1839, 471-472 ; Boutaric 1863, 38, n° 433).
64 Comprendre “armes offensives” (FEW, 24, 268a, armatura). Je remercie Jean-Pierre Chambon pour ses conseils précieux relatifs à la compréhension et l’établissement de ce texte en ancien picard.
65 “(les) maniers et chiaux a tour” = “les (arcs) maniers et ceux à tour” ; manier : “arc qu’on tend à la main (par opposition à arc à tour ou à arbalète)” ; arc à tour : “arc équipé d’une manivelle servant à le bander” (FEW, 25, 118a, arcus).
66 “mesfisent” : 3e pers. pl. indicatif parfait du verbe mesfaire.
67 L’acte doit être de peu postérieur à 1286 puisque le “devancier” de l’évêque en exercice, Aymar de Cros (1286-1297), est Guy de La Tour (1250-1286).
68 “li” biffé et explonctué.
69 Seconde peau.
70 “Monmorenciés” dans l’original : confusion de la part du scribe entre Montmorency et Morancez près de Chartres. Jean de Morancez, chanoine de Reims et clerc du roi, mène entre 1271 et 1288 de nombreuses enquêtes dans des villes à seigneurie ecclésiastique (Châlons, Chalon, Le Puy, Brioude, Clermont, Tournus, Aurillac, Poitiers, Orléans) pour le compte de la couronne ; en 1286 il exerce à Clermont le droit de régale après la mort de l’évêque Guy de La Tour, avant de devenir bailli de Bourges en 1288 (Grélois 2003, 158-160). Jean de Morancez est à Clermont en 1285-1287 (Bossuat 1942-1943, 16-19). Le document a donc tout lieu d’être daté de façon large entre 1286 (mort du prélat et régale) et 1288 (lorsque Jean de Morancez est devenu bailli de Bourges), et de façon étroite de l’année 1287 (voir aussi Canteaut 2009, 47 [12]), car un acte de Philippe le Bel daté d’août 1287 tranche plusieurs questions évoquées dans notre document, notamment sur le droit de gîte et sur la reddition de comptes au roi, et contraint les bourgeois de Clermont à prêter serment à l’évêque et non au roi, tandis qu’un second acte royal de février 1288 n. st. concerne la question des tailles (AD Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 2, sac A, c. 15 a et 15 b ; Beugnot 1842, 264-265 [Pentecôte 1287], 267 [Toussaint 1287]).
71 “contens” : “querelle, débat, contestation (judiciaire)” (FEW, II-2, 1103b, contentio).
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