L’assemblée marseillaise au xive siècle, quelle existence matérielle ?
What material existence for the Marseille assembly in the xivth century?
p. 215-229
Résumés
Depuis la prise de contrôle de Marseille par Charles Ier d’Anjou au milieu du xiiie s., le régime communal est réputé aboli et ses attributs matériels sont confisqués par les nouveaux seigneurs de la ville. Le gouvernement municipal ne disparaît pas pour autant : l’universitas Massilie, incarnée par son conseil de ville, exerce une autorité croissante au cours du siècle suivant. C’est notamment par son existence matérielle dans l’espace urbain que se manifeste la progression du pouvoir de l’assemblée des Marseillais.
Since control of Marseille was seized by Charles 1st of Anjou in the middle of the xiiith century the communal government was supposed to have been abolished and its material attributes were confiscated by the new lords of the city. However, the municipal government did not disappear: the universitas Massilie, embodied by the town council, exercised growing authority over the course of the following century. In particular it is by its material existence in the urban space that the increase in power of the Marseille assembly is shown.
Texte intégral
1La commune marseillaise de la première partie du xiiie siècle bénéficie d’une réputation de commune “à l’italienne”, parfois qualifiée de “République marseillaise”, avant que Charles Ier d’Anjou n’en prenne le contrôle durant les années 1250-1260. Les travaux de publication des statuts de la ville par Régine Pernoud, du reste toujours essentiels, ont contribué à une monumentalisation qui a longtemps éclipsé le fonctionnement municipal ultérieur de la ville1 ; à tel point qu’il est fréquemment question, dans l’historiographie locale, de “l’abolition” par les Angevins de la commune marseillaise. À partir de l’établissement de la domination de Charles Ier, Marseille est souvent désignée comme une simple “municipalité”, un terme semblant indiquer un degré inférieur de gouvernement de la ville par elle-même, une autonomie moindre ou inexistante vis-à-vis de l’autorité seigneuriale2.
2Les arguments ne manquent pas pour étayer cette idée. En effet, à partir de 1264, l’universitas et l’assemblée du conseil de ville sont maintenues, mais leur présidence et la convocation des réunions sont assurées par le viguier, représentant du comte de Provence. Tous les revenus de la ville sont désormais contrôlés par les officiers du seigneur, nommés pour un an et extérieurs à la ville, qui perçoivent taxes et impôts pour décider ensuite de leur affectation.
3Sur le plan des attributs matériels du pouvoir, cette prise de contrôle du gouvernement urbain par les nouveaux seigneurs, qui le confient au viguier nommé par eux, se manifeste par la disparition de la maison commune, celle-ci devenant le palais comtal, siège du pouvoir du viguier et de sa curia (juges, sous-viguier, clavaire). Désormais, le conseil de ville se réunit sur convocation d’un officier royal, par criée et sonnerie de cloche, dans la salle dite “verte” de ce palais comtal.
4Or un siècle plus tard, le diagnostic d’abolition d’un gouvernement urbain autonome est à remettre en cause sur ce même plan matériel, autour des mêmes lieux. En 1348 précisément, les trois parties de la ville sont réunies sous la même autorité du viguier et du conseil de ville, c’est-à-dire de la ville basse portuaire et marchande. Cette unification est une revendication ancienne des Marseillais, que la commune du xiiie s. avait tenté de réaliser, sans succès. Durant les mois suivants, on observe un important déplacement des réunions du conseil : progressivement, celles-ci abandonnent le palais comtal pour se tenir exclusivement, après une période d’alternance, dans la salle de l’hôpital du Saint-Esprit, qui se trouve être sous la responsabilité des seuls conseillers marseillais.
5Je chercherai à démontrer que ce changement est significatif d’un mouvement plus profond : dans une période où l’autorité souveraine des rois de Naples et comtes de Provence est contestée, notamment pour des raisons dynastiques, se renforce un gouvernement urbain proprement marseillais, c’est-à-dire détenu et exercé par des membres du conseil de ville. Pour cela, je me propose d’examiner, sur le plan matériel, les attributs de ce gouvernement autonome du pouvoir seigneurial, de l’assemblée des conseillers de ville et les manifestations de celle-ci dans la ville, ses réalisations visibles dans l’espace urbain, comme dans des objets “politiques” détenus par le conseil de ville.
6Pour cela, je m’appuierai essentiellement sur les écritures du conseil de ville, les abondants registres de délibérations du xive s., mais aussi sur les apports récents de l’archéologie, grâce aux fouilles menées ces deux dernières décennies3.
Les lieux du gouvernement urbain : un “périmètre civique” marseillais
7Le tissu urbain marseillais de la fin du Moyen Âge est hérité d’une séparation de la ville entre ville basse marchande centrée sur le port et ville supérieure dirigée par l’Église, datant du xiie s. au moins. Cet éclatement se reproduit dans la ville haute, dont la seigneurie ecclésiastique est elle-même scindée en deux, entre la “ville de l’Évêque” ou “ville des Tours” – et celle des chanoines de la Major – partie appelée la Prévôté ou l’Œuvre4. C’est aux Angevins à partir de 1264 que l’on doit la première étape de réunification urbaine, Charles Ier soumettant les trois composantes de Marseille à sa seule seigneurie. Cela n’empêche pas les chanoines et l’évêque de conserver bon nombre de droits judiciaires et fiscaux dans la ville haute. La ville supérieure garde, durant des décennies, des institutions municipales propres – l’union définitive des trois villes est réalisée seulement le 3 janvier 1348, dans un acte accordé par la reine Jeanne de Naples.
8La ville basse – dite “vicomtale”, vestige de la seigneurie du xiie s. – est dense et industrieuse. Ses pentes sont orientées vers le port, nœud de convergence des routes marchandes maritimes et terrestres – celles-ci passant par les portes du Marché et du Lauret. On y trouve, de ce fait, les principaux marchés de la ville.
9La partie basse de Marseille concentre également l’essentiel des lieux du gouvernement de la ville. Dans cet ensemble partagé en sizains5, celui des Accoules, autour de l’église et de la paroisse du même nom, comprend les principaux sièges de l’autorité civile. Il s’agit tout d’abord du palais comtal, ancien palais communal du xiiie s. Ce bâtiment, où siègent les officiers royaux et leur tribunal, contient aussi la prison et la claverie de la ville6.
10À proximité, se situe l’hôpital du Saint-Esprit, œuvre d’assistance aux pauvres fondée à la fin du xiie s.7, dirigé par des recteurs élus annuellement au sein du conseil de ville8. Les principales cérémonies civiques et manifestations publiques ont lieu dans ce secteur des Accoules, notamment les parlements publics et les serments de fidélité échangés entre les Marseillais et leurs souverains : de tels serments sont échangés le 5 décembre 1288 avec Charles II au cimetière des Accoules, ceux du 29 janvier 1348 avec la reine Jeanne sur la “place du palais”, aux abords de la même église9.
11Les mêmes lieux polarisent également l’activité municipale courante. La commission des statutarii – six conseillers chargés de réviser, d’augmenter et de vérifier les textes statutaires en cas de nécessité – tient sa réunion hebdomadaire dans cette même église Sainte-Marie des Accoules10. La convocation des réunions du conseil est sonnée par la cloche servant à donner l’alerte en cas de danger. Celle-ci, au nom évocateur de Sauveterre, est très vraisemblablement aussi celle des Accoules11.
12Marseille médiéval ne fait pas l’objet d’un aménagement civique, selon un urbanisme qui aurait été conçu et dirigé par les autorités politiques. C’est dans l’usage multiple de lieux déjà existants que se manifestent matériellement les pouvoirs dans la ville, utilisant pour leur activité des bâtiments et places en position centrale, sans que ne soit défini un projet édilitaire12. L’espace urbain du politique n’est pas monumentalisé d’une façon comparable à ce que l’on peut observer dans une ville italienne comme Milan13.
13L’assemblée de ville en particulier se sert de lieux et de bâtiments qu’elle ne détient pas en propre, pas plus l’église des Accoules que le palais comtal. Dans la question du contrôle de ces bâtiments et de leur usage se jouent des enjeux politiques, comme en atteste le cas de la cloche de Sauveterre. Renversant l’autorité de tutelle, l’assemblée exige en 1351 des officiers royaux le financement de réparations, précisément au nom de la tutelle juridique exercée par ceux-ci. Le conseil de ville parvient ainsi à affecter des sommes sur les finances royales, dont il dispose donc indirectement. À la fin de la même décennie, pour des opérations de réfection l’assemblée procède à la fois aux prélèvements fiscaux nécessaires et à la maîtrise d’œuvre, paiement compris, prenant ipso facto en charge l’ensemble de la procédure. De façon discrète, presque furtive, le conseil remet la main sur le prélèvement fiscal et ses revenus, autant de prérogatives a priori royales.
14Or la cloche de Sauveterre n’est pas le moindre des attributs matériels du pouvoir : occupant l’espace sonore du centre de la ville, elle en rythme la vie politique, rendant publiques par ses pulsations les réunions de l’assemblée. Cette magna campana consilii – “grande cloche du conseil” dénomination employée par les notaires du conseil en 1361 – devient peu à peu un attribut matériel de l’assemblée qui se permet même de la revendre en 1363 comme un objet lui appartenant en propre14.
S’assembler à l’hôpital du Saint-Esprit : contrôle des finances et réalisations matérielles du gouvernement marseillais
15Revenons sur le déplacement du lieu de réunion du conseil de ville. Les réunions se tiennent dans cet espace urbain resserré, centré sur une église et son clocher. De 1318 jusqu’aux années 1340, la totalité des séances documentées par un enregistrement écrit atteste que le conseil se réunit au palais comtal. Et comme mentionné précédemment, à partir de septembre 1348, ce lieu de réunion du conseil change : les assemblées délibératives se tiennent dorénavant à l’hôpital du Saint-Esprit15.
16À l’automne 1348, sur les protocoles de séance ne figurent plus que des mentions du type “aula domus hospitalis pauperum Sancti Spiritus Massilie” (dans la salle de l’hôpital du Saint-Esprit de Marseille). La modification, tout aussi subreptice que la prise de contrôle de la cloche de Sauveterre – aucun renouvellement des statuts ou même délibération enregistrée du conseil ne les signale – revêt une grande importance sur le plan symbolique.
17En effet, le nom de l’Esprit Saint renvoie implicitement à la confrérie du début du XIIIe siècle, matrice de l’émancipation communale – laquelle confrérie se réunissait déjà alors à l’hôpital du Saint-Esprit. Outre la mémoire de l’autonomie politique de la ville, cet hôpital dirigé par des membres du conseil de ville est porteur du prestige de l’assistance aux nécessiteux, du bien commun. En choisissant de s’y réunir, l’assemblée affirme son rôle prépondérant dans une question cruciale du temps, quelques mois après le déclenchement de l’épidémie de Peste noire – arrivée à la fin de l’année 1347 dans la ville.
18À l’échelle de la période critique dans l’aire méridionale au xive s., l’emprise grandissante des pouvoirs municipaux sur les œuvres de charité est bien connue16. À Marseille même, les fonds testamentaires attestent de l’importance croissante des dons laïcs charitables à destination de cet hôpital du Saint-Esprit dirigé par la municipalité17.
19Examinons le sens du déplacement des réunions du conseil dans les formulations des enregistrements de séance. L’expression habituelle pour désigner le palais comtal comme lieu de réunion est ab antiquo (selon l’usage ancien), associée à aula viridi palacii (dans la salle verte du palais)18. Ainsi, sous le calame du notaire, peut-on lire la référence aux temps communaux, antérieurs à l’établissement de la seigneurie angevine. L’adjectif antiquus se retrouve porteur de la même connotation d’autonomie communale, en d’autres passages des mêmes registres : le conseil affirme en septembre 1350 que la ville n’est pas liée au reste de la Provence sequendo etiam vestigia antiquorum (selon des droits anciens), là aussi préexistants à la soumission de la commune par Charles Ier19.
20Cette expression ab antiquo disparaît des protocoles de séance après le déplacement des réunions à l’hôpital du Saint-Esprit. Ce nouveau lieu n’apparaît qu’avec de rares commentaires et peu à peu les notaires n’insèrent plus que la formulation ut est moris, ou sa variante more solito (selon la coutume)20 – expressions de fait usurpées, ladite coutume ne s’instaurant qu’alors.
21On perçoit ici les implications contenues dans le langage des enregistrements. Une ancienneté est recherchée, revendiquée, les protocoles de séance sont le lieu d’une fabrique de la coutume, d’une légitimité modelée par l’assemblée autour des lieux qu’elle occupe. Cet usage de l’espace urbain, empreint du passé communal marseillais, renvoie à une mythologie politique davantage qu’elle ne reflète une prétendue tradition21.
22À l’automne 1348, l’hôpital du Saint-Esprit devenu siège des assemblées s’affirme comme un emblème de la fierté municipale. Il se renforce par la poursuite de l’œuvre d’assistance du conseil durant ces mêmes années : un deuxième hôpital municipal, Saint-Jacques-de-Galice, est fondé par la donation testamentaire de l’éminent conseiller Bernard Garnier en 134422. Un troisième hôpital, de moindre envergure, Notre-Dame-de-l’Annonciade, apparaît en 1372 d’une façon similaire près du couvent des Carmes, dans la partie supérieure de la ville23. Ces institutions d’assistance prises en charge par le conseil sont porteuses de la revendication d’autonomie urbaine24. L’affirmation politique de l’assemblée au travers de lieux et de bâtiments se poursuit dans les décennies suivantes : une “maison de la guerre” possédée par l’universitas Massilie accueille les travaux et réunions d’une commission dédiée à la guerre créée en 134925.
23De l’aspect et de la monumentalité de ces édifices municipaux, rien n’a subsisté et les traces archéologiques sont très faibles. Mais ce caractère empirique et très discret de la progression spatiale du pouvoir du conseil de ville, qui se réalise essentiellement au travers des pratiques de l’assemblée, n’en atténue pas la vigueur.
24La fondation des nouveaux hôpitaux ou la possession d’une maison affectée à une commission municipale marquent la reconquête progressive du foncier urbain par l’assemblée. Celle-ci, dans l’administration courante qu’elle fait de la ville, parvient à faire avancer son emprise sur l’espace urbain. Cela se manifeste dans les enregistrements des séances du conseil, avec des questions de propriété individuelle des habitants, sur lesquelles le conseil peut exercer son autorité : ainsi en novembre 1348, les syndics de la ville sont chargés de la vente d’une maison à la suite d’un litige successoral et conservent pour les finances municipales la moitié du produit de la transaction. Ainsi s’affirme et se renforce la puissance matérielle de l’institution26.
25L’utilité commune, le bien commun des habitants justifient l’avancée des prérogatives municipales sur l’espace urbain de la façon la plus sensible. Au gré des difficultés d’approvisionnement, à partir des années 1340 se renforce l’annonerie marseillaise, administration dirigée par des conseillers élus, centralisant l’approvisionnement en blé, fixant son cours marchand et, en cas d’urgence alimentaire, procédant à des distributions à la population. L’annonerie est matérialisée dans l’espace urbain, adossée aux murailles, non loin de la porte du Lauret – c’est-à-dire entre l’entrée principale de la ville, le port et le grand marché27.
26L’adduction d’eau figure également parmi les biens municipaux : prestation offerte à la population, elle se matérialise par des fontaines et des canalisations dont la gestion et l’entretien relèvent au xive s. de la compétence municipale, comme l’indique la récurrence des ordonnances du conseil qui s’y rapportent28. À la différence des abords du port, bien pourvus en fontaines, la ville supérieure connaît un problème ancien d’alimentation en eau. C’est sous la responsabilité du conseil de la ville basse qu’un aqueduc est édifié dès la fin du xiiie s. – quelques arches en sont toujours visibles dans le quartier actuel de la Porte-d’Aix. S’ensuivent d’autres édifices remarquables réalisés dans la ville haute : les bains publics de la rue Francigena, une fontaine nommée Fons Majoris, ou Fons de la Mayor, tous deux situés à proximité de la cathédrale29. Prenant en charge un tel ensemble d’équipements d’utilité publique, alors que la ville est encore juridiquement divisée, la partie basse de Marseille affirme son rôle politique grandissant dans l’espace urbain.
27Les murailles sont un autre de ces attributs matériels du pouvoir urbain, enserrant l’espace de la ville et progressivement réinvestis par le conseil de ville. L’année 1348 marque le basculement dans l’incertitude politique et l’insécurité en Provence, avec un conflit qui oppose alors pour plusieurs années des différents sénéchaux rivaux. Les questions militaires sont durant les premiers mois du conflit abordées dans près du tiers des séances de l’assemblée30, affectant l’usage des murailles et des portes de la ville, qui en sont à la fois les protections et les emblèmes, sur lesquelles les métiers arborent leurs bannières lors des entrées solennelles et processions.
28Les fortifications nécessitent, particulièrement en cas de danger, la participation de fractions importantes de la population pour les entretenir et y assurer le guet. Chaque sizain de la ville doit surveiller une portion de ses murailles, sous la direction de responsables élus par le conseil. Les archéologues ont établi la fréquence et la durée des chantiers de réfection et d’amélioration de l’enceinte, sollicitant le financement quasi permanent des habitants et occupant une part non négligeable de la main-d’œuvre citadine31. Les ouvrages de fortification prennent alors un sens politique pour la population elle-même : la participation à leur garde et l’acceptation du prélèvement pour leur renforcement sont conditionnées à l’importance que les habitants veulent bien y accorder. Les murailles entraînent ainsi un coût très lourd, dans une situation d’insécurité militaire endémique32.
Religion civique, instruments écrits et attributs du gouvernement urbain
29En-dehors des séances du conseil – et largement aussi en-dehors de ses écritures – les rituels et les cérémonies civiques marseillais dessinent un espace politique de la ville. Durant les processions et à l’occasion des entrées de grands personnages dans la ville, les habitants sont appelés à se rassembler en des mises en scène où se mêlent l’identité urbaine et la religion civique marseillaise, autour d’objets et de symboles matériels de la commune33.
30C’est saint Louis d’Anjou qui concentre les dévotions et processions marseillaises les plus importantes du xive s. Celles-ci se déroulent autour du couvent des Mineurs qui, depuis la canonisation de l’évêque angevin en 1317, porte son nom. Cet établissement, abritant les reliques du saint devenu “saint Louis de Marseille”, est un pôle identitaire majeur de la ville, sacralisant sa relation de loyauté politique à la dynastie royale. Les Mineurs sont le point de départ ou la destination de processions, notamment celle de la fête du saint, le 19 août, qui ouvre également la foire de trois jours accordée par le roi Robert en 131834.
31Ces reliques emblématiques constituent un véritable attribut matériel du pouvoir de l’assemblée marseillaise. Le conseil de ville détient sur elles un contrôle partiel, par le biais d’une des clefs de sa châsse, les Franciscains en conservant une autre. Les restes de Louis d’Anjou peuvent être comptés parmi les biens communaux : durant des menaces militaires des années 1360, le conseil en dispose et les répartit entre les domiciles de plusieurs de ses membres éminents, pour les mettre à l’abri35. D’autres “saints civiques”, Lazare, Cassien et surtout Victor, dont les reliques sont conservées par les moines de Saint-Victor, font l’objet des mêmes types de mesures de la part du conseil – sauvegarde en cas de périls, ostentation durant les processions36.
32Associés dans une sacralité cumulative, les saints marseillais sont pris en charge par les autorités municipales le temps des cérémonies publiques qui sont autant de célébrations de l’identité urbaine. C’est le cas lors du don d’une nouvelle châsse pour la tête de saint Victor, par l’ancien abbé marseillais devenu Urbain V. Les délibérations de l’assemblée du 14 mai 1365 organisent la réception du souverain pontife et du reliquaire offert par lui : une commission élue choisit l’itinéraire de la procession dans la ville, depuis Saint-Louis des Mineurs jusqu’à l’abbaye Saint-Victor, désignant nommément les “hommes honorables” choisis au sein du conseil qui porteront la relique sous un dais de tissu, le pallium, fourni sur fonds municipaux ; au chef de Victor succèdent les reliques de Cassien, Lazare, Louis, portées elles aussi sous un dais. Suivent les confréries de la ville, les métiers ornent de leurs bannières les murailles et le conseil ordonne que ce jour ne sera pas travaillé37.
33La mise en scène de l’identité politique marseillaise permet ainsi de s’approprier publiquement les reliques les plus précieuses de la ville. Les revendications de l’autonomie du gouvernement sont sous-jacentes, jusqu’à apparaître presque ouvertement pour une autre cérémonie civique, l’entrée royale de la reine Jeanne et de son mari Louis de Tarente, préparée en octobre 1350 : la reine, seigneur en droit de la ville, doit être accueillie par une délégation arborant la bannière de la ville, plus exactement la “bannière de la commune” – vexillum comunis. Le terme de commune n’est pas fortuit, ayant été systématiquement remplacé par civitas ou universitas depuis les années 1260 dans les écritures urbaines38. Le conseil ordonne la réception de Jeanne et Louis par tous les boni homines de la ville, qui depuis le port devront mener le couple royal à l’église des Mineurs, auprès des reliques de saint Louis39. Il n’est pas spécifié dans le compte-rendu de séance si l’étendard communal est identique à celui du xiiie s. sinon le même, mais il est l’emblème d’une mémoire politique ravivée aux yeux de tous les habitants et de leurs autorités de tutelle.
34Ainsi donc, existe un vexillum comunis, une bannière de la commune, dont on peut supposer qu’elle était frappée de la croix de Marseille, un symbole présent comme ornementation dans les écritures municipales :
35Cette marque visuelle de l’identité politique de la ville et de son autonomie est utilisée de nouveau quelques décennies plus tard lorsque, durant les troubles militaires des années 1348-1351, les Marseillais imposent à tous les combattants et mercenaires engagés de leur côté de revêtir des “survêtements” – superviestas – floqués de cette même croix de Marseille40.
36Mais la matérialité la plus aboutie de ce gouvernement urbain marseillais est en fait relative aux sources écrites elles-mêmes, à la documentation qu’il nous a transmise. Les archives de l’institution municipale sont en effet conservées dans un coffre, l’arca (l’arche), le contenant fermé. Cette arche occupe une position centrale dans le fonctionnement de l’assemblée, dans un sens à la fois symbolique et pratique : c’est l’élément de mobilier représenté sur une des deux riches miniatures ouvrant le Livre rouge des statuts, codex à usage ostentatoire confectionné à la fin du xive s., servant notamment aux prestations de serments. On peut y voir un coffre rectangulaire d’assez grande taille, autour duquel s’affairent cinq membres de l’assemblée, parmi lesquels deux notaires identifiables aux objets qu’ils tiennent en main – une clef et un rouleau de parchemin pour l’un, un calame pour l’autre.
37Par une mise en abyme, cette miniature du Livre des statuts donne à voir, au travers de l’arche de la ville, la centralisation du patrimoine juridique de la municipalité, de l’ensemble de l’écrit institutionnel : les livres de statuts, mais aussi les enregistrements de séances de l’assemblée, les cartulaires, les lettres et actes divers, sans doute aussi les sceaux de la cité. Selon les statuts du xiiie s., les syndics du conseil41 doivent veiller au rassemblement le plus diligent des documents municipaux dans un même lieu “sûr, digne de foi et sans fraude” ; ils doivent également vérifier l’authenticité des actes délivrés par les notaires42.
38Le fonctionnement courant du conseil au siècle suivant confirme le caractère politique de la maîtrise de cette arche. Le 2 septembre 1350, à la fin de leur mandat de syndics, Montolieu de Montolieu et Pierre Boniface remettent en séance à leurs successeurs les clefs de la “caisse [captia] des privilèges de la ville et certains actes et lettres touchant à l’universitas de Marseille”43. Les syndics marseillais contrôlent donc l’accès à la documentation municipale la plus précieuse. Alors que le coffre en question est selon toute vraisemblance situé dans le palais comtal, les officiers royaux ne détiennent pas ses clefs.
39Le conflit des sénéchaux (1348-1351), qui ouvre pour un demi-siècle une période de troubles politiques et militaires en Provence, met en évidence et renforce le contrôle politique de l’assemblée sur ses archives. À la fin du même mois de septembre 1350, qui correspond à un moment de tension accrue, le conseil fait crier l’obligation “sous peine formidable” pour les détenteurs de “quelques cartulaires que ce soit des actes de la cour et des conseillers” de les rapporter immédiatement aux archives du palais où “sont conservés les cartulaires de la cour”44.
40Dans la conjoncture critique traversée par Marseille et la Provence à partir de la moitié du xive s., la communication épistolaire et la conservation des lettres jouent un rôle important, tout comme la capacité à appuyer une position politique sur des écrits fondés juridiquement. Peu de temps après les ordonnances précédemment évoquées, le 7 octobre, le conseil reçoit de la reine Jeanne de Naples des lettres, révoquant et remplaçant le sénéchal Raymond d’Agoult, hostile aux Marseillais. L’enregistrement de séance spécifie qu’après leur lecture publique, les lettres sont immédiatement archivées dans le “cartulaire des conseils”, pour être “conservées et gardées en sûreté”. Les archives sont un enjeu de sûreté pour la ville dans cette période de fortes tensions. Le lieu de conservation du registre de délibérations – nommé de façon générique “cartulaire des conseils”, cartularius consiliorum –, qui garantit la souveraineté politique de l’institution, est particulièrement surveillé45.
41Mais ce “lieu” de conservation n’est pas, on l’a vu, en pleine possession de l’assemblée, ou plus exactement le meuble est déposé dans une place se trouvant sous l’autorité du pouvoir comtal. Cela se retrouve dans la façon similaire dont est qualifié celui qui rédige les actes du conseil : le “notaire du palais” est formellement sous l’autorité de l’officier royal, le viguier ou ses subordonnés – on peut comprendre ainsi la titulature qu’il se donne dans la plupart des souscriptions d’enregistrements : notarius palatii Massilie.
42On retrouve ici toute l’ambiguïté de la situation politique marseillaise et le caractère largement non officiel du gouvernement urbain exercé par l’assemblée de l’universitas Massilie. Les écrits qui permettent au conseil de ville d’avancer vers plus d’autonomie sur le plan du droit et de prendre des initiatives contraires aux volontés des officiers royaux de tutelle, sont disputés entre seigneur et municipalité46. L’assemblée, au cours de ses séances, selon la gravité des périls, établit ou raffermit son contrôle sur l’arca et son contenu. Autant qu’un attribut symbolique du pouvoir, ceux-ci se révèlent être un enjeu de son exercice effectif, en tant qu’instrument matériel du gouvernement urbain.
43L’espace politique de l’assemblée dans la ville est donc en large partie immatériel au xive s. Pour autant, un gouvernement urbain autonome existe, qui progresse dans l’espace urbain et dans l’exercice des responsabilités assumées par le conseil de ville. Le statut de lieux ou d’objets, tels que le lieu de réunion et la cloche du conseil, les registres ou l’arche de conservation de l’écrit, dépend de leur traitement par l’assemblée. Des biens fonciers ou immobiliers peuvent devenir biens communaux, portant la marque de l’emprise municipale dans la ville47.
44À la faveur d’événements troublés, l’assemblée saisit l’occasion d’affirmer son rôle prépondérant dans le gouvernement de la ville. Le conseil dessine ainsi un espace du politique à tendance holiste, au sens défini par Vincent Azoulay au sujet de la Grèce antique48. Le déplacement symbolique d’un lieu de réunion à l’autre dans la ville montre l’institution municipale fonctionnant comme une “fabrique de lieux communs” inscrits dans le champ politique49. Les réunions du conseil construisent elles-mêmes la présence du gouvernement urbain, au sens matériel comme immatériel, deux plans qu’il serait sans doute vain d’opposer, tant l’autorité de l’assemblée marseillaise y progresse parallèlement au cours du xive s. Ainsi les objets, l’espace approprié, les rituels et les pratiques courantes du gouvernement convergent et forgent l’identité politique urbaine.
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Notes de bas de page
1 Pernoud, éd. 1949.
2 Boyer 2014.
3 Bouiron & Tréziny, éd. 2001. Bouiron et al., éd. 2011.
4 Pécout, éd. 2009, 47 et n. 21, 54-55, 146-147, 172.
5 Ou “sixains”, l’orthographe médiévale variant entre seizeni et seixeni.
6 Bouiron & Tréziny, éd. 2001, 242.
7 Amargier 1978.
8 Il s’agit des “custodes sive rectores deputati super hospitali Sancti Spiritus et aliis hospitalibus” – d’après les enregistrements de délibérations durant la séance du 22 octobre 1348, AM Marseille (désormais AMM), BB20 fol. 39v.
9 L’acte de décembre 1388 mentionne ce lieu de rassemblement comme habituel : “in pleno et publico parlamento ad vocem preconis et ad sonum campanarum more solito congregato in ciminterio ecclesie Beate Marie de Acuis” ; AMM, AA72 pièces 1 et 2, éditées et traduites dans Pécout, éd. 2009, 210-213. L’acte de janvier 1348 énonce quant à lui “in platea palacii ubi curia regitur reginalis” ; id., 216-221, d’après l’acte conservé aux AMM, AA72 pièce 5.
10 Article 42 des Chapitres de Paix de 1257 ; un ajout de 1293 au Livre VI des statuts définit la périodicité, le jour et le lieu de réunion des “statutaires”. AMM, AA1 fol. 131r, 162r.
11 La tour de Sauveterre et sa cloche flanquent probablement l’église des Accoules, comme en témoignent une vue dessinée par Ercole Nigra en 1591 et une description antérieure à la destruction de l’église en 1794 (Expilly 1766, 580 ; Bouiron 2001, 267, dessin d’Ercole Nigra fig. 7).
12 Ce serait-là l’emploi d’ “espaces publics occasionnels”, pour reprendre l’idée développée par Boucheron & Offenstadt 2011b, 21.
13 Boucheron 1988.
14 Le 21 juin 1351, en raison des périls militaires, le conseil ordonne la réfection (par des financements royaux) de la chaîne fermant l’accès au port et de la cloche de Sauveterre (AMM, BB21 fol. 132v). On a connaissance de la fonte d’une nouvelle cloche de Sauveterre grâce à un litige autour de son paiement entre novembre 1359 et mai 1360 (BB22 fol. 132v, 219v, 220r, 223r, 228v, 237v, 237 bis, 238r, 239r, 242, 242bis, 263-265, 299-300, 307-309 ; BB23 fol. 22v). La revente d’avril-mai 1363 est due aux difficultés financières de la ville (BB23 fol. 214r, 228r).
15 En raison d’une assez longue lacune dans la série des enregistrements (d’août 1340 à août 1348), celle-ci rend mal compte d’un possible changement progressif du lieu de réunion. Toutefois, il est probable que la césure survienne durant l’année 1348, autour du 19 septembre 1348, date après laquelle ne s’observe aucune alternance entre les deux lieux de réunion : AMM, BB19 (du 13 octobre 1339 au 11 novembre 1340), BB20 (du 20 août 1348 au 6 août 1349). La dernière mention du palais comme lieu de réunion date du 9 septembre 1348, l’hôpital du Saint-Esprit apparaît le 23 septembre 1348, BB20 fol. 13r, 44r, 45r.
16 Il en est ainsi dans l’ensemble du bas-Rhône, selon Le Blévec 2000, 646-652. En Provence même, l’universitas de Tarascon obtient en 1386 la charge de l’administration temporelle de l’hôpital anciennement à la charge de vingt religieux ; Hébert 1979, 48 et n. 99 ; Rigaudière 2010.
17 Ce phénomène touche des couches sociales plus larges de la population que les seules élites (métiers, artisans, femmes comprises) comme l’a démontré Michaud 2009, 277-280 en particulier.
18 AMM, BB11-20, jusqu’au 19 septembre 1348 inclus, où figure pour la dernière fois cette formulation ; AMM, BB20 fol. 13r.
19 Il s’agit de la revendication marseillaise d’être une “terre adjacente” au reste de la Provence : “Atento quod civitas ista, licet sit infra limitas Province, verumptamen ceparata est ab aliis universitatibus dicte Provincie, propter suas franquesias et libertates […], sequendo etiam vestigia antiquorum” ; séance du 3 septembre 1350 ; AMM, BB21 fol. 37v-38r.
20 Séance du 23 septembre 1348 (AMM, BB20 fol. 44r, 45r). Ces variations sont significatives : l’usage de la première formulation ab antiquo est systématique dans tous les registres précédents du xive s. (AMM, BB11 à BB19).
21 Michel de Certeau définit ainsi la ville par ses récits, qui selon lui sont ses clés, donnant accès à son essence “mythique” ; Certeau et al., éd. 1994, 202.
22 Sa construction près de l’église Saint-Martin ne semble achevée qu’en 1365, mais est abordée au cours de dix séances durant l’année municipale 1348-1349, car en raison de l’urgence financière, les fonds légués sont d’abord affectés à d’autres tâches, notamment l’approvisionnement ; séance du 4 octobre 1348, AMM, BB20 fol. 37r. Sur ce même hôpital, voir aussi Bouiron & Tréziny, éd. 2001, 274 et 271 fig. 11 ; Amargier 1978, 255-259.
23 Bouiron & Tréziny, éd. 2001, 274 ; Villard & Villard, éd. 1970, 269.
24 Cela rejoint l’idée d’une “nouvelle idéologie de la ville” portée par l’assistance municipale, que décrit Le Blévec 2000, 290-298.
25 La première mention de cette “maison de la guerre” apparaît dans l’enregistrement de la séance du 21 juin 1383, lorsque le conseil décide d’y réunir une commission élargie : “se habeant hodie vel die crastina congregare in domo de guerra” ; AMM, BB29 fol. 38v. Sa localisation est inconnue.
26 Séances des 19 et 26 novembre 1348 ; AMM, BB20 fol. 61r, 62r, 63r.
27 Selon les archéologues, elle compte 18 points de stockage au début du xive s. et côtoie l’office municipal des poids et mesures ; Bouiron et al., éd. 2001, 181 et 185. Parmi les mesures renfonçant le rôle de l’annonerie sur le prix comme sur la distribution du blé et du pain, figurent les ordonnances des 4 octobre et 19 novembre 1348 (AMM, BB20 fol. 11r, 61v).
28 Ainsi les 10 et 12 juillet 1349 (AMM, BB21 fol. 161v, 164r).
29 La décision est validée par un acte comtal de 1292, l’aqueduc étant sans doute construit en 1296 ; Bouiron et al., éd. 2011, 216.
30 Durant l’année municipale 1348-1349, les questions de défense sont abordées dans 30,1 % des séances, soit une fréquence moyenne trimensuelle (AMM, BB20).
31 Le cartulaire des Six de la guerre donne un aperçu de la répartition de la garde pour l’année 1374 ; AMM, EE4 fol. 10, document édité, traduit et commenté dans Coulet 2009, 403, 406 ; Bernardi 2001, 97 ; Droguet 1980.
32 Phénomène que l’on retrouve dans le reste de l’Occident au xive s. ; Rigaudière 2010.
33 Vauchez, éd. 1995, notamment Benvenuti 1995.
34 Mort à Brignoles, Louis, évêque franciscain fils et frère de roi, fait élection de sépulture aux Mineurs de Marseille dans son testament du 19 août 1297. L’évocation des nombreux miracles s’étant produits sur sa tombe et la proximité de la maison d’Anjou avec la papauté aboutissent à sa canonisation en 1317 et donnent lieu immédiatement à des festivités à Marseille ; Coulet 1995, 128-131 ; Laurent 1954, 41.
35 Plusieurs ordonnances statuent sur ces reliques de saint Louis : ainsi le 18 janvier 1340 est ordonnée la confection d’une clef pour la conservation du chef du saint ; le 8 janvier 1363 on apprend qu’en raison du danger extérieur, les reliques ont été déposées chez plusieurs particuliers (AMM, BB19 fol. 47-55, BB23 fol. 204).
36 Ainsi au printemps 1376, devant les menaces de pillage, les reliques de Victor sont retirées de son abbaye éponyme pour être confiées aux conseillers Antoine Dieudé et Guillaume Vivaud (séances comprises entre le 29 avril et le 10 mai 1376, BB27 fol. 53-64). Pour l’étude détaillée de ces cultes, de nouveau Coulet 1995.
37 “Quod eligantur certi honorabiles viri qui portent caput predictum” (AMM, BB24, fol. 194v-195r). Les préparatifs de la commission du conseil de ville sont conservés sous la forme de cahiers préparatoires rédigés en provençal, insérés dans le registre du conseil de l’année 1364 (BB24 fol. 220-227 et 232-243) ; Albanès 1865, 28 notamment ; Coulet 1977.
38 Dans la révision des statuts effectuée après 1262 sous le contrôle des Angevins, le terme de comune est systématiquement remplacé par celui d’universitas, comme le met en évidence Régine Pernoud dans ses travaux d’édition ; Pernoud, éd. 1949, 1-10 en particulier.
39 Séance du 5/10/1350 (AMM, BB21 fol. 47-48). Sur cette entrée royale, qui n’a finalement pas lieu en raison des troubles dans le royaume de Naples, Léonard 1932, t. II, 288 et n. 3.
40 Ordonnance du 18 avril 1349 (AMM, BB20 fol. 121).
41 Les syndics (syndici) sont les deux (puis trois à partir des années 1340) conseillers élus annuellement pour présider et représenter le conseil vis-à-vis de l’extérieur.
42 Livre I des statuts, chapitre 15, “De cartis communis recolligendis ; sur le lieu de conservation, et ea insimul collecta in tuto loco et securo, bona fide et sine fraude reponantur” (AMM, AA1 fol. 18v-19).
43 “Quasdam claves captie privilegiorum hujus civitatis necnon et jam quedam instrumenta et litteras quasdam tangentes universitatem Massilie” (AMM, BB21 fol. 36v-37r).
44 “[…] sub pena formidabili, quod omnes notarii civitatis Massilie, (vel) altera persona quecumque sit, habentes penes se quecumque cartularie curie actorum et (consilioriorum) consiliorum, […] debeat incontinenti ipsa cartularia defferri facere, et poni infra (arquam) archivum palatii, infra quod (consuet) cartularia curie persistunt” ; les mots biffés par le notaire scripteur sont indiqués entre parenthèses et l’on remarquera la dénomination de l’arche, évoquée par une formulation corrigée (arquam) archivum palatii. Séance du 26 septembre 1350 (AMM, BB21 fol. 42v).
45 “Super quibus placuit consilio quod dicte reginales littere in cartulario consiliorum inserantur et littere ipse reginales inserantur in tuto serventur et custodiantur” (AMM, BB21 fol. 50v).
46 Otchakovsky-Laurens 2015.
47 Comme l’a démontré Riccardo Rao, la capacité d’une institution à disposer de biens (les aliéner, les mettre en valeur ou les utiliser à son profit) définit leur statut de biens communs ; Rao 2006 ; 2012a ; 2012b.
48 Azoulay & Ismard 2010.
49 Boucheron 2010.
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Le bazar de l’hôtel de ville
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