Au bric-à-brac de l’universitas. Les objets et archives conservés dans l’hôtel de ville de Najac, supports de l’autonomie communale (vers 1260-vers 1330)
The bric-à-brac of the universitat: the objects of consular power kept in the communal house at Najac, around 1260-1330
p. 139-184
Résumés
À partir de la fin des années 1260, et pendant plusieurs décennies, les consuls du gros castrum de Najac, en Rouergue, ont eu pour habitude de faire rédiger chaque année à leur sortie de charge un état des biens de l’universitat déposés au sein de la maison commune. La conservation des deux premiers livres de comptes du consulat, sur lesquels ces listes étaient transcrites, offre à l’historien l’opportunité rare d’étudier une belle série de plusieurs dizaines d’inventaires s’étendant jusqu’à 1332. Elle livre un éclairage global sur les objets associés à l’exercice du gouvernement urbain dans une petite ville médiévale, et permet de cerner l’évolution de cet ensemble dans une période marquée par l’épanouissement politique du consulat, et l’essor rapide de la localité. On s’arrêtera successivement sur les objets proprement dits conservés au sein de la maison commune, puis sur les écrits archivés dans cette dernière. L’analyse révèle l’existence d’un noyau dur d’éléments employés dans la gestion quotidienne de l’universitat, qui expriment sa réalité matérielle et confèrent au pouvoir local une dimension sensible : sceaux, trompes et enseignes, étalons des poids et mesures, écrits de gouvernement... Dans cet ensemble se distinguent certains attributs porteurs d’une forte charge symbolique, objets de toutes les attentions, au sein desquels se détache l’arca communis qui trône dans la maison commune. La gestion de plus en plus méticuleuse des documents contenus dans cette dernière, dont le nombre augmente très rapidement au fil de la période étudiée, permet en effet tout à la fois de construire une mémoire du consulat, de mettre en valeur l’étendue de ses libertés, et d’assurer la défense de ses prérogatives.
From the end of the 1260s, and over a few decades, the great consuls of the castrum at Najac, in Rouergue, had the habit every year of drawing up, at the end of their mandate, an inventory of the goods belonging to the universitat and these were deposited in the communal house. The first town registers of the consulate’s accounts which contain the transcription of these lists have been conserved and they offer the historian the rare chance to examine a wonderful series of several dozen inventories dating from as late as 1332. They throw a general light on the objects associated with the exercise of urban government in a small medieval town and allow us to identify the evolution of this during a period marked by the political development of the consulate and the rapid rise of the local area. We shall in turn examine the objects themselves which have been conserved within the communal house and then turn to the written archives also contained therein. Analysis reveals the existence of a hard core of elements used in the everyday management of the universitat, which express its material reality and confer a certain importance upon local power: seals, trumpets and signs, weights and measures standards, government writs …. Among all these some of the attributes carry a very heavy symbolic weight as they are the focus of attention and among them is the arca communis which sits in the communal house. The ever more meticulous management of the documents that it contains, whose number increased rapidly during the period under study, allows us to build up a memory of the consulate, to highlight the extent of his authority and to ensure the defence of his prerogatives.
Remerciements
Nous remercions très chaleureusement Pierre Chastang pour sa relecture de ce texte et ses suggestions critiques.
Texte intégral
1Ce fut, à Saint-Affrique, la grande affaire de l’année 1311. Elle avait débuté par la décision du procureur de la sénéchaussée de Rouergue de contester la légalité du consulat dont bénéficiaient les habitants, en l’absence d’un titre officiel de concession ou de confirmation émanant de l’autorité royale. L’universitas protesta de son bon droit, arguant des franchises naguère accordées par le comte Raymond VII de Toulouse, et se proposant d’établir par des témoins l’ancienneté et la continuité de sa jouissance de cette institution. Elle n’en dut pas moins transiger, et solliciter auprès de l’impécunieux Philippe IV, contre la promesse d’un versement de 500 livres tournois, la charte qui lui faisait défaut. Cet acte si chèrement acquis, dont on prit soin d’enregistrer une copie authentique dans le cartulaire communal1, décrit les éléments qui apparaissaient constitutifs d’un consulat dans le Rouergue du début du xive siècle. C’était, d’abord, le droit d’exercer certaines missions, déléguées aux dirigeants de la communauté : se réunir, avec le conseil de ville, pour délibérer des affaires publiques ; lever les tailles municipales ; entretenir les rues et les chemins du ressort consulaire ; vérifier la qualité des denrées mises en vente dans la localité et la validité des poids et mesures utilisés par les marchands ; élire en fin de mandat, avec les membres du conseil communal, les consuls de l’année suivante. Mais la charte concédée s’attardait aussi sur d’autres composantes de cette autonomie politique. Elle donnait aux habitants la possibilité de se doter d’une maison commune, pourvue de sa propre cloche, afin d’y tenir les assemblées du conseil de ville. Ils recevaient en outre l’autorisation de disposer d’une arca communis pour y conserver les écrits du consulat, la matrice du sceau de la communauté, et peut-être l’original du signum apposé sur les poids et mesures des particuliers pour en certifier la conformité aux étalons municipaux2. Autant d’attributs matériels du gouvernement communal, tels que définis en introduction de ce volume, qui témoignaient très concrètement sur l’espace urbain de l’existence institutionnelle de l’universitas dont les autorités consulaires étaient l’émanation.
2Que l’hôtel de ville, le sceau, ou l’arca communis et ses précieuses chartes aient été considérés comme des marqueurs fondamentaux des libertés municipales de Saint-Affrique n’a rien pour surprendre. C’est à l’époque un trait commun à une grande partie des communautés du Midi, sinon du reste de l’Occident médiéval, sur lequel insistent plusieurs des contributeurs au présent ouvrage3. Le poids de ce triptyque dans le façonnement identitaire de bon nombre d’universitates a très tôt conduit les historiens à en faire un des repères les plus sûrs du “mouvement communal” des xiie-xiiie s.4. Au risque, toutefois, d’éclipser les multiples autres signa utilisés par les gouvernements urbains des derniers siècles du Moyen Âge pour “marquer la ville” de façon à la fois sonore et visuelle : cloches, trompes, enseignes, bannières et pennons, panonceaux, livrées, étalons des poids et mesures, clés des portes de l’enceinte urbaine, piloris et gibets municipaux ou encore bornes juridictionnelles – la liste demeurant ouverte... On ne reviendra pas sur les enjeux politiques et sociaux attachés au déploiement sur l’espace public de ces signes explicites du pouvoir local, dont il a été déjà question en tête de cet ouvrage5. Il convient toutefois d’insister sur l’intérêt d’une approche systémique des différents attributs matériels d’un même gouvernement communal, attentive à leur nombre, leur nature, leur apparence, leur degré de complémentarité, la chronologie de leur déploiement, ainsi qu’aux évolutions dont ils témoignent, au gré notamment des rapports des autorités municipales avec le reste de la communauté d’habitants, avec les universitates des alentours, ou avec les pouvoirs seigneuriaux supérieurs. Une telle approche peut, en effet, livrer des indications précieuses sur la construction des identités politiques locales dans les derniers siècles du Moyen Âge, en liaison avec la théâtralisation de l’autonomie communale.
3Nous nous proposons de l’illustrer dans les pages qui suivent grâce à l’exemple de la localité de Najac, en Rouergue. Bien représentatif des communautés à consulat qui proliférèrent dans les pays occitans des xiie-xiiie s., et de cette strate des petites villes qui constituait une composante essentielle du réseau urbain de l’Occident médiéval, son cas permet de décentrer le regard des grandes cités de l’Italie et de l’Europe du nord, dont le poids historiographique s’avère prééminent – sinon écrasant – dans l’analyse de la construction et du fonctionnement des gouvernements communaux médiévaux. Il bénéficie d’un éclairage exceptionnel grâce à la conservation, pour la période 1261-1331, de 53 listes annuelles des biens déposés dans la maison commune, qu’à la fin de leur mandat les consuls sortants transmettaient à leurs successeurs. L’historien se voit ainsi offrir l’occasion rare de découvrir le contenu à peu près complet du “bazar de l’hôtel de ville” d’une universitas ordinaire et d’en suivre la gestion sur plusieurs décennies. Le souci même de mettre en liste les écrits et les objets très variés entreposés dans le siège du consulat afin de veiller à leur conservation témoigne de la valeur conférée à ce qui s’apparente à un patrimoine communal. L’analyse successive de la façon dont les objets de l’hôtel de ville sont mobilisés dans l’exercice du gouvernement urbain et des enjeux associés à l’organisation des archives et à leur usage montre que ces biens constituent, à des degrés certes divers, de véritables supports matériels de l’autonomie locale.
Conserver et transmettre : les listes des biens mobiliers de l’universitas
4Il faut au préalable insister sur l’intérêt majeur des fonds documentaires relatifs à la communauté de Najac à partir du milieu du xiiie s. Fort de ses libertés, le consulat s’est très tôt préoccupé d’assurer la pérennité des supports matériels de son autonomie juridique. La mise en liste des biens de l’universitat de Najac s’imposa rapidement comme le meilleur moyen de maîtriser cet ensemble hétéroclite et d’en contrôler le devenir lors du renouvellement annuel du collège consulaire. En ce sens, la série documentaire sur laquelle s’appuie cette étude ne constitue pas seulement une inépuisable mine de renseignements sur le contenu de la maison commune de Najac. Elle est aussi, en elle-même, un remarquable témoin de la capacité du consulat à développer des pratiques de gestion par l’écrit de mieux en mieux maîtrisées afin de définir, de conserver et de transmettre le patrimoine mobilier de la communauté.
Un consulat soucieux de la pérennité des témoins matériels de son autonomie
5Lorsqu’il est soudain mis en lumière par cette documentation, le consulat paraît n’avoir qu’une existence relativement récente. La localité, qui s’est formée au pied d’un château attesté depuis le xie s., profite certes de sa situation stratégique sur un éperon dominant la vallée de l’Aveyron pour s’affirmer comme un centre administratif et politique de première importance dans la basse Marche du Rouergue. Sa croissance urbaine rapide signale son dynamisme économique et démographique, au point que Najac constitue probablement, à son apogée du début du xive s., la quatrième ou cinquième ville du Rouergue6. L’existence d’une représentation municipale n’y est toutefois attestée qu’en 1243, à la suite du serment des “consulum castri de Najaco (...), proborum hominum et universitatis dicti castri” de respecter la paix de Paris autrefois conclue entre leur seigneur Raymond VII, comte de Toulouse, et le roi de France7. À cette date, des consulats existaient déjà depuis une cinquantaine d’années ailleurs en Rouergue, dans les places plus populeuses de Millau et de Saint-Antonin-Noble-Val8. Doit-on attribuer la création de celui de Najac à Raymond VII, qui prête à la fin des années 1220-début des années 1230 une attention particulière au castrum, dont il fait le siège de la sénéchaussée de Rouergue et sur lequel il veille à renforcer son emprise9 ? L’hypothèse est séduisante, mais reste difficile à étayer dans l’état actuel des connaissances.
6On constatera en revanche que malgré son apparition tardive, le consulat de Najac se montra soucieux de se doter très rapidement des moyens d’afficher son autonomie politique. Déjà pourvu d’un sceau propre lors de sa première mention dans les sources, en 124310, il dispose dès avant 1249 d’une maison commune dont il jouit d’abord en location, avant de se faire bâtir un hôtel de ville en 127611, ce qui fait cette fois de l’universitas de Najac une des premières, en Rouergue, à bénéficier d’un tel équipement12. En 1255, les Najacois obtiennent en outre d’Alphonse de Poitiers la concession d’une charte de coutumes13 qui constitue, au moins en partie, la mise à l’écrit d’usages anciens et de libertés accordées par Raymond VII14. Sans doute retardée par suite de la révolte de la ville contre son nouveau comte, en 124915, la rédaction de ce document participait pleinement de cette stratégie de matérialisation des franchises politiques du consulat. Elle dotait en effet la communauté d’un titre tangible fondant en droit ces dernières et présentant grâce au sceau d’Alphonse toutes les garanties d’authenticité, titre susceptible d’être mis au service d’une véritable théâtralisation des libertés communales grâce au rituel, évoqué dans l’un des derniers articles de la charte, de la prestation de serment du bayle comtal de respecter les coutumes du castrum16 – dont on peut imaginer qu’elles étaient exhibées, sinon lues, pour l’occasion17.
7Cet investissement précoce du consulat dans des témoins matériels de son autonomie de gouvernement dut probablement s’étendre, en ces mêmes années 1240-1250, à d’autres objets liés à l’exercice du pouvoir local, que l’on trouvera présents dans l’hôtel de ville deux décennies plus tard. Ils formaient un ensemble de biens collectifs à forte valeur identitaire, dont les consuls n’étaient que les gestionnaires le temps de leur mandat, et qu’ils devaient léguer intacts à leurs successeurs. On comprend donc que les responsables de l’universitas aient ressenti assez tôt le besoin de veiller à la transmission de ce qui constituait, au sens propre, le patrimoine de la communauté d’habitants, en l’encadrant par une procédure que la systématisation du recours à l’écrit rendait plus efficace. C’est là tout l’enjeu des listes des biens mobiliers du consulat, présentes dans la documentation de la ville à partir de 1261. Leur apparition est donc pratiquement contemporaine de la mise en place des comptes consulaires auxquels elles sont associées, et dont la genèse est bien connue depuis l’étude que leur ont consacrée Jean-Louis Biget et Patrick Boucheron18.
8Najac dispute en effet à Montferrand l’honneur de disposer des plus anciennes comptabilités municipales conservées en France, rassemblées dans deux gros registres de papier présentant une série pratiquement continue de 1258 à 133219. Cette précocité s’explique par une raison conjoncturelle : la construction de la nouvelle église Saint-Jean-Baptiste, qui avait été imposée par l’Inquisition à la communauté en pénitence pour son implication dans l’hérésie cathare. Elle exigeait la tenue d’une comptabilité, qui permettait de gérer la levée des tailles municipales nécessaires au financement du chantier et d’en suivre les dépenses, reportées au jour le jour dans des cahiers20. C’est à partir de ces cahiers qu’était ensuite élaboré le récapitulatif de l’année, qui constituait une mise au propre sur deux colonnes, dont la vocation première était de servir d’instrument de contrôle du bon gouvernement de l’argent de l’universitas par les consuls, directement lié au rituel de reddition des comptes de fin de mandat21. L’importance du rôle à la fois symbolique et pratique des objets entreposés dans la maison commune explique que l’on ait souhaité assez rapidement accompagner la reddition des comptes de celle des biens mobiliers du consulat22, et qu’on ait donné à cette dernière une traduction écrite dans le dernier feuillet du bilan annuel. On associait ainsi formellement la clôture de l’exercice comptable et la transmission de la responsabilité du patrimoine communal, qui concrétisait le changement d’équipe consulaire et offrait également, à travers la mise en liste, la possibilité d’un contrôle.
La mise en liste des biens mobiliers de l’universitat
9Le relevé des objets du consulat de 126123 a certes, à première vue, tout de l’hapax. Manifestement griffonné à la hâte, par une main très différente de celle du notaire qui s’est chargé de la rédaction du reste du document, il figure après la reddition des comptes de l’année, dans le prolongement de laquelle il s’inscrit grâce à la formule “Item redero mai li dig cosos...” qui introduit la liste. Il se limite toutefois à une série d’une douzaine d’objets, clairement incomplète puisqu’on n’y trouve pas, par exemple, mention du sceau de la communauté dont on a signalé l’existence depuis au moins 1243. La forme même paraît hésitante : la liste prend d’abord un caractère linéaire, en présentant les quatre premiers objets de façon continue sur trois lignes, avant d’adopter une structuration en items, avec retour à la ligne pour chaque objet. Le fait, enfin, que l’ensemble de cet ajout aux comptes de l’année ait été barré d’un grand trait vertical pose question. Cette première velléité d’organiser la conservation des biens du consulat en en contrôlant la transmission d’un collège de consuls à un autre est-elle apparue superflue ? Ou faut-il plutôt y voir la trace de la vérification de la présence de l’ensemble des biens énumérés dans la liste au moment de la prise de pouvoir des nouveaux consuls ?
10L’initiative, encore très approximative, ne trouve de fait aucun écho pendant près d’une décennie. Il faut attendre l’année 1270 pour voir apparaître une nouvelle liste24, d’ampleur assez réduite (quatre articles, parmi lesquels ne figure toujours pas le sceau), qui s’inspire de celle de 1261 par son préambule (“Item redero als cossols...”) et sa situation sur le dernier feuillet du compte. La plus grande maîtrise de sa composition se manifeste cependant à travers le recours systématique à des items avec retour à la ligne bien espacés les uns des autres, qui facilitent le repérage des éléments qui y figurent. Rédigée par la même main que celle qui s’est chargée du reste du document, elle présente enfin une intégration plus marquée avec ce dernier, et témoigne d’un projet d’ensemble associant reddition des comptes et reddition des biens municipaux. En cela, elle est le révélateur d’un tournant dans les pratiques du consulat, qui imposa pour plusieurs décennies la tenue de ces listes dans son fonctionnement institutionnel.
11Au total, pas moins de 52 textes se succèdent ainsi de 1270 à 1331, offrant aux historiens une belle série documentaire, qui n’est interrompue que par de rares lacunes (fig. 1)25. Ils répondent d’un bout à l’autre de la période à la même organisation d’ensemble, celle d’une énumération de biens mobiliers rédigée à la fin des comptes de l’année, et introduite par un préambule comparable à ceux de 1261 et 1270. D’un point de vue formel, le modèle très efficace visuellement de 1270 tarde toutefois à s’imposer : jusqu’en 1282, les scripteurs ont plutôt tendance à lui préférer la liste linéaire, qui prend l’aspect d’un unique bloc textuel compact26, ou des formes mixtes qui voient s’enchaîner des ensembles de plusieurs lignes séparés les uns des autres, dont chacun énumère une série d’objets27 ; ils ont également pour habitude de placer ces relevés dans la continuité directe des dernières mentions comptables, ce qui accentue, par le jeu de la mise en page, l’unité du double système de reddition du consulat, mais rend plus difficile un repérage rapide des listes et de leur contenu.
12À partir de 1283, la volonté manifeste de réduire cette double indifférenciation (celle des objets réunis dans une même liste linéaire, et celle du récapitulatif des biens de la communauté, associé au relevé des comptes de l’année) accompagne un processus de normalisation qui se traduit de plusieurs façons (fig. 2 a et b). D’abord, par le succès définitif du type de liste qui garantissait la meilleure visibilité des éléments la composant, et donc l’accès le plus rapide à l’information. Désormais, les récapitulatifs des biens transmis aux nouveaux consuls énumèrent le plus souvent chaque objet dans un item qui lui est propre, avec un retour à la ligne qui permet de le distinguer de l’objet suivant, les abréviations “It.”, qui introduisent chaque nouvel article, venant rythmer graphiquement la série grâce à leur alignement vertical. Lorsque des regroupements de biens s’opèrent dans un même article, ils répondent dorénavant à une cohérence typologique29 ou pratique30. Cette inflexion très sensible dans la mise en forme de la liste se double d’une attention plus marquée à sa mise en page. On constate en effet le souci, après 1283, de détacher plus nettement des comptes le récapitulatif des objets du consulat, par le recours à un saut de colonne, voire à un saut de page qui permet à la liste de bénéficier d’un espace individualisé. Dans les quelques cas où les scripteurs ne recourent pas à ces procédés, un espace blanc équivalant à plusieurs lignes est prévu avant le relevé des biens communaux pour le distinguer des comptes de l’année. À cette pratique s’ajoute l’introduction dans le second registre comptable, couvrant la période 1289-1332, d’un dispositif de quatre réglures verticales, au tracé de plus en plus soigné, qui ménage des marges à gauche et à droite de la page, ainsi qu’un interstice large d’un à deux centimètres entre les deux colonnes. En guidant l’alignement des abréviations “It.” qui ponctuent chaque article et en encadrant le texte pour en faciliter la justification, il confère désormais un caractère très maîtrisé à la composition d’ensemble de la liste.
13Ce processus de normalisation montre que la réalisation de ces documents devint au fil des années un exercice bien rodé, de mieux en mieux intégré à la gestion courante du consulat. Il se justifiait sans doute également par la nécessité de faciliter la lecture et l’utilisation de listes de plus en plus consistantes, en raison de l’augmentation rapide du nombre de biens qui y étaient répertoriés. Trois périodes s’identifient de ce point de vue assez nettement (fig. 1). Entre 1270 et 1282, les premiers relevés passent, de façon très progressive, d’une dizaine à une trentaine d’objets. La période suivante, qui s’étend de 1283 à 1298, s’ouvre par une chute assez marquée du nombre de biens enregistrés, qui coïncide d’ailleurs avec l’abandon de la liste linéaire. Mais sa croissance est ensuite pratiquement continue, selon un rythme d’abord très rapide (l’on passe d’une vingtaine d’objets en 1283 à une cinquantaine en 1287) puis plus lent, qui porte au terme de cette phase d’expansion les listes à un contenu de près de 70 éléments. La montée en ampleur de ces écrits est donc très sensible au cours de cette deuxième période : la moyenne du nombre de biens qui y sont recensés passe de 24 pour les listes des années 1270-1282 à 51 pour celles des années 1283-1298, soit plus du double. Le profil de la période qui suit, entre 1299 et 1315, apparaît quant à lui plus contrasté. Le nombre d’objets répertoriés s’y maintient certes à un haut niveau (63 par liste en moyenne), nettement supérieur à celui des deux phases précédentes. Un sommet est même atteint avec le relevé de l’année 1315, qui énumère 85 biens, et porte à leur aboutissement les divers perfectionnements formels de la série documentaire évoqués précédemment fig. 2 a et b). Il ne s’inscrit toutefois que dans une hausse récente, entamée en 1313, succédant à un palier de plus d’une décennie de listes composées de 63 à 69 objets – un niveau inférieur ou égal à celui de 1298.
14La tendance globale à l’allongement de nos documents, de 1270 à 1315, résulte donc des additions successives d’items opérées lors de la plupart des mandats consulaires. L’examen de ces ajouts éclaire les conditions de la composition des listes, et la finalité de celles-ci. Le soin apporté à la rédaction des relevés, leur normalisation progressive ainsi que l’absence assez générale de ratures suggèrent que leur transcription à la suite des comptes de l’année correspondait à une mise au propre depuis un brouillon préalable (il s’agit alors, on l’a vu, d’une pratique habituelle pour la tenue de la comptabilité du consulat). Mais, à chaque fin de mandat, c’est bien la liste établie l’année antérieure qui constituait la matrice du nouveau récapitulatif des possessions de l’universitas transmises par les consuls sortants à leurs successeurs – ce qui n’excluait pas, d’ailleurs, l’existence d’un brouillon intermédiaire31. Tout au long des quatre décennies considérées, chacun de ces textes commence en effet par reprendre le contenu de celui transcrit dans le registre un an auparavant, en respectant l’ordre d’apparition des biens qui y sont énumérés et en conservant généralement la désignation de ces derniers, à quelques variantes orthographiques près. Les nouvelles entrées sont ensuite reportées en fin de document. L’actualisation annuelle de la liste des biens du consulat représente par conséquent, pour l’essentiel, la reconduction d’un document hérité, prolongé de quelques items supplémentaires : elle ne donne pas lieu à un remaniement visant à opérer des regroupements de nature typologique (sur la base, par exemple, d’une distinction entre les archives et les objets du consulat, ou entre différentes catégories d’écrits), sinon de façon très ponctuelle, par le biais de rares insertions dans la première partie de la liste32. S’ils garantissent une grande stabilité d’ensemble à ce corpus textuel courant sur deux générations, les choix opérés donnent donc aux documents qui le composent l’aspect d’assemblages hétéroclites, juxtaposant des éléments très divers sans autre lien les uns avec les autres qu’une commune appartenance à l’universitas.
Des instruments de contrôle du devenir du patrimoine mobilier communal
15Car la motivation première de ces listes est, rappelons-le, de faciliter le contrôle de la transmission des biens mobiliers de la communauté d’un collège consulaire à l’autre, pour en assurer la conservation. Comme leur préambule l’annonce très explicitement, il s’agit pour les sortants de “rendre” à leurs successeurs les documents et les objets dont ils avaient la garde jusque-là. Cette fonction pratique commandait la composition même des listes, dans la mesure où la solution la plus simple, pour vérifier la présence de l’ensemble des biens dans la maison commune, était de reprendre le relevé de la mandature précédente, d’en pointer les éléments les uns après les autres, puis de le compléter avec tout ce qui avait rejoint le dépôt consulaire au cours de l’année. Nos textes attestent du sérieux avec lequel cette procédure de récolement était effectuée. Dans les marges de la liste de 1315 figurent encore, par exemple, les traces d’un pointage scrupuleux, probablement réalisé à l’occasion de la reddition des biens du consulat de l’année suivante (fig. 2 a et b). Des mentions rendent régulièrement compte de l’attention portée au devenir des objets et documents de l’universitas lors des opérations de vérification : on signale ceux d’entre eux qui manquent à l’appel33, qui ont été confiés à des tiers34, employés à divers usages35, ou qui se trouvent momentanément hors du consulat36.
16Le gouvernement municipal recourait d’ailleurs au terme d’“inventaires” (eventaris) pour caractériser ces relevés. Le scribe chargé de la rédaction de celui de l’année 1309, voulant manifestement s’épargner l’énumération de tous les biens qui figuraient déjà dans la liste de la mandature précédente, se contenta ainsi de faire état, en bloc, de “las cartas e las letras e’ls lhibres e’ls escrihs e l’esplecha e las autras causas que so eventadas davant aquest comte”, avant de détailler, dans trois items, les apports de l’année37. On procéda de la même façon pour la liste de 1330, en renvoyant cette fois à “totas las cauzas contengudas en l’eventari que fo faghs pe’ls autres cossols lor predecessors dels ans MCCCXXVII, e XXVIII, e XXIX”38. Il est à noter que ce qualificatif était alors également utilisé pour désigner d’autres documents, dans lesquels était recensé le contenu du trésor de l’église Saint-Jean-Baptiste et des différents établissements charitables dont le consulat avait la responsabilité39, et qui s’avéraient donc par certains égards complémentaires de nos relevés. Si ces objets n’étaient manifestement pas associés au rituel de la reddition des biens de la communauté par les consuls sortants – sans quoi ils seraient plutôt apparus dans les récapitulatifs sur lesquels s’achevaient les comptes annuels – ils n’en constituaient pas moins, en effet, une composante du patrimoine de l’universitas de Najac, sur laquelle le gouvernement municipal s’efforçait également de veiller grâce à sa mise en liste.
17Le recours au terme eventari pour désigner des textes dont la succession permet de rendre compte de l’enrichissement progressif du dépôt consulaire, et qui servent de support à des procédures annuelles de récolement, ne doit cependant pas faire illusion sur la nature de ces derniers. Listes pratiques avant tout, nos relevés répondent à de strictes préoccupations gestionnaires, qui déterminent leur composition40. Pour les raisons précédemment évoquées, ils sont ainsi dépourvus de toute forme de classement qui pourrait s’apparenter, par exemple, à celui que l’on observe quelques décennies plus tard dans les listes de biens communaux produites par le consulat de la Cité de Rodez, pourtant à maints égards similaires41. On cherchera également en vain, en ce qui concerne les nombreux documents écrits qui s’y trouvent énumérés, un dispositif de cotation ou de référencement comparable à ceux déployés dans les dépôts d’archives de l’époque42, ou même des descriptions matérielles autres que très ponctuelles et sommaires, qui permettraient de faciliter leur recherche dans les coffres municipaux – alors même que la valeur administrative, juridique et mémorielle conférée à ces pièces était on le verra considérable. Ces inventaires annuels apparaissent, enfin, dépourvus de tout caractère systématique.
18On s’en rendra rapidement compte à travers quelques chiffres : pour l’ensemble de la série documentaire conservée, soit 53 textes s’étalant de 1261 à 1331, ce sont en moyenne 5,4 nouveaux éléments qui font chaque année leur entrée dans les listes du consulat (fig. 3), avec une nette tendance à l’augmentation à partir de 1313. Au total, donc, 286 biens auront été introduits dans les inventaires municipaux au cours de la période considérée. On a pourtant signalé que le plus long de ces documents, qui correspond à l’année 1315, ne rassemble que 85 références. C’est donc qu’à chaque nouvelle mandature, lorsque l’on préparait l’inventaire du dépôt consulaire à partir de celui de l’année passée, on décidait d’en retirer certains biens en même temps qu’on lui en ajoutait d’autres, jusque-là absents des listes. Certaines disparitions sont justifiées par les consuls lors des récolements annuels. C’est le cas, évoqué précédemment, de certains objets ou documents perdus, ou que l’on a décidé d’employer à divers usages. D’autres biens n’avaient pas vocation à être durablement conservés dans la maison commune, comme les objets laissés en gage pour couvrir la dette d’un habitant auprès du consulat, dont on reparlera bientôt, ou les instruments notariés attestant de ces créances, qui étaient détruits ou rendus au débiteur une fois celles-ci soldées43.
19Dans bon nombre de cas, cependant, le retrait de certains objets ou documents des listes annuelles des biens de l’universitas résulte moins d’une sortie du dépôt consulaire que d’une décision de l’auteur de l’inventaire de les passer sous silence, probablement en raison d’une importance jugée secondaire. Ce phénomène concerne tout particulièrement les pièces écrites, dont la place dans les inventaires croît rapidement à partir de 1285 (fig. 4), traduisant la forte inflation documentaire qui touche alors le consulat de Najac. Dans ce contexte, beaucoup de lettres ou de chartes n’apparaissent que pendant une durée très brève dans nos listes : certaines ne sont signalées que durant quelques années, d’autres ne sont mentionnées qu’à l’occasion d’une unique reddition de biens. Elles ont généralement en commun d’être liées à des litiges ou des procès dans lesquels est impliqué le consulat, ce qui leur confère une utilité très immédiate, qui s’estompe rapidement une fois ces affaires réglées. Cette caducité explique le choix de les écarter, à plus ou moins brève échéance, des inventaires du consulat. Confrontés à l’intégration chaque année dans l’arca communis d’écrits toujours plus nombreux, les scripteurs évitaient ainsi un allongement excessif de ces listes à la vocation très pratique, qui aurait rendu leur utilisation plus difficile. Les pièces dont l’intérêt ne justifiait plus d’être recensées individuellement à chaque mandature ne disparaissaient pas pour autant du dépôt consulaire, ni d’ailleurs des inventaires de ce dernier. Elles y rejoignaient ces liasses de documents anonymes énumérés en blocs, dont on ne prenait plus la peine de détailler le contenu45.
20De fait, après le sommet atteint par l’inventaire des biens de l’année 1315, nos textes perdent progressivement en précision. Le nombre d’éléments recensés est désormais très irrégulier (fig. 1), en raison de la propension croissante des scripteurs à ne plus signaler que les nouvelles entrées dans le dépôt consulaire et à renvoyer de façon plus ou moins implicite aux listes des années précédentes pour connaître le reste de son contenu47. Lorsque certains d’entre eux reprennent les pratiques privilégiées jusque-là pour la réalisation des inventaires, comme en 1320, 1321, 1323, 1324 et 1329, la sélection des biens qui y figurent apparaît plus stricte : on ne mentionne plus que 51 objets en moyenne dans les listes de ces cinq années (contre 63, rappelons-le, pour les relevés de la période 1299-1315). Sans doute assiste-t-on au déclin d’une pratique documentaire, sinon institutionnelle, dont l’arrêt définitif ne peut toutefois être daté avec précision. Le récapitulatif de l’année 1332, sur lequel se termine le second registre rassemblant les comptes du consulat, ne comprend aucune liste des biens de la maison commune, ce qui pourrait certes s’expliquer par l’éventuelle perte des derniers folios du livre, assez dégradé dans sa partie finale. Mais lorsque la série conservée des comptes consulaires de Najac reprend, à partir de l’année 134948, les cahiers annuels sont désormais dépourvus de tout inventaire.
21Jusqu’à ce basculement décisif, il faut souligner la continuité et l’efficacité des efforts du consulat pour gérer au mieux la multiplication des objets et des documents qui entraient en sa possession et pour veiller à leur pérennité à l’occasion du changement annuel des équipes dirigeantes. C’est grâce au recours à l’écrit que s’est opéré, pendant plusieurs décennies, ce contrôle : par la mise en liste, un ensemble assez hétéroclite de biens déposés dans la maison commune se trouvait maîtrisé, unifié et constitué en trésor de l’universitas49, et, comme tel, en instrument de pouvoir50. La succession des inventaires offre ainsi l’opportunité à l’historien d’explorer ce “bazar de l’hôtel de ville” d’un consulat d’importance moyenne, comme il en existait tant dans le Midi médiéval, et d’en suivre l’évolution sur une période d’une soixantaine d’années.
Le bazar de l’hôtel de ville
22C’est en effet un des mérites de l’exceptionnelle série documentaire qui vient d’être décrite que de permettre une approche dynamique du patrimoine mobilier de la communauté. Si l’on écarte provisoirement les pièces écrites, qui seront abordées spécifiquement plus loin, l’enchaînement des inventaires rend compte de la coexistence au sein de la maison commune de deux ensembles d’objets, au statut très différent. Alors que les premiers n’ont qu’un intérêt circonstanciel pour le consulat, les seconds constituent des attributs matériels du gouvernement urbain, qui ponctuent son action dans l’espace sonore et visuel de la localité. Ils répondent donc à des stratégies de conservation distinctes.
Maison commune ou bric-à-brac ?
23Ce n’est pas sans surprise que l’on découvre d’abord le contenu de l’hôtel de ville de Najac, tel que nous le révèlent les inventaires dressés à chaque fin de mandature. Le siège du consulat constitue en effet le réceptacle d’objets des plus divers, conduits ici dans le cadre de l’administration de la res publica communale, sans pour autant que leur lien avec l’institution municipale apparaisse d’emblée évident. Beaucoup de ces objets correspondent à des accessoires domestiques, de nature assez variée : au fil de la cinquantaine d’inventaires conservés entre 1261 et 1331 sont signalés des pièces de drap, des vêtements (sobrecots), des couvertures (flessadas), des draps (lanssols) et des coussins (cosserils), des nappes (toalas), des couteaux (cotels), des bouillottes (calfalens), des bassines (concas), des poêles et des chaudrons (padenas, pairolas), des landiers (enders) et même des cadres de lit (chalos) et des pentures de porte (reillas de portas)... Si elle peut paraître incongrue de prime abord, la présence de ces objets dans la maison commune répond en fait à des enjeux économiques, aiguisés par le déploiement de la fiscalité municipale précédemment évoqué. Dans la plupart des cas, ils constituent en effet des gages, que des habitants endettés à l’égard de la ville ont remis aux consuls afin de garantir le paiement de leur créance51. La pratique paraît avoir été à l’époque habituelle à Najac, dont la comptabilité municipale enregistre régulièrement le dépôt de divers objets par des contribuables au titre des sommes dues pour leur quote-part des comus levés pendant l’année52. Elle était il est vrai très présente dans un Occident médiéval où le recours aux sûretés réelles jouait un rôle essentiel dans les échanges53. Certains biens conservés dans la maison commune, comme ces quatre pentures de portes ou cet “uihs de la maiho d’en Barau que fo pres per deudes vieills”, paraissent même relever de saisies destinées à entretenir la pression sur le débiteur, plutôt que de dépôts de gages librement consentis par ce dernier54.
24Les coutumes de Najac promulguées en 1255 permettaient à tout créancier de mettre en vente un objet gagé afin de se rembourser d’une dette impayée, sous réserve d’avoir laissé un délai de quinze jours à son débiteur pour s’acquitter de celle-ci, et récupérer son bien55. Des mentions récurrentes dans les registres comptables indiquent que les consuls recouraient assez régulièrement à ce procédé56. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le transfert au consulat d’équipements domestiques ait été, pour un contribuable dépourvu de disponibilités en numéraire, un moyen de payer son impôt en nature57. On comprend donc que les autorités locales aient souhaité veiller d’assez près sur les divers objets qui, chaque année, prenaient ainsi le chemin de la maison commune. D’une part, car le consulat n’en était que le dépositaire et qu’il devait être en mesure de les restituer si son débiteur remboursait sa créance. D’autre part, car, derrière leur apparence triviale, ces biens constituaient des réserves de valeur non négligeables. Leur mise en liste et leur intégration à la procédure de reddition des possessions mobilières de l’universitas sembla sans doute le meilleur moyen d’assurer ce contrôle : il n’est pas anodin que ces objets du quotidien représentent plus de la moitié du contenu du premier inventaire dressé par le consulat, en 126158. Le gouvernement urbain paraît toutefois avoir rapidement hésité sur l’opportunité d’associer au reste du patrimoine municipal des biens conservés à titre de dépôt et destinés d’une façon ou d’une autre à quitter la maison commune à brève échéance. Leur présence se réduit, en effet, significativement dans les inventaires qui suivent, moins en raison d’une diminution du recours à l’engagement d’objets, dont on continue d’observer les traces dans la comptabilité najacoise jusqu’à la fin du second registre, en 1332, que parce qu’on a préféré les énumérer ailleurs59. De là, sans doute, les difficultés chroniques des consuls à rassembler des informations précises sur ces biens, pourtant confiés à leur garde60.
25La mise en gage n’était cependant pas la seule voie par laquelle des objets passaient sous le contrôle de l’universitas. Celle-ci était aussi régulièrement la bénéficiaire de successions, sous deux formes différentes. Les coutumes de Najac prévoyaient, d’abord, que les biens des habitants décédés intestats et sans parent susceptible de recueillir l’héritage devaient être placés pendant un an et un jour sous la garde du consulat. Si un héritier n’avait pas été trouvé au terme de ce délai, ces biens étaient remis au comte de Toulouse61. Les enjeux locaux associés à cette disposition s’avéraient manifestement non négligeables, à en juger par le procès qui s’ouvrit, quelques années plus tard, sur le sort de ces “laissas endistinctas”62. De quoi expliquer la présence dans les inventaires mobiliers de la maison commune de certains objets assez anodins, arrivés-là “per laissas”, que les consuls conservaient pendant la durée prévue légalement et que l’on ne rencontrait plus dans les listes dès l’année suivante63, soit qu’un héritier se soit finalement présenté, soit qu’ils aient été vendus par les agents comtaux ou par le gouvernement municipal. En tant que responsable de la fabrique de l’église Saint-Jean-Baptiste ainsi que des hôpitaux et de la maladrerie de la ville, le consulat était, en outre, également destinataire direct de legs à vocation charitable émanant de pieux habitants. Dans la mesure où les occasions de litiges avec les héritiers principaux ne devaient pas manquer, les testaments fondant les droits de l’universitas à jouir de ces biens étaient conservés avec soin : on a signalé leur énumération scrupuleuse dans les inventaires annuels de la maison commune. Sans doute les dons incluaient-ils des biens immobiliers ou des rentes64, qui ne sont pas signalés dans nos listes. Celles-ci constatent, en revanche, l’intégration au dépôt consulaire de cire ou de cierges (entortas) destinés au luminaire de l’église65, de pièces de draps de pourpre66 et d’or67, ou plus modestement de linge de lit68.
26Ils n’y demeuraient d’ailleurs que fort peu longtemps. Si les accessoires domestiques engagés et non récupérés par leurs propriétaires étaient vite convertis en numéraire grâce à leur mise à l’encan, les objets légués à titre charitable étaient pour leur part rapidement remployés. Ils quittaient donc eux aussi à très court terme les listes des biens entreposés dans la maison commune et rejoignaient probablement les inventaires, précédemment évoqués, que l’on réservait au contenu de l’église Saint-Jean-Baptiste, de la maladrerie et des hôpitaux municipaux. Le destin de certains de ces objets souligne l’implication du gouvernement urbain dans “la mise en œuvre collective du salut par et pour la ville”69. En 1315, les consuls offrent ainsi à un chapelain un des quatre draps de pourpre possédés par la communauté “ad obs de far vestiment a son cors per servir las glieias d’est castel”70. Quelques années plus tard, les deux draps d’or et de soie détenus par la ville sont employés à la réalisation d’un dais (pabalho) “ad obs de portar sobre’l cors de Nostre Senor cant hom fa la processio pel castel a la sua festa”71. Tout en répondant avant tout à des motivations spirituelles, la mobilisation des objets municipaux contribuait ainsi à l’affirmation de l’identité communale najacoise et au prestige du régime consulaire, en liaison avec ce qu’André Vauchez qualifiait de “religion civique”72. Les inventaires des années 1280 rappellent d’ailleurs l’existence d’un penon (penel) qui ornait la croix du pignon (capilh) de la récente église Saint-Jean-Baptiste73. On peut penser que l’étoffe était pourvue des armes de la ville, soulignant le lien étroit unissant l’universitas à ce monument emblématique qu’elle venait de faire bâtir à grands frais.
27Pour dresser un panorama complet du bric-à-brac qui s’entassait dans la maison commune de Najac à la fin du xiiie et au début du xive s., il convient enfin d’évoquer les équipements militaires, dont le nombre et la variété ne cessèrent de croître au fil des années. Deux chapels de fer (“capels de fer”) sont signalés dès le premier inventaire des biens du consulat, daté de 126174. Toujours présents dans l’hôtel de ville en 1275, sous la désignation de “capells jupatz”, leur nombre passe à trois l’année suivante75. S’y ajoute une unique lance (lansa), qui leur est généralement associée dans les listes à partir du début de la décennie 1280. La conservation durable de ces équipements dans le dépôt consulaire tranche nettement avec le sort qui était réservé aux biens évoqués jusqu’à présent, qui n’y demeuraient en général que pour une durée relativement brève. Cela tient assurément aux fonctions qui étaient assignées à ces objets, qu’il est toutefois difficile d’identifier avec assurance : étaient-ils utilisés par les sergents de la ville dans leurs activités quotidiennes au service du consulat ? L’incertitude se dissipe à partir de la fin du xiiie s. L’inventaire de février 1296, qui intègre donc les biens entrés dans la maison commune en 1295, rend compte en effet d’une brusque montée en puissance du petit arsenal communal, dans lequel sont désormais recensés sept “capels jupatz”, dix épées (espazas) et 18 pourpoints (perponchas)76. Il s’enrichit de quatre lances au cours de l’année 1296, complétées de trois lansiers en 1298 – on peine à saisir la distinction qui est faite entre ces deux objets – et de quatre arbalètes trois ans plus tard77. Une mention ajoutée à l’inventaire des biens mobiliers de 1302 explique ces soudaines acquisitions, en précisant que trois des pourpoints ont été confiés aux sergents de la ville qui se sont rendus en Flandre78.
28Il faut par conséquent relier cette présence croissante d’armes dans le dépôt de l’hôtel de ville à la conjoncture politique du royaume de France de l’époque. Intégré au domaine royal avec le reste du comté de Toulouse depuis 1271, le consulat de Najac était assujetti à certaines obligations militaires qui impliquaient notamment d’envoyer à l’ost capétien des hommes d’armes équipés. Les nombreuses acquisitions de l’année 1295 apparaissent donc directement en rapport avec la grande campagne de conquête de la Guyenne anglaise lancée au même moment par Philippe le Bel, tout comme le renforcement de l’arsenal municipal au cours des années suivantes se justifie par la nécessité d’armer les Najacois participant aux opérations belliqueuses du roi en Flandre, qui devaient se solder par le désastre de Courtrai en juillet 130279. La corrélation continue, de fait, de s’observer durant les décennies qui suivent. Après la fin de la guerre de Flandre, permise par la victoire de Mons-en-Pévèle (août 1304) et la négociation du traité d’Athis (juin 1305), le stock d’armes conservé dans la maison commune de Najac n’évolue pas significativement pendant une vingtaine d’années. Tout juste signale-t-on, à l’occasion de l’inventaire du début de 1313, qu’un pourpoint et une arbalète en ont été retirés au cours de l’année échue pour les confier à un certain R. Fraire, “per servizi” – sans doute la contribution de l’universitas à l’ost réuni par Philippe le Bel à Arras en 1312 afin de faire pression sur le comte de Flandre, en vue de la négociation du futur traité de Pontoise80. Les autorités montrent d’ailleurs pendant les années suivantes leur désintérêt pour un arsenal qu’elles ne prennent même plus la peine de signaler dans les relevés des biens mobiliers de la communauté. De façon significative, ce n’est que dans l’inventaire rendu par les consuls de l’année 1324 – celle de “l’affaire de Saint-Sardos” et de la seconde occupation de la Guyenne81 – que l’on voit réapparaître les équipements militaires, qui plus est en tête de liste. On y détaille un grand nombre de pièces achetées par les consuls, pour la plupart à Toulouse, “per razo dels sirvens que alor era comandat que tramezesso en Bordales”82 : 25 justaucorps (gardacorsses), ceintures (senchas) et chaperons (capaires), douze pourpoints de cuir, cinq bassinets, huit targes rondes (targuas redondas), six dards (dartz), six piques de frêne (astas de fraisse), cinq guisarmes (gazarmas) et 22 carreaux d’arbalètes (carels). Un effort financier finalement inutile, puisque les trêves interrompirent la guerre avant même l’envoi du contingent najacois sur le théâtre des opérations83.
29Des casques, des armes et des ceintures, donc, mais aussi des ustensiles de cuisine, du linge, des cierges, des pentures de portes et des chaînes... Au seuil du xive s., un entassement d’objets des plus hétéroclites attendait bien le visiteur qui s’aventurait au second étage de la maison commune de Najac. L’analyse de détail montre toutefois qu’il faut se garder d’une vision réductrice de ce phénomène en l’expliquant, comme l’ont parfois fait les historiens du xixe s., par la fantaisie propre aux gens du Moyen Âge, ou un goût curieux pour l’accumulation. La conservation de ces biens traduit en effet la capacité des consuls à exercer plusieurs des missions essentielles qui leur incombent : lever l’impôt ; veiller au sort des membres de la communauté malades ou misérables, accueillis dans les hôpitaux municipaux ; entretenir et embellir les espaces et les édifices publics et, en premier lieu, l’église principale de la ville, théâtre des grandes fêtes religieuses qui rassemblent sa population ; défendre les habitants en prêtant assistance au seigneur du lieu contre ses ennemis. Cette composante majoritaire du “bazar de l’hôtel de ville” constitue ainsi une émanation indirecte, mais très concrète, du bon gouvernement de l’universitas dont elle vient témoigner. Ces objets revêtent cependant, avant tout, un strict intérêt pratique84. C’est leur valeur d’usage et/ou d’échange qui détermine leur dépôt au sein de la maison commune et leur prise en compte dans les listes des biens mobiliers du consulat. Pour cette même raison, ils n’y figurent le plus souvent que de façon éphémère ou intermittente, soit qu’ils quittent à brève échéance les coffres municipaux en raison de leur liquidation ou de leur transfert, soit qu’on décide de les passer sous silence lors du récolement annuel car ils n’ont plus qu’une utilité secondaire pour le gouvernement urbain. Ce bric-à-brac représente, de ce point de vue, la partie la plus soluble du patrimoine municipal.
30C’est loin d’être le cas d’autres objets qui figurent quant à eux de façon très récurrente dans nos textes en conservant en général, d’un inventaire à l’autre, la même désignation et la même position dans l’ordre de succession des items. Ces éléments “monumentalisés” des listes, cœur du trésor communal, ont pour point commun d’être directement liés au fonctionnement courant du consulat et de constituer par leur nature même des instruments d’expression du pouvoir local sur l’espace public. Ils correspondent donc dans une certaine mesure à ces sémiophores décrits par Krzysztof Pomian à propos des collections qui, par-delà leur utilité directe ou leur valeur vénale, représentent des objets signifiants, incarnant des réalités invisibles85. Attributs matériels d’un gouvernement exercé au nom de l’universitas, ces biens renvoient à l’identité même de la communauté politique najacoise, dont ils concrétisent l’existence et témoignent des libertés.
Cloche et trompes communales. Mettre en son l’autonomie municipale
31L’autonomie municipale s’exprime en premier lieu dans l’espace sonore de la ville. On pense bien sûr immédiatement au rôle joué par la cloche qui équipait généralement les communes et consulats du Midi médiéval86. Comme dans le cas de Saint-Affrique évoqué en introduction, l’accès de l’universitas à la reconnaissance institutionnelle impliquait dans le Rouergue de cette époque le bénéfice d’un tel équipement, qui la dotait d’un signe identitaire fort, fréquemment représenté sur les sceaux urbains87, employé pour alerter et rassembler la communauté d’habitants et ses représentants. Le consulat de Najac disposait donc de la sienne, sans doute installée dans la tour de l’hôtel de ville88. Si elle n’est pas évoquée directement dans les inventaires de la maison commune, qui se limitent à en énumérer les biens les plus mobiles, ceux de la fin du xiiie s. pourraient en signaler implicitement l’existence à travers la mention des deux battants de petites cloches (“dos batalhs d’esquillas”) présents dans le dépôt consulaire89, soit qu’ils constituent des pièces de rechange, soit qu’il s’agisse d’éléments endommagés et remplacés, mais conservés en vue d’un remploi éventuel.
32Le poids de la cloche municipale dans l’affirmation de l’identité politique communale ne doit cependant pas éclipser d’autres équipements plus modestes, mais qui n’en contribuaient pas moins au marquage sonore quotidien de l’espace public de la part de l’autorité consulaire. Des trompes (trompas) sont ainsi signalées dans l’hôtel de ville dès l’inventaire des biens de 1261, dont on a vu qu’il constitua la première tentative d’organiser la conservation et la transmission des possessions mobilières de l’universitas. La prise en compte précoce de ces instruments, recensés dans la liste entre la caisse contenant les coutumes du castrum et les enseignes de la ville, témoigne de l’importance qui leur était alors conférée. Les trompes figurent, de fait, parmi les objets du pouvoir municipal évoqués avec le plus de constance dans la série documentaire étudiée ici. Elles sont en effet présentes dans plus de 77 % des inventaires conservés jusqu’en 1331 (fig. 5), avec deux phases très distinctes. Entre 1261 et 1315, les trompes ne sont omises dans aucun des relevés, à l’exception de celui de 1309 dont le scripteur, on l’a dit, avait décidé de ne retenir que les éléments nouvellement intégrés au dépôt consulaire, en renvoyant en bloc à la liste de l’année précédente pour “las autras causas que so eventadas davant aquest comte”90. Elles disparaissent en revanche de la dizaine d’inventaires ultérieurs, alors même que d’autres objets du gouvernement consulaire continuent d’y être signalés. Cette éclipse s’avère difficilement explicable : il semble hautement improbable qu’elle résulte d’une perte qui n’aurait pas été réparée, ou d’un moindre intérêt pour ces équipements, tant ceux-ci jouaient un rôle essentiel dans les stratégies de communication des autorités locales médiévales.
33À partir de l’inventaire de 1271 (qui constitue, chronologiquement, le troisième dressé par le consulat), ces trompes sont systématiquement assorties d’une trompette (nafil), citée à leur suite dans le même item, et qui disparaît d’ailleurs de nos listes avec elles. Cette association, que l’on retrouve dans d’autres localités du Midi91, pose la question des usages spécifiques à chacun de ces instruments, sachant que le choix de la trompe ou de la trompette dépendait de toute évidence du degré de puissance sonore recherché par les autorités qui y recouraient92. Tous étaient cependant confiés par les consuls pendant l’année de leur mandature à un même trompador, faisant également office de crieur93. À Najac, comme dans de nombreuses villes de l’époque94, ce personnage représente la voix de l’autorité municipale : nommé par le consulat et assermenté95, il est notamment chargé de proclamer les ordonnances et les divers avis que le gouvernement communal souhaite porter à la connaissance des habitants. Les trompes contribuent à l’efficacité de la transmission de l’information en attirant l’attention de la population avant l’annonce, en signalant éventuellement la fin de celle-ci, et en inscrivant l’événement dans une certaine solennité. Elles sont également mobilisées à l’occasion de rituels accompagnant l’exécution des décisions des autorités locales, comme par exemple le châtiment d’un condamné judiciaire96.
34Trompes et trompette municipales participent ainsi pleinement de la théâtralisation du gouvernement de la communauté97. Elles “définissent un ordre et un espace”98, celui du pouvoir consulaire et de sa juridiction, concourant à la mise en son de l’autonomie communale en signifiant l’exercice des prérogatives concédées à l’universitas. La capacité de ces objets à représenter l’autorité municipale est d’ailleurs renforcée par le recours à des supports visuels qui en complètent et relayent le message sonore. C’est d’abord la robe distinctive, éventuellement aux couleurs de la ville, que revêtaient crieurs et sonneurs de trompes, pratique que la documentation conservée ne permet pas d’attester pour Najac, mais qui est régulièrement signalée dans la France méridionale de la fin du Moyen Âge99. Les inventaires de la maison commune des années 1271 à 1279 y mentionnent, en revanche, la présence de deux pennons (penos) qui équipaient trompes et nafil100, sur lesquels devaient figurer les armes de la communauté, peut-être associées à celles de son seigneur, comme sur le sceau municipal. L’investissement du consulat dans des marqueurs visibles de son pouvoir, susceptibles de se combiner avec les vecteurs sonores de transmission du discours de l’autorité, se renforce d’ailleurs à partir de 1280, quand ce sont désormais trois pennons qui sont associés aux trompes et à la trompette communales101. Cette démarche paraît relever d’une stratégie globale, que l’on observe pour les autres attributs matériels du gouvernement najacois.
Des sceaux aux mesures marchandes. Visibilité du pouvoir consulaire et identité communale
35Pour qui s’intéresse aux objets déployés par les autorités communales dans le cadre de l’administration de la res publica locale, et offrant le témoignage visible de l’existence institutionnelle de l’universitas, le sceau urbain fait figure d’incontournable. Il n’est guère besoin d’insister sur l’importance de ces empreintes de cire qui, au-delà de leur utilité pratique – authentifier les actes produits et ratifiés au nom de la communauté d’habitants –, constituent des pièces maîtresses de la “mise en signes” de l’autorité urbaine, véhiculant un message symbolique pensé comme un manifeste de l’identité singulière de la ville102. Le consulat de Najac ne fait évidemment pas exception. La décision, prise dès avant 1243, de se doter de cet objet de prestige – il existe, en effet, à l’époque bien d’autres solutions de validation documentaire103 – participe on l’a dit d’un mouvement plus général d’affirmation du gouvernement urbain autour du milieu du xiiie s., qui se concrétise également à travers l’adoption d’une maison commune et l’obtention d’une charte de coutumes d’Alphonse de Poitiers.
36Que la matrice du sceau qui identifiait et engageait la communauté civique soit signalée avec une belle régularité dans les coffres de l’hôtel de ville n’a rien pour surprendre : on la trouve mentionnée dans plus de quatre inventaires municipaux sur cinq, ce qui en fait un des attributs du gouvernement consulaire les plus fréquemment cités dans notre série documentaire (fig. 5). Il est en revanche plus étonnant qu’elle ne fasse son apparition dans celle-ci qu’à partir de la troisième liste, réalisée au début de l’année 1271. On s’explique mal qu’un objet chargé d’un tel poids symbolique, à l’existence avérée depuis trois décennies, ait pu être omis dans des relevés dont le but était précisément d’assurer la pérennité du patrimoine communal. Doit-on supposer que la valeur même de la matrice sigillaire avait conduit les autorités à lui assigner jusque-là un autre lieu de conservation, ou à inscrire son transfert d’un collège consulaire à l’autre dans un rituel différent de celui de la reddition des biens de l’universitas ? Faut-il plutôt envisager une perte, qui n’aurait été réparée qu’en 1270 ? Les listes qui s’enchaînent au cours de la soixantaine d’années suivantes laissent en tout cas percevoir la place privilégiée rapidement accordée au sceau dans le dépôt municipal. D’abord recensée à la suite des autres grands marqueurs de l’autorité consulaire que sont les trompes et les enseignes, qui avaient l’avantage d’avoir été intégrées plus tôt aux inventaires de la maison commune104, la matrice sigillaire est ramenée dès 1283 au premier rang des objets qui s’y trouvent énumérés et ne cède plus désormais la prééminence qu’aux chartes fondamentales du consulat (coutumes d’Alphonse de Poitiers, titre d’accord avec le prieur du castrum et leurs copies).
Fig. 5. Les objets du pouvoir municipal dans les inventaires des biens de la maison commune de Najac (1261-1331).
Type d’objets | Nombre d’inventaires dans lesquels figurent les objets | Soit, en % du nombre total d’inventaires conservés |
Sceaux (sagel) | 43 | 81,1 % |
Étalons des mesures du vin et de l’huile105 | 43 | 81,1 % |
Enseignes (seinheiras) | 42 | 79,2 % |
Trompes (trompas) | 41 | 77,4 % |
Étalon de l’aune des draps | 40 | 75,5 % |
Trompette (nafil) | 39 | 73,6 % |
Étalons des poids106 | 38 | 71,7 % |
Mesure de la carte de blé | 37 | 69,8 % |
Mesure de l’émine de blé107 | 35 | 66 % |
Clés des portes de la ville | 27 | 50,9 % |
Senhal des cartes du blé | 22 | 41,5 % |
37En dépit de l’intérêt si manifeste qu’on accordait au sagel municipal de Najac, son histoire semble assez mouvementée au cours de la période documentée par nos inventaires. Trois ans après son apparition dans ces derniers, l’emploi du terme au pluriel signale que le consulat s’est doté d’une seconde matrice consulaire, scrupuleusement recensée dans les listes successives jusqu’en 1282108. Elle a toutefois disparu de la maison commune l’année suivante, quand le sceau communal est à nouveau mentionné au singulier, sans qu’il soit précisé si cela est dû à une perte ou à une destruction volontaire. Il faut attendre 1290 pour qu’un changement de désignation de cette matrice, qualifiée désormais de “sagel gran”, laisse entendre qu’une seconde, plus petite, est en cours de réalisation, sans avoir encore été intégrée au dépôt municipal. C’est chose faite lors de la rédaction de l’inventaire qui suit, qui distingue grand et petit sceau109. Dès 1306, le récolement annuel des biens de l’universitas aboutit toutefois au constat que seul le grand sceau se trouve encore à la maison commune, “car lo pauc est perdutz”. Ce n’est qu’en 1313 que cette seconde matrice réapparaît dans les inventaires, après son remplacement110. De ces vicissitudes, on retiendra que le consulat de Najac s’est très tôt préoccupé de se doter de deux empreintes sigillaires de différent format, qui répondaient de toute évidence à des usages distincts. On peut supposer que le grand sceau était utilisé à des fins de représentation, pour témoigner de l’engagement de l’universitas najacoise sur des actes de première importance, ou destinés à de puissants interlocuteurs. Utilisée moins souvent, ou peut-être surveillée de plus près, sa matrice ne semble pas avoir été perdue tout au long de la période couverte par notre documentation. L’apparition en 1274 d’un second sceau, plus petit, paraît en revanche répondre à des besoins plus réguliers, liés à l’importante inflation documentaire qui touche à l’époque le consulat, dont on parlera bientôt. Moins solennel, il est aussi celui qui est le plus fréquemment employé et dont la matrice est la plus susceptible d’être détériorée ou de se perdre, ce qui provoque sa disparition périodique des inventaires de la maison commune. Aussi décide-t-on de l’enchaîner en 1319111.
38À les considérer en tant qu’attributs matériels du gouvernement urbain, et donc comme marqueurs du pouvoir municipal et vecteurs de communication politique, ces objets s’avèrent relativement ambivalents. Car si les empreintes produites à l’aide de ces matrices sigillaires véhiculent bien un discours symbolique mettant à l’honneur le consulat et la communauté d’habitants et signifiant la singularité de cette dernière, celui-ci ne peut guère être reçu que par un public très restreint formé par les clercs de chancellerie, les agents royaux et les divers notables à qui les actes émis ou validés par l’universitas sont adressés. C’est du reste à ce public qu’est destiné un instrument de communication aussi solennel que le “sagel gran del cossolat”, dont les empreintes conservées affirment visuellement la fidélité de la communauté à l’égard de ses seigneurs successifs112. La grande majorité de la population najacoise, en revanche, ne devait que très exceptionnellement avoir l’occasion d’observer de près “son” sceau municipal et demeurait donc, dans une large mesure, étrangère au message politique qu’il exprimait. Il revenait dès lors à d’autres médias de relayer visuellement l’action du consulat, à destination du plus grand nombre.
39Les enseignes ou bannières (seinheiras ; banieiras113) sont de ceux-ci. Leur présence dans l’hôtel de ville est rappelée dès le premier inventaire de 1261, et on les retrouve au cours des décennies suivantes dans près de 80 % des listes annuelles (fig. 5). Elles forment donc, aux côtés des sceaux et des trompes précédemment évoqués, un des éléments les plus stables du trésor communal. Cette place dans le noyau dur des attributs matériels du gouvernement consulaire de Najac rend compte de l’importance conférée par les autorités à ces objets, réalisés dans des tissus de grande qualité114, et dont le nombre connaît une augmentation rapide au début de la période étudiée : alors que l’inventaire de 1261 n’évoque qu’une unique enseigne dans la maison commune, celui de 1271 en signale désormais deux, et celui de 1275 trois115. Une évolution concomitante de celle déjà observée à propos des pennons ornant les trompes et trompette communales, que les rédacteurs des inventaires distinguent des bannières, mais qui n’en participent pas moins de la même stratégie de marquage visuel de l’espace par l’autorité consulaire à l’occasion de certains événements.
40On pense bien sûr, en premier lieu, aux expéditions militaires, où les enseignes sont habituellement déployées pour identifier la communauté en armes remplissant ses obligations féodales envers son seigneur116. Cet usage renvoie à la présence continue dans l’hôtel de ville entre 1275 et 1315 d’une tente (trap) avec son équipement117, généralement énumérée dans l’item précédant celui consacré aux enseignes, que les consuls prêtent au sénéchal de Rouergue lors de la campagne de Guyenne de 1295118. Il n’est pas anodin qu’elle soit, elle aussi, dotée d’un pennon faisant probablement écho à la bannière communale et venant rappeler aux yeux de tous la mobilisation de l’universitas najacoise119. Mais les enseignes n’étaient pas pour autant dépourvues d’usages civils. Il est rappelé en 1315 qu’elles étaient en effet également confiées aux crieurs publics lorsqu’ils officiaient120, ce qui contribuait à inscrire la performance de ces derniers dans un environnement saturé de références visibles et audibles à l’action du consulat au service de l’universitas. Le message explicite diffusé par l’officier municipal, dont le préambule s’attachait en général à nommer les autorités à l’origine de l’ordonnance, à insister sur leur concertation avec “tot lo comunal del castel” dans la prise de décision, et à justifier celle-ci “per la utilitat e per lo comunal profieg del dig castel e dels habitans”121, se trouvait renforcé par un dispositif de communication implicite conférant à l’événement solennité et légitimité : le son de la trompe et le costume distinctif du crieur venaient signifier le pouvoir, tandis que pennons et bannières identifiaient la communauté d’habitants au nom de laquelle ce même pouvoir s’exerçait.
41Le déploiement par le consulat de ce vaste système de marqueurs visuels de son autonomie de gouvernement impliquait également certains attributs de l’autorité locale souvent négligés par les historiens. C’est le cas des étalons des poids et mesures qui, à lire les inventaires des biens mobiliers la maison commune de Najac, font partie du cœur du patrimoine municipal : ceux des mesures du vin et de l’huile y sont cités aussi souvent que les matrices sigillaires, tandis que les autres (aune des draps, poids d’une livre et d’une demi-livre, mesures du blé) sont mentionnés dans les deux-tiers à trois-quarts des listes (fig. 5). Rien que de bien normal dans un monde où régnait la plus extrême diversité métrologique, et où la police des échanges du quotidien constituait l’une des premières missions déléguées par les seigneurs à leurs bourgs marchands, l’exercice du bon gouvernement consistant d’abord à garantir les conditions d’un approvisionnement satisfaisant de la population en luttant contre l’accaparement et les fraudes en tout genre122. Comme dans les autres villes de la région123, il incombait donc aux consuls de Najac de conserver des modèles précis des poids et mesures en usage dans le castrum, afin d’être en situation de vérifier la conformité des instruments utilisés localement par les habitants et les marchands forains124 et de punir éventuellement les contrevenants selon les dispositions prévues par la charte de coutumes de 1255125. Ainsi constate-t-on l’apparition d’un étalon de l’aune de Figeac dans l’inventaire de la maison commune de 1283 en réponse à l’ordonnance prise cette année-là, visant à imposer cette mesure aux drapiers de Najac126. À l’inverse, l’intégration au dépôt consulaire d’une pièce de drap contrefaite, qui y est consciencieusement répertoriée entre 1285 et 1289127, paraît résulter du souhait d’y confronter des tissus douteux, afin de vérifier qu’ils contreviennent bien aux réglementations locales sur la production textile.
42La conservation de ces étalons dans l’hôtel de ville témoignait certes, de façon concrète, de la réalité des prérogatives du consulat najacois en matière de police commerciale, tout comme on a pu voir que les gages qui y étaient déposés exprimaient physiquement sa capacité à lever l’impôt. Il est plus intéressant de noter la mise à contribution du dispositif métrologique local dans le projet d’ensemble du pouvoir municipal de renforcer sa visibilité sur l’espace public. On sait que la frappe et la mise en circulation de certains poids ont pu servir de support à l’expression symbolique d’une autorité municipale, renforcée par la diffusion de ces instruments à plus ou moins grande échelle dans les bagages des marchands128. Un résultat comparable pouvait s’obtenir grâce à la pratique du marquage des poids et mesures des particuliers pour en certifier la conformité aux standards communaux. On a vu au début de cette enquête qu’elle faisait partie des concessions accordées par le roi de France aux habitants de Saint-Affrique en 1311, qui pouvaient recourir pour cette opération à leur propre signum. Il n’est donc pas anodin de constater l’apparition, dans l’inventaire des biens de la maison commune de Najac de 1290, d’un “senhal de las cartas”129, sans doute destiné aux mesures à blé de ce nom, qui devait remplir les mêmes fonctions pour ce consulat. Il ne fait guère de doutes que ce senhal constitua dès lors un instrument important dans l’affichage matériel du pouvoir municipal au sein de la communauté : répertorié dans près des deux-tiers des inventaires ultérieurs, il est l’objet d’une grande attention de la part des autorités qui le remplacèrent dès 1298 pour en modifier le signe figuré130. Il est vrai que cette pratique du marquage aboutissait à faire de ces mesures à blé – évidemment largement utilisées dans la ville médiévale – des relais très efficaces de la communication visuelle du consulat auprès de la population dans son ensemble.
43Au total, il est frappant de constater l’ampleur et la convergence des initiatives du consulat de Najac pour renforcer au cours des années 1270-1290 un ensemble d’attributs matériels du pouvoir communal à la puissante charge symbolique. En jouant de la complémentarité de ces différents objets, susceptibles d’incarner le gouvernement urbain sur les plans visuel et sonore, les autorités poursuivaient plusieurs objectifs. Auprès des interlocuteurs extérieurs, l’usage d’un sceau de représentation, le déploiement des enseignes et des attributs militaires à l’occasion des levées d’ost, mais aussi la conservation scrupuleuse des clés des portes de la ville131 permettaient de mettre en scène la fidélité de la communauté vis-à-vis de son seigneur, ainsi que son importance dans le jeu politique régional, qui justifiaient de la faire bénéficier de la faveur princière. Auprès des habitants, la saturation de l’espace public par le son des cloches, des trompes et trompette communales et par la profusion des bannières, pennons et signa permettaient de “marquer la ville”, de témoigner au quotidien du bon gouvernement de la res publica, et d’exalter l’autonomie d’une universitas forte de ses nombreuses libertés et prérogatives. Des réalisations monumentales, encore conservées aujourd’hui, soutenaient au même moment ces efforts pour bâtir une identité collective sous l’égide du consulat. C’est d’abord l’église Saint-Jean-Baptiste, œuvre de la communauté, financée grâce à la saine gestion de la fiscalité municipale par le gouvernement urbain. Mais l’on pourrait également évoquer la réalisation de la fontaine du Griffoul, achevée en 1344, dotée d’une vasque au décor figurant notamment le visage des consuls de l’année, dont il s’agissait sans doute d’exalter l’œuvre édilitaire, concourant au bien commun132.
44Une telle débauche de moyens, dans une chronologie aussi resserrée, répond à l’évidence à des enjeux politiques locaux de première importance. Il est à cet égard tentant de rapprocher cette soudaine multiplication des attributs matériels du gouvernement communal de Najac, et sa mise au service d’un pouvoir désireux de théâtraliser son action au service de l’universitas, des vives tensions qui parcouraient la communauté d’habitants depuis le début des années 1260 au sujet de la répartition de l’impôt destiné à financer la construction de l’église Saint-Jean-Baptiste puis, à partir du règne de Philippe le Bel, à répondre à la pression croissante de la fiscalité royale133. L’opposition entre le “comunal major” et un “comunal menor” s’estimant “mout agreviatz” par les pratiques des potentats locaux était appelée à se prolonger jusqu’au moins le début du xive s.134. On conçoit donc que l’activation de l’idéal communautaire ait pu constituer, pour l’oligarchie qui tenait solidement les rênes du consulat tout au long de la période, un moyen de renouer les liens distendus de la collectivité135. En complément des actions qui viennent d’être décrites, la mobilisation d’un autre des attributs matériels du gouvernement urbain – l’arca communis, ou ce qui en tenait lieu à Najac – pouvait lui fournir un levier majeur.
Les archives du consulat, ou la construction d’une “communauté du droit et du souvenir”136
45Rappelons en effet que “la réunion en un lieu d’archivage constitue déjà une première forme de manifestation matérielle et symbolique du groupe ou de l’institution sociale qui les conserve”137. On peut donc s’interroger sur l’écrit comme attribut matériel, c’est-à-dire sur la façon dont les archives – en tant que lieu de stockage des titres du consulat mais aussi en tant qu’ensemble documentaire y étant conservé – sont associées à l’exercice concret du pouvoir municipal et servent en même temps à l’identifier et le légitimer. Afin d’éclairer ce processus, il est d’abord nécessaire de dresser un état de l’évolution de ce corpus documentaire. Les inventaires des deux registres de comptes permettent d’observer de manière très fine l’évolution et l’organisation progressive des archives entre 1261 et 1330, mais aussi la façon dont elles sont envisagées par les consuls, qui distinguent notamment un “noyau dur” au sein d’une masse documentaire assez mouvante.
État du fonds documentaire du consulat de Najac entre 1261 et 1330
46Le premier constat lorsque l’on considère l’ensemble des inventaires des deux registres de comptes est la croissance, d’une part, de la masse documentaire conservée et de la précision avec laquelle elle est décrite, d’autre part, de sa proportion par rapport à l’ensemble des objets du trésor consulaire (fig. 4). Cette évolution globale s’observe aisément en mettant en rapport quelques inventaires situés à intervalles réguliers entre 1261 et 1330 (fig. 6).
Fig. 6. Nombre d’entrées et part des écrits dans six inventaires entre 1261 et 1330.
Date | 1261 | 1280 | 1290 | 1300 | 1315 | 1330 |
Entrées portant sur des écrits | 1 | 8 | 29 | 37 | 57 | 42 |
Part des | 8,5 % | 25 % | 53 % | 58 % | 63,5 % | 72,5 % |
47Jusqu’en 1315, le nombre d’entrées relatives à des écrits est en constante augmentation ; leur diminution entre 1316 et 1330 est due, on l’a vu, à une nouvelle pratique relative aux inventaires, désormais moins détaillés. Surtout, la part des écrits dans les entrées des inventaires connaît une forte croissance (jusqu’à en représenter quasiment les trois quarts à la fin de la période), en particulier dans les années 1280 : durant cette seule décennie, la part des écrits passe du quart à plus de la moitié de l’ensemble. Gardons toutefois à l’esprit qu’aucun des inventaires, même parmi les plus détaillés, n’offre de liste exhaustive de tous les écrits conservés au consulat : alors qu’une soixantaine de documents sont par exemple décrits en 1315, sept ensembles sont mentionnés sans être détaillés. Les lettres reçues de l’administration royale illustrent bien ce phénomène. L’inventaire de 1315 indique en effet vaguement deux lots de “ganre de letras del rei” 138, mais certaines d’entre elles sont décrites individuellement : c’est le cas de la lettre autorisant les consuls à faire construire une nouvelle maison commune (1276), ou de celle de reconnaissance de la dette de 800 livres que doit le roi au consulat (1286)139. Cet exemple met ainsi en évidence la distinction qui est faite entre une masse documentaire sans cesse augmentée par le fonctionnement normal du pouvoir et qui n’est que vaguement mentionnée dans les inventaires, et quelques documents qui se distinguent de cette masse par leur importance pratique ou leur portée symbolique. Ceux-ci sont alors inventoriés de façon plus méticuleuse et constituent des dénominateurs communs de la plupart des inventaires140, en raison de l’importance des enjeux de leur conservation dans le cadre de l’exercice du gouvernement consulaire.
48Sans en faire une description détaillée, sans grand intérêt et nécessairement non exhaustive, il est possible d’identifier, parmi tous ces documents qui s’accumulent dans la maison commune, quelques familles d’écrits, correspondant chacune à un champ d’action du pouvoir consulaire. Se présentent d’abord tous les documents qui forment un cadre normatif de référence pour la communauté : la charte de coutumes concédée par le comte de Toulouse Alphonse de Poitiers en 1255 et ses copies, les ordonnances promulguées par les consuls et mises par écrit, les ordonnances émises par le pouvoir royal et reçues sous formes de lettres ou de chartes, la charte des prérogatives du prieur. Viennent ensuite les documents de gestion et d’administration, comme les registres de comptes du consulat, un rôle de dettes, plusieurs livres relatifs aux hôpitaux et à la maladrerie (comptes, inventaires, actes de réception de malades), un registre des comptes du luminaire de l’église paroissiale, etc. Se trouvent également de nombreux actes judiciaires, de procès et d’enquête, qui concernent soit directement le corps municipal, soit des particuliers141. Figurent enfin d’autres actes privés qui intéressent le consulat : donations testamentaires, échanges, reconnaissances de dette, prestations de serment, etc. Étant donné la nature des inventaires, il est difficile de mesurer précisément le volume relatif de chacune de ces quatre familles d’écrits dans les archives. L’inventaire dressé en 1315, particulièrement long, en donne peut-être une image assez fiable (fig. 7). Les écrits normatifs et de gestion, qui apparaissent largement minoritaires face à une masse de documents plus ponctuels ou devenus désuets, constituent véritablement le noyau dur des archives : ils sont, pour la plupart, les premiers et les plus constants à apparaître dans les inventaires, et les seuls à avoir, en partie, subsisté jusqu’à aujourd’hui.
49À cette accumulation d’écrits apparemment exponentielle, caractéristique de la “révolution documentaire” que connaît l’Occident aux xiie et xiiie s.143, le consulat de Najac apporte une réponse par une organisation croissante de ses archives.
Accumulation et organisation : la structuration des archives du consulat
50La question de l’organisation des archives, et donc de leur efficacité en tant qu’outil du gouvernement consulaire, pâtit du manque de précision des inventaires avant le début du xive s. Les codices utilisés par les consuls dans la seconde moitié du xiiie s. semblent en tout cas avoir un caractère assez hybride. Le premier registre de comptes conservé (1258-1288) contient par exemple, en début et fin de volume, quelques ordonnances et autres types d’actes datés de 1260 à 1298. En 1285, à la suite du décès de R. de Selanh, les consuls récupèrent “l’autre grand livre du consulat”, registre notarié dans lequel le défunt transcrivait divers actes relatifs aux affaires de la communauté144. Toutefois, à partir de 1280, les codices et rôles spécifiques se multiplient (fig. 8) et sont autant d’outils perfectionnés de gestion des affaires de la communauté. La pièce maîtresse de cet ensemble est le Livre des coutumes, confectionné en 1299 pour rassembler les textes normatifs de référence de la communauté (chartes de coutumes et ordonnances consulaires), lesquels sont précédés d’un calendrier.
Fig. 8. Codices et rôles spécialisés figurant dans les inventaires des consuls de Najac (dates de première mention).
Codices | Rôles |
- Cahier d’établissements (1280) - Livre de comptes du luminaire de l’église (1286) - Livre des coutumes (1299) - Livre des inventaires des hôpitaux (1302) - Livre de procédures contre les malfaiteurs (1321) - Livre d’actes de réceptions de lépreux (1321) - Livre des reconnaissances féodales au roi, réalisé en 1285 (1321) 145 - Livre d’inventaires de la maladrerie et de l’église (1321) - Sept livres concernant la maladrerie (1321) - Cahier d’actes judiciaires concernant le plaid de R. de Garissolas (1325) | - Rôle des vieilles dettes (1293) - Rôle d’établissements relatifs à la baylie et aux notaires (1294) - Rôle de quelques appels en justice (1320) - Quatre rôles d’actes concernant les droits de péage (1329) - Rôle d’un plaid mené à la cour de Rodez (1329) - Rôle d’actes contre Mgr P. Calvet (1329) |
51Quant aux écrits “volants” (chartes et lettres), seule une caisse les contenant tous est mentionnée jusqu’en 1270146. En 1271, les consuls font l’acquisition d’une caissette pour y ranger la charte de coutumes147. Cette action constitue l’une des premières traces d’un effort d’organisation et de rationalisation des archives du consulat, par l’individualisation matérielle du document le plus important conservé à la maison commune (et qui était aussi, dès 1261, le tout premier à être inventorié). L’on voit ensuite se multiplier les boîtes spécialisées : une dizaine sont inventoriées en 1329, en plus du grand coffre qui renferme sans doute l’ensemble (fig. 9), et quatre nouvelles caissettes sont achetées en 1331 pour y ranger des lettres148. Cette pratique peut s’accompagner de la réalisation d’assemblages documentaires thématiques : en 1320, deux chartes d’appels en justice sont regroupées en un rôle149 ; en 1325, trois rôles sont confectionnés à partir de 45 chartes150 ; en 1329 enfin, trois liasses de documents sont mentionnées151.
Fig. 9. Boîtes d’archives mentionnées dans l’inventaire de 1329152.
[un contenant] de bois couvert de peau noire, fermé d’une serrure, contenant une charte de composition du prieur de Najac scellée de quatre sceaux, la lettre de confirmation de la maison du consulat scellée du sceau vert du roi, et quelques autres chartes et lettres |
Une caisse longue de bois contenant une charte de composition entre les consuls et l’ancien prieur de Najac B. de Valantres, et quelques autres chartes |
Une caisse longue de bois contenant une charte d’accords entre les consuls et R. Audeguier, et quelques autres chartes menues |
Un étui (brostia redonda) de cuir, fermé d’une serrure, contenant plein de lettres scellées du roi à propos de Verfeil et de Sauveterre, et de quelques autres affaires |
Deux étuis blancs et une boîte (massapa) contenant plein de lettres scellées du roi |
Deux caissons de bois blancs contenant plein de lettres scellées du roi |
Une petite boîte contenant plein de lettres du roi |
La grande caisse fermée de deux serrures contenant les chartes, écrits et lettres du consulat |
52À partir de la fin du xiiie s., on répond donc à l’accumulation documentaire par des procédés d’organisation thématique des écrits, soit par l’utilisation de registres ou de rôles spécialisés, soit par des regroupements en liasses ou dans des boîtes. Cette accumulation est par ailleurs ponctuée d’opérations de tri, de copie et parfois de traduction : la charte de coutumes de 1255 est copiée une première fois en 1264, traduite en vernaculaire en 1299 dans le Livre des coutumes, et cinq vidimi au moins en sont réalisés entre 1255 et 1326. Les ordonnances consulaires, d’abord éparpillées dans les archives, sont triées et mises en registre une première fois en 1280, puis en 1299 dans le Livre des coutumes ; les documents originaux, déconsidérés, ne sont ensuite plus mentionnés dans les inventaires, et on peut supposer qu’ils ont été retirés des archives. Nous est également parvenu un cahier long de papier dans lequel figurent quelques ordonnances royales datées de 1285 à 1315153 : le document constitue un recueil de copies authentiques d’actes royaux, accompagnées chacune d’une traduction en vernaculaire qui devait faciliter leur compréhension, leur diffusion et leur utilisation. Comme nous l’avons vu, c’est aussi à partir de 1280, soit en même temps que commencent à se multiplier les registres et contenants spécialisés, que se perfectionnent les inventaires annuels. Ceux-ci apparaissent ainsi comme une technique scripturaire participant de cette accumulation maîtrisée de l’écrit. En fin de compte, c’est bien l’ensemble de ces procédés matériels et scripturaires qui facilite la mobilisation et l’utilisation des documents du consulat et fait véritablement de ses archives un outil efficace de gouvernement.
53Ces archives se trouvaient dans la maison consulaire. Celle-ci comporte alors deux parties distinctes : une pièce principale, le “cossolat”, où se tiennent les réunions du gouvernement municipal et la signature des actes, et une seconde pièce ou une petite tour appelée la “cambra”, abritant sans doute les archives et, plus globalement, l’ensemble du trésor consulaire154. Jusqu’en 1270, ces archives consistent, comme nous l’avons vu, en une caisse contenant tous les documents du consulat, ou peut-être tous sauf les registres. Il est ensuite difficile de savoir si l’ensemble des boîtes, liasses, codices et rôles qui se multiplient était lui-même conservé dans un plus grand coffre ou entreposé séparément. En 1323, il est en tout cas fait mention d’“une grande caisse dans laquelle sont les livres et les écrits du consulat”155. Il s’agit d’un coffre verrouillé de deux serrures, qui apparaît à partir de 1289 dans les inventaires. Il est donc possible que dès ce moment-là, ou peu après, les consuls aient conservé l’ensemble des écrits dans ce grand coffre s’apparentant à une arca communis (mais jamais désignée comme telle). C’était toujours le cas en 1329, puisqu’à la fin de l’inventaire de cette année les consuls signalent y avoir entreposé de nombreux documents, outre ceux précédemment énumérés156. Les comptes de 1331 nous apprennent par ailleurs que cette année-là les consuls firent réaliser des chaînes de fer à destination d’un livre de reconnaissances féodales qui se trouvait “en la caissa del cossolat”157.
54S’inscrivant dans la tendance générale des gouvernements urbains dans l’espace français, le consulat de Najac est donc bien doté d’archives dès la seconde moitié du xiiie s.158, précisément localisées dans l’espace de la ville, dans la maison commune – qu’il s’agisse soit d’une pièce, soit plus probablement d’une arca communis. Ces archives constituaient un attribut matériel du gouvernement consulaire d’abord par leur portée pratique, puisqu’elles renfermaient les outils normatifs et de gestion de référence pour les affaires de la communauté, dont la mobilisation et l’utilisation furent facilitées, à partir de la fin du xiiie s., par l’organisation de plus en plus efficace d’une masse documentaire en forte expansion. Toutefois, en témoignant très concrètement de la réalité du pouvoir municipal, de l’étendue de ses prérogatives et de son ancienneté, ces archives revêtaient également une portée symbolique.
Les archives et la construction symbolique du pouvoir consulaire
55Les documents qui s’accumulent dans les archives de la maison commune sont en effet autant de souvenirs de l’existence et de l’exercice du pouvoir consulaire. Les conserver ensemble permet de les mettre en cohérence, afin de donner corps au consulat et de le doter d’un récit remontant au premier écrit conservé, au service d’une memoria sans laquelle, d’après Pierre Chastang, l’institution ne saurait prendre forme159. Les archives constituent donc un moyen de matérialiser l’ancrage du consulat dans le temps, de rendre concret et perceptible l’abstrait. Joseph Morsel explique en effet que “l’archivage produit du social (…) parce qu’il fait partie des opérations qui donnent une consistance objective, visible, matérielle, à des phénomènes sociaux intrinsèquement abstraits, comme la constitution d’agrégats sociaux que l’on appellera (…) “groupes sociaux”, “communautés”, “collectivités”, etc.”160. Il définit ainsi la communauté comme fondée sur la croyance partagée en une coappartenance transcendant les individus ; croyance partagée qui est notamment nourrie par des discours globalisants, mais qui s’appuie aussi sur des biens communs “qui donnent à voir ladite coappartenance, c’est-à-dire l’installent dans la réalité des choses”. Les archives du consulat apparaissent donc comme un moyen de donner au corps de ville une existence concrète dans le temps mais aussi dans l’espace social, d’autant plus que leur manipulation est profondément inscrite dans l’exercice du pouvoir. Elle occupe notamment – comme en témoignent les inventaires étudiés ici – une place centrale lors de la reddition des comptes annuelle des consuls, procédure très solennelle et impliquant des témoins161. Au quotidien, les archives devaient être associées, visuellement ou mentalement, au gouvernement consulaire : les consuls de Villeneuve, à 30 km au nord de Najac, siégeaient par exemple derrière l’arca communis en 1340162.
56Cet apport des archives à la construction symbolique du pouvoir consulaire se retrouve également dans certains des documents qui en forment le noyau dur, et tout d’abord dans la charte de coutumes concédée en 1255 par Alphonse de Poitiers. Le document ne constitue pas qu’une mise à l’écrit des normes en vigueur. Il vient cristalliser la reconnaissance par le pouvoir seigneurial de la communauté d’habitants et des prérogatives d’un consulat déjà en place. Aussi est-il l’objet de tous les soins : il est le premier à disposer, en 1271, d’un coffre spécifique dans les archives. En tête de tous les inventaires à partir de cette même année, il s’agit du tout premier objet dont on se préoccupe lors de la reddition des comptes des consuls. Il est en effet crucial pour l’universitas d’assurer la conservation et la validité d’un document qui incarne son identité juridique. C’est pourquoi la charte de coutumes engendre à elle seule toute une dynamique scripturale (fig. 10) : un premier vidimus est réalisé en même temps que l’original en 1255163, puis une copie notariée en 1264164. Les consuls sollicitent régulièrement le roi pour en obtenir confirmation par lettres patentes, comme sous Philippe IV en 1299, puis sous Louis X en 1315165. Trois de ces confirmations, non datées, sont indiquées lors de la reddition des comptes des consuls de 1320166. De nombreux vidimi de la charte sont enfin réalisés dans le premier tiers du xive s.167, alors que le poids de l’autorité royale se fait de plus en plus lourd en Rouergue, dans le cadre de l’aide demandée aux villes pour la guerre en Flandres. Les comptes consulaires des années 1314-1319 apportent un exemple concret de la très haute valeur de la charte de coutumes. Cette période est en effet marquée par une fragilisation du pouvoir consulaire : les édiles et des notables de Najac sont régulièrement mis à l’arrêt pour leur résistance aux subsides demandés par le roi, et la ville est occupée par une garnison168. En mars 1319, un messager se rend alors à Paris “per mostrar los privilegis e las franquezas del castel” et obtient gain de cause, sous la forme d’une lettre royale ordonnant au sénéchal de Rouergue la libération des consuls169. La charte de coutumes apparaît bien ici comme un objet que l’on montre, physiquement, pour défendre l’existence et les libertés du consulat.
Fig. 10. La charte de coutumes de Najac et ses copies (1255-1326).
1255 (août) | Charte de coutumes originale concédée par Alphonse de Poitiers, comte de Toulouse |
1255 (août) | Premier vidimus réalisé par Pierre de Villars, garde du sceau royal de Villeneuve |
1264 | Copie réalisée par Bernat Ribieira notaire de Najac |
1299 | Copie dans le Livre des coutumes |
1305 | Vidimus scellé par le garde du sceau royal de Saint-Antonin |
1314 ou 1315 | Vidimus scellé des sceaux de l’abbé de Beaulieu, du juge de Rouergue et du garde du sceau royal de Villefranche |
entre 1316 et 1320 | Vidimus scellé des sceaux de l’abbé de Loc-Dieu et du garde du sceau royal de Saint-Antonin |
1326 | Vidimus “fait au Châtelet de Paris” |
57L’écrit statutaire produit par les consuls porte de même une valeur symbolique. Sa mise en registre à partir de 1280 s’inscrit dans le processus d’organisation des archives du consulat et permet de regrouper, dans un même volume, des ordonnances qui étaient jusqu’alors éparpillées sur différentes chartes et codices. L’opération contribuait ainsi au développement de l’appareil gestionnaire des consuls. Toutefois, tout comme les archives à plus large échelle, elle concourait aussi à donner au consulat une consistance matérielle : le registre d’ordonnances est un lieu de fabrication d’une mémoire, où la forme et le choix des statuts recopiés sont maîtrisés pour construire un récit idéal de l’exercice du pouvoir consulaire170. Par ailleurs, l’activité statutaire permettait de mettre en scène les libertés acquises par la communauté, puisqu’elle découlait de la potestas statuendi des consuls et impliquait l’ensemble des habitants, réunis autour d’un projet collectif au service de l’utilitas communis. La mise par écrit d’une ordonnance promulguée était ainsi un moyen de rendre perceptible l’usage effectif des libertés acquises et de manifester la cohésion de la communauté. En témoigne, par exemple, le préambule très typique d’une ordonnance de 1284, qui met en scène à la fois l’usage de la potestas statuendi des consuls et l’autonomie de la communauté dotée de la capacité de se réunir pour délibérer :
“Ajustat la comunaltat e la universitat del castel de Najac, o la major partida, en la glieia de mosenhen S. J., [six noms], cossols que ero estatz de Najac en aquest an e encaras uzavo de lor offici, per lor e per los autres lor successors cossols e’l dig cossolat, ab voluntat e ab cosseilh de la dicha universitat, establiro e feiro establiment”171.
58Dans le souvenir que l’on garde de la promulgation d’une ordonnance, il est en effet important de donner l’illusion de la communauté faisant corps et soutenant unanimement l’action du pouvoir consulaire qui s’en voit renforcé172.
59En 1299, charte de coutumes et écrit statutaire consulaire furent amenés à former un ensemble cohérent en étant réunis dans un cartulaire, le Livre des coutumes173. Ce prestigieux document, outil de gestion perfectionné à la portée pratique évidente, permettait également de créer une forte intertextualité entre la charte de coutumes et les ordonnances promulguées par les consuls. En mettant en dialogue les libertés acquises par la communauté avec leur réalité effective, il incarnait concrètement l’existence et l’identité du consulat de Najac, participant ainsi du caractère évident de ce dernier. Sa date de confection ne peut qu’être rapprochée de la lettre de confirmation des privilèges de la ville que les consuls obtinrent de Philippe le Bel le 31 décembre 1299174. Le Livre des coutumes fut en effet réalisé en 1299 ou au tout début de l’année 1300175, probablement en perspective de la confirmation des libertés de la ville, ou peut-être comme une forme de célébration et de consécration de celle-ci176.
60Si les archives participent globalement de la symbolique du pouvoir consulaire, c’est donc en tant que telles mais aussi par le biais de certains des documents qui en forment le noyau dur.
61“Les temps de formation et d’affirmation des universitates sont aussi ceux du recours croissant à la liste”177. Nous espérons avoir montré à quel point l’exceptionnelle série documentaire constituée par les inventaires des biens mobiliers de la communauté d’habitants de Najac en fait la démonstration. La systématisation du contrôle annuel de la transmission d’un collège consulaire à l’autre des objets et archives conservés dans la maison commune, développée à partir des années 1270 à la faveur d’un renforcement de la culture de l’écrit de gestion au sein des élites locales, y permet à l’historien de bénéficier d’un rare éclairage sur les supports matériels du gouvernement municipal. L’occasion offerte est d’autant plus belle que cette cinquantaine de documents, couvrant une soixantaine d’années, s’inscrit dans un contexte marqué par d’importants bouleversements à Najac : confrontés à l’intérieur aux divisions de la communauté résultant des tensions sur la répartition de l’impôt municipal, et à l’extérieur aux empiètements croissants de l’administration royale, les consuls se lancent dans une vaste stratégie visant, d’une part, à affirmer leur autonomie de gouvernement et, d’autre part, à promouvoir l’idéal d’une universitas unitaire et forte de ses libertés.
62La succession des inventaires rend compte de la place importante que prirent les objets de la maison commune dans la réalisation de ce double projet. Toutes les composantes du patrimoine municipal constitué par les listes annuelles ne se valaient certes pas. D’un côté un grand nombre de biens transitoires, arrivés-là dans le cadre de l’exercice du gouvernement local, qui contribuaient cependant à en légitimer l’action au service de la communauté. De l’autre un noyau dur d’objets véritablement monumentalisés dans les inventaires successifs, intrinsèquement liés au fonctionnement du consulat. La multiplication de ces divers instruments du gouvernement municipal au cours des années 1270-1290 témoigne de la capacité des autorités communales à théâtraliser toujours plus leur autonomie, par le déploiement sur l’espace public de ces relais visuels ou sonores de leur pouvoir. On peut s’en faire une idée précise en se représentant le “cridat cominal” de Najac à la fin du xiiie s., habillé de sa robe distinctive et précédé de la bannière municipale, sonnant de sa trompe à pennon pour attirer la population avant de se lancer dans le cri d’une ordonnance consulaire dont le préambule rappelle l’ardeur des autorités à agir pour le commun profit.
63Élément majeur du trésor du consulat, les archives du consulat participaient pleinement de cette affirmation de l’universitas et de son gouvernement. Elles représentent en effet elles aussi un attribut du pouvoir urbain, tant sur le plan pratique que symbolique. Entre 1260 et 1330, dans un contexte de forte inflation documentaire, elles permettent de conserver et d’organiser de plus en plus efficacement la masse des écrits produits et reçus par le consulat, selon une logique globale de distinction entre un noyau dur de documents fondamentaux (comme la charte de coutumes ou les registres d’ordonnances), un ensemble plus étendu de documents couramment utiles à la gestion des affaires de la cité (registres de comptes et d’inventaires, actes judiciaires des procès en cours, etc.) et une vaste masse d’actes sans importance particulière ou devenus désuets. Mais elles constituent d’autre part pour le consulat un moyen de construire et d’exprimer, de manière très concrète et visible, l’évidence de son existence dans le temps et dans l’espace social178.
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Annexe
Inventaire des biens mobiliers du consulat de Najac pour l’année 1315179
E sia saubut que li dig cossols redero als autres cossols :
Las costumas, e’l trailat vielh de las costumas ;
Item, la carta de la composicio que fo facha ab Bertran de Valautres, prior sa enreires d’est castel ;
Item, autra carta, facha per la ma de maestre G. W., de la composicio que fo facha ab Giscart de Rocafort, prior d’est castel, del fah de las entortas e de las polpras e de las obras e d’autras causas per lo fah de la glieia ;
Item, lo gran sagel, e’l pauc ;
Item, lo lhibre dels establimens ;
Item, la letra de la absolucio d’en Rometz ;
Item, lo testament d’en Bertran Bos, e la carta de la obligacio que fetz P. Bos de pagar las laissas d’en Bertran Bos ;
Item, la carta de la obligacio que fetz R. Fabre, facha per la ma de maestre G. W., de tener redrecha la peirada de la carrieira davant sa honor ;
Item, lo trailat del testament d’en P. Ribieira ;
Item, lo trailat del testament de maestre Bertolmieu Carrieira ;
Item, lo trailat del testament d’en B. de Combelas ;
Item, lo trailat del testament d’en R. Lavanha ;
Item, lo trailat de dona Guaia de Combelas ;
Item, doas caissetas plenas de cartas ;
Item, lo trap e las senhieiras dels cridat ;
Item, las trompas e’l namfil que foro prestadas a G. Afichat ;
Item, las mezuras del vi e de l’oli ;
Item, l’eminal del coire ;
Item, lo ferr de l’auna ;
Item, lo pes de la lhivra e de la mieia lhivra ;
Item, la carta facha per la ma de maestre G. W. de la sentencia del fah de las verquieiras ;
Item, la carta mezura blat ;
Item, una caissa que te B. Ribieira ;
Item, una caissa granda en que a doas claus ;
Item, I lhibre que fo d’en R. de Selanh ;
Item, lo lhibre de la lhumenaria ;
Item, lo lhibre en que s’escrivo los comtes ;
Item, los establimens de l’escrivania ;
Item, lo lhibre on es la costuma ;
Item, lo lhibre on so escrihs los eventaris dels ospitals de S. Jacme e de S. Bertolmieu ;
Item, la carta facha per la ma de maestre G. W. de la reconoissensa que feiro R. de Balaguier e’n R. de Calcomier que avieu esplecha en lor boscs ;
Item, la letra del rei de la compra de la maio del cossolat ;
Item, la letra del rei de las VIIIC libras tornes que deu nostre senhor lo rei al cossolat ;
Item, una carta de mandament e de comandament que donet lo senescalc que hom no leves pezatgue a Paris ;
Item, lo senhal de las cartas ;
Item, lo lhibre dels comtes dels malautes ;
Item, VII claus de las portas del castel ;
Item, lo taulier del cossolat ;
Item, doas perponchas ;
Item, VI capels jupatz ;
Item, III balestas ;
Item, IIII lansas ;
Item, III lansiers ;
Item, los establimens del rei sagelatz ;
Item, la carta de la compra de las maios que foro d’en Umbert Fabre ;
Item, l’arnes del saumier ;
Item, ganre de letras del rei ;
Item, lo trailat del testament d’en Umbert Boissel ;
Item, ganre de cartas d’apellacios del fah de las forcas da Castanet e de la deveza de Castanet ;
Item, la carta facha per la ma d’en G. W. de la oblia e del pa senhat que devia donar cascun dicmergue R. Donat per laissa que fetz ‘n Umbert Boissel ;
Item, una carta facha per la ma d’en Guirbert Cubrire de reconoissensa que fetz mosenhen P. Calvet comandaire de l’ospital de S. Jacme que tenia dels digs cossols e dels cofraires los bes deldig hospital ;
Item, una carta facha per la ma de maestre Jacme de Romegos en la festa de Santa Cecelia anno Domini M CCC XIII de conoissensa que fetz maestre B. Lhia tenent del jutgue que los dexs s’aperteno als cossols de Najac ;
Item, lo testament d’en B. Ramondi ;
Item, una carta facha per la ma de maestre Berenguier de Puegdozo de promessa que fetz mosenhen P. Calvet que tornaria e’l ospital aquo que’n avia trah et juret ho ;
Item, una carta facha per la ma d’en G. W. de la ordenansa que fo facha de far devezas ;
Item, una autra carta per la ma deldig notari de la compra que hom fetz d’en R. Audeguier de l’alarguier del cossolat e de la plassa ;
Item, autra carta facha per la ma de maestre Guirbert del bailament que feiro los cossols a mosenhen G. Aimones de la capelania que laisset Bertran Bos ;
Item, una carta facha per la ma de maestre Rotbert del Pueg d’apellacio quant la cort ressazit mosenhen B. Saumada d’una ma per la cort de Paris ;
Item, laissero e’l cossolat una granda sarralha ;
Item, redero una carta facha per la ma de maestre Guirbert Cubrire de presentacio que R. Cornaire sirvent de Najac fetz al baile de Caussevielh de letras del senescalc que receubes los carcels del baile de Najac ;
Item, una carta facha per la ma de maestre P. Gari en la qual es encorporada una reconoissensa que ‘n P. Bernat fetz al rei canha senheria avia e’l fah de Floirac ;
Item, redero ganre de letras del rei que avia empetradas maestre R. Gando e’n Felip de Combelas ;
Item, lo vidimus de la costuma sagelat de III sagels ;
Item, una letra del senescalc penden en pargames de deffensa al pezatguier que no leves pezatgue ni leuda mas enaissi coma (…) escrih en la costuma ;
Item, doas cartas fachas per la ma de maestre Guirbert Cubrire de deffensa als pezatguiers d’aquo desus la una que fo deffendut a’n Bertolmieu de Peladut e la autra a’n Johan Andoi ;
Item, W. Cajas at una letra del rei e una letra de comissio tot del plah de Salvaterra que portet a’n W. de la Barrieira que ‘n s’ deuredre W. Cejas a’n G. W. am carta.
E sia saubut que na Guillelma Cordurieira, molher que fo sa enreires d’en R. de la Garriga, donet a la obra del pont de la Fregieira tot lo dreh e la razo e la demanda e la accio que ela avia sobre los bes de Uc Garriga so filh sa enreires e contra los heretiers deldig Uc, losquals bes te la molher que fo deldig Uc, e es la carta de la donacio es e’l cossolat facha per la ma de maestre Rotbert del Pueg, notari ;
E la carta atressi de l’acordier que feiro ab la dicha na Guillelma lodig Uc e sos autres filhs de pagar blat e deniers cadan per sa messio, e deu lodig Uc sa part per lonctemps, la qual sua part la dicha Guillelma a la dicha obra del pont e la dicha carta facha per lama d’en B. Cavalier es e’l cossolat ;
Item, una carta facha per la ma d’en G. W. de la compra que fo facha de la ribieira dal pont que fo d’en B. de Peladut ;
Item, I trailat de carta fah et escrih per la ma de maestre Berenguier Vezi de las franquezas que foro autreiadas a la bastida de Caussevielh per mosenhen W. de Cumbriuras ;
Item, una carta facha per la ma de maestre P. Gari notari de l’encorperament d’una reconoissensa qu’en Gautier de Panac, senher de la vila de Vabre, fetz quanta ni canha senheria avia en la vila de Vabre.
Item, redero ganre de cartas d’apellacios de mosenhen P. Mango e d’autras causas.
Item, sia remembransa que na Caura donet a la obra del pont da la Fragieire XL sols rodanes que’lh devia P. Capelier e ane carta e’l cossolat d’el.
Item, redero los digs cossols als autres cossols :
I drap d’aur ;
E III polpras part una polpra d’aquelas que hom at del remez de la dona Esclarmonda, maire d’en Jacme Donat, que donero a mosenhen S. de Cavilhac capella per prexs d’en Jacme Donat ad obs de far vestiment a son cors per servir las glieias d’est castel.
Notes de bas de page
1 AD Aveyron, 2 E 216-AA1, fol. 85-87.
2 Id., fol. 86-86v : “Quod (...) possint se congregare in certo loco cum eorum consiliariis (...) ad sonum campane. (...) Et habere possint domum communem ubi se, cum eorum consiliariis, congregare valeant, et habere arcam communem seu arcas communes ubi scripta et eorum secreta et omnia alia tangentia dictum consulatum et jura ejusdem reponant et custodiant, et etiam sigillum communem sui consulatus (...). Item et curam habendi (...) ut recte mensure et pondera, signate eorum signo, vendentes et ementes habeant”.
3 Voir aussi Michaud-Quentin 1970 ; Rigaudière 1982a, 121-126 et 1988, 290-291 ; Otis-Cour 2014.
4 Pour ne pas alourdir ce texte, nous nous permettons de renvoyer aux éléments historiographiques développés dans l’introduction de ce livre.
5 Rappelons simplement, sur ces questions, le récent Boucheron & Genet, dir. 2013.
6 L’histoire du bourg de Najac a récemment fait l’objet d’une étude approfondie (Cassan 2006). Signalons aussi, pour celle de ses institutions consulaires, l’importance du travail de Laroche 1931.
7 Teulet 1866, 514.
8 Gouron 1963, 46.
9 Les huit coseigneurs de Najac prêtent en juillet 1228 un hommage lige et serment de fidélité à Raymond VII, renouvelé en 1229. Le comte de Toulouse entreprend dans les années suivantes de racheter certains de leurs droits (Macé 2008, 393 ; Laroche 1931, 28-29).
10 L’acte de 1243 précédemment évoqué se termine sur la mention “In quorum testimonio, presentem paginam sigillo universitatis sepedicti castri Najaci fecimus sigillari” (Teulet 1866, 514). L’empreinte de ce premier sceau municipal est conservée sur le document (Bedos, éd. 1980, 366).
11 Cassan 2006, 65-66.
12 Millau ne se dote d’une maison commune qu’en 1278, et la Cité de Rodez qu’en 1337 (Garnier 2006, 160-161). On a vu précédemment que Saint-Affrique se fit confirmer la possession de la sienne par le roi en 1311.
13 Gaujal 1858, 326-329.
14 C’est ce qu’indique très explicitement un des articles de la charte, qui garantit aux habitants de Najac l’exemption du droit de pezade “sicut bonae memoriae Raymundus, quondam comes Tholosae, praedecessor noster, liberavit eosdem” (Id., 328).
15 Sur cette révolte, voir Molinier 1881-1882.
16 Gaujal 1858, 329 : “Item, ballivus juravit coram consulibus dicti castri quod in officio suo fideliter se habebit (...) et quod consuetudines bonas et approbatas castri ipsius observabit”.
17 La pratique est fréquente. On en trouve par exemple un témoin iconographique du xive s. dans les archives marseillaises (Otchakovski-Laurens 2015).
18 Biget & Boucheron 1996.
19 Pour des raisons inconnues, ces deux volumes ont été séparés à une date inconnue. Le plus ancien, couvrant la période 1258-1288, est aujourd’hui conservé à Paris (BnF, NAF 10372). Le second, couvrant la période 1289-1332, est demeuré dans les archives de l’ancien consulat de Najac (AD Aveyron, 2 E 178-2). Le premier compte des consuls de Montferrand conservé remonte à l’année 1259 (Lodge, éd. 1985).
20 Biget & Boucheron 1996, 22.
21 La structure même des comptes conservés témoigne de cette vocation : leur préambule, daté du mois de février de chaque année, donc en fin de mandat des consuls en place, rappelle que ces derniers “redero comte als cossols que i ero intraig en aquesta manieira...” (ici pour l’année 1263 : BnF, NAF 10372, fol. 43). Il est suivi du relevé des recettes puis des dépenses de l’année consulaire achevée. Le terme “redero” y est régulièrement employé, le plus souvent pour introduire un nouveau chapitre dans le récapitulatif. Une ordonnance municipale de 1298 rappelle la place essentielle de la reddition des comptes dans le fonctionnement institutionnel du consulat de Najac (AD Aveyron, 2 E 178-4, fol. 10v).
22 Cette association s’observe également dans la localité de Villeneuve-de-Rouergue, peu éloignée de Najac : une ordonnance municipale de mai 1340 y prescrit que, le jour de la reddition de leurs comptes, les consuls sortants devront également restituer “totz estrumens e letras et arnes e totas autras cauzas, quals que fosso, que aguesso del dih cossolat”, dont ils recevront quittance de leurs successeurs (AD Aveyron, 2 E 301-18, fol. 13).
23 BnF, NAF 10372, fol. 32.
24 Id., fol. 82.
25 Les registres ne conservent aucun compte, et donc aucune liste de biens, pour les années 1277, 1278 et 1312. Ils contiennent en revanche les comptes des années 1319, 1327, 1328 et 1332, sans qu’aucune liste ne figure dans ces derniers. En 1305-1306, 1314-1315, 1317-1318 et 1322-1323, les consuls demeurèrent exceptionnellement un an de plus en fonction. Il n’y eut donc reddition des comptes et des biens de l’universitas qu’au terme de leur deuxième année de mandat.
26 Elle est par exemple employée en 1272, 1274, 1275, 1276 et 1279 (BnF, NAF 10372, fol. 92, 102v, 109, 115, 120).
27 Ainsi en 1271, 1273, 1280 et 1282 (Id., fol. 86, 97, 125, 132).
28 Dans les cas où le notaire a indiqué, dans un même article, un ensemble de biens indifférenciés
(du type “ganre de letras del rei” ou “ganre de cartas d’apellacios de las forcas de Castanet e de la deveza de Castanet”), nous avons attribué la valeur 1 à cet article. Nous avons procédé de la même façon dans les cas où un article signale un lot de plusieurs objets identiques (du type “II draps d’aur” ou “XVIII perponchas”), afin d’éviter des phénomènes de surreprésentation qui gêneraient la lisibilité des évolutions. Établir le graphique sur la base du nombre d’articles plutôt que du nombre de biens contenu dans chaque liste n’aurait pas été plus pertinent, dans la mesure où la plupart des premières listes, de forme linéaire, ne comprennent qu’un seul article énumérant de multiples objets.
29 Par exemple dans la liste de 1305-1306 où sont énumérés dans un seul article “las costumas, el trailat vielh de la costuma, et I vidimus de la costuma sotz lo sagel de S. Antoni” (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 83). Les textes coutumiers, ou certains poids municipaux, font très fréquemment l’objet de tels regroupements.
30 Les enseignes (las senhieiras) sont ainsi parfois associées dans un même article aux penos (BnF, NAF 10372, fol. 156v, liste de 1287) ou au trap (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 59, liste de 1301).
31 Rappelons que les comptes annuels étaient écrits les uns à la suite des autres dans un gros registre de papier qui leur était destiné, qualifié depuis 1290 de “gran lhibre en que hom escriu los comtes” (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 6v). Pour le scribe chargé de la rédaction de la liste des biens du consulat, utilisant comme référence celle de l’année précédente, l’inconfort de devoir sans cesse en vérifier le texte plusieurs folios en amont a pu justifier la réalisation d’une copie de travail sur feuille volante.
32 En 1275, la “carta del acordier del prior” fait par exemple son apparition directement en quatrième position de la liste des biens du consulat, après la charte de coutumes, sa copie et la caisse contenant les ordonnances de la ville (BnF, NAF 10372, fol. 109). En 1289, c’est l’“eminal del coire” qui est inséré en milieu de liste, parmi les autres étalons des poids et mesures de la ville (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 6v). Une douzaine de documents, dont plusieurs testaments de particuliers, furent également ajoutés au relevé de 1286, aussitôt après les items contenant les titres fondamentaux du consulat (BnF, NAF 10372, fol. 150v). Il est cette fois bien difficile de saisir la logique de cette insertion : d’autres chartes n’ont pas bénéficié d’une semblable mesure et sont reportées en queue de liste ; il en va de même, dans le relevé de l’année suivante, pour le testament de P. Ribieira, qui se trouve donc isolé de ceux ajoutés en 1286 (Id., fol. 156v), avec lesquels il ne sera réuni qu’en 1303 (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 69).
33 La liste de 1302 signale 18 pourpoints (perponchas) parmi les biens du consulat, dont trois sont manquants. Il est précisé que deux d’entre eux sont en possession de B. Ribieira qui doit les restituer. Un ajout ultérieur indique toutefois qu’il “fo absoutz e quitatz per los cossols de l’an MCCCII e de l’an MCCCIII” (Id., fol. 64). En 1306, c’est cette fois le petit sceau de la ville qui est porté manquant (Id., fol. 83).
34 Entre 1313 et 1315, les listes précisent que le namfil (trompette de la ville) et les trompes “foro prestadas a G. Afichat” (Id., fol. 117v et 134). Dans l’acte de reddition des biens de 1300, une lettre et une charte supposées se trouver à la maison commune ont été rayées et suivies de la mention “no fo reduda”. Mais le dernier item de cette liste signale un instrument notarié par lequel Pons Carrieira reconnaît auprès des consuls être en possession de ces deux documents. Il est précisé que cet acte a été demandé par le consulat “car non avio cobrada la letra e la carta del dig maestre Pons” (Id., fol. 53v-54). Ces deux documents refont leur apparition dans la liste des biens de 1302, tandis que l’instrument de reconnaissance de Pons Carrieira en a été retiré, probablement parce qu’il a été détruit ou rendu à l’intéressé, après qu’il ait restitué les titres manquants.
35 Une pièce de drap pourpre, apparue dans la liste des biens du consulat en 1286 à la suite du legs d’un habitant qui la destinait au service de l’église Saint-Jean-Baptiste, est régulièrement signalée jusqu’en 1290. Elle n’est plus jamais mentionnée par la suite, mais un ajout en marge de l’item qui lui correspond dans le relevé de cette dernière année, probablement rédigé lors de la reddition des biens de 1291, indique “fou facha una capa processional a la glieya”, justifiant ainsi sa disparition des listes ultérieures (Id., fol. 6v). En 1315, il est précisé à propos d’une autre pièce de drap pourpre qu’elle a été donnée par les consuls à un prêtre “ab obs de far vestiment”, pour desservir les églises de la ville (Id., fol. 135).
36 La liste des biens de 1299 mentionne ainsi les “trailats del faig d’en Galhinier el Pairo”, avant de préciser que ces documents se trouvent au siège royal de Saint-Antonin-Noble-Val (“es a S. Antoni”), probablement en raison des nécessités du procès en cours (Id., fol. 48v).
37 Id., fol. 99v.
38 Id., fol. 240. On notera que les listes de biens des années 1327 et 1328, auxquelles il est ici fait référence, ne figurent plus dans le registre aujourd’hui conservé.
39 Les eventaris du trésor de l’église (“thezaur de la glieia”), des hôpitaux Saint-Barthélémy et Saint-Jacques et de la maladrerie du pont Saint-Blaise étaient compilés dans un registre à part, régulièrement mentionné dans nos listes à partir de l’année 1302 (Id., fol. 64, 108v, 134, 160, 168, 182v, 189v…), aujourd’hui perdu.
40 Sur ces aspects, voir notamment Hermand et al., dir. 2012.
41 La plus ancienne de ces listes remonte à l’année consulaire 1355-1356 (AD Aveyron, 2 E 212 (Cité), CC 200, fol. 1-10v). Il s’agit là aussi d’un récapitulatif annuel réalisé à l’entrée des nouveaux consuls en charge, placé en tête de la comptabilité municipale. Les biens y sont toutefois répartis en grandes catégories (l’eventari de la malautia ; l’eventari del pes ; l’eventari de la mayo cominal ; l’eventari dels encartamens…), sans d’ailleurs que la logique d’ensemble de cet inventaire soit toujours évidente.
42 Voir notamment Guyotjeannin 1996 et 1999 ; Poulle 1996. Il n’est qu’à comparer nos listes avec les premiers inventaires d’archives réalisés par le consulat de Toulouse (Nadrigny 2008) pour constater la divergence de ces entreprises dans leurs formes et – mais dans une moindre mesure – dans les finalités qu’elles poursuivent.
43 L’inventaire de l’année 1310 signale une charte de reconnaissance d’une créance de 25 livres contractée par R. Donat envers le consulat. Un ajout, sans doute porté lors de la réalisation de l’inventaire de l’année suivante, indique que ce document a été remis à Felip de Combelas, afin de régler une dette du consulat (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 104v). Sans doute ce dernier personnage était-il un parent de R. Donat, ou quelqu’un qui avait un intérêt quelconque à solder la créance de ce dernier.
44 Les biens mentionnés pour la première fois sont signalés en rouge.
45 Ces ensembles documentaires indifférenciés et d’importance secondaire, auxquels on ne donne qu’une vague désignation, se font justement de plus en plus fréquents dans les inventaires à partir des années 1280. Cf entre autres les “doas caissetas paucas am cartas e amb escrigs” signalées en 1284, auxquelles s’ajoute “la caissa en que a ganre de cartas” en 1286 (BnF, NAF 10372, fol. 143 et 150v) ; les “ganre de lettras del rei”, “ganre de cartas d’apellacios de mosenhen P. Mango e d’autras causas” ou les “ganre d’autras cartas e de escrighs e de rotles de parguames e de papier que ero en la dicha gran caissa” évoqués respectivement en 1315 et en 1329 (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 134-135 et 233v-234).
46 Les écrits sont signalés en rouge.
47 Ainsi pour les inventaires des années 1316, 1318, 1325, 1330 et 1331. Cette pratique avait déjà été expérimentée, on l’a vu, en 1309.
48 AD Aveyron, 2 E 178-8.
49 Sur ces enjeux de la mise en liste et son pouvoir globalisant, voir Chastang 2013, 278-315. On se référera également aux publications que ne va pas manquer de susciter l’actuel programme de recherche sur “Le pouvoir des listes au Moyen Âge” (http://polima.huma-num.fr/).
50 “Les trésors, en tant qu’accumulation de capital symbolique, représentent un attribut essentiel du pouvoir médiéval” (Potin 2000, 48). Sur la notion complexe de trésor au Moyen Âge, voir notamment Burkart et al. 2005 et 2010.
51 Certains inventaires sont, sur ce point, très explicites. Celui de 1273 évoque par exemple la reddition par les consuls sortants d’“un tros de blandecha (...), pel deude que deu Sicart Ramondi per la foccada e per l’aost” et d’“I sobrecot de bruneta ab penas de conills e dos cosserils nuous d’en P. Conort, pels deudes (...) de sos comus” (BnF, NAF 10372, fol. 97). Dans celui de 1320 est cité “I cotel ganivet de mosenhen Umbert de la Ila, lo qual avia bailat al senescalc per gatgieira d’aquo que’ls cossols demandavo al dig mosenhen Umbert per sos comus” (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 160).
52 Pour s’en tenir aux exercices comptables les plus anciens, cf BnF, NAF 10372, fol. 23 (“dels deudes menutz e de las peinhoras que trobero”, 1261), 34-34v (1262), 49-49v (1264), etc.
53 Plusieurs exemples dans Carboni & Muzzarelli, éds. 2012 et dans Feller & Rodríguez, dir. 2013.
54 Les “IIII reillas de la porta d’en R. Raines” sont signalées dans les inventaires de 1270 à 1276 (Id., fol. 82, 86, 92, 97, 102v, 109, 115). La mention de l’année 1276 a été rayée, ce qui indique que ces objets avaient disparu du dépôt consulaire lors du récolement de l’année 1277, peut-être en raison du remboursement de la dette. L’huis de la porte du sieur Barau paraît avoir été récupéré beaucoup plus rapidement par son propriétaire – ce que l’on s’explique assez bien. On n’en trouve en effet qu’une unique mention, rayée, dans la liste des biens de la maison commune de 1273 (Id., fol. 97). Sur ces “biens comme otages”, voir notamment Smail 2013.
55 Gaujal 1858, 329.
56 Parmi les recettes du consulat de l’année 1263 figure par exemple une somme de huit sous, “d’una flesada que no sabia de qui era” (Id., fol. 39). Dans l’inventaire de l’année 1309, un ajout apporté après la mention d’un chaudron et d’une bassine indique “Fo tot vendut XX sols a’n W. P. a l’encant per los cossols de l’an MCCCX” (BnF, NAF 10372, fol. 99).
57 Laurence Fontaine évoque en effet la “préférence pour l’illiquidité” propre à certaines catégories des sociétés préindustrielles (Fontaine 2008, 132).
58 BnF, NAF 10372, fol. 32.
59 Les empeinhoras remises aux consuls sont ainsi souvent recensées parmi les dettes encore non soldées dont ceux-ci rendent compte à leurs successeurs lors de la fin de leur mandat. Elles sont généralement rayées pour indiquer qu’elles ont été restituées à leurs propriétaire ou vendues au cours de l’année consulaire suivante (cf. par exemple Id., fol. 108, année 1275 ; fol. 136, année 1281, où l’item barré est suivi de la mention paguet).
60 On a évoqué, plus haut, le cas d’une couverture mise en vente en 1263, dont on ne retrouvait plus le nom du propriétaire. Les choses ne paraissent guère s’être améliorées en 1329, à constater la présence dans l’inventaire de cette année de “II enders e I padena que no sabem de cui so estat” (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 234).
61 Gaujal 1858, 327.
62 On trouve en effet référence, dans plusieurs inventaires des biens du consulat à partir de 1287, au “trailat de la comissio (...) sobre’l fah de la decima e de las laissas endistinctas” (BnF, NAF 10372, fol. 156v, 162 ; AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 6v, 9v, 11v, etc.).
63 Ainsi dans l’inventaire des biens de l’année 1273, où sont signalés “I chalo d’en Bertran de Pueigdozo, per las laissas” et “una padena, per laissa, d’en Amieill Raines” (BnF, NAF 10372, fol. 97).
64 À l’image de celui évoqué dans un document signalé dans la liste des biens de 1315, par lequel Guillelma Cordurieira “donet a la obra del pont da la Fregieira tot lo dreh (...) que ela avia sobre los bes de Uc Garriga so filh” (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 135).
65 Comme dans les inventaires de 1297 et de 1315 (Id., fol. 38v et 135).
66 La liste des biens de l’année 1286 mentionne par exemple “una polpra que fo de D. lo Clergue que laisset al servizi de la glieia de S. Johan” (BnF, NAF 10372, fol. 150v).
67 Un premier drap d’or est mentionné à la maison commune en 1315 et un second lui est ajouté l’année suivante (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 135 et 140v).
68 La liste des biens rendus par les consuls en 1281 est suivie d’un article ajoutant “que li cossol receubro per los malautes, per laissa que lor fetz Sicart Ramondi (...), una flessada, e II lanssols, e I cossi, e I cosseilher” (BnF, NAF 10372, fol. 132).
69 Monnet 2010, 120.
70 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 135.
71 Id., fol. 160 et 168 (inventaires de 1320 et 1321).
72 Vauchez, dir. 1995.
73 Ce “penell que estava sobre la crotz del capil de la gleia” est mentionné dans les listes des biens du consulat entre 1280 et 1287 (BnF, NAF 10372, fol. 125, 129, 132, 143, 147v, 150v et 156v).
74 BnF, NAF 10372, fol. 32.
75 Id., fol. 109 (liste des biens de 1275) et 115 (liste de 1276).
76 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 31v.
77 Id., fol. 38v (inventaire de 1297), 48v (inventaire de 1299) et 64v (inventaire de 1302).
78 Id., fol. 64v : “Item, doas tres perponchas de las XVIII (...) agro lhi sirvens que anero a Flandras”.
79 Sur ces engagements militaires de Philippe le Bel en Guyenne et en Flandre, voir Favier 1978, 206-249.
80 Sur cette affaire du “Transport de Flandre”, Id., 496-497.
81 Pour un bref rappel de cet événement, Favier 1980, 14-15.
82 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 189v. Le détail des achats figure également dans la partie des comptes recensant les dépenses de la ville “per comprar raubas e armaduras als sirvens que volia hom trametre en Guiana” (Id., fol. 185). L’inventaire dressé à la fin du mandat consulaire énumère, curieusement, moins d’objets que ceux qui figurent dans cette liste : aucun des 25 couteaux, six des dix dards, huit des dix targes et cinq des six guisarmes acquis à Toulouse.
83 Id., fol. 189v : “Li cal sirvens no foro tramezes alaras quar guerra non avia, ans foro fachas trevas entre’ls senhors reis”.
84 À l’image de certains qui, bien que très ordinaires, figurent régulièrement dans les inventaires de la maison commune car ils servaient probablement aux tâches quotidiennes du consulat : un harnois de bête de somme (“l’arnes del saumier garnit de caisas e de mala e de baut e de corregas”), une pelle de fer (“pala de fer”), des sacs, des barils, un cadenas (cadenat), des faussets (“dozilhs de metal”) utilisés pour une des fontaines de la ville...
85 Pomian 1987, 42-46.
86 Nous renvoyons, sur la question, à l’article d’É. Jean-Courret, dans ce volume.
87 Voir notamment l’article de J.-L. Chassel, dans ce volume.
88 Cassan 2006, 66.
89 Ils apparaissent dans les inventaires des années 1291 (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 9v) à 1299 (Id., fol. 48v).
90 Id., fol. 99v.
91 En 1307, la ville d’Arles possède ainsi “duas tubas veteres et duas novas et duo namphila” (Hébert 1997, 697).
92 Sur cette question, voir notamment Clouzot 2000.
93 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 31v : “Las trompas, e’l namfil, que an lhi trompador” (1296) ; “Las trompas, e’l namfil, que foro prestadas a G. Afichat” (1315 : Id., fol. 134). Ce G. Affichat est signalé comme crieur communal en 1346 (AD Aveyron, 2 E 178-6, fol. 32v).
94 Voir notamment Hébert 1997 et Offenstadt 2004.
95 On conserve ainsi un procès-verbal de 1346 constatant la prestation de serment, devant les consuls et plusieurs autres témoins, des deux “cridas cominals” de Najac (AD Aveyron, 2 E 178-6, fol. 32v).
96 C’est ce que montrent notamment certaines des scènes d’exécution judiciaire figurées dans le célèbre manuscrit des coutumes de Toulouse (BnF, Lat. 9187, fol. 28v, 29 et 33).
97 Sur le rôle des trompes dans la mise en scène du pouvoir, d’après l’exemple du duché de Bourgogne, voir Clouzot 2000.
98 Hébert 1997, 701.
99 Id., 697 ; Garrisson 1970, 210.
100 “Las trombas, e’l nafil, ab dos penos” (BnF, NAF 10372, fol. 86, inventaire de 1271). Un de ces pennons, taillé dans un tissu de soie, venait juste d’être acquis par la communauté (Id., fol. 84).
101 Id., fol. 125.
102 La bibliographie sur le sujet est effectivement abondante. On se limitera à signaler plus particulièrement, pour ce qui nous intéresse ici, Bedos-Rezak 2000 et 2002, ainsi que les contributions de J.-C. Chassel et L. Macé à ce volume. Sur les sceaux du Rouergue, voir l’indispensable Framond, éd. 1982.
103 Bedos-Rezak 2000, 35-39.
104 Rappelons que les scripteurs dressaient leur inventaire en reprenant celui de l’année précédente, dont l’ordre et la désignation des items étaient en grande partie conservés. Il est donc logique que la matrice sigillaire, intégrée aux listes des biens en 1271, y ait d’abord figuré après les trompes et les enseignes, prises en compte quant à elles dès le premier relevé de 1261.
105 Détaillés dans les premiers inventaires (“la mezura del cart del vi, e del mieig cart del vi, e’l mieig cart d’oli”), ils sont ensuite regroupés sous la désignation “las mezuras del vi e de l’oli”.
106 Cette catégorie rassemble deux étalons, systématiquement associés dans les inventaires : “lo pes de lhiura, e de meia lhiura”.
107 Cet eminal est successivement de fer (“ferrat”) puis, à partir de 1290, de cuivre (“de coire”).
108 “Els sagells” (1274) ; “II sagels” (1282) : BnF, NAF 10372, fol. 102v et 132. Une mention dans les comptes de l’année 1274 précise qu’il en coûta 27 sous au consulat de faire réaliser ce second sceau (Id., fol. 100).
109 “Lo sagel” (1283) ; “Lo sagel gran” (1290) ; “Lo sagel gran del cossolat ; lo sagel pauc” (1291) : Id., fol. 136 ; AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 6v et 9v. Le petit sceau apparu en 1291 fut fabriqué et acheté à Toulouse, pour un prix de 9 s. 9 d. de Rodez (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 8).
110 Id., fol. 83 (inventaire de 1306) et 117v (inventaire de 1313).
111 Id., fol. 150v : “Item, meiro VII d. que costet una cadena que meiro al sagel petit del cossolat”. Il n’est hélas pas précisé à quel support le petit sceau était enchaîné.
112 Le sceau le plus ancien de Najac, appendu à l’acte de juin 1243 par lequel les consuls et habitants s’engageaient à observer la paix de Paris, porte ainsi sur son revers la croix des comtes raimondins de Toulouse. Celui conservé sur l’acte d’adhésion de la communauté au procès de Boniface VIII, daté de 1303, présente cette fois trois fleurs de lys capétiennes (Bedos, éd. 1980, 366).
113 Le premier terme est le plus employé par les inventaires. Le second n’apparaît qu’à la fin de la série documentaire, dans les listes de 1323, 1324 et 1329.
114 Plusieurs inventaires précisent que les bannières communales sont faites de soie (“Item, tres banieiras de cendat” : AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 183).
115 “La seinheyria” (1261) ; “Las doas seinhorieiras comunals” (1271) ; “las doas tres seinheiras comunals” (1275) : BnF, NAF 10372, fol. 32, 86 et 109.
116 C’est le cas, par exemple, de la bannière de Saint-Flour au début du xive s. (Rigaudière 1982a, 121).
117 Cf par exemple, dans l’inventaire de 1283 : “Item, lo trap ab so garniment” (BnF, NAF 10372, fol. 136v).
118 Comme le constatent les inventaires de 1295 et 1296 : “Lo trap, aital coma’l redet lo senescalc” (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 27v et 31v).
119 Ce pennon intègre l’inventaire des biens communaux en 1275, en même temps que la tente : “un peno que fo faigs pe’l trap” (BnF, NAF 10372, fol. 109).
120 “Las senhieiras dels cridat” (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 134).
121 Voir AD Aveyron, 2 E 178-4 et 2 E 178-6 (recueils d’ordonnances municipales du consulat de Najac, 1258-1333).
122 Petrowiste 2007.
123 L’inventaire des biens entreposés dans la maison commune de la Cité de Rodez pour l’année consulaire 1355-1356 énumère ainsi un grand nombre de poids et mesures, auxquels un chapitre spécial est même réservé (AD Aveyron, 2 E 212 (Cité), CC 200, fol. 1-10v).
124 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 160v : “Una mezura de fer (...) ad escandilhar auna” (inventaire de 1320).
125 Gaujal 1858, 326 : “Item, qui tenuerit in castro de Najaco falsum pondus aut mensuram, aut ulnam sive cannam, solvet pro incursu septem solidos et unum denarium”.
126 AD Aveyron, 2 E 178-4, fol. 6v (ordonnance sur l’introduction de l’aune de Figeac à Najac) ; BnF, NAF 10372, fol. 136v (inventaire des biens de la maison commune de 1283, signalant “lo ferr de l’auna de Figac”). Cette ordonnance tourna rapidement court et fut cancellée dans le registre municipal. En conséquence, l’étalon de l’aune de Figeac disparut dès l’année suivante des inventaires du dépôt municipal.
127 “I bru que non era leials” (BnF, NAF 10372, fol. 147v).
128 C’est le cas bien connu des “poids monétiformes” émis par la commune de Toulouse au xiiie s., frappés des armes municipales, dont les archéologues retrouvent périodiquement des exemplaires dans la vaste région dont la ville était le centre économique (Lassure & Villeval 1984 ; Cazes 1985).
129 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 6v.
130 L’inventaire de cette année évoque en effet l’existence de deux senhals dans le consulat, l’ancien (vielh) qui doit correspondre à celui apparu en 1290, et le “noel ab la flor”, qui paraît donc porter une fleur de lys (Id., fol. 42v). Il est difficile de décrypter les enjeux de ce changement de senhal, faute de connaître la marque que revêtait l’ancien. On a vu que le sceau du consulat était à l’époque également doté d’une fleur de lys. S’agit-il de souligner symboliquement la fidélité du consulat à l’égard du roi de France ?
131 Les “VI claus de las portas de la vila” n’apparaissent qu’en 1285 dans les inventaires des biens du consulat (BnF, NAF 10372, fol. 147v), peut-être en raison des réticences des officiers royaux à déléguer le contrôle des portes à la communauté. Elles sont ensuite enregistrées avec une grande constance dans les listes annuelles (fig. 5). Leur nombre passe à sept à partir de 1295 (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 27v). Sur les enjeux propres au contrôle des clés par la communauté, on se référera à la contribution de S. Lavaud à ce volume.
132 Sur ces réalisations, voir Molinier 1881-1882. Les enjeux politiques de la réalisation des fontaines urbaines sont bien mis en évidence, à propos des Pays Bas méridionaux, dans Deligne 2008.
133 Pour une présentation détaillée de l’alourdissement des exigences fiscales royales à cette époque, voir Rigaudière 1995.
134 Biget & Boucheron 1996, 25-26. Ce conflit autour de la répartition de l’impôt s’observe alors dans une grande partie des villes du Midi : il n’est qu’une manifestation des fortes rivalités sociales et politiques qui opposent plus généralement le menu peuple à l’oligarchie consulaire (sur ce contexte, voir Rigaudière 1982b).
135 Sur le souci des consuls de Najac de cette époque de placer leurs actions sous le sceau de l’idéal communautaire, voir plus généralement Germain 2016, 84-173.
136 L’expression, forgée par P. Johanek, est traduite de l’allemand par Chastang 2014, 9.
137 Chastang 2013, 297.
138 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 134-134v : “Item, ganre de letras del rei” ; “Item, redero ganre de letras del rei que avia empetradas maestre R. Gando e’n Felip de Combelas”.
139 Id., fol. 134 : “Item, la letra del rei de la compra de la maio del cossolat ; Item, la letra del rei de las VIIIC libres tornes que deu nostre senhor lo rei al cossolat”. La première apparaît dans les inventaires à partir de 1276 (“la carta de las maihos” : BnF, NAF 10372, fol. 115), la seconde à partir de 1286 (“la letra del rei sagelada del fah del prest” : Id., fol. 150v).
140 Pour reprendre le même exemple, les deux lettres royales distinguées de l’ensemble apparaissent ainsi dans tous les inventaires annuels à partir de 1296.
141 Il faut supposer que les actes des procès de ces habitants intéressaient, par extension, les droits de la communauté. Notons en outre qu’à partir de 1284, par voie d’ordonnance consulaire, les frais liés à la comparution en justice des habitants en dehors de la ville furent pris en charge par le consulat (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 7).
142 Les quantités importantes de documents, indiquées par “ganre de” ou “plena de” dans l’inventaire, ont ici été comptées comme équivalant dix objets, ce qui nous semble être un minimum raisonnable à considérer.
143 Paul Bertrand invitait dans un article récent à rester prudent face à l’idée de “révolution documentaire” observée pour les xiie et xiiie s., pendant lesquels un nouveau souci pour la conservation de l’écrit a pu faire croire à une explosion exagérée de la production documentaire. Néanmoins, s’appuyant sur les travaux d’Uwe Neddermeyer, il invite à ne pas tomber dans l’excès inverse, puisqu’un important accroissement de la production de l’écrit est malgré tout attesté dans l’Occident médiéval à partir du début du xiie s. puis surtout au cours du xiiie s. (Bertrand 2009, 75-92).
144 BnF, NAF 10372, fol. 147v : “I libre que fo d’en R. de Selanh, en que escrivia alcunas causas e alcunas fazendas del cossolat e alcunas notas de soutas e alcus acordiers apertenens al dig cossolat”. Les comptes de cette même année 1285 signalent le décès récent du notaire (Id., fol. 144v) et évoquent la fonction mémorielle de son registre (“e sia saubut que autre ganre de personas de Najac prestero aquestas VIIIC libres al cossolat segon que contengut ni escriges e’ l’autre gran libre del cossolat fah e escrig per la ma d’en R. de Selanh, notari sa enreires de Najac” : Id., fol. 147v). Nous ne savons pas en quelle année ce registre fut ouvert. La première et seule mention de R. de Selanh avant 1285 remonte à 1261, à propos d’une dette de dix sous contractée auprès des consuls (Id., fol. 30).
145 Ce registre est réalisé en 1285 (BnF, NAF 564, fol. 252) mais n’apparaît que de 1321 à 1323 dans les inventaires.
146 BnF, NAF 10372, fol. 82 : “Redero la caissa ab las costumas e ab las autras cartas que avio del cossolat”.
147 Id., fol. 86 : “Redero als cossols las costumas ab la caissa on estan, e’l traillat de las costumas, e autra caissa ab los establimentz e ab cartas de notaris e ab letras”. Nous retrouvons dans les comptes de 1271 l’entrée correspondant à l’achat de la caissette (“lo sendat dels penos de las trompas e’l papiers e la caisseta costet XIII sols III deniers” (Id., fol. 84).
148 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 262v : “Comprero IIII caissetas a metre las letras del cossolat, e costero XVI deniers tornes”.
149 Id., fol. 160 : “Doas cartas en I rotle d’apellacio del fag de Johan Azam e d’autre da Cabanas”.
150 Id., fol. 199 : “Item, III rotles d’actas que foro facha a Toloza del plah d’en R. de Garrissolas davant maestre Gualhart d’Avana jutgue de l’apel en la dicha causa, en que avia entre totz los digs III rotles XLV cartas escrichas”.
151 Id., fol. 233v : “I lhiassac en que a IIII rotles de actas del fag del pezatgue e de la leuda ; Item, I gran lhiassac de actas del pres que fo faghs dels dexs de Cassanhas ; Item, autre gran lhiassac de acas [sic] del fag de la porta d’en R. de Garissolas”.
152 Id., fol. 233v.
153 AD Aveyron, 2 E 178-5.
154 Laroche 1931, 142 ; Cassan 2006, 65-66.
155 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 183 : “Una gran caissa en que estan los lhibres e’ls escrihs del cossolat”.
156 Id., fol. 233v : “La gran caissa ab doas claus en que laissero ganre mai de cartas e de escrighs e de letras, part aquo desus escrig”.
157 Id., fol. 262v : “Feiro far alcunas cadenas de fer a’n Uc lo farralhier ad obs de fermar en la caissa del cossolat lo lhibre de las reconoissenssas que foro fachas dels fieus del rei de la senesqualqua de Rozergue coma es contengut en aquel lhibre, costet lo tot de far e de adobar III sols tornes petitz”.
158 Pierre Chastang a ainsi défini la fin des années 1250 comme le moment d’une première véritable organisation des archives du consulat montpelliérain (Chastang 2013, 229-258). De même, à Cavaillon, Maëlle Ramage a observé un début de constitution d’archives consulaires dans les années 1270 (Ramage 2015, 149-158). Plus au Nord, Thomas Brunner a montré que la constitution d’archives communales à Douai commença timidement au début du xiiie s., avec une accélération certaine entre 1250 et 1300. Il a trouvé pour ce processus une chronologie vraisemblablement similaire à Metz, Saint-Quentin, Ypres et Lille (Brunner 2014, 210-232).
159 Chastang 2006, 30.
160 Morsel 2008, 9.
161 À la fin de l’année 1319 par exemple, outre les consuls sortants, ceux entrants et le notaire chargé de tenir le registre, neuf anciens conseillers et trois crieurs publics sont témoins à la reddition des comptes.
162 AD Aveyron, 2 E 301-18, fol. 14v : “En lor setis acostumatz, tras la arqua del cossolat sieu”.
163 BnF, NAF 564, fol. 9 : “1255, aoust. (...) Vidime des premiers privillièges. Vidime faict par Pière de Villars, garde du scel royal de Villeneufve”. Ce vidimus se trouvait encore dans les archives de l’hôtel de ville de Najac à la fin du xiiie s., lorsqu’il fut copié dans le 146e volume de la collection Doat entre 1665 et 1670 (BnF, Languedoc Doat 146, fol. 10-17).
164 BnF, NAF 10372, fol. 55 : “A maestre Bernat Ribieira, devo XXX sols p’el trailat de las costumas e per las letras que fetz hom cant anet hom e’Fransa e p’els escrigs que avia faigs sobre’l pres faig de la gleia”.
165 BnF, NAF 564, fol. 6v° : “Letres du roy Philipes donées à Paris l’an 1299 et le jeudi après Noël portant générale mainctenue en leurs privilèges, libertés et coustumes” ; “Letres du roy Louis Hutin portant confirmation des privilèges de la ville de Najac et concession des nouvelles grâces (...)” (Doat 146, fol. 72).
166 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 160 : “Item, III letras del rei cofermans nostras costumas”.
167 Id., fol. 78v (1305), 124v (1314-1315), 160 (1320), 203 (1326).
168 Les consuls sont une première fois mis à l’arrêt en 1314 ou 1315 (Id., fol. 123v), puis régulièrement jusqu’en 1319 (Id., fol. 150).
169 Id., fol. 150-150v.
170 Sur la double fonction pratique et symbolique de la compilation de statuts municipaux, voir l’exemple du grand livre des ordonnances de Fribourg en Suisse (1466) étudié par Chantal Ammann-Doubliez (Ammann-Doubliez 2001).
171 AD Aveyron, 2 E 178-4, fol. 7.
172 À Najac, l’absence de registres de délibérations empêche de faire une comparaison systématique entre la réalité des prises de décision et la mise par écrit des ordonnances promulguées. Nous pouvons malgré tout supposer de fréquentes dissensions, comme à Brignoles en Provence où Lynn Gaudreault a remarqué que dans le premier registre de délibérations (1387-1391), seules 21 % des réunions résultent d’un consensus, qui n’apparaît réel que lorsque de fortes sommes d’argent ou les libertés de la communauté sont en jeu (Gaudreault, éd. 2010, 198-208).
173 AD Aveyron, 2 E 178-6. Les vingt premiers feuillets sont aujourd’hui perdus, mais l’inventaire de 1575-1576 permet d’en reconstituer le contenu (BnF, NAF 56, fol. 244-246v). Il signale que le livre assemblait, dans l’ordre, un calendrier, une copie traduite en langue vernaculaire de la charte de coutumes de 1255, une copie du premier cahier d’établissements réalisés entre 1280 et 1298, puis quelques ordonnances de 1298 et 1299. Le registre fut ensuite complété entre 1331 et 1333 (premiers feuillets actuellement conservés). Il se présentait sous la forme d’un livre de parchemin (malgré l’usage courant du papier à Najac depuis au moins la fin des années 1250), doté d’une couverture de basane rouge aujourd’hui disparue. Le second registre de comptes permet de dater précisément ce volume de 1299 (AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 46 pour la rémunération du scribe, et fol. 48v pour sa première mention dans les inventaires de reddition des comptes).
174 BnF, NAF 56, fol. 6v.
175 Selon les prescriptions de la charte de coutumes de 1255, l’année consulaire débutait à Najac le 2 février. Celle de 1299 s’étendit donc jusqu’au 2 février 1300.
176 François Bordes a montré, à travers l’exemple de Toulouse, que les dates de confection des cartulaires municipaux à la fin du Moyen Âge sont généralement à mettre en lien avec la dynamique des rapports entre la ville et le pouvoir seigneurial (Bordes 2013).
177 Chastang 2013, 315.
178 Toutes proportions gardées, le parallèle avec le Trésor des chartes des rois de France s’avère sur ce point très significatif (voir Guyotjeannin & Potin 2004).
179 AD Aveyron, 2 E 178-2, fol. 134-134v.
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Le bazar de l’hôtel de ville
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