Faire maison commune. Les lieux de réunion de la Jurade à Bordeaux (xiiie-xve siècle)
The community house. The meeting places of the Jurade in Bordeaux(xiiith-xvth centuries)
p. 111-136
Résumés
Élaboré conjointement à l’enceinte du bourg mercadier dans la première moitié du xiiie s., le complexe de Saint-Éloi articule maison commune, porte-beffroi et sanctuaire municipal. L’espace du gouvernement bordelais devient binucléaire du fait de l’apparition d’un pôle mayoral motivé par la double valence du premier des magistrats : à la fois maire et officier du roi-duc, nommé exclusivement par celui-ci depuis 1289. Et les lieux d’expression de la parole publique de s’avérer encore plus divers lorsqu’on peut les saisir, sur quelques années du début du xive s., dans les délibérations de la Jurade. Ces différents sites n’ont pas le même rôle, ce qui s’y passe n’a pas la même essence. Leur étude intrinsèque et croisée permet d’en dégager les dialectiques et montre combien le pouvoir municipal bordelais se forme dans ses rapports avec les acteurs extérieurs, dans des espaces, des temporalités et des circonstances variées. De tous ces lieux, Saint-Éloi est le seul à constituer un attribut. Espace privilégié de l’universitas, amenée à contenir tous les signes, la maison commune n’apparait pas forcément comme le principal d’entre eux, mais certainement comme le plus centralisateur.
As a grouped construction at the city wall of the merchant town in the first half of the xiiith c. the complex of Saint Eloi includes a house, a bell tower and a municipal sanctuary. This space for the governance of Bordeaux gained a two-fold function because of the development of the role of mayor who doubled as the town’s first magistrate. The post-holder was both mayor and an officer of the King-duke and appointed exclusively by him from 1289. Places for public expression became more diverse over a few years at the beginning of the xvth c. and it is possible to understand this in the Jurade meetings reports. The different sites did not play the same role and what transpired there did not have the same content. A close and cross-matched study of these allows us to identify the arguments and to show how the municipal power in Bordeaux was shaped by its relations with outside agents, in varied places, times and circumstances. Among all these places, Saint Eloi is the only one to constitute an attribute. It was the privileged location of the universitas, and as such contained all the insignia, thus the community house does not seem to be the main site among these locations but it is certainly the most centralising.
Texte intégral
1Les attributs matériels du gouvernement urbain forment un système complexe d’émetteurs/récepteurs d’informations et de pratiques qui associent corps municipal et communauté urbaine. Si chacun d’eux et tous ensemble sont perceptibles du point de vue sensoriel, leurs expressions matérielles ne sont pas les mêmes (matériaux, dimensions, couleurs), ni identiques – et pourtant convergentes – leurs valences symboliques. Leur hiérarchisation globale me paraît incertaine tant ils sont interdépendants ; leur observation au prisme d’un critère plus tangible, tel celui de leur taille physique, peut, en revanche, ouvrir quelques pistes. Sceaux, clefs, bannières, trompettes, coffre, cloche, beffroi, maison commune : cette liste non exhaustive, classée par ordre croissant de taille d’attribut – même si l’on peut discuter sans fin leur nombre, leur position, leur caractère singulier ou pluriel, etc. – nous dit peut-être déjà quelque chose des mécanismes qui président à leur constitution.
2En effet, il y a dans cette énumération d’attributs mobiliers et immobiliers comme une relation de poupées russes, à ceci près que ce ne sont pas les grandes poupées qui enfantent les petites. Parmi ces objets, ce sont certainement ceux associés à l’écriture de l’identité urbaine (sceaux, archives), à leur rôle d’instrumentation de la norme et de la gestion, à leur multiplication, à leur stratification1 et au souci de les préserver et de les conserver2 qui pèsent le plus sur les lieux, par la nécessité qu’il y a de localiser dans l’espace, par des coffres, des armoires, des immeubles, un écrit promu au rang mémoriel. La maison commune est l’espace délimité et matérialisé de la parole publique et des délibérations “dont l’écrit ne constitue que l’écume”3. À bien des égards, elle m’apparaît intégrer une nouvelle échelle du cercle scripturaire : arca et domus forment un écrin4 manifestant “une union de la ville dans la ville”5, une façon qu’ont peut-être les consuls de faire souche, tel un lignage en sa geste et en sa terre, comme l’illustre l’exemple toulousain où le registre consulaire (1205) précède l’entreprise d’édification de la maison commune (1210). Ainsi, cette dimension plus ou moins précoce conférée à l’écrit-référent se manifeste dans la possession d’une maison spécifique, propriété de la personne morale qu’est l’université, comme Léah Otis-Cour le note pour Montpellier6 (1205, apparemment le cas le plus précoce dans le Midi), Avignon (1216), Marseille (1218)7 ; mais plus souvent semble-t-il, une maison est louée par les consuls, comme à Najac où la location (1249) précède la construction (1276), à Millau (1278), dans la cité de Narbonne et la ville de Montferrand dans le dernier quart du xiiie siècle, ou encore plus tardivement à Albi (1368)8.
3La maison commune est une sorte de laboratoire politique où un groupe dirigeant s’essaye à la gestion commune9. Lieu d’expression de la vie interne du gouvernement, elle se forme néanmoins dans ses rapports avec les acteurs extérieurs, dans des espaces, des temporalités et des circonstances qui l’impliquent tout en étant allogènes. L’étude du cas bordelais qui est au centre de cette contribution souhaiterait démontrer combien cette expérience est conduite en divers lieux de réunion10 et passe par une construction conjointe des attributs. Cristallisées autour de la porte Saint-Éloi, l’église éponyme et la maison commune sont, parmi d’autres, des lieux de réunion dont la chronologie et même la réalité matérielle médiévale restent obscures11. Si l’on ne dispose d’aucun indice avant 129512, quelques rares données archéologiques, planimétriques et textuelles ont permis à Pierre Régaldo d’échafauder une hypothèse urbanistique tangible faisant de Saint-Éloi un complexe conçu comme une composition d’ensemble dans la première moitié du xiiie s., de façon conjointe à l’érection de l’enceinte du bourg mercadier13. Au-delà des rares données archéologiques, planimétriques, foncières et sigillographiques exploitées depuis le xixe s., les sources relatives à la maison commune et aux autres lieux de réunion sont hétérogènes et assez éparpillées. Pour la période du xiiie au xve s., les actes du pouvoir souverain n’offrent qu’une vingtaine d’occurrences associées à la domus comunis durant la période de luttes des factions (1250-1330)14. Du corpus scripturaire produit, et que Bordeaux n’a pas conservé du fait de divers sinistres, restent quelques fragments : parmi eux, les sources normatives15 du gouvernement urbain sont peu disertes sur le sujet (une trentaine de mentions) ; en comparaison, les bribes des Registres des délibérations de la Jurade, pour les périodes de juillet 1406 à mars 140916, de mai 1414 à juin 1416 et d’avril 1420 à mars 142217 (soit environ 6 années et 10 mois au total) forment le corpus le plus cohérent (591 mentions) permettant de cerner plus finement les circonstances de l’assemblée de ceux qui agissent “per lo bon regimen et gobern de la ciutat”18. Des pièces comptables ne restent que deux tardives épaves : l’extrait du registre de compte du trésorier de ville Grimon de Bordeu19 pour les mois de février à août 1442 (une dizaine de mentions) et le compte de recettes et dépenses de Johan de Maucamp20 réalisé entre août 1501 et février 1502 (8 mentions).
4Pour saisir la dimension de chaque lieu, je me suis attaché à collecter le maximum d’indices se rapportant au contexte des assemblées (qui ? où ? quand ? quoi ?), que ces sessions soient officielles, c’est-à-dire qu’elles émanent du corps de gouvernement et qu’elles se fassent de manière engagée et à portée publique (séances du conseil, élections, assemblées des états21), ou officieuses, c’est-à-dire qu’elles revêtent un caractère discret du point de vue des jurats. Malgré le nombre, ce lot de mentions est à manipuler avec prudence car il émane du point de vue interne de l’institution municipale, ensuite, parce qu’il est difficile d’y cerner des évolutions par interpolation de données concentrées sur des phases temporelles très resserrées, enfin, corollaire de cette durée, parce que l’étude de ces phénomènes invite à prendre en compte l’évolution des institutions municipales et le contexte politique, économique et militaire des siècles d’union anglo-gasconne22. Quel est l’impact de ces multiples conjectures sur les lieux de réunion du gouvernement urbain ? Si le constat est celui de la diversité des lieux, des temporalités, des personnes et des enjeux qui président à l’expression du gouvernement, on peut s’interroger sur les caractères propres à chaque lieu. S’agissant de la maison commune, on peut se demander comment s’articulent en plan les offices et fonctions qui y prennent siège ? Saint-Éloi n’est pas qu’un lieu de gouvernement, mais Saint-Éloi est-il le seul lieu du gouvernement municipal ? Quels sont les autres espaces de la ville où se réunit la Jurade ? Seule ou avec d’autres pouvoirs ? À quelles occasions ? Existe-t-il une hiérarchie entre ces différents sites ? Une logique préside-t-elle au choix des lieux ?
5L’historiographie invite à réfléchir sur la façon dont le lieu devient attribut et, spécifiquement à Bordeaux, sur son caractère bipolaire, réparti entre la maison commune de Saint-Éloi et la mairerie. Si la maison commune est le pôle de pouvoir qui s’est imposé dans l’historiographie locale, parce qu’elle s’assimile à la ville et valorise le caractère autonomiste des Bordelais, elle apparaît comme un complexe municipal autant que seigneurial qui, à un moment ou un autre, contient tous les attributs mais ne suffit pas en lui-même pour gouverner. L’étude des autres lieux et des autres dimensions de l’exercice gouvernemental souligne à quel point les jurats sont attachés à se montrer ailleurs, pour des raisons qui mettent en avant le besoin qu’à la Jurade de se “sentir exister” au contact d’autres pouvoirs.
Le lieu comme attribut
Les historiens et la maison commune
6Récemment, Thierry Dutour23 a remis en question l’historiographie, extrapolée à partir des travaux d’Albert Rigaudière, qui faisait de la maison de ville, un critère validant l’existence plénière de la communauté politique ; paradoxalement, toutes les synthèses reconnaissent le caractère très tardif de cet édifice24, comme si l’université ne se dotait d’un “corps physique” – entendons immobilier, qu’à la fin du Moyen Âge25. Comment existe l’espace vécu de l’universitas, le “faire maison commune” ? Il s’exprime d’abord, avec le temps, comme une dimension inhérente de l’action commune : se réunir, délibérer, ordonner ensemble imposent de pouvoir s’assembler en un lieu pour un moment26. Mais, partager un espace au même moment, à dessein commun, n’oblige pas de posséder le lieu mais implique de facto son occupation (mise à disposition gracieuse et temporaire d’un lieu), voire son appropriation (par la location), a fortiori lorsque les fins sont itératives et que le corps qui préside la réunion se projette dans la durée. Cette chaîne d’actions participe de la prise de conscience des membres du gouvernement qu’ils ne forment, au-delà de leur singularité, qu’une personne dans leur expression au profit du commun. L’évolution des dirigeants dans leur rapport au lieu est marquée par la volonté d’asseoir l’autonomie de l’assemblée, d’assurer l’indépendance des débats et des prises de décisions et conduit, selon une chronologie très variable selon les cas, à posséder la maison, en la faisant construire ex-nihilo ou en acquérant des immeubles à dessein. Le cas sanflorin étudié par Albert Rigaudière est révélateur de cette évolution et pose la question de ce que les sources appellent domus comunis. Cette dernière est signalée, à Saint-Flour, avec l’arca, dès 1315, mais ne semble pas être une “propriété”, les consuls étant encore, jusqu’à la fin du xive s., occupés à louer puis enfin acheter divers immeubles pour faire maison commune27. Bernard Chevalier note à propos de l’expression que “sa mention n’implique pas nécessairement celle d’un édifice localisable et pérenne”. Il justifie la “disette historiographique” des questions relatives à l’hôtel de ville médiéval par l’attitude opportuniste des magistrats28, disette dont d’autres historiens se disculpent, tant secondaires leurs apparaissent les bâtiments de représentation du pouvoir de l’espace francophone au regard de l’exemple italien29.
7Devant la diversité des formes que prend la maison commune, les historiens de l’architecture, à qui l’on doit l’essentiel des travaux30, ont mis en œuvre une approche typologique. Ce sont le caractère commercial et la forte prégnance de l’aristocratie dans la gouvernance des villes du nord de la France et des Flandres qui orientent leur classement. Les hôtels de ville, nés par greffe sur une halle marchande ou par transformation de la demeure privée à l’usage du gouvernement municipal, forment des types, où l’immeuble est décortiqué au prisme des fonctions religieuse, administrative, économique ou militaire31. On trouve déjà chez Jacques Gardelles, pour le Bordelais et le Bazadais, la même empreinte, considérant que le site “était commandé par l’exercice de deux des fonctions les plus indispensables attribuées aux agglomérations de type urbain : défense et échange”32. Ces contingences historiographiques œuvrent parfois jusqu’à l’excès et faussent les interprétations33. Dans le nord de la France et dans les Flandres, la maison de ville agglutine la fonction de la halle marchande à celle du lieu d’assemblée par “les origines mercantiles des magistrats bourgeois”34 ; en Italie, le palazzo communale est le plus souvent analysé comme “la réplique et le concurrent politique [du palais] du prince ou de l’évêque”35. Peu enclines à recouper les données, ces approches assujettissent trop souvent la maison commune aux modèles de pouvoir et d’architecture préexistants – qui n’en forment pas moins des modèles évidents ; par ailleurs, elles marginalisent l’étude de l’institution et des conjectures locales alors qu’elles sont une donne à prendre en considération pour comprendre l’originalité du lieu, comme l’illustre la bipolarité des corps et des maisons narbonnaises36 ou bordelaises.
8Ces approches topiques sont trop univoques et relèvent tantôt d’une analyse monosémique des sources – que ces dernières soient de pierres ou de mots – tantôt en calquant le modèle historiographique des pratiques italo-flammandes sur des espaces et des sociétés dont rien ne prouve qu’elles s’en sont inspiré. Et l’historien d’estimer l’écart ou la conformité du cas au modèle et d’en conclure le caractère complet ou inachevé des formes de gouvernement et, partant, de passer à côté de ce qui préoccupe véritablement ces sociétés. Les universitates peuvent très bien méconnaître les usages d’autres villes, les connaissant, elles peuvent décider de s’en distinguer jusqu’à les ignorer car elles estiment les enjeux différents et, pour répondre à leurs besoins, s’attèlent alors, par tâtonnements, à proposer des solutions locales aux profils divers et variés. L’étude du cas bordelais invite l’historien à se départir de ses propres modèles en élargissant et en confrontant les données, les analyses et les échelles d’observation.
Les deux maisons du pouvoir municipal
9L’évolution des institutions communales (nomination du maire par le roi-duc depuis 1289, nouvelles institutions de 1375) font du premier magistrat de la ville un officier du roi duc (fig. 1) : le maire “ne fait que symboliser par son titre et ses attributs la communauté urbaine dont il n’est plus l’expression”37. La dualité intérieure des institutions bordelaises38 explique donc l’empreinte topographique et lexicale distincte des lieux de pouvoir municipal.
10Les délibérations de la Jurade précisent la date de lieu de 506 séances (85,5 %)39 dont un peu plus de 8/10 se déroulent à la maison commune de Saint-Éloi (fig. 2). Hormis les élections annuelles des 24 et 25 juillet qui signalent “la gleysa Sent-Aloy” ou “l’autar Sent-Aloy” (14 mentions) sur lequel les jurats prêtent serment, tout le reste se rapporte à la maison commune, de façon directe (357) ou indirecte (51 mentions)40.
Fig. 2. Les lieux de réunion du gouvernement municipal dans les Registres de la Jurade (Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873 ; Coizeau & Barckhausen, éd. 1883).
Lieu de réunion | 1406-1409 | 1406-1409 | 1414-1416 | 1414-1416 | 1420-1422 | 1420-1422 | Total | Total |
Indéterminé | 20 | 8% | 27 | 13% | 38 | 29% | 85 | 14,5% |
Déterminé | 231 | 92% | 180 | 87% | 94 | 71% | 506 | 85,5% |
Complexe St-Éloi | 178 | 77% | 160 | 89% | 83 | 88% | 422 | 83,5% |
Autres lieux | 53 | 23% | 20 | 11% | 11 | 12% | 84 | 16,5% |
Total 1 + 2 | 251 | 100% | 207 | 100% | 132 | 100% | 591 | 100,0% |
11La dénomination des édifices municipaux différencie néanmoins la maison commune de celle du maire. Dans les registres comme dans les autres sources médiévales, l’hôtel de ville est désigné comme “la mayson comunau de Sent-Ylegi”41. Sur 339 mentions, les deux premiers registres (1406-1409 et 1414-1416) se réfèrent de façon préférentielle à la “mayson comunau” (269 fois), l’ “ostau comun” (70) étant essentiellement usité dans le dernier registre (1420-1422). À côté de ce flot de références, l’expression d’ “ostau/mayson de la billa” apparaît quelques fois, précisément trois dans les registres, mais pour désigner le logement et la maison du maire42.
La mairerie
12Mentionné pour la première fois en 140643, cet édifice est situé à quelques 200 m au nord de la maison commune (fig. 3). Il comporte une tour carrée de 2,5 m de côté et de 15 m de hauteur, sa présence est remarquable au sein du bourg, comme en témoignent les états modernes44. Le 10 septembre 1406, les maire et jurats y tiennent un conseil sur les mesures à prendre pour contrer l’avancée du duc d’Orléans. Le 15 juillet 1407, une nouvelle réunion se tient “en lo jardin de mossenhor lo mager”45; le 23 juillet de la même année, un dîner s’y déroule, suivi d’un “conselh segret sobre plusors causas”46. Le maire y tient également une cour de justice (“cort deu mager”47) dont il détient un registre qui ne nous est malheureusement pas parvenu48. Enfin, dernière des fonctions et non des moindres : c’est à la maison du maire que les jurats qui se sont injuriés, qui ont injurié l’honneur de la ville, qui se sont battus ou qui ont trahi le secret des délibérations, sont mis aux arrêts49. S’il existe également un lieu de détention à Saint-Éloi, les jurats emprisonnés en sont soustraits car il est probablement trop risqué pour eux d’être détenus à la maison commune conjointement avec des prisonniers qu’ils pourraient avoir eux-mêmes condamnés. La maison du maire fait alors office de “quartier spécialisé”, à l’instar de ceux que l’on trouve dans les lieux de détention actuels et qui servent notamment à protéger ceux qui exercent une magistrature publique. La détention des jurats à la maison du maire relève plus du rôle de ce dernier en tant qu’officier du roi que de magistrat urbain.
13Ce petit lot de mentions souligne l’usage d’habitation mais aussi la dimension publique de cet “ostau de la bila” que l’on appelle aussi parfois “hostau de la majoria” (mairerie). “Majoria” désigne aussi le mandat mayoral et, dans les sources normatives qui relatent la formation jurisprudentielle de plusieurs règlements établis à partir des décisions prises “in la majoria” de tel ou tel maire du xiiie s.50, on se demande comment interpréter le terme : date de temps – durant le majorat – ou date de lieu – à la mairierie –, ce qui évidemment permettrait de faire remonter plus haut que les premières mentions du xve s., l’existence d’une telle maison. Face à la carence des sources, il est impossible de trancher. Tout au plus peut-on, avec prudence, suggérer que la confiscation par le roi-duc de la nomination du maire, réalisée en 1289, serait la date la plus haute à laquelle pourrait remonter cet édifice. Les fonctions “régaliennes” de la mairerie disparaissent après 1453 mais demeurent jusqu’en 1662 toutes ses valeurs honorifiques, notamment celle de logement mayoral, ce qui la maintient au rang des pôles de pouvoir urbain. Après la vente de la mairerie aux Jésuites (1662), le maire bénéficie d’un logement de fonction à l’hôtel Nesmond, tandis que Saint-Éloi est désormais, seul, l’hôtel de ville.
14Le maire du Bordeaux médiéval, en s’incorporant définitivement à la maison commune à partir de la seconde moitié du xve s., réduit le caractère communautaire de la maison par association du nom de l’édifice (“majoria, hostau de la bila”) à la primauté de sa fonction (“mage/mager” en gascon) : l’expression d’hôtel de ville remplace celle de maison commune, mais l’hôtel de ville n’est plus véritablement la maison commune. Le rapport originel de cette maison au service de la comunia agit comme un ciment qui se voudrait immuable – immobilier – entre ceux (maire, jurats, etc.) qui jurent de respecter l’organisation municipale (ses statuts, ses privilèges, ses hommes, etc.). La “mayson comunau” est une appellation collective et solidaire qui renvoie à la notion d’in solidum : elle engage plusieurs personnes faisant corps dans l’universitas, mais où chacune de ces personnes est responsable des droits et des devoirs envers son seigneur et/ou représentant. Si je tente ici de différencier la portée des lieux, ce n’est pas pour conclure à l’opposition systématique de ceux qui les détiennent ou les occupent. Le maire est actif à la maison commune, il y entre librement et préside, lorsqu’il est présent (soit la moitié des cas), la “jurada” et la cour de justice. La coexistence de ces deux maisons montre que, à l’image de la dualité institutionnelle, il y a bien plusieurs pôles du pouvoir municipal, mais, qu’il existe aussi véritablement un lieu privilégié de la gouvernance urbaine, celui de la maison commune, lorsque le maire ou son lieutenant et les jurats s’y assemblent, ce qui concerne l’écrasante majorité des conseils.
15En somme, les institutions, les lieux et les pratiques du gouvernement se transcrivent à Bordeaux de façon duale, le binôme mairerie/maison commune formant une sorte de cogestion de la ville-tête du duché. Voit-on pareille configuration ailleurs dans le Midi plantagenêt ? À l’échelle du duché, il semble illusoire de chercher un modèle unique. On peut évoquer, en Bordelais, le cas de Saint-Émilion et de la tour du Roi, lieu de réunion probable de la Jurade saint-émilionnaise concédée par le roi à la ville, mais aussi tour rendable selon les besoins de la royauté, qui pose une configuration d’une autre nature51.
Le complexe de Saint-Éloi
16L’historiographie a fait de Saint-Éloi un monument à la gloire de l’émancipation communale52, longtemps perçu en rupture face aux autres pouvoirs53. Or, l’imbrication de l’enceinte, de la maison commune et de l’église Saint-Éloi manifeste spatialement la coexistence, voire l’entente explicite ou tacite de la triade des pouvoirs bordelais (roi-duc, Jurade, Église) ; la reconnaissance du pôle de pouvoir municipal revêt une dimension pacifique en dépit des multiples différends qui animent les acteurs. Et pourtant, assez rapidement, on finit par ne retenir ici que la commune. Tout comme l’Église de Bordeaux s’est servie de l’enceinte antique comme d’un périmètre d’assimilation54, la commune double son intégration physique dans l’enceinte d’une dimension plus anthropologique, semblable à un processus (ici le fait de s’associer à l’enceinte et de posséder la maison commune) par lequel un groupe social (l’universitas) modifie les individus extérieurs – la communauté des habitants et même les autres pouvoirs – pour les incorporer à sa propre civilisation. Cette dimension sociologique pourrait être valable, au moins partiellement, pour d’autres villes du Midi, tels Agen et Toulouse, où l’on observe des configurations proches. Ces dynamiques d’assimilation sont également présentes au sein de la maison commune et de sa représentation sigillaire.
La mayson comunau
17La maison commune a connu de nombreux sinistres à l’Époque moderne. Les reconstructions partielles en font un bâtiment composite, mal adapté à l’activité des jurats qui l’abandonnent à la fin du xviiie s.55. Le plan dressé en 1749 par Pantin (fig. 4)56 présente des bâtiments hétérogènes occupant approximativement 1 500 m² entre les portes et les courtines de l’enceinte. On ne connaît de cet îlot municipal que le rez-de-chaussée, même si plusieurs escaliers conduisent à, au moins, un étage. Le complexe a subi de nombreux affres et aménagements dont certains sont connus et permettent de faire le tri dans les édifices du plan. La vaste cour centrale, desservie par la porte encadrée de pavillons, est réaménagée pour présenter les antiques découverts dès 1594 sur le mont Judaïque ; le 6 février 1639, Herman van der Hem dessine ce décor qui flatte l’honneur de la ville57. Les prisons réalisées en 152058 sont ruinées par l’incendie du 13 décembre 165759, causé par la foudre qui s’est abattue sur une tour centrale de l’enceinte, faisant office d’arsenal. L’incendie a détruit l’ensemble des niveaux supérieurs, compris entre la salle du conseil et le collège de Guyenne, lui-même endommagé et situé pourtant au nord de l’enceinte. Sur le plan, ce secteur pourrait correspondre à la partie occidentale confrontant la porte du Cahernan où ont été reconstruits l’arsenal, une nouvelle chambre de conseil et les archives. Le 16 avril 1699, un nouvel incendie détruit la chapelle qui a été probablement réédifiée au même endroit60. Enfin, la salle de spectacle édifiée en 1735 est incendiée dans la nuit des 27-28 décembre 1755 ; ce sinistre détruit les maisons alentours et fait fondre les plombs des toits de la Grosse-Cloche61.
18Les bâtiments et espaces que l’on peut raisonnablement rattacher aux derniers siècles du Moyen Âge sont, de fait, peu nombreux (fig. 5) et, bien qu’il soit délicat de les mettre en accord avec les textes médiévaux, on peut néanmoins tenter l’expérience. Insérée entre les portes et les murs de l’enceinte qui paraissent achevés vers 1225, la maison commune a une position ostentatoire : longtemps les fossés qui la bordent restent libres de toute construction, les premières maisons qui enserrent la tour sud-ouest de Saint-Éloi sont signalées dans les comptes de 1501-150262. On entre à la maison commune via la porte Saint-Éloi dont les tours septentrionales, formant beffroi, sont très certainement édifiées en 1246 (cf. infra)63. Les bâtiments voutés qui servent d’entrée forment la “porteria”64. Dans leur prolongement, peut-être à l’emplacement même des prisons édifiées en 1520, s’élevait probablement déjà un “arrest” où sont enfermés les détenus65. Près des prisons s’élève la chapelle desservie par un aumônier qui collecte également l’aumône pour les prisonniers66. Peut-être faut-il lui associer l’autel Saint-Antoine sur lequel viennent prêter serment les “sirventz”, mais aussi les bourgeois et marchands de vin “que angua[n] jurar sobre l’autar sent Anthoni, garnit de rebquias”67 de ne truquer aucune marchandise ni le vin qu’ils vendent. Aucune mention ne se rapporte à la grande cour intérieure, mais une entrée latérale dans la chapelle impliquerait l’existence d’un dégagement libre de toute construction, assimilable à la partie de la cour centrale insérée entre les deux murs. Cette cour, par la suite consacrée aux antiquités de la ville, pourrait bien être d’origine médiévale. En effet, les bâtiments ouest, servant à réunir les diverses chambres et bureau d’administration, ne sont pas immenses (autour de 300 m²). Le décompte des personnes présentes aux séances de la Jurade permet d’étayer l’existence médiévale de cette cour : ces bâtiments sont suffisants pour les conseils habituels et pour ceux qui accueillent tout ou partie des Trente, mais qu’en est-il lorsque se joignent à eux les Trois-Cents et le commun peuple ? Le 23 juin 1416, “estant en la maison comunau de Sent-Ylegi per tenir concelh sur Pey Grant et Pey de Graua, detingutz au Castet, et sus la cedicion deu pobble, et sus lo guouern de la ciutat”, on trouve, nommément listés, au côté du lieutenant du maire et de 9 jurats, 25 membres du conseil des Trente, 113 membres du conseil des Trois-Cents et d’autres personnes du commun peuple, non désignées, mais estimées “au nombre de quatre centz”, soit approximativement 550 personnes si ces chiffres sont véritables68. S’il paraît logique de penser que “la principale caractéristique des lieux où se tiennent les assemblées est d’offrir la place qui paraît nécessaire”69, il semble ici que les dirigeants aient préféré s’accommoder de l’exiguïté du complexe municipal, quitte à faire s’entasser le “comun poble” dans la cour70, pour traiter entre eux une affaire de sédition urbaine plutôt que de délocaliser le conseil.
19Reste le bâtiment occidental, flanqué de deux tours occupées par des escaliers-à-vis ; le plan de 1749 y indexe en U, la “Grande salle”, en V, la “Chambre d’audience dite au Quartilie”, et en X, la “Salle pour la nomination des jurats”. Ces tardifs témoignages s’accordent imparfaitement avec les textes médiévaux. Les mentions de lieu que l’on pourrait rapprocher des trois salles sont peu nombreuses et lapidaires (17 mentions sur 422, soit 4 % ; fig. 6).
Fig. 6. Les pièces signalées “en la mayson comunau” dans les Registres de la Jurade (Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873 ; Coizeau & Barckhausen, éd. 1883).
nature | mention | 1406-1409 | 1414-1416 | 1420-1422 | total |
grand auditoire | en l’auditori public / en l’auditori | 1 | ― | 1 | 2 |
en lo gran auditori | 1 | ― | ― | 1 | |
petit auditoire | en l’auditori estreyt / au segont auditori | 2 | ― | ― | 2 |
en la destrensa | 5 | ― | ― | 5 | |
trésorerie | en la cambra deus acontes | 1 | ― | ― | 1 |
en l’escaquey / en l’esquaquer deus acontes | ― | 3 | ― | 3 | |
en la tresauria / tesauraria | ― | 3 | 1 | 4 |
20Ce lot de mentions peut se rapporter à trois pièces. Leur appellation et leur fonction diffèrent quelque peu de celles retenues par Yves Renouard qui cherchait une adéquation entre chacune d’elles et leurs occupants71. Les mentions de la “destrensa” se focalisent sur la période du 18 août au 2 septembre 140672 : chaque fois y sont assemblés le maire et huit jurats au moins qui y tranchent des questions d’administration locale (paiement et gages des officiers) mais surtout en lien avec le conflit militaire (sortie de blé, conflit financier avec le sénéchal, armement d’une flottille de guerre, pression armée sur Bayonne). Peut-être faut-il assimiler ce lieu étroit avec “l’auditori estreyt” ou “segont auditori” qui n’est signalé que deux fois jusqu’en décembre 140873. À cette époque l’auditoire étroit a, semble-t-il, perdu sa fonction de lieu d’assemblée, ce que pourrait confirmer la décision du 1er mars 1407 qui stipule que “d’assi en auant, la jurada se tengua en l’auditori public”74. Cette décision pourrait être suivie d’effet car les trois seules mentions de l’ “auditori” ou “gran auditori” sont postérieures75. Cela implique-t-il que toutes les séances antérieures se passaient à l’auditoire étroit ? Pourquoi une telle décision ? Des conditions matérielles (travaux, exiguïté des lieux, etc.) président-elles au choix ou faut-il y voir une volonté du premier magistrat qui est également l’officier du roi, de marginaliser le caractère discret des débats ? Enfin, la dernière pièce que les textes signalent d’ailleurs plus fréquemment est la trésorerie, appelée chambre des comptes, “tresauraria” mais aussi “escaquey”76. Ce dernier terme fait écho à un autre échiquier, celui du roi-duc au château de l’Ombrière, qui est l’un des principaux lieux de réunion extérieur à la maison commune et pose la question de l’influence du modèle plantagenêt dans la gestion des finances municipales.
21Deux salles signalées dans les registres pourraient correspondre à deux des trois salles du plan de 1749 : la chambre d’audience V pour l’ “auditori public” et la salle X pour la “destrensa”, car, en position de cul-de-sac, elle offre les conditions propices à la tenue de conseil requérant secret et à l’élection en conclave des nouveaux jurats par les anciens77. Ceci n’est pourtant que supposition, rien ne permet de l’assurer fermement. On ne sait par ailleurs que faire de la “Grande salle” (U) : un lieu de justice où se réunit la “cort de Sent-Elegi”, ou bien le grand auditoire ? Ce n’est pas impossible. Et la trésorerie, où la situer ? Probablement à l’étage, avec d’autres services plus administratifs pour lesquels on ne sait que peu de chose à commencer par celui du clerc de ville. Celui-ci est l’un des piliers de la maison commune78, il a avec lui une équipe de clercs. Pourtant, tous les autres offices n’impliquent certainement pas l’existence de locaux spécifiques. Au-delà des charges déjà évoquées, il y a le prévôt de ville (et son clerc) qui préside la cour pour les affaires civiles d’un montant inférieur à 50 livres, il surveille aussi d’autres personnels qui travaillent ailleurs en ville (gardes des portes, “bistors et siruentz” qui veillent aux biens immobiliers, au pesage du pain, des blés, au marquage des vins…) mais qui se rendent également à Saint-Éloi où ils ont prêté serment et reçu leur attribut. Et les archives, où sont-elles ? Certainement pas à l’endroit où elle figure sur le plan de 1749 mais probablement, là encore, à l’étage, dans une pièce spécifique ou plus vraisemblablement partagées entre les offices du trésorier et du clerc. Enfin, à l’ouest du bâtiment, vers la porte du Cahernan, on ne sait s’il existe un arsenal médiéval, beaucoup d’armes à balancier ou à poudre sont stockées ailleurs en ville79, mais lorsque le prévôt confisque des épées, il les enferme à Saint-Éloi80.
22On a également du mal à restituer la façon dont on vit à Saint-Éloi. Quelques rares mentions signalent des préoccupations de confort. Les jurats y prennent un repas commensal le soir des élections mais on y mange aussi de façon moins symbolique : le compte de 1442 note le versement de 5 sous à Yonet Gombaud pour du pain et du vin81. Des cheminées sont indiquées sur le plan de Pantin ; en 1501, le trésorier paie à Guillaumes Menestrey 1 ardit pour fermer une prise d’air “dessus lo banc, en la crambe deu Conseilh, per gardar la callor deu fucq quant Messenhors tenen jurade”82.
23Pour les Bordelais, la maison commune constitue l’ancrage d’un pouvoir seigneurial qui dispose de différentes ramifications en ville. Si la cour de Saint-Éloi siège à la maison commune, l’exercice justicier se passe au pilori du marché. C’est sûrement sur les aspects fonciers que la maison commune est la plus centralisatrice : tous les cens des tenures concédées par la ville y sont versés83. Toutefois, les taxes sur les vins et autres marchandises sont prélevées à la “maison de la bilheta”, place de l’Ombrière, dont la ville garde jalousement la propriété84. Le roi-duc ou ses représentants savent mettre à profit la chaîne des décisions en matière fiscale : les impôts de guerre exceptionnels sont discutés à la maison commune, prélevés par le personnel municipal avant d’être versés à “l’ostau de la Vila on se culh la enposecion”85.
24La maison commune est l’espace privilégié de l’assemblée des jurats sous la présidence du maire ou de son représentant, même si on note une ou deux réunions dans l’église qui ne sont pas associées aux élections86 ; c’est un lieu par lequel passe tous les attributs, mais c’est un espace qui ne les contient pas tous ni tout le temps. À la différence des clefs, ce n’est pas un attribut convoité par d’autres pouvoirs87, mais prendre la maison commune est un enjeu majeur et interne à ceux qui luttent pour prendre le pouvoir, comme le montre le cas des luttes de faction du début du xive s.88. De tous les attributs, le caractère immobilier de la maison lui confère une dimension presque infrangible, à la différence du sceau qui, plus fragile, n’a pas moins de portée symbolique.
L’assimilation emblématique et sonore du commun conseil au beffroi de Saint-Éloi
25En 1246, l’église Saint-Éloi reçoit de la Jurade des terrains en compensation de ceux qui sont occupés, à son entrée, par la construction de deux tours et d’une porte89. Ces travaux se rapportent très certainement à ce que l’on appelle aujourd’hui la Grosse-Cloche, qui apparaît sur les armes de la ville. Dans cette donation, on peut noter le parallèle entre l’expression consonantique “quamdam litteram magno sigillo Burdegale sigillatam” et la représentation des deux tours formant porte sur le sceau de ville. La formule transcrit peut-être une mise en forme très pensée de la charte originale, par laquelle la commune fait donation de terrain au motif de l’édification de ce qu’elle projette déjà comme un emblème. Cette hypothèse est invérifiable, mais le commun conseil, avant de disposer d’une maison et même de terminer son enceinte, dispose d’un sceau depuis au moins 121590. Comme quoi, la capacité à faire reconnaître de façon emblématique l’identité collective et à pouvoir valider et authentifier les productions scripturaires par le scellement des chartes prime sur les conditions matérielles d’accueil qu’offre une maison commune.
26Datée de 1297, la plus ancienne empreinte conservée91 présente, à l’avers, les lys de la royauté française, au revers, ce qui pourrait peut-être constituer la reprise d’un sceau plus ancien, le grand sceau de 1246. Une porte, aux vantaux largement ouverts, est cantonnée de deux tours reliées entre elles par un comble surmonté d’une grande fleur de lis (probablement une brisure bien choisie) ; au sommet des tours, en symétrie, deux hommes sonnent de la trompe (convocation de l’assemblée ?). Un siècle plus tard, dans les registres de délibération comme sur le sceau, c’est la cloche qui tient ce rôle. Remontant peut-être aux événements de 1311 durant lesquels le sceau communal fut brisé, les armoiries de la ville conservées pour la fin du xive s. (fig. 7) figurent une cloche92, attestée vers 1336-134193, qui n’est pas insérée architecturalement dans le beffroi mais surplombe la porte, désormais fermée par une herse, à une époque où les parties supérieures de la tour ne sont pas encore élevées. Une délibération du 15 octobre 140694 signale que le bourreau loge dans l’une des tours de la porte, elle y atteste la présence d’une horloge et, parmi d’autres choses nécessaires à faire, ordonne de maçonner un mâchicoulis “sobre la porta haut” par laquelle on accède à la cloche, description qui correspond bien aux armes du début du xve s. (fig. 8)95. La transformation de la porte en beffroi permet à la voix communale de différencier deux registres sonores : la volée du “senh”, lorsque sont convoqués les membres des conseils de Jurade, des Trente ou des Trois-cents, et le son de “trompa” lorsque s’ajoute à eux le commun peuple96.
27Le “senh cominau” n’est pas qu’une construction pratique “mais un dispositif prenant place dans la procédure”97 de convocation de l’assemblée. Utilisé par le commun-conseil pour construire son image sigillaire, sa portée symbolique jusqu’à nous montre le succès de ce choix. La Jurade est très consciente de cette importance et gratifie son portier à la hauteur : l’office de “porteria” est en première position parmi la quarantaine de “siruentz”. Le portier, gascon98 ou anglais99, est rémunéré de 12 à 18 livres et dispose d’un habit lorsqu’un portier classique ne gagne que 4 francs et ne semble pas avoir de livrée. Il ferme la porte de la maison commune et la garde le jour des élections ; de façon coutumière, il garde aussi, masse à la main, les séances du conseil en quelque lieu qu’elles se déroulent100 et rend plusieurs autres petits services, comme faire des jonchées101, ce qui fait de lui un peu l’homme à tout faire de la maison commune. On ne sait si le rôle de sonneur est associé ou non à celui de portier, le protocole des séances ne retient de la convocation que le son de cloche (“lo senh sonat”), ni le sonneur, ni même l’objet-cloche (“campana”). À l’immobilité de la cloche s’oppose la trompette, voix courante du gouvernement dans la ville, qui conduit à examiner les autres lieux de réunion bordelais.
Autres lieux, autres dimensions de l’exercice gouvernemental
28Deux fois sur dix dans les années 1406-1409, puis seulement en moyenne une fois sur dix pour les années 1414-1416 et 1420-1422 (fig. 3), le gouvernement municipal investit d’autres espaces de réunion. Le sursaut des opérations militaires des années 1406-1409 expliquent probablement ce différentiel102.
Simples réunions externalisées ou sessions officielles ?
29À regarder les conditions de réunion des 84 séances externalisées, on peut se demander s’il s’agit, chaque fois, de véritables séances de conseil. Pour répondre à cette question, il faut synthétiser ce qui ressort des séances habituelles qui siègent à la maison commune car les statuts ne présentent aucun article permettant de distinguer une “jurada o conselh” d’une simple réunion entre jurats. La récurrence des formules des délibérations permet de dégager quelques constantes. “Lo medis jorn que dessus, messenhors lo loctenent et huyt juratz, en nombre, se assembleren en la maison comunau de Sent-Ylegi per tenir jurada, lo senh sonat per tenir aquera, aissi cum es acostumat ; et ordeneren so que per ordre s’enseg (…)”103. Dans ce protocole initial, on distingue cinq critères interdépendants qui formalisent la tenue d’une assemblée officielle :
Présidence : une séance est toujours présidée, par le maire, ou en son absence – ce qui est le cas ici – par son lieutenant qui est alors généralement le “sotz-mager”.
Quorum : une “jurada” requiert la présence presque systématique, aux côtés du président de séance, d’au moins 8 jurats sur 12. Sans être automatique, leur désignation nominative est fréquente ; mais ce qui importe, c’est qu’ils soient “en nombre”, pour légitimer leur aptitude à délibérer et décider pour les autres, au profit du commun. On l’a vu, cette représentativité demande parfois la convocation de corps complémentaires.
Dispositif sonore : la convocation officielle est sonnée par la cloche, signalée dans les trois-quarts des cas.
Action : il ne suffit pas d’être présent à la maison commune, il faut que les participants s’y assemblent. Deux verbes pronominaux sont utilisés pour marquer ce mouvement : “se assembleren” est plus fréquent et met en valeur le regroupement des personnes au sein du même lieu, mais on trouve aussi “se ajusteren” qui renvoie plus à la notion de conformité.
Ordre : enfin le caractère officiel des décisions prises est introduit par la formule allitérative : “et ordeneren so que per ordre s’ensec (…)”. Le verbe ordonner met en valeur le ban municipal et transcrit également l’idée de mettre en ordre, idée répétée dans l’expression qui introduit la liste des dispositions.
30Les quatre premiers critères gagent la conformité des usages (“aissi cum es acostumat”) et légitiment la prise d’ordres. Ces points protocolaires ne se retrouvent pas tous dans les séances délocalisées. Parmi eux, les principes de présidence, de quorum, d’action et d’ordre sont présents lors de toutes les réunions dont le gouvernement est à l’initiative, soit le quart des cas, mais le caractère d’ordonnancement disparaît dans tous les autres cas, selon des configurations dont il n’est pas aisé de trouver la logique. Quant-au dispositif sonore, il n’est jamais signalé pour les réunions extérieures à la maison commune, la cloche est un attribut centripète qui n’accompagne pas les déambulations des magistrats. Voyons tour à tour ces espaces et la qualité des réunions qui s’y déroulent pour essayer d’en faire émerger les logiques.
Vers une typologie opératoire
31Les 84 mentions de lieux de réunion allogènes forment une masse disparate de données parmi lesquelles on sent souvent agir un souci pratique de la part des jurats, telle cette journée du 4 septembre 1406 lorsque, après avoir participé, chez les Prêcheurs, à la célébration de l’anniversaire perpétuel de Guilhem Bernard de Caupena, les maire et huit jurats tiennent conseil en se retirant dans le petit cloître des frères104. Il semble en aller de même lors de cette autre journée du 3 novembre 1408 où une affaire d’emprisonnement de Bretons et de Français capturés est si urgente à régler (on se demande où l’on doit les enfermer) qu’elle nécessite une décision du conseil. Il y a probablement trop peu de jurats disponibles ce jour-là pour atteindre le quorum, sauf si l’on va tenir conseil chez Johan Sirbent qui ne peut se déplacer parce qu’il est malade105. Et, l’on pourrait ainsi multiplier les exemples et les interprétations possibles.
32Dans une bonne vingtaine de cas, on vient de le voir, les conditions sont réunies pour faire conseil. Dans d’autres cas, le rassemblement est une manifestation de la religion civique106 associée à la proclamation des nouveaux jurats107. La plupart du temps c’est une réunion où les jurats ne sont que des acteurs parmi d’autres dont on prend l’avis, comme à l’assemblée des états108, ou à qui l’on annonce, au château du roi-duc ou chez le cardinal-archevêque – et de façon parfois comminatoire – les nouvelles mesures à prendre : l’action n’est alors pas introduite par se assembleren mais par le participe présent “estantz”109. Enfin on perçoit aussi, peut-être en conséquence de la mesure du 1er mars 1407 qui oblige à tenir l’assemblée dans l’auditoire public, le besoin des jurats de pouvoir mener des conseils secrets ou discrets, ce qu’ils ne peuvent plus faire aisément au sein de la maison commune.
Fig. 9. Les lieux de réunion extérieurs à la maison commune dans les Registres de la Jurade (Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873 ; Coizeau & Barckhausen, éd. 1883).
secteur | hôte | lieu de réunion | mention | 1406 1409 | 1414 1416 | 1420 1422 | total |
Ombrière | roi-duc | échiquier du château de l’Ombrière | apud escaquerium Castri | 11 | 1 | ― | 12 |
château de l’Ombrière | apud Umbreriam / au castet | 4 | 3 | 3 | 10 | ||
maison du sénéchal | al ostau de mossenhor lo Senescaut | 1 | ― | ― | 1 | ||
chapelle du château de l’Ombrière | cappera de l’Ombreyra | 1 | ― | ― | 1 | ||
place | en la plassa de l’Ombreyra | 1 | ― | ― | 1 | ||
? | bourgeois | maison | en l’ostau Johan Sirbent per so que era malaud | 1 | ― | ― | 1 |
maison | en l’ostau Thomas Boysson | 1 | ― | ― | 1 | ||
maison | apud chaium et domum Johannis Fraxinu |
| 1 | ― | 1 | ||
Ombrière | maison | en la plassa de l’Ombreyra en l’ostau de Johan Kale | 8 | 1 | ― | 9 | |
maison | a l’Ombreyra, en l’ostau de Nicholas Born | 2 | ― | ― | 2 | ||
maison | a l’Ombreyra en l’ostau de Andriu Bidau | 1 | ― | ― | 1 | ||
Mairerie | maire | mairerie | dauant la mayson de la bila en laquau mossenhor lo mager abita | 2 | ― | ― | 2 |
mairerie | en lo jardin de mossenhor lo mager | 1 | ― | ― | 1 | ||
Ombrière | commune | maison de la Bilhette | apud Umbreriam, in domo Bilhete | 4 | ― | ― | 4 |
porte Calhau | circa portale Calculi |
| 1 | ― | 1 | ||
tour d’Audeyole | Tour d’Audeyole | apud turrim Audeyola | 1 | ― | ― | 1 | |
Saint-André | archevêque | cathédrale | a Sent Andriu / apud Sanctum-Andream / grand nau Sent Andriu / gleysa catedral | 3 | 4 | 2 | 9 |
cloître Saint-André | apud claustrum Sancti Andree | 1 | ― | ― | 1 | ||
chapelle | en la cappera deu cardenau / de l’arcibescat | 1 | 2 | ― | 3 | ||
chapelle | en la cappera de Nostra Dona de Sent Andriu | 1 | ― | ― | 1 | ||
clocher | en lo clochey Sent Andriu | ― | 1 | ― | 1 | ||
Saint-Raphaël (?) | chapelle | en la cappera deu Collegi |
| 1 | ― | 1 | |
Saint-Pierre | chapitre Saint-Seurin | chapelle | en la cappera Sent Nicholau en la gleysa Sent Pey | 2 | ― | ― | 2 |
Saint-Seurin | collégiale | au fort de Sent Seurin | 1 | ― | 3 | 4 | |
collégiale | a Sent Seurin | ― | ― | 2 | 2 | ||
salle du chapitre | en lo capitre Sent-Seurin | ― | 1 | ― | 1 | ||
Carmes | ordres mendiants | couvent | aus Carmes | 1 | 1 | ― | 2 |
Mineurs | couvent | apud conbentum Minorum | ― | 3 | ― | 3 | |
Prêcheurs | couvent | apud domum Predicatorum | 2 | ― | ― | 2 | |
couvent | dauant los Predicadors combent en la petita claustra au cap de la gleysa | 1 | ― | ― | 1 | ||
Maison de Lesparre | noble | maison noble | en l’hostau de Lesparra | ― | ― | 1 | 1 |
Puy-Paulin | place | apud plateam Podio-Paulini | 1 | ― | ― | 1 | |
total | 53 | 20 | 11 | 84 |
33Dans un premier temps, pour essayer d’y voir un peu plus clair, j’ai observé chez qui l’on se réunit (fig. 9, colonne “Hôte”), les participants, les sujets traités puis, dans une seconde étape j’ai réfléchi à la répartition spatiale de ces lieux (fig. 10) afin de croiser les éléments permettant de dégager des tendances qui motivent la délocalisation. Dans presque la moitié des cas, les réunions extérieures répondent à des obligations : celle de la convocation de la ville à l’assemblée des états, mais surtout les convocations qui engagent la ville auprès du roi-duc en ce qui concerne la gestion des affaires monétaires et financières (12 réunions tenues à l’échiquier de l’Ombrière, mais aussi 3 à la maison de la Bilhette) ou militaires et judiciaires. Ces obligations ne dépendent pas nécessairement des autres pouvoirs mais parfois de la Jurade elle-même, lorsqu’elle s’engage, par exemple à aller inspecter des travaux. Une vingtaine de réunions sont à considérer comme de vraies séances de conseil. Elles se déroulent le plus souvent dans la maison d’un jurat. Sans être une exception bordelaise110, cet usage de la maison privée est semble-t-il ici conditionné par l’esprit de corps, l’honorabilité et le statut juridique de l’hôte – toujours bourgeois et souvent même jurat – et implique une certaine aisance matérielle pour la réception du conseil. On peut encore remarquer que les habitations que l’on a pu localiser sont situées à l’Ombrière, ce qui pose la question des rapports entre jurats et roi-duc. Le cas du bourgeois Johan de Kale est, à cet effet, particulièrement intéressant : les 9 conseils qui se déroulent chez lui, place de l’Ombrière, sont révélateurs du jeu carriériste de ce jurat dont le cursus honorum est bien rempli111. Une quinzaine de cas relève d’une dimension plus publicitaire en lien avec les élections et les prises de serment à Saint-André et à Saint-Seurin. Ces manifestations religieuses de la vie civique mettent aussi bien en jeu des attitudes de collaboration que de compétition entre l’Église bordelaise et la municipalité112. Enfin, une dizaine de cas revêt un caractère plus discret. Au “conselh segret” tenu à la mairerie (cf. supra), pourraient s’ajouter huit autres réunions qui se déroulent chez les Mendiants. On connaît, en effet, bien les rapports privilégiés tissés entre les familles bourgeoises et les frères dès l’époque de leur installation113, et il n’est pas interdit de penser que les ordres mendiants occupent une place dans la médiation des conflits urbains, à l’instar de ce que l’on constate dans les villes italiennes114 et, de façon plus proche, dans les enquêtes diligentées par le pouvoir capétien115.
34Dans la maison commune comme dans les autres lieux, les gouvernants protègent les intérêts de la collectivité en se frottant à tous les pouvoirs. D’un point de vue spatial néanmoins, la mobilité du gouvernement municipal est limitée. Elle ne franchit qu’exceptionnellement les murs pour montrer rituellement sa présence à la collégiale Saint-Seurin. Il n’y a, en somme, pas d’assemblée ailleurs que dans la ville, et, même si la Jurade garde jalousement le détroit juridique de la banlieue, elle ne s’y délocalise apparemment jamais. Cela n’interdit pas, bien sûr, les magistrats de se déplacer, dans la banlieue, dans d’autres villes du duché et jusqu’en Angleterre pour représenter le corps du gouvernement. Dans les registres, le départ et le retour du maire sont soigneusement notés car sa présence ou son absence ont des répercussions immédiates sur la gestion des affaires – dont la présidence des séances ; cela est moins vrai des jurats dont les absences sont rarement signalées ; au nombre de 12, ils assurent plus facilement le quorum requis.
35Enchâssée dans l’enceinte comme pourrait l’être une relique, la maison commune répond aux besoins de se montrer, de se réunir, de matérialiser le siège de la parole publique, de veiller au bien commun et à la sécurité de tous les attributs nécessaires à la gestion de la ville, à la conservation de sa mémoire et au marquage de son identité. Du xiiie au milieu du xve s., la dualité intérieure des institutions bordelaises explique la coexistence des maisons du pouvoir municipal, l’une plus particulièrement associée à l’ensemble des représentants de la communauté urbaine, l’autre au maire et à sa valence royale. Toutefois, malgré les effets de sources, la maison commune est celle qui capte la majeure partie des autres attributs évoqués aux dépens de la maison du maire. Observée dans une durée plus longue, la maison commune finit même par s’emparer du maire. La possession de ce lieu-attribut n’est pas une nécessité mais, rassemblant les hommes, les offices et les signes, elle exerce un effet de concentration sur le gouvernement, ce qui n’empêche pas de répondre aux impératifs ou de saisir les bonnes opportunités de se réunir ailleurs, dans d’autres lieux, chez d’autres pouvoirs, pour y manifester la soumission attendue, l’accord, la publicité, mais aussi la nécessité qu’il y a de se construire au contact des autres. La maison commune n’est pas le plus indispensable des attributs mais elle très certainement le plus centralisateur.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Chastang 2014.
2 Otis-Cour 2014, 196-197.
3 Je remercie Sandrine Lavaud de m’avoir soufflé cette piquante observation.
4 Voir l’article de L. Macé, dans ce volume.
5 Garnier 2014, 36.
6 Voir l’article de V. Challet, dans ce volume.
7 Otis-Cour 2014, 197.
8 Garnier 2014, 33-34.
9 Formule adaptée de Garnier 2014, 37.
10 Même remarque dans Legay 2015 (Bretagne).
11 Lamothe 1851, 5-11 ; Drouyn 1874, 426 : “Nous n’avons pas de renseignement sur l’Hôtel-de-Ville du xve siècle”.
12 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1867, 33, n°VIII (décembre 1295) : confirmation aux habitants par Philippe IV, de l’exemption de tout impôt sur leurs vins, à Bordeaux et dans le diocèse. L’acte atteste pour la première fois de la présence des maire, jurats et prud’hommes à Saint-Éloi : “Quequidem estimatio fiet apud Sanctum-Eligium per majorem, juratos et probos viros Burdegale”.
13 Lavaud & Jean-Courret 2009, t. 3, 81.
14 Bémont 1916a et 1916b.
15 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1867 ; Barckhausen, éd. 1890.
16 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873.
17 Coizeau & Barckhausen, éd. 1883.
18 Formule classique de l’appel au serment.
19 Bernard & Giteau, éd. 1963.
20 Ducaunnès-Duval, éd. 1909.
21 Les “tres estatz” sont l’assemblée des représentants du roi-duc, de l’Église de Bordeaux et des jurats.
22 Renouard 1965.
23 Dutour 2013, 478.
24 Chédeville et al. 1980, 226-228 ; Le Roy-Ladurie 1981, 169-170 ; Esquieu 2001, 89 ; Chevalier 2015, 25 ; pour le Bordelais et le Bazadais : Gardelles 1975, 141.
25 Coquery 2000, 7. Ce constat se prolonge à l’Époque moderne, l’administration centrale préférant réutiliser un hôtel aristocratique que d’engager une nouvelle construction.
26 Voir l’article de L. Verdon, dans ce volume.
27 Rigaudière 1982, 123-126.
28 Chevalier 2015, 18.
29 Dutour 2013, 479.
30 Batard 1948, Racine 1981, Salamagne, dir. 2015 ; on laissera de côté Pérouse de Montclos 2000.
31 Salamagne 2015.
32 Gardelles 1975, 145.
33 Salamagne 2015, 36-37. S’il existe sans conteste des sites où la superposition entre halle marchande et salle échevinal est une réalité, une lecture forcée conduit à plaquer improprement ce modèle sur d’autres villes, comme La Réole.
34 Id., 29 ; Gardelles 1975, 149 (citation).
35 Chevalier 2015, 16, à propos de Racine 1981.
36 Caille 2014 ; Garnier 2014, 34.
37 Renouard 1965, 443.
38 Bémont 1916a.
39 Les 591 séances listées ont toutes une date de temps.
40 La formule est alors : “a Sent-Elegi”; la majorité des cas signale que “lo senh sonat per tenir jurada”, ce qui renvoie au beffroi accolé à la maison.
41 Dans Lavaud & Jean-Courret 2009, t. 3, 63, la désignation de l’ “hostau de bila” pour la maison commune est une erreur de dénomination.
42 En particulier Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 41 : “la maison de la bila en laquau mosenhor lo mager abita” (10/09/1406).
43 La référence de la note précédente constitue la première mention connue de la mairerie.
44 Lavaud & Jean-Courret 2009, t. 3, 67-68.
45 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 215.
46 Id., 225.
47 Appelée aussi “cort de Sent-Elegi”.
48 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1867, 128-129, 355, 363, 518 ; Barckhausen, éd. 1890, 14, 60, 81-83, 108, 122-123, 136-137, 151, 153-154, 162, 164.
49 Barckhausen, éd. 1890, 277-288.
50 Id., 120, 133 et 139.
51 Durand 2011 ; Souny et al. 2016, 58-61. C’est probablement cet édifice qui, dès les années 1240, fait office de maison partagée entre la communauté d’habitants et le prévôt ; un nouvel hôtel de ville attenant à la place du marché est en travaux dans la décennie 1470 (Roudié 1975, 238-239).
52 Renouard 1965, 33.
53 Barckhausen, éd. 1890, XXXV-XXXVI ; Jullian 1895, 30 ; Bémont 1916a, 5-6.
54 Jean-Courret 2014.
55 Desgraves 1975, 200. Le procès-verbal dressé par l’architecte Bonfin est à ce sujet éloquent : “le bâtiment, partout ailleurs remarquable, n’offre dans Bordeaux qu’un tas de masures et d’antiques constructions qui n’ont entre elles aucun rapport, et ne présentent aux yeux des étrangers (…) qu’un triste monument de la barbarie gothique”. La maison commune est détruite pour l’établissement du Grand-Marché, entre 1792 et 1811 (Lavaud & Jean-Courret 2009, t. 3, 378).
56 Édition : Rabanis 1849, plan en deux parties (n°10 et 11), inséré entre les p. 14-15.
57 Demont & Favreau, éd. 2002, t. 1, 64 ; t. 2, 24.
58 Roudié 1975, 25, 65 et 78.
59 Lamothe 1851, 13 ; Michelot 1924 ; datation erronée de 1637 dans Desgraves 1975, 199 et dans Lavaud & Jean-Courret 2009, t. 3, 65.
60 Id., 14.
61 Michelot 1924.
62 Ducaunnès-Duval, éd. 1909, 64-65.
63 Lamothe 1851, 8.
64 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 175.
65 Id., 317, 346 (“dens l’arrest de Sent Ylegi”) ; Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 137, 253, 325, 389, 447, 554, 570, 594 ; Ducaunnès-Duval, éd. 1909, 87.
66 Bernard & Giteau, éd. 1963, 188.
67 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 358.
68 Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 358.
69 Dutour 2013, 472.
70 Dans la première maison consulaire de Montpellier, la cour est également un espace de consultation du peuple : voir à ce sujet l’article de V. Challet, dans ce volume.
71 Renouard 1965, 449.
72 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 26, 28, 31, 37, 38.
73 Id., 200 et 387.
74 Id., 168.
75 Id., 171, 173, 400.
76 Id., 350 (“cambra deus acontes”), 111 (“escaquey”) ; Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 26, 27 (“esquaquer deus acontes”) ; 409 (“tesauria”) ; 408, 532 (“tesauraria”).
77 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1867, 495 ; Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 227 et 334 ; Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 203, 405 et 531.
78 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 237 (serment du clerc).
79 Haure 2011, 140-147.
80 Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 137.
81 Bernard & Giteau, éd. 1963, 197.
82 Ducaunnès-Duval, éd. 1909, 93.
83 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 216.
84 Id., 143, 355, 382.
85 Barckhausen, éd. 1890, 428, art. 113 (daté de 1388).
86 Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 335 : “Estant en ladeita gleisa de Sent-Aloy, huyt juratz, e plus, nombre fasent, ordeneren so que s’enseg (…)”. Dans ce cas, des conditions inhabituelles (absence du senh et de présidence) pourraient justifier l’impossibilité de s’assembler à la maison commune ?
87 Voir l’article de S. Lavaud, dans ce volume.
88 Bémont 1916a, 260-264.
89 Lamothe 1851, 8, rapportant le régeste de l’abbé Baurein.
90 Ducaunnès-Duval, éd. 1892 : “sigilli communis consilii Burdegalensis”.
91 Bedos, éd. 1980, 128, n°130 bis, reprenant Meaudre de la Pouyade 1913, 5. Pour l’interprétation et la reproduction : voir l’article de L. Macé, dans ce volume.
92 Id., 130, n°132.
93 Cardozo de Béthencourt 1925, 59 (1336) ; Mensignac 1923 (1341).
94 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 99.
95 Renouard 1965, 449-450.
96 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1867, 500, n° 144 ; Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 300, 314 ; Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 264, 324, 597.
97 Dutour 2013, 476.
98 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 208 (Arnaud Guilhamet) ; Bernard & Giteau, éd. 1963, 186 (Pey deus Camps).
99 Id., 359 : “Lamffort, portey de la maison comunau de Sent-Ylegi, Angles, del atge de quaranta”.
100 Id., 201.
101 Id., 339 ; Ducaunnès-Duval, éd. 1909, 87.
102 Renouard 1965, 414-417. Dès 1405, l’entreprise lancée par le duc d’Orléans vise à isoler Bordeaux sans qu’Henri IV puisse intervenir en Guyenne. Les jurats organisent la défense de la ville et de son réseau de villes filleules en lançant sur la flotte française une escadre de baleiniers armés qui coule les forces ennemies (23 décembre 1406). Le contexte des autres années est toujours marqué par la guerre mais la pression est moins contraignante car elle s’exprime sur d’autres fronts.
103 Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 326.
104 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 38.
105 Id., 366.
106 Vauchez 1995.
107 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 230, 335 ; Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 204, 407.
108 Coizeau & Barckhausen, éd. 1883, 153, 235.
109 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 122 : le 29 octobre 1406, par exemple, le maire et le cardinal se réunissent d’abord dans la chapelle du palais de l’archevêque, puis rejoignent, dans la chapelle Notre-Dame, à Saint-André, les jurats, le juge de Gascogne, le procureur du roi et le lieutenant de la chancellerie de l’Ombrière pour entendre la lecture d’une lettre de créance envoyée par le sénéchal de Guyenne qui demande la levée de subsides pour la défense de Blaye.
110 Voir à ce sujet l’article de L. Verdon, dans ce volume.
111 Ducaunnès-Duval & Barckhausen, éd. 1873, 495-496 : bourgeois, membre des Trente, jurat, détenteur de clef, prévôt de la ville, auditeur des comptes du trésorier, il est missionné tant par la ville que par le roi-duc pour l’entretien d’hommes d’armes ou le règlement de dettes du maire… mais il ne fut jamais maire !
112 Balossino 2014, 126.
113 Lavaud & Jean-Courret 2009, t. 2, 78-80.
114 Gilly 2005, 239-256.
115 Dejoux 2014.
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