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Du métal et de l’étoffe. La place de la matrice sigillaire et de la bannière dans les gouvernements urbains méridionaux

Of metal and cloth. The role of the signet ring and the banner in southern French urban governments

p. 55-67

Résumés

Au même titre que les cloches, les clefs ou encore les cartulaires et autres supports de l’écrit, la matrice du sceau communal fait partie des objets conservés et montrés par les représentants de l’autorité urbaine. Les registres et les livres de coutumes méritent toute l’attention des édiles en raison de la reconnaissance juridique des consulats qu’ils induisent ; ils sont donc archivés dans l’arche, elle-même déposée au sein du bâtiment qui symbolise physiquement les diverses prérogatives obtenues par le pouvoir citadin. Cette maison commune ou un édifice servant de campanile en viennent logiquement à figurer comme motif iconographique, principal ou périphérique, sur le sceau de cire. Quant à la matrice, bien qu’elle soit cachée dans le coffre qui apparaît comme un précieux conservatoire de la mémoire locale, elle demeure avant tout un attribut essentiel de la représentation collective. Anciennes et nouvelles matrices cohabitent, participant à la sédimentation progressive de l’histoire municipale. Arborée, la bannière, elle, bénéficie d’un statut plus ambigu. En tant que signe, elle porte souvent les couleurs du seigneur (roi, comte) mais une emblématique propre à la ville peut parfois se manifester. La matérialité des attributs du gouvernement urbain est donc un élément visible de la communication mise en place par des élites qui souhaitent développer une identité spécifique pour l’ensemble de la communauté.

Just like bells, keys or even cartularies and other written supports, the communal signet seal has its place among the objects conserved and displayed by the representatives of urban authority. Registers and books of rights were worthy of close attention by officialdom because of the legal recognition of the consulates which they bore. They are therefore stored in the chest which is itself placed in the heart of the building which is the physical symbol of the various prerogatives obtained by those in power in the city. This communal house or construction serving as a bell tower thus logically features as an iconographic motif, in the centre or to the side, on the wax seal. As for the matrice, although it is hidden away in the coffer which then seems to be the precious holder of local memory, it remains above all a vital attribute of collective representation. Old and new matrices exist side by side, participating in the progressive sedimentation of municipal history. Regarding the decorated banner, this symbol has a more ambiguous status. As a sign, it often bears the colours of the lord (king, count) but sometimes emblems proper to the town may be displayed. The material existence of the attributes of urban government is thus a visible element of communication put in place by elites who wish to develop a specific identity for the whole community.

Dédicace

À la mémoire de Maurice Berthe et de Christian Lauranson-Rosaz


Texte intégral

1Le thème de ces journées d’étude nous pousse à nous tourner vers le concret, la réalité tangible des objets. Parmi ces attributs bien visibles mais dont la valeur est tout autant symbolique, on peut citer les clefs des portes. Elles figurent en belle position, par exemple, dans la première moitié du xiiie siècle, au revers du grand sceau de Moissac. Dans la polysémie propre aux hommes du Moyen âge, ces deux clefs sont celles du bourg monastique et du bourg administré par le baile du comte de Toulouse. Elles sont aussi et avant tout les accessoires de l’apôtre Pierre, saint clavigère qui protège la grande abbaye clunisienne, comme le rappelle la légende : + Sigillvm de vico santi Petri1. Expression de la dévotion au saint patron de l’établissement, les deux clefs héraldiques jouent également sur l’ambiguïté d’un emblème qui, en terre méridionale, évoque l’affirmation du pouvoir romain depuis le pontificat d’Innocent III2.

2L’exemple moissagais montre tout l’intérêt qu’il y a à se pencher sur l’objet-sceau. Car, dans le registre de la représentation matérielle, assez logiquement, il y a un attribut qui apparaît dans les premiers temps des consulats : la matrice sigillaire. Commandée par le collège municipal, elle illustre sa propre conception du pouvoir édilitaire. Elle est d’ailleurs souvent contemporaine de la confection d’un cartulaire ou de la rédaction d’une charte de coutumes3. Elle fait aussi l’objet d’un certain soin, comme l’indiquent certains articles qui prévoient son dépôt et sa garde dans l’archa comunis. Un jugement du Parlement de Paris en faveur du consulat de Saint-Affrique, dans le Rouergue, résume assez bien, en mai 1315, ce qui constitue alors la triade représentative du gouvernement urbain : “archam et campanam communes sigillumque commune habendo4.

3Mais il y a un élément encore plus visible, véritablement ostentatoire, qui est le vexillum, désigné plus exactement sous le nom de senhal ou de senheira dans les pays méridionaux. Support d’armoiries ou de signes héraldiques proposés aux yeux de tous, présent dans le paysage visuel, l’étendard, tout autant que le sceau – dont l’empreinte est vue et diffusée en nombre – livre un discours sur l’identité de la ville et sur la réalité du gouvernement urbain. Il témoigne d’une certaine répartition des responsabilités, des jeux de pouvoir avec le ou les seigneurs des lieux. Dans la cité vicomtale de Marseille, la confrérie du Saint-Esprit possédait, au début du xiiie s., “une bulle de plomb, un étendard, qu’elle arborait sur ses dépendances, et une cloche. Celle-ci permettait de convoquer les assemblées générales ou le conseil”5.

4Il semble nécessaire, dans un premier temps, de relever quelques points sur la place du codex, registre qui peut faire partie de ces signes montrés et touchés. Du toucher, il est aisé de passer au caractère sensible de la vision. Si le sceau est un attribut matériel, il met lui-même en exergue, à la surface de l’empreinte, d’autres éléments, d’autres objets qui appartiennent à la matérialité du gouvernement urbain. Mais le sceau lui-même est victime d’un paradoxe qui est celui de la matrice cachée, protégée, thésaurisée dans l’arche. Quelques observations sur la place du coffre et donc du montré/caché méritent d’être livrées. Sans abandonner l’œil, associé cette fois-ci à l’ouïe, il est possible de s’interroger, à travers quelques cas précis, sur la place de l’étendard claquant au vent. Le corpus ainsi constitué, sans être exhaustif, peut être considéré comme plus ou moins représentatif de certaines tendances que des enquêtes plus approfondies permettront de valider ou d’infirmer.

La parole du livre

5Le recueil de l’écrit, le registre ou le cartulaire, est un des piliers de la reconnaissance juridique des consulats. À Toulouse, les cartulaires du bourg et de la cité sont confectionnés à partir de février 1205 par le notaire Guilhem Bernard. La compilation se fait en huit mois6 ; elle devient la première pierre de l’édifice archivistique toulousain, bien avant l’édification de la maison commune qui n’est entreprise qu’un peu plus tard, autour des années 12107. Au même moment, les magistrats se dotent d’une matrice de sceau. La première attestation matérielle d’une empreinte date d’avril 1211. À l’avers, le château princier et la basilique Saint-Sernin, bâtiments évoquant respectivement la cité et le bourg, sont enserrés dans le cercle des remparts ; au revers, l’Agneau pascal porte la croix des comtes raimondins8. Castrum et sanctuaire figurent également sur les poids de la ville connus à partir de 12399.

6Décorés avec soin, les cartulaires sont les premiers éléments exposés et montrés pour magnifier l’importance des privilèges concédés par les autorités seigneuriales. La page initiale est ornée d’une lettrine, un I majuscule enluminé et doré ; le traitement figuratif est particulièrement riche dans le cartulaire de la cité où le comte de Toulouse Anfos, le viguier et un membre du consulat sont mis en scène dans un savant dispositif iconographique qui établit les pouvoirs, théoriques, s’exerçant sur la ville binucléaire10. Le sujet de la composition demeure avant tout le document, rouleau de parchemin ou cahier, qui atteste la transmission des privilèges assurant les libertés obtenues par les civitates et burgenses.

7L’écriture pragmatique et rationnelle, développée à des fins d’archivage, de comptabilité, de justice, de fiscalité, de mémoire, caractérise la spectaculaire révolution documentaire que connaissent les milieux urbains du xiiie s. Ce poids de l’écrit transparaît dans certains documents figurés : les registres sont sortis de leur lieu de dépôt et, comme les reliques ou les Écritures, sont présentés au public ou du moins à la frange supérieure de la communauté urbaine. Tel est le cas, à la fin du xiiie s. (1296), quand Arnaud Arpadelle, professeur de droit, offre son manuscrit du Commentaire des coutumes de Toulouse à l’officier représentant le roi de France. Agenouillé, il lui tend son opus, devant les consuls de la ville, tous concernés par l’ouvrage traitant de leurs institutions communales11. Il faut d’ailleurs noter que le cadre supérieur de la scène comprend, à gauche, les armes du roi de France, quasiment au-dessus du sénéchal assis sur une chaise curule ; au centre, les armes du comté de Toulouse ; à droite, celles de la ville avec les deux monuments qui apparaissaient déjà sur le premier grand sceau du consulat.

8Ailleurs, à Agen, c’est également le livre des coutumes qui est sorti du coffre de l’universitas pour être présenté au seigneur de la ville12. Sur la première illustration qui vient orner le primum capitulum, on voit le sénéchal d’Agenais ou son représentant, le balle, prêter serment (segrament) sur le codex ouvert que lui présente l’un des membres du conseil, en tête d’un cortège constitué de huit de ses confrères13. Assis sur un siège bas, recouvert d’un coussin et posé sur une petite estrade, l’officier s’engage de la main droite à respecter les libertés et franchises de la civitas, sur le livre que lui a apporté un consul qui se tient avec respect devant lui, en position fléchie14.

L’archive et son écrin

9Enjeux de pouvoir bien concrets dans lequel le document écrit prend un sens nouveau, chartes, registres, cahiers et autres cartulaires organisent le passé des communautés par accumulation, en séquences cohérentes et pertinentes, de celles qui permettent de préserver ou de consolider une autorité politique15. Ces trésors ont donc besoin d’être archivés dans un lieu sûr16. En novembre 1311, le sénéchal et le juge mage de Rouergue reconnaissent aux magistrats de Saint-Affrique “habere possint domum communem […] et habere archam seu archas communes ubi scripta et eorum secreta et omnia alia tangentia dictum consulatum et ius eiusdem reponant et custodiant, et etiam sigillum communem sui consulatus17. L’édification de la maison commune, endroit où les assemblées pourront se tenir, est un enjeu visuel de grande importance. Manifestation architecturale de l’affranchissement de la tutelle seigneuriale, la construction d’un tel bâtiment suit de peu le passage à l’écrit, on l’a vu pour Toulouse. Il en est de même à Montpellier, première ville du Midi à se doter d’une domus commune, durant l’été 1205, soit juste un an après l’octroi d’une charte de coutumes concédée par le roi Pierre II d’Aragon. Attribut de la personnalité morale du consulat et expression d’une identité urbaine qui s’émancipe de la tutelle seigneuriale, la demeure doit abriter le sceau communal gardé, selon l’article 98, par un probus homo18. D’autres villes imitent Toulouse et Montpellier : le consulat d’Avignon quitte le palais épiscopal pour se réunir dorénavant dans une domus consulum en 1216 ; Marseille se dote d’un lieu de ce type en 1218, face à l’église Sainte-Marie-des-Accoules19.

10Symbole physique du partage de pouvoir, cette maison en vient parfois à figurer sur la matrice du sceau consulaire. Premier exemple, celui de Cahors en 1290. Si l’avers montre les cinq tours portées par les six arches du pont, le revers s’attache à présenter une ville fortifiée, avec son rempart et sept tours qui encadrent un édifice placé au centre (fig. 1). On y a vu une église au clocher accosté de part et d’autre d’une cloche20. Pour ma part, j’aurai plutôt tendance à y voir la présence d’un édifice civil car l’absence de croix ainsi que la disposition même des cloches, bien visibles et d’une dimension assez disproportionnée, m’invitent à penser qu’il s’agit ici de la maison commune et de son campanile. Les consuls du lieu tenaient beaucoup à leurs cloches : certains textes indiquent que de vives tensions couraient dans la ville, notamment avec l’évêque, en raison d’un usage du son que diverses parties se disputaient21. Ailleurs, la commune de Marseille utilise comme beffroi une tour de l’église des Accoules pour y placer l’une de ses cloches qui était dénommée “Sauve pays” (Salvaterra)22.

Fig. 1. Revers du sceau du commun conseil de Cahors en 1290 (moulage, ANF, sc/D5816bis).

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11Quelques années plus tard, au xive s.23, le petit sceau rond monoface de la cité épiscopale de Rodez adopte une figuration pour le moins intéressante : quatre hommes discutent ou délibèrent, debout, devant la porte d’une construction maçonnée et percée d’une rangée de fenêtres (fig. 2). Le toit de ce bâtiment, qui occupe plus d’un tiers de la surface de l’empreinte, serait surmonté de merlons d’après certains éditeurs24. Ce qui pourrait être un édifice correspondant à l’hôtel de ville paraît plus vraisemblablement doté de cloches que d’un système défensif25. Au pied des quatre consuls, dans la légende, un écu aux armes de la ville vient compléter le dispositif symbolique et matériel déployé par les citoyens ruthéniens26. Cette figuration pose cependant un problème chronologique : l’empreinte conservée date de 1389 mais la matrice aurait été réalisée au début du xive s. selon certains spécialistes27. Or, d’après la documentation écrite, le droit à l’esquilla et à la maison commune n’a été obtenu par la cité et le bourg de Rodez qu’en 1368, dans le cadre d’une concession du duc d’Anjou réalisée après la reconquête de la ville sur les Anglais28. Le sceau témoignerait, fièrement, de cette récente liberté.

Fig. 2. Revers du sceau du consulat de Rodez en 1389 (moulage, ANF, sc/R384).

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12À Bordeaux, le revers de la première empreinte conservée, datée de 1297, met en avant l’un des principaux monuments de la ville, la porte Saint-Éloi, élément qui protège le nouveau bourg mercadier qui s’abrite derrière un massif rempart29. Outre le fait qu’elle se trouve à la sortie méridionale d’un important axe routier, cette porte-beffroi, auprès de laquelle est venu s’installer l’hôtel de ville dans le courant du xiiie s., reçoit la grosse cloche communale30. Sur le sceau, de part et d’autre de l’imposante entrée, juchés en haut des tours qui l’encadrent, deux hommes sonnent de la trompe. Plus que la représentation traditionnelle du guet, sonnant l’alarme afin de protéger et d’avertir la population d’une menace quelconque, la scène semble évoquer la convocation des habitants aux assemblées consulaires : les deux battants de la porte sont largement ouverts sur l’extérieur (fig. 3). Plus qu’un détail matériel, l’annonce par cloche ou trompette du rassemblement est une donnée réelle : les civilistes de l’époque insistent sur l’importance d’utiliser des moyens sonores pour assurer la réunion de tous. Il s’agit de déterminer la responsabilité de la personne morale et la participation de la majorité des membres (pars plurima) aux décisions prises31.

Fig. 3. Revers du sceau de la commune de Bordeaux en 1297 (moulagej, ANF, sc/D5566bis).

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13D’autres sceaux nous font entrer à l’intérieur de la maison commune à travers une scène, assez classique, de discussion/décision qui rassemble un certain nombre de magistrats. Les membres du commun conseil sont alors représentés en robe longue et manteau agrafé sur l’épaule, signes distinctifs de leur appartenance à l’élite bourgeoise. Placés sous une arcature, ils sont généralement assis sur une banquette, parfois montée sur une estrade à colonnettes. Le type délibératif les montre en pleine action : ils discutent et agitent leurs mains, par groupe de deux, l’un tourné vers l’autre. C’est le cas à Figeac, à Peyrusse-le-Roc, à Maurs ainsi que dans le bourg de Rodez32. Ailleurs, à Bretenoux ou à Saint-Flour, c’est l’avis d’un major qui semble susciter l’approbation générale du collège consulaire (fig. 4).

Fig. 4. Avers du sceau du conseil de Saint-Flour en 1308 (moulage, ANF, sc/D5468).

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La matrice dans l’arche

14Si l’empreinte de cire que constitue le sceau appartient au monde du visible, celle qui la produit, qui la fait naître – la matrice – subit un sort paradoxal. Elle demeure souvent cachée et semble même destinée à connaître une belle existence posthume. La documentation écrite indique que l’archa communis s’apparente souvent à une sorte d’écrin ; elle exprime la volonté de la communauté de faire corps dans les parois du coffre, elle vise à préserver des preuves perçues comme autant de trésors civils33. Cette attention pour le contenant illustre une préoccupation tangible de l’archivage des productions communales, elle correspond à des pratiques archivistiques nouvelles qui se manifestent au cours du xiiie s. Elle répond également au besoin de mémoire des communautés. Ce souci de la conservation est assez révélateur des relations que la société urbaine entretient avec ses productions et les attributs de sa représentation.

15L’enquête reste encore à mener mais l’inventaire des mentions diplomatiques de dépôt des matrices sigillaires et de leur conservation dans le coffre municipal mériterait d’être réalisé. De nombreuses chartes de coutumes évoquent, dans un ou deux articles, l’association étroite qui existe entre les chartes et les matrices déposées dans cette arche, à la fois conservatoire et lieu physique de la mémoire historique du pouvoir communal.

16Pour autant, malgré diverses précautions et la vigilance accrue des édiles, le précieux contenant est parfois la cible directe des malfaiteurs. En 1267, le comte de Toulouse, Alphonse de Poitiers, adresse au sénéchal d’Agen et de Cahors un mandement dans lequel il rapporte une bien sombre affaire. En 1256, quatre chevaliers ont accompli divers méfaits dans le castrum de Lauzerte : ils sont notamment responsables du vol de la matrice consulaire qu’ils sont parvenus à subtiliser après avoir brisé l’arche communale34. Attestée en 124335, cette première matrice ne fut jamais rendue par les coupables. Il est fort probable qu’une nouvelle pièce fut gravée peu après sa brutale disparition.

17La détention de la matrice dans le coffre commun est soigneusement notée dans les divers descriptifs produits par les édiles eux-mêmes. L’arche est un véritable réceptacle de la mémoire locale car bien souvent elle conserve les matrices réformées, celles dont l’usage est abandonné quand une nouvelle gravure l’a écarté du circuit diplomatique. Dans le Rouergue, à Najac, l’inventaire du trésor que l’on effectue à chaque changement de mandat municipal permet de constater la présence de vieilles matrices au milieu de pièces plus récentes. En 1274, celle du grand sceau est commandée ; l’inventaire des biens communaux dressé lors de l’exercice suivant mentionne le pluriel (sagells), indiquant en passant que l’ancien modèle est bien conservé et sans doute encore utilisé. En 1291, la gravure d’un sagel pauc est prévue pour la somme de 9 sous de Rodez ; deux bourgeois le rapportent de Toulouse36. Le grand sceau et le petit sont conjointement sollicités pendant une quinzaine d’années. Mais le second format est perdu en 1306-1307. On en commande un nouveau en 1313 et en 1319, on décide de le fixer à une chaîne ayant coûté 7 deniers37.

18La cohabitation entre le neuf et l’ancien est également bien attestée à Narbonne au début du xive s. Le chef-lieu de l’archevêché obéit à une structure binucléaire qui fait que, tout logiquement, le bourg et la cité ont leurs propres matrices. La situation change sensiblement, en juin 1338, quand les deux consulats de l’agglomération décident enfin de s’unir. On procède alors à la confection de trois nouvelles matrices qui seront communes à la future entité politique et juridique. Les anciens sceaux (major, mediocris, minor), utilisés jusqu’à présent par les magistrats municipaux de la cité et du bourg, font l’objet d’une description sommaire qui a permis de compléter nos connaissances sur leur évolution typologique. Il est précisé que les six anciennes matrices, dorénavant retirées de la circulation, sont destinées à être conservées dans un coffre et, ce, après avoir été préalablement déposées dans un sac clos et scellé avec le nouveau sigillum mediocris, dont on sait que la matrice monoface est mise à disposition du consulat le 16 août 133838.

19D’ailleurs, le mobilier se différencie peu à peu au sein de l’hôtel de ville. Les comptes consulaires de Najac, conservés à partir de 1270, mentionnent en 1275 les différentes caissas dont disposent les consuls pour y déposer tout l’attirail des attributs urbains qui constitue le trésor consulaire : une première contient las costumas, une autre rassemble chartes, lettres, privilèges royaux, poids et mesures “e las trompas, el nasil ab dos penos, els sagells, e las tres senheiras communals39”. Ces arches de formes et de tailles différentes apparaissent même sur un sceau, celui de la bastide de Bretenoux, fondée au nord-ouest de Figeac, dans le dernier quart du xiiie s. Le consulat a décidé d’adopter le type délibératif qui figure sur une empreinte de 130940 (fig. 5). Au premier plan, devant les cinq magistrats saisis en pleine assemblée, apparaissent trois meubles. L’un pourrait être l’arche aux archives, mentionnée dans l’article 2 de la charte de fondation de 127741. Un autre pourrait évoquer le trésor. Celui qui se trouve au centre, doté de pattes, semble correspondre à une châsse reliquaire, de celles qui sont utilisées pour les prestations juratoires. Dans tous les cas de figure, il y a ici une singulière mise en abîme de la matrice contenue dans l’un de ces coffres…

Fig. 5. Avers du sceau de la communauté et des consuls de Bretenoux en 1309 (moulage, ANF, sc/D5815).

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Vexillum au vent

20Le premier vexillum associé à un collège municipal est celui de la ville de Millau42. Il est bien connu grâce à la charte que concède en 1187 le roi d’Aragon Alphonse II, document dans lequel il accorde aux magistrats l’autorisation de se doter d’un sceau. Une empreinte, datée de l’année 1243, donne le premier état de ce qu’était la matrice initiale. à l’avers, se présente le profil d’un griffon passant – probable symbole d’une fontaine publique (griffol) et témoin matériel de l’action édilitaire – motif héraldique qui accompagne une légende explicite : “sigillvm consvlatvs Amiliavi”. Au revers, un écu dont la forme en amande, assez caractéristique des boucliers du xiie s., arbore les armes aux pals du seigneur, ainsi que le précise la légende : “sigillvm regis Aragonie comitis Barcinonie et Provincie43. Outre le sceau conjoint qui associe deux autorités – celle du consulat et celle d’une personne morale, le roi d’Aragon, par ailleurs vicomte de Millau et de Carlat –, l’article 9 de l’acte d’avril 1187 indique que le souverain a également concédé à la ville son royal étendard : “vexillum nostrum44 ; privilège et délégation partielle de pouvoir qui permettent aux élus municipaux de lever des troupes et de les mener au combat : la communauté urbaine peut légitimement exercer un rôle militaire au nom de son très lointain seigneur45. Dans un contexte politique qui s’avère être assez délicat pour le roi, la fidélité des Millavois au parti barcelonais se trouve récompensée par la cession d’une charte de libertés et par l’honneur insigne de porter son palé d’or et de gueules46.

21Une scène peinte dans le livre des coutumes d’Agen permet de visualiser l’un de ces vexilla comtaux en action. En tête du secundum capitulum, l’enluminure vient illustrer le sujet du deuxième article, relatif à l’ost, même si le contenu de celui-ci ne parle pas explicitement du senhal arboré sur l’image47. La miniature évoque l’obligation annuelle qui pèse sur les citoyens et les bourgeois d’Agen de servir dans l’armée du seigneur pendant quarante jours, dans les limites du diocèse ou en dehors, à condition de pouvoir regagner la ville le soir même. Il est précisé que le seigneur “deu mandar e far cridar la ost generalment per tot Agenes, e deu far saber a Agen sobre cui volra cavalgar o metre seti48”. Conduite par le sénéchal, la troupe – composée de milites armés de lances et de fantassins équipés de piques – s’ébroue au son de deux trompes : il s’agit bien du cri de l’ost que le seigneur doit faire entendre. Dans cette composition, l’étendard est tout particulièrement mis en valeur à travers la position sécante que produit la longue diagonale de sa hampe49. Les armes tissées sur l’étoffe sont celles du comte de Toulouse, Alphonse de Poitiers : la croix raimondenque figure en haut, puis vient le lis d’or sur champ d’azur des Capétiens, et enfin le château de Castille de sa mère Blanche. La cohésion de la communauté s’effectue derrière un senhal qui confirme l’autorité reconnue du seigneur local, un prince allogène.

22En dehors des étendards militaires, peut-on voir des bannières communales arborant une héraldique propre ? Cette dernière est bien attestée, en 1338, à Narbonne ; le bourg et la cité ont chacun un signe distinct qui figure sur la hampe de leurs enseignes (“vexilla et penones signata”) : une croix d’argent pour le premier, une clef d’or pour le second, les deux prenant place sur un champ de gueules50. Parfois, c’est tout un quartier qui détient une enseigne, comme c’est le cas pour la place Montaigon à Toulouse, au début du xiiie s.51. Ailleurs, des sceaux du début du xive s., ceux de Lalbenque (1309) et d’Avignonet (1303), présentent la figuration, assez classique, du castrum maçonné dont la courtine est circonscrite par des tours d’angle ; au détail près que la croix des comtes de Toulouse orne l’étendard placé au centre du champ52. Celui de Lalbenque pourrait faire apparaître le pilori ou un poteau de justice qui serait porteur des armes princières53. Ces deux matrices semblent avoir été confectionnées au siècle précédent, ce qui explique sans doute la présence d’un symbole qui rappelle le sentiment d’appartenance au défunt comté de Toulouse (fig. 6). En revanche, aux mêmes dates, c’est une bannière qui se révèle, en plein champ, sur le revers de Largentière (1303) et d’Agde (1303). Bannière d’argent plaine sur une hampe droite pour la première, bannière à trois pals ondés sur une hampe inclinée pour la seconde54 (fig. 7). S’il s’agit bien là d’armoiries communales pour la ville minière, celles de la cité méditerranéenne renvoient-elles à un quelconque seigneur, local ou lointain ? Dans la ville basse de Marseille, c’est la croix d’azur de saint Victor qui devient l’emblème d’une commune qui n’a de cesse de s’affirmer contre le pouvoir épiscopal55.

Fig. 6. Sceau des consuls de Lalbenque en 1309 (moulage, ANF, sc/D5813).

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Fig. 7. Revers des sceaux des consuls d’Agde et du consulat de Largentière en 1303 (moulages, ANF, sc/D5605bis et D5838bis).

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23De nombreux sceaux d’un vaste Midi toulousain arborent un revers armorié sur lequel paraît la croix raimondenque, souvent placée à l’intérieur d’un écu. L’enquête reste à mener et l’on ne peut trop s’avancer ici. Mais, à titre d’exemple, la légende du revers du premier sceau du castrum de Lauzerte (1243), fondation raimondine du xiie s., donne un indice en expliquant qu’il s’agit là du signe comtal (signvm domini comitis T[olose]). Confirmation donnée à l’aube du siècle suivant : l’écu fleurdelisé se substitue aux armoiries de l’ancienne dynastie princière56.

24D’autres exemples vont dans le sens d’une bannière ornée des armes du maître local. Dans cinq cas, l’avers ou le revers du sceau communal présente un type équestre dans lequel on peut reconnaître le seigneur et ses armoiries. à Béziers, en 1226, le pennon, l’écu du cavalier ainsi que la housse de sa monture sont au fascé des Trencavel, vicomtes de Béziers57 ; à Pamiers, sur le sceau de 1303, c’est le palé des comtes de Foix qui remplace l’ancien château de 1267 ; à Martel, sur le grand sceau de 1309, c’est le bandé des vicomtes de Turenne qui figure sur l’écu et la bannière du miles58 ; à Castelnaudary (1243 et 1308) et à Rabastens (1243), la croix des comtes de Toulouse est présente aussi bien sur l’écu que sur la housse59. Et quand le cavalier aux armes cède, au revers, la place à l’Agneau pascal, celui-ci tient parfois une croix bien singulière. Dès 1211, à Toulouse, l’allégorie christique se voit dotée d’une croix raimondenque, emblème du prince des lieux ; en 1228, à Carcassonne, la hampe est ornée d’un petit gonfanon porteur du fascé des Trencavel60. Les armes de la ville se confondent avec celles du seigneur, prince au xiiie s., puis roi de tous les sujets au xive s. Si la bannière appartient bien au registre des attributs matériels du gouvernement urbain, elle est loin pour autant de constituer un signe qui dirait déjà une identité collective et juridique propre61. Elle rappelle le lien dynamique, plus ou moins fort, que le consulat – groupe social dominant dont la coloration aristocratique est encore très prégnante dans le Midi – entretient avec l’autorité seigneuriale62.

25À l’évidence, arche(s), sceau(x), cloche, maison commune figurent bien en tête dans la courte liste des attributs représentatifs de la personnalité morale des consulats63. D’autres pourraient être retenus dans le cadre spécifique de la marque sigillaire. Le cas du pilori, symbole du dominium judiciaire, a été évoqué. Mais il est souvent difficile de clairement l’identifier, comme on peut le constater avec l’exemple de l’avers du grand sceau de la ville de Martel en 130964. Ce qui pourrait être un poteau d’exposition sur lequel on ligote les auteurs de délits mineurs n’est guère aisé à repérer.

26À l’instar de la place prépondérante qu’occupe dorénavant l’écrit municipal, la matérialité des attributs du gouvernement urbain parvient à synthétiser l’universitas dans son entier, à susciter la cohésion de la communauté civique, et donc à créer un sentiment d’appartenance. Elle en fait un outil du pouvoir, elle se situe au cœur d’une représentation et d’une communication de l’identité consulaire. Elle participe totalement à la scénographie urbaine, ce que le sceau montre avantageusement65. Instruments d’émancipation politique, ces signes ont été élaborés et acquis progressivement, au gré des avancées de l’autonomie communale, entre compétences déléguées et autorité octroyée. Expressions de l’histoire singulière de chaque lieu, ils diffèrent en nombre et en nature mais, partagés par les communautés urbaines, ils participent des caractéristiques générales de ce qui fait “ville”.

27Pour autant, cette vision unitaire de la ville médiévale demeure quelque peu factice. Elle ne doit pas nous faire oublier que derrière une représentation bien élaborée se cachent les dissensions, les discordes, les factions politiques et les oppositions sociales. Ces dissonances affleurent dans bien d’autres documents qui tendent à un peu moins lisser le portrait idéalisé qu’ont voulu brosser les communautés et leurs élites66.

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Notes de bas de page

1 Bedos, éd. 1980, n° 426bis, 331.

2 Bouyé 2008, 278.

3 Bedos-Rezak 1993 ; 2000a ; 2000b ; 2002.

4 Framond, éd. 1982, 31, n. 87.

5 Boyer 2014, 255.

6 Bordes 2006.

7 La domus commune est attestée dans des confronts en avril 1212 (Macé 2008c, acte n° 405).

8 Macé 2009 ; 2014.

9 Bordes 2005a.

10 Macé 2002.

11 Gilles 1969.

12 Michaud-Quentin 1970 ; Macé 2005.

13 BM Agen, ms. 42, fol. 17v, déposé aux AD Lot-et-Garonne.

14(…) gardara senes tot enfranhement lors fors, e lors costumas, e lors franquessas, e lors establiments, e lors razos, e lors drechuras cum bos senher” (Akehurst 2010, 16).

15 Nicolas Leroy donne l’exemple de la charte de coutumes d’Alès, complétées en 1217 avec deux versions distinctes : une latine, conservée et gardée dans le coffre communal ; l’autre en occitan destinée aux usages pratiques (Leroy 2014).

16 Sur le soin jaloux de la conservation des statuts municipaux, considérés comme le principal trésor de la communauté, voir Petrowiste 2014, 48-49.

17 Framond, éd. 1982, 31, n. 88.

18 Otis-Cour 2014, 196-197. La première empreinte de sceau conservée date de 1218 (Bedos, éd. 1980, 347-348, n° 454).

19 Pécout 2014, 132 ; Otis-Cour 2014, 197 ; Boyer 2014, 256.

20 Bedos, éd. 1980, 150, n° 161bis.

21 Ce type de litige apparaît dans une protection accordée aux consuls par le comte de Toulouse Raimond VII, à la fin de l’année 1225. Les magistrats connaissent alors un sérieux différend avec le chapitre cathédral à propos de l’usage quotidien de sa cloche : “controversia quam haberit super facto campane cum episcopo” (Macé 2008c, acte n° 532). Dans une enquête ouverte en 1229 par l’archevêque de Bourges, les cives déclarent l’utiliser pour convoquer le peuple aux affaires de la ville et pour rappeler les ouvriers travaillant dans les vignes (AC Cahors, n° 21). L’usage laïcisé du temps politique et du temps de travail sonne le glas de l’ancien monopole détenu par les chanoines.

22 Boyer 2014, 256.

23 Framond, éd. 1982, 31 et 301, n° 384.

24 Bedos, éd. 1980, 440, n° 587, p. 440 ; Framond, éd. 1982, 301, n° 384.

25 Une cloche est clairement apparente ; derrière elle figure un élément d’architecture qu’il est difficile d’identifier.

26 Martin de Framond voit un écu à la bordure engrêlée (301, n° 384) ; Jean-Luc Chassel et Pierre Flandin-Bléty considèrent qu’il s’agit plutôt d’un écu de gueules plain (149).

27 Chassel & Flandin-Bléty 2011, 149 et n. 53. Martin de Framond cite des documents indiquant que la cité possède déjà une matrice en 1302 (31 et n. 84).

28 Framond, éd. 1982, 32 et n. 89.

29 Bedos, éd. 1980, 128, n° 130bis.

30 Le commun conseil s’est déjà doté d’un sceau en 1215 ; la construction du châtelet recevant la grosse cloche est décidée en 1246 (voir l’article d’É. Jean-Courret, dans ce volume, infra p. 111). La cloche figure bien en vue, au-dessus du portail muni d’une herse, sur un fragment de sceau de mai 1386 (Bedos, éd. 1980, 130, n° 132).

31 Otis-Cour 2014, 194.

32 Chassel & Flandin-Bléty 2011.

33 Sur l’arca communis comme signe d’autonomie, voir Rigaudière 2006, 192. Se reporter également, dans le présent volume, à la communication de Johan Picot.

34dicti milites [fregerunt quandam archam tempore quo Guillelmo de Balneolis, miles, erat senescallus noster Agenensis et Caturcensis, et de dicta archa sigillum dicte universitatis [castri de Lauserta] per violenciam extraverunt, quod postea reddere noluerunt.” (Molinier, éd. 1894-1900, 296, n° 489).

35 Bedos, éd. 1980, 270-271, n° 342-342bis.

36 Framond, éd. 1982, 75 et n. 10.

37 Framond, éd. 1982, 59 et n. 26.

38 Macé 2014, 66, n. 16 et 77-79 ; Caille 2014, 152-155.

39 Framond, éd. 1982, 59, n. 23.

40 Bedos, éd. 1980, 139, n° 145.

41 Chassel & Flandin-Bléty 2011, 151.

42 Framond 1989.

43 Voir le cliché de ce sceau dans l’étude qu’en donne Jean-Luc Chassel dans le présent volume.

44Concedimus namque sigillum comune consulibus et comuni sub subscriptione nostra et sua et etiam vexillum nostrum” (Framond 1989, 104, n. 48). Leah Otis-Cour observe que “dans la charte qui fonde le “consulat” de la ville, le roi d’Aragon, dans l’article 9, concède aux consuls de la ville un sceau. Mais s’agit-il réellement de la preuve de la personnalité morale de la ville ? Rien n’est moins sûr, d’après la description qui est donnée de ce sceau dans la charte […]. Portant la devise du seigneur aussi bien que celle de la ville, le sceau est accordé, non pas à une universitas, mais aux consuls en leur qualité de délégués du roi, leur seigneur” (198).

45 Otis-Cour 2014, 105.

46 Gournay 2004, 389.

47 Akehurst 2010, 16-19.

48 Id., 18.

49 BM Agen, ms. 42, fol. 19r, déposé aux AD Lot-et-Garonne.

50 Caille 2014, 155.

51 “Ils dressèrent la barricade de défense et plantèrent dessus la bannière (la senheira) de Montaigon” (Martin-Chabot, éd. 1961, 151, n. 16).

52 Bedos, éd. 1980, 266, n° 334 et 82, n° 69. Voir aussi Morel 2007.

53 Le poteau de justice, que l’on frappe pour saisir la justice princière, peut être armorié, voire orné d’étendards. Sur l’iconographie de la justice, voir Jacob, 1994.

54 Bedos, éd. 1980, 269, n° 340bis et 34, n° 8.

55 “Il s’agissait de l’ancienne bannière du monastère de Saint-Victor, que portaient autrefois les vicomtes, maîtres de la Cité inférieure. L’emblème glissait aux mains de qui leur succédait dans ce gouvernement. La commune ne se légitimait que mieux en s’ancrant dans le passé”. Le vexillum à la croix céleste devient un symbole que la ville basse doit accepter de soumettre à la volonté du nouveau maître, Charles d’Anjou, à partir de 1262 : les armes du Capétien doivent paraître “en une place plus honorable” (Boyer 2014, 257).

56 Bedos, éd. 1980, 271, n° 342bis et n° 343.

57 Macé 2008b.

58 à la même époque, pour le sceau secret, monoface, le consulat opte en revanche pour des armoiries parlantes à travers l’adoption d’un écu aux trois marteaux (Bedos, éd. 1980, 310, n° 394). Sur les vicomtes de Turenne, voir Macé 2008a 313-315.

59 Bedos, éd. 1980, 120, n° 123 ; 388, n° 514 ; 309, n° 393bis ; 165, n° 183bis et 184bis ; 428, n° 569bis.

60 Macé 2014, 79-80.

61 “Dans le domaine des attributs des villes, il faut être aussi prudent que dans le domaine du vocabulaire – qu’il s’agisse de consulatus ou de populus – et éviter d’attribuer aux premières mentions d’un sceau ou d’une enseigne une force identitaire et une signification juridique qu’il n’avait peut-être pas si précocement” (Otis-Cour 2014, 198).

62 S’agit-il vraiment d’une obligation imposée par le maître des lieux ? Ainsi, “certaines villes ont été contraintes de garder sur leur sceau la figure équestre de leur seigneur, sans être autorisée à faire usage d’un droit à l’image au profit de leurs propres administrateurs” (Chassel & Flandin-Bléty 2011, 140). La nature des relations que les communautés urbaines entretiennent avec leur seigneur est sans doute bien complexe : rivalité et concurrence mais aussi adhésion et loyauté comme paraît l’indiquer l’écartelé des vicomtes de Marsan qui, accompagné d’une légende à l’invocation mariale, figure au revers du sceau conjoint de Mont-de-Marsan, en 1312 ; l’avers consulaire porte une clé en pal (Bedos, éd. 1980, 341, n° 445-445bis). Quand les habitants de Puisserguier obtiennent du roi de France, en 1353, un consulat et une maison commune, il semble bien que la matrice prévue soit un sceau conjoint aux armes de l’universitas et du vicomte de Narbonne, seigneur dudit lieu (Otis-Cour 2014, 202, n. 93). Ces deux exemples montrent, une fois de plus, que chaque matrice mérite d’être analysée au cas par cas, en relation avec les expériences vécues localement.

63 Figeac, en 1318, donne en résumé la substance de sa personne morale et de ses attributs : “[…] domum consulatus et arcam communie, sigillum commune et auctenticum vexillum et bonnia communia nec non alia insignia consulatus, papiros et libros communes pro actis et factis” […]. Belfort dans le Quercy affirme en 1258 : “Costuma es de Belfort quel sagel del comunal de Belfort a auctoritat come sagel de publica persona […]”. Le village de Luzech réclame pour ses consuls, en 1270, en plus du sagel communal, mayso comunal et archa comunal” (Otis-Cour 2014, 201). Gréalou, bourg situé non loin de Figeac, obtient de son seigneur en 1293 une charte de commune qui prévoit “mayso sua propria e communa, archa communa, sagel commu et alamoneira communa, et papies commus et altras enseignas de universitat, appelar la universitat an la campana” (id., 202).

64 Chassel & Flandin-Bléty 2011, 139 et n. 15 ; Bedos, éd. 1980, 309, n° 393. Ce pilori serait également présent au revers topographique du sceau des vicomtes de Turenne du xiiie s. mais, une fois de plus, son identification demeure délicate à établir.

65 “Par l’image et par l’inscription qui le composent, le sceau exprime la personnalité des villes. Précisément parce que les communes ou consulats ne sont que des corps immatériels, ne sont des personnes que par fiction, cette expression de leur identité est à la fois complexe et indispensable, au cœur d’une politique de communication interne et externe, urbi et orbi, au sein de la ville, comme au dehors” (Chassel & Flandin-Bléty 2011, 137).

66 Macé 2014, 72-73.

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