Les collèges de musiciens. Pratiques professionnelles et insertion civique
p. 183-198
Texte intégral
1Les collèges de musiciens dans l’Occident romain n’ont pas fait l’objet, à ce jour et à ma connaissance, d’un traitement monographique global qui ait été publié1. Certains d’entre eux ont déjà été analysés, sans toutefois qu’une mise en perspective générale ne soit tentée2. À vrai dire, il est assez aisé de comprendre les raisons d’un tel manque. L’étude se heurte d’emblée à un problème de taille : les sources antiques n’ont conservé aucune trace de telles structures dans les provinces occidentales. L’épigraphie, prolixe pour bien d’autres associations professionnelles dans ces espaces, généreuse pour les collèges de musiciens en Italie, ne témoigne d’aucune association regroupant uniquement des musiciens professionnels3. Doit-on dès lors conclure à leur inexistence et abandonner là toute étude du phénomène associatif pour ceux qui trouvaient dans la pratique d’un instrument de musique le moyen d’assurer leur subsistance ? Cette pauvreté absolue étonne et contraste tellement avec la situation romaine et italienne qu’elle incite au contraire à un questionnement plus approfondi, à la recherche d’ébauches de réponses. Avant d’aboutir à cette réflexion, il conviendra cependant d’étudier avec précision le fonctionnement et les caractéristiques des collèges de musiciens italiens.
Les collèges de musiciens, organisation et hiérarchie.
2Rome et la péninsule italienne ont livré un total de 55 inscriptions, concernant 135 individus, que le texte gravé ou le contexte de découverte relient à une structure associative. Ces documents correspondent à huit types de musiciens : les individus y sont désignés respectivement en tant qu’aenatores, cornicines, fidicines, liticines, psaltae, scabillarii, symphoniaci et tibicines4. Ces catégories correspondent aux musiciens les plus courants ; les autres types de pratiques instrumentales apparaissant dans l’épigraphie sans lien avec des collèges sont, pour l’essentiel, des cas isolés5. Ainsi peut-on supposer que la présence, à Rome et dans les cités italiennes, d’un nombre suffisamment important de musiciens pouvait conduire à la constitution d’une association. La nature non coercitive de l’adhésion aux associations professionnelles ressort toutefois de la comparaison entre les musiciens appartenant à l’un de ces groupes et ceux qui n’y sont pas rattachés6. Ainsi trouve-t-on à Rome, sous Auguste, des tibicines a priori sans rapport avec le collège des tibicines romani, bien que ce dernier existe de manière assurée à la même époque7.
3L’organisation des associations de musiciens répond aux critères généraux qui ont été mis en évidence dans les études sur ce genre de structures. Le terme qui permet de les désigner est avant tout celui de collegium. Leurs membres sont parfois désignés par le mot socius, comme sur un fragment d’architrave correspondant probablement à la schola des tibicines de Pouzzoles8 ou encore sur une inscription provenant de la même cité, mais relative aux scabillarii9. Pour ces derniers, la même association apparaît toutefois sous la dénomination collegium dans deux autres inscriptions de formulation quasiment identique et découvertes dans le même espace, ce qui rend indiscutable l’identification entre les deux structures : les membres de l’association des scabillarii de Pouzzoles pouvaient être désignés indifféremment comme des collegae ou des socii10. Le terme synhodus, que l’on rencontre à propos des joueurs d’instruments à cordes, la synhodus magna psaltum de Rome11, trouve un parallèle dans une inscription de l’association des chanteurs grecs : societas cantorum graecorum et quei in hac synhodos sunt de pequnia comune12. Synhodus, qui fait évidemment écho aux associations cultuelles des cités grecques, semble être un terme utilisé essentiellement par les regroupements d’athlètes et d’artistes dramatiques, mais rien ne semble s’opposer, dans le cas de joueurs d’instruments à cordes, à ce que l’on en fasse un synonyme de collège professionnel. En effet, ses membres étaient réunis sur la base de leur pratique musicale commune et son organisation administrative, avec ses magistri et decuriones, correspond au vocabulaire caractéristique des associations professionnelles13. Enfin, il arrive régulièrement que l’existence d’une association ne soit introduite par aucun terme particulier : la simple mention de la profession, au nominatif pluriel, permet de déduire l’existence d’une structure d’encadrement collectif. C’est ainsi le cas pour les tibicines à Préneste et à Rome14, les scabillarii attestés en Italie centrale par des inscriptions de Corfinio, Spolète et Trevi15 ainsi qu’à Pouzzoles16 et Pompéi17, les aenatores de Rome18. Une fois encore cette absence de terme spécifique n’est ni problématique ni particulière aux musiciens.
4Les inscriptions relatives à ces collèges de musiciens donnent un aperçu de leur organisation interne. À l’instar de ce que les chercheurs ont mis en avant depuis les travaux de J.-P. Waltzing, ces structures associatives utilisent pour l’essentiel le vocabulaire institutionnel des cités et appliquent les principes d’organisation de la res publica19. Ils ont ainsi à leur tête des magistrats. Ces derniers apparaissent dans les sources en tant que responsables de la réalisation des inscriptions ou des monuments qu’ils font bâtir au nom du collège, comme c’est le cas pour les joueurs de lyre et de cithare de la synhodus magna psaltum de Rome ou les tibicines de Bénévent20. Ces responsables sont généralement élus pour cinq ans, ce qui leur vaut le qualificatif de magistri quinquennales21 ou, plus simplement, de quinquennales22. Certains reçoivent des honneurs spéciaux, comme Abuccius Asclas, quinquennalis perpetuus du collège des scabillarii de Rome23. Cette distinction hiérarchique entre les membres est complétée, pour les collèges de musiciens les plus peuplés, par un autre grade, inférieur aux responsables quinquennaux : celui de curator. L’inscription de la synhodus magna psaltum livre en tout le nom de 31 membres de l’époque augustéenne : trois magistri, Q. Magulnius Eudoxus, C. Clodius Synistor et D. Nonius Corcodilus, et un curator, M. Licinius Mena. Ce dernier apparaît en tête de l’inscription : alors qu’il était curator pour la seconde fois, il a pris en charge sur ses propres deniers la réfection d’un monument que l’on doit sans doute identifier comme la sépulture collective de l’association24. Dans les collèges disposant d’un tel monument, les curateurs avaient une responsabilité dans l’attribution des espaces funéraires, comme en témoignent les vestiges du colombaire des scabillarii de Rome, découverts à proximité de la Porta Maggiore : les inscriptions funéraires sont réalisées après autorisation des curatores25. Enfin l’inscription d’un collège d’aenatores à Brescia fait référence à un actor, c’est-à-dire un gestionnaire financier26. Les inscriptions des collèges de musiciens ne permettent cependant pas d’aller plus avant dans les échelons inférieurs de la structure associative, soit qu’ils n’aient pas existé en raison de la faible taille de certaines organisations, soit que les documents n’aient pas survécu au temps. Elles laissent en revanche apparaître des distinctions honorifiques ponctuelles accordées à des individus en vertu de leurs actions ou donations en faveur de l’association, tel T. Iulius Tyrannus, immunis perpetuus du collège des tibicines romani d’après une base datant de 10227. Ses actions passées en faveur du collège, dont la nature exacte nous échappe, l’avaient dispensé de toute nouvelle contribution financière à son égard.
5Les simples membres de ces associations en formaient le populus. On ne trouve pas de mention de ce terme dans l’épigraphie collégiale des musiciens : les membres sans grade sont collegae. Pour autant cet ensemble d’individus ne constituait pas un corps inorganisé. Les plus grands collèges sont divisés en décuries : celui des scabillarii de Rome comprenait au moins 16 décuries28. À l’inverse, le collège des tibicines romani n’a pas laissé de trace d’une répartition de ses membres en décuries. Il semble toutefois légitime de supposer l’existence d’une telle division pour les tibicines de Rome, étant donnée l’importance du nombre de membres que ce collège devait comporter. Si l’on ne peut donner d’estimation chiffrée, même grossière, le fait qu’à la fin du premier siècle avant notre ère ce collège avait à sa tête dix magistrats laisse à penser que sa population totale devait être conséquente. Le texte de l’inscription de la synhodus magna psaltum, tel qu’il est habituellement développé, conduit à supposer que ce collège était composé d’au moins 31 décuries29. S’il est impossible de connaître le nombre exact de membres inscrits dans chaque décurie, le chiffre de dix n’étant en rien systématique, il semble improbable qu’une décurie ne soit pas constituée d’au moins trois à cinq individus, sans quoi son existence serait vaine30. Ainsi ce collège aurait été composé au minimum d’une centaine d’individus et potentiellement beaucoup plus. La pratique de la scène et des cultes de la Rome augustéenne ne rend pas impossible un tel chiffre, mais elle ne permet pas d’exclure non plus une lecture moins extraordinaire quant au nombre de joueurs de lyre et de cithare, peut-être plus en accord avec la réalité de la pratique31. En effet, les noms des magistrats qui ont fait réaliser l’inscription et le monument la supportant sont répétés à la fin du texte, parmi les decuriones, laissant ainsi penser qu’ils ont choisi de montrer non seulement leur grade de magistrats, mais aussi leur appartenance à l’association en tant que simples membres. Dans ce cas, le terme decurio que l’on trouve en début d’inscription marquerait uniquement l’appartenance à une décurie et non un honneur collégial32. On pourrait tout aussi bien, dans ces conditions, supposer que l’abréviation DEC. devrait être développée en dec(uriales), sans que le sens ne s’en trouve bouleversé. C’est, en tout cas, cette solution qui doit être adoptée pour le développement de l’inscription d’un autre musicien, membre du collège des fidicines de Rome à la fin du iie s. : T. Aurelius Clitus n’avait certainement pas eu le temps, à l’âge de huit ans, de recevoir l’honneur du décurionat33. Il pouvait en revanche être simple membre d’une décurie.
6À Spolète, l’inscription portant à notre connaissance l’existence d’un collège de scabillarii est plus problématique quant à l’analyse de sa composition. Les musiciens apparaissent en tant que rédacteurs d’une inscription en l’honneur de leur patron, M. Septimius Septimianus34.
M(arco) Septimio
M(arci) fil(io) Hor(atia)
Septimiano,
equo publico, IIIIuir(o) i(ure) d(icundo),
praef(ecto) fabr(um) Romae,
dec( ?) IV sca<b=M>illar( ?)
operae ueteres
a scaena, patrono ob
merita eius l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum).
7Cette inscription, datant de la première moitié du iie s. d’après sa paléographie, ne pose pas de problème de lecture : la pierre est parfaitement conservée et la gravure très nette. Cependant, le développement de DEC. ne va pas de soi, une fois de plus.
8Dans un article consacré aux musiciens de la scène, V. Péché a suggéré le développement dec(uriae) IV scamillar(iorum) operae ueteres a scaena, une position conduisant à supposer l’existence d’un collège de scabillarii à Spolète, organisé en quatre décuries35 au moins. J. Peyras a par la suite contesté cette interprétation36. Selon lui les lettres DEC. doivent être rattachées au cursus du patron du collège : chevalier, quattuoruir iure dicundo certainement de la cité de Spoletium, ayant exercé la préfecture des ouvriers à Rome, Septimius Septimianus était aussi décurion, très certainement de Spolète. J. Peyras suggère donc la restitution suivante : dec(urioni), IV scamillar(ii) operae ueteres a scaena. Selon cette lecture, il y avait bien des scabillarii à Spolète, ils étaient préposés à la scène, mais leur nombre se limitait à quatre individus, peut-être des affranchis de Septimius Septimianus, qu’il aurait mis à la disposition de la cité en un acte d’évergétisme.
9J. Peyras avance trois arguments pour appuyer sa nouvelle lecture. Le premier est musicologique : quatre scabillarii, soit quatre tibicines jouant en même temps avec leurs pieds d’un instrument à percussion, voilà un nombre de musiciens qui paraît suffisant pour la scène d’une cité d’Ombrie telle que Spoletium37. On ne s’attend effectivement pas à ce que Spolète accueille 16 décuries de scabillarii, comme Rome. Mais il faut tout de même constater qu’à une centaine de kilomètres de là, dans les Abruzzes, ce ne sont pas moins de 23 scabillarii qui sont attestés à Corfinium, un chiffre qui malmène quelque peu l’appel à l’approche musicologique38. Le deuxième argument repose sur une démonstration purement épigraphique : les différentes étapes de la carrière du notable sont ponctuées graphiquement. Or il est indéniable qu’une de ces ponctuations triangulaires sépare les lettres DEC. et IIII, ce qui tend à inclure dec(urioni) dans la carrière de Septimius Septimianus. Cependant, J. Peyras souligne lui-même combien le lapicide a réalisé un travail peu soigné : malgré l’utilisation d’une réglure, on constate l’apparition d’une obliquité à la ligne quatre ; la dissymétrie est frappante de la deuxième à la septième lignes ; elle a obligé le lapicide à graver en bout de quatrième ligne un D d’une taille très nettement inférieure au reste des lettres, ainsi qu’une ligature, la seule de toute l’inscription, entre les deux dernière lettres de Romae. Ces caractéristiques ne semblent pas résulter de l’incapacité du lapicide – la gravure en elle-même est bien réalisée et de belle facture – mais plutôt de son manque de soin ou de son étourderie dans la réalisation de cette inscription particulière. C’est pourquoi, l’argument épigraphique avancé par J. Peyras ne semble pas définitif : on ne peut écarter l’idée selon laquelle l’ultime encoche n’aurait été gravée par le lapicide que par inadvertance, dans la foulée de celles utilisées pour scander les différentes étapes du cursus.
10Le dernier étai de la nouvelle hypothèse de lecture est grammatical. L’accumulation de génitifs dépendant du seul ueteres qu’impose la lecture de V. Péché ne correspond effectivement pas aux canons de la langue latine. Si cet argument ne peut trouver d’objection linguistique, il perd toutefois singulièrement de sa force au regard d’une autre inscription, datant de la même époque, et découverte à Trevi, soit à peine plus d’une dizaine de kilomètres de Spolète39.
L(ucio) Succonio L(ucii) f(ilio) Pal(atina tribu)
Prisco, IIIIuir(o) i(ure) d(icundo), q(uaestori) a(erarii)
omnium corpor(um) patr(ono),
item Trebi(i)s decur(ioni), pont(ifici)
IIIIuir(o) i(ure) d(icundo) patron(o) mun(icipi)
decuriae IV scabillar(iorum)
ueteres a scaena
amantissimo sui
ex aere conlato h(onore) a(ccepto) i(mpensam) r(emisit).
11La mise en parallèle des deux inscriptions est riche d’enseignements. L. Succonius Priscus a lui aussi réalisé un beau cursus municipal : décurion, pontife, quattuorvir chargé de dire le droit et patron de Trebiae. Il convient cependant de distinguer cette dernière partie de son cursus des premières lignes, qui s’appliquent à une localité non précisée par le texte. Le fait que la gens Succonia soit connue à Spolète par deux textes pousse toutefois à situer ce premier cursus municipal dans cette cité toute proche de celle de Trebiae40. Par ailleurs, cette inscription est particulièrement importante pour notre propos, dans la mesure où l’énonciation des dédicants ne comporte pas l’ambiguïté de la précédente : le terme decuriae est gravé en toutes lettres. La proximité entre ces deux inscriptions, qu’elle soit chronologique, géographique, dans le formulaire ou les dédicants permet donc certainement de lever le doute quant au développement du texte de Spolète. Contrairement à ce que supposait J. Peyras, il y avait bien dans cette cité d’Ombrie au moins quatre décuries de scabillarii, qui se disaient préposés à la scène.
12Rien, dans l’épigraphie des musiciens, ne semble donc distinguer leurs collèges des autres associations professionnelles : organisation, hiérarchie et répartition de leur population sont semblables aux autres structures de même type que l’on rencontre à Rome et dans les provinces. Une telle constatation, qui semble bien plate, n’est pas moins utile à qui s’intéresse à l’histoire des musiciens : les sources font se côtoyer professionnels et amateurs, mais l’existence de telles structures associatives est un critère important dans la construction de la profession41. La similarité entre les collegia de musiciens et des autres artisans place de manière évidente les tibicines, scabillarii et autres aenatores dans le groupe des professionnels, de ceux pour qui la maîtrise d’un instrument ne relevait pas d’un passe-temps, d’une pratique culturelle sociologiquement imposée, mais bien de l’exercice d’une profession dont dépendaient la survie financière de son praticien et son insertion dans la cité.
Les musiciens et la cité : utilité publique, dialogues dynamiques et messages sonores
13Rien ne distingue les musiciens des autres professions dans l’organisation interne des associations professionnelles mais leur épigraphie illustre en revanche les rapports qu’ils entretenaient avec les autorités civiques. Si l’inscription du collège des symphoniaci de Rome est très célèbre, c’est bien plus en raison de la mention de la lex Iulia relative aux collèges à laquelle elle fait référence que pour les professionnels qu’elle concerne42. Ce sont pourtant bien des musiciens qui sont touchés par cette première mention qui nous soit parvenue, au début du ier s. de notre ère, de l’autorisation accordée à un collège de se constituer, en raison de son utilité. Plus d’un siècle plus tard, à Pouzzoles, c’est le collège des scabillarii qui, en trois textes différents, rappelle la légitimité de sa constitution par une référence à l’autorisation ex senatus consulto qui lui fut accordée, certainement en vertu de la même lex Iulia43. Les supports de ces inscriptions sont trois bases de statues dressées par le collège pour Antonin, Faustine et Marc Aurèle, respectivement en 139, 140 et 161 soit, pour les deux empereurs, l’année de leur couronnement. L’espace dans lequel ces bases se dressaient leur avait été donné par les décurions de la cité. On constate donc que ces trois inscriptions, écrites selon le même formulaire, expriment clairement les bons rapports qu’entretenait le collège de scabillarii avec les autorités de tous niveaux.
14Selon le relevé effectué par N. Tran, symphoniaci et scabillarii fournissent les plus anciennes attestations épigraphiques d’une autorisation de constitution accordée en vertu d’un sénatus-consulte44. Ce fait doit sans doute beaucoup au hasard des découvertes épigraphiques et il ne faut pas le surinterpréter en terme de chronologie : plus d’un siècle sépare l’inscription des symphoniaci de Rome et celles des scabillarii de Pouzzoles. Néanmoins, il attire l’attention sur le fait que ces collèges de symphoniaci et de scabillarii au moins avaient obtenu l’autorisation de se constituer, faisant d’eux de ces rares collèges licites et reconnus par la puissance publique45. La présence de musiciens parmi ces collèges “privilégiés” par les autorités romaines pourrait surprendre. Que les dendrophores, les célèbres tria collegia, ou encore les mensores machinarii frumenti publici aient obtenu cette autorisation et en fassent état, voilà qui peut aisément se comprendre : la part active qu’ils prenaient dans l’économie et la gestion des cités en faisaient des acteurs de premier plan. Mais pouvait-on en dire autant des musiciens ?
15L’inscription mentionnant la lex Iulia fournit la raison pour laquelle ces musiciens avaient obtenu l’autorisation de la cité : leur collège était fondé ludorum causa, soit en raison de la participation des musiciens aux jeux46. Savoir de quels jeux il s’agissait a évidemment été débattu par de nombreux chercheurs. La piste la plus fréquemment suivie suppose l’existence de jeux propres à l’association, à l’image de ceux donnés le 7 juin par le collège des pêcheurs du Tibre, lui aussi autorisé par le Sénat47. Bien qu’elle soit recevable, cette hypothèse laisse malgré tout sur sa faim, en l’absence de toute source attestant de manière directe de tels jeux propres à l’association48. Il semble au contraire que l’inscription laisse ouverte la possibilité d’une autre interprétation, dans la précision avec laquelle elle désigne les musiciens, symphoniaci qui sacris publicis praest<o=V> sunt. Les musiciens concernés par l’autorisation étaient donc ceux qui participaient aux rites de la religion publique, en tant que desservants musicaux. À quelle catégorie de musiciens cette réalité correspondait-elle ?
16La présence de musiciens lors des sacra est très fréquemment attestée par les sources, notamment iconographiques49. Les tibicines sont, depuis la haute époque, indispensables à la réalisation efficace des rites de la religion publique, notamment des sacrifices. Ils participaient, par leur jeu, à la création des conditions propices à la réalisation de l’orthopraxie rituelle50. Les troubles consécutifs à leur exil volontaire de Rome au ive s. attestent cette réalité : sans les tibicines la communication entre les dieux et la cité ne pouvait se dérouler de manière appropriée51. Les modalités de leur retour, obtenu, lit-on dans les sources, par une ruse des magistrats romains, prouvent combien il était exclu que la cité puisse fonctionner sans eux. L’épigraphie confirme cette participation systématique des joueurs de tibia à la vie religieuse de la cité : l’expression qui sacris publicis praesto sunt, rencontrée à propos des symphoniaci, est récurrente dans les inscriptions concernant le collège des tibicines52.
17Cependant, à partir du dernier siècle de la République, les tibicines étaient régulièrement accompagnés de joueurs d’instruments à cordes, particulièrement de lyre, plus légère que la cithare et donc plus adaptée à l’exercice du culte53. Cette pratique valut au collège des fidicines la possibilité d’exprimer lui aussi son attachement au culte public par l’utilisation de l’expression qui sacris publicis praesto sunt54. Un tel duo, tibicen-fidicen, apparaît pour la première fois dans l’iconographie sur le relief de l’autel dit de Domitius Ahenobarbus, ainsi que sur l’autel de la villa Borghèse daté du ier s. avant notre ère55. La continuité de cette pratique instrumentale est attestée par une série de monnaies datant de 88 a.C. relative aux sacrifices célébrés durant les Jeux Séculaires56.
18Ainsi, cette évolution dans l’accompagnement musical de certains rites des cultes publics permet probablement de préciser la signification du terme symphoniacus57. L’ensemble instrumental auquel fait référence l’étymologie grecque du mot doit certainement se comprendre, dans le contexte de cette inscription faisant explicitement référence à l’accompagnement musical des cultes publics, comme la combinaison de tibicines et fidicines58. Dès lors, si les symphoniaci ont reçu à une date précoce l’autorisation de se constituer en collège licite, ce n’est peut-être pas uniquement en raison de jeux qu’ils auraient donnés en propre à la cité, mais plutôt au regard de leur action dans la pratique rituelle quotidienne, qui comprenait la participation aux jeux. Cette participation ne doit pas nécessairement être entendue comme le synonyme d’une prestation sur scène, ainsi que semble le penser E. Jory en rapprochant les symphoniaci des scabillarii59 : la célébration de jeux relevait avant tout de la religion publique et, en tant que telle, cette dernière appelait des rites, sacrifices, processions, qui se déroulaient en musique. C’est bien ce genre de prestation musicale que semble désigner la combinaison des expressions qui sacris publicis praesto sunt et ludorum causa dans l’inscription des symphoniaci. L’utilité publique en vertu de laquelle les symphoniaci avaient obtenu le droit de se constituer en organisation licite ne dérivait pas d’une prestation ponctuelle mais plus probablement d’un service structurel de la religion publique romaine.
19On ne peut a priori en dire autant des scabillarii, pour lesquels aucune source ne précise qu’ils étaient associés directement aux rites de la religion publique : leur rôle semble s’être limité aux prestations théâtrales données sur scène60. À Pouzzoles, cité dans laquelle ces musiciens mettent en avant la légalité de leur association, les scabillarii avaient la jouissance d’une pièce située sous les marches de l’amphithéâtre, c’est-à-dire sur le lieu-même de leurs exploits. L’espace pouvait, selon B. Bollmann, servir aussi bien de lieu de culte (sacellum) pour le collège que de point de rendez-vous pour les membres, les jours où ils étaient appelés à monter sur scène61. On y a retrouvé une mosaïque évoquant le nom d’un certain Pulberis, qualifié “d’amour des scabillarii”62. Cet espace était trop petit pour servir de lieu de réunion pour l’association, qui disposait par ailleurs d’une schola à quelques centaines de mètres de l’amphithéâtre, à proximité immédiate du decumanus maximus63.
20Il ne semble donc pas que l’utilité publique des scabillarii, justifiant leur autorisation en vertu du sénatus-consulte, ait pu reposer sur autre chose que leurs prestations théâtrales. Pourtant les musiciens jouant du scabellum ne faisaient pas partie de l’élite de la scène musicale romaine : le maniement de cet instrument à percussions fixé sous la sandale d’un joueur de tibia devait certes nécessiter un entraînement, mais on ne peut en aucun cas parler de virtuoses pour ses spécialistes. Les scabillarii étaient avant tout des tibicines d’accompagnement, bien souvent anonymes et loin de l’enthousiasme déclenché par les grands solistes64. Faut-il dès lors s’étonner que ce soient ces musiciens qui aient reçu une autorisation officielle, et non des collèges de musiciens plus prestigieux ?
21En réalité, l’histoire de cette spécialité musicale semble offrir quelques éclairages dignes d’intérêt. La scène romaine a connu, dans les dernières décennies du ier s. a.C, une évolution profonde après la création par le danseur Pylade, en 23 ou 22, d’un nouveau genre de spectacle dansé, la pantomime65. La combinaison d’un danseur, d’un chœur de chanteurs et d’un orchestre autour de thèmes mythologiques assura à cette catégorie de spectacles un succès fulgurant qui ne se démentit pas dans les siècles suivants. Sans préjuger de la capacité d’un genre artistique à satisfaire les attentes d’un public indépendamment de toute politique volontariste, il semble toutefois que la pantomime tombait à point dans les attentes esthétiques du régime naissant. Le goût d’Auguste pour le théâtre, combiné à son contentement face à l’apparition d’un genre propre à Rome, “national”, n’est certainement pas indépendant du succès rencontré par la pantomime66. Ainsi, si les premiers thèmes mythologiques sur lesquels dansa Pylade furent grecs et accompagnés de cantica en grec, on se référa dès le règne d’Auguste aux grandes épopées mythologiques latines composées par Virgile et Ovide. Cette “impulsion romaine”, pour reprendre l’expression de M.-H. Garelli, valut au genre une association rapide aux grands événements du règne. Présentée sans doute pour la première fois lors des jeux somptueux donnés en 23 avant notre ère par Marcellus, neveu d’Auguste et alors son successeur potentiel, la pantomime fut ensuite jouée à Rome à plusieurs reprises par Pylade avant 18. On la trouve à nouveau sur la scène lors des représentations données durant les Jeux Séculaires de 17. Malgré sa réputation d’hostilité à l’égard des spectacles, due essentiellement au bannissement des acteurs qu’il prononça en 23, Tibère resta, dans une certaine mesure, fidèle au goût augustéen en matière de pantomime : le genre fut représenté lors des ludi augustales de 14, deux mois après la mort d’Auguste, jalon important dans l’organisation du culte impérial. Il est probable aussi que Tibère l’imposa dès 18 dans la deuxième partie des Sebasta de Naples, conçus eux aussi comme une célébration du culte impérial67. La pantomime connut ainsi une place croissante et rapidement incontestée dans la célébration des jeux scéniques relatifs au culte impérial. Bien que les ludi scaenici soient moins fréquents que les jeux du cirque dans les célébrations liées au culte impérial en Occident, ils en étaient des éléments récurrents, dans lesquels la pantomime jouait donc un rôle de premier plan68. En Orient, le développement du culte impérial a fait basculer le contenu des jeux scéniques : alors qu’ils n’étaient auparavant joués que marginalement, mimes et pantomimes en sont devenus le principal contenu69.
22Ce rapport immédiat entre pantomime, organisation du culte impérial et faveur des autorités est une clé de compréhension dans les problèmes qui nous occupent. En effet, le développement de ce nouveau genre impliquait des innovations musicales : les mouvements du corps du danseur étaient accompagnés des sonorités d’un orchestre aux membres toujours plus variés et nombreux70. L’avènement de la pantomime eut pour conséquence la multiplication du nombre de musiciens appelés à monter sur scène, en des proportions telles que l’on doit, selon Sénèque, s’émerveiller que d’un tel chaos puisse naître une harmonie : “Quand le bataillon des exécutants a encombré tous les passages, quand les cuivres font un cordon autour de la cauea et que de la scène monte le retentissement des flûtes de tout calibre et celui de toute sorte d’instruments, l’harmonie générale naît de la diversité des sons71”. La constitution d’une hiérarchie dans les musiciens de la scène, que reflète la spécialisation croissante des termes relatifs aux pratiques musicales – protaules, hypaules, choraules... – est le témoignage de cet enrichissement de la scène romaine au début de l’Empire72. Les scabillarii, joueurs de tibia de rang remplissant l’espace sonore du tintement de leurs grelots à pieds, faisaient partie de cette diversité sonore alors en pleine expansion. En effet, si l’existence de cette spécialité musicale était déjà connue de Cicéron, qui l’associe au mime, aucune inscription qui nous est parvenue n’est antérieure à l’apparition de la pantomime73. On doit donc certainement attribuer à l’augmentation hyperbolique du nombre de musiciens sur scène l’importance numérique des scabillarii rencontrés précédemment en Ombrie et dans les Abruzzes. Que le collège des scabillarii de Spolète soit composé d’au moins quatre décuries ne doit pas surprendre, contrairement à ce que pensait J. Peyras. Il n’est, par son nombre, que le reflet de la réalité théâtrale de son temps. Les scabillarii sont associés à la pantomime, ce que renforce le rapport qu’établissent deux inscriptions entre ces instrumentistes et des responsables du culte impérial, Augustales et sévir74. Une des actions principales qui revenaient aux détenteurs de ces charges était l’organisation des jeux relatifs au culte des empereurs défunts, un culte auquel les scabillarii participaient activement. Ainsi peut-on supposer que les sons de la pantomime, que les scabillarii représentaient, étaient, dans une certaine mesure, devenus des sonorités associées à la célébration du pouvoir impérial.
23Un tel contexte permet donc de mieux comprendre les raisons de l’autorisation officielle de leur association, dont se targuent les scabillarii de Pouzzoles. Cette dernière n’est peut-être que le reflet de la faveur impériale envers la pantomime. Ses exécutants, au premier rang desquels se trouvaient les scabillarii, participaient indirectement à la mise en sons d’une partie de la volonté impériale. C’est pourquoi ce collège de professionnels, n’appartenant pourtant pas à l’élite de la pratique musicale, avait, peut-être de longue date, procédé à une demande d’autorisation officielle de l’association, autorisation accordée par des autorités reconnaissantes du rôle joué par les scabillarii dans le développement d’un type de musique qu’elles souhaitaient entendre. Les dédicaces à Antonin, Faustine et Marc Aurèle peuvent ainsi être insérées dans un dialogue privilégié entre ces musiciens et les autorités impériales.
24L’attention favorable dont les scabillarii faisaient l’objet fournit peut-être par ailleurs une clé de lecture pour l’étude de leurs patrons, ainsi que des collèges avec lesquels ces musiciens étaient en contact. Les carrières de Septimius Septimianus et de Succonius Priscus faisaient d’eux des personnes parmi les plus influentes de leurs cités, Spolète et Trevi. À Pompéi, les scabillarii érigèrent une statue à Didius Lucretius Valens, à qui Claude avait conféré le cheval public, et qui avait été adlecté gratuitement parmi les décurions de la cité75. À Ameria, c’est un sévir, par ailleurs curator pecuniae annonariae et curator calendarii rei publicae, qui est le patron du collège de scabillarii local, dans une inscription qui met ceux-ci en relation avec les centonarii et les fabri tignarii de la cité76. Comme pour les Augustales précédemment mentionnés, ces deux entités sont a priori bien plus importantes que les musiciens jouant du scabellum, du moins en terme de considération sociale. Mais si le rôle joué par les scabillarii dans les représentations de pantomime, notamment lors du culte impérial, est bien aussi important que nous le supposons, alors on comprend mieux ce qui pourrait de prime abord ressembler à une étonnante sur-évaluation de leur position sociale. La faveur impériale dont ils bénéficiaient en tant qu’incarnations sonores d’un message politiquement audible les rendait hautement fréquentables. Inscrits dans un dialogue dynamique avec les autorités impériales, les scabillarii en retiraient des bénéfices à l’échelon local77.
25On retrouve les traces d’un dialogue dynamique entre les autorités impériales et des musiciens insérés dans une structure associative pour une catégorie autre que les scabillarii. Les aenatores ont récemment été mis en lumière par la découverte, en plein cœur de Rome, dans la zone de la Meta Sudans, de deux inscriptions les concernant78. La première est gravée sur trois plaques de marbre de Luni devant recouvrir une longue base maçonnée79. Elle a été réalisée par les aenatores, tubicines, cornicines, liticines Romani en l’honneur de la famille julio-claudienne. Le texte est rédigé en quatre colonnes, correspondant au nombre de statues disposées sur la base. L’inscription est adressée à Auguste, Claude et Néron. La dernière partie du texte – quatrième colonne –, une dédicace à Agrippine, a été stuquée dans la phase finale du monument. Elle explique la redondance du terme Romani, aux troisième et quatrième colonnes.
a) Imp(eratori) Caisari Diui f(ilio)
Augusto,
pontifici maximo, co(n)s(uli) XI,
tribunicia potestat(e) XI,
(vac.)
aenatores.
b) Neroni Claudio diui
Claudii f(ilio),
Germanici Caisaris n(epoti),
Ti(beri) Caisaris Aug(usti) pro n(epoti),
diui Augusti ab n(epoti),
Caisari Aug(usto) Germanico, pont(ifici)
max(imo), trib(unicia) potest(ate) II, imp(eratori), co(n)s(uli),
(vac.)
tubicines.
c) Ti(berio) Claudio Drusi f(ilio)
Caisari Augusto
Germanico, pontifici
maximo, tribunicia pot(estate),
imp(eratori), co(n)s(uli) II,
(vac.)
liticines, cornicines
Romani.
d) Iuliae Au[gustae]
Agri[ppinae],
Germanic[i Caesaris f(iliae),]
diui Cla[udi uxori],
(vac.)
Romani.
26La seconde inscription, découverte immédiatement à proximité de la première, a été réalisée par les mêmes dédicants. Elle est gravée sur une plaque de bronze, destinée à être fichée sur une base de pierre, supportant une statue plus grande que nature d’après la taille des éléments retrouvés80. Elle est adressée à Tibère, alors qu’il n’était pas encore empereur81.
Ti(berio) Cla[ud]io Ti(berii) f(ilio)
[Ne]roni,
pon[t(ifici), co(n)s(uli) II, i]mp(eratori) II
(vac.)
[ae]nator[es], tubicines, l[iti]cines, co[r]nicines
Romani.
27L’histoire de ces deux inscriptions, qui doivent à l’évidence être envisagées conjointement, éclaire les rapports entre ces musiciens et la famille impériale. Entre le 6 mars et le 25 juin de l’an 12 avant notre ère, les aenatores posèrent une première base, dédiée à Auguste. Elle devait certainement être similaire à celle que l’on a retrouvée pour Tibère. Auguste venait alors de devenir pontifex maximus. Il est possible que cette base ait trouvé sa raison d’être dans l’accession à cette charge. Une seconde base fut ensuite créée pour Tibère, entre 8 a.C. et 4 p.C., date de son adoption. La date de 7 a.C. semble la plus plausible, car elle correspond à un temps fort de la vie publique de Tibère, après son triomphe et au moment où il gère le consulat pour la deuxième fois. Puis, à l’avènement de Claude, une autre base fut édifiée, plus grande, pouvant certainement supporter deux ou trois statues. L’inscription d’Auguste y fut recopiée et sa statue transférée, l’ancienne base étant certainement détruite. La dédicace à Claude fut ajoutée à côté de celle d’Auguste. En 55 ou 56 p.C., les mêmes dédicants restaurèrent le monument et l’agrandirent une nouvelle fois, recopièrent les dédicaces d’Auguste et de Claude, ajoutèrent Néron et sa mère Agrippine. La partie du texte concernant cette dernière fut ensuite stuquée, certainement à sa mort en 59. Enfin la totalité du monument fit les frais du réaménagement de cet espace après l’incendie de 64.
28Comme pour les scabillarii de Pouzzoles, les inscriptions de la Meta Sudans sont l’expression d’un loyalisme zélé de leurs dédicants envers la famille impériale. L’évolution de ces bases suit de près le rythme de la vie dynastique palatine, montrant la réactivité de ces musiciens et leur aptitude à accompagner les modifications au sommet de l’État. La réunion des statues des différents membres de la famille julio-claudienne sur un support unique est notable. Elle fondait l’unité de la dynastie julio-claudienne en la matérialisant par l’unicité du support82. Grâce à la rapidité de leur réaction, les aenatores ont créé un modèle monumental exemplaire, exportable dans d’autres cités de l’Empire83. La nature de l’hommage, un groupe statuaire, comme son emplacement, dans l’enceinte d’un temple en un espace que l’on doit peut-être identifier comme les curiae ueteres, ne permettent pas d’imaginer qu’un tel monument ait pu se réaliser sans que l’empereur n’ait été, au moins, mis au courant84. Il semble plus probable encore que les empereurs successifs aient donné un assentiment explicite à la réalisation puis à l’évolution de ces bases statuaires.
29La centralité de l’emplacement, dans un espace marqué par le vocabulaire architectural augustéen – à quelques mètres, une fontaine monumentale rappelait par sa forme la victoire d’Actium –, et l’importance du monument posent néanmoins question85. Comme pour les scabillarii, la prise en compte pratique de la nature du service rendu par les aenatores éclaire la réflexion. Ces musiciens étaient, par excellence, des musiciens au service de la cité86. Leurs prestations dans les temps forts de la vie civique, les processions, les jeux, faisaient d’eux des desservants très réguliers de la cité, et ce depuis un temps ancestral : Strabon situe leur genèse sous la royauté étrusque87. Cette pratique était encore une réalité à l’époque d’Auguste : les aenatores apparaissent dans le compte rendu épigraphique des Jeux Séculaires de 17 ; ils appelaient alors le peuple aux cérémonies préparant les jeux, trois jours avant les calendes de juin88. Ces musiciens, bien connus des Romains, liens permanents entre l’antiquité de la cité et son présent, étaient particulièrement adaptés à un discours augustéen dont l’un des argumentaires, notamment religieux, s’appuyait sur la restauration de la Rome ancienne. En tant que desservants sonores “immémoriaux” de la Cité, il est alors possible que les aenatores aient joui, sous Auguste, d’une considération particulière : l’emplacement accordé pour ériger leurs bases honorifiques en témoigne. Pour cette raison, on peut légitimement affirmer que ce groupe monumental s’insérait lui aussi dans une forme de dialogue dynamique entre les aenatores et le pouvoir impérial.
30Il est à noter que les inscriptions de la Meta Sudans ne font pas référence, stricto sensu, à une organisation associative des aenatores. Ces derniers sont mentionnés au nominatif pluriel, en tant que groupe dédiant les deux monuments. La composition exacte de cet ensemble était précisée par le développement que l’on retrouve selon un formulaire identique dans le texte des deux inscriptions : tubicines, cornicines, liticines89. Pour autant, il ne semble pas qu’il faille douter de l’existence d’un collège des aenatores. Une telle association est connue dans deux cités du Latium : à Aquinum, le collegium aeniatorum (sic) est mentionné dans l’épitaphe de son patron90, tandis qu’à Cassinum, un même collegium aeneatorum est à l’origine d’une base honorifique à Septime Sévère91. À Rome même, deux inscriptions, rapprochées de longue date par les chercheurs en raison de leur appartenance au corpus des bénéficiaires du blé public, apportent des arguments allant en ce sens92. Seule l’inscription de M. Baebius Asclepiades Iustinus le désigne comme membre du collegium aeniatorium (sic) ; celle de L. Aurelius Tychenianus précise que le défunt laissait à sa mort une “tribu ingénue et le blé des aenatores”93. Le parallélisme des deux cas confirme que l’absence de référence explicite à un collège ne signifiait pas son inexistence : Aurelius Tychenianus était bien, comme son collègue Baebius Asclepiades Tychenianus, membre du collège des aenatores de Rome, dont les inscriptions de la Meta Sudans sont à ce jour les premières attestations chronologiques.
31L’inscription de ces aenatores sur les listes du blé public, dont on sait qu’elles n’étaient pas ouvertes à la totalité de la population romaine, correspondait donc à une forme de privilège pour des musiciens ainsi intégrés à l’élite de la plèbe urbaine. Les deux inscriptions qui l’attestent sont relativement tardives94, mais l’on ne peut s’empêcher de penser que l’octroi de ce privilège frumentaire remontait peut-être aux premières décennies de l’Empire : les inscriptions de la Meta Sudans et le bénéfice des frumentationes, qui ne pouvait reposer que sur la pratique professionnelle de ces deux individus, semblent les pièces d’un discours cohérent95.
32Le cas de M. Baebius Asclepiades Iustinus est particulièrement instructif, car il permet d’éclairer le rôle joué par le collège dans la perception du bénéfice frumentaire. En effet, cette inscription funéraire précise que ce jeune homme était mort à quatre ans, trois mois et treize jours, un âge qui ne lui avait certainement pas laissé beaucoup d’occasions de pratiquer des instruments dont la taille et le poids excédaient les siens : une tuba était une trompe réalisée à partir de différents alliages de cuivre d’une longueur dépassant certainement un mètre cinquante, tandis que pour le cornu, le tube enroulé sur lui-même devait dépasser les trois mètres96 ! Puisque l’enfant ne pouvait avoir reçu le bénéfice frumentaire de son père et qu’il ne l’avait gagné par la qualité de ses prestations en tant qu’aenator, le seul élément expliquant son inscription sur les listes était son appartenance au collège97. Comme pour l’octroi de certains privilèges à d’autres catégories professionnelles, le collège était, pour les aenatores, la structure par laquelle les autorités pouvaient toucher les professionnels98. Ainsi le collège permettait à des individus qu’unissait leur pratique musicale d’exprimer leur appartenance à une communauté civique. En retour, cette même institution collégiale donnait la possibilité aux autorités civiques de signifier leur assentiment à la pratique professionnelle : les musiciens considéraient les associations professionnelles comme des structures de médiation et de dialogue.
33Les musiciens romains et italiens, comme nombre d’autres professionnels, étaient regroupés en collèges. Rien dans l’organisation ou les buts de ces structures associatives ne semble les avoir distinguées d’autres métiers. Néanmoins, l’étude des sources épigraphiques de ces collèges permet de mettre l’accent sur l’intensité du dialogue engagé entre diverses catégories de musiciens professionnels et les autorités, essentiellement impériales. Le changement de régime semble avoir été un temps fort pour les musiciens, par l’accentuation de leur visibilité sociale et la reconnaissance de leur utilité publique. En tant qu’acteurs nécessaires à la vie religieuse et civique, certains de ces musiciens, comme les tibicines, les scabillarii ou encore les aenatores furent particulièrement mis en avant et insérés dans un dialogue dynamique avec les autorités, dont ils tirèrent une position sociale renforcée. Sans qu’il ne doive pour autant être considéré comme un cadre nécessaire à la vie professionnelle, le collège qui regroupait ces musiciens servit alors de structure de médiation, entre les professionnels, en tant qu’individus, et le pouvoir.
34L’absence de toute trace de telles associations hors d’Italie ne cesse de surprendre. On ne voit pas comment les grandes cités gauloises, espagnoles ou africaines, en partie organisées sur le modèle romain, auraient pu s’affranchir de la nécessité d’un tibicen, au moins, pour la réalisation des sacra publica municipaux, de scabillarii pour les prestations de pantomime ou d’aenator pour les jeux et les temps forts de la vie civique. L’épigraphie atteste leur présence, mais hors de structures associatives pourtant fréquentes pour d’autres professions99. Il nous semble dès lors que la seule position tenable, bien qu’extrêmement frustrante, pour expliquer cette absence des collèges de musiciens est bien l’état lacunaire des sources qui nous sont parvenues. Les collèges de musiciens des cités d’Occident attendent sans doute, aujourd’hui encore, leur inventeur.
Notes de bas de page
1 Il ne m’a pas été possible de me procurer la thèse de Fleischhauer 1959, qui n’a malheureusement pas fait l’objet d’une publication. Elle semble avoir été consultée par G. Wille pour la rédaction de ses quelques pages consacrées à la question dans son ouvrage incontournable dans toute étude de la musique et des musiciens romains : Wille 1967, 357-366.
2 Pour les collèges d’instruments à cordes, Vendries 1999, 318-326 ; pour les tibicines, Péché 2001 et Vincent 2008.
3 Les collèges de musiciens militaires sont exclus de cette étude dans la mesure où ils répondent à des problématiques bien particulières, relevant aussi bien de la pratique musicale que du fonctionnement de l’institution militaire. Les riches inscriptions lambésitaines des collèges de cornicines et tubicines de la troisième légion Auguste sont étudiées dans le présent volume par Chr. Schmidt Heidenreich. Les collèges des artistes de la scène ne sont pas, eux non plus, pris en compte car leur composition est mixte, comprenant à la fois des musiciens, des acteurs, des poètes et des compositeurs. Voir notamment Jory 1970, Oliver 1975, Lavagne 1986, Ghiron-Bistagne 1991, Vendries 1999, 318-326 et Le Guen 2001.
4 Pour la terminologie des spécialités musicales, on pourra se référer à Bélis 1988a.
5 On peut ainsi penser aux cymbalistriae et tympanistriae, instrumentistes typiques du culte de Magna Mater (respectivement CIL, V, 519, IX, 1538, VI, 2254 et CIL, VI, 224, IX, 1542, AE, 1940, 131, AE, 2000, 370 et Thylander 1952, A. 142), ou encore au fistulator (CIL, VI, 4444) ou à l’étonnant tubocantius (CIL, VI, 10149).
6 Il est désormais bien acquis que les associations romaines sont volontaires et de droit privé. Voir en dernier lieu Tran 2006, 3-15.
7 CIL, VI, 33969, datée par H. Solin d’époque augustéenne.
8 Gialanella & Sampaolo 1980-1981, 161.
9 CIL, X, 1647 : [Im]p(eratori) Caesari | [M](arco) Aurelio | [A]ntonino Aug(usto) [diu]i Antonini
f(ilio) | [diu]i Hadriani nep(oti) | [diui] Traiani Parthic(i) pron(epoti) | [diui] Neruae ab nepoti |[Pon]tif(ico) max(imo) trib(unicia) pot(estate) XV | co(n)s(uli) III. C(aius) Iulius Fortunatus | quinquennalis | nomine sociorum | scabillarior(um) puteolanorum | quibus ex s(enatus) c(onsulto) coire licet | pequnia sua donum
dat | l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum).
10 CIL, X, 1642, dédicace à Antonin et CIL, X, 1643, dédicace à Faustine.
11 CIL, VI, 33968.
12 CIL, I2, 2519.
13 Waltzing 1895-1900, 4, 242 ; Tran 2006, 225-232 sur la convergence entre magistratures associatives et civiques.
14 CIL, I², 3070 et CIL, VI, 1054. Sur la chronologie de la série de dédicaces du temple de Fortuna Primigenia à laquelle appartient l’inscription des tibicines, voir Degrassi 1971.
15 Corfinium : CIL, IX, 3188 : Operae urb(is) scabillar(ii), suivi du nom de 23 hommes. Il est toutefois possible que l’Vrbs dont il est question ne soit pas la cité de Corfinium mais bien Rome. Le collegium des scabillarii de Rome est bien connu par les inscriptions trouvées sur les lieux de son colombaire, CIL, VI, 33191-33200. Spoletium : CIL, XI, 4813. Trebiae : CIL, XI, 5054.
16 AE, 1956, 137.
17 AE, 1994, 398 = 2004, 405.
18 CIL, VI, 40307 et 40334.
19 Waltzing 1895-1900, 357-425.
20 Respectivement CIL, VI, 33968 et AE, 1925, 117.
21 CIL, I², 988 = VI, 3696 ; CIL, I² 2984b et AE, 1991, 120 (tibicines de Rome), CIL, XIV, 3564 (tibicines de Tibur).
22 CIL, VI, 240 ; CIL, VI, 1054 (tibicines de Rome) ; Paribeni 1933, n. 2.
23 CIL, VI, 32294.
24 Colini 1944, 392. La datation de l’inscription a fait l’objet d’une révision récente après la relecture de Solin 1995. Elle était jusqu’alors considérée comme républicaine, une périodisation trop précoce selon le Finlandais. CIL, VI, 33968 : M(arcus) Licin[i]us (mulieris) l(ibertus) Mena, curator iterum de | sua pequnia reficiundum curauit | [dec]urionum sententia synhodi M(agnae) Psaltum. | Mag(istri) || Q(uintus) Magulnius Q(uinti) l(ibertus) Eudox(us) | C(aius) Clodius (mulieris) l(ibertus) Synistor | D(ecimius) Nonius D(ecimii) l(ibertus) Corcodilus. | Decur(iones) [suit une liste de 31 noms gravés sur quatre colonnes. Les trois derniers noms de la dernière colonne sont ceux des magistrats cités en haut de la première colonne].
25 CIL, VI, 33191 et 33193.
26 AE, 1991, 823. Comme le signale Aubert 1999, 68-69, on ne peut toutefois être certain qu’il s’agissait de l’actor du collège et non celui du patron que le collège honore dans l’inscription.
27 CIL, VI, 2191 : Collegio tibicinum | et fidicinum romanorum | qui s(acris) p(ublicis) p(raesto) s(unt) | Ti(berius) Iulius Tyrannus |[i]mmunis perpetuus et | [Ti(berius) I]ulius Tyrannus f(ilius) | h(onoris) c(ausa) d(ono) d(ederunt). |Dedicatum K(alendas) Mart(is) [V]rso Seruiano II L(ucio) Fabio Iust(o) co(n)s(ulibus).
28 CIL, VI, 10147 : D(is) I(nferis) M(anibus) | M(arcus) Ofanius | Aristionis | d(ecuria) XVI | fecit | sibi et M(arco) Ofa|nio primo fil(io) col(legium) sca(billariorum).
29 CIL, VI, 33968, cf. supra n. 23.
30 Un collège de gladiateurs romains adorateurs de Silvain a laissé le témoignage d’une division en quatre décuries : les trois premières sont composées de dix membres chacune, tandis que la dernière ne comprend qu’un seul membre, sans doute le dernier intégré dans l’association, dans l’attente de nouveaux membres, cf. CIL, VI, 631 = EAOR 1, 45.
31 Sur la place de ces instrumentistes sur la scène romaine, voir Vendries 1999, 193-285.
32 Sur la difficulté de distinction entre les deux, voir Waltzing 1895-1900, 4, 294-298.
33 CIL, VI, 2192 : D(is) M(anibus) | T(ito) Aur(elio) T(iti) f(ilio) Pom[p]t(ina tribu) | Clito, dec(uriali) coll(egii) fidi(icinum) | R(omanorum). Vixit ann(is) VIII m(ensibus) | IIII d(iebus) XXII, Aurel(ii) Nice|phorianus et Filume|ne filio dulcissi|mo b(ene) m(erenti) f(ecerunt).
34 CIL, XI, 4813. Il s’agit d’une plaque de calcaire blanc de 60 x 52 cm conservée actuellement au Museo Archeologico Nazionale di Spoleto, n. inv. 383.
35 Péché 1995.
36 Peyras 2002.
37 Sur la définition et l’utilisation du scabellum en particulier, Bélis 1988b.
38 CIL, IX, 3188.
39 CIL, XI, 5054 ; Prosperi Valenti 1981.
40 CIL, XI, 7872 et 7873.
41 Sur les musiciens amateurs, Baudot 1973, 91-114 et Horsfall 2003, notamment les chapitres 1 et 3.
42 CIL, VI, 4416.
43 CIL, X, 1642 : Imp(eratori) Caesari | diui Hadriani fil(io) | diui Traiani | Parthici nepoti | diui Nervae pron(epoti) | T(ito) Aelio Hadriano | Antonino Aug(usto) Pio, | Patri Patriae, | Pontifici Maximo, | trib(unicia) potes(tate) II, co(n)s(uli) II | collegium | scabillarior(um) | quibus s(enatus) c(onsulto) coire licet | l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum) ; CIL, X, 1643 : Faustinae Aug(ustae) | Imp(eratoris) Caesaris | T(iti) Aeli Hadriani | Antonini Aug(usti) Pii, p(atri) p(atriae), | tribunic(ia) pot(estate) III, co(n)s(ulis) III,| collegium | scabillariorum | quibus s(enatus) c(onsulto) coire licet | l(oco d(ato) d(ecreto) d(ecurionum) ; CIL, X, 1647 : [Im]p(eratori) Caesari | [M](arco) Aurelio | [A]ntonino Aug(usto), [diu]i Antonini f(ilio), | [diu]i Hadriani nep(oti), | [diui] Traiani Parthic(i) pron(epoti), | [diui] Nervae abnepoti, |[Pon]tif(ico) max(imo), trib(unicia) pot(estate) XV, | co(n)s(uli) III. C(aius) Iulius Fortunatus, | quinquennalis, | nomine sociorum | scabillarior(um) puteolanorum | quibus ex s(enatus) c(onsulto) coire licet | pequnia sua donum dat | l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum).
44 Tran 2006, 352 (tableau).
45 Sur le fait que la reconnaissance de ces collèges licites ne correspondait pas à la majorité des situations, voir l’expression utilisée par Gaius pour les désigner, “paucis admodum in causis”, Dig., 3.4.1.pr.-1, ainsi que Tran 2006, 353.
46 Il s’agit là de la seule portion de l’inscription qui soit généralement retenue dans cette perspective, cf. Tran 2006, 353 (à la suite de Waltzing 1895-1900, 4, 132-135) : “Il est question d’utilité dans l’inscription des symphoniaci, à travers les mots ludorum causa”.
47 CIL, VI, 1872.
48 On ne peut assimiler le collège des symphoniaci et celui des tibicines romani, qui, lui, célébrait des jeux lors des Quinquatries mineures du 13 juin. Les deux associations coexistent sous le règne d’Auguste et il est exclu que les symphoniaci se soient substitués aux tibicines, comme l’a bien montré Péché 2001.
49 Scott Ryberg 1955 et Huet 1992, 457-531 ont particulièrement analysé leur position, centrale, dans les scènes de sacrifices.
50 Plin., Nat., 23.3.11 : (...) uidemus certis precationibus obsecrare suesse summos magistratus et, ne quod uerborum praetereatur aut praeposterum dicatur, de scripto praeire aliquem rursusque alium custodem dari qui adtendat, alium uero praeponi qui fauere linguis iubeat, tibicinem canere ne quid aliud audiatur (...).
51 Ov., F., 6.13.650‑711 ; Plut., Quaest. Rom., 55 ; Liv. 9.30.5 ; V. Max. 2.5.4.
52 CIL, VI, 240, 1054, 3696 ; AE, 2003, 573.
53 Sur l’introduction des cordophones dans les rites de la religion publique à cette époque, Vendries 1999, 197-214 et Vendries 2004, 398.
54 Paribeni 1933, 432.
55 On trouve des représentations de qualité de ces pièces dans Fless 1995, pl. 12, fig. 1 et pl. 44, fig. 2.
56 Scott Ryberg 1955, pl. 63, fig. 105 c-d et g-h.
57 Pour une définition générale en tant que musicien d’un ensemble instrumental, Bélis 1988a, 249.
58 On trouve aussi cette association entre les deux types d’instrumentistes dans l’inscription CIL, VI, 2191. Pour le raisonnement complet concernant l’identification de symphoniaci, ainsi qu’une proposition de chronologie concernant les création, fusion et disparition des collèges de musiciens romains, Vincent 2008, 428-433.
59 Jory 1970, 251.
60 La présence d’un tibicen jouant aussi du scabellum aux côtés d’un autel, apparaissant sur un laraire pompéien (Fröhlich 1991, pl. 10, 2, cat. L, 98) ne peut tenir lieu de preuve de la participation régulière des scabillarii aux rites de la religion publique. Il se situe au contraire de manière incontestable dans le cadre de la religion privée. Sur le rôle des scabillarii au théâtre, voir notamment Cic., Cael., 65 ou Suet., Cal., 54.2.
61 Bollmann 1998, 119.
62 AE, 1956, 137.
63 Zevi 1993, fol. 13, n. 117. C’est là qu’ont été retrouvées les bases faisant état de l’autorisation accordée pour la constitution du collège mentionnées précédemment, CIL, X, 1642, 1643 et 1647.
64 Baudot 1973, 70-77 et Bélis 1999, 91-122, sur ces virtuoses, bien mieux considérés par l’historiographie.
65 Garelli 2007 a bien disséqué la difficile question des origines de la pantomime, qui n’est évidemment pas apparue ex nihilo mais a néanmoins profondément transformé les prestations de la scène romaine.
66 Garelli 2007, 168-177.
67 Garelli 2007, 182 et 207-208.
68 Fishwick 1987-2005, 2-1, 574-584 et particulièrement 583-584 et 3-3, 342-347.
69 Price 1984, 89.
70 Luc., Salt., 68. Garelli 2007, 161-164 sur les innovations musicales de Pylade.
71 Sen., Ep., 84.10 (trad. H. Noblot, C.U.F, 1957) : cum omnes uias ordo canentium impleuit et cauea aenatoribus cincta est et ex pulpito omne tibiarum genus organorumque consonuit, fit concentus ex dissonis.
72 Bélis 1988a, 227, parle de fait de civilisation doublé d’un fait de langue.
73 Cic., Cael., 65.
74 CIL, XI, 4404, un sévir anonyme d’Ameria ; AE, 1994, 398, ils participent avec les Augustales du pagus Augustus Felix Suburbanus à l’érection d’une statue équestre de Didius Lucretius Valens, à Pompéi.
75 AE, 1994, 398.
76 CIL, XI, 4404.
77 Sur la notion de dialogue dynamique entre les différents échelons administratifs, impériaux et locaux, Hurlet 2006, 49-50.
78 L’édition complète et le commentaire le plus détaillé à ce jour sont ceux de Morizio 1996a et b.
79 CIL, VI, 40307 ; AE, 1996, 246.
80 Morizio 1996a, 115.
81 CIL, VI, 40334 ; AE, 1996, 247.
82 La date de leur découverte n’a pas permis à Rose 1997 d’inclure les inscriptions de la Meta Sudans dans sa démonstration, et notamment la création d’un support unique sous Claude. Elles abondent toutefois dans le sens de son chapitre 5, “The solidification of the julio-claudian dynasty under Claudius”, particulièrement p. 43.
83 Pour une typologie des groupes statuaires de la dynastie julio-claudienne en Gaule, voir Rosso 2006.
84 On trouve une description de la procédure de décision et de réalisation des groupes statuaires dans Rose 1997. Pour la localisation exacte de ces bases honorifiques, dans l’enceinte d’un vieux temple républicain, voir en dernier lieu Zeggio & Pardini 2007.
85 Pour les hypothèses concernant ce premier état de la Meta Sudans, Zeggio et Pardini 2007, 9-12.
86 Vincent (à paraître).
87 Strab., Chr., 5.2.2.
88 Le terme aeneatores (sic) apparaît à la ligne 88 de l’inscription dans l’édition Schnegg-Köhler 2002, 34 et 114 pour le commentaire.
89 Sur l’extrême rareté du terme liticen dans l’épigraphie et pour une hypothèse quant à sa présence dans les inscriptions de la Meta Sudans, Vincent (à paraître).
90 CIL, X, 5415 : D(is) M(anibus) | C(aii) Iuli Euphrosi, | qui fuit aed(ilis) (duum)uir Aq[ui]|ni | item patr(onus) colleg(ii) | [ae]niatorum, | Caerellia Phoebe c[on]iugi pientissimo [f(ecit)], cum qua uixi[t] | annis XXIII, | dieb(us) XI.
91 CIL, X, 5173 : Imp(eratori) Caesari | L(ucio) Septimio Se|uero Pio Per|tinaci Aug(usto), | Arab(ico), Adiab(enico), Par[t(hico)] | max(imo), pont(ifici) ma[x(imo)], | trib(unicia) pot(estate) VIII, I[mp(eratori)] | XI co(n)s(uli) bis, p(atri) p(atriae) | collegium | aeneator(um).
92 CIL, VI, 10220 : D(is) M(anibus),| L(ucio) Aurelio Tycheniano, | L(ucius) Aurelius Stephanus pater | filio dulcissimo et pientissi|mo bene merenti feci(t) titulu(m) | [T]ychenianus dicit fatis ab|[r]eptus hic jaceo reliqui tri|[bu]m ingenuam frumentum | [publi]cum et aeneatorum | [--- quicun]que leget nolo |
[experiatur luc]tum sic | [ut pater expertus est] ; CIL, VI, 10221 : M(arcus) Baebius | Asclepiades Iustinus | qui uixit annis IIII, | mens(ibus) III, dieb(us) XIII, trib(u) | Offentinae, collegio ae|niatorum, frumento | publico. Superuixit Ius|tinus secundo, fratri suo dies n(umero) CIIII. | Asclepiades | Iustinia parentes.
93 Virlouvet 2009, 190-192 pour l’interprétation de l’expression “frumentum publicum et aeneatorum”, avec une valeur explicative accordée à la conjonction et, contre Mommsen.
94 Aucune des deux inscriptions ne fournit de critère de datation précis, mais elles ne peuvent avoir été réalisées avant la deuxième moitié du iie s. de notre ère, et pas avant le iiie s.
95 Sur les raisons de l’octroi du privilège frumentaire à ces deux individus, voir Virlouvet 2009, 190-192, qui écarte notamment l’hypothèse de la tribu ingénue que l’on aurait pu émettre pour l’inscription CIL, VI, 10220, ainsi que la possibilité d’une hérédité de l’inscription sur les listes de bénéficiaires.
96 Vendries 2007, 133-134 pour un bilan historiographique concernant les hypothèses de taille.
97 Virlouvet 2009, 196-201 pour le commentaire détaillé de l’inscription CIL, VI, 10221.
98 On trouve un rappel de ces privilèges dans Waltzing 1895-1900, 2, 393-397, ainsi que dans De Robertis 1981, 145-148.
99 On se contentera ici de quelques exemples : CIL, XIII, 1752-1754 (tibicines) ; CIL, XII, 3348 (symphoniacus) ; AE, 1915, 34, CIL, XIII, 860 et HEp., 6.120 (cornicines) ; CIL, XIII, 3339 (tubicen).
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