Ob sepulturam : associations et funérailles en Narbonnaise et dans les Trois Gaules sous le Haut-Empire
p. 103-133
Texte intégral
1L’une des manifestations les plus perceptibles de l’activité des collèges dans le monde romain à l’époque impériale est indéniablement leur rôle funéraire. Ainsi, pour la partie orientale de l’empire, O. van Nijf a estimé qu’à peu près un tiers de la production épigraphique relative au monde collégial relève de la sphère funéraire. Selon un mode de calcul légèrement différent, A. Ausbüttel a évalué qu’en Italie, une association sur cinq environ était impliquée dans les funérailles de ses membres1. Cette fonction pouvait être à l’origine de la création du collège, même si la documentation montre assez clairement qu’il est malaisé de circonscrire une catégorie spécifique de collegia funeraticia comme l’avait proposé Mommsen2. L’étude qu’on va lire ne portera donc pas seulement sur cette dernière, mais sur la totalité des attestations épigraphiques de l’activité funéraire de groupements collégiaux en Gaule romaine.
2Les relations des collèges avec la sphère funéraire prenaient trois formes principales : ils participaient aux funérailles de certains de leurs membres, en finançant la cérémonie mais aussi tout ou partie du monument ; lorsqu’ils possédaient un espace collectif de sépultures, ils pouvaient en céder un emplacement ; enfin, ils étaient également les bénéficiaires de dons ou de legs d’argent ou de biens immobiliers, dont le revenu devait financer le culte assuré par leurs soins. En partie à cause de la nature de la documentation, les observations qui vont suivre concerneront majoritairement les deux premiers aspects. Je m’intéresserai donc plus particulièrement à la place des associations dans les funérailles proprement dites et non dans le culte ou la commémoration des morts, qui pouvait résulter d’une fondation ou être inscrite dans les statuts régissant le collège. Ce rôle est bien connu à travers certaines lois épigraphiques italiennes, comme celle des cultores Dianae et Antinoi de Lanuuium ou celles de deux collèges, l’un de Rome voué au culte d’Esculape et d’Hygie, l’autre de Monteleone Sabino (Sabine), mais il demeure peu attesté en Gaules3.
3Par rapport aux deux ensembles régionaux précédemment cités, l’Aquitaine, la Lyonnaise, la Belgique et, dans une moindre mesure, la Narbonnaise s’avèrent relativement pauvres en attestations. Cette carence n’est pourtant pas un trait caractéristique de ces provinces, car, à quelques exceptions près, elle s’observe dans l’ensemble de la partie latinophone de l’Empire. L’un des objets de cette étude sera par conséquent de tenter de rendre compte des disparités régionales et de la diffusion modeste de ces usages dans l’aire géographique gauloise. De manière générale, on s’est peu intéressé à cet aspect du phénomène associatif en Gaule. Il faut citer les études d’ensemble sur les collèges, et en premier lieu celle de J.-P. Waltzing ou, plus récemment, celle de J. S. Perry, qui est dédiée à ce thème pour les provinces occidentales4. La seule synthèse véritablement centrée sur les provinces gauloises est toujours constituée par les quelques pages que J.-J. Hatt consacra aux “associations funéraires” dans sa thèse sur la tombe gallo-romaine5. Si le volume de la documentation ne s’est guère accru depuis lors6, plusieurs inscriptions généralement incluses dans les recensions ne vont pas sans poser problème. Elles conduisent inévitablement à s’interroger sur la définition de la notion de collège ou d’association et, tout au moins, sur la manière dont ces groupements se manifestent à travers l’épigraphie. Je commencerai donc par reprendre les témoignages épigraphiques afin de dégager les types d’associations qui ont joué un rôle funéraire dans les provinces gauloises, avant d’envisager les modalités concrètes de leur intervention. Je m’arrêterai enfin sur la question de la diffusion géographique et chronologique des inscriptions afin d’en dégager la portée pour mesurer l’ancrage de ces formes d’organisations proprement romaines dans la société de Narbonnaise et des Trois Gaules.
À la recherche des associations à fonction funéraire en Gaule romaine
4Pour analyser la présence des collèges à vocation funéraire en Gaule romaine, il pourrait sembler de bonne méthode de commencer par une recension systématique des témoignages. À y regarder de plus près toutefois, cette opération s’avère moins évidente qu’il n’y paraît de prime abord, et ce en dépit des listes établies par les auteurs qui se sont penchés sur la question. Deux obstacles incitent à porter un regard critique sur la documentation : le premier tient aux difficultés de lecture de certaines inscriptions ; le second se situe plutôt au niveau de l’interprétation, et soulève la question de savoir si tous les groupes qui agissaient collectivement à l’occasion de funérailles, par exemple pour ériger un monument funéraire, relevaient d’une structure et d’une organisation de type collégial. Nous examinerons successivement l’un et l’autre problèmes.
5Un premier ensemble d’inscriptions pose des problèmes dans l’interprétation même du formulaire épigraphique. Il arrive en effet qu’il soit difficile voire impossible de déterminer si un substantif renvoie à une association ou s’il qualifie le défunt lui-même. Ainsi, on a quelquefois pensé déceler l’existence d’un collège de musiciens sur une épitaphe de Nîmes où apparaît le syntagme symphoniaci sacr(orum)7. L’hypothèse n’est pas dénuée de fondement, même si l’unique parallèle est le fameux collège de musiciens de Rome qui reçut le ius cœundi sous le règne d’Auguste en raison de sa participation au culte public8. Néanmoins, le nom du défunt, M. Hortensius Primus, se trouve au génitif, et ce syntagme pourrait donc qualifier tout aussi bien l’activité du défunt. Certes, la très grande majorité des symphoniaci connus sont de statut servile9, mais on peut citer au moins une épitaphe de Thibilis, en Numidie, où le défunt, également symphoniacus, était citoyen romain10. Il ne me semble donc guère possible de trancher en l’état.
6Plusieurs cas de ce genre se rencontrent en Narbonnaise. L’un vient d’Arles, où le terme scænicus sur l’épitaphe d’un Primigenius recèle la même ambiguïté. La qualification scænicus ex factione Eudoxi pourrait inciter à y voir le qualificatif du défunt et donc à rendre peu probable l’interprétation comme collège, mais sans certitude11. Le second texte est une inscription de Rochemaure, non loin d’Alba-la-Romaine, dédiée à un L. Pinarius Optatus. La suite du formulaire offre deux possibilités de lecture, puisque l’on peut développer aussi bien cultor(i) que cultor(es) Larum Sex(ti) Antoni Mansueti et L(ucii) Valeri Rufini, comme cela a été souvent compris12. Quelle que soit la lecture retenue, remarquons qu’il est très rare de voir associés les Lares de deux personnes différentes qui, de plus, ne sont liées par aucune relation de parenté apparente13. À l’examen, il semble que la première hypothèse – un nom apposé à celui du défunt – est la moins satisfaisante. Outre que cette qualification n’est pas très fréquente, les cultores de Lares dans un contexte privé ou domestique sont généralement des membres de la familia, et plus particulièrement des esclaves ou des affranchis, ce qui n’est manifestement pas le cas ici14. Il faudrait alors expliquer le lien entre les dédicants et le défunt, mais le laconisme du texte ne le permet pas. En tout état de cause, il demeure malaisé de choisir entre l’une et l’autre solutions pour cette inscription, dont le formulaire ne permet pas par ailleurs de garantir la destination funéraire. Citons également une épitaphe de Nîmes, dans laquelle le nom du défunt complète la dédicace aux Mânes et qui est suivi d’un linteari (sic). Il est impossible de trancher entre un génitif et un nominatif pluriel15.
7De la même manière, l’indication pausari Isidis du texte d’une pierre tombale d’Arles où le nom du défunt est au génitif a donné lieu à des interprétations divergentes. Si O. Hirschfeld restait indécis, H. Dessau semble l’avoir compris comme une apposition, et plusieurs auteurs l’ont suivi16. Il est difficile de choisir : la gravure de l’épitaphe est maladroite et le lapicide semble avoir manqué de place pour la dernière ligne – à moins que le terme collegæ n’ait été ajouté après un oubli. On pourrait tout aussi bien comprendre : pausarii Isidis Arelatenses t(itulum) p(osuerunt) collegæ. Quoi qu’il en soit de la lettre du texte, il apparaît relativement assuré que le défunt était membre d’une association regroupant des participants au culte isiaque17.
8Dernière illustration des incertitudes induites par la syntaxe, l’inscription de Pessicinnius Sabinus à Nantes présente la même ambiguïté18. La formule nauta (sic) Ligirici qui termine l’inscription pourrait désigner les dédicants. Ce texte serait alors unique car, si les autres formes d’activités collégiales comme les dédicaces honorifiques ou religieuses sont attestées pour les nautes, aucun autre document ne vient illustrer le rôle funéraire de ce type d’association, que ce soit pour la dédicace d’une pierre tombale ou la possession d’une aire de sépulture commune. En conséquence, il semble plus raisonnable faire de nauta Ligirici un groupe nominal au génitif renvoyant à l’activité professionnelle du défunt, comme cela se trouve de manière très banale dans les épitaphes ou les inscriptions honorifiques.
9Les difficultés posées par le texte dépassent parfois la seule syntaxe. Connue par trois copies du xviie s., dont une de J.-R. de Solier et une autre de N. Fabri de Peiresc, une inscription de Fréjus a été retenue comme mentionnant un conligium ou conlignium Pietatis19. Cette lecture remonte à une hypothèse de A. Héron de Villefosse et H. Thédenat, à laquelle a fini par se rallier O. Hirschfeld, suivi par la majorité des éditeurs ou commentateurs successifs. On connaît de fait la forme collign(um) – ou collign(ium) – dans trois inscriptions de Vence et de Birrens (Bretagne)20. La forme avec le suffixe con- n’est pas attestée par ailleurs, mais elle n’est pas rare pour collegium. La forme de l’inscription de Fréjus serait donc un mélange entre les deux si l’on retient la lecture conlignium ; elle serait une variante de conlegium avec alternance vocalique si l’on suit la proposition de J. Gascou et M. Janon. On peut se demander cependant si cette lecture est la bonne. Le formulaire en est étrange : aucun défunt n’est explicitement mentionné, et les principaux éditeurs ont déduit que le destinataire était Iulia Restituta, maîtresse de Festina, la dédicante. Mais il faut reconnaître que la formulation serait compliquée et contournée, puisque le nom de la morte n’apparaîtrait que dans la dénomination de Festina. Dès lors, il serait peut-être plus judicieux de revenir à l’interprétation première de O. Hirschfeld, qui lisait coni꜒uᄀg(i) à la ligne 2. Piet- serait alors l’abréviation non pas de Piet(atis), mais de pie(n)t(issimo), superlatif qui est fréquent dans l’épigraphie funéraire de Narbonnaise et qui se trouve occasionnellement sous cette forme21. La formulation de l’épitaphe prendrait alors une tournure plus conventionnelle. Certes, le nom du mari n’apparaît pas, mais il n’est pas impossible de penser qu’il n’a pas pu être déchiffré : selon le dessin de N. Fabri de Peiresc, il y a la place pour une ligne sous la dédicace aux Mânes et, aux dires même de cet auteur, la pierre était usée et de lecture difficile. En tout état de cause, cette hypothèse ne semble pas moins recevable que celle traditionnellement admise, et cette inscription constitue donc un cas discutable.
10Les difficultés causées par l’interprétation sont également manifestes dans une inscription de Bordeaux qui a elle aussi souvent été versée au dossier des collèges funéraires dans les Gaules22. L’épitaphe s’ouvre sur la formule d(is) M(anibus) Galulircli et omnes anlecessi. Le premier terme est généralement considéré comme le nom du défunt, qui est par ailleurs inconnu et fut pour cette raison corrigé en Gal(lus) Vlerclus par C. Jullian – solution qui n’est guère plus satisfaisante23. Si cette hypothèse est juste, elle pose en retour la question de la signification du groupe coordonné par la conjonction et. C. Jullian avait suggéré une faute de gravure dans anlecessi et d’y reconnaître le participe antecessi, compris dans le sens de “tous ceux qui ont été précédés (dans la mort)”24. La dédicace s’adresserait non seulement à un individu défunt, mais aussi à un ensemble de survivants, marquant dans ce cas un lieu de sépulture collectif. Il faut alors supposer un solécisme qui obscurcit considérablement la formulation de l’épitaphe. Suivant cette lecture, les noms des survivants sont aussi ceux des dédicants. Comme pour le premier anthroponyme, Duetil, Tiblik, Eppimus et Soris sont inconnus par ailleurs, même s’il est possible de déceler dans certains d’entre eux des éléments de la langue celtique25. L’hypothèse de C. Jullian, qui voit dans ces noms des sobriquets forgés de toutes pièces, est ingénieuse. Elle s’accorde en outre avec l’interprétation qu’il donnait de la formule finale ‘omnibus co(m)potoribus bene’, qui est une acclamation ou un souhait de santé adressé à des compagnons de banquet. Ce genre de dénomination n’est pas inconnu pour des associations : on peut citer un collegium comestorum ou des comestores chez les Marses, ou encore des conuictores qui una epulo uesci solent à Fanum Fortunae26. Les repas en commun formaient comme on sait un élément central de la convivialité qui faisait l’attrait de ces associations. Le terme de compotores possède cependant une tonalité différente par rapport aux exemples précédents : il met l’accent uniquement sur la boisson, et non sur le banquet dans son ensemble. Celui-ci n’était pas seulement un moment de convivialité profane, mais revêtait également une dimension religieuse qui, si elle est largement implicite, n’en était pas moins bien réelle27. Dans la littérature, le mot est généralement teinté d’une nuance péjorative, dont la traduction la plus adéquate serait “compagnon de beuverie”28. L’inscription de Bordeaux serait la seule à l’employer dans un sens plus neutre, même si l’accent populaire transparaît également dans le bene, qui recoupe des expressions que l’on proférait au moment de porter un toast29. D’un certain point de vue, ces dernières lignes sentent plus la boutade épicurienne qu’elles ne révèlent l’existence d’une association religieuse, ou encore mystique comme cela a pu être écrit30. Peut-on réellement parler de collège dans ce cas ? Les points obscurs qui empêchent de donner une interprétation décisive de ce texte interdisent de se prononcer de manière définitive, et l’on ne saurait dire en outre s’il témoigne de la dédicace d’un monument funéraire par ce groupe, ou si ce dernier disposait également d’un lieu de sépulture collectif31.
11C’est précisément la même question qui se pose pour plusieurs inscriptions où le destinataire et les dédicants sont qualifiés de sodales sans plus de spécification. Il convient d’exclure d’emblée les textes où un dédicant unique érige le monument en tant que sodalis qui, la plupart du temps, a revêtu le sens de “compagnon”32. Les pluriels indéterminés sont plus ambigus. Si l’on suit une définition du juriste Gaius, on désignait par sodales ceux qui appartenaient à un même collège, unis entre eux par une pactio33. Il est plus dur de déterminer si l’emploi de ce terme recouvrait systématiquement la même réalité dans des inscriptions souvent laconiques ou s’il n’était pas aussi employé dans un sens plus lâche pour désigner des proches ou des amis réunis ponctuellement pour l’occasion de la dédicace. C’est le cas par exemple pour une inscription de Vienne, où un C. Gessius Miccio se vit offrir une stèle à portrait par des sodales non autrement caractérisés34. Le petit autel de Lectoure qui porte la dédicace aux Mânes de Luminatius Gregorius soulève la même interrogation, d’autant que le substantif sodales vient prendre place dans un hexamètre et que son choix aurait pu être justifié par des raisons métriques – encore qu’un argument de ce genre ne soit jamais décisif35. Il pourrait alors s’agir de compagnons du défunt ayant cherché à faire preuve de raffinement littéraire plus que de membres d’une association destinée à perdurer.
12Une inscription lyonnaise, malheureusement disparue et que les commentaires modernes ont rendue plus équivoque, mérite un examen détaillé36. La pierre tombale conservait le souvenir d’une Iulia Adepta qui reçut une sépulture des soins de son fils, L. Iulius Cupitus, et de sa fille, Perpetua, auxquels s’associèrent des sodales anonymes. Ceux-ci prirent en charge les frais du monument (de suo). Bien que perdue, cette inscription se laisse facilement dater parce que la défunte et sa fille apparaissent dans un second texte conservé également par une copie de J. Spon et où elles sont les dédicantes d’une épitaphe à la mémoire de leur époux et père, Nobilis, esclave de Tibère37. Celui-ci exerçait les fonctions d’æquator monetalis, sans doute dans l’atelier installé à Lyon dès 15 a.C.38 Le rapprochement entre les deux documents a quelquefois conduit à considérer que ces sodales étaient des compagnons de travail du mari défunt. On connaît de fait à Rome une familia monetalis (ou monetaria) qui regroupait très vraisemblablement une partie des esclaves et des affranchis impériaux employés dans les ateliers monétaires de la Ville39. J.-P. Waltzing avait supposé qu’elle était organisée en plusieurs groupes en fonction des différentes opérations qui entrent dans l’élaboration du monnayage40. En réalité, nous n’en savons rien, mais les deux dédicaces romaines, dont l’une au génie de la familia, la mettent sur le même plan que d’autres types d’associations et c’est sans grand risque qu’on peut lui supposer une dimension funéraire. Nous n’avons certes aucune preuve directe pour la familia monetalis de Rome, mais, par exemple, une inscription de Narbonne dont nous reparlerons atteste l’existence d’un champ de sépultures réservé aux tabellarii impériaux41. À Lyon aussi il est plausible d’envisager qu’une telle association se soit formée au sein des esclaves et des affranchis de l’atelier monétaire, à qui l’on pourrait donc assimiler les sodales de cette épitaphe. Pourtant, cette idée fut rejetée par T. Schiess et par J.-P. Waltzing pour deux raisons42. Si une telle hypothèse est recevable, ont-ils fait remarquer, on s’étonne alors de ne pas voir figurer ces sodales sur l’épitaphe de Nobilis lui-même. En un sens, cet argument n’est pas décisif, à moins de faire preuve d’esprit de système : tous les collèges ne participaient pas constamment et de la même façon aux funérailles de leurs membres, comme nous le redirons. En revanche – et c’est le second argument – la formulation de l’inscription semble bien impliquer qu’il s’agit de compagnons de la défunte. Or, rien n’indique que Iulia Adepta ait eu des liens avec l’atelier monétaire de Lyon. Il n’est absolument pas certain, malgré son gentilice, qu’elle ait été une affranchie impériale – ce que, pour cette époque, elle n’aurait sans doute pas manqué de préciser sur son épitaphe43. Par ailleurs, aucune femme ne semble avoir reçu de fonctions dans l’atelier monétaire de Rome et, du moins, aucun nom féminin n’apparaît sur l’album mis au jour Piazza San Clemente à Rome en compagnie de trois dédicaces religieuses vouées à l’époque de Trajan par les employés de l’atelier monétaire44. De manière générale, la place des femmes au sein de ces associations reste discutée, même si elles ne semblent pas en avoir été totalement exclues45. En conséquence, l’interprétation de cette inscription est incertaine, et l’identité de ces sodales demeure obscure.
13Quoique plus rare que sodales, la qualification de contubernales comporte la même ambiguïté. À Saint-Benoît dans l’Ain – donc sur le territoire traditionnellement attribué aux Ambarres –, un collectif désigné comme Catuonnenses érige vers la fin du iie s. p.C. un autel funéraire à un dénommé Cinges46. Ils se définissent comme contubernales eius, ses “compagnons”. Même si ce terme comporte en latin une très nette connotation militaire, la documentation épigraphique livre quelques exemples où contubernium est utilisé comme un synonyme de collegium : ainsi, un contubernium nautarum à Ettlingen (Germanie supérieure), un contubernium Veneris à Alifae (Samnium) ou encore un contubernium Martis cultorum à Augusta Vindelicum47. Il est donc plausible d’y voir plus qu’un regroupement de circonstance. Son mode de désignation ne renvoie cependant ni à un groupe professionnel, ni même à des cultores d’une divinité. Catuonnenses est manifestement d’origine celtique, et formé à partir d’un thème catu- signifiant “combat” ou “bataille” qui a produit plusieurs toponymes ou anthroponymes48. L’affixe -on(n), complété par une désinence empruntée au latin, pourrait être rapproché du celtique -onna, qui tient lieu quelquefois de suffixe hydronymique et, par extension, théonymique. On a cependant du mal à dégager une valeur sémantique satisfaisante pour ce mot. Nous pourrions néanmoins nous trouver face à une collectivité dénommée à partir d’une réalité topographique ou territoriale, mais qui ne rencontre aucun appui tangible dans la toponymie du Bugey méridional. L’assimiler à une “confrérie religieuse” relève donc de l’amalgame hâtif, tandis que cette épitaphe ne suffit pas à en faire un collège à seule vocation funéraire.
14Les textes examinés précédemment se révèlent donc d’une façon ou d’une autre problématiques et ne doivent probablement pas être tous versés au dossier des associations remplissant une fonction funéraire49. Ils soulèvent en outre une autre question, qui tient à la nature même des groupements considérés. Leurs modes de désignation s’avèrent en effet diversifiés, et l’on peut se demander si tous possédaient une organisation et une structure de type collégial. Il convient donc de s’arrêter un peu plus longuement sur leurs formes et leur catégorisation.
Des associations hétérogènes
15Les savants qui ont étudié le phénomène associatif ont depuis longtemps remarqué que les catégorisations dessinées par les modernes ne rencontraient pas de correspondance exacte dans la documentation50. La distinction entre collèges professionnels, religieux ou funéraires que l’on croise dans les ouvrages classiques est bien souvent inadaptée et occulte quelquefois une complexité plus grande. Cette taxinomie, comme l’a noté avec d’autres J.-M. Flambard, est en grande partie issue d’une approche qui privilégiait la dimension juridique, et plus précisément le contrôle du pouvoir romain sur les associations privées, potentiellement dangereuses pour l’ordre public. La typologie repose donc principalement sur des critères que le droit ou la jurisprudence ont considérés comme fondamentaux pour permettre l’autorisation de telle ou telle forme de collège. Bien que l’épigraphie se fasse l’écho de ces différents types d’associations, elle montre aussi les limites de ces classifications. C’est un fait bien établi en effet que toutes possédaient des dimensions religieuses, funéraires et conviviales, ainsi que, bien souvent, des dimensions professionnelles et territoriales, en sorte que toute étude sociale se doit de privilégier une approche fonctionnelle et pragmatique51. Toutefois, dans la mesure où je ne m’intéresse ici qu’à un seul de ces rôles, il est inévitable pour mieux mettre en évidence les contours de ce phénomène de revenir à une approche plus taxinomique, sans pour autant forcer le trait. Il s’agit en d’autres termes de préciser la nature des associations que nous voyons agir dans la sphère funéraire. Or, pour cela, le moyen le plus approprié reste de s’appuyer sur leur mode de désignation.
16Un premier ensemble est formé par les associations dont la dénomination renvoie à une activité professionnelle. En tête de ce groupe viennent les fabri : des fabri nauales sont les auteurs d’un poème épigraphique en l’honneur d’un Cæcilius Niger en Arles, tandis que les fabri tignuari de la même colonie dédient une épitaphe à un Pompeius Lucidus et ceux de Lyon possèdent peut-être une aire funéraire commune52. Un autre collegium de charpentiers est l’auteur d’une dédicace en l’honneur d’un de ses membres à Apt. Enfin, des fabri sont impliqués à Vienne dans un cadre sur lequel nous reviendrons plus bas, mais qui indique qu’ils jouèrent également un rôle funéraire53. Appartenant eux-aussi à un groupe que l’on a souvent regroupé sous l’appellation tria collegia, les centonaires apparaissent à Tresques, chez les Volques Arécomiques et à Beaucaire54. Dans ce dernier cas, désignés comme centonarii Vgernenses, ils étaient manifestement un collège local, tout comme celui de Tresques si l’on suit M. Christol55.
17À ces associations fameuses parce qu’elles se retrouvent dans de nombreuses régions de l’Empire viennent s’ajouter d’autres groupements dont la dénomination prend la forme d’un nominatif pluriel. On trouve ainsi des fabricants de tonneaux (cuparii) à Alba, chez les Helviens, qui sont qualifiés de Vocronnenses – cet adjectif renvoyant sans doute à une réalité topographique. Il en va de même pour les lapidarii Almaticenses, bien que, dans ce cas, le lien avec la cité d’Arles d’où provient l’épitaphe ne soit pas clair. Des tailleurs de pierre apparaissent également à Vaison comme dédicants d’une épitaphe56. Certains termes restent quelquefois mystérieux. En Arles, le Rhône a livré un autel funéraire dont l’inscription mentionne des partiarii. M. Heijmans a proposé d’interpréter ce nom comme renvoyant au débarquement et à la redistribution des marchandises pour les faire passer des navires de mer sur les bateaux fluviaux57. Cette acception du terme partiarius, signifiant “celui partage, qui distribue” ou “qui a une partie, qui participe à”, n’est cependant attestée nulle part ailleurs, et elle n’est pas plus satisfaisante que la seconde proposée, qui en fait des individus partageant le fruit de leur travail58. Tout dernièrement, M. Christol est revenu sur cette interprétation, et, plutôt qu’une désignation d’ordre professionnel, a proposé de comprendre qu’il s’agissait d’une association partageant un lieu de sépulture collectif. Cette hypothèse est en effet plus proche de la signification du terme, mais la dénomination demeure ainsi relativement obscure, même si le contexte où se trouvait la pierre tombale pouvait la rendre plus explicite59. En revanche, les manupretiarii burarii d’une inscription de lecture difficile de Saintes ont bien été éclairés par le commentaire qu’en a livré jadis O. Hirschfeld. Bien qu’il soit un hapax, le terme manupretiarius doit être un synonyme d’operarius tandis que l’adjectif burarius, qui n’est pas attesté non plus, dérive probablement du burrus ou birrus, qui était une sorte de pèlerine en laine à capuche et sans manches60.
18De ces associations à base professionnelle, on peut rapprocher enfin les scænici Asiaticiani de Vienne, troupe de théâtre qui appartenait au fameux consul D. Valerius Asiaticus originaire de Vienne61, ainsi que les esclaves et affranchis impériaux regroupés en un collegium de tabellari à Narbonne62. Dans ces deux derniers cas, on observera cependant que le lien entre les membres n’est pas uniquement professionnel, puisqu’il repose également sur un rapport de dépendance que tous entretiennent avec une même personne, que ce soit le propriétaire de la troupe ou l’empereur lui-même. Par ailleurs, en dépit d’un recrutement qui regroupait des individus partageant la même activité, le collège de Narbonne est explicitement qualifié de salutare, et donc défini comme une structure d’entraide ou de secours mutuel63.
19Trois épitaphes d’Aix-les-Bains, sur le territoire de la colonie de Vienne, font mention de possessores qui, par deux fois associés à un proche du défunt, sont dédicants du monument64. La nature et le statut de cette collectivité, manifestement formée de propriétaires fonciers de la région65, ont fait l’objet de discussions. Leur nom, mutilé, se retrouve sur une quatrième inscription qui commémore le don d’un bois sacré et d’une vigne aux uicani Aquenses et qui fut dédiée par Zmertuccius Titianus, leur patron66. Enfin, selon une restitution de O. Hirschfeld dans un cinquième texte, ces possessores auraient été les bénéficiaires, avec les uicani, du don d’un atelier de céramique de la part de decemlecti et de patroni67. D’autres possessores uici sont connus à Milan, en Numidie et en Pannonie inférieure68, mais leur place au sein du uicus d’Aix n’est pas totalement claire. La question est rendue plus obscure encore par l’identification des decemlecti. Dans la mesure où ils sont nommés à côté des patrons dans la dernière inscription citée, il paraît plausible de leur conférer un rôle au sein du uicus et certains savants les ont assimilés à des magistrats ou à un conseil placé à sa tête69. Mais la restitution de la première ligne de l’inscription dédiée par Zmertuccius Titianus qui fut proposée par P. Wuilleumier et qui a été unanimement adoptée par la suite associe plus étroitement ces decemlecti aux possessores, et les assimile à des représentants de ces derniers70. Si séduisante qu’elle puisse paraître, cette hypothèse complexifie les données du problème. Certains commentateurs ont considéré que les magistrats du uicus étaient recrutés uniquement parmi ces propriétaires, mais rien ne dit qu’il ait existé un lien officiel et institutionnel de ce genre71. Ce problème, passablement insoluble, est finalement secondaire pour nous, mais il laisse une part d’ombre sur le degré de reconnaissance locale de ce groupement : si l’on accepte la restitution de O. Hirschfeld dans la dédicace de l’autel par les decemlecti et les patroni, il faut en déduire que ces possessores jouissaient d’une forme de reconnaissance officielle puisqu’ils apparaissent aux côtés des uicani auxquels ils ne s’identifiaient pas72. Cela tendrait par ailleurs à faire d’eux une association qui dépasse le regroupement de circonstance. Nous connaissons certes des cas où le terme possessores désigne un groupe de quelques propriétaires qui agissent en commun ponctuellement : ainsi, à Rome, pour ériger une chapelle et un autel à Jupiter, à Silvain et à d’autres divinités topiques73. Dans le cas du dossier aixois, un élément au moins paraît aller dans le sens d’une structure de type collégial : ainsi, l’épitaphe de Titia Dorcas est dédiée publice, par les possessores74. Cet adverbe, qui a quelquefois été mal interprété75, n’est pas en tant que tel l’indice du statut officiel de cette association au sein du uicus ou de la colonie : il sanctionne un geste accompli par la collectivité dont il laisse entrevoir en creux l’organisation76. Il est donc très possible que ces propriétaires aient été regroupés sous la forme d’une association privée qui, de ce fait, finançait aussi les funérailles de certains de ses membres. Remarquons cependant que deux des bénéficiaires de cet hommage étaient des femmes, qui étaient vraisemblablement des affranchies. Ce constat pose la question de leur appartenance à ce groupe et, le cas échéant, du milieu de recrutement. Nous y reviendrons.
20Avec les possessores d’Aix-les-Bains, nous nous trouvons face à un cas particulier et limite qui se rencontre aussi à Calvisson, où des uicini Arundinici sont également auteurs d’une épitaphe en l’honneur d’un T. Iulius Auitus.77 Dérivé de uicus, uicini est parfois un équivalent de uicani78. Il est difficile de savoir si, dans ce texte, les dédicants étaient liés entre eux par une simple relation de voisinage ou par un lien plus institutionnel. M. Tarpin a montré que les uicani ne regroupaient sans doute pas la totalité des habitants d’un uicus. La documentation épigraphique suggère en revanche qu’ils possédaient sinon une organisation, du moins des activités et un mode de fonctionnement souvent semblables à ceux des collèges79. Toutefois, on peut se demander si, dans ce genre de contexte, ce rapprochement doit être poussé jusqu’à l’amalgame entre les deux types d’associations80. Cette question se pose également pour une seconde épitaphe, découverte à Bordères-Louron (Hautes-Pyrénées), sur l’ancien territoire des Convènes81. Gravée sur un type monumental de style local – une “auge cinéraire” –, les différents éditeurs y ont lu la mention de uicini Spariani, corrigée par d’autres en conuicani ou co(m)pagani82. L’état de l’inscription me semble trop désespéré pour proposer une interprétation certaine de ce texte, qui pourrait cependant avoir présenté un cas de figure comparable à celui de Calvisson.
21Les associations qui sont explicitement définies comme collèges de cultores sont moins représentées dans la documentation de Gaule romaine que celles à fondement professionnel. Si l’existence d’un collegium Pietatis à Fréjus est sujette à caution, on n’en recense que deux pour l’ensemble des provinces. Les dendrophores d’Aix formait, comme ailleurs dans le monde romain, une association dont l’activité principale était la participation au culte civique de la Magna Mater83. En Arles, les pausarii d’Isis sont également les auteurs d’une épitaphe pour l’un de leurs “collègues”. On les considère traditionnellement comme des desservants du culte isiaque qui accomplissaient les stations rituelles (pausae) au cours des processions84.
22Le dernier groupement à rôle funéraire qu’il nous faut signaler est celui des iuuenes a fano Iouis à Agen85. Malgré plusieurs travaux sur le sujet, la nature exacte des associations de jeunesse en Italie et dans l’Occident romain reste obscure sur bien des points86. Leur place dans l’apprentissage de la vie civique pour les fils des notables est possible, mais les indices qui vont en ce sens sont très indirects et en définitive peu probants. Quelle que fût leur fonction originelle, et malgré la particularité d’un recrutement reposant sur le critère de l’âge, les témoignages que nous possédons ne les distinguent pas fondamentalement d’autres types de structures collégiales. Néanmoins, la qualification des iuuenes d’Aginum est atypique. Elle pourrait renvoyer à la divinité sous le patronage de laquelle ces jeunes gens avaient placé leur association87. Mais il est plus probable de considérer ici a fano Iouis comme une spécification topographique, comparable à celle de quelques épitaphes d’artisans ou de commerçants de Rome qui indiquaient ainsi leur lieu d’exercice88. Pareil mode de désignation est peu commun pour des collèges, mais on peut cependant signaler des sodales ærarii a puluinari à Rome89. Un parallèle intéressant est constitué par les collèges qui se disent subædiani et sont dénommés ainsi non pas parce qu’ils étaient ouvriers du bâtiment comme le pensait J.-P. Waltzing, mais en raison de la localisation de leur siège ou de leur lieu de réunion, à proximité d’un temple ou d’un sanctuaire90.
23Les associations impliquées dans la sphère funéraire se révèlent donc de natures très diverses91. La grande majorité d’entre elles étaient organisées sur des bases professionnelles, plus rarement territoriale ou cultuelle. Par ailleurs, leur importance était probablement très variable. Peu d’entre elles sont désignées explicitement comme collegium ou corpus : ainsi, les centonaires de Tresques ou les fabri de Lyon92. Pour la plupart, la dénomination utilise un nominatif pluriel. Cette différence, comme l’a rappelé récemment M. Christol après d’autres, ne doit pas conduire à leur dénier toute forme d’organisation collégiale et à n’en faire que des regroupements de circonstance93. Les témoignages réunis émanent surtout d’associations dont le rayonnement ne devait pas aller bien au-delà du cercle local. Doit-on pour autant considérer que ces collectivités étaient de simples collèges funéraires ? Formulée de la sorte, la question est probablement mal posée. Il serait erroné de les réduire à la seule dimension que l’épigraphie nous laisse percevoir. La comparaison avec des associations plus importantes, comme celles de naviculaires d’Arles ou des nautes de Lyon, n’a pas non plus grand sens dans cette perspective. Il n’est pas inintéressant néanmoins de relever que celles-ci n’apparaissent pas dans la documentation ici réunie. Ce constat vient rejoindre celui de la grande hétérogénéité du tissu du monde associatif de l’empire94. J’aurai à revenir plus bas sur la place du motif funéraire dans la constitution de ces associations, par ailleurs définies sur d’autres bases (professionnelles, cultuelles ou territoriales). Au préalable, il convient de s’attarder un peu sur ce que les inscriptions nous apprennent du mode d’intervention de ces collectivités dans les funérailles. En dépit de leur caractère laconique, il me semble en effet que c’est là un moyen probant pour apprécier les formes d’organisation qu’elles ont prises, sans pour autant faire preuve d’esprit de système ou chercher à combler les vides de notre documentation.
Les formes d’intervention des associations dans la sphère funéraire
24Commençons par les terrains destinés à des sépultures collectives. La Narbonnaise et les Trois Gaules en ont livré quatre témoignages. Le premier est l’aire funéraire des tabellarii de la familia Cæsaris de Narbonne. Son étendue était considérable, puisque l’inscription, qui devait être l’une des bornes de délimitation, indique qu’elle couvrait une superficie de 325 pieds sur 305 pieds, soit près d’un hectare (8336 m2 environ)95. À titre de comparaison, l’aire funéraire de cultores Herculis Victoris à Aquinum mesurait 120 x 55 pieds (env. 580 m2) ; celle de cultores Fortis Fortunae, à Aquilée, 114 x 110 pieds (env. 1100 m2) ; celle de uestiarii, toujours à Aquilée, 50 x 64 pieds ( env. 280 m2) ; celle des dendrophores de Pola, 42 x 60 pieds (env. 200 m2)96. On sait que Trimalcion se réservait un emplacement de 100 x 200 pieds (env. 1750 m2)97. Que ce soit pour des enclos collectifs ou familiaux, la plupart des points de comparaison sont italiens, mais aucun n’atteint l’étendue de l’aire funéraire des tabellarii impériaux de Narbonne98. Plusieurs facteurs, dont la taille de la familia ou la disponibilité des terrains et leur coût, entraient évidemment en ligne de compte pour déterminer la taille de ce genre d’enclos, mais ces dimensions suggèrent malgré tout, sinon l’importance numérique des membres de ce collège, au moins ses prétentions sociales. Inversement, on ignore tout du terrain qui était réservé aux sépultures des scænici Asiaticiani de Vienne.
25Le troisième témoignage est celui de la plaque des iuuenes a fano Iouis d’Aginum. Cette inscription est à ce jour la seule de ce genre dans l’ensemble de la documentation sur les associations de jeunesse. Généralement, leur rôle dans la sphère funéraire se limite en effet à la participation à la dédicace d’un monument99 et à l’activité cultuelle de commémoration, pour laquelle elles furent bénéficiaires de fondations. De fait, il est surprenant qu’une collectivité dont la base de recrutement reposait sur un âge relativement bas ait possédé un espace funéraire en propre. En dépit de la faiblesse de l’espérance de vie, ce constat pose la question de la composition de ces associations ainsi que des motifs qui pouvaient pousser des jeunes gens à acquérir pour eux-mêmes et, comme c’est le cas à Agen, pour leur famille un lieu de sépulture collectif.
26Une dernière inscription, provenant de Lyon et très lacunaire, est d’ordinaire considérée comme faisant référence à un lieu de sépulture collégial100. Elle est gravée sur un bloc opisthographe. La première face comporte une dédicace au génie du collège des charpentiers et des stucateurs, tandis que la seconde conserve les traces d’un texte mutilé en relation avec un locus sepulturæ (voir fig. 1a et b). Depuis A. Allmer, on considère que le texte commémore la donation d’un terrain par un Claudius, souvent identifié à un Claudius Myron à la suite d’une proposition de Th. Mommsen101. Un examen plus détaillé montre que cette hypothèse est moins évidente qu’il n’y paraît.
27La face A semble à l’abord poser moins de problèmes d’interprétation. Le texte implique le corpus des charpentiers de Lyon, connu par une grosse demi-douzaine de documents et qualifié de “très resplendissant”, épithète qui se rencontre à Lyon également pour le corpus des nautes du Rhône et de la Saône et pour celui des négociants transalpins et cisalpins. Les artisans stucateurs (artifices tectores) ne sont pas mentionnés par ailleurs. Du point de vue professionnel, un regroupement entre charpentiers et stucateurs est justifié – la conjonction itemque qui se restitue aisément en début de deuxième ligne indique que nous avons affaire à deux organisations distinctes. On peut néanmoins se demander ce qui est mis en facteur commun par cette coordination : le terme corpus, ou celui de genius ? N. Blanc penche pour la première solution. Pourtant, l’existence d’un génie unique pour deux entités distinctes paraît difficile sur le plan religieux, et, si nous avions affaire à un seul et unique corpus, on se demande alors pourquoi les stucateurs n’apparaissent pas conjointement avec les fabri dans les autres documents épigraphiques lyonnais102. L’auteur de la dédicace est un Claudius Myron, qui était peut-être associé à un second individu dont le nom n’est pas conservé. Ce geste fut accompli en l’honneur de la mémoire d’un autre Claudius dont le surnom a disparu, mais qui pourrait avoir été un parent des dédicants. Par ailleurs, l’association de la memoria au genius rappelle l’usage d’ériger des dédicaces à des divinités en l’honneur de défunts, qui est particulièrement bien attestée en Italie du Nord et, dans une moindre mesure, dans les provinces danubiennes, en Gaule ou en Espagne. Le formulaire comporte en général le nom de la divinité au datif, suivi de celui du défunt précédé de la formule ob ou in memoriam. Ces inscriptions ne sont pas des épitaphes, et encore moins l’indice d’une consecratio in formam deorum qui assimilerait le mort au dieu honoré. Bien que le formulaire du bloc lyonnais diverge de celui qui est communément usité, on pourrait envisager de le rapprocher de cet ensemble. On connaît au moins un parallèle à Alba Pompeia (Ligurie), où la dédicace est adressée au génie du collège des centonaires de la cité. Mais le rapprochement ne va pas sans poser de problème, car ce genre de texte est gravé généralement sur des autels ou des bases de statues, ce qui ne concorde guère avec la forme du bloc lyonnais. Ces monuments se trouvaient en outre exposés dans des sanctuaires ou dans l’enceinte des scholæ des collèges, mais jamais dans un contexte immédiatement funéraire, que l’on suppose traditionnellement avoir été celui de l’inscription des charpentiers et stucateurs de Lyon103.
28Quant à la face B, elle paraît contenir des clauses ayant trait à la réglementation d’un espace funéraire. À l’exception de Th. Mommsen, personne ne s’est intéressé à sa teneur et tous les commentateurs se sont contentés de s’y référer de manière générale ou allusive. Or, les lacunes de la partie gauche, incomplète, en rendent la restitution difficile. Dans une note du CIL, Mommsen en proposait les restitutions suivantes qui, à ses yeux, étaient indicatives mais rendaient la teneur originelle du texte :
[sic inferatur] corpus cuiusquam praeter sepulturae gratia | [eorum qui custodia]m habent quique exceperunt aditum et habitatio|[nem et si qui qu]em locum sepulturae cuius rei gratia | [Myronis testamen]|to consecuti sunt.
29Si l’on suit cette proposition, nous aurions affaire à une clause concernant d’une part la sépulture d’individus chargés de la garde et de l’entretien d’un tombeau et qui, pour ce faire, y possédaient un droit d’accès et d’habiter dans sa proximité immédiate ; d’autre part, de ceux qui y auraient obtenu un emplacement, peut-être en vertu d’une décision testamentaire. Les réserves émises par Mommsen semblent en partie justifiées. La syntaxe s’avère relativement difficile. De plus, en raison de la disposition du texte et de la forme de la cassure, une partie des compléments ne convient pas vraiment à la place disponible – mais Mommsen en était conscient. Sans vouloir proposer une restitution du texte, largement illusoire, je me contenterai de quelques observations supplémentaires.
30C’est probablement la première ligne qui est la plus délicate d’interprétation. En dépit du contenu de la face A, corpus doit être compris dans une tout autre signification, celle de “cadavre”, comme l’avait vu Mommsen. L’indéfini cuiusquam fait difficulté, car on l’attendrait plutôt dans une proposition à sens négatif ou hypothétique : une formule comme neque inferatur, si l’on retient l’hypothèse du CIL, paraîtrait plus adaptée104. Quant à præter, on ne peut guère lui donner d’autre valeur que celle d’adverbe, équivalent à præterquam ou nisi105. La seconde ligne indique que les bénéficiaires possédaient en outre un droit d’accès. L’habitatio est plus délicate : le terme peut désigner – rarement il est vrai – le lieu d’habitation ou le droit d’habiter un lieu. Les quelques parallèles épigraphiques en contexte funéraire suggéreraient plutôt le sens concret. Il était interdit d’utiliser les tombeaux comme habitation, et il faudrait alors songer à une cabane annexée au monument, par exemple pour abriter un gardien chargé de son entretien et de sa surveillance106. La troisième ligne fait aussi difficulté, en partie le cuius qui est probablement une forme syncopée de l’indéfini et suppose donc une proposition hypothétique. Enfin, à la dernière ligne, il est plausible de compléter la lacune finale en testamento, même si l’expression testamento consequi est sans parallèle épigraphique107. L’identité du testateur demeure par contre incertaine108.
31Lacunes et problèmes de restitution incitent à manier ces deux textes avec une certaine prudence. Les dispositions de la face B évoquent celles qui visaient généralement à préserver l’affectation de monuments individuels ou familiaux109. Le texte mentionne effectivement un lieu de sépulture collectif, dont les bénéficiaires avaient été désignés par testament. C’est la dédicace de la face A qui laisse penser que ces derniers étaient les fabri et les tectores. Il faudrait alors imaginer que ce bloc prenait place dans une construction – peut-être une chapelle dédiée au génie – jouxtant le terrain ainsi cédé.
32La seconde relation de ces associations avec la sphère funéraire était la participation aux funérailles. Les inscriptions mettent en général l’accent sur la dédicace du monument par des formules comme posuerunt, ou plus elliptiques encore. Nous savons cependant que les collèges apportaient généralement une contribution financière pour les obsèques de l’un des leurs et que les membres assistaient à la cérémonie rituelle à laquelle elles donnaient lieu110. Dans le détail, les situations ont dû être diverses, mais deux formes d’organisation se dégagent de notre documentation. Le premier cas de figure est illustré par la lex des cultores Dianæ et Antinoi de Lanuuium. Au moment du décès d’un collegiatus qui était à jour de ses cotisations mensuelles, on versait une somme d’argent qui servait à couvrir tout ou partie des funérailles111. Le terme de funeraticium, qui signifie précisément “somme affectée aux funérailles”, apparaît dans quelques rares autres inscriptions, dont celle de Pompeius Lucidus en Arles ou, peut-être, dans celle de T. Craxxius Seuerinus à Tresques112. Il fut si étroitement lié au contexte collégial qu’il en est venu, par glissement métonymique, à désigner la cotisation elle-même. Pourtant, ce n’est pas son unique contexte d’emploi : on peut dès lors se demander si la seule formule “de funeraticio” d’une inscription de Calvisson suffit à appuyer l’hypothèse que le défunt, M. Quietus Seuerinus, appartenait à un collège113. En revanche, la formule ex funere de l’épitaphe de Sextus Iulius Valentinus en est manifestement un synonyme114. Certains textes semblent laisser entendre en revanche que le décès d’un collegiatus donnait lieu à une collecte spéciale même si, une fois encore, la documentation est particulièrement peu explicite à ce sujet115.
33Si laconiques que soient nos inscriptions, elles n’en demeurent pas moins des témoignages précieux. En effet, la participation du collège aux funérailles ou au financement du monument reposait généralement sur un engagement de type contractuel, dont les principes étaient énoncés dans les statuts de l’association. Une inscription de Vienne, malheureusement fragmentaire, laisse entrevoir le fonctionnement de ces mécanismes116. Elle signale qu’un autel – celui-là même où fut gravé le texte – fut dédié par deux magistri d’un collège de fabri. Le bénéficiaire a été rendu anonyme par la mutilation de la pierre, mais les dédicants se définissent comme ses amis. Le monument, qui prenait place sur le lieu de son décès, fut érigé en réparation d’un préjudice qui lui fut causé pour ses funérailles. La formulation est très imprécise, mais on pourrait supposer, comme le faisait J.‑P. Waltzing, que funus est peut-être ici un synonyme de funeraticium et que les fabri auraient donc manqué d’engager la somme qui lui était due pour ses obsèques117. Les statuts de collèges laissent cependant entrevoir d’autres situations qui pouvaient engendrer des abus ou des négligences. Celles‑ci étaient sanctionnées par des amendes versées à la caisse du collège, mais qui pouvaient aussi servir à réparer les torts causés au défunt. Dans le cas de l’inscription de Vienne, il faut souligner en outre que la décision fit l’objet d’une délibération et d’un décret des magistri.
34La participation aux funérailles se faisait-elle systématiquement en vertu de ce principe contractuel ? Ou, formulé autrement, y avait-il des cas où la décision de financer les obsèques ou le monument découlait non pas des statuts de l’association, mais d’une décision spécifique, avec une portée honorifique manifeste ? À dire vrai, il est bien difficile de trancher à partir des formules elliptiques ou stéréotypées de l’épigraphie. Une expression comme de suo, qui apparaît à Apt sur la dédicace faite à Cornelius Felix par les fabri est ambiguë118. Indiquant que le collège a agi sur ses propres deniers, elle semble suggérer une action ponctuelle et spontanée, hors des cadres ou des engagements contenus dans sa propre loi. Mais il ne faut probablement pas pousser trop loin l’interprétation de ces formulations, d’autant que, sans les contributions des membres, les finances d’une association se réduisaient à presque rien.
35Plus intéressante me semble l’une des inscriptions des possessores d’Aix-les-Bains119. Comme nous l’avons déjà vu, l’épitaphe de Titia Dorcas est en effet dédiée publice. La formulation possède une évidente connotation financière, tout en inscrivant le groupement dans la sphère publique par référence aux modes de délibération et de décision des cités120. De manière significative cependant, cet adverbe est très majoritairement employé par les associations dans un contexte honorifique, et non pour des dédicaces funéraires121. Ce constat me semble un indice sûr pour considérer que l’épitaphe dressée par les possessores d’Aix-les-Bains était ici honorifique. Deux raisons peuvent expliquer ce geste : soit Titia Dorcas n’appartenait pas au groupement, mais était parente de l’un des membres ; soit elle était une bienfaitrice que le collège avait choisi d’honorer après sa mort. Ces deux hypothèses ne sont pas exclusives. La gens des Titii semble avoir été particulièrement riche et influente dans la région, et ce n’est peut-être pas un hasard si les trois bénéficiaires d’une sépulture de la part des possessores lui appartenaient122. La dimension honorifique apparaît encore plus clairement dans la dédicace de l’épitaphe des centonaires d’Vgernum à Moccia Siluina, qui est faite ob merita. Comme l’a supposé M. Christol, cette femme était peut-être l’épouse d’un des leurs ou d’un patron de l’association123.
36La dimension honorifique et pour ainsi dire gratuite n’était donc pas absente de certaines dédicaces accomplies par les collèges mais, autant que nous puissions en juger, elle semble en définitive plutôt rare par rapport aux devoirs qui découlaient des engagements mutuels sanctionnés par la lex collegi. Si la volonté d’honorer un défunt est évidente lorsque celui-ci ne faisait pas partie du collège, cet aspect est beaucoup plus diffus lorsque nous avons affaire à un membre de l’association. Même si notre documentation est laconique et peu fournie, je ne suis pas certain que l’on puisse faire l’hypothèse que seules les élites de ces collèges nous sont connues par l’épigraphie ; de même, rien ne permet d’affirmer que ceux-ci auraient, pour leurs obsèques et leur pierre tombale, reçu un peu plus que le montant alloué comme funeraticium aux membres ordinaires en vertu de la convention qu’ils avaient passée entre eux124.
37La plupart du temps, les témoignages que nous possédons montrent le collège agissait seul pour la dédicace du monument125. Il arrive cependant qu’il opère en relation avec un autre individu, qui est généralement un proche du défunt. Ainsi, l’épitaphe de C. Licinius Marcus, à Aix-en-Provence, fut dédiée par les dendrophores et par son épouse, Licinia Veneria. Il en fut de même à Aix-les-Bains, où D. Titius Domitinus reçut une stèle des possessores et de son fils, D. Titius Domitius. Dans certains cas, la formulation est plus ambiguë et les modalités d’action incertaines. Toujours à Aix-les Bains, les mêmes possessores se chargèrent de l’érection du monument de Titia Chelido, mais c’est son époux, C. Iulius Marcellinus, qui s’occupa matériellement de sa réalisation (curante). Même si le texte ne dit rien à ce sujet, il n’est pas impossible que celui-ci fût membre de l’association. Les mêmes observations sont valables pour le Catullus des contubernales Catuonnnenses qui, cette fois, n’affiche aucun lien avec le mort.
38Or, une fois encore, les règlements collégiaux conservés nous laissent entrevoir un peu plus précisément les pratiques qui sous-tendent ces dédicaces. La lex familiæ Siluani et, plus encore, la lex collegi de Lanuuium mettent en évidence la place prise par les dispositions testamentaires et par les modalités de succession dans l’organisation des funérailles, qui furent naturellement prises en compte par les fondateurs de ces associations. Cette considération tient avant tout au désir de prévenir ou d’éviter tout litige au moment de la disparition d’un collègue. En matière d’obsèques, le droit romain impérial privilégiait généralement les volontés du défunt. La charge des funérailles revenait prioritairement à celui qu’il avait désigné, naturellement par testament. En l’absence de personne expressément nommée pour cette tâche, celle-ci revenait à l’héritier institué, puis aux héritiers légitimes, aux cognats, et ainsi de suite selon l’ordre de la succession126. La loi de Lanuuium indique clairement qu’en l’absence de testament, la somme était évidemment due au défunt, mais son utilisation était laissée à l’appréciation des magistrats et du peuple du collège127. Les usages épigraphiques ne retranscrivent jamais directement les relations juridiques. En outre, ces règles valent avant tout dans le cadre du droit romain et donc pour des individus pourvus de la citoyenneté romaine, même si certaines associations ont pu étendre ces principes aux membres qui ne possédaient pas ce statut, en particulier aux esclaves128. On peut cependant en déduire que, lorsque le collège agit seul, c’est soit que le défunt était mort intestat, comme l’avait déjà suggéré J.-P. Waltzing, soit que le collège avait été explicitement désigné pour accomplir les funérailles et ériger le monument. Inversement, il se pourrait bien que, assez fréquemment, et en l’absence de recommandation du défunt, le collège ait laissé le soin des obsèques aux proches ou aux individus légalement chargés de les accomplir, en se contentant de leur verser la somme129. Dans ce cas, l’inscription pouvait attester leur participation conjointe, mais aussi la passer sous silence. On pourrait ainsi expliquer un peu mieux la relative rareté des mentions d’intervention des collèges dans la sphère funéraire en Gaule. C’est cet aspect qu’il nous faut examiner pour finir.
Les associations dans la sphère funéraire en Gaule : une diffusion limitée ou une réalité difficilement saisissable ?
39Les pages qui précèdent ont révélé des associations aux contours divers et des modes d’intervention disparates, sans rien de très original. L’épigraphie est souvent trop silencieuse pour apprécier pleinement leur fonctionnement, mais des rapprochements avec d’autres documents, en particulier italiens, laissent apercevoir des modes d’organisation et de structuration qui, quelle qu’ait été la dénomination du collège, suggèrent des regroupements théoriquement pérennes et non circonstanciels. Il est cependant un constat évident : la très inégale répartition des attestations dans l’aire géographique considérée par cette étude. En effet, même si on inclut les cas problématiques ou discutables, nous ne possédons pour l’heure qu’un peu plus d’une trentaine de témoignages. La très grande majorité d’entre eux provient de la Narbonnaise et, plus précisément, de la vallée du Rhône. En revanche, la Lyonnaise a livré des attestations de cet usage seulement pour Lyon et sa région. Enfin, aucune inscription ne provient de la province de Belgique. On ne peut donc manquer de s’interroger sur les causes de la disparité géographique des attestations de l’activité funéraire des collèges en Gaule.
40Deux observations préalables doivent être faites. Ce tableau n’est pas propre à la Gaule romaine et se retrouverait ailleurs dans les provinces occidentales : il n’y a donc pas véritablement de spécificité régionale de ce point de vue-là130. En second lieu, la répartition observée ne fait pas entièrement justice de la diffusion des associations dans les Gaules : celles-ci sont en effet attestées dans des zones que nous n’avons pas rencontrées. Pourtant, elle ne déforme pas fondamentalement cette image. Assez logiquement, les zones où nous avons recensé le plus d’inscriptions – ou, tout simplement, des inscriptions – sont celles où sont connus le plus de collèges131. Par ailleurs, du point de vue chronologique, et autant que nous puissions dater les épitaphes, la très grande majorité d’entre elles est assignable au iie s. p.C. ou au début du iiie s. p.C. Rares sont les textes que l’on peut situer au ier s. Une exception notable est constituée par le bloc signalant l’aire funéraire des tabellarii de la familia Cæsaris de Narbonne, qui pourrait être relativement ancien. On peut y ajouter l’autel des scænici Asiaticiani de Vienne, ainsi que la dédicace des opifices lapidari de Vaison132. Cette tendance n’a toutefois rien de remarquable : elle correspond à la fois à l’évolution de la pratique épigraphique en Gaule et à celle de la diffusion du phénomène associatif dans l’Occident romain – les deux étant évidemment corrélées, puisque notre perception de la seconde dépend avant toute chose de la première.
41L’explication de ce phénomène ne passe sans doute pas directement par le recours à la législation impériale en matière collégiale. Beaucoup d’études traditionnelles estiment que celle-ci fut à l’origine coercitive et restrictive, dans la mesure où les groupements pouvaient s’avérer des fauteurs de trouble à l’ordre public133. Des recherches anciennes et d’autres plus récentes ont cependant proposé une vision plus complexe et plus nuancée du droit associatif et des modes d’autorisation ou de contrôle sur les collèges dans l’empire. Il n’est évidemment pas question d’y revenir ici, mais on signalera que les règles n’ont sans doute jamais été figées ni même rigides134. D’autre part, il est établi depuis Th. Mommsen que les collèges de tenuiores dont parle Marcien ont reçu une dérogation qui rendait leur constitution plus aisée. Bien que cette question ait été très longuement discutée, il semble désormais possible, grâce à un document d’Ostie, de placer le tournant dans le courant du règne d’Hadrien135. On ignore la portée de cette mesure et si sa validité s’étendit dès l’abord à l’ensemble de l’empire – ce qui est du reste probable. Notons que la chronologie de la diffusion du phénomène, en Gaule ou ailleurs, coïncide dans ses grandes lignes avec elle. Quoi qu’il en soit, la législation n’explique guère les modalités de diffusion ou la répartition des associations et de leur rôle funéraire en Gaule.
42Dans son ouvrage, J.-J. Hatt avait mis en avant des motifs religieux et considérait que cet usage avait été introduit principalement dans les centres urbains par les affranchis ou les orientaux (comprendre, “les dévots des cultes orientaux”)136. Il n’est guère besoin de s’arrêter sur ces hypothèses, qui sont datées et reposent à la fois sur des interprétations erronées de l’onomastique et des effets de superposition de carte. Néanmoins, il avait vu juste sur le caractère éminemment urbain de ce phénomène, même s’il faudrait le nuancer quelque peu, car certaines associations se rencontrent dans des contextes plus ruraux. M. Christol l’a relevé pour la Narbonnaise en mettant en avant, par exemple, les centonaires d’Vgernum. On pourrait aussi évoquer les contubernales Catuonnenses de Saint-Benoist137. Mais ce sont là des exemples ponctuels qui ne remettent pas vraiment en question le constat général.
43Un examen de l’onomastique livrée par nos inscriptions conduit en revanche à des conclusions différentes de celles de J.-J. Hatt. Si on ne prend en compte que les témoignages indiscutables, on recense vingt individus. Or les citoyens romains sont très largement majoritaires. Peu d’entre eux révèlent de manière évidente à travers leur gentilice ou leur surnom une origine gauloise138. De même, les affranchis putatifs sont peu nombreux – je n’en ai dénombré que trois139. On ne recense que deux pérégrins et, dans trois autres cas, le statut juridique est douteux140. Il est plus difficile de cerner le statut social de ces personnes. La caractérisation se limite généralement à leur appartenance à une association, à la profession qu’ils exerçaient et aux éventuelles dignités qu’ils avaient revêtues en leur sein. Le cas des D. Titii d’Aix-les-Bains, dont on sait qu’ils étaient liés plus ou moins étroitement à une éminente famille de la cité de Vienne, est une exception141. Dans l’ensemble, nous n’avons donc pas affaire ici à une population allogène, mais à des individus qui, appartenant à une frange médiane de la société, affichent une indéniable romanisation juridique.
44La participation des associations aux funérailles de leurs membres est un phénomène dont les ressorts sont moins fondamentalement religieux que sociaux, comme l’a rappelé O. van Nijf pour la partie orientale de l’empire142. On a longtemps considéré cet aspect de la vie collégiale dans une perspective fonctionnaliste. Il aurait répondu à une préoccupation pour la sépulture, indéniable dans la société romaine, mais surtout à la volonté des plus pauvres de se garantir une sépulture décente. Face au coût des funérailles et pour compenser la faiblesse de leurs moyens, les plus humbles se seraient ainsi associés pour pourvoir à leurs funérailles et échapper à la fosse commune143. Un examen plus attentif de la composition sociale de ces collèges et surtout, des obligations financières connues pour certains d’entre eux a cependant montré que la frange la plus basse de la population en était probablement exclue. Bien qu’elles fussent modestes, ces sommes étaient suffisamment prohibitives pour elle. Par ailleurs, des arguments comme le coût des terrains pour installer une sépulture sont certes valides pour des grands centres urbains, et principalement pour la ville de Rome, mais certainement pas généralisables144. Une variante de cette explication fonctionnaliste a été proposée par K. Hopkins, qui a mis en avant les caractéristiques démographiques. Les conditions de mortalité des sociétés antiques rendaient fréquente la disparition de l’entourage et l’on pouvait donc mourir sans proche pour s’occuper des funérailles145. Le collège jouait ainsi le rôle d’une “famille de substitution”, selon une idée défendue également par J. S. Perry146. Ces thèses ne sont pas à négliger, mais ne rendent vraisemblablement pas compte de l’ensemble du phénomène. Pas plus sans doute que les conditions matérielles, la pression démographique ne jouait de la même façon dans toutes les régions de l’empire. L’importance du rôle funéraire des collèges tient à deux raisons. Il est d’abord la conséquence de notre documentation, qui illustre mieux leur participation aux funérailles que les dimensions de convivialité qui caractérisaient les réunions des collegiati. Surtout, elle résulte du fait que la législation romaine, comme l’avait déjà suggéré Mommsen, a mis en avant cette fonction pour concéder leur existence147. Il faut ajouter enfin que les modalités de fonctionnement que nous avons entrevues suggèrent que les proches n’étaient pas toujours absents ou disparus. Le collège n’était pas systématiquement une famille de substitution ; il en était manifestement le plus souvent un complément, que ce soit du vivant de ses membres ou même pour leur mort. Il n’était pas nécessairement non plus un moyen de pallier des difficultés financières. Sauf en cas de donation de la part d’un bienfaiteur, l’importance des finances d’une association dépendait en premier lieu des contributions de ses propres membres. La redistribution pour les funérailles se faisait à parts égales pour tous, à condition d’avoir respecté des versements réguliers et déduction faite des sommes qui servaient aux autres activités, au premier rang desquelles le culte et les banquets célébrés en commun. En conséquence, les collegiati ne pouvaient espérer pour leurs funérailles beaucoup plus que ce qu’ils avaient eux-mêmes déjà apporté. Plus qu’une mise en commun d’argent pour se ménager une sépulture décente, la caisse du collège apparaît plutôt comme une garantie pouvant fournir, au moment du décès, la somme nécessaire aux obsèques. C’est donc moins une question de capacité économique que de disponibilité financière, qui était assurée par cette stips menstrua dont parlent nos sources. Autrement dit, recourir au collège pour assurer ses funérailles était sans doute moins de l’ordre de la nécessité que de la prévoyance, mais aussi du choix. C’était aussi la marque de la continuité de l’appartenance à des groupements qui pouvaient être des vecteurs de respectabilité et qui participaient à la construction de l’identité sociale de leurs membres148. Cette dimension est particulièrement évidente pour un autre aspect de l’activité funéraire des collèges, mais qui reste en Gaule imperceptible : celle du culte commémoratif. Malgré le silence des sources, nous n’avons pas de raison de penser qu’il ne fut pas pratiqué comme dans les autres régions de l’empire. Or, ces rites de commémoration, la plupart du temps, ne se substituaient pas à ceux accomplis par la famille : ils venaient les redoubler, et donner une ampleur plus large à des gestes qui relevaient d’ordinaire du cadre proprement domestique. Il serait certes abusif de généraliser, car les contextes et l’hétérogénéité du tissu associatif romain ne permettent pas de proposer une configuration type. Toutefois, le phénomène répond à des raisons plus complexes que les seules nécessités matérielles et ne fut probablement pas univoque.
45L’importance de cette dimension sociale conjuguée à certaines remarques que nous avons faites plus haut nous renvoie une dernière fois à la centralité mais aussi aux limites des témoignages épigraphiques. Celles-ci sont de deux natures : elles tiennent à la manière dont les textes ont pu retranscrire les pratiques sociales, avec la part d’implicite ou de non-dit qui nous échappe ; elles relèvent aussi, plus largement, de la diffusion de la pratique de graver des inscriptions149. Est-ce à dire que les associations ont joué un rôle funéraire beaucoup plus important en Gaule, mais que nous l’ignorons, parce que les acteurs ont négligé d’en commémorer le souvenir sur la pierre ? Toute réponse affirmative ou négative serait un pari. Mais on ne fait pas l’histoire sur des silences, et il est permis de penser que c’est la seconde qui est la plus juste. Bien que les autres vecteurs de représentation sociale nous échappent dans une large mesure, la pratique épigraphique semble trop liée aux modes de fonctionnement des associations d’époque impériale pour qu’elles aient pu totalement s’en passer. D’autres facteurs peuvent rendre compte de leur discrétion dans la sphère funéraire sur le territoire des Trois Gaules. On peut invoquer par exemple la prédominance d’autres modalités de commémoration des défunts et, en premier lieu, sa prise en charge dans le cadre de la famille proche150. Mais il est manifeste que le phénomène associatif a connu une diffusion moindre dans ces régions et, lorsque R. MacMullen écrit que, dans l’Empire, un individu sur trois environ devait appartenir à un collège, force est de constater qu’il s’agit d’un jugement abusif ou hâtif151.
46On a parfois supposé que certains collèges de la Gaule romaine s’inscrivaient dans la continuité de groupements du même genre qui existaient avant la conquête152. Il n’y a sur ce point aucune certitude. À l’inverse, tous les indices convergent pour faire de la participation des associations aux funérailles de leurs membres un marqueur de romanisation : caractéristiques du fonctionnement, population concernée ou encore diffusion géographique. Encore faut-il s’entendre sur les termes : il ne faudrait pas y voir l’adoption pure et simple d’un usage qui serait typiquement romain ou même italien. Le phénomène se développe en Italie exactement à la même époque et selon des modalités comparables. Il s’agit moins d’une influence que de la participation conjointe à l’élaboration de nouvelles pratiques sociales et culturelles. C’est dans ce cadre plus large de mutations des formes de la vie collective qu’il convient de replacer, pour mieux en saisir les enjeux et la valeur, ces usages qui trahissent dans ce domaine une empreinte incontestable mais très inégale de Rome sur les territoires gaulois.
Catalogue des inscriptions
47Nota bene : les textes sont classés par provinces puis par cités, suivant l’ordre adopté par le CIL. Les notices sont réduites aux informations essentielles et on se reportera aux principales éditions, qui seules sont mentionnées dans la bibliographie. En raison du thème de cette étude, il m’a semblé utile de citer le renvoi au catalogue de J.-P. Waltzing, qui ne constitue pas une édition à proprement parler. Les références à la Carte archéologique de la Gaule sont données lorsqu’elle apporte des informations supplémentaires (par exemple sur le support). Je me suis efforcé de fournir une datation qui s’appuie soit sur celle donnée par les éditeurs, soit sur des critères signalés entre parenthèses. Les attestations douteuses ou discutables sont précédées d’un astérisque.
48Narbonnaise
NA 1. Aix-en-Provence
49Autel funéraire, surmonté d’une pomme de pin stylisée (176 x 77,5 x 51). Au musée Granet d’Aix-en-Provence.
50Gascou 1983, 161-169 (AE, 1983, 657) ; ILN, Aix-en-Provence 38.
[D(is) M(anibus)] | Cn(aei) Licini | Marci. | Licinia |5 Veneria | marito | incomparabili | et | dendrophori |10 Aquenses.
51Entre 125 et 200 p.C. (J. Gascou).
*NA 2. Fréjus
52Stèle d’après un dessin de N. Fabri de Peiresc. Perdue.
53CIL, XII, 586add ; Waltzing 1895-1900, III, n° 1930 ; ILN, Fréjus 50 (dont la lecture est conservée ici).
D(is) M(anibus). | Conlig(ium ?) Piet(atis), | Festina, Iu|liae Res|5titutae a|ncilla ex pecuni[a] qu[ae e] | funere supe[rfuit].
54Postérieure à l’époque julio-claudienne (formulaire).
NA 3. Arles
55Sarcophage (dim. non signalées). Au cimetière des Alyscamps.
56CIL, XII, 732 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 1978 ; Rothé & Heijmans 2008 [CAG, 13/5], 566, n° 206*2.
D(is) M(anibus) | Sex(ti) Iul(ii) Valen|tini, lapida|ri(i) Almanti|5censes (?) ex fu|nere eius et | Pomp(eiae) Gra|tiniae co(n)iugi | inconpara|bili posuer(unt).
57Seconde moitié du iie ou première moitié du iiie s. (type de sarcophage).
NA 4. Arles
58Stèle à fronton triangulaire et acrotères (65 x 40). Au musée de l’Arles antique.
59CIL, XII, 734 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 1980 ; D. 4415 ; Rothé & Heijmans 2008 [CAG, 13/5] 578, n° 207*43 et fig. 815 ; RICIS, II, n° 605-402.
D(is) M(anibus) | Maximini | Festi pausar(ii) | Isidis t(itulum) p(osuerunt) Arel(atenses) |5 collegae.
60iie ou début du iiie s. (typologie du monument, formulaire).
NA 5. Arles
61Perdu.
62CIL, XII, 736 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 1981.
D(is) M(anibus) | Pompei Lucidi, | [f]abri tignuari | cor[p]orati Arelat(enses) |5 e funeraticio eius.
63Postérieure à l’époque julio-claudienne (formulaire).
*NA 6. Arles
64Stèle à sommet cintré (63 x 61 x 10). Au musée de l’Arles antique.
65CIL, XII, 737 ; Waltzing 1895-1900, III n° 1982 ; D. 5204.
Dis | Manibus | Primigeni, | scaenici ex |4 factione Eudoxi.
66À partir du dernier quart du ier s. p.C. (formulaire).
NA 7. Arles.
67Autel funéraire (31 x 29,5 x 22). Au musée de l’Arles antique.
68Heijmanns 2003, 377-378 (d’où AE, 2003, 1079).
D(is) M(anibus) | Ermie ; | partiari | college (!) |5 posuerunt.
69iie ou début du iiie s. (formulaire).
NA 8. Arles.
70Fragment d’une plaque (0,74 x 0,52 x 0,38). Au musée de l’Arles antique.
71CIL, XII, 5811 ; CLE 1191 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 1985 ; D. 7726 ; ILGN, 108 (dont la lecture et les restitutions sont reprises ici).
72[- - -Cae]c[ilio] | Nigro fa[bro navali]. | [Praete]riens quicumque leges h[aec carmina nostra,] |
[qu]ae tibi defuncti nomina uer[a dabunt,] |5 [incomptos] elegos ueniam peto ne ue[rearis] | perlegere, et dicas carmen ha[bere bene ?]. | [C]aecilius Niger est hic ille [sepul]tu[s] [eundem] | quo cernis titulum star[e, habet ecce locum.] | Nunc tibi nauales pauci damus ul[tima uota] |10 hoc et defuncto corpore munus [habe.] | Ossa tuis urnis optamus dulce quiesc[ant] | sitque leuis membris terra mo[lesta tuis.] | Arti[f]ic[i] artifices Nigro damus ista s[odali] | carmina, quae claudit iam res[oluta salus.]
73Datation difficile : iie s. ?
NA 9. Apt.
74Plaque brisée de tous côtés (56 x 53 x 17). Au musée de Carpentras.
75CIL, XII, 1189 et add. p. 823 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 1990. ILN, Apt 30.
[D(is) M(anibus) ?] | [C]o[rne]li Phoe[ni]|ci[s] fabr(i) corp(orati) Apt(ensis), | colleg(ium) |5 d(e) s(uo) f(ecit).
76Seconde moitié du iie ou début du iiie s. (onomastique et paléographie selon les éditeurs des ILN, Apt).
NA 10. Vaison.
77Stèle de calcaire à fronton triangulaire (140 x 88 x 17). Au musée Calvet d’Avignon.
78CIL, XII, 1384 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 1992 ; D. 7677 ; Gascou & Guyon 2005, n° 95.
D(ecimo) Sallustio Ac|cepto, opifices | lapidari |4 ob sepulturam eius.
79Époque julio-claudienne (J. Gascou, d’après le formulaire).
NA 11. Vienne.
80Autel funéraire endommagé de toutes parts (45 x 37 x 37). Au musée lapidaire de Vienne.
81CIL, XII, 1911 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2007 ; ILN, Vienne 122.
[- - -] | [- - -] C+AM ma[gistri] | fabrorum, a[mici] ] sui, id est Att[ius] | Saturnino e[t] |5 Cassi(us) [..]tian[us] | quo ill[e de]func|tus est, eo quod | fraudem eiusdem fune{ne}ris fec[e]|10[ru]nt, aram ponen|[dam] decreuer[unt].
82Datation incertaine : iie s. ou première moitié du iiie s. ?
*NA 12. Vienne
83Stèle funéraire à portrait, dont les parties inférieure et supérieure sont mutilées (70 x 38 x 15,5). Au musée lapidaire de Vienne.
84CIL, XII, 1914 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2008 ; ILN, Vienne 110.
Manibus | C(aii) Gessi | Miccionis, | sodales |5 d(e) s(uo) p(osuerunt).
85Le formulaire pourrait indiquer la fin du ier s., mais la paléographie situerait plutôt le monument au début du iiie s..
NA 13. Vienne.
86Autel funéraire (147 x 52 x 40). Au musée lapidaire de Vienne.
87CIL, XII, 1929 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2010 ; D. 5225 ; ILN, Vienne 117.
Scaenici | Asiaticia|ni et | qui in eo|5dem cor|pore sunt | uiui sibi fe|cerunt.
88Seconde moitié de l’époque julio-claudienne (texte) ?
NA 14. Aix-les-Bains (Vienne)
89Autel (?). Disparu.
90CIL, XII, 2459 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2015 ; ILN, Vienne 680.
D(is) M(anibus) | D(ecimi) Titi Domitini | possessor(es) Aquenses | et D(ecimus) Titius Domitius |5 patri.
91iie s. (formulaire, onomastique).
NA 15. Aix-les-Bains (Vienne).
92Stèle à fronton triangulaire et acrotères (144 x 67,5 x 20). Au musée lapidaire d’Aix-les-Bains.
93CIL, XII, 2460 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2016 ; ILN, Vienne 676.
D(is) M(anibus) | Titiae | Chelidonis | possessor(es) |5 Aquenses, | curante C(aio) Iul(io) | Marcellino | coniuge.
94iie s. (formulaire, onomastique).
NA 16. Aix-les-Bains (Vienne).
95Stèle à fronton triangulaire et acrotères (122,5 x 61 x 31,5). Au musée lapidaire d’Aix-les-Bains.
96CIL, XII, 5874 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2017 ; ILN, Vienne 678.
D(is) M(anibus) | Titiae Dorca|dis, possessores | Aquenses |5 publice.
97iie s. (formulaire).
NA 17. Hameau “Les Fontaines”, commune de Rochemaure (Alba, Helviens)
98Autel funéraire (30 x 30). Dans la collection Vallentin du Cheylard à Montélimar.
99CIL, XII, 2669 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2020 ; Dupraz & Fraisse 2001 [CAG, 07], 319, n° 191/7* et fig. 403.
D(is) M(anibus) | Maxximi (!) | Cupari | Vocro|5nnesses.
100Postérieure à l’époque julio-claudienne (formulaire).
*NA 18. Alba (Helviens)
101Plaque de calcaire jaune (46,5 x 51,5). Au Centre de documentation archéologique d’Alba-la-Romaine.
102CIL, XII, 2677 ; D. 7328 ; Waltzing 1895-1900, n° 2021 ; Dupraz & Fraisse 2001 [CAG, 07], 167, 05*49 et fig. 171.
L(ucio) Pinario | Optato | cultor(i uel -es) Larum | Sex(ti) Antoni | Mansueti et | L(ucii) Valeri Rufini.
103Datation difficile : si l’inscription est funéraire, le ier s. p.C. est envisageable en raison du formulaire.
NA 19. Tresques (Volques Arécomiques)
104Stèle à sommet cintré avec acrotères (68 x 40,5 x 17). Au musée Calvet d’Avignon.
105CIL, XII, 2754 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2022 ; Christol 1999, 129 (d’où AE, 1999, 1032) ; Gascou & Guyon 2005, n° 92.
D(is) M(anibus), | T(ito) Craxxio | Seuerino. | Collegium |5 centonar|ior{ior}um | m(agistro) s(uo) colle|geq(ue) (!) p(osuit) ex | fun[eraticio].
106Postérieure à l’époque julio-claudienne (formulaire).
NA 20. Beaucaire (Vgernum, Volques Arécomiques).
107Autel funéraire (85 x 52). Au musée de Beaucaire.
108CIL, XII, 2824 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2023 ; Provost et al. 1999 [CAG, 30/2], 205, n° 032-12* et fig. 169 ; Christol 2010, 520-521.
D(is) M(anibus) | Mocciae C(aii) f(iliae) | Siluinae, | centonari |5 Vcernenses (!) | ob merita.
109iie ou début du iiie s. (formulaire et typologie du monument).
*NA 21. Nîmes
110Perdue.
111CIL, XII, 3340.
Manibus | Reburri Virilis | f(ilii) linteari (!).
112Milieu ou seconde moitié du ier s. (formulaire).
*NA 22. Nîmes
113Fragment de stèle. Au musée de Nîmes.
114CIL, XII, 3348.
D(is) M(anibus) | M(arci) Horten[si] | Prim[i] | symphon[iaci] |5 sacr(orum).
115Postérieure à l’époque julio-claudienne (formulaire).
*NA 23. Calvisson.
116Autel funéraire. Au musée de Nîmes.
117CIL, XII, 4155.
D(is) M(anibus) | T(iti) Iuli Auiti, | uicini Ar|andunici |4 pos(uerunt).
118Postérieure au début du iie s. (formulaire).
NA 24. Narbonne
119Bloc endommagé de tous les côtés (65 x 53). Au lapidaire Lamourguier de Narbonne.
120CIL, XII, 4449 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2054 ; Dellong 2002 [CAG, 11/1], 231 n° 6*20 et fig. 108.
[Collegium sa]|lutare [f]amilia[e] | tabellarior(um) | Caesaris n(ostri) qua[e] |5 sunt Narbone in | domu. | In f(ronte) p(edes) CCCXXV | in a(gro) p(edes) CCCV.
121Fin du ier s. a.C. ou début du ier s. p.C. (paléographie).
Aquitaine
*AQ 1. Bordères-Louron (Hautes-Pyrénées, Convènes)
122“Auge cinéraire” (51 x 41 x 18). Encastrée dans le mur de l’église.
123ILTG, 126 ; Fabre 1986 (dont les lectures sont reprises en partie. De nombreux points demeurent incertains).
D(is) M(anibus) O[- - -]CO o(bitis duobus ?) | patri annus o(bitus ?) et uel ei | Montanianus et Six|sio fili ex amore | et pietate II uiu(i) in |5 commune po|suerunt | et co(m)p(osuerunt ?) uicini Spa|riani.
124iie ou iiie s. (formulaire).
*AQ 2. Lectoure (Lactorates).
125Autel en marbre, retaillé (42 x 57 x 18). Musée de Lectoure.
126CIL, XIII, 531 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2064 ; ILA, Lactorates 30.
D(is) M(anibus) | Lumina|tio Gre‘go’|rio morte |5 cita rapto, | tumulum | fecere | sodales.
127Fin iie ou début iiie s. (onomastique ?).
*AQ 3. Bordeaux (Bituriges Vivisques)
128Autel funéraire partiellement retaillé (132 x 42). Au musée d’Aquitaine de Bordeaux.
129CIL, XIII, 645 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2066 ; ILA, Bordeaux 122.
D(is) M(anibus) | Galulircli | ẹt omnes | ạnlecessi | Ḍuetil Tiblik | [E]ppimus Soris | omnibus co(m)p|otoribus | bene.
130iie ou début du iiie s. (formulaire).
AQ 4. Agen (Nitiobroges)
131Plaque (23,5 x 35 x 6). Au musée municipal d’Agen.
132CIL, XIII, 913 ; D. 7302 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2068 ; ILA, Nitiobroges 5.
Dis Manibus. | Iu(u)enes a fano | Iouis |4 sibi et suis.
133Fin du ier ou début du iie s. (formulaire).
AQ 5. Saintes (Santons)
134Stèle à fronton endommagée en plusieurs endroits (115 x 65 x 25). Au musée de Saintes.
135CIL, XIII, 1058 ; ILA, Santons 39.
D(is) M(anibus). | Memoriae | Ianuaris nat(ione) | Neruius (!), an(norum) ‘XXXV’. |5 Manupretia|ri bur(rarii) c(ollegae) pos(uerunt).
136Seconde moitié du iie ou première moitié du iiie s. (formulaire, ascia).
Lyonnaise
LY 1. Lyon
137Bloc mouluré opisthographe, brisé en bas et à droite (40 x 130). Au musée gallo-romain de Lyon.
138AD, 2, 185 ; CIL, XIII, 1734 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2083 ; D. 7263a.
139Face a
Genio splendidissimi corporis fabrorum tign[ar…] | [it]emque artificum tectorum Claudius Myro ẹ[- - -]|ṇṭẹṣ [- - - c. 14 l.] ẹṛga memoriam Clau[di - - -] | [- - -].
140Face b
[- - -] corpus cuiusquam praeter sepulturae (vacat) gratia | [- - -]+ habent quique exceperunt aditum et ha (vacat) bitatio| [- - -]em locum sepulturae cuius rei (vacat) gratia | [- - -]to consecuti sunt |5 [- - - ? san]ctissima semper.
141Datation difficile : iie ou première moitié du iiie s. ?
*LY 2. Lyon.
142Probablement une stèle funéraire. Perdue.
143CIL, XIII, 2177 ; Waltzing 1895-1900, III, n° 2125.
Iulia Adepta | hic adquiescit. | L(ucius) Iulius Cupitus | matri et sodales |5 de suo et Perpetua | fil(ia).
144Début de l’époque julio-claudienne (cf. CIL, XIII, 1820).
LY 3. Saint-Benoist (Ain, Ambarres ?)
145Autel funéraire (133 x 64 x 54). Conservé à Groslée.
146ILTG, 308 ; ILAin, 41.
D(is) <M(anibus)> et m(emoriae) | Cingetis Vari | Lucani filio. | Catuonne(n)ses |5 contuberna|les eius d(e) s(ua) p(ecunia) p(osuerunt) | s(ub) c(ura) | Catulli.
147Fin du iie ou première moitié du iiie s. (formulaire).
*LY 4. Nantes
148Stèle à sommet cintré (130 x 55). Au musée Th. Dobrée de Nantes.
149CIL, XIII, 3114.
D(is) M(anibus) | et me|mori|ae Pes|sicinni |5 Sabini, | nauta(e) | Ligirici (!).
150Dernier tiers du iie voire début du iiie s. p.C. (formulaire).
Notes de bas de page
1 Van Nijf 1997, 31 ; Ausbüttel 1982, 59. Dans une dissertation de PhD demeurée inédite, J. S. Perry (Perry 1999) recense 279 inscriptions, mettant à jour les listes de Waltzing 1895-1900, III, 484-545, mais il reste également incomplet.
2 Mommsen 1843, notamment 87-97. Voir les critiques de Ausbüttel 1982, 22-29, ainsi que Perry 1999, 1-54, voué au culte de Silvain.
3 Lex collegii de Lanuuium : CIL, XIV, 2112 (D. 7212 ; FIRA2, III, 35) ; lex familiæ Siluani de Monteleone Sabino : AE, 1929, 161 (FIRA2, III, 37). Cf. aussi CIL, VI, 10234 (D. 7213 ; FIRA2, III, 36) et IDR, 1, 31 (D. 7215 ; FIRA2, III, 41). Pour l’aire géographique qui nous concerne, signalons néanmoins une inscription d’Arles qui rappelle une donation reçue par le collège des utriculaires pour accomplir des sacrifices funéraires : L(ucio) Iul(io) Secundo, | utric(u)lario corp(orato) | c(oloniae) I(uliae) P(aternae) A(relatis), qui legauit | eis testamento suo |5 (denarios) CC ut ex usur(is) eor(um) | omnibus annis sacri|ficio ei parentetur. | Item naut(a) Druentic(us) | corpor(atus) Mogituma | Epipodius filius nat(uralis) |10 patri pientissimo (CIL, XII, 731). Il faut aussi mentionner un texte de Nîmes où un groupe d’individus est attaché au culte funéraire d’un individu qui a laissé une prescription testamentaire : CIL, XII, 3861 (D. 8378).
4 Schiess 1888, 9-39 ; Waltzing 1895-1900, III, 520-582 (catalogue des inscriptions par provinces) ; Perry 1999, 58-113 et 134-159.
5 Hatt [1951] 1986, 77-84. Bien que, dans le sillage de la classification adoptée par Mommsen et par Waltzing, J.-J. Hatt identifie les associations funéraires aux collegia tenuiorum, il inclut dans son décompte tous les types de collèges.
6 Il faut ajouter aux listes anciennes deux inscriptions nouvelles : AE, 1983, 657 (Aix-en-Provence) et AE, 2003, 1079 (Arles).
7 CIL, XII, 3348 = *NA 22 (cette dernière référence renvoie au catalogue épigraphique en fin d’article).
8 CIL, VI, 2193 = 4416 (D. 4966). La restitution de la dernière ligne de l’inscription nîmoise repose précisément sur la formule symphoniaci qui sacris publicis praestu (!) sunt. Pour l’inscription des symphoniaci de Rome, voir en dernier lieu Vincent 2008, 431-432 (et la bibliographie citée).
9 Cf. CIL, II, 3565 (Lucentum, Espagne citérieure) ; CIL, VI, 6356 (D. 5256), 6888, 33372, AE, 2001, 582 (Rome) et EDR 5137 (NSA, 1917, 302, n° 36). Voir Vincent 2008, 432 et n. 50. L’inscription de Brindes CIL, IX, 43 (D. 2874) se référerait plus vraisemblablement à un pérégrin (marin de la flotte).
10 ILAlg, II, 2, 4704 (Thibilis) : P(ublius) Mucius Musicus synponiacus (!). Le cas de l’inscription de Brescia InscrIt, X.5, 578 qui mentionne un A. Vetilius P(ublii) f(ilius) symphoniacus est plus difficile à trancher : la paléographie indique nettement que l’inscription est ancienne, sans doute d’époque tardo-républicaine ou du principat d’Auguste. Bien que A. Garzetti l’ait interprété comme un cognomen – ce qui est possible : cf. CIL, VI, 23369 et Solin 2003, 1104 –, on peut se demander si symphoniacus n’est pas le nom de l’activité de l’auteur de la dédicace, d’autant que sa femme porte un simple gentilice (Fullonia).
11 CIL, XII, 737 (D. 5204 ; cf. *NA 6). Voir aussi plus bas et NA 13, les scænici Asiaticiani de Vienne. L’inscription fut retenue par Waltzing 1895-1900, III, 531 ainsi que par Hatt [1951] 1986, 78.
12 CIL, XII, 2677 (D. 7328 ; cf. *NA 18). Le développement au nominatif pluriel est adopté entre autres par O. Hirschfeld au CIL, par Waltzing 1895-1900, III, n° 2021, par Hatt [1951] 1986, 78 et par Lauxerois 1983, 183 et 273, n° 58.
13 Autres exemples de cultores Larum de personnes privées : AE, 1928, 118 (Florence, cultores Larum Q. Terenti Lasciui) ; CIL, V, 4340 (InscrIt, X.5, 134 à Brixia : cultores Larum de M. Nonius Arrius Paulinus Aper) ; CIL, IX, 2481 (D. 7331, à Saepinum : collegium Larum Marcellini). Cf. aussi CIL, VI, 10266 (D. 3606) et 10267 (Rome), ainsi que CIL, XIII, 1747 (D. 5997, Lyon). Je ne connais que deux attestations épigraphiques de dévots aux Lares de deux individus. L’une, d’Olisipo, mentionne des cultores Larum Maliae et Malioli (CIL, II, 174) ; l’autre, de Pisaurum, commémore le don d’une aire funéraire par Sex. Fullonius Iustus et son fils Seuerus aux cultores Larum suorum (CIL, IX, 8098). Dans le premier cas, aucun lien n’est explicité entre les deux personnages, mais l’assonance dans l’onomastique pourrait suggérer une parenté. Il serait assez logique, comme dans le second cas, d’y voir les lares d’une même gens. Pour des cultores réunis en collège, voir Waltzing 1895-1900, IV, 180-202.
14 Voir ainsi CIL, XI, 1555 (Fiesole) et 1906 (Cortone), qui sont deux épitaphes construites sur le même schéma syntaxique que celle de Rochemaure, mais où l’on ne peut trancher entre le génitif ou le nominatif pluriel.
15 CIL, XII, 3340 (*NA 21). O. Hirschfeld (CIL, XII, p. 943) l’interprétait comme un génitif, à l’inverse de Hatt [1951] 1986, 78 et, en dernier lieu, de Christol 2010b, 408 n. 28.
16 CIL, XII, 734 (D. 4415 ; cf. NA 4). Cf. CIL, XII, p. 925 et 932 et D., III, 1 p. 577. Voir aussi, en dernier lieu, RICIS, 693, n° 605/402 (avec une partie de la bibliographie antérieure).
17 Contra, Christol 2010b, 412-413. Retenir la solution d’un groupe nominal au génitif, qui définit certes une qualité du personnage, n’implique pas que les dédicataires formaient un collège indéterminé. Au vu du contexte, c’est donc la solution la plus logique, d’autant que nous connaissons d’autres associations de pausarii.
18 CIL, XIII, 3114 (*LY 4). Elle fut recensée par Hatt [1951] 1986, 78.
19 CIL, XII, 286 et p. 808 (ILN, Fréjus 50, avec les différentes variantes proposées ; * NA 2).
20 CIL, XII, 22 (D. 7307 cf. EAOR, 5, 30 : collign(num) iuuenum Nemesiorum) ; RIB, 2102 et 2103 (collign(um) cult(orum) eius, scil. Mercuri). Sur CIL, VI, 978, on lit la forme collig(ium), qui peut être une erreur de gravure ou une alternance vocalique qui n’est pas rare en épigraphie.
21 Voir par exemple AE, 1976, 414 (Alba) ; CIL, XIII, 1652 (Gleize, Ségusiaves) ; CIL, VI, 3631, 37543 etc.
22 CIL, XIII, 645 et, en dernier lieu ILA, Bordeaux 122 (*AQ 3). Si la lecture du texte est parfaitement claire, l’interprétation reste, quoi qu’en disent les derniers éditeurs, problématique.
23 Jullian 1887-1890, n° 84. Le second nom aurait été ainsi celui du père ou du patron du défunt. Il suggérait aussi de lire Vlirc(- - -) li(bertus), bien moins vraisemblable. Dans les ILA, Bordeaux 122, la transcription diplomatique et la traduction, qui portent sans justification Galulercli/us, sont fautives.
24 Il invoquait le parallèle d’une inscription funéraire métrique de Rome (CIL, VI, 142 ; D. 3961 ; CLE 1317), où l’on lit : plures me antecesserunt, omnes exspecto. Mais le verbe est utilisé dans son sens actif, et la formulation bien plus claire. Il n’y a aucun parallèle épigraphique ou littéraire de l’emploi du participe en ce sens.
25 Soris connaît quelques parallèles dans l’anthroponymie d’Aquitaine (Gorrochategui 1984, 273) et fait penser au thème celtique *sorio- (Delamarre 2003, 278). Eppimus pourrait également être rapproché du thème *Epo- (cheval), avec gémination : Eppo se trouve en Pannonie et Eppius en Narbonnaise (voir Delamarre 2007, 96).
26 Voir respectivement CIL, IX, 3693 et 3815 (D. 7312) ; CIL, XI, 6244 (D. 7312a). Cf. la liste donnée par Waltzing 1895-1890, IV, 204-205.
27 Voir en dernier lieu Scheid 2005, 222-224.
28 Ce n’est sans doute pas un hasard si Cicéron l’emploie à deux reprises pour fustiger l’entourage d’Antoine : Cic., Phil., 2.42 et 5.22. Cf. aussi Apul., Met., 2.31 dans le contexte d’un banquet animé.
29 Cf. Plaut., Pers., 773-774 et Tib., 2.1.31.
30 L’hypothèse d’adeptes d’une religion mystique fut avancée par Jullian 1887-1890, 209. Hatt [1951] 1986, 80 les considère simplement comme membres d’une association religieuse tout comme, de manière plus prudente, les éditeurs des ILA, Bordeaux. C. Jullian les avait néanmoins rapprochés à juste titre des fameux seribibi de Pompéi (CIL, IV, 581 ; D. 6418), dont la dénomination est du même esprit que le texte de Bordeaux.
31 J.-J. Hatt ([1956] 1981, 78) intégrait également dans sa liste une seconde inscription de Bordeaux, mentionnant des Iouenses, association cultuelle vouée à Jupiter, mais ceux-ci n’ont pas de rôle direct dans la dédicace : ils sont mentionnés parce que la dédicante, Diaria, est leur esclave (CIL, XIII, 646 ; ILA, Bordeaux 22).
32 Ainsi pour deux inscriptions de gladiateurs de Nîmes recensées par Hatt [1951] 1986, 79 : ILGN, 434 (EAOR, 5, 19) et 436 (EAOR, 5, 14, Nîmes).
33 Gaius, Ad XII tab., 4 (Dig., 47.22.4) : Sodales sunt, qui eiusdem collegii sunt, quam Graeci ἑταιρίαν uocant. His autem potestatem facit lex pactionem quam uelint sibi ferre, dum ne quid ex publica lege corrumpant.
34 CIL, XII, 1914 (ILN, Vienne 110 : *NA 12).
35 CIL, XIII, 531 (ILA, Lactorates 30 : *NA 2) : morte cita rapto tumulum fecere sodales. La dénomination du défunt pose problème. Luminatius est un hapax, mais on rencontre Luminatu sur une épitaphe perdue provenant des Bolards, sur le territoire de la cité des Éduens (CIL, XIII, 2848) et peut-être aussi sur une inscription de Cologne (IKöln, 421). Ce mot a parfois été considéré comme d’origine celtique en raison de la répartition géographique des attestations (Holder 1896, II, c. 346) mais aucun argument linguistique ne vient soutenir cette proposition. Le rapprochement avec l’inscription éduenne pourrait faire penser à un gentilice de formation patronymique (Salomies & Solin 1994, 104) selon une pratique courante en Gaule. Gregorius serait alors un surnom, mais il est extrêmement rare, et connu uniquement à époque tardive dans des textes chrétiens (Solin 2003, 826-827). On en recense également quelques attestations avec la valeur d’un idionyme. En revanche, Gregorius est attesté comme signum (CIL, XIII, 2621). Dans cette hypothèse, il faudrait interpréter Luminatius comme un nom unique, mais on s’attendrait alors, comme dans la majorité des cas, à ce qu’il soit détaché et plutôt formulé au vocatif. Cette seconde solution me paraît donc moins vraisemblable, tout comme celle d’un double signum, suggérée par les éditeurs des ILA.
36 CIL, XIII, 2177 (*LY 2).
37 CIL, XIII, 1820 (D. 1639) : Nobilis Tib(eri) | Caesaris Aug(usti) | ser(uus), aeq(uator) monet(alis), | hic adquiescit. |5 Iulia Adepta coniunx | et Perpetua filia d(e) s(uo) d(ederunt).
38 Le nom de la fonction ne connaît pas de parallèle exact. Voir cependant, toujours à Lyon, AE, 1995, 1092 (restitution de M. Tarpin : [mone]talis [aequa]tor, sur l’épitaphe d’un autre esclave impérial). Pour l’installation de l’atelier monétaire à Lyon, voir par exemple Wuilleumier 1948, 70-71.
39 CIL, VI, 239 (D. 1633) ; CIL, VI, 296 (D. 1636). La divergence dans la dénomination ne suffit pas à en faire deux associations distinctes.
40 Waltzing 1895-1900, II, 228-229.
41 CIL, XII, 4449 (NA 24).
42 Schiess 1888, 36 n. 55 et Walzting 1895-1900, III, n° 2125 (avec la note).
43 Boulvert 1974, 276-278 compte cette femme parmi les affranchis impériaux. Inversement Weaver 1972, 116 et 143 estime que Iulius n’est pas ici un gentilice impérial. Il le déduit du prænomen du fils, Lucius. Notons que ce n’est pas en soi un argument totalement décisif, car la mère ne transmet pas le prénom aux enfants. Cette position demeure cependant la plus prudente.
44 Voir CIL, VI, 44, 45 et 46 (D. 1634-1635).
45 Pour une recension, un peu ancienne, voir Waltzing 1895-1900, IV, 254-257.
46 ILTG, 308 (ILAin, 41 ; *LY 3). L’interprétation de la dénomination du défunt est malaisée. Elle pourrait avoir été composée d’un double idionyme : Cinges Varus, fils de Lucanus, ou bien d’un nom unique : Cinges, fils de Varius Lucanus. Cette dernière interprétation est d’autant plus tentante que nous connaissons à Groslée un autre texte gravé sur un rocher près d’une résurgence de la Vareppe et qui mentionne la construction d’une conduite d’eau par un L. Varius Lucanus (CIL, XIII, 2488 ; cf. ILAin 38). Il resterait alors le problème de l’absence de gentilice pour le défunt, à moins de considérer qu’il ne s’agisse d’un fils naturel.
47 Voir CIL, XIII, 6324 (D. 3286) ; CIL, IX, 2354 (D. 6512) ; CIL, III, 5790 (D. 7309a). Étant donné la provenance de deux de ces attestations, il n’est pas impossible que le lexique militaire soit à l’origine de cet emploi, même si l’inscription d’Alifae montre que cette hypothèse n’est pas généralisable : cf. Pavis d’Escurac 1990, 112. Voir aussi Waltzing 1895-1900, IV, 238.
48 Delamarre 2003, 94 et Delamarre 2007, 216.
49 Ces textes sont néanmoins recensés dans le catalogue en appendice de cette étude, mais précédés d’un astérisque.
50 Un constat de ce genre se trouve déjà dans les travaux de J.-P. Waltzing (1895-1900, I et II, passim) et même dans ceux de Fr. M. de Robertis (par exemple De Robertis 1938 et 1971, passim), qui ont pourtant largement contribué à la diffusion de cette distribution en catégories.
51 Flambard 1987, 209-210. Cf. aussi Pavis d’Escurac 1990, 110 ; Van Nijf 1997, 5-11 ; Perry 1999, 1-54.
52 CIL, XII, 5811 (NA 8) ; CIL, XII, 736 (NA 5) ; CIL, XIII, 1734 (LY 1).
53 CIL, XII, 1189 (ILN, Apt 30 ; NA 9) ; CIL, XII, 1911 (ILN, Vienne 122 ; NA 11).
54 CIL, XII, 2754 (AE, 1999, 1032 ; NA 19) ; CIL, XII, 2824 (NA 20). Sur les centonaires, voir en dernier lieu Liu 2009. Celle-ci doute du caractère systématique de l’association et de l’existence dans toutes les cités des tria collegia (fabri, centonaires et dendrophores : cf. Liu 2009, 50-54).
55 Christol 2010a, 540.
56 Voir respectivement CIL, XII, 2669 (NA 17) ; CIL, XII, 732 (NA 3) ; CIL, XII, 1384 (NA 10).
57 Heijmans 2003, 378-379. Cf. AE, 2003, 1079 (NA 7).
58 L’interprétation de partiarii suggérée par M. Heijmans est orientée par le lieu de découverte – mais on a trouvé de tout dans le Rhône – ainsi que par un bateau (ou plutôt une barque) gravé sur le dé de l’autel et dont l’interprétation n’est pas assurée. Elle peut certes renvoyer de manière métonymique à la profession du défunt, mais on notera malgré tout qu’elle prend place aux côtés d’un niveau en A et d’une ascia, qui revêtent généralement une valeur symbolique échappant à la sphère professionnelle. Elle pourrait donc tout aussi bien indiquer le voyage dans l’au-delà.
59 Christol 2010b, 413-414. Notons que le terme collegæ peut être interprété soit comme un nominatif pluriel, soit – solution qui a ma préférence, comme un datif désignant le défunt.
60 CIL, XIII, 1058 (ILA, Santons 39 ; AQ 5). Une scholie à Juvénal (8.145 ; cf. Mart. 14.128) nous apprend que la cité des Santons était réputée pour la production de capes. En outre, d’après l’édit du maximum de Dioclétien (19.44-54), les birri tissés chez les Nerviens – peuple d’où est originaire le défunt destinataire de la stèle – jouissaient manifestement d’une grande renommée puisqu’ils sont les plus coûteux. Cf. Maurin 1978, 224-225.
61 CIL, XII, 1929 (ILN,Vienne 117 ; NA 13). La seconde partie de l’expression scænici Asiaticiani et qui in eodem corpore sunt est obscure. Est-ce une manière de désigner ceux qui n’auraient pas été à proprement parler des acteurs ou qui avaient des fonctions secondaires (des pantomimes par exemple comme le suggère Lavagne 1986, 131), ou bien de traduire en latin le grec συναγωνισταί ? On rencontre une formulation comparable dans une inscription républicaine de Rome : societatis cantor(um) Graeco[r]um et quei in hac sunhodo sunt ou societatis cantorum Graecorum quique in hac societate sunt (CIL, I2, 2519 ; ILLRP 771 ; cf. aussi Jory 1970, 242 n. 3).
62 CIL, XII, 4449 (NA 24). À l’hypothèse de O. Hirschfeld qui mettait ce collège en relation avec les séjours d’Auguste en Gaule, il faut préférer celle de Th. Mommsen (citée dans les notes du CIL) qui considérait qu’il s’agissait d’esclaves et d’affranchis relevant d’une statio installée dans la capitale provinciale (il cite un second exemple à Éphèse : CIL, III, 6077 = D. 1505). Cette solution a été reprise par Pflaum 1978, 180 et Gayraud 1981, 382-383. Plus récemment Haensch 1997, 141 n. 143 a voulu les identifier comme des employés au service du procurateur de la province. Sur ce type de collège, voir aussi Boulvert 1974, 242‑249.
63 Cf. e.g., outre CIL, XIV, 2112 (Lanuuium), CIL, VI, 1013 et 36923 (collegium salutare nomenclatorum) ; VI, 30983 (D. 3840 : collegium salutare d’Esculape et Hygie ?) ; X, 2653 (D. 7339, Tusculum) ; Crea 2003, 607-614 (Castelporziano, collegium salutare saltuariorum) ; AE, 1927, 51 (Marino, regio I, collegium salutare dendrophorum) ; CIL, II, 379 (D. 7337, Conimbriga, sans autre spécification). L’interprétation traditionnelle d’un collège à finalité d’entraide funéraire, se trouve par exemple dans Waltzing 1895-1900, I, 261.
64 CIL, XII, 2460 (ILN, Vienne 676), 5874 (ILN, Vienne 678) et 2459 (ILN, Vienne 680). Cf. NA 14, 15 et 16.
65 Et non des propriétaires de maisons, comme le suggérait jadis Rostovtseff [1926] 1988, 163 et n. 37, qui invoquait le parallèle d’une inscription de Cologne : CIL, XIII, 8254 (D. 7011 et IKöln, 158 ; voir Tarpin 2002, 124-125 pour ce texte).
66 ILN, Vienne 666 (cf. Wuilleumier 1934) : [Decemlecti ? pos]|[se]sso[r]um Aqu[en]|sium donauer(unt) | lucum cum sua ui|5nea uicanis A|quens[ium] ad ludos | celebrand(os) pro | salute Imp(eratoris) Aug(usti). | Zmertuccius Ti|tianus, p(atronus) u(ici) aram |10 d(e) s(uo) d(edit).
67 CIL, XII, 2461 (ILN, Vienne 665) : Aram deceml(ecti) | Aquenses et pa|troni de suo | ob donum fig|lin(arum) quem (!) LIV [- - -] | - - - |[ possessoribus ? uici]| [ ? Aqu]arum [- - -] | et uicanis don(auerunt) | ad epulum la[c]|um cum suo | fructu (suit la liste des patroni et des decemlecti).
68 Possessores uici Bardomagi à Milan (considéré comme suburbain par Tarpin 2002, 125 n. 91) : CIL, V, 5872 (D. 7295) et 5878 (D. 6735) ; possessores uici Vindoniani à Aquincum : CIL, III, 3626 = 10570 (D. 7127) ; possessores uici Verecundensis à Verecunda en Numidie : CIL, VIII, 4199 = 18493 (D. 6850 : cf. Pavis d’Escurac 1967, 60-65).
69 Voir en dernier lieu Rémy 2002, 178. Sur les patrons de uicus, cf. Tarpin 2002, 269-270.
70 L’hypothèse avait été formulée d’abord par Jullian [1920-1926] 1993, 1205 n. 142, et suivie par Wuilleumier 1934, 203 et d’autres (ainsi Prieur 1976, 162).
71 Voir déjà Février 1976, 316 et dernièrement Burnand 1994, 739. Cf. également Wierschowski 1993, 206 n. 16.
72 Des possessores apparaissent à côté de l’ordo et des ciues ou du populus à Ravenne (CIL, XI, 15), Vénafre (CIL, X, 4863) ou Parme (CIL, XI, 6658 : ordo possessoresque Brixellanorum). Ces inscriptions semblent un peu plus tardives que celles d’Aix-les-Bains. Pour les possessores d’Afrique, voir Pavis d’Escurac 1967, 59-66.
73 CIL, VI, 3697 = 30940. Voir aussi CIL, IX, 3915 (D. 302) à Alba Fucens.
74 CIL, XII, 5874 (ILN, Vienne 678 ; NA 16).
75 Ainsi, Wuilleumier 1934, 203. L’expression “aux frais de la communauté” du commentaire des éditeurs des ILN est ambiguë.
76 Voir la contribution de N. Tran dans ce volume.
77 CIL, XII, 4155 (*NA 23). Dans ce cas précis, il me semble bien plus plausible de considérer uicini comme un nominatif pluriel.
78 Tarpin 2002, 14 pour la relation entre les deux termes.
79 Tarpin 2002, notamment 277-278.
80 À Carales, en Sardaigne, une flaminique perpétuelle se voit offrir son épitaphe par le uicus Martis et Aesculapi à la suite d’une collecte (CIL, X, 7604 ; l’abréviation D D est à développer d(ecreto) d(ecurionum) et non D(eae) D(iae ou – ianae) comme le suggère Tarpin 2002, 353). Il s’agit probablement d’une disposition ponctuelle et honorifique, et non de la conséquence d’une cotisation régulière. En Lusitanie, à Oliva de Merida (Capera), un jeune homme a reçu quant à lui son épitaphe d’une uicinia Clunensium (CIL, II, 821) : difficile là encore de savoir s’il s’agit d’un acte ponctuel ou qui entrait dans les attributions régulières de ce type de collectivité.
81 ILTG, 126 (*AQ 1). Cf. Fabre 1986.
82 Pour le détail du texte, voir *AQ 3. Conuicani (cf. à Genève CIL, XII 2611 = ILN, Vienne 855 et à Concordia, AE, 1891, 102 – texte tardif) et compagani (cf. à Alamden de la Plata, en Bétique, CIL, II, 1043 et à Tarragone, RIT, 143) sont deux corrections proposées par G. Fabre. On pourrait aussi songer à co꜒nᄀuicini, attesté une fois sur une inscription mutilée de Bétique, mais dont le caractère tardif est très probable (voir HEp., 5, 722 et la note : Lora del Río, région de Séville). Quoi qu’il en soit du texte originel, il me semble très difficile de tirer de ce document des conclusions sur l’organisation foncière de la région, comme tente de le faire G. Fabre.
83 ILN, Aix-en-Provence 38 (NA 1). Sur les dendrophores, voir la contribution de Fr. van Haeperen dans cet ouvrage.
84 On connaît aussi des pausarii à Rome. Auteurs de la dédicace d’une mansio en l’honneur d’Isis et Osiris, ils sont associés dans un même corpus à des argentarii (CIL, VI, 348 = 30745 ; RICIS, 50/136). Le regroupement semble pour le moins inattendu et, l’inscription étant perdue, on a parfois voulu corriger pausariorum en aurariorum (cf. CIL, adn.). Les pausae – qui cependant ne devaient pas être réservées au seul culte de la déesse égyptienne – sont mentionnées explicitement en contexte rituel isiaque dans deux passages de l’Histoire auguste (SHA, Pesc. 6.9 et Carac. 9.11) dont cette inscription est rapprochée. On mentionnera aussi des pausarii à Mayence, organisés en décurie, qui sont nommés dans plusieurs dédicaces d’un sanctuaire dédié à Cybèle et à Isis (Witteyer 2004, d’où AE, 2004, 1022-1024). Signalons que le terme de pausarius paraît aussi avoir désigné un grade de sous-officier dans la marine : voir EE, 8, 383 (D. 2867, Naples), ainsi que Reddé 1986, 537. La seule attestation du substantif dans les sources littéraires impériales se trouve chez Sénèque, où il prend la signification de “chef des rameurs” (Sen., Ep., 56.5).
85 CIL, XIII, 913 (D. 7302 et ILA, Nitiobroges 5 ; cf. AQ 4).
86 Voir Jaczynowska 1978, Ladage 1979 et Ginestet 1991.
87 On connaît des iuuenes Iouenses près de Fauentia, en Émilie (AE, 1957, 138). Jupiter n’était cependant pas la divinité de prédilection pour patronner des associations de jeunesse (Jaczynowska 1978, 56-57 et Ginestet 1991, 170-171 et 294-295).
88 Cf., à titre d’exemple, CIL, VI, 9180 (L. Vettius Rufus, argentario a fano Esquilino) ou 9868 (Q. Cornelius Philomusus, sagarius a theatro Marcelli).
89 CIL, VI, 9136 (D. 7287).
90 Sur les subædiani, voir en dernier lieu Bouet 2001. Il n’est pas besoin de préciser que, contrairement à ce que laisse entendre le commentaire des éditeurs des ILA, le terme fanum n’est en rien un indice que le Jupiter en question était une divinité d’origine indigène. On remarquera en revanche que la déesse Iuuenta, à Rome, était étroitement liée à Jupiter, car elle possédait depuis une date ancienne une chapelle au Capitole, peut-être dans le vestibule de la cella de Minerve (Wissowa, 1912, 128 et 134). On a parfois estimé que l’une des fonctions des associations de jeunesse aurait été de rendre un culte à cette divinité, à l’occasion des Iuuenalia ou du lusus iuenalis (Ladage 1979, passim ; Ginestet 1991, 148-157). Sans vouloir trop pousser le rapprochement au risque de tomber dans la spéculation, ce lien topographique pourrait traduire à Aginum aussi, dans une cité provinciale et pérégrine, le lien privilégié entre Jupiter et la Jeunesse dans le culte romain.
91 J’ai exclu de ce panorama les textes du monde militaire, qui relèvent d’un cadre différent. Ils sont du reste problématiques. Une inscription de Châlons-en-Champagne (Rèmes) pourrait avoir été dédiée par un de ses “collègues” à un circitor d’un numerus Dalmatorum (CIL, XIII, 3457 et AE, 1892, 20). Elle est vraisemblablement postérieure à la période prise en considération dans ce travail. Une seconde inscription, de Bordeaux (CIL, XIII, 595 ; voir désormais ILA, Bordeaux 69), est d’interprétation très conjecturale, bien que C. Jullian et O. Hirschfeld aient lu conm(illitiones) pour désigner les dédicants.
92 On pourrait y ajouter les fabri tignuarii corporati Arelate ou les fabri corporati d’Apt (NA 5 et 9).
93 Christol 2010a, 540-541. Voir déjà, pour la Gaule, Pavis d’Escurac 1990, 111 (sur les questions de dénomination).
94 Cf. les observations sur ce point dans Tran 2006, passim.
95 Voir la documentation rassemblée dans Waltzing 1895-1900, IV, 484-495 (mais beaucoup trop accueillant à mes yeux ; cf. également Perry 1999, 134-159).
96 Voir respectivement CIL, X, 5386 ; InscrAq, 684 et 687 ; CIL, V, 81 (InscrIt, X.1, 155).
97 Petr., 71.6. Le seul point de comparaison est littéraire (1000 pieds sur 300 sur l’Esquilin) : Hor., Sat. 1.8.10.
98 On pourra consulter par exemple Eck 1996 [1997], 241-242 et les contributions rassemblées dans Cresci Marrone & Tirelli 2005.
99 Voir CIL, XII, 22 (D. 7307, Vence) et AE, 1971, 44, avec le commentaire de Panciera [1970] 2006, 173‑182.
100 CIL, XIII, 1734 (LY 1, D. 7263) ne reproduit que la face a.
101 Cf. Waltzing 1895-1900, III, n° 2083, qui reste prudent, mais l’inclut comme tel dans les indices (IV, 485-486). Voir aussi Blanc 1983, 902.
102 Voir CIL, XIII, 1939, 1954, 1966, 1967, 1978, 2029 et 2036. Il faudrait donc comprendre de préférence : “au génie du corpus des fabri et à celui des tectores”.
103 On pourrait néanmoins supposer que la schola se trouvait à proximité d’une zone funéraire (le bloc semble provenir de Saint-Irénée, où se trouvait une partie des nécropoles de la colonie de Lyon). Sur l’emplacement des scholæ, voir Bollmann 1998.
104 Ce genre de tournure est cependant rarissime. Les inscriptions comportant des clauses d’exclusion utilisent plutôt les expressions corpus alienum ou extraneum. Cf. cependant CIL, X, 649 (InscrIt, I.1, 234, Salerne) : fecit… ita ut ne pos(t) morte(m) mea(m) cuiusquam ossua (!) ibi adiciantur.
105 La formule sepulturæ gratia est un hapax. L’épigraphie lui préfère ordinairement sepulturæ causa : CIL, VI, 2183 (D. 4161), 13061 et 14672 (D. 8156).
106 C’est ce qui a conduit Mommsen à restituer custodia en début de ligne.
107 On attendrait plutôt ex testamento consequi, qui est utilisée dans les textes juridiques : cf. par exemple Dig., 29.1.5 (Ulpien), 29.5.26 (Scaevola), 30.1.34.3 (Ulpien) etc.
108 La mention de Claudius Myron par son seul surnom n’est pas évidente, et rien ne dit qu’il s’agissait bien de lui (d’autant que les dédicants de la face A étaient peut-être deux). Pour la cinquième ligne, qui est la dernière, il faut retenir l’hypothèse [- - - san]ctissima d’Allmer, la seule possible, mais dont on saisit mal le contexte d’emploi. Le sens de la face B pourrait donc avoir été : “[- - - que l’on n’introduise] le corps de personne d’autre, sauf pour la sépulture de ceux qui [sont chargés de la garde du tombeau ?] et qui ont reçu le droit d’y accéder et d’y habiter ou de ceux qui pour quelque raison ont obtenu un emplacement de sépulture par le testament de [- - -]”.
109 Voir par exemple, pour Rome, les attestations rassemblées par Gregori 2004.
110 Sur ce point, l’exposé le plus complet demeure Waltzing, 1895-1900, I, 256-299. Cf. aussi Ausbüttel 1982, 59-71.
111 Cette signification ressort d’un texte de Pomponius (Ad Sab. 15 = Dig., 11.7.30 pr.). Pour le funeraticium, voir aussi Schiess 1888, 99-101, qui reste complet.
112 NA 5 et NA 19 (restitué). Pour les autres attestations du terme hors de Rome, voir un texte d’Alburnus Maior entérinant la dissolution d’un collège de cultores de Iuppiter Cernenus (D. 7215a ; cf. IDR, 1, 31 et FIRA2, III, 41) et peut-être une inscription d’Italica (CILA II, 2, 455 : ex funer(aticio uel –e) quot (!) superfuit). À Rome, voir CIL, VI, 9626 (D. 7267) et 10234 (D. 7213, loi du collège d’Esculape et Hygie).
113 CIL, XII, 4159 : D(is) M(anibus) | M(arci) Quieti Se|uerini. Mar|ia Secundina |5 mater de fun|eraticio faceu|ndum (!) curauit.
114 NA 3. Voir aussi *NA 2 et peut-être NA 11, à Vienne. Ce sens élargi est rare, mais trouve des échos dans quelques textes juridiques : ainsi Ulpien, Ad Ed., 25 (Dig., 11.7.14.4 : Impensa peregre mortui quae facta est ut corpus perferretur, funeris est, licet nondum homo funeretur).
115 Voir par exemple CIL, VI, 9289 (æs conlatum), III, 1504 (ad funus… contulerunt à Sarmizégétuse) ou X, 8099 (InscrIt, III.1, 140, Atina : pater fecit ex colatione collegium (!)). Cf. aussi Waltzing 1895-1900, IV, 525. Remarquons que, dans ce cas, collatio ou conferre pourrait aussi se référer à la cotisation mutuelle, puisque c’est le verbe qui est aussi employé, par exemple dans la lex de Lanuuium. Ce mode de financement apparaît également dans la lex familiæ Siluani de Monteleone Sabino (AE, 1929, 161 ; cf. FIRA2, III, 37). Les collegiati devaient verser 8 sesterces au moment de la disparition de l’un des leurs, mais cette somme n’était peut-être destinée qu’à financer la célébration des funérailles. L’avant-dernière clause, qui a été discutée, atteste qu’une somme était donnée à l’héritier en cas de décès. Celle-ci était manifestement l’équivalent du funeraticium des cultores de Lanuuium.
116 CIL, XII, 1911 (ILN, Vienne 122 ; cf. NA 11).
117 Waltzing 1895-1900, IV, 523.
118 NA 9. Cf. CIL, VI, 6719, où est mentionné un décret des décurions du collège, ce qui suggère un cas exceptionnel. On trouve également la formule pecunia sua : CIL, V, 4504 (InscrIt, X.5, 933, à Brescia).
119 ILN, Vienne 678 (NA 16).
120 Je renvoie de nouveau à la contribution de N. Tran dans ce volume.
121 On peut citer avec Waltzing 1895-1900, IV, 525 un texte de Rome où la formulation est peu banale (CIL, VI, 6869 : ex publico et ex sodalicio). Le second texte allégué, CIL, VI, 4496 (D. 7883a, de publico) n’est pas nécessairement funéraire (dédicace au datif seul).
122 Sur cette gens, voir Wierschowski 1993. Les deux défuntes, Titia Dorcas et Titia Chelido, pourraient avoir été d’origine servile, si du moins on prend leur surnom en considération.
123 NA 20. Voir Christol [2003] 2010, 522.
124 Cf. Christol [2003] 2010, 521, qui s’appuie en particulier sur l’inscription de Tresques, où est honoré un magister du collège des centonaires.
125 Voir ainsi NA 4, 5, 7, 8, 9, 10, 16, 17, 19 et AQ 5 (en ne tenant compte que des attestations assurées).
126 Ulpien, Ad Ed., 25 (Dig., 11.7.2.4) : Funus autem eum facere oportet, quem decedens elegit : sed si non ille fecit, nullam esse huius rei poenam, nisi aliquid pro hoc emolumentum ei relictum est ; tunc enim, si non paruerit uoluntati defuncti, ab hoc repellitur. Sin autem de hac re defunctus non cauit, nec ulli delegatum id munus est, scriptos heredes ea res contingit; si nemo scriptus est, legitimos uel cognatos quosque suo ordine quo succedunt.
127 CIL, XIV, 2112, II, 2-3 : Si quis intestatus decesserit, is arbitrio quinqu(ennalis) et populi funerabitur. Voir aussi I, 34 – II, 1 et I, 22-24. Cf. AE, 1929, 161, l. 16-20.
128 C’est le cas par exemple de la lex collegii de Lanuuium, où sont évoquées les dispositions prises par des esclaves dans des tabellae (CIL, XIV, 2112, II, 4-5) : voir Mommsen 1843, 102.
129 L’hypothèse avait déjà été formulée par Waltzing 1895-1900, I, 272. Cf. aussi Mommsen 1843, 100-103. Une disposition testamentaire pourrait ainsi expliquer pourquoi les lapidarii Almaticenses à Arles (NA 3) ont érigé un monument non seulement à Sex. Iulius Valentinus, qui était probablement un des leurs, mais aussi à son épouse, Pompeia Gratina. Notons aussi que la somme dépensée pour la pierre tombale apparaît quelquefois comme le reliquat de ce qui fut engagé pour les funérailles (NA 3 et NA 5).
130 On peut toujours consulter les listes dressées par Waltzing 1895-1900, IV. Cf. aussi les recensions établies par Perry 1999. Il compte une quinzaine de documents pour l’ensemble de la péninsule Ibérique, et un peu plus d’une douzaine pour la Pannonie, dont la majorité provient d’Aquincum. La Narbonnaise se révèle donc plutôt bien lotie et, comme souvent, se rapproche très nettement de ce que l’on trouve en Italie même.
131 Voir à titre d’exemple Waltzing 1895-1900, III, 520-692. Les découvertes ultérieures n’ont guère modifié cette tendance.
132 NA 24, 13 et 10.
133 Sur la législation et le droit des associations, la bibliographie est pléthorique. Je me contenterai de renvoyer ici aux études traditionnelles qui présentent les états de la question les plus complets : outre Mommsen 1843, qu’il faut toujours consulter, voir Waltzing 1895-1900, I, 114-160, De Robertis 1938 (dont la substance est reprise dans les travaux ultérieurs, y compris De Robertis 1971), Ausbüttel 1982, 22-29 et, en dernier lieu, avec quelques considérations intéressantes, Randazzo 1991-1992 et 1998.
134 Voir Arnaoutoglou 2002 (pour l’Asie mineure), de Ligt 2001 et surtout Liu 2005.
135 135 Marcien, Inst., 3 (Dig., 47.22.1 pr.). Cette question fait actuellement l’objet d’un nouvel examen à la lumière de documents inédits d’Ostie. Voir Laubry 2010 et surtout Laubry & Zevi 2010.
136 Hatt [1951] 1986, notamment p. 83.
137 LY 3. Cf. Christol 2010a, 544.
138 Ainsi, T. Craxxius Seuerinus à Tresques (NA 19 : cf. Delamarre 2007, 77 et 218, mais qui ne recense pas ce texte) ou Moccia Seuerina à Beaucaire (NA 20 ; Delamarre 2007, 134).
139 Si du moins on doit considérer qu’un surnom de racine grecque est l’indice d’une origine servile : Cornelius Phœnix (NA 9), Titia Chelido (NA 15) et Titia Dorcas (NA 16).
140 Pérégrins : Ianuaris (AQ 5) et probablement Cinges (LY 3). Ermia (NA 7) était manifestement un esclave. Le cas de Maximinus de Rochemaure est plus douteux (NA 17), tout comme celui du dédicataire de l’inscription des pausarii d’Arles (NA 4) : on peut comprendre aussi bien Maximinius Festus (un citoyen, donc), que Maximinus, fils de Festus.
141 Cf. Wierschowski 1993.
142 Van Nijf 1997, 31-69, en particulier 31-33.
143 Cette idée est fort répandue dans les études modernes : voir par exemple Waltzing 1895-1900, I, 256-257.
144 Cf. Ausbüttel 1982, 44 et Patterson 1992, 17, suivis par Van Nijf 1997, 32. Cf. également Whittaker [1989] 1992, 354.
145 Hopkins 1983, 212.
146 Perry 1999, 163-190.
147 Mommsen 1843. C’est aussi ce qui ressort de l’examen d’un fragment de loi de collège inédit d’Ostie : cf. Laubry & Zevi 2010.
148 Sur ces aspects, on se contentera de renvoyer en bloc aux études de Van Nijf 1997 et Tran 2006.
149 Cf. aussi en ce sens Christol 2010b, 405.
150 Pour laquelle nous sommes également tributaires de l’épigraphie et des modes locales de formulaire. Je me permets de renvoyer sur ce point à Laubry 2009, 486-525.
151 Mac Mullen 1966, 174. Jullian [1920-1926] 1993, 787-795 partageait cette impression.
152 Jullian [1920-1926] 1993, 787 ; Hatt [1951] 1986, 83. En dernier lieu Kneissl 1998, 431 et 447.
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