Polybe source de Cassius Dion ? Bilan d’une aporie
p. 159-177
Texte intégral
1Trois siècles et demi séparent Dion de Polybe. Il serait vain de chercher des idées ou des formulations de l’un reprises par l’autre. Dion ne saurait avoir les mêmes structures mentales, la même représentation du monde et de l’histoire, la même langue et le même style que Polybe. En revanche, il n’est pas impossible que Dion ait trouvé dans Polybe des informations susceptibles de l’intéresser. Quoi qu’il en soit, dans le cadre d’une monographie consacrée à Dion, il n’est pas possible de ne pas se poser la question de la récriture de Polybe par Dion et de ne pas rouvrir le dossier de la relation entre les deux œuvres.
2Même si Polybe n’est jamais nommément cité par Dion dans ce qui reste de l’Histoire romaine, la présomption est très forte que Dion ait sinon récrit, du moins lu Polybe. Il déclare lui-même au début de son œuvre : “Quoique j’aie lu pour ainsi dire tout ce qui a été écrit par quiconque au sujet de ces événements, je n’ai pas tout consigné, mais seulement ce que j’ai sélectionné”1. De même, il déclare vers la fin de son œuvre : “J’ai passé dix ans à rassembler tous les hauts faits des Romains, à partir du commencement et jusqu’à la mort de Sévère”2. Or Polybe est une source de premier ordre pour la Rome médio-républicaine, de 220 à 146, sinon même de 264 à 146.
3Mais la recherche des sources a, depuis belle lurette, montré ses limites. F. Millar lui-même, il y a cinquante ans, en faisait déjà le constat3. Le fait que deux historiens rapportent la même version d’un même événement ne prouve pas que le second connaît le premier ; et, inversement, le fait que deux historiens donnent deux versions différentes d’un même événement ne prouve pas que le second ne connaît pas le premier. De la même manière, le fait qu’un historien cite nommément un autre historien ne prouve pas que le second connaît le premier, car il a pu se servir d’une source intermédiaire ; et, inversement, le fait qu’un historien ne cite pas nommément un autre historien ne prouve pas que le second ne connaît pas le premier. Ainsi le fait que Dion ne cite jamais nommément Polybe ne prouve rien, ni qu’il connaît ni qu’il ne connaît pas Polybe. Les historiens anciens ont d’ailleurs tendance à citer nommément les historiens qu’ils ne suivent pas et contre qui ils polémiquent, mais à ne pas citer nommément les historiens qu’ils suivent sans polémiquer.
4En ce qui concerne Dion et Polybe, la tâche qui consiste à démêler ce qu’il y a de l’un chez l’autre est rendue encore plus délicate par le fait que leurs œuvres sont maintenant en bonne partie fragmentaires. Polybe faisant l’histoire du monde de 220 à 146, c’est pour ces soixante-quinze années seulement qu’il a pu servir de source à Dion. Or il ne reste qu’un seul livre de Polybe transmis intégralement par la tradition, à savoir le livre 3, qui soit concerné. Il fait l’histoire du début de la deuxième guerre punique, de 220 à 216. Et les livres de Dion correspondant à ces soixante-quinze années, soit les livres 134 à 21, sont tous fragmentaires et/ou résumés par Zonaras. Il est vrai que les deux premiers livres de Polybe qui constituent la προκατασκευή, c’est-à-dire l’introduction des Histoires, ont pu aussi servir de source à Dion en amont, pour les années 264 à 220, et tout particulièrement pour la première guerre punique, la guerre des Mercenaires, la première guerre d’Illyrie, la conquête de la péninsule Ibérique par les Barcides et les guerres gauloises. Or il se trouve que les livres 1 et 2 de Polybe, à l’instar du livre 3, ont été transmis intégralement par la tradition. Mais les livres de Dion correspondant à ces quarante-cinq années, soit les livres 11 et 12, sont, tout comme les livres 13 à 21, fragmentaires et/ou résumés par Zonaras. Quoi qu’il en soit, il est évident qu’on devra privilégier l’étude des livres 1 à 3 de Polybe et donc les livres 11 à 15 de Dion qui leur correspondent, si l’on veut avoir quelque chance d’obtenir un résultat.
5La recherche des sources est d’autant plus vaine et frustrante que les œuvres ont été transmises à l’état fragmentaire par la tradition, état presque intégralement fragmentaire dans le cas de Polybe et intégralement fragmentaire dans le cas de Dion. Mais, en outre, les fragments ne constituent jamais des citations parfaitement authentiques, ils sont toujours retouchés, ne serait-ce qu’au début et à la fin, par les excerpteurs byzantins en fonction de tel ou tel usage, de sorte que le philologue est constamment déçu dans ses attentes : là où il cherche l’accord entre les sources, il ne trouve que le désaccord, là où il cherche un point de rencontre entre des œuvres, des auteurs, il ne trouve, la plupart du temps, que divergence totale5.
6Dans un premier temps, on dressera un état de la question et, dans un deuxième temps, on procédera à des carottages dans les deux œuvres et on comparera les échantillons prélevés, pour jouer au jeu des différences ou trouver, éventuellement, des points communs.
7Déceler ce qu’il y a de Polybe chez Dion apparaît comme une mission impossible. C’est ce qu’E. Schwartz semble explicitement confirmer, lui qui, à la toute fin du xixe s., en pleine vogue de la Quellenforschung, s’évertuant à confronter les deux œuvres à coup de sondages précis et rigoureux, conclut avec prudence que, la plupart du temps, Dion n’a pas utilisé Polybe, et que, si, dans quelques cas, il s’en est servi, c’est indirectement, par le biais de sources intermédiaires6. En outre, c’est ce que K. Ziegler semble implicitement confirmer, au milieu du xxe s. : s’intéressant au Nachleben de Polybe, il dresse une liste abondante d’auteurs tant grecs que latins, mais dans laquelle il n’est fait aucune mention de Dion7.
8N. Vulic a confronté, dans la première moitié du xxe s., les sources pour l’histoire de la première guerre illyrienne, notamment Polybe, Appien et Dion. Constatant qu’elles ne s’accordent pas sur les points essentiels, il conclut qu’Appien et Dion remontent à un auteur commun qui dépendrait lui-même de Polybe et d’une autre source indépendante de la tradition polybienne8. Comme à l’ordinaire en matière de Quellenforschung, l’hypothèse demeure indémontrable. On serait tenté de demander quel auteur et quelle œuvre. Mais, quand bien même on aurait un nom et un titre, tant que l’on n’a pas le texte lui-même, on n’est pas plus avancé. M. Zahrnt, il y a quelques années, s’est posé la même question. Constatant que Polybe, Appien et Dion tantôt se recoupent, tantôt se complètent, tantôt se contredisent, conclut que Dion opérerait une synthèse entre trois sources, à savoir premièrement Polybe, qui suivrait Fabius Pictor, deuxièmement Appien, qui suivrait une source grecque non identifiée, plus ancienne que Polybe et même que Fabius Pictor, troisièmement la tradition annalistique romaine9. Une hypothèse qui est à ce point complexe, subtile, et qui, comme celle de N. Vulic, ne peut se passer de recourir à un élément inconnu ne laisse pas d’instiller le doute, et l’on demanderait volontiers si Dion ne disposait pas de quatre sources ou même davantage, s’il s’est vraiment gardé de choisir entre les trois mentionnées, si, pressé par le temps comme il l’était en raison de l’ampleur de sa tâche, il pouvait vraiment se permettre de faire la synthèse de trois sources à la fois, et ce, pour une guerre qui n’était pas la plus importante que Rome ait menée.
9G. De Sensi10, dans la deuxième moitié du xxe s., a comparé les deux auteurs à propos de l’affaire des Mamertins, laquelle se trouve être à l’origine de la première guerre punique. Il a montré combien ils diffèrent l’un de l’autre et conclu qu’ils ne suivent pas les mêmes sources. La version ambiguë de Polybe (1.10) contraste avec le récit plus linéaire de Dion : tandis que, chez Dion, les Mamertins appellent les Romains au secours contre Hiéron, chez Polybe, ils appellent au secours à la fois les Romains et les Carthaginois. Après avoir suivi Fabius Pictor jusqu’à 1.11.3, Polybe utiliserait ensuite la même source que Diodore, à savoir Philinos.
10B. D. Hoyos11, à la toute fin du xxe s., comparant toutes les sources relatives aux origines de la première et de la deuxième guerres puniques, et jugeant de leur fiabilité et de leur vraisemblance respectives, constate, entre autres choses, les contradictions entre Polybe et Dion, et met en valeur, en particulier, les éléments qui se rencontrent chez l’un et non chez l’autre ; mais, dans tel cas, à savoir les batailles livrées hors de Messine, en 264, par le consul Ap. Claudius Caudex, il prétend que l’opposition est plus superficielle que profonde.
11B. Bleckmann12, au tout début du xxie s., étudiant les sources relatives à la première guerre punique, oppose avec insistance Polybe et la tradition annalistique, représentée, en particulier, par Dion, qu’il cherche à réévaluer face à Polybe. Il propose, entre autres, les cas suivants : l’image héroïque d’Amilcar Barca est polybienne et non pas dionienne (p. 39) ; l’idée que les Romains font la guerre non seulement aux Carthaginois, mais aux Grecs (de Sicile) n’est pas polybienne, mais dionienne (p. 40) ; le “mythe” de Regulus ne se rencontre pas chez Polybe, parce qu’il n’existe pas encore, tandis qu’il se rencontre chez Dion qui le trouve dans la tradition annalistique récente (p. 42-43). Selon Dion – ainsi que selon Naevius –, en 263, les consuls romains, M’. Valerius Messala et M’. Otacilius Crassus, opèrent, un certain temps, séparément, ce dont Polybe ne parle pas13. De même, de nombreuses informations se rencontrent chez Dion – ainsi que dans les Fastes triomphaux –, mais non chez Polybe14. À plusieurs reprises, Dion permet de compléter ou de corriger Polybe15. Certes B. Bleckmann, à un moment, nuance son propos en déclarant que, souvent, ce sont les mêmes sources qui sont utilisées par Polybe et par Dion, mais, simultanément, il reconnaît que ces sources ne sont guère identifiables et, du reste, il ne donne aucun exemple de parallèle entre les deux auteurs16. Ce qu’il fait essentiellement ressortir, ce sont les contradictions entre Polybe et Dion. Il montre, par exemple, avec insistance combien les versions des deux auteurs concernant le commandement des consuls romains, C. Duilius Nepos et Cn. Cornelius Scipio – en particulier à la bataille navale de Mylai –, en 260, sont différentes, en faisant valoir, entre autres choses, que Polybe a un parti pris pro-Scipion, ce qui n’est pas le cas de Dion17.
12Il y a quelques années, B. Simons18 a rouvert le dossier et abouti à des conclusions qui ne sont guère positives. Tous les exemples analysés révèlent un décalage constant entre Polybe et Dion. À propos des quartiers d’hiver d’Antiochos III à Chalcis en 19119, B. Simons montre que les deux historiens condamnent certes les effets délétères du luxe, mais pour des raisons différentes20. Polybe, suivi par Diodore21, critique Antiochos III politiquement et militairement, dans une perspective purement pragmatique. Tite-Live22 critique le roi d’un point de vue pragmatique et d’un point de vue éthique, en stigmatisant le relâchement de la discipline. Il suivrait donc deux sources contradictoires : Polybe et Valerius Antias. Dion, lui, critique le roi d’un point de vue éthique exclusivement. Il suivrait donc une seule source : Valerius Antias. À propos de la campagne de Cn. Manlius Vulso en Asie, en 19023, B. Simons fait le même raisonnement24. Par rapport à Polybe, on trouve chez Tite-Live25 des convergences et des divergences. Il suivrait donc deux sources à la fois : Polybe et Claudius Quadrigarius ou Valerius Antias. En revanche, Dion ne présente que des différences : il suivrait donc seulement un annaliste. Et il en va de même de la campagne du jeune Scipion en Ibérie, en 20926. Polybe a des préoccupations rationalistes et critiques. Tite-Live27 a les même préoccupations, mais vise tout autant la louange et la glorification. Il suivrait donc en même temps deux sources, Polybe et un annaliste. Dion évacue tout élément rationaliste et critique, ne se soucie que d’éloge et d’honneur. Il suivrait donc uniquement un annaliste, tel Valerius Antias28. Dans un autre registre, B. Simons étudie la caractérisation d’Hannibal, puis celle de l’Africain29. Elles ne se ressemblent nullement, de sorte que B. Simons exclut toute influence de Polybe. Selon lui, l’image négative de ces personnages serait due à Coelius Antipater et l’image positive à un auteur d’obédience stoïcienne30. De la même façon, l’image idéalisée de Scipion Émilien31, tout à la fois sage et chef, remonterait non pas à Polybe, mais à Poseidonios ou une source stoïcienne dépendant de lui32.
13Dernièrement, G. Urso a fait le même type de constat. En ce qui concerne la guerre d’Achaïe, il démontre que Dion33 n’a pas utilisé Polybe34. Dans l’ensemble, Polybe, qui a un point de vue achéen, considère l’intervention romaine en Achaïe et à Corinthe comme un conflit mondial, comparable à la guerre d’Afrique, qui se déroule au même moment, tandis que Dion, qui a un point de vue romain, en fait un conflit régional, qui n’a aucune commune mesure avec la troisième guerre punique, Dion reproduisant certainement avec fidélité l’opinion de la classe dirigeante romaine concernant les événements de 147, ce qui n’est pas le cas de Polybe35. À la différence de son devancier, Dion n’est pas intéressé par le détail des tractations diplomatiques. Pour ce qui est de l’ambassade conduite par L. Aurelius Orestes, Polybe36 nie l’historicité de l’agression contre les envoyés romains, alors que Dion y croit. L’un comme l’autre suivent une tradition qui remonte à une source contemporaine des événements, puisque Polybe en fait la critique37. Dion va même jusqu’à parler d’une fuite éperdue des envoyés romains, ce qui ne se rencontre chez Polybe ni explicitement ni implicitement38. Quant au but de cette ambassade, il s’agit, selon Polybe, simplement de faire peur aux seuls Achéens pour les dissuader d’adopter une attitude arrogante, sinon hostile, et ce, sans aucune intention de leur faire la guerre, mais, selon Dion, de diviser les Grecs – en dissolvant la confédération achéenne – pour mieux les dominer39. L’explication fournie par Dion remonterait à une source contemporaine des événements, puisque Polybe polémique contre elle40. En retour, la Confédération achéenne envoie au Sénat une ambassade, conduite par Théaridas, le frère de l’historien. Selon Polybe, la délégation ne parvient pas à Rome, car, en chemin, elle rencontre une autre ambassade romaine, conduite par Sex. Iulius Caesar, qui lui enjoint de retourner en Achaïe, tandis que, selon Dion, elle va jusqu’à Rome41. Le but de l’ambassade envoyée par les Achéens semble a priori identique chez les deux auteurs : selon Polybe, il s’agit de s’excuser auprès des Romains, mais de rétablir la vérité concernant la pseudo-agression, qui n’était en fait que verbale, et selon Dion, il s’agit de se défendre contre les accusations. Mais cet accord entre l’un et l’autre n’est que de pure forme et masque à peine un désaccord de fond : en réalité, le premier cherche à dédramatiser l’incident initial, alors que le second dramatise à outrance. Si Polybe et Dion font tous deux référence à la troisième guerre punique qui se déroule au même moment en Afrique, seul Dion fait référence à la situation en Macédoine42. La réponse des Romains, Sex. Iulius Caesar et les autres legati, chez Polybe, Sénat, chez Dion (qui d’ailleurs ne nomme nulle part ni à aucun moment Sex. Iulius Caesar) est plutôt conciliante chez l’un comme chez l’autre, mais il y a des variations : chez Polybe, les Romains font quelques reproches, puis invitent les Achéens à ne pas écouter les mauvais conseils, à ne pas se précipiter inconsidérément dans le conflit ouvert avec Rome, à trouver un remède à leurs erreurs en identifiant les fauteurs de trouble, responsables de l’incident ; chez Dion, les Romains promettent l’impunité aux Achéens, s’ils ne provoquent plus de désordres. Enfin, Dion omet un certain nombre de détails qui se trouvent chez Polybe, comme par exemple le rôle joué alors par Critolaos, le nouveau stratège de la Confédération, etc.43.
14Les Modernes sont donc plutôt réservés quant à l’utilisation de Polybe comme source par Dion. Mais il importe d’examiner maintenant soi-même la question.
15Ce qui frappe le lecteur, dès le premier abord, ce sont les différences entre les deux œuvres infiniment plus que les similitudes. Les exemples fourmillent. Il serait possible d’en donner des dizaines et même des centaines.
16Si l’on prend ne serait-ce que celui de l’affaire des Mamertins, à l’origine de la première guerre punique, on constate une multiplication des divergences44.
Le commandant de la garnison carthaginoise de Messine demeure anonyme chez Polybe, mais s’appelle Hannon chez Dion.
Il est tout simplement chassé de la citadelle avec ses hommes par les Mamertins, selon Polybe ; suivant Dion, s’il est chassé par les Mamertins, c’est suite aux menées du Romain Gaius Claudius, tribun de la plèbe, qui fait plusieurs fois la traversée du détroit45.
Une fois de retour à Carthage, le chef punique est crucifié, si l’on en croit Polybe ; en revanche, Dion parle de châtiment infligé, sans préciser lequel.
Les troupes romaines “campent au Pélorias”, d’après Polybe, qui ne fait pas de description topographique, tandis que Dion en fait une, mais ne nomme pas le lieu46.
17Voici maintenant un échantillon d’exemples empruntés à la première guerre punique proprement dite (264-241).
Dion (apud Zonar. 8.10.7) relate le massacre de mercenaires gaulois par Amilcar, en 261‑260, or il n’en est pas question chez Polybe (1.20.6)47.
En 259, le consul C. Duilius Nepos apprend le désastre de son collègue Cn. Cornelius Scipion, alors qu’il a déjà pris son commandement en Sicile et laissé ses légions à ses tribuns militaires, selon Polybe (1.22.1 ; 1.23.1), alors qu’il est encore à Rome et transmet le pouvoir au praetor urbanus, suivant Dion (apud Zonar. 8.11.1).
Le général punique Hannibal, suite à sa défaite en Sardaigne, en 258, retourne à Carthage, mais, d’après Dion (11 fr. 43.18 ; Zonar. 8.11.4), il trouve le moyen d’échapper à la punition, ce dont Polybe (1.24.5-7) ne fait pas état ; et, toujours d’après Dion, suite à la bataille navale de Mylai, Hannibal est massacré par ses propres troupes mutinées contre lui, ce dont Polybe ne fait pas état non plus48.
À la tête de la flotte romaine, en 257, il n’y a qu’un consul, selon Polybe (1.25.1), les deux consuls, suivant Dion (apud Zonar. 8.12.7).
En 256, d’après Polybe (1.31.4-5), qui suit une source historiographique carthaginoise, c’est C. Atilius Regulus qui prend l’initiative de la paix, mais, d’après Dion (apud Zonar. 8.13.4), qui suit la tradition annalistique romaine, ce sont les Carthaginois harassés par la guerre49 ; et Dion (11 fr. 43.22-23) est la seule source qui rapporte les conditions de la paix50.
La victoire romaine à la bataille navale du cap Hermaia, en 255, est présentée comme immédiate et facile par Polybe (1.36.11-12), mais non par Dion (apud Zonar. 8.14.2) qui parle d’ ἰσχυρὰ ναυµαχία, et qui ajoute par ailleurs la relation de succès romains dans des combats terrestres51.
Pour l’attaque de Panormos par les Romains, en 254, certes l’un et l’autre auteurs52 prétendent que les deux consuls opèrent ensemble et qu’un seul obtient le triomphe, mais il n’y a que Dion qui décrive l’assaut53 ; et, toujours d’après Dion, les Romains s’emparent ensuite de diverses places dont Cossyra, ce dont Polybe ne parle pas.
Quant à la bataille de Panormos elle-même, en 250, les deux auteurs décrivent différemment les opérations, Polybe (1.40.6-16) montrant leur aspect efficace, Dion (apud Zonar. 8.14.8-12) leur aspect sensationnel ; en outre, Polybe ne mentionne pas le nombre total d’éléphants capturés, tandis que Dion indique la somme de 12054 ; enfin, Polybe ne dit rien de leur transport à Rome, tandis que Dion est la seule source à décrire les radeaux, qui ont un plancher recouvert de terre et sont ceints d’une clôture recouverte de feuillage dissimulant la mer aux éléphants.
À Lilybée, en 250, Polybe (1.47.10) appelle le chef punique Hannibal et place la capture du vaisseau avant l’arrivée de Claudius Pulcher, tandis que Dion (apud Zonar. 8.15.13) appelle le chef carthaginois Hannon, place la capture du vaisseau après l’arrivée de Claudius Pulcher et ajoute que le “vaisseau d’Hannon” va servir de modèle aux Romains.
À propos du naufrage des flottes romaines dans la tempête, en 248, les deux auteurs55 diffèrent, Dion ajoutant que le chef romain Junius est lui-même capturé, qu’il y a un échange de prisonniers en 247, toutes choses qui n’existent pas chez Polybe.
À propos des événements de 246, les deux auteurs56 diffèrent de même, Dion ajoutant qu’Amilcar succède à Carthalon à la tête des opérations et, à son arrivée en Sicile, réprime une révolte de mercenaires.
18Si l’on prend maintenant l’exemple des conséquences de la victoire romaine, à l’issue de la première guerre punique, on ne trouve pas davantage de convergences entre les deux auteurs.
L’annexion de la Sardaigne par les Romains, en 238, est présentée par Dion (12 fr. 46.1 ; Zonar. 8.18.9) comme une compensation à la capture, par les Carthaginois, d’Italiens qui ont livré des vivres et des armes aux rebelles au cours de la guerre des Mercenaires, et la déclaration de guerre est présentée par lui comme une obligation pour les Romains, quand les Carthaginois ont équipé une flotte pour recouvrer l’île. Mais cette thèse de la propagande sénatoriale romaine est combattue par Polybe (1.83.5-11 ; 3.28.1-4).
En ce qui concerne l’entreprise barcide dans la péninsule Ibérique, selon Polybe (2.1.5), Amilcar projette d’utiliser les ressources de ces contrées pour servir sa revanche sur Rome57, mais, suivant Dion (apud Zonar. 8.17.10), qui, comme d’autres sources58, suit la tradition annalistique romaine, Amilcar partirait pour l’Espagne sans le consentement du gouvernement carthaginois59.
19Voici un autre échantillon d’exemples empruntés, cette fois, à la première guerre d’Illyrie (231-228).
Le “roi Agron” est certes mentionné par les deux auteurs, mais Polybe (2.2.4) en fait le roi des Illyriens et Dion (12 fr. 49.2 ; Zonar. 8.19.1) le roi des Ἀρδιαῖοι, peuple auquel appartient la famille royale60.
Polybe (2.4.7) fait de Teuta l’unique femme et le successeur d’Agron, tandis que Dion (12 fr. 49.3 ; Zonar. 8.19.3), qui suit de toute évidence une tradition indépendante de Polybe, en fait la première femme d’Agron, puis la régente du royaume et la tutrice de Pinnès, le fils d’Agron et de Triteuta, la deuxième femme du roi, qui épousera ensuite Démétrios de Pharos61, lequel renforcera son pouvoir en épousant justement Triteuta et en devenant tuteur de Pinnès, à la mort de Teuta ; mais, convergence entre les deux auteurs, la politique suivie par Teuta est expliquée par ses caractéristiques “féminines”, à savoir l’excès d’émotivité et le manque de raison62.
La version de Polybe (2.8.5), selon qui Teuta met le siège devant Issa, parce que cette cité est la seule qui résiste encore à son autorité, diffère de celle de Dion (12 fr. 49.1-2 ; Zonar. 8.19.3)63, qui raconte comment la population d’Issa, maltraitée précédemment par Agron, s’était livrée à Rome.
Mais, par ailleurs, sans être tout à fait incompatibles, les deux versions se complètent l’une l’autre dans quelques cas, Dion, en l’occurrence, permettant d’éclairer Polybe. Ainsi en est-il de l’expression τοὺς εἴσω τόπους τῆς Ἰλλυρίδος (Plb. 2.11.10), qu’il faut interpréter non pas comme “les districts de l’intérieur”, mais, à la lumière de τὰ χωρία …τὰ πάραλα (C.D. apud Zonar. 8.19.6), comme les districts les plus reculés, au bord de la mer Adriatique64. De même, ὠφέλεια, dans l’expression ἀποκοµιζόντων … ὠφέλειαν, chez Polybe (2.11.14), désigne le butin, ce que confirme le texte de Dion (apud Zonar. 8.19.6), πλοῖα αὐτῆς κατασχόντων µετὰ χρηµάτων ἐκ Πελοποννήσου προσπλέοντα. On ne peut pas en conclure pour autant que Polybe serait l’une des sources de Dion, car certaines sources intermédiaires ont été perdues, comme la deuxième décade de Tite-Live, tout particulièrement.
20Voici maintenant un échantillon d’exemples empruntés aux guerres gauloises.
Polybe (2.21.1-6) compte une seule campagne contre les Gaulois à Ariminum, en 237, alors que Dion (apud Zonar. 8.18.2 ; 8.18.4-6) en compte trois, de 238 à 236, et donne des détails qui n’existent pas chez Polybe : lors de la première campagne, tandis que le consul Ti. Sempronius Gracchus bat les Ligures et ravage leurs territoires, le consul P. Valerius Falto est d’abord battu par les Gaulois, après quoi, il reçoit des renforts et prend sa revanche ; lors de la dernière campagne, les Boïens exigeant l’évacuation d’Ariminum par les Romains, ceux-ci temporisent en les renvoyant devant le Sénat, qui rejette leur demande.
D’après Polybe, les Boïens, hostiles à la guerre contre les Romains et à l’alliance de leurs chefs avec d’autres Gaulois, se soulèvent, mettent à mort leurs rois Atis et Galatos, livrent une bataille rangée aux Transalpins, de sorte que la légion romaine expédiée en direction d’Ariminum, découvrant que les Gaulois se sont entre-tués, fait demi-tour ; en revanche, d’après Dion, les Transalpins, lassés des atermoiements et redoutant les Romains, s’en prennent à leurs alliés Boïens, et il s’ensuit alors une bataille et un carnage entre Gaulois65.
Lors de l’invasion des Cisalpins et de leurs alliés Gésates, en 225, Polybe (2.23.6) rapporte que l’un des consuls, C. Atilius Regulus66, est parti pour la Sardaigne avec ses légions ; Dion (apud Zonar. 8.19.10) fait d’état d’un soulèvement de la Sardaigne provoqué par la présence permanente d’un préteur romain.
Les deux récits de la bataille de Télamon, la même année 225, ne présentent aucun point commun, hormis la mort du consul C. Atilius Regulus, mais, il est vrai, dans des circonstances extrêmement différentes : selon Polybe (2.28.10), le consul périt dans un combat de cavalerie, au sommet d’une colline, avant la bataille proprement dite, puis sa tête est coupée et portée aux rois gaulois ; en revanche, suivant Dion (apud Zonar. 8.20.1), les Gaulois, pris de panique à cause d’une violente tempête qui s’est levée au cours de la nuit, s’enfuient et sont poursuivis par Regulus, lequel est défait par leur arrière-garde et trouve la mort dans ce combat67.
Polybe (2.31.5-6) mentionne le triomphe de l’autre consul, L. Aemilius Papus, le vainqueur de Télamon ; Dion (12 fr. 50.4 ; Zonar. 8.20.2) en fait autant, mais relate, en outre, l’anecdote suivante : le consul se moque des Gaulois qui se sont juré de ne pas ôter leurs cuirasses tant qu’ils n’auraient pas pénétré dans le Capitole68, serment qu’ils sont amenés à respecter, mais en tant que captifs lors de son triomphe.
Les deux récits de la bataille contre les Insubres, en 223, sont très différents, Polybe (2.33) parlant armement et tactique, Dion (apud Zonar. 8.20.4-7) décrivant les prodiges qui précèdent la rencontre et mentionnant une lettre de rappel adressée aux consuls par le Sénat avant la bataille, mais demeurée cachetée jusqu’après la bataille ; le seul point de contact entre les deux auteurs est la critique du consul de tendance populaire, C. Flaminius69, mais pour son imprudence et son incompétence chez Polybe, pour son insubordination et son impiété chez Dion, qui rapporte que le triomphe lui est refusé, dans un premier temps, par le Sénat, mais octroyé, dans un second temps, par le peuple.
Milan est prise en 222, par le consul Cn. Cornelius Scipio70, selon Polybe (2.34.15) qui fait partie du cercle des Scipions, par le même et par l’autre consul, M. Claudius Marcellus, venu à la rescousse, suivant Dion (apud Zonar. 8.20.8-9)71.
21Voici maintenant un échantillon d’exemples, empruntés aux origines de la deuxième guerre punique.
En ce qui concerne les causes de la guerre et les responsabilités respectives des Romains et des Carthaginois, Polybe (3.9.6-10.7) a une position relativement modérée et nuancée : pour lui, la cause première est le ressentiment d’Amilcar provoqué par la défaite de Carthage à l’issue de la première guerre punique, en 241, mais, plus encore, par l’annexion de la Sardaigne, en 238, et l’imposition d’un second tribut, d’un montant de 1200 talents, par Rome, qui profite de ce que Carthage est alors en guerre contre ses mercenaires, et c’est la nécessité de trouver de quoi financer de telles sommes qui va amener Amilcar à entreprendre la conquête de l’Ibérie, conquête poursuivie par son gendre Asdrubal, puis par son fils Hannibal ; en revanche, Dion (apud Zonar. 8.21.4), qui a un parti pris résolument pro-romain, rejette toute la responsabilité sur Hannibal qui s’empare de Sagonte en 219.
Polybe (3.8.6-11) critique l’historien Q. Fabius Pictor, qui prétend qu’Hannibal agit isolément et contre l’avis de Carthage, car, selon lui, le fait que les Carthaginois aient refusé de livrer Hannibal aux Romains prouve qu’il n’y avait aucun désaccord entre Hannibal et ses compatriotes et même, qu’il était soutenu par eux ; Dion (apud Zonar. 8.21.9), au contraire, montre un sénat divisé entre deux factions rivales, anti- et pro-barcides72.
D’après Polybe (3.15.2), les Romains, alertés par les Sagontins qui se sentent menacés, envoient des ambassadeurs à Hannibal, à l’automne 220, après la campagne victorieuse d’Hannibal en Ibérie, mais avant l’agression contre cette cité, et Hannibal leur accorde une audience ; d’après Dion (apud Zonar. 8.21.8), le siège de Sagonte est déjà commencé quand les ambassadeurs arrivent, et Hannibal leur refuse toute audience73.
22Les deux récits de la chute de Sagonte sont très différents : Polybe (3.17) s’en tient à l’exposé des calculs tactiques d’Hannibal, tandis que Dion (apud Zonar. 8.21.10-12) multiplie les anecdotes74.
Selon Polybe (3.20.1-5), une fois Sagonte tombée, les Romains sont unanimement pour la guerre ; suivant Dion (13 fr. 55.1 ; 55.2 ; 55.3 ; 55.3a ; 55.3b-5 ; 55.6 ; 57.12 ; 55.7 ; 55.8 ; Zonar. 8.22.1-3), ils sont divisés, et avant et après la chute de Sagonte, ce que révèle le débat entre
L. Cornelius Lentulus qui veut la guerre et Q. Fabius Maximus qui cherche encore à négocier75.
D’après l’un et l’autre auteurs, Rome envoie immédiatement des ambassadeurs à Carthage, Polybe (3.20.6-8) ne donnant pas leurs noms, Dion (13 fr. 55.10) donnant celui du chef de la délégation, Marcus Fabius76.
Les deux auteurs racontent comment celui-ci, montrant aux sénateurs carthaginois le pli de sa toge, leur déclare qu’il porte en-dedans la guerre et la paix, et leur demande de choisir, et comment, ceux-là lui répondant de choisir lui-même, il déclare laisser tomber du pli de sa toge la guerre ; Polybe (3.33.1-4) rapporte les paroles de Fabius au style indirect, tandis que Dion (apud Zonar. 8.22.7), par souci de dramatisation, les rapporte au style direct77.
23Les deux auteurs font état de la deuxième guerre d’Illyrie (220-219) qui éclate à ce moment, mais ils n’en parlent pas dans les mêmes termes.
D’après Polybe (3.16.1), cette guerre est motivée par le besoin qu’a Rome de sécuriser ses arrières, avant de déclarer la guerre à Carthage ; mais, d’après Dion (12 fr. 53 ; Zonar. 8.20.11), elle est provoquée par les agressions répétées de Démétrios de Pharos contre les tribus voisines des Ardiei et même contre les peuples alliés des Romains.
Rome envoie en Illyrie une armée commandée par un seul consul, L. Aemilius Paullus78, selon Polybe (3.16.7), par les deux consuls, L. Aemilius Paullus et M. Livius Salinator, suivant Dion (apud Zonar. 8.20.11).
La guerre se termine avec la prise de Pharos, mais Démétrios réussit à s’échapper et à se réfugier auprès de Philippe V de Macédoine79 ; or les deux auteurs donnent deux versions différentes de la fin de Démétrios : Polybe (3.19.8-11) fait de lui le portrait d’un homme caractérisé par une audace déraisonnable autant qu’inconsidérée, puis raconte comment il périt, en tentant de s’emparer de Messène pour le compte de Philippe, en 214 ; Dion (apud Zonar. 8.20.13), précise qu’il est allé trouver Philippe avec de grandes richesses80, laisse entendre qu’il demeure auprès de lui un certain temps et raconte qu’à son retour en Illyrie, il est capturé et mis à mort par les Romains81.
24Voici maintenant un échantillon d’exemples, empruntés au début de la deuxième guerre punique elle-même. On constate que, même si tout remonte en dernier ressort à Polybe comme à la source principale, ou même aux sources de Polybe, quelles qu’elles soient, les récits ne correspondent jamais. Qu’il s’agisse de la traversée du Rhône ou de la traversée des Alpes, de la bataille de la Trébie, de celle de Trasimène ou de celle de Cannes, on trouve toujours chez Dion des éléments en contradiction avec Polybe ou simplement étrangers à Polybe, Dion étant souvent plus près – ou moins loin – de Tite-Live que de Polybe.
Après la traversée du Rhône et avant la traversée des Alpes, Dion (apud Zonar. 8.23.5), comme Tite-Live (21.31.2), prétend qu’Hannibal change de route, par peur de l’armée romaine, thèse qui est défendue par le consul P. Cornelius Scipio dans la harangue qu’il adresse à ses hommes à la veille de la Trébie, mais que Polybe (3.64.7) ne reprend pas à son compte.
Avant la bataille du Tessin, Hannibal organise un duel à mort entre deux prisonniers gaulois tirés au sort, dont le vainqueur sera libéré. Cette mise en scène est destinée à édifier l’armée punique, en lui montrant qu’elle est devant une alternative simple, c’est-à-dire sans troisième terme : vaincre ou mourir, sans aucune échappatoire possible. Dans le détail, le récit de Dion (14 fr. 57.4 ; 57.5 ; 57.6a ; Zonar. 8.23.8) ressemble plus à celui de Tite-Live (21.42) qu’à celui de Polybe (3.62.2-11), Dion, comme Tite-Live, parlant de plusieurs couples de combattants, tandis que Polybe ne parle que d’un seul couple, entre autres exemples.
Après la bataille de la Trébie, les Carthaginois se réjouissent fort de leur victoire, selon Polybe (3.74.10), tandis que, suivant Dion (apud Zonar. 8.24.5), comme suivant Tite-Live (21.56.7), ils ne se réjouissent pas à cause des pertes subies.
Polybe (3.78.1-4) rapporte que, pour déjouer un éventuel attentat, au cours des quartiers d’hiver 218-217, Hannibal porte des perruques et des costumes variés82 ; en revanche, Dion (apud Zonar. 8.24.8) fait apparaître un autre élément, les langues étrangères ; d’après lui, en effet, Hannibal en maîtrise plusieurs, dont le latin, et, de même qu’il change de perruques et de tenues, il change de langue, parlant tantôt l’une, tantôt l’autre, au gré des circonstances.
À Trasimène, Hannibal dresse une souricière : Dion (apud Zonar. 8.25.4)83, comme Tite-Live (22.4.3), donne, relativement à la position de la cavalerie punique, de meilleures indications que Polybe (3.83.4) ; mais, dans sa description du défilé, il ne mentionne pas le lac et situe la bataille la nuit et non pas le jour, à la différence des autres sources ; en revanche, il fait état, comme Tite-Live (22.5.8) de secousses sismiques au cours de la bataille, ce dont Polybe ne parle pas.
Après Trasimène, l’autre consul, Cn. Servilius Geminus, envoie à la rescousse 4000 cavaliers commandés par Gaius Centenius, dont Polybe ne précise pas le statut, à la différence de Dion (apud Zonar. 8.25.9), qui en fait un στρατηγός, c’est-à-dire un préteur84.
Puis Hannibal bifurque vers l’est, pour contourner Rome, selon Polybe (3.86.8-9), parce qu’il échoue dans sa tentative contre Spolète85 et trouve les ponts coupés, suivant Dion (apud Zonar. 8.25.10), ainsi que suivant Tite-Live (22.9.1-2).
Hannibal, enfermé dans la plaine campanienne par Q. Fabius Maximus Verrucosus, dit le Cunctator, réussit à s’échapper d’un côté, en lançant de l’autre un troupeau de bœufs aux cornes enflammées. Cette anecdote rapportée par Polybe (3.93.3-94.6) est reprise par tous les auteurs86, y compris Dion (apud Zonar. 8.26.1-2), qui précise qu’Hannibal commence par faire égorger tous les prisonniers, de manière qu’aucun d’entre eux ne puisse s’échapper ni révéler aux Romains ce qui est en train de se passer87 ; et Dion, comme Tite-Live (22.17.2‑4)88 et d’autres à sa suite, prétend que les bœufs aux cornes enflammées incendient la forêt, mettent à nu les hauteurs, ce qui permet aux Carthaginois de passer sans obstacle.
Le Cunctator est alors obligé de regagner Rome, pour célébrer certains sacrifices, selon Polybe (3.94.9), pour régler quelque affaire d’État, selon Dion (apud Zonar. 8.26.6)89.
Après Cannes, selon Polybe (3.118.6), un στρατηγός romain tombe dans une embuscade tendue par les Gaulois et il est massacré avec tous ses hommes ; Dion (apud Zonar. 9.3.3), comme Tite-Live (23.24.6-13)90, mais avec moins de détails que lui, indique qu’il s’agit de
L. Postumius Albinus, consul désigné pour 215, que les Gaulois lui coupent la tête, la vident et en font une coupe pour leurs sacrifices.On trouve chez Polybe (7.9) un document historique de tout premier ordre, à savoir le texte du traité d’alliance conclu en 215 par Hannibal et Philippe V, ou plutôt le texte du serment prêté par Hannibal et les Carthaginois ; or Dion (apud Zonar. 9.4.2), comme Tite-Live (23.33.10-12) et comme Appien (Mac., fr. 2.2-3 Goukowsky), ne reproduit pas le document, mais en donne une version très sommaire et tendancieuse, conforme à la tradition annalistique.
25Voici maintenant un échantillon d’exemples, empruntés à la fin de la deuxième guerre punique. Il s’agit de comparer les clauses du traité de paix conclu après la bataille de Zama, telles qu’elles sont rapportées par Polybe (15.18.3-8) et par Dion (17 fr. 57.82 ; Zonar. 9.14.11). Hormis le fait qu’elles ne sont pas présentées dans le même ordre, on relève les points suivants.
Les deux auteurs mentionnent la livraison des prisonniers, auxquels Polybe ajoute “les esclaves fugitifs” et Dion “les déserteurs”, tout en stipulant : les prisonniers et déserteurs “romains ou alliés des Romains” (οὓς ἤτοι τῶν Ῥωµαίων ἢ τῶν συµµάχων σφῶν).
On trouve chez l’un et chez l’autre la livraison de tous les éléphants et celle de tous les vaisseaux de guerre sauf dix ; mais Dion ajoute l’interdiction “de détenir dorénavant des éléphants et des vaisseaux” (καὶ τὸ λοιπὸν µὴ κεκτῆσθαι µήτε ἐλέφαντας µήτε ναῦς) et rapporte ensuite que les vaisseaux sont brûlés, que la plupart des éléphants sont emmenés à Rome et quelques-uns même offerts à Massinissa, ce que ne fait pas Polybe91.
Pour ce qui est du droit de faire la guerre, Polybe distingue entre faire la guerre hors d’Afrique, ce qui est strictement prohibé, et faire la guerre en Afrique, ce qui requiert l’autorisation de Rome ; Dion ne fait pas cette distinction, mais ajoute au droit de faire la guerre, celui de faire des levées de troupes et d’employer des mercenaires, et subordonne tout à l’autorisation de Rome.
Quant à la restitution des territoires conquis en Afrique, Polybe parle des territoires de Massinissa et de ses ancêtres, alors que Dion parle seulement de ceux de Massinissa, sans mention des ancêtres.
Seul Polybe parle de la livraison à l’armée romaine de trois mois de vivres ainsi que du paiement de trois mois de solde, Dion n’en faisant pas état.
De même, seul Polybe parle du versement de dix mille talents d’argent au titre des indemnités de guerre, il n’y a rien à ce sujet chez Dion.
Les deux auteurs mentionnent la livraison d’otages, mais seul Polybe en précise le nombre (cent) et l’âge (des jeunes gens entre quatorze et trente ans).
26Quelques passages de Dion rappellent Polybe, mais, outre qu’ils sont rarissimes, le phénomène d’écho ne persiste pas si l’on pousse l’analyse. On trouvera ci-dessous trois exemples.
Retrouver une même considération scientifique, méthodologique ou historiographique chez l’un et chez l’autre ne prouve rien. Ainsi, Polybe (8.8.3-4) critique les historiens qui, soit par indifférence, soit par dévouement aux dirigeants, soit par crainte de ceux-ci, manquent d’objectivité, font preuve de partialité. Certes, on retrouve la même idée chez Dion (53.19.3), mais il est impossible de conclure que Polybe est la source de Dion, car cette idée, devenue un lieu commun, se retrouve chez d’autres auteurs comme Tacite ou Ammien92.
Polybe (30.5.6-8) fait valoir ce paradoxe que Rhodes a été aux côtés de Rome durant cent quarante années, mais sans jamais conclure de traité d’alliance, car elle a toujours tenu à garder son indépendance vis-à-vis de la Ville et à ne pas se compromettre au regard des souverains hellénistiques ; mais, au lendemain de la troisième guerre de Macédoine, une fois la dynastie antigonide anéantie et Rome devenue maîtresse du monde, Rhodes s’efforce de conclure, de toute urgence, un traité d’alliance avec la Ville. Certes, le paradoxe se retrouve chez Dion (20 fr. 68.2-3 ; Zonar. 9.24.6), mais il a déjà été repris par Tite-Live (45.25.9), et ce, dans une formulation édulcorée93.
Polybe (31.22.1-4) fait l’éloge de Paul-Émile, vantant l’intégrité du personnage qui n’a pas touché aux métaux précieux de l’Ibérie ni aux trésors de la maison de Macédoine, et qui, quoique deux fois consuls, a continué de vivre dans la pauvreté, au point que, quand il est mort, le douaire de sa femme n’a pas pu être payé au moyen de ses biens meubles, mais seulement en vendant ses biens immeubles. Dion (20 fr. 67.1 ; Zonar. 9.24.4) en fait autant, en rapportant la même anecdote, mais, de toute évidence, à la suite de Tite-Live (Per., 46.14).
27Il est rarissime qu’un même fait historique soit rapporté identiquement ou presque identiquement à la fois par Dion et par Polybe, et par eux seuls. On a beaucoup de peine à trouver des exemples.
28Il y aurait l’histoire de l’Achéen Alexon qui, par deux fois, sauve les Carthaginois d’Agrigente de la trahison de leurs mercenaires94. En l’état actuel de la documentation, il en est question chez Polybe (1.43.2) et chez Dion (apud Zonar. 8.15.10), à l’exclusion de tout autre auteur, avec quelques variations minimes de l’un à l’autre.
29Si l’on cherche un événement d’une certaine ampleur, on trouvera celui-ci : Polybe (1.30.6-14) et Dion (apud Zonar. 8.13.3) sont les seuls à mentionner la bataille d’Adys, qui, en Afrique, en 255, met aux prises Amilcar et C. Atilius Regulus et se solde par un succès des Romains.
30À l’opposé, si l’on cherche des détails significatifs, on trouvera ceux-ci.
À l’occasion de la bataille navale de Mylai, en 260, les deux auteurs sont les seuls à décrire le dispositif du coruus équipant les vaisseaux romains, Polybe (1.22) lui consacrant une longue digression, Dion (apud Zonar. 8.11.2) une brève parenthèse.
De même aussi, ils sont les seuls auteurs à mentionner le temps que prend la construction d’une très grande flotte romaine, en 254, à savoir trois mois seulement95.
De même encore, ils sont les seuls auteurs à mentionner la durée de la première guerre punique, soit vingt-quatre ans96.
Ils sont aussi les seuls à parler de la trahison des mercenaires gaulois qui désertent la place carthaginoise d’Éryx pour passer dans le camp romain97.
Ils sont encore les seuls à relater cet épisode du siège d’Ambracie par les Romains, en 189 : tandis que les Romains creusent une galerie de mine sous les remparts, les Étoliens utilisent du bronze pour localiser les ennemis, le métal étant censé vibrer et résonner, retentir fortement à l’endroit même où le travail de sape est effectué. Il y a cependant une variante d’un auteur à l’autre : chez Polybe, le dispositif est complexe, les Étoliens creusant un fossé parallèle au rempart et perpendiculaire à la galerie de mine, et plaçant plusieurs plaques de bronze sur le côté du fossé regardant vers la muraille ; chez Dion, le dispositif est simple et sommaire, les Aitoliens se contentant de poser à même le sol un seul bouclier de bronze qu’ils déplacent régulièrement98.
31Dans quelques cas, les deux auteurs sont les seuls à parler de tel ou tel événement, mais ils ne s’expriment pas de la même manière, ce qui tendrait à faire croire qu’ils divergent. Ainsi, au cours de la campagne 259-258, les Romains échouent devant Lipari. Polybe (1.24.13) déclare qu’“ils tentèrent de prendre Lipari”99, laissant ainsi entendre qu’ils essuient un revers, tandis que Dion (apud Zonar. 8.12.3) explique dans le détail comment Amilcar prend de vitesse le consul Aulus Atilius, occupe par avance Lipari nuitamment, puis comment, une fois le jour venu, les Carthaginois font une sortie et massacrent de nombreux Romains. En réalité, Polybe est dans l’implicite, Dion dans l’explicite. Suivent-ils une seule et même source plus ancienne ou deux sources plus anciennes très proches l’une de l’autre ?
32Certes, il existe çà et là des points communs entre les deux œuvres. Par exemple, au cours de la première guerre punique, en 262-261, lors de la prise d’Agrigente par les Romains, les Carthaginois subissent des pertes très importantes, chez les deux auteurs : selon Polybe (Plb. 1.19.11), “la plupart (des Carthaginois) furent tués”100 et le reste se replia à Héracleia ; suivant Dion (apud Zonar. 8.10.4), les Romains firent “un grand massacre de Carthaginois et d’éléphants”101, et le chef de l’armée punique, Hannon, s’enfuit à Héracleia. Diodore qui rapporte le même événement (23 fr. 8 Goukowsky) ne mentionne pas de telles pertes102. Cette rencontre entre les deux œuvres ne signifie pas nécessairement que Dion suit Polybe, mais qu’ils suivent momentanément la même source pro-romaine, qui tend à grossir les pertes puniques103. Cependant des divergences demeurent : Polybe ne mentionne pas le chef de l’armée punique Hannon, ce que Dion fait au contraire ; en outre, s’ils mentionnent tous les deux Hannibal, le chef de la garnison punique d’Agrigente, et le stratagème grâce auquel il s’échappe nuitamment de la citadelle avec ses hommes, en revanche, Dion est le seul à faire état de leur massacre par les Agrigentins aidés des Romains. Peut-être Polybe cesse-t-il de suivre la source pro-romaine, tandis que Dion s’y tient jusqu’au bout.
33Suite à la bataille des îles Égates, en 241, un traité de paix est conclu entre Rome et Carthage, qui met fin à la première guerre punique. Polybe (1.62.9) et Dion (apud Zonar. 8.17.4) sont les seuls auteurs à dresser la liste des clauses, mais certaines sont communes, d’autres non. On trouve, par exemple, chez les deux auteurs la remise des captifs romains sans rançon, Dion ajoutant aux captifs les déserteurs et expliquant qu’il y a, en revanche, remise des captifs carthaginois contre rançon, ce qui est implicite chez Polybe. Mais on ne trouve que chez Dion la clause du passage sous le joug, déshonneur auquel Amilcar échappe finalement104. Les deux auteurs précisent que le traité est ratifié par le peuple romain, mais seulement quand, à sa demande, les clauses ont été aggravées105. Les deux auteurs semblent suivre deux sources différentes, mais qui ne se contredisent pas à cent pour cent.
34Mais, dans la mesure où l’on a perdu la deuxième décade de Tite-Live que valent ces exemples ? Peut-être figuraient-ils tous déjà dans les livres 11 à 20 de l’Histoire romaine ? Auquel cas, Polybe ne serait pas la source directe de Dion, mais une source indirecte. Il vaut donc mieux prendre en considération d’autres livres polybiens.
35Or, quand on dispose d’autres sources, parallèles ou intermédiaires, transmises par la tradition, on doute encore davantage que Dion ait suivi Polybe.
Maintes sources relatent le combat de cavalerie du Tessin, en 218, où le jeune Scipion sauve la vie à son père106. Seuls Polybe (10.3.4) et Dion (apud Zonar. 8.23.9) lui donnent alors dix-sept ans107. Mais Polybe, pratiquant un retour en arrière, place cet épisode au milieu de son récit de la deuxième guerre punique, au moment où il fait le portrait de Scipion, c’est-à-dire en 210, année où il reçoit le commandement des opérations en Ibérie, tandis que Dion place cet épisode tout à fait normalement au début de son récit de la deuxième guerre punique, comme Tite-Live (21.46.7-8), du reste.
On observe quelque chose de comparable avec l’affaire des otages de Sagonte en 217. Le gouverneur carthaginois, Bôstôr, cherchant à se gagner les bonnes grâces des Ibères, se laisse circonvenir par un chef indigène qu’il charge de rendre les otages, détenus par les Carthaginois, à leurs familles et à leurs peuples, mais qui fait défection et les livre aux Romains. Polybe (3.98-99) et Dion (apud Zonar. 9.1.3), ainsi que Tite-Live (22.22.6-21), rapportent tous les trois la même histoire. On ne constate que deux variantes infimes : l’une à propos du nom du chef ibère, nommé Ἀβίλυξ par Polybe, mais Ἄβελος par Dion et Abelux par Tite-Live ; de même, Polybe formule un jugement ethnocentrique, qui n’est pas repris par Dion, mais par Tite-Live108. Il existerait donc vraisemblablement une seule source, certes non identifiable, mais commune aux trois auteurs109.
En revanche, phénomène exceptionnel, Polybe (3.74.11), suivi par Dion (apud Zonar. 8.24.5), indique qu’après la bataille de la Trébie, au cours de l’hiver 218-217, tous les éléphants puniques périssent des rigueurs de l’hiver, à l’exception d’un seul110, tandis que Tite-Live (21.58.11) indique que sept des éléphants qui ont survécu périssent. On ne saurait pour autant tirer de conclusion, car de tels exemples sont quasiment inexistants. Et il n’est pas impossible que d’autres sources qui en faisaient mention aient été perdues, qu’il s’agisse de sources communes plus anciennes ou de sources intermédiaires plus récentes que Polybe, mais plus anciennes que Dion.
36Au terme de cette enquête, la situation reste aporétique. Il est impossible de démontrer quoi que ce soit. Certes, dans l’ensemble, les deux historiens suivent le même canevas – comme toutes les autres sources – à savoir les guerres puniques avec les guerres illyriennes, les guerres gauloises, les guerres macédoniennes, etc. Mais, dans le détail, les divergences sont extrêmement nombreuses. On aurait donc tendance à conclure que Polybe n’est pas une source de Dion. Il est vrai qu’il existe quelques convergences çà et là, mais elle ne prouvent rien. Il est possible que Dion ait recours à des sources intermédiaires entre Polybe et Dion, ou qu’il ait recours à des sources antérieures à Polybe, qui deviennent donc des sources communes à Polybe et à lui. Il n’est pas impossible que Dion connaisse Polybe, qu’il ait parcouru ses Histoires, mais, de toute évidence, ce n’est pas son historien de prédilection ni son “livre” de chevet. En tout cas, il n’est pas possible d’établir que Polybe est une source de Dion. Il existe ici ou là quelques présomptions, mais il n’y a pas de preuves en bonne et due forme.
37Cette situation a quelque chose de paradoxal et de décevant. On pourrait imaginer une relation privilégiée, sinon même une complicité, une connivence particulière de Dion avec Polybe, ces deux historiens grecs de Rome qui, dans un premier temps, ont entrepris une carrière politique et militaire, et, dans un deuxième temps, quand leur carrière a été interrompue, se sont reconvertis dans l’historiographie111. Mais il y a trois siècles et demi de décalage entre eux, l’un cherche à comprendre comment Rome est en train de conquérir le monde, l’autre cherche comment remédier à la crise qui secoue l’empire romain et menace son existence même. Et il existe une autre différence entre les deux auteurs : l’un est un otage grec, l’autre un sénateur romain ; l’un a un point de vue extérieur, relativement objectif, l’autre un point de vue interne, relativement partial ; pour l’un, la conquête du monde par Rome ne va nécessairement pas de soi, pour l’autre, elle va de soi et Rome exerce un empire tout à fait légitime. Dion ne peut donc suivre Polybe, qui tantôt loue, tantôt blâme Rome et les Romains, Polybe qui garde un esprit critique, qui met en garde contre les excès de la domination romaine et les risques qu’ils font courir à l’empire.
Notes de bas de page
1 C.D. 1 fr. 1.2 : <ἀνέγνων µὲν> πάντα ὡς εἰπεῖν τὰ περὶ αὐτῶν τισι γεγραµµένα. C’est nous qui traduisons.
2 C.D. 73[72].23.5 : συνέλεξα δὲ πάντα τὰ ἀπ’ ἀρχῆς τοῖς Ῥωµαίοις µέχρι τῆς Σεουήρου µεταλλαγῆς πραχθέντα ἐν ἔτεσι δέκα. Voir Freyburger-Galland 2003, 112-113.
3 Millar 1964, 34.
4 Et même très exactement de la dernière page du livre 12 jusqu’au livre 21 en entier.
5 Voir Caire, 2006, 107-108 : “Les modalités du découpage, la phrase introductive ou la phrase conclusive du fragment, le subtil changement de sens que fait subir à tout morceau l’absence du contexte pouvaient suffire à transformer deux textes historiques assez proches en deux fragments relevant de thématiques différentes ou illustrant des facettes différentes d’une même thématique. L’impression de malaise ou d’irritation qu’éprouve aujourd’hui l’historien lorsqu’il s’essaie au difficile travail de la confrontation des sources, en constatant que les textes qu’il compare ne sont jamais exactement parallèles, ne se recoupent toujours qu’en partie, et s’interrompent au moment précis ou la comparaison pourrait devenir fructueuse, ne serait alors pas le fait du hasard. L’historien déçu est victime d’un malentendu : là où il recherche des traces de convergence, l’ἐκλογή opérée par les excerpteurs byzantins ne visait ni à la confrontation ni à l’exhaustivité, mais privilégiait au contraire la différence et créait même parfois l’originalité”.
6 Schwartz 1899, 1694-1697.
7 Ziegler 1952, 1572-1574, cite dans l’ordre : Sempronius Asellio, Coelius Antipater, Caton l’Ancien, Cicéron, Strabon, Diodore de Sicile, Denys d’Halicarnasse, Tite-Live, Pline l’Ancien, Josèphe, Plutarque, Appien, Pausanias, Athénée, Aulu-Gelle, Eusèbe, Ammien Marcellin, Zosime, Jérôme, Orose, Procope, Agathias, Hésychios, Étienne de Byzance, la Souda. Dion n’apparaît donc pas.
8 Vulic 1929, 651-656.
9 Zahrnt 2007-2009, 77-110.
10 De Sensi 1974.
11 Hoyos, 1998, 293-294.
12 Bleckmann 2002, 17, 36-44.
13 Bleckmann 2002, 45.
14 Bleckmann 2002, 47-48. Trois exemples sont donnés.
15 Bleckmann 2002, 49-50. Deux exemples sont donnés. Le savant y revient à 55-56.
16 Bleckmann 2002, 50.
17 Bleckmann 2002, 113-116, 125-139.
18 Simons 2009.
19 Plb. 20.8.1-5 ; C.D. 19 fr. 64.
20 Simons 2009, 150-152.
21 D.S. 29 fr. 2 Goukowsky.
22 Liv. 36.11.1-5.
23 Plb. 21.34.3-37.9 ; C.D. apud Zonar. 9.20.14-15.
24 Simons 2009, 74-177.
25 Liv. 38.15.
26 Plb. 10.2-20 ; C.D. 16 fr. 57.38-39 ; 57.40 ; 57.42-43 ; 57.48 ; Zonar. 9.7.3-8.6.
27 Liv. 26.19-20.
28 Simons 2009, 217-222.
29 Personnalité d’Hannibal : C.D. 13 fr. 54.1-3 ; 54.4-11 ; personnalité de l’Africain : C.D. 16 fr. 57.38-39 ; 57.40 ; Zonar. 9.7.3.
30 Simons 2009, 188-217.
31 C.D. 21 fr. 70.4-9 ; Zonar. 9.27.3.
32 Simons 2009, 241-266.
33 C.D. 21 fr. 72.
34 Urso 2013a, 19, 38-43.
35 Urso 2013a, 19, 41.
36 Plb. 38.9-10.
37 Urso 2013a, 40 mentionne les deux interprétations de la version de Polybe proposées par les historiens modernes, et fournit toute une liste de références. Première hypothèse : Polybe aurait le souci de préparer sa relation de l’ambassade achéenne qui va suivre, conduite par son propre frère, Théaridas, et destinée à relativiser la gravité de l’incident ; deuxième hypothèse, qui n’est pas incompatible avec la précédente : montrer que c’est un témoignage tendancieux et même mensonger qui est à l’origine du courroux du Sénat contre les Achéens.
38 Urso 2013a, 19.
39 À ce propos, Urso 2013a, 38 signale avec raison que la plupart des historiens modernes retiennent l’explication de Polybe, et fournit toute une liste de références.
40 Urso 2013a, 39.
41 Urso 2013a, 41 estime qu’ici Dion ne suit aucune source, mais commet une erreur, qui s’explique par le fait qu’une dizaine d’années séparent la réunion des documents et témoignages, ainsi que la prise de notes, de la rédaction proprement dite de l’ouvrage.
42 D’après Urso 2013a, 41, Dion ferait ici allusion à la révolte d’Alexandros, fils prétendu de Persée, événement qu’il est le seul à rapporter (cf. C.D. apud Zonar. 9.28.2) et dont l’historicité a été mise en doute par les historiens modernes.
43 Urso 2013a, 42.
44 Plb. 1.11.4-6 ; C.D. 11 fr. 43.7 ; 43.8 ; 43.9 ; 43.10 ; Zonar. 8.8.9-9.1.2.
45 D’après Walbank 1957, 61-62, Polybe suivrait ici une source historiographique carthaginoise, tel Philinos, et Dion suivrait la tradition annalistique romaine.
46 D’après Walbank 1957, 62, la description de Dion suggère que le camp romain était près de la côte, au nord de Messine.
47 D’autres sources (D.S. 23 fr. 9bis Goukowsky ; Frontin., Str., 3.16.3) rapportent le même fait, mais l’attribuent à Hannon.
48 Polybe se retrouve isolé, les autres sources (D.S. 23 fr. 10a G. ; Val. Max. 7.3 ext. 7 ; De uir. ill., 38.2-3) disant la même chose que Dion ou plutôt Dion disant la même chose que les autres sources.
49 Polybe se retrouve derechef isolé, les autres sources (D.S. 23 fr. 12 G. ; fr. 16 G. ; Eutr. 2.21.4 ; Oros. 4.9.1) disant la même chose que Dion ou plutôt Dion disant la même chose que les autres sources.
50 On ignore quelle est ici la source de Dion, mais, d’après Walbank 1957, 89, ces informations sont douteuses.
51 Polybe suivrait ici une source historiographique carthaginoise, tel Philinos, et Dion suivrait la tradition annalistique romaine, les prétendues victoires terrestres romaines étant destinées à contrebalancer la réelle défaite navale de C. Atilius Regulus (Walbank 1957, 95-96).
52 Plb. 1.38.6-10 ; C.D. apud Zonar. 8.14.5.
53 La description se trouve en outre dans Diodore (23 fr. 18.3-5 G.).
54 Diodore (23 fr. 18.9 G.) en dénombre 60, Pline (NH, 8.6.16) 140 ou 142.
55 Plb. 1.54.6-8 ; C.D. apud Zonar. 8.15.14 ; 8.16.6.
56 Plb. 1.56.1 ; C.D. apud Zonar. 8.16.2.
57 C’est même une αἰτία de la 2e guerre punique (cf. Plb. 3.10.5-7).
58 App., Hisp., 4.13-5.21 (cf. Hann., 2.4-5).
59 Walbank 1957, 151 estime que cette version des faits n’est guère fiable.
60 Ce point est discuté par Walbank 1957, 153-154.
61 Cette tradition se retrouve dans Liv. 22.33.5 ; App., Ill., 7.19.
62 Plb. 2.8.7-8 ; 2.8.12 ; C.D. 12 fr. 49.3-7 ; Zonar. 8.19.4-6. Walbank 1957, 156 remarque avec justesse qu’une telle explication est typique de l’historiographie à sensation, contre laquelle Polybe, pourtant, ne cesse de s’insurger.
63 Dion suit la tradition annalistique romaine, qui se trouve déjà dans App., Ill., 7.17.
64 C’est, en tout cas, l’interprétation de Walbank 1957, 163.
65 D’après Walbank 1957, 192, l’erreur de Zonaras concernant la date résulterait d’une confusion entre le consul de 237, Lucius Cornelius Lentulus Caudinus, et celui de 236, Publius Cornelius Lentulus Caudinus.
66 Fils du Regulus vaincu en Afrique par Carthage au cours de la première guerre punique (cf. Plb. 1.29-34).
67 Même version des faits chez Orose (4.13.8).
68 Lequel n’avait pas été pris en 387.
69 Celui qui sera vaincu à Trasimène, en 217.
70 L’oncle de l’Africain.
71 Par Marcellus seul, selon Eutrope (3.6.2) et Orose (4.13.15).
72 Même représentation chez Tite-Live (21.10.2-11.2) et Appien (Hisp., 10.37).
73 Même version des faits chez Tite-Live (21.6.5 ; 21.9.3) et Appien (Hisp., 11.40-41). Elle est manifestement destinée à rendre Hannibal unique responsable de la guerre. Mais, d’après Walbank 1957, 320, qui suit Meltzer 1896, 604-605, elle serait en outre destinée à masquer l’incapacité des Romains à aider efficacement les Sagontins.
74 Le récit de Dion est, en fait, très proche de celui de Tite-Live (21.7.4-9.2 ; 21.11.3-15.2).
75 Polybe, à la différence de Dion, refuse de reprendre à son compte cette version des faits, qui a été réélaborée dans les milieux sénatoriaux et à laquelle il ne croit pas.
76 Seul Tite-Live (21.18.1) en dresse la liste exhaustive, mais, d’après Walbank 1957, 333, qui suit Scullard 1951, 274, il commet une erreur concernant le chef de la délégation, qu’il nomme Quintus Fabius, alors qu’il s’agit de Marcus Fabius. Dion permet donc de corriger Tite-Live.
77 L’anecdote du pli de la toge, qui remonte sans doute à Fabius Pictor (voir Walbank 1957, 361), est reprise presque dans les mêmes termes par Diodore (25 fr. 18 Goukowsky), Tite-Live (21.18.13-14), Silius Italicus (Pun., 2.384-389), Florus (1.22.7), Appien (Hisp., 13.49-50). Tite-Live est le premier auteur à dramatiser la scène en faisant dialoguer au style direct Fabius et le sénat de Carthage. Schwarte 1983, 49 voit dans cette anecdote l’indice que Rome n’était pas sûre du bien-fondé de sa déclaration de guerre. Voir Molin, in : De Foucault et al. 2004, 195.
78 Le père de Paul-Émile.
79 Il va devenir le mauvais génie du roi de Macédoine : cf. Plb. 7.12.2-3 ; 7.13.6, par exemple.
80 C’est peut-être ce qui explique le fait qu’il ait été bien reçu par le roi de Macédoine et n’ait pas été livré par lui aux Romains.
81 Même version des faits chez Appien (Ill., 8.24).
82 On trouve à peu près la même chose chez Tite-Live (22.1.3).
83 Καὶ τοῦ µὲν πεζοῦ τὸ πλεῖον κατὰ τὰ ὄρη λοχᾶν ἔταξε, τὸ δ’ ἱππικὸν σύµπαν ἔξω τῶν στενῶν ἀφανῶς ἐφεδρεύειν ἐκέλευσε (“il plaça la plus grande partie de l’infanterie en embuscade le long des crêtes et ordonna à l’ensemble de la cavalerie de se tenir en couverture hors des défilés et de ne pas se montrer”).
84 De même, Cornelius Nepos (Hann., 4.3) en fait un praetor. En ce qui concerne le sens du terme de στρατηγός, chez Polybe et au-delà, voir Molin, in : Foucault et al. 2004, 238-239.
85 Voir Molin, ibid., 120.
86 Nep., Hann., 5.2 ; Liv. 22.16.7-17.7 ; Sil., Pun., 7.282-408 ; Plu., Fab., 6 ; App., Hann., 14.58-15.66 ; Frontin., Strat., 1.5.28 ; Polyaen., Exc., 46.10. Voir Molin, in : Foucault et al. 2004, 249.
87 Comme App., Hann., 14.60, qui précise en outre qu’ils sont 5000, mais qui donne comme raison du massacre, le risque que les prisonniers, au moment de l’action, se retournent contre les Carthaginois.
88 Voir François, 2001.
89 Voir Molin, in : Foucault et al. 2004, 249 ; François 2006.
90 Voir de même Frontin., Strat., 1.6.4.
91 À moins qu’il ne l’ait fait dans un passage aujourd’hui perdu.
92 Tac., Ann., 1.1.2-3 ; Amm. Marc. 30.8.1. Voir Walbank 1967, 79.
93 Par exemple, les cent quarante années de Polybe sont remplacées par l’adverbe πρόσθεν, “auparavant”, chez Dion (par l’expression per tot annos, chez Tite-Live).
94 Vers 275 et vers 250. Cette histoire est discutée par Walbank 1957, 108 et interprétée par Pédech 1969, 77 n. 2, 78 n. 2.
95 Plb. 1.38.6 : ἐν τριµήνῳ ; C.D. apud Zonar. 8.14.4 : τρίτῳ µηνί.
96 Plb. 1.63.4 : ἔτη … εἴκοσι καὶ τέτταρα. C.D. apud Zonar. 8.17.7 : τετάρτῳ ἔτει καὶ εἰκοστῷ.
97 Plb. 1.77.5 ; 2.7.9 ; C.D. apud Zonar. 8.16.2.
98 Plb. 21.28.8 ; C.D. apud Zonar. 9.21.3.
99 Λιπαραίους ἐπεχείρισαν πολιορκεῖν.
100 Οἱ … πλεῖστοι διεφθάρησαν.
101 Φόνον πολὺν καὶ αὐτῶν καὶ τῶν ἐλεφάντων.
102 Walbank 1957, 71, considère que Diodore suit ici l’historien pro-carthaginois Philinos.
103 La preuve que ces pertes sont exagérées, c’est qu’aucun des deux consuls n’obtiendra le triomphe. Voir Walbank 1957, 72.
104 Cette clause est discutée par Walbank 1957, 126, qui conclut à son invraisemblance.
105 Plb. 1.62.8-63.3 ; C.D. apud Zonar. 8.17.6.
106 Walbank 1967, 199 en donne la liste.
107 Plb. 10.3.4 : ἑπτακαιδέκατον ἔτος ; C.D. apud Zonar. 8.23.9 : ἑπτακαιδεκαέτης. Voir Foulon 1990, 29, 50.
108 Voir Molin, in : Foucault et al. 2004, 253 n. 420.
109 C’est la thèse défendue par Walbank 1957, 432.
110 Le fameux Surus, dont le nom évoque l’origine asiatique et qui, de ce fait, a mieux résisté aux variations climatiques que ses congénères africains. Voir Molin, in : Foucault et al. 2004, 103.
111 Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls à avoir connu cette destinée, mais s’inscrivent dans une série qui commence avec Thucydide.
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