Remarques sur les notions d’auctor et d’auctoritas en philosophie chez Cicéron
p. 127-137
Texte intégral
1Si les notions d’auctor et d’auctoritas ont été amplement analysées dans le domaine politique et oratoire latin, aucune étude exhaustive ne leur a encore été consacrée dans le champ philosophique ; c’est pour pallier en partie cette lacune que nous consacrons le présent article à l’examen de ces deux termes dans le corpus philosophique cicéronien. Commençons par le nom auctor, qui peut désigner soit un homme doté d’autorité pour agir ou traiter d’un sujet, soit un garant, un défenseur – en un sens parfois ironique ou dialectique –, soit un modèle, soit enfin un inventeur, un inspirateur, un fondateur. Or malgré la solennité de telles acceptions, leur caractère apparemment objectif et indiscutable, on relève que les philosophes qualifiés d’auctores dans les textes cicéroniens le sont souvent de façon relative, subjective voire polémique.
2Un auctor est tout d’abord un homme doté, dans un domaine donné, d’une autorité qu’il tire tantôt d’un prestige lié au passé, à l’origine, tantôt de son expérience pratique (usus) et de son zèle (studium) à étudier et enseigner les questions qu’il entend présenter à un public1. Dans le premier cas, Cicéron invoque, pour démontrer la thèse de l’immortalité de l’âme, les autorités les meilleures (auctoribus optimis – la seule présence du superlatif soulignant le caractère relatif d’un auctor, qui peut être plus ou moins fiable et efficace), en l’occurrence tous les Anciens (omni antiquitate), “moins éloigné[s] que nous de l’apparition de l’homme et de notre origine divine, et par cela même plus capable[s] peut-être de discerner la vérité2”. Dans le second cas, l’Arpinate juge être lui-même un auctor pour aborder des questions politiques en raison de son expérience, de la gloire attachée à l’exercice de ses magistratures, et de ses qualités intellectuelles3.
3Un auctor est ensuite un garant, un soutien, un défenseur : ainsi Cicéron, dans le De natura deorum, se justifie-t-il auprès de ses concitoyens d’avoir embrassé la philosophie néoacadémicienne, depuis longtemps tombée en désuétude, en déclarant que “les doctrines n’accompagnent pas leurs inventeurs dans la mort ; peut-être n’ont-elles besoin que de quelqu’un qui les illustre et les défende (lucem auctoris)4”. La qualification d’auctor revêt néanmoins un sens ironique lorsqu’elle s’applique par exemple à Épicure, désigné par antiphrase comme seuerus et grauis philosophus alors que, dans le contexte polémique du livre 2 du De finibus, il n’est pas jugé digne de crédit puisqu’il se trompe sur la nature du vrai bien5. Dans le cas du néoacadémicien Carnéade cette fois, le mot auctor s’entend en un sens dialectique : si Pison le dépeint comme représentant la doctrine de la jouissance des “choses premières selon la nature” (prima secundum naturam), Carnéade n’en est pas pour autant le garant ; il la soutient seulement pour les besoins de la discussion (non ille quidem auctor, sed defensor disserendi causa)6. Être auctor, plutôt que defensor, implique donc un engagement personnel dans les thèses soutenues7. À ce titre, il semble délicat de qualifier d’auctor un sceptique, un avocat du doute tel que Carnéade, capable de soutenir une thèse et son contraire ; cette mention s’applique bien davantage aux philosophes dogmatiques, stoïciens, épicuriens et pythagoriciens en tête, fût-ce dans un contexte polémique.
4Par ailleurs, est appelé auctor un philosophe servant de modèle, de parangon, d’exemple – de toutes les vertus, dans le cas du stoïcien Caton (omnium uirtutum auctore)8. Enfin sont désignés auctores les inventeurs, les inspirateurs – d’un mode de vie, d’une découverte – ou les fondateurs d’une école philosophique. Ainsi Cicéron fustige-t-il le stoïcien Zénon, “qui se prétendrait l’inventeur d’un nouveau genre de vie austère et sage (auctorem uitae grauiter et sapienter agendae) en se bornant à changer le nom des choses9”. Démocrite, quant à lui, est décrit comme “l’inventeur des atomes” (auctor atomorum)10, Épicure, comme le “fondateur en personne de cette doctrine” (ipsi auctori huius disciplinae) exposée par Torquatus11, et l’enfant Tagès, comme le “fondateur de la doctrine” (auctorem disciplinae) des Étrusques12.
5Quels sont ensuite les philosophes qualifiés d’auctores dans le corpus cicéronien ? Presque tous, si l’on entend par auctor un homme digne de confiance, une référence, un modèle que l’on invoque dans la discussion : se réclamer d’un auctor revêt alors un sens argumentatif13 ; on peut invoquer un auctor contre un autre et remettre en cause la fiabilité de l’auctor cité par son interlocuteur à l’appui de sa démonstration14. Un auctor l’est toujours en effet pour quelqu’un et la reconstruction doxographique même des auctores à l’origine de tel ou tel courant philosophique peut devenir un instrument de polémique15.
6Sans surprise, Cicéron lui-même se plaît, sous forme d’ablatifs absolus, à se qualifier d’auctor. Tantôt il se présente comme doué d’une force d’entraînement s’exerçant même sur les péripatéticiens et les philosophes de l’Ancienne Académie, afin que ces derniers soutiennent contre Épicure que la vie heureuse se définit uniquement par le bien moral16 ; tantôt il place cette appréciation dans la bouche de ses personnages, comme son frère Quintus ou bien Varron, afin que son auctoritas paraisse plus incontestable du fait de lui être attribuée par d’autres17. Les penseurs dogmatiques sont eux aussi appelés auctores, en contexte polémique cette fois : en témoignent Épicure18, référence contestable aux yeux de Cicéron puisqu’il défend la thèse de la fiabilité des sens en toute incohérence, “à ses risques et périls” (magno suo periculo), et les stoïciens. Ces derniers sont évoqués soit dans le De oratore, où Antoine raille Crassus de s’en rapporter mal à propos à des garants (notons le démonstratif péjoratif et la relativité des auctores invoqués dans l’expression istis auctoribus) dont les préceptes philosophiques sont pourtant selon ce même Crassus une dépendance de la discipline oratoire19, soit dans le Pro Murena, où les penseurs du Portique, qui, sans être nommés ni différenciés les uns des autres, sont ironiquement qualifiés de fort savants (auctoribus doctissimis), incitent Caton, de façon inadéquate là encore, à adopter leur doctrine non pour sujet de discours et support de réflexion, mais pour règle de vie20.
7A contrario, dans un cadre laudatif, sont cités comme auctores Démocrite21 et surtout Pythagore, dont l’éminence provient à la fois de sa stature intellectuelle, de son association avec Platon22 et de sa capacité à déchiffrer l’avenir, Cicéron jouant sur un rapprochement sonore et étymologiquement fondé entre augur et auctoritas lorsqu’il déclare, à propos de la véridicité de la divination, que “Pythagore, qui lui-même se voulait devin (augur), avait déjà auparavant conféré une grande autorité (magnam auctoritatem) à cette pratique [...]23”. Cicéron appelle également auctores les péripatéticiens24 et les académiciens, le lien personnel, affectif et la proximité intellectuelle qu’il entretient avec ces philosophes justifiant en partie leur qualification d’auctores. Tel est le cas du péripatéticien Cratippe, précepteur du fils de l’Arpinate25, et des académiciens Antiochus26 et Clitomaque. Le premier, pour avoir contribué à former Cicéron à la philosophie, est qualifié dans le Brutus de summus auctor et doctor après avoir été présenté comme “le philosophe le plus renommé et le plus savant de l’Ancienne Académie” (ueteris Academiae nobilissimo et prudentissimo philosopho)27. Par le mot auctor, Cicéron fait sans doute allusion ici à la fois au prestige de son maître28, à son envergure intellectuelle (pas d’auctor sans prudentia ni doctrina, comme le prouvent les superlatifs ci-dessus)29, à son rôle de modèle, mais aussi à l’innovation dont il a été à l’origine en créant l’école de l’Ancienne Académie (auctor étant entendu cette fois au sens d’ “inventeur”). Quant au second académicien appelé auctor, Clitomaque, on note que celui qui s’en réclame s’autorise une relative liberté en s’y référant. En effet Cicéron, au moment d’entamer dans le Lucullus un développement sur le probabilisme, se défend d’inventer (fingi) ce que fut la pensée de Carnéade sur ce sujet et recourt à son compagnon et successeur à la tête de la Nouvelle Académie, Clitomaque, gage de sérieux et de fiabilité scientifique, en puisant plus précisément dans son deuxième livre sur la suspension de l’assentiment30. Tout en annonçant qu’il va le citer (a Clitomacho sumam), Cicéron se livre en fait, comme le souligne Carlos Lévy31, à “une adaptation assez libre” de celui-ci, en l’invoquant comme auctor de la conception du probable que défendait Carnéade32. Après avoir rendu Clitomaque plus accessible en atténuant, grâce à l’évocation du paysage alentour et à l’emploi d’un style recherché, l’austérité qui devait caractériser l’exposé du scolarque, Cicéron propose enfin une traduction quasi littérale (his fere uerbis) d’un texte de l’académicien, issu du livre qu’il avait dédié au poète Lucilius et relatif aux deux manières d’entendre la suspension de l’assentiment33. “Il y a donc non pas redite, mais effort de clarté : la pensée de l’académicien a été rendue plus compréhensible avant d’être produite avec fidélité. Clitomaque est utilisé par Cicéron d’abord comme l’auctor de son interprétation de Carnéade, puis comme le témoin privilégié dont les propos méritent d’être cités de la manière la plus exacte possible34”.
8Les deux derniers philosophes qualifiés d’auctores chez Cicéron sont les deux plus importants à ses yeux, à savoir Socrate et Platon, le premier de façon plus marginale que le second toutefois35, sans doute parce que l’appellation d’auctor semble liée chez Cicéron à une dimension institutionnelle – au fait d’avoir fondé une école ou d’y avoir officiellement appartenu, ce qui n’est pas le cas de Socrate, qui en outre n’avait écrit aucun ouvrage – mais aussi parce que, dans le cas de Socrate, une métaphore vient se substituer au nom auctor pour souligner le rôle de fondateur prestigieux qu’endossa le philosophe : celle de la famille. Le modèle biologique qui sous-tend le mot auctor, bâti sur une racine indo-européenne signifiant “être fort”, de sorte que ce terme désigne “un être doué d’une force source d’un développement à venir36”, est particulièrement sensible au livre 3 du De oratore où Crassus, à la suite de son raisonnement sur le divorce provoqué par Socrate entre éloquence et philosophie (§ 61), établit une histoire des écoles philosophiques nées de Socrate :
“En effet, comme de Socrate étaient nées en quelque sorte (essent [...] orti fere a Socrate) bien des écoles philosophiques, qui, dans ces discussions variées, opposées, poussées en tous sens, s’étaient attachées chacune à une idée, on vit se développer une série de familles pour ainsi dire, (proseminatae sunt quasi familiae), divisées d’opinion, très distinctes et diverses, quoique tous ces philosophes voulussent être dits les continuateurs de Socrate et crussent l’être37”.
9Pour reprendre les mots de M. Lucciano, “le philosophe athénien apparaît comme un réservoir auquel les diverses doctrines puisent leur idée-phare, comme la fermeté pour Antisthène [...] ou la volupté pour Aristippe” et il “semble avoir donné naissance à toutes les écoles hellénistiques, même celles qui le rejettent [...]38”. Si son rôle de fondateur est ici souligné non par le terme auctor, mais par le champ lexical de la naissance et de la famille, son éminence intellectuelle, qui justifie qu’il soit pris pour modèle, se traduit quant à elle sous le vocable de princeps plutôt que d’auctor dans le corpus cicéronien. Premier (princeps) des penseurs grecs pour la finesse de son esprit et son talent oratoire39, il est aussi celui qui exerce sa suprématie sur la philosophie (princeps ille philosophiae), aux dires de l’Arpinate40. Le princeps, à la différence de l’auctor, s’entend soit comme le premier dans une hiérarchie d’ordre intellectuel, dans le cas des philosophes41, ou d’ordre chronologique42, soit comme le dirigeant d’une école à une époque donnée43.
10Plus qu’à Socrate, c’est à Platon que Cicéron se réfère par-dessus tout lorsqu’il invoque un auctor à l’appui de ses raisonnements. Il souligne la force d’entraînement de ce dernier lorsqu’il écrit, dans une lettre à Lentulus : “Pour citer encore Platon, dont l’autorité sur moi est si grande (idem ille Plato, quo ego uehementer auctore moueor), il nous conseille de limiter nos efforts, en politique, à ce que nous pouvons faire accepter de nos concitoyens : il ne faut faire violence ni à son père ni à sa patrie44”. Platon est également le garant le plus fiable (quem [...] auctorem […] locupletiorem Platone [...] ?) de la pensée socratique qu’il soit possible de célébrer, selon Tubéron qui fait ici écho à Cicéron45. Toutefois, malgré le prestige d’un tel auctor, et “par crainte sans doute de sembler adhérer à une doctrine constituée, à une vérité dogmatiquement proclamée”, Cicéron n’exclut jamais que cette “source d’inspiration passionnément admirée [...] pût être erronée46”. Dans l’Orator, il assume par exemple clairement la théorie des Formes47 sous l’égide de Platon, “le garant et le maître le plus profond non seulement de la spéculation intellectuelle, mais aussi de l’expression” (ille non intellegendi solum sed etiam dicendi grauissimus auctor et magister). En revanche, selon Carlos Lévy, “lorsqu’il s’exprime comme philosophe de la Nouvelle Académie, [il] préfère dans ce domaine la suggestion à l’affirmation48”. De même, dans les Tusculanes, Cicéron reconnaît que le péripatéticien Dicéarque a reproché à bon droit (non iniuria) à Platon de s’être porté caution de l’amour (amori auctoritatem tribuer[et]), en fournissant lui-même une caution (auctore quidem nostro Platone) à tous les philosophes qui l’ont suivi49.
11Enfin, se revendiquer d’un auctor tel que Platon ne revient pas à exclure des emprunts à d’autres philosophies, comme si la mention de son auctoritas n’était pas un point de départ contraignant pour la suite de la démonstration. Dans les Académiques, Varron, porte-parole d’Antiochus, rappelle ainsi que c’est “sous l’autorité de Platon (Platonis autem auctoritate), lui-même si divers, multiple et fécond (uarius et multiplex et copiosus), [qu’]un modèle unique et concordant de philosophie fut instauré sous deux noms, les académiciens et les péripatéticiens50”. En réalité, les multiples facettes de la pensée de Platon rappelées par Varron expliquent qu’un auctor tel que lui puisse être cité par des philosophes appartenant à des écoles différentes, à l’appui de thèses très hétérogènes. Le Réatin reprend ensuite la même idée en employant la métaphore de la source (fons, § 18), qui est également appliquée à Platon dans les Tusculanes, où Cicéron le décrit “pour ainsi dire, comme une source pure et sacrée” (quasi quodam sancto augustoque fonte) dont découlera tout son discours51. Or la référence à la source platonicienne ne signifie nullement que Cicéron entend recopier ou paraphraser l’auctor dont il se réclame. En effet, dans les Tusculanes, “pour confirmer son attribution à Platon de la thèse nihil praeter uirtutem bonum, Cicéron va invoquer une lex naturae, qui n’est autre que l’oikéiôsis [stoïcienne], notion dont nous savons que non seulement elle n’avait pas de véritable racine platonicienne, mais aussi qu’elle avait été critiquée par la Nouvelle Académie52”. Une fois encore, on relève qu’invoquer un auctor en philosophie n’exclut nullement de prendre des libertés à son égard, soit dans la citation plus ou moins fidèle de son texte, soit dans l’insertion de théories issues d’autres penseurs appartenant parfois à d’autres écoles.
12De l’auctor à l’auctoritas, la transition s’effectue grâce à un détour par la rhétorique. En effet, c’est dans le domaine oratoire mais aussi politique que l’auctoritas est massivement présente dans le corpus cicéronien, elle qui désigne en premier lieu la condition de celui qui est auctor, responsable et garant, et qui dispose par conséquent d’une influence53. Lorsque nous analysions plus haut les auctores en tant que modèles et références philosophiques, nous aurions pu nous appuyer sur les Topiques, § 73, où Cicéron traite de l’auctoritas exempli. Les hommes du passé – dans notre cas, les philosophes qualifiés d’auctores – peuvent être en effet mis à contribution comme exemples venant appuyer une argumentation. Ils sont alors utilisés “à la fois <comme> témoins et preuves, mais aussi comme gages de la dignitas des arguments et des propositions qu’ils illustrent54”.
13Pour reprendre l’analyse de Charles Guérin, “l’autorité d’un individu que l’on utilise comme exemple repose [...] sur deux catégories d’attributs de sa persona, celle de l’animi natura et celle de la fortuna [...]55”. Dans le corpus cicéronien, certains philosophes disposent d’une auctoritas innée, tel Pythagore56, tandis que d’autres, comme le péripatéticien Ariston de Céos ou, dans un contexte polémique, Épicure, en sont privés par nature57. Au-delà du caractère, il existe d’autres facteurs d’où découle l’auctoritas d’un individu : de même qu’en rhétorique, elle est mise en rapport avec la moralité de l’orateur58, en philosophie, l’autorité provient de la rigueur, du sérieux scientifique ainsi que de la noblesse éthique, si l’on en juge par les trois adverbes modulant l’appréciation portée dans le De officiis par Cicéron sur les stoïciens, “philosophes de la plus haute autorité, certes (summa quidem auctoritate philosophi), selon la rigueur (seuere), la saine raison (sane) et la beauté morale (honeste)59”.
14Cette auctoritas principalement attachée à la vertu, comme l’indiquent aussi les Topiques60, fait que le philosophe qui en est doté est cru par son auditoire ; elle se traduit donc aussi par “le crédit”. Ce crédit, cette fiabilité sont liés, dans les textes cicéroniens, d’une part à la droiture, d’autre part à la constance d’un philosophe. Dans le premier cas, où Philus adopte une argumentation académicienne pour combattre la conception naturaliste de la justice en s’opposant aux stoïciens dans le De republica, les épicuriens se voient accorder d’autant plus d’auctoritas que, “dépourvus de toute malice dans la discussion (minime [...] in disserendo mali) [...] sur l’homme de bien, que nous voulons ouvert et franc, ils se montrent, dans le débat, sans artifices, sans ruses et sans malignité” (non sunt in disputando uafri, non ueteratores, non malitiosi). Leur auctoritas dérive donc d’une absence de rouerie dialectique, perçue ici comme une marque d’honnêteté, ailleurs comme une preuve d’incompétence dans la discussion philosophique61. Dans le second cas, Cicéron attaque l’abandon de la Nouvelle Académie par Antiochus et indique que, malgré la grande subtilité de ce penseur (acutus), “cette inconstance diminue le poids de son autorité” (inconstantia leuatur auctoritas)62.
15Autorité qui impose la confiance, l’auctoritas signifie également l’influence, le prestige, l’importance d’un penseur ou de son idéal – le prestige de la beauté morale (auctoritas honestatis) est ainsi plusieurs fois évoqué63. Ce prestige qui s’attache aux philosophes en général64, du fait qu’ils pratiquent une discipline savante, intellectuelle, d’origine grecque, est souvent lié à l’histoire et au passé, en vertu d’un rapprochement sonore et sémantique entre auctoritas et antiquitas65. Ainsi l’auctoritas du péripatéticien Cratippe est-elle indissolublement liée à celle de la ville d’Athènes dans laquelle il enseigne, qui peut enrichir le fils de Cicéron de ses exemples (exemplis) puisés dans le passé66. De même, dans le dialogue De senectute, la parole est attribuée à Caton le Censeur pour que le propos ait plus d’autorité (maiorem auctoritatem)67, et dans le De amicitia, c’est en raison de l’auctoritas de Laelius et Scipion, hommes d’autrefois (ueterum) et individus célèbres (illustrium), que l’exposé acquiert plus de poids (plus [...] grauitatis)68. La dimension chronologique expliquant ce prestige des origines ne saurait toutefois être séparée, dans les derniers cas cités, de la position politique éminente occupée par les protagonistes des dialogues cicéroniens et de l’auctoritas charismatique qui en découle.
16Par ailleurs, comme on l’a déjà noté, l’auctoritas exerce une force d’entraînement sur l’entourage immédiat d’un penseur comme, à des époques plus tardives, sur les lecteurs des ouvrages dans lesquels celui-ci est cité : dans ce cas, il est question de l’auctoritas d’un exemplum. Il existe en effet une valeur persuasive de l’auctoritas dans le champ argumentatif, en rhétorique comme en philosophie, ce qui explique que l’auctoritas puisse être parfois opposée aux raisonnements, à la ratio69. Dans un passage polémique du De finibus, Cicéron blâme ainsi Caton d’avoir embrassé la philosophie stoïcienne plutôt que les thèses de l’Académie. À ce choix incompréhensible, deux raisons sont avancées : l’adhésion aux idées stoïciennes (si tibi illa probabantur) et l’autorité du fondateur du Portique, qui l’entraînerait irrésistiblement vers son école (sin auctoritas commouebat). Face au probare, qui désigne en rhétorique la conviction intellectuelle suscitée par l’orateur, l’auctoritas se place du côté du commouere et emporte l’adhésion, même si en l’espèce, cette auctoritas, selon la polémique cicéronienne, est indûment attribuée à un obscur penseur, un je ne sais qui (nescio quem), sans commune mesure avec Platon70.
17C’est la force persuasive puissante, quasi contraignante, que possède l’auctoritas qui explique la place qu’occupe cette notion au carrefour de la rhétorique, de la philosophie et de la politique. Que celle-ci soit placée du côté du mouere, voire du frangere71, explique l’ambivalence de Cicéron à son égard. Si le protagoniste d’un dialogue philosophique, comme d’ailleurs l’orateur dans un discours, met en avant son auctoritas face à son interlocuteur, il peut être accusé de vouloir l’intimider et son auctoritas fait alors l’objet d’un blâme72. De surcroît, si l’auctoritas d’un fondateur d’école est jugée trop écrasante par des adversaires philosophiques, ses disciples puis tous leurs successeurs peuvent être soupçonnés de fidélité aveugle à son endroit et de manque coupable de sens critique. Aussi l’accusation de se fier à l’auctoritas au détriment de la ratio reparaît-elle fréquemment dans les réquisitoires menés par Cicéron ou ses porte-parole à l’encontre des philosophes dogmatiques, au premier rang desquels les épicuriens73, les stoïciens et même les pythagoriciens74. Par contraste, Platon, lui, n’est jamais présenté comme un maître à penser par la Nouvelle Académie, dans son refus de l’argument d’autorité75. Soumis par leurs adversaires à l’injonction de présenter les vérités qu’ils ont effectivement découvertes, les philosophes de cette école l’esquivent afin de permettre à leurs disciples, disent-ils, de suivre la raison (ratione) plutôt que l’autorité (auctoritate)76. Peut-être, pour reprendre l’hypothèse de Thomas Bénatouïl, les académiciens faisaient-ils référence, par cette invocation de la liberté, à la digression du Théétète sur le philosophe, qui est le seul être véritablement libre car il a le loisir d’examiner tous les discours autant que cela est nécessaire, à la différence de l’orateur, qui subit les contraintes du temps et les opinions de la population77. “Comme ils l’ont souvent fait dans leurs débats avec les stoïciens, les néoacadémiciens ont appliqué à leurs adversaires les critiques platoniciennes dirigées contre les sophistes78”. Eux qui, selon C. Lévy, “se considèr[ent] comme [des] juges, il[s] se donn[ent] pour fin d’apprécier la valeur de chaque argument et cela exige [d’eux] une totale liberté d’esprit79”. Dans leur revendication d’être les seuls philosophes libres80, “on pourrait trouver qu’il y a là une marque de cette arrogance vigoureusement reprochée aux dogmatiques, si ailleurs Cicéron ne montrait que la tradition socratique telle qu’il l’entend implique le respect de l’auditeur auquel il ne faut rien imposer et dont le jugement doit être laissé integrum ac liberum81”.
18Cet éloge de la libertas, face au culte de l’auctoritas, revêt en outre une dimension politique. Si l’on songe que la période de production philosophique la plus féconde pour Cicéron s’étend sur les années 45 et 44, au moment de la confiscation du pouvoir par César, il n’est pas anodin que le prologue du Lucullus, rédigé en 45, accorde une place prépondérante au thème de la liberté : selon C. Lévy, “pour Cicéron la dictature et le dogmatisme philosophique sont deux aspects d’une même réalité”. “Lorsque Cicéron se demande qui peut décider qu’un tel est sage, lorsqu’il dit des dogmatiques qu’ils ‘se rangent à l’autorité d’un seul’82, son propos est assurément d’ordre philosophique, il vise l’attachement inconditionnel des épicuriens ou des stoïciens à leur doctrine, mais il ne fait pas oublier que ces phrases ont été écrites à un moment où précisément un seul homme s’empare de la totalité du pouvoir politique83”.
19Ultime renversement dialectique dans les rapports entre libertas et auctoritas, alors que dans le Lucullus, le personnage éponyme expose les thèses d’Antiochus en critiquant les manipulations doxographiques auxquelles se livrent les néoacadémiciens, il compare ses adversaires à des citoyens séditieux se réclamant d’illustres Romains d’autrefois, comme si ces derniers avaient déjà été des populares, des partisans du peuple, et qu’eux-mêmes égalaient ces prestigieux modèles84. Ce faisant, ils “sèm[ent] le trouble dans une philosophie déjà bien établie (perturbare […] philosophiam bene iam constitutam)85”, ce qui justifie le parallèle provocant établi entre Tiberius Gracchus, venu bouleverser la République, et le néoacadémicien Arcésilas, désireux de “renverser la philosophie établie (constitutam philosophiam euerteret) en s’abritant derrière l’autorité (auctoritate) de ceux qui avaient affirmé qu’on ne pouvait rien savoir ni percevoir86”. Ruiner l’auctoritas des Anciens en brandissant celle de philosophes comme Socrate pour en faire de prétendus sceptiques apparaît aux yeux de Lucullus comme une trahison de la pensée des auctores. Miner cette auctoritas ne revient pas à lutter contre le dogmatisme, quoi qu’en disent les néoacadémiciens, mais à saper les fondements même de la tradition philosophique, dont le pendant en politique serait le mos maiorum. Dans ces conditions, l’auctoritas n’est plus opposée à la libertas ou à la ratio, mais à la temeritas de penseurs factieux qu’il convient de combattre sans merci.
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Notes de bas de page
1 Cic., Rep., 1.13.
2 Cic., Tusc., 1.26. Sauf mention contraire, toutes les traductions sont empruntées aux éditions des Belles Lettres, sauf celles des Académiques, puisées dans l’édition de Kany-Turpin 2010.
3 Cic., Rep., 1.13.
4 Cic., N.D., 1.11 (trad. C. Lévy). Cf. Luc., 5 (sur Panétius, garant des lettres grecques et de la philosophie) ; Fin., 2.35 (sur le stoïcien Zénon, qui soutient que le souverain bien réside tout entier dans le bien moral) ; Diu., 2.61 (sur Chrysippe, défenseur de la divination).
5 Cic., Fin., 2.29.
6 Ibid., 5.20.
7 Cela paraît confirmé par la nuance sémantique séparant le mot auctor du terme adiutor (“soutien”) : sur ce couple, voir Cic., Off., 3.116.
8 Cic., Fin., 4.44.
9 Ibid., 4.21. Dans un contexte tout aussi polémique (Mur., 74), Cicéron attaque Caton, dont les Lacédémoniens inspirent les principes de vie et le langage (auctores [...] uitae atque orationis).
10 Cic., Fat., 23.
11 Cic., Fin., 1.29.
12 Cic., Diu., 2.80.
13 Sur la dimension stratégique à l’œuvre dans le choix par un philosophe de ses autorités de référence, voir notamment Lévy 1992, 322-323.
14 Cf. Cic., Leg., 2.15.
15 Lévy 2003 analyse ainsi le paragraphe 72 du Lucullus, où figure la plus longue énumération des auctores (§ 76 : satis multa de auctoribus), ou précurseurs, du scepticisme, qui comprend trois groupes : les présocratiques, puis Socrate et Platon suivis des dialecticiens, et enfin Chrysippe et les cyrénaïques. Selon C. Lévy, qui oppose les deux doxographies présentées par Lucullus (Luc., 14-15) puis Cicéron (ibid., 72), “Cicéron, en tant que locuteur néoacadémicien, pratique un jeu [...] complexe entre l’explicite de la revendication des présocratiques comme auctores de la suspension du jugement et l’implicite de leur reconnaissance comme des dogmatiques, par l’intermédiaire de la doxographie”.
16 Cic., Tusc., 5.75.
17 Cic., Diu., 1.17 (Quintus à Cicéron) ; Ac., 1.26 (Varron à Cicéron).
18 Cic., Luc., 79.
19 Cic., De orat., 1.226.
20 Cic., Mur., 62. Dans un contexte certes non polémique, le stoïcien Diogène de Babylonie est cité comme auctor par Catulus, mais en étant associé à l’académicien Carnéade ainsi qu’au péripatéticien Critolaos, dans le cadre de l’assemblée des trois philosophes de 155. Pourtant, même ces trois “autorités” (auctores) ne parviennent pas à convaincre Antoine qu’il convient de philosopher plus que du bout des lèvres (De orat., 2.155).
21 Cic., Diu., 1.5.
22 Ibid., 2.119 : couplé à Platon dans l’expression locupletissimi auctores, “les plus éminentes autorités”, Pythagore est cité ici à propos du lien entre songe et réalité.
23 Ibid., 1.5.
24 Cic., Tusc., 5.87 (sur la foi d’Aristote, Xénocrate, Speusippe, Polémon, la vie heureuse peut advenir même dans le taureau de Phalaris) ; De orat., 3.187 (Aristote et Théophraste) ; Orat., 172 (Aristote, Théodecte et Théophraste, en contexte oratoire) ; Leg., 2.15 (Théophraste).
25 Cic., Off., 2.8.
26 Antiochus est cité aux côtés de son frère et successeur Aristus en Tusc., 5.21 pour son influence sur Brutus, qui estime que “la vertu fait le bonheur, même dans l’hypothèse où il y aurait des biens autres que la vertu”.
27 Cic., Brut., 315.
28 En témoigne le parallélisme syntaxique – grâce à l’usage de superlatifs – et sémantique entre les deux groupes nominaux cités, summus auctor faisant écho à nobilissimo et summus doctor à prudentissimo.
29 Sur le savoir intellectuel (doctrina) caractéristique d’un auctor dans le domaine philosophique, voir encore Cic., De orat., 3.126, au sujet des sophistes, “ces vieux maîtres [...] qui donnèrent en même temps les premiers modèles de l’art de parler (illos ueteres doctores auctoresque dicendi) [...], ne regardaient aucune matière de discussion comme hors de leur domaine et [...] ne cessaient de traiter toute sorte de sujet” ; Fam., 3.8.5 (doctissimis hominibus auctoribus).
30 Cic., Luc., 98.
31 Lévy 1992, 174.
32 Cic., Luc., 102.
33 Ibid.
34 Lévy 1992, 175.
35 Cic., Diu., 1.122 : Quel meilleur garant chercher que Socrate (quo quem auctorem meliorem
quaerimus), demande Quintus, pour prouver qu’il existe des signes envoyés par les dieux ? ; Att., 8.2.4 : Cicéron, qui refuse de quitter l’Italie malgré les conseils d’Atticus, écrit : “Comme s’il m’était besoin de chercher caution plus sûre que Socrate (quasi [...] locupletior mihi sit quaerendus auctor quam Socrates) qui, au temps des Trente tyrans, ne sortit point des murs !”. Une fois encore, les comparatifs soulignent la relativité des auctores, certains étant de meilleurs garants que d’autres.
36 Nous empruntons cette définition à Laurent Gavoille, dans son exposé sur “Auctor et les notions de ‘force’ et d’ ’accroissement’ ” présenté lors du colloque international de Tours “Qu’est-ce qu’un auctor ? Auteur et autorité : du latin au français” (29-30 septembre 2016).
37 Cic., De orat., 3.61. Sur la suite de ce passage, consacrée à la filiation entre Socrate et les différentes écoles de philosophie hellénistique, nous renvoyons à Lucciano 2013, vol. I, 70-71 ; vol. II, 600-603.
38 Lucciano 2013, vol. II, 601.
39 Cic., De orat., 3.60.
40 Cic., Tusc., 5.47.
41 Cic., Diu., 2.97 : sur Panétius, “le plus illustre des stoïciens” (princeps Stoicorum) ; cf. Luc., 107 et Diu., 1.6 sur Panétius ; De orat., 1.104 : sur le Péripatéticien Staséas ; Tusc., 4.44 : sur les penseurs les plus éminents en philosophie même (philosophiae [...] ipsius principes), Pythagore, Démocrite et Platon ; Q. fr., 1.1.29 : sur Platon, “ce prince de l’esprit et de la science” (ille [...] princeps ingeni et doctrinae).
42 Cf. Cic., De orat., 2.58 (sur Xénophon) ; Luc., 131 (sur Aristippe) ; Tusc., 2.15 (sur Aristippe, philosophorum [...] princeps et auctoritate et antiquitate, au double sens chronologique et hiérarchique) ; ibid., 2.9 (sur Aristote) ; Top., 6 (sur Aristote, princeps de la topique et de la méthode critique, au double sens chronologique et hiérarchique) ; Fin., 5.7 (sur Aristote, princeps des péripatéticiens au sens chronologique, qui est ensuite appelé princ[eps] philosophorum, “le premier des philosophes”).
43 Cic., Brut., 306 : sur Philon, scolarque de l’Académie ; Luc., 129 : sur Xénophane, chef de l’école des mégariques ; ibid., 131 : sur Zénon, fondateur (inuentor) et chef (princeps) du stoïcisme ; Fin., 3.5 : sur Zénon, princeps des stoïciens.
44 Cic., Fam., 1.9.18.
45 Cic., Rep., 1.16.
46 Lévy 1992, 306-307. Sur l’adhésion, affective autant qu’intellectuelle, de Cicéron à l’Académie, ibid., 629.
47 Cic., Orat., 10.
48 Lévy 1992, 306.
49 Cic., Tusc., 4.71.
50 Cic., Ac., 1.17.
51 Cic., Tusc., 5.36 (trad. J. Humbert, retouchée).
52 Lévy 1992, 488.
53 Voir sur ce point Calboli Montefusco 1990, 41-60 ; Hellegouarc’h [1963] 19722, 295-320.
54 Gaillard 1978, 30. Cf. Guérin 2009, 396. On en a notamment un exemple en Cic., Diu., 1.86, où Quintus défend la divination face à son frère en soulignant qu’aucun philosophe ayant de l’autorité (auctoritas) n’a douté de son existence, avant de nuancer son propos.
55 Guérin 2009, 397.
56 Cic., Off., 1.108 ; Tusc., 1.38.
57 Cic., Fin., 5.13 (sur Ariston, qui est plus précisément dénué de grauitas et dont le discours, lui, manque par conséquent d’autorité [auctoritatem] en vertu de la correspondance traditionnelle entre oratio et uita) ; N.D., 2.74 (attaque du stoïcien Balbus contre l’épicurien Velleius et le fondateur de son école, “homme inculte, illettré, qui s’en prend à tout le monde, absolument dépourvu de pénétration, sans autorité [sine auctoritate] ni charme”).
58 Cic., Inu., 1.5 ; 2.33.
59 Cic., Off., 2.10. Les stoïciens sont en outre désignés par périphrase comme maxima auctoritate philosophi au livre 3, où leur influence n’est pourtant pas censée être aussi déterminante que dans les deux premiers livres, inspirés par Panétius (ibid., 3.105).
60 Cic., Top., 73 ; Luc., 62. Sur le plan institutionnel cette fois, on note que l’auctoritas est également liée à la moralité : cf. Ac., 1.33.
61 Cic., Rep., 3.26. Cf. Lévy 2001.
62 Cic., Luc., 69. Cf. Diu., 1.62, où Quintus défend la véridicité des songes en attaquant à la fois Carnéade pour son inconstance dans le débat et Épicure pour son absence de noblesse éthique, deux “philosophes de seconde zone” (minutos philosophos) dont triompheraient, même sans alléguer d’argument (ut rationem non redderent), Platon et Socrate par leur seule autorité (auctoritate), celle-ci se définissant en partie, et de façon implicite, par contraste avec l’inconstance et le manque de dignité éthique relevés à l’instant.
63 Cic., Off., 3.110 ; Fin., 5.72.
64 Cic., Rep., 1.12.
65 Cic., Tusc., 2.15 ; Diu., 2.50.
66 Cic., Off., 1.1.
67 Cic., Sen., 3.
68 Cic., Amic., 4.
69 Ibid., 13 : rejetant les théories matérialistes au nom d’un espoir d’immortalité récompensant la vraie valeur, Laelius est moins sensible à une argumentation logique qu’à l’autorité (auctoritas) des anciens (antiquorum) ou des ancêtres (maiorum) des Romains, des penseurs de la Grande-Grèce, enfin de Socrate. Cf. Sen., 77, où Caton oppose la force de la raison et du raisonnement d’un côté (ratio ac disputatio), de l’autre côté, la réputation et l’autorité de philosophes du plus haut rang (nobilitas etiam summorum philosophorum et auctoritas), en l’occurrence Pythagore et Socrate (§ 78) ; N.D., 3.7 et 3.9.
70 Cic., Fin., 4.61. Cf. Tusc., 5.34 sur l’idée que Zénon s’est insinué, tel un intrus, dans la grande tradition de la philosophie ancienne (insinuasse se in antiquam philosophiam) initiée par Platon (a Platonis auctoritate).
71 Cic., Tusc., 1.49, où l’auctoritas de Platon est jugée si grande par Cicéron qu’elle triompherait de tous ses doutes (frangeret) même s’il n’apportait aucun argument (rationem).
72 Cic., Luc., 63, sur l’auctoritas de Lucullus qui pourrait intimider Cicéron, n’était l’auctoritas de Catulus qui venait la contrer pour raffermir l’Arpinate dans son soutien à la Nouvelle Académie (§ 64) ; N.D., 3.5 sur l’auctoritas du stoïcien Balbus. Cf. Mur., 59 et 67 sur l’auctoritas du stoïcien Caton.
73 Cic., N.D., 1.66 (Cotta conteste l’existence des atomes face à l’épicurien Velleius).
74 Ibid., 1.10 (Cicéron parle) : “Quant à ceux qui veulent savoir quelle est mon opinion personnelle sur chaque sujet, ils manifestent une curiosité indiscrète ; en effet, dans une discussion philosophique, on doit accorder de l’importance aux arguments fournis par la raison (rationis) bien plus qu’à l’autorité (auctoritatis). De plus, l’autorité (auctoritas) de ceux qui se posent en maîtres nuit bien souvent à ceux qui veulent apprendre ; ils cessent en effet de juger par eux-mêmes, ils tiennent pour acquis ce qu’ils voient décidé par celui à qui ils font confiance. À vrai dire, je n’approuve pas la pratique des pythagoriciens, qui, dit-on, quand ils affirmaient quelque chose dans une discussion et qu’on leur demandait pourquoi, répondaient : ‘Le maître l’a dit’. Le maître, c’était Pythagore ; si grand était le pouvoir d’une opinion toute faite que l’autorité prévalait, même sans le soutien de la raison (tantum opinio praeiudicata poterat, ut etiam sine ratione ualeret auctoritas)”.
75 Lévy 1992, 623 ; 625. Cf. Cic., Diu., 2.150, où l’origine de la tradition académicienne du refus de l’argument d’autorité est attribuée à Socrate ; Tusc., 5.83. Voir encore Bénatouïl 2007, 16-19.
76 Cic., Luc., 60.
77 Bénatouïl 2007, 18 ; Platon, Tht., 172 e.
78 Bénatouïl 2007, 18.
79 Lévy 1992, 121.
80 Cic., Tusc., 5.83 ; Luc., 8.
81 Lévy 1992, 121.
82 Cic., Luc., 9.
83 Lévy 1992, 156.
84 Cic., Luc., 13.
85 Ibid., 14.
86 Ibid., 15.
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