Bordeaux et le commerce des farines au xviiie siècle
p. 59-65
Texte intégral
1Il était logique de mettre l’accent sur la place de Bordeaux dans le commerce des produits antillais et dans celui des vins, qui furent d’une importance considérable pour le port garonnais, faisant sa fortune au xviiie siècle, ce que tout le monde sait. On peut seulement regretter que malgré des pages excellentes de Paul Butel1, la place du commerce des farines à Bordeaux et par Bordeaux n’ait pas été suffisamment mise en valeur ; il est vrai que lui-même a beaucoup moins insisté sur cette activité que sur les deux précédentes. Elle était pourtant capitale à de nombreux points de vue, et elle explique parfaitement l’importance de la minoterie dans le département actuel de la Gironde que Vincent Joineau vient de mettre en valeur2, ce que confirme la présente exposition organisée par les Archives départementales de la Gironde : Le coeur des moulins. En fait, à la différence des commerces antillais ou viticole, le commerce bordelais des farines – et il en allait très certainement de même à Nantes ou à La Rochelle – correspond à des réalités complexes. Il doit donc être étudié sous des angles différents, ce qui explique sans aucun doute pourquoi il n’en a été proposé aucune vue d’ensemble.
2Il faut partir de la demande, donc des besoins. Le premier, bien évidemment, est la nécessité de fournir en pain les habitants de la capitale régionale, ville importante puisque déjà au début du xviiie siècle elle atteint ou dépasse, selon les moments, les 40 000 habitants3. Comme c’est un port, il faut y ajouter les besoins des navires, essentiellement ceux qui partent pour de longs voyages océaniques : les farines sont un élément essentiel de leur avitaillement. Or, comme la population de la ville a quasiment triplé après 17304 et que la flotte de haute mer avitaillant à Bordeaux s’est elle aussi très fortement accrue5, ces besoins-là en farines ont augmenté de manière considérable. Le problème était d’autant plus crucial que les Bordelais refusaient les pains d’une qualité médiocre, ne voulaient consommer que du pain de froment, et n’acceptaient pas le pain de seigle. À cela il faut ajouter que pour les navires de haute mer, notamment ceux pour les Antilles ou pour la traite, les farines ordinaires de froment convenaient mal car elles se gâtaient sous le climat tropical ou subtropical : il fallait donc des farines d’une qualité supérieure que l’on appelait farines minots6 – ou encore “de fleur de farine” –, qui étaient fabriquées avec des blés que les historiens ont qualifié de blés durs mais qui n’étaient peut-être que les blés d’une qualité supérieure des coteaux et plateaux de la Lomagne ou du Condomois-Néracais7. À cet égard, il me paraît indispensable de souligner ainsi que l’on n’a pas jusqu’à présent compris à quel point le commerce céréalier bordelais a subi un changement majeur avec le développement de la demande antillaise à partir du dernier tiers du xviie siècle, et bien entendu surtout après 1720-1730. Au début du xviie siècle, grâce aux récoltes de la Moyenne Garonne, Bordeaux est la plupart du temps un port exportateur de céréales (froment, méture et seigle), dans des quantités évidemment fort variables en fonction des récoltes. À partir du moment où s’accroît la demande antillaise et plus encore lorsqu’il s’y ajoute la croissance de la population de la ville, les importations par la mer sont indispensables quasiment chaque année et la situation frumentaire peut toujours se tendre, ce qui explique les craintes permanentes des intendants après 17208. Le commerce bordelais avait donc pour première tâche d’assurer la fourniture de la ville et du port, et par là des Antilles ; effectivement, “tout navire armé à Bordeaux devait emporter dans ses cales un certain tonnage de farines minots du Haut-Pays”9, dont la plupart venaient des minoteries de Moissac, Montauban et Nérac. Grâce à Pierre Deffontaines10 et surtout à Paul Butel, avec l’apport également d’Hubert Delpont, ce sont une activité et un commerce aujourd’hui bien connus. Ils portaient sur des quantités tout à fait importantes, alors même qu’il n’y avait pas de minoterie bordelaise11. Il en allait tout autrement pour les besoins de la ville elle-même ou des navires assurant les liaisons avec l’Europe du Nord. Certes, des farines de qualité étaient nécessaires pour les Bordelais qui voulaient un “bon” pain, comme cela a déjà été souligné, mais il n’en allait pas de même pour les bateaux à destination de l’Europe du Nord-Ouest ou de la Baltique, d’autant plus que les équipages de ces derniers venaient de pays où le pain de seigle était commun12. Il y avait donc à Bordeaux, de manière minoritaire, une transformation de farines de seigle en pain, celui-ci étant également important pour la consommation des paroisses rurales entourant Bordeaux13, ce qui montre une très grande différence à cet égard entre la ville et les campagnes environnantes. D’une manière plus générale, le seigle était cultivé et consommé dans les parties landaises et médocaines des campagnes bordelaises.
3Ce n’était pas tout : j’ai pu montrer récemment que Bordeaux était aussi un grand centre de redistribution et de ravitaillement en farines et en grains des façades maritimes occidentales de 1’Europe, rôle qui avait été minoré jusqu’ici14. Notre ville disposait en fait de cinq zones d’approvisionnement en grains et farines : les pays girondins, les pays de la Moyenne Garonne et du Néracais-Condomois, la Bretagne, les pays du Nord-Ouest de l’Europe (îles Britanniques et Provinces-Unies) et ceux de la Baltique. Elle avait ainsi de grandes possibilités pour se procurer des grains et farines, et les documents qui nous le montrent ne manquent pas15. En temps normal, c’est-à-dire en dehors des périodes de très mauvaises récoltes ou de guerres, les quantités disponibles sur la place bordelaise étaient donc fort importantes. Si beaucoup de grains et farines arrivaient à la fois des hauts pays, par voie terrestre ou fluviale, et par mer de Bretagne, de l’Europe du Nord-Ouest ou des pays de la Baltique, il en repartait aussi énormément, notamment vers les villes portuaires françaises, en particulier l’arsenal de Rochefort, mais aussi vers Brest, Lorient, ou La Rochelle, dont l’arrière-pays n’en produisait pas suffisamment, ou encore vers l’Espagne et le Portugal16, voire le nord de l’Europe lorsque les récoltes y étaient déficitaires. La ville était ainsi une plaque tournante de la plus grande importance pour le commerce des farines.
4Dans la réalité, tout cela était très mouvant et ce commerce subissait de fortes contraintes, mais aussi une importante surveillance aussi bien de la part des autorités locales et régionales que du Contrôle général. Non seulement la liberté des négociants en farines et des armateurs qui en assuraient le transport, était réduite, mais il arrivait également que les négociants en grains et farines subissent de multiples injonctions, des amendes, voire des saisies. Il ne s’agissait nullement d’une originalité bordelaise : au niveau du royaume également le commerce des grains et farines était fortement contrôlé. Ce sont les variations des récoltes qui l’expliquent. On sait en effet qu’à cette époque les années déficitaires survenaient souvent, entraînant des périodes très difficiles, comme ce fut justement le cas en Bordelais en 1747 et 174817, et tout le monde connaît les années catastrophiques de pénurie alimentaire qui éprouvèrent tant le royaume de France à la fin du règne de Louis xiv (1693-1694 et 1709-1710)18. Or la situation de Bordeaux apparaissait particulièrement délicate aux diverses autorités parce qu’elle conjuguait des besoins très importants et une production régionale aux possibilités limitées. D’une part, les farines de la meilleure qualité étaient réservées aux Antilles, et, de ce fait, une grande partie de la production des pays de la Moyenne Garonne ne pouvait servir à la ville. Dans ces mêmes hauts pays, il pouvait bien évidemment survenir, comme ailleurs, de mauvaises récoltes19, ce qui rendait la situation alimentaire de la généralité très difficile car, en plus des farines minots, une partie des farines de qualité de la généralité allait à la fourniture des Antilles et non pas à la consommation des Bordelais pour lesquels il fallait recourir à des importations, qui ne répondaient pas forcément à la demande puisque, comme nous l’avons déjà vu, les grands fournisseurs qu’étaient les pays de la Baltique envoyaient surtout de ce seigle dont les Bordelais ne voulaient à aucun prix. D’autre part, loin d’augmenter au cours du siècle, la production céréalière du Bordelais et d’une partie des hauts pays a reculé par suite du développement des vignes, et malgré une croissance de la production de maïs attestée, par exemple, en Dordogne20. Cela se fit de deux manières : l’orientation vers la monoculture viticole à la place des joualles ou de l’association vignes-céréales ; la plantation en quantités importantes de nouvelles vignes comme, par exemple, en Marmandais21, et plus généralement dans toute la Moyenne Garonne22. La jurade de Bordeaux, le Parlement mais aussi les intendants en étaient fort préoccupés, au point que Boucher, qui dirigea la généralité de 1720 à 1743, essaya vigoureusement d’empêcher la plantation de nouvelles vignes, ce qui l’amena à entrer en conflit ouvert avec Montesquieu. Toute une littérature, que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres endroits que Bordeaux, ne cessa donc de dénoncer le danger que faisait courir “la fureur des vignes”, car bien sûr le souvenir des années de misère qui avaient marqué la fin du règne de Louis XIV était particulièrement présent.
5Il en résulta de multiples conflits, encore exacerbés par la crise céréalière régionale de 1747-1748. La correspondance très fournie échangée à propos de la circulation des grains et farines nous en a conservé une trace très détaillée. Elle révèle également au plus haut niveau, celui du contrôle général, une évolution des esprits passée largement inaperçue. Fidèles à la tradition de l’administration monarchique, les autorités locales, intendant compris, souhaitent un contrôle du commerce des grains et des farines, leur point de vue trouvant sa justification dans la nécessité à toute époque de compléter les ressources locales par des importations23. Les jurats, en particulier, qui ont un rôle très important puisque ce sont eux qui interviennent seuls pour autoriser les sorties de grains et de farines, veulent disposer d’importantes réserves de grains et farines, et ne voudraient voir la place bordelaise en exporter qu’à condition que les stocks conservés sur place soient tout à fait importants24. Non seulement ils sont opposés à la liberté de ce commerce mais encore ils souhaitent le restreindre très fortement. Dans la première moitié du siècle, les intendants partagent largement cette vision. Mais, au cours des années 1740, au niveau ministériel, plus précisément à celui de Machault d’Arnouville qui fut contrôleur général des Finances (décembre 1745-juillet 1751) avant de cumuler ce poste avec celui de garde des sceaux qu’il occupa de 1750 à 1757, une autre vision émergea pour laquelle il semble que la réflexion sur la place de Bordeaux dans le commerce des grains et farines ait joué un rôle essentiel25. Ce qu’explique Machault, c’est que Bordeaux peut faire venir des céréales et des farines de partout grâce à son activité portuaire ; le risque de pénurie ne devrait donc jamais y exister sauf si les autorités contrôlent ce commerce, en fixent le niveau des prix ou interdisent les ventes de grains et farines à destination du reste du royaume ou de l’étranger. Dans ce cas, les négociants et armateurs qui ont fait venir des cargaisons de grains et farines afin d’en tirer un solide bénéfice, comme cela est normal, auront tout à perdre en assurant ces importations qui alors cesseront ou diminueront très fortement. Bordeaux a donc un besoin vital de la liberté du commerce des grains et farines, et c’est ainsi que le rôle du port garonnais dans celui-ci a contribué à développer les idées sur la liberté de leur commerce. Peu de temps après que Machault ait montré l’intérêt de cette nouvelle vision des choses, l’édit de juillet 1764 permet “la liberté de la sortie et de l’entrée des grains dans le royaume”, à cette réserve près que cette liberté serait suspendue si, “malgré les espérances légitimes que donne la libre entrée des blés étrangers, le prix du blé était porté à la somme de 12 livres 10 sous le quintal et au-dessus”26. Mais l’on sait que la liberté réelle du commerce des blés et farines fut très vite en grande partie remise en cause.
6Pour leur part, les armateurs et négociants bordelais en étaient depuis toujours de fervents partisans, et leurs arguments étaient les mêmes que ceux de Machault. En effet, loin de mettre en cause en temps de paix, et même lorsque de mauvaises récoltes survenaient, l’approvisionnement en grains et farines de la ville et de ses navires, la liberté du commerce permettait au contraire de l’assurer, même si cela devait passer par une augmentation du prix du pain, ce dont ne voulaient pas les autorités locales ni même de nombreux ministres car, d’une part, la partie la plus pauvre de la population ne pouvait pas acheter du pain cher et, d’autre part, la montée des prix du blé donc du pain était susceptible à tout moment de créer des troubles graves. Comme nous l’avons vu, le problème était compliqué par le fait que les Bordelais ne voulaient pas du pain de seigle ou de maïs, ni même de “mesture”27, et qu’il fallait fournir aux Antilles des farines de la meilleure qualité. Retenons simplement de tout cela que Machault avait raison : la famine ne pouvait pas survenir grâce au commerce maritime. En temps de guerre, néanmoins, le problème était beaucoup plus ardu, car les “blés du Nord” n’arrivaient plus ou n’atteignaient Bordeaux qu’en quantités nettement plus réduites.
7Ce qui rendait la situation complexe, c’était bien l’insuffisance de la production céréalière locale d’un côté, l’importance de la demande coloniale de l’autre. Une fois les envois aux Antilles enlevés, la généralité de Bordeaux disposait certes d’une production céréalière non négligeable, mais elle était régulièrement insuffisante par rapport aux besoins de la population bordelaise et de celle des campagnes de la généralité. On le constata souvent. Or le recours aux pays de l’intérieur du Sud-Ouest n’apportait que des possibilités limitées : le Lauragais, la Gascogne auscitaine et en grande partie l’Albigeois participaient avant tout aux ventes effectuées, sous le contrôle de Toulouse, par le canal des Deux-Mers. Si l’Armagnac et le Montalbanais étaient dans l’orbite de Bordeaux, il était beaucoup plus difficile, en cas de nécessité, de trouver en amont des ressources en blé. Ce recours ne pouvait se pratiquer qu’en cas d’abondance et, sauf durant la courte période où la liberté du commerce des blés fut totale, il fallait une décision de l’intendant de la généralité à laquelle les subsistances étaient demandées, décision qui devait être approuvée par Versailles, ce qui compliquait les possibilités, et nécessitait des délais.
8Or tout indique que la superficie en vignes ne cessa de s’accroître au cours du xviiie siècle. C’est cela qui explique la hausse des prix des grains en Bordelais dans le dernier tiers du xviiie siècle que vient d’analyser excellemment Vincent Joineau28. Elle s’accompagne d’importants investissements dans les moulins comme il l’a également montré pour cet Entre-deux-Mers, objet de sa recherche, et pour le Bazadais proche. À mon sens, même si la documentation nous manque et même si de nombreux documents indiquent que ce commerce ne peut pas se développer par suite du très mauvais état des chemins, je crois qu’il faut nuancer ses analyses. D’une part, les investissements bordelais dans les moulins n’auraient pas eu lieu si un commerce n’avait pu exister, d’autre part lorsque les Chartreux de Bordeaux ou de grands seigneurs les mettent en œuvre, ce n’est pas pour vendre aux campagnes proches mais bien pour amener cette production à Bordeaux. Il en résulte que même le commerce local des blés et farines a sûrement augmenté après 1730-1740 dans une partie non négligeable des campagnes girondines, et qu’il s’en est dirigé vers Bordeaux, tout au moins dans les années où les récoltes étaient suffisantes.
9Bordeaux apparaît ainsi comme une formidable pompe aspirante de farines et de blés venus de tous côtés, aussi bien par la mer que par la Garonne et ses affluents. Elle était aussi, comme je le montre dans une publication prochaine déjà citée29, une considérable plaque tournante de redistribution. Paul Butel avait mieux que personne souligné son rôle pour les Antilles. Mais Bordeaux ravitaillait aussi les ports septentrionaux de l’Espagne, ainsi que Porto et Lisbonne30, parfois même Marseille ou Gênes. Elle ravitaillait de manière régulière nos ports de la façade occidentale du royaume. Il lui arrivait même, lorsqu’elle avait des surplus en blés importants, d’en expédier vers les Pays-Bas ou vers la Baltique, ou encore, en cas de mauvaise récolte dans cette province qui, en temps ordinaire, la fournissait en blés et farines, la Bretagne. Il pouvait encore arriver que les récoltes soient si insuffisantes dans les hauts pays, ou même en Bretagne, que Bordeaux soit obligée d’y envoyer des grains alors qu’ils étaient normalement ses grands pourvoyeurs régionaux en grains et farines : ce fut le cas pour les hauts pays en août 1751, et dans l’ensemble de la généralité en décembre de la même année31. On assistait dans ce cas à une véritable inversion des flux : loin que ceux-ci se dirigent vers le port garonnais, c’était à celui-ci de faire venir - par la mer essentiellement32 - les grains et farines nécessaires pour éviter la disette ou même la famine dans les pays d’amont. Curieusement, cette inversion des flux n’a guère été mentionnée jusqu’ici alors qu’elle se produisait chaque fois que la récolte était déficitaire dans tout ou partie des hauts pays.
10Le commerce des blés et farines a donc été une part considérable de l’activité commerciale bordelaise au xviiie siècle.
Notes de bas de page
1 Butel, P. (1973) : La croissance commerciale bordelaise au xviiie siècle, Lille, Université de Lille III, 104-110, surtout 468-484 (l’approvisionnement des Antilles en farines minots).
2 Joineau V. (2014) : Moudre les blés. Les moulins de l’Entre-deux-Mers bordelais (xie-xviiie siècle), Paris, Classiques Garnier.
3 En 1752, la consommation mensuelle de Bordeaux est de 20 000 boisseaux de grains et celle des environs de 10 000 (AD Gironde, C 1415 : Lettre de Tourny au contrôleur général des Finances, en date du 1er janvier 1752). La croissance de la population de la ville n’a cessé d’augmenter les besoins ; sur cette croissance, voir Poussou J.-P. (1983) : Bordeaux et le Sud-Ouest au xviiie siècle : croissance économique et attraction urbaine, Paris, EHESS/Jean Touzot, 19-36.
4 Ibid.
5 Le trafic avec les colonies passe de 9000 tonneaux en 1720-1724 à 78 000 en 1782-1787 ; celui avec l’Europe de 79 000 tonneaux à 124 000 ; voir Butel P. (1973), 85.
6 Elles sont fabriquées avec le froment de la meilleure qualité.
7 Delpont H. (1983) : Deux siècles d’économie en Albret, 1685-1900, Agen, Société académique d’Agen, 35-36.
8 Giraud Y. (1999) : “Le commerce céréalier et ses marchands à Bordeaux au début du xviie siècle”, dans Guillaume P. dir. (1999) : Bordeaux, porte océane, Bordeaux, Fédération Historique du Sud-Ouest, 143-162.
9 Butel P. (1973), 469.
10 Les hommes et Leurs travaux dans les pays de la Moyenne Garonne, Lille, SILIC et Facultés catholiques, 1932.
11 Il faut attendre les années 1780 pour qu’un grand moulin soit édifié aux Chartrons : voir Roux I. (1993) : “Le moulin des Chartrons et ses transformations (1781-1937)”, Annales du Midi, tome 105, n°201, 5-26.
12 En fait, s’il y avait à pourvoir aux besoins des équipages des navires qui s’y rendaient, Bordeaux n’exportait que rarement du seigle vers cette partie de l’Europe, le Bordelais n’en produisant que des quantités limitées, la plupart du temps insuffisantes par rapport aux besoins locaux. Le port garonnais en envoyait aussi occasionnellement dans la péninsule Ibérique mais dans les deux cas ces exportations s’expliquent par la présence de stocks - peu considérables - résultant des arrivées de ce type de grains ou de farines en provenance des Provinces-Unies, ou des pays de la Baltique, plus secondairement de Bretagne.
13 Voir le mémoire, en date de 1751, rédigé par le directeur des Étapes à Bordeaux, Jarreau, où il indique que le pain de seigle est réservé à la population rurale, notamment aux vignerons (AD Gironde, C1411). On peut ajouter que dans les campagnes de la généralité, la population pauvre consommait elle aussi du pain de seigle mais de manière très variable selon les endroits. Le seigle était donc lui aussi un produit surveillé et, par exemple, en mars 1757, sur ordre du contrôleur général, Tourny interdit la sortie de 4 bateaux chargés de seigle à destination de Lübeck et des Provinces-Unies (AD Gironde, C1419).
14 Poussou J. P. (2015) : “Bordeaux, grand port de redistribution et de ravitaillement en farines et en grains des façades atlantiques européennes à l’époque de la guerre de Sept Ans (1751-1766)”, dans Le Mao C. dir. (2015), L’approvisionnement des villes portuaires en Europe du xvie siècle à nos jours, Paris, PUPS (à paraître).
15 Voir aux Archives départementales de la Gironde, la sous-série 6 B : “Soumissions de farines 1726-1774”, et dans la série C les très nombreux échanges de correspondance entre les intendants de la généralité de Bordeaux et le contrôleur général. Toute sortie de farines et de grains par le port de Bordeaux nécessitait une autorisation. Il fallait donc que l’armateur ou l’affréteur d’un navire ou d’une barque fasse une déclaration à ce sujet : c’est ce que l’on appelle une “soumission”.
16 Il s’agit d’abord d’envois de maïs.
17 Marion M. (1891) : “Une famine en Guyenne (1747-1748)”, Revue Historique, tome XLVI, 2,1891, 241-287.
18 Lachiver M. (1991) : Les années de misère. La famine au temps du Grand Roi, Paris, Fayard.
19 Ce fut le cas en 1751 en Néracais mais aussi en Périgord, et également en 1759.
20 Mandon G. (1982) : La société périgorde au siècle des Lumières : le clergé paroissial, Périgueux, Mediapress.
21 Granat O. (1908) : Essai d’histoire économique. Le livre d’or de la vigne en Agenais et en Lot-et-Garonne pendant deux siècles, depuis l’hiver 1709 jusqu’en 1908, Agen, Imprimerie Moderne.
22 Poussou J. P. (2014) : “L’histoire du vignoble, de la viticulture et de la consommation du vin en France, de Louis xiv au début du xxe siècle”, Actes de l’Académie nationale de Bordeaux, tome XXXIX, 2014, 91-128.
23 Ainsi, en janvier 1751, le mémoire déjà cité rédigé par le directeur des Étapes à Bordeaux, Jarreau, nous apprend qu’on “estime que dans les années abondantes, il se produit assez de froment pour la consommation, et une partie de ceux [des grains], qui se recueillent en Agenais et Condomois, s’emploient en farines nécessaires pour l’armement des colonies. Mais, même dans ces années qui sont extrêmement rares, il y a toujours une nécessité réelle de remplacer cette partie de farine par des bleds de la mer qui s’emploient à la boulangerie” (AD Gironde, C1411).
24 Les états des stocks existant dans la ville sont dressés chaque semaine, et envoyés aussi bien aux jurats qu’à l’intendant (AD Gironde, C1453, correspondance de Tourny fils, 1759).
25 Il est surprenant que ni Simone Meyssonnier (La Balance et l’Horloge : la genèse de la pensée libérale en France au xviiie siècle, Paris, Les Éditions de la Passion, 1989) ni Steven Kaplan (Le Pain, le Peuple et le Roi : la bataille du libéralisme sous Louis XV, Paris, Perrin, 1986) n’aient vu que l’évolution au niveau du gouvernement s’est faite avant “le tournant de 1755” (S. Meyssonnier) et n’aient pas décelé le rôle majeur de Machault dans l’évolution des idées.
26 Voir AD Gironde, C 1425-1426. Mais aussi Gaudemet E. (1899) : L’abbé Galiani et la question du commerce des blés à la fin du règne de Louis XV, Paris, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, 103-129. On ne saurait oublier que le Périgourdin Bertin joua un rôle décisif dans la prise de cette décision.
27 La méture ou mesture est un mélange de froment et de seigle, ou encore de froment et d’orge, voire de fèves ou de maïs. Il est à peu près sûr que les campagnards consommaient un pain de méture plutôt que de seigle seul.
28 Joineau V. (2014).
29 Poussou J. P. (2015).
30 Ces expéditions vers la péninsule ibérique sont en quelque sorte traditionnelles : Yannick Giraud les signale déjà pour le début du xviie siècle ; Giraud Y. (1999). Pour le xviiie siècle, elles sont soulignées par Huetz de Lemps C. (1975) : Géographie du commerce de Bordeaux à la fin du règne de Louis XIV, Paris/La Haye, Mouton, 347-351 et 359-365, ainsi que par De Pena N. (1958) : “Contribution à l’étude du commerce de Bordeaux avec l’Espagne”, Revue historique de Bordeaux, 1958,177-197, et encore - mais pour les xvie-xviie siècles - par Malvezin T. (1892) : Histoire du commerce de Bordeaux depuis les origines jusqu’à nos jours, tome II, Bordeaux, Bellier, 190-191.
31 AD Gironde, C1411 et C1412.
32 On faisait d’abord appel au reste de la partie occidentale du royaume, selon l’état des récoltes : le Poitou aussi bien que la Picardie ou les Flandres pouvaient être sollicités ; la Bretagne l’était fortement ; et il y avait encore la venue de cargaisons depuis les îles Britanniques, les Provinces-Unies ou les pays de la Baltique.
Auteur
Professeur émérite à l’Université Paris-Sorbonne
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