Chapitre IV. Un grand lieutenant de César
De l’année 46 aux Ides de mars 44
p. 53-76
Texte intégral
1Après la victoire de Pharsale contre Pompée en août 48, César ne retourna pas directement à Rome. Il partit pour l’Égypte où il régla la question de la succession au trône lagide. En août 47, il battit Pharnace, le roi du Bosphore, qui avait essayé de reconstituer le royaume de son père Mithridate. Il rentra à Rome à l’automne 47 (octobre-novembre) pour repartir vers l’Afrique où s’était reconstituée l’opposition pompéienne. Après la victoire de Thapsus en juin 46, César revint à Rome et y séjourna jusqu’au mois de décembre. A cette date, il retourna en Espagne où les Pompéiens avaient refait leurs forces. Après la victoire définitive de César contre le parti pompéien, le dictateur revint à Rome où il y séjourna jusqu’à sa mort1, En définitive, pendant ces quelques années César avait peu séjourné à Rome, pas une seule journée en 48, huit semaines en 47, cinq mois en 46, quatre mois et demi en 45 et dix semaines en 44. Parallèlement, sur le plan institutionnel et constitutionnel, dès 46, César chercha à renforcer son pouvoir en cumulant la dictature et le consulat. Pour les années 46-44, on peut donc parler de César, comme d’un véritable monarque, même si le type de monarchie voulu par le dictateur reste discuté par les historiens2.
2De 46 aux Ides de mars, Lépide resta à Rome où il seconda César. Il continua son cursus honorum comme consul en 46 et surtout comme maître de la cavalerie de 46 à 44. Il convient donc de s’interroger sur ses pouvoirs réels et sur sa participation à la gestion de Rome sous les ordres de César.
1. Le consulat de Lépide (année 46)
3A son retour d’Orient à l’automne 47, César fit élire les deux consuls pour la fin de l’année3. Il se lit ensuite élire consul pour 46 et choisit Lépide comme collègue4, puis il abdiqua la dictature et ne garda que le pouvoir proconsulaire.
4Le choix de Lépide au consulat était conforme aux institutions traditionnelles. Il avait été préteur en 49 et le délai de trois ans entre la préture et le consulat était respecté. Il semble toutefois que ce choix fut négatif. A en croire Plutarque5, c’est Antoine6 qui aurait dû avoir la charge, bien que ce dernier n’ait pas été préteur. Antoine, qui depuis 48 était le magister equitum7 faisait l’objet d’un certain nombre de reproches de la part de César et allait connaître une disgrâce politique jusqu’en 45. En effet, en 47, il n’avait pas su mettre fin à l’agitation du tribun de la plèbe Dolabella qui avait repris à son compte la vieille question des dettes8 tandis que d’anciens vétérans revenus de Pharsale étaient fauteurs de troubles en Italie. Antoine avait dû partir en Campanie et faire intervenir l’armée sur le Forum9. César lui reprochait également sa vie dissolue, son goût immodéré pour le vin, les débauches et les femmes10. Le futur dictateur, qui devait repartir en décembre 47 vers l’Afrique pour mater l’insurrection pompéienne avait donc besoin d’un homme de confiance pour garder Rome au calme. Son choix se porta sur Lépide qui était revenu d’Espagne où son administration avait été satisfaisante. De plus, la personnalité de Lépide tranchait avec celle d’Antoine. Certes, le futur triumvir avait lui aussi fait l’objet de reproches, mais aucune remarque ne touchait à sa vie privée11. Il incarnait plutôt les vertus aristocratiques traditionnelles. Enfin, ce choix était évidemment politique. Comme nous l’avons déjà mentionné, César avait toujours eu des liens étroits avec les nobiles qui dans leur ensemble avaient choisi son parti plutôt que celui de Pompée12. Comme l’a noté Z. Yavetz, pour le consulat, entre 48 et 44, cinq des neuf consuls appartenaient à des “familles distinguées”13. Il s’agissait de P. Seruilius Isauricus, Lépide. Q. Fabius Maximus, Antoine et P. Cornelius Dolabella.
5Lépide eut donc la responsabilité de Rome jusqu’au retour d’Afrique de César. Apparemment la ville fut calme et ce consulat dura quatre cent quarante-cinq jours à cause du changement de calendrier14.
6Ce fut durant le consulat de Lépide, probablement pendant l’absence de César que Cicéron lui demanda de l’aide pour l’un de ses meilleurs amis, l’ancien questeur L. Mescinius Rufus. Ce dernier devait récupérer l’héritage de son cousin qui était banquier à Elis. L’affaire étant délicate, Cicéron écrivit au proconsul d’Achaïe, Ser. Sulpicius Rufus. Dans cette lettre, Cicéron fait mention d’une lettre de recommandation de Lépide adressée à Sulpicius pour traiter au mieux le cas de Mescinius.
Rome, 4615.
“En outre à condition que cela ne te paraisse pas incompatible avec ton rang, je te serai très reconnaissant si tu renvoies à Rome, puisqu’un sénateur est partie dans l’affaire, les gens intraitables qui s’opposeraient à un règlement à l’amiable.
Pour atténuer tes hésitations à cet égard, je tiens du consul M. Lépide une lettre qu’il t’a faite, non pour te donner un ordre quelconque, car cela ne me semblerait pas digne de ton rang, mais plutôt comme une sorte de recommandation”.
7L’héritage de Mescinius étant à l’origine de difficultés juridiques, le gouverneur de province semblait hésiter à intervenir. Or, dans certains cas précis, lorsqu’il y avait un conflit entre un provincial avec un sénateur ou avec un citoyen romain, l’affaire pouvait être renvoyée devant les tribunaux de Rome. C’était soit le gouverneur qui renvoyait l’affaire à Rome, soit le consul qui convoquait les parties à Rome16. Ici, Cicéron avait à la fois demandé l’aide de Lépide et écrit à Ser. Sulpicius Rufus. Lépide lui avait répondu favorablement puisqu’il possédait le double de la lettre envoyée au gouverneur. Dans cette affaire, il faut noter que les relations qui existaient entre les deux hommes en 46 étaient bonnes puisque Lépide avait souscrit apparemment sans difficulté à la demande de Cicéron. On y a vu peut être une manœuvre politique du consul qui, en répondant favorablement à la demande de l’orateur, gardait l’opposition tranquille à Rome17.
8Ce fut également comme consul, qu’à la lin de l’année 46, Lépide convoqua les Comices et tint les élections consulaires pour 4518. César fut élu seul consul pour la quatrième lois. Il n’y eut pas d’élections de préteurs et de questeurs. La précipitation du départ de César pour l’Espagne expliqua la suppression des élections des autres magistrats et le fait de ne pas choisir un autre collègue au consulat. La tenue d’élections ne devait guère poser de difficultés à Lépide qui, depuis 49, connaissait bien les arcanes du droit constitutionnel romain.
9Au cours de cette même année 46, César reçut la dictature pour dix ans et nomma Lépide maître de la cavalerie.
2. Lépide maitre de la cavalerie (années 46-45)
2.1. La nomination à la maîtrise de la cavalerie et le rôle du magister equitum sous César
10Bien que les sources soient divergentes sur la date à laquelle Lépide fut choisi comme maître de la cavalerie19, il semblerait que César ait nommé le consul de 46 magister equitum à son retour d’Afrique en juillet 46, et l’ait reconduit à cette charge pour l’année 45.
11Force est de constater que la maîtrise de la cavalerie, dont l’origine reste discutée, a fait l’objet de peu de recherches parce qu’elle a été supplantée par la dictature qui lui était supérieure20. Elle apparut probablement à l’époque royale lorsqu’existaient les tribuni celerii, les préposés à la cavalerie. Puis, sous la République, le magister equitum devint l’adjoint du dictateur dont il possédait les mêmes compétences mais comme auxiliaire. Il était donc le second personnage de l’État après le dictateur et son représentant en son absence. Comme tout haut magistrat de la République, il avait droit aux ornamenta, avait probabement le siège curule, la toge prétexte, était accompagné de six licteurs et portait l’épée21.
12Avant César, Sylla22 avait eu recours à la dictature et avait choisi immédiatement comme le veut la loi, un maître de la cavalerie. Il s’agissait de L. Valerius Flaccus dont le rôle fut essentiellement symbolique, sa charge n’existant que pour donner un caractère légal et officiel à la dictature. Cette maîtrise différait des maîtrises du début de la République parce qu’elle avait perdu toutes les fonctions de commandement puisque Sylla décidait de tout sur le plan militaire.
13Lors de sa première dictature en 49, comme nous l’avons déjà mentionné, César ne choisit pas de maître de la cavalerie, ce qui était tout à fait contraire à la lex de dictatore creando, puisqu’il s’agissait d’une dictature rei gerendae causa. En 48 et en 47, lors de la deuxième dictature, Antoine remplit la fonction de magister equitum23 et Plutarque écrit à ce sujet24 : “Après la victoire (Pharsale), César qui avait été proclamé dictateur, comme il se lançait lui-même à la poursuite de Pompée, désigna Antoine comme maître de la cavalerie, et l’envoya à Rome. Cette charge est la seconde lorsque le dictateur est présent. S’il est absent, c’est la première et presque la seule, puisqu’à l’exception du tribunat de la plèbe qui subsiste, la nomination d’un dictateur suspend toutes les autres charges”.
14Plutarque, dans ce passage insiste surtout sur la suspension des autres charges, à l’exception du tribunat de la plèbe. En effet, à partir de 48 les institutions traditionnelles ne fonctionnaient plus normalement. Les pouvoirs de l’assemblée centuriate furent affaiblis et César s’arrangea pour que ses partisans soient élus à toutes les magistratures25. Après la victoire de Thapsus, Dion Cassius26 écrit que le Sénat décida “qu’il disposerait des nominations des magistratures ainsi que de tous les honneurs que le peuple avait auparavant l’habitude d’accorder”. Le consulat fut particulièrement visé. Dès 47, César accepta des Comices centuriates d’être élu pour cinq années consécutives27 puis d’y être renouvelé pour dix ans28. En 47, les consuls ne furent élus qu’au retour de César, la ville ayant été gouvernée par Antoine29. Pour l’année 45, ce fut Lépide qui tint les élections consulaires à l’issue desquelles César fut élu, seul, consul pour la quatrième fois30. A son retour à Rome en octobre 45. César ne garda que le pouvoir dictatorial : il se démit du consulat et choisit lui-même deux consuls suffects, Q. Fabius Maximus et C. Trebonius31. Pour 44, Antoine fut élu consul, et comme en 45, César eut l’intention de se démettre du consulat au profit de P. Cornelius Dolabella32. Les Romains n’étaient pas dupes de l’affaiblissement de la plus haute magistrature de la République. Une anecdote le prouve. On raconte que lorsque Fabius Maximus, consul suffect pour trois mois en 45, entra au théâtre et que, comme le voulait l’usage, le licteur demanda le silence, tout le monde se mit à crier qu’il n’était pas consul33. La même évolution valait pour les autres magistratures. A titre d’exemple, pour la préture, en 46, César fit élire dix préteurs au lieu de huit et pour 44 leur nombre passa à seize. Pour récompenser ses partisans, César augmenta le nombre de charges tout en affaiblissant les fonctions.
15Ce déclin des fonctions traditionnelles semble s’être fait au profit du maître de la cavalerie et des collaborateurs directs de César. L’année 47 avait commencé sans consuls, préteurs ni questeurs. Rome fut gouvernée par Antoine, le magister equitum, assisté de tribuns et d’édiles de la plèbe. Lorsqu’il dut partir en Campanie, mater la révolte des vétérans, il nomma L. Iulius Caesar, poliarchos, pour gouverner Rome à sa place34. Il avait également à sa disposition une partie de l’armée35.
16En 46 et en 45, Lépide, le nouveau maître de la cavalerie, était resté à Rome et avait sous ses ordres pour gérer l’Vrbs six ou huit préfets36.
2.1.1. Lépide et les préfets urbains
17Voici ce qu’écrit Dion Cassius, à propos de ces préfets, lors du départ de César pour l’Espagne en 4537 :
18“Il part après avoir confié la ville à Lépide et à un nombre de préfets (polianomoi) huit ou six”. Puis38, l’auteur grec donne d’autres détails dans un autre passage :
"Outre ces mesures prises cette année-là (année 45), deux des préfets urbains furent chargés des finances, puisqu’aucun questeur n’avait été élu comme auparavant. En effet, comme dans d’autres occasions jadis, maintenant que César était absent, les préfets administraient toutes les affaires de la ville en accord avec Lépide, en sa qualité de maître de la cavalerie. Et, accusés d’utiliser des licteurs, ainsi que la toge et le siège des magistrats, tout comme le maître de la cavalerie, ils se défendirent en invoquant certaine loi qui en autorisait l’usage à tous ceux qui ont reçu une charge quelconque d’un dictateur. Mais en ce qui concerne l’administration financière, modifiée dès lors pour des raisons que je viens de dire, elle ne fut plus invariablement confiée aux questeurs, mais finit par échoir aux anciens préteurs. Le Trésor Public était donc administré par deux des préfets urbains, et l’un de ces deux-là célébra aux frais de César les jeux Apollinaires et les édiles plébéiens conduisirent les Ludi Megalenses en conformité avec un décret. Un certain préfet, nommé pendant les Feriae, choisit lui-même un successeur le lendemain, puis un troisième le surlendemain, ce qui ne s’était jamais fait auparavant, ni depuis”.
19Suétone fait également allusion à ces préfets :
“De son troisième et de son quatrième consulat, il ne prit que le titre et se contenta du pouvoir dictatorial... il désigna deux consuls suppléants pour les trois derniers mois ; dans l’intervalle, il ne lit pas d’autres élections que celles des tribuns et des édiles plébéiens et créa des préfets propréteurs chargés d’administrer Rome en son absence39”
20Il est difficile de savoir quelles étaient exactement les intentions de César lorsqu’il créa ces nouvelles fonctions. S’agissait-il de personnes nommées pour résoudre un problème urgent ? Ou bien à travers ces nominations, n’était-ce-pas la mise en place d’un nouveau système administratif fondé sur la nomination de personnes fidèles à César et la fin ou le déclin d’une administration dominée par des magistrats élus ?
21La création de préfets urbains n’était pas nouvelle. Il existait sous la Royauté et au début de la République des préfets urbains qui, d’après Tacite40, “étaient chargés de rendre la justice et de parer aux nécessités soudaines” lorsque les rois et les magistrats s’absentaient de Rome. Avec la création du praetor urbanus, la charge disparut mais le nom continua à être donné aux fonctionnaires qui restaient dans la ville lorsque le consul allait au Mont Albain pour les Feriae Latinae. Ce préfet s’appelait praefectus urbis feriarum latinarunt. Pendant la période césarienne, en 47, apparut un personnage appelépoliarchos par Dion Cassius41 qui fit office de préfet de la ville. Le contexte était particulier, parce que pendant l’agitation des vétérans en Campanie, Antoine, alors magister equitum avait dû quitter Rome pour ramener l’ordre. Il laissa la charge de la cité à Lucius Caesar, l’oncle de César en le nommant poliarchos. Selon Dion Cassius, le choix fut peu heureux parce que Lucius Caesar, trop âgé, n’avait pu ramener l’ordre dans l’Vrbs. Ce préfet, nommé dans des circonstances particulières rappelait le praefectus urbis de la royauté et des débuts de la République. Sa création n’avait pas soulevé de critiques. Il en va tout autrement des préfets de 46 et de 45. D’abord Dion Cassius les nomme polianomoi et non poliarchoi. Cette différence d’appellation avait certainement une signification sous la plume de l’historien. Ils étaient les adjoints de Lépide, qui était resté à Rome, les deux passages ne sont pas équivoques à ce sujet. La création d’une telle charge allait dans le sens déjà évoqué, à savoir la mise en place d’une administration composée de personnes nommées par le dictateur tandis que parallèlement était remis en cause le vieux système fondé sur des magistrats élus. L’exemple des finances était parlant, par deux fois Dion Cassius écrit que le Trésor Public fut confié à deux préfets urbains et non plus systématiquement aux questeurs.
22Reste à savoir qui étaient ces nouveaux préfets. A. Alföldi42 a essayé de les retrouver en confrontant les sources littéraires et numismatiques. Il distinguait les simples préfets urbains des préfets urbains de rang prétorien. Ces derniers, veillaient sur l’or gardé dans la forteresse du Janicule et frappaient des aurei. Ils étaient assistés de triumuiri monetales qui, eux aussi, avaient le titre de praefectus urbi. En suivant ce raisonnement pour 46, A. Alföldi, qui s’appuyait sur une monnaie, avait identifié comme préfet de la ville de rang prétorien A. Hirtius43, un ami fidèle de César. Il était assisté de préfets urbains, triumuiri monetales qui s’appelaient respectivement : (Loill ius) Palikanus44, T. Carisius45 et C. Antius Restio46. Palikanus était également aedilis Cerialis. En 45, A. Hirtius fut remplacé par un autre Césarien de confiance : L. Munatius Plancus47 et C. Considitis48, M’. Cordius Rufus49 et L. Valerius Acisculus50 furent triumuiri monetales. Cette identification pose bien des problèmes. T. R. S. Broughton51,en analysant la même monnaie, ne croit pas que M. Hirtius ait été préfet. Il fut seulement préteur. Quant aux triumuiri monetales de 46 et de 45, rien ne prouve à l’étude du titre de leurs monnaies qu’ils aient été praefecti urbi. L’étude du matériel numismatique auquel A. Alföldi a consacré tant d’efforts ne nous apporte finalement pas de réponse satisfaisante.
23De même, il faut être très prudent pour ce qui concerne C. Clouius ou Clouius52. En effet, sur la base de quelques monnaies, le numismate E. A. Sydenham53 avait conclu que cet homme avait été préfet urbain. Il semble plutôt comme l’a démontré Cl. Nicolet54 qu’il ait été préfet ou membre d’une commission envoyée par César en Gaule Cisalpine pour distribuer des terres.
24A travers ces deux exemples, on peut mesurer l’ambiguïté de leurs délégations de pouvoir. Ces personnages avaient des pouvoirs techniques (potestas), mais non juridiques, ils n’avaient pas l’imperium55. Enfin, K. E. Welch qui a repris récemment le dossier, considère que l’instauration de la préfecture de la Ville visait à mieux surveiller les habitants et à préserver l’ordre publie56. Quant aux préfets eux-mêmes, elle a dans un premier temps avancé de manière convaincante que L. Munatius Plancus57 pour l’année 45 et Liuineius Regullus58 avaient pu être préfets. La seconde partie de son intervention prête davantage à discussion, puisqu’elle suggère que C. Oppius et L. Cornelius Balbus auraient pu être également préfets urbains en se fondant essentiellement sur leurs pouvoirs à Rome59.
25La mise en place d’un nouveau type de personnel dévoué à César ne fut pas sans soulever des critiques. Ces préfets furent accusés d’utiliser des licteurs, la toge et le siège des magistrats et cette pratique choqua. L’historien allemand Croche60 avait cru voir dans ce fait un manque de personnalité de Lépide qui aurait eu du mal à s’affirmer. C’est une interprétation qui paraît erronée et qui est fondée sur l’image habituelle qu’ont les historiens de Lépide. L’utilisation abusive des symboles liés aux magistratures avait une toute autre signification. Elle démontrait plutôt une hostilité profonde au nouveau système. César se rendit compte que la nomination de ces préfets soulevait l’opposition et ce fut certainement pour cette raison qu’ils ne furent pas inscrits sur la liste des détenteurs d’offices qu’il dressa avant de quitter Rome pour sa campagne parthique61.
2.2. Lépide et la pratique césarienne du pouvoir
26Parallèlement à la mise en place de ces préfets, un certain nombre d’historiens dont J. Carcopino62, et récemment R. Étienne63 ont avancé l’hypothèse selon laquelle, sous la dictature de César s’était mis en place un véritable gouvernement de cabinet, un Conseil privé comme celui qui caractérisa l’absolutisme du xviie et du xviiie siècles. Ces historiens font allusion à des collaborateurs très proches de César, C. Oppius et L. Cornelius Balbus64. Il faut ajouter aussi C. Matius, A. Hirtius, C. Vibius Pansa, sans oublier le secrétaire particulier de César, Faberius65. C. Oppius et L. Cornelius Balbus étaient tous les deux equites. Le premier était cultivé et fin lettré, le second d’origine espagnole, de Gadès, récemment romanisé et ayant une grosse fortune66. D’après J. Carcopino, en parlant de ces deux hommes, “ils formaient un secrétariat discrétionnaire et ils n’avaient qu’un mot à dire pour que les consuls, les tribuns et même le magister equitum s’inclinassent aussitôt”67. Ils agissaient comme des mandataires, des fondés de pouvoir du dictateur68. Ces historiens se sont appuyés essentiellement sur la correspondance de Cicéron et sur un passage de Tacite. En effet, à partir de 46, Cicéron fit souvent allusion à Oppius et à Balbus. A titre d’exemple, Balbus et Oppius donnèrent à Caecina l’autorisation de prolonger son séjour en Sicile69. Également Cicéron leur envoya sa plaidoirie pour Ligarius. Ils la firent parvenir pour autorisation à publication à César qui était en Espagne70. De même, dans les premiers mois de 45, Cicéron entendit parler de lois qui devaient réorganiser les cités italiennes et les fonctions municipales. Il écrivit à Balbus, qui détenant des instructions de César, lui donna des renseignements sur lesdites lois71. Enfin, si l’on croit Tacite, “C. Oppius et Cornelius Balbus furent les premiers que la puissance de César érigea en négociateurs de la paix et en arbitres de la guerre”72. Ces deux chevaliers ont certes eu de l’influence mais les propos de Tacite sont très excessifs lorsqu’il affirme qu’ils pouvaient décider arbitrairement de la paix et de la guerre. César prenait ses décisions les plus importantes lors de réunions officieuses avec une poignée d’hommes de confiance au nombre desquels se trouvaient Oppius et Balbus73. Il est aussi exagéré, comme l’écrivait J. Carcopino, de croire qu’Antoine et Lépide devaient s’incliner devant C. Oppius et L. Cornelius Balbus. Comme le dit très justement Z. Yavetz, César ne déléguait jamais le Pouvoir mais les pouvoirs. C’est ce que semble d’ailleurs confirmer cette lettre de Lépide, datée de fin août 45 et qui invitait Cicéron à se rendre au Sénat pour le premier septembre74.
“Lépide m’a envoyé hier soir une lettre d’Antium où il se trouve, car il possède la maison que j’ai moi-même vendue.
Il me demande avec insistance d’être présent au Sénat le premier. César et lui-même m’en auraient une vive gratitude. Je pense pour ma part que c’est du vent : Oppius t’en aurait dit un mot même, puisque Balbus est souffrant. Cependant j’aime mieux venir pour rien que de faire défaut si l’on a besoin de moi. puis de le regretter. Aussi je serai aujourd’hui à Antium, demain avant midi chez moi à Rome”.
27César était encore absent de Rome et on attendait son retour d’Espagne. A cette époque, Cicéron était toujours césarien et pour une raison inconnue, César avait besoin de lui. Ce fut par l’intermédiaire de son magister equitum qu’il en lit la demande. Nous ne connaissons pas l’ordre du jour de cette séance, ni si elle a eu lieu75. Cicéron n’est d’aucun secours à ce sujet puisque sa correspondance ne reprend que fin octobre. Si cette séance a eu lieu, peut-être a-t-elle été consacrée au vote des sénatus-consultes qui récompensaient César après Munda76.
28Durant les années 46-45, César séjourna peu de temps à Rome. Ce fut donc Lépide qui eut la responsabilité de la gestion de la ville, aidé dans cette tâche, par des préfets urbains nommés par César. Lépide administra correctement l’Vrbs puisqu’aucun trouble, aucune agitation n’eurent lieu. Quant aux préfets urbains que Lépide avait sous sa responsabilité, force est de constater qu’il est bien difficile de savoir quels furent leurs rôle et place. Toutefois, ces nominations furent mal acceptées et ne furent pas reconduites pour 44.
29Il semble également que Lépide fit partie de ce petit cercle d’hommes de confiance qui gravitait autour du dictateur et qui exécutait ses ordres. Ce fut certainement dans ce cadre, que parallèlement aux tâches administratives et politiques, il fut l’exécuteur au nom de César de travaux d’urbanisme.
2.3. La direction de travaux d’urbanisme à Rome
30Le domaine où César excella le plus, fut celui de l’urbanisme associé à l’architecture. Son but semblait clair, il voulait faire de Rome une capitale digne des cités orientales dont Alexandrie restait le modèle. Avant la guerre civile. César envisagea l’extension du Forum républicain devenu insuffisant pour toutes les activités religieuses, politiques et religieuses de l’Vrbs. Le projet, conçu dès 5477, était d’abord une réponse aux travaux d’urbanisme de Pompée78 qui, le premier, avait construit un théâtre de pierre à Rome en 55. Les travaux débutèrent en 51 et la déduction eut lieu en 46 à la suite des quatre triomphes de César. Un nouveau Forum, le Forum Iulium79 devait prolonger et agrandir en direction du Champ de Mars, le Forum républicain. Il s’agissait d’une place fermée dont un des petits côtés était dominé par le temple de Vénus Genitrix80. Ce temple avait une signification symbolique et dynastique puisqu’il rappelait que la gens Iulia descendait de Iule, fils d’Énée, lui-même enfanté par la déesse Vénus. Cette construction avait entraîné des remaniements importants sur l’ancien Forum. Après la guerre civile, la Curia Cornelia fut détruite et remplacée par un bâtiment plus petit, la Curia Iulia qui fut alignée sur le Forum de César et les Rostres furent déplacés. Ces transformations, riches de significations, montraient qu’un nouveau régime était en place, et marquaient ainsi la subordination du Sénat et l’affaiblissement des magistratures. Parallèlement à ces premières constructions, il existait un second volet de l’œuvre urbanistique de César qui concernait la réfection de vieux bâtiments républicains. Le dictateur tenait à donner à tout cet ensemble civique une cohérence décorative tout en maintenant l’idée que la République existait toujours81.
31César associa Lépide à son programme urbanistique. Le premier édifice construit par le futur triumvir furent les Saepta82. Le projet datait de 54, et comme pour l’agrandissement du Forum, il fallait y voir “une riposte aux édifices dynastiques de Pompée”83. Ce projet est connu grâce à une lettre de Cicéron écrite à Atticus84. César envisageait de construire de nouveaux Saepta, transformant ainsi l’ancienne enceinte en bois dans laquelle se tenaient les Comices en un bâtiment de marbre recouvert d’un toit et entouré de portiques. L’idée de recouvrir le bâtiment fut abandonnée, mais celle d’entourer l’édifice de portiques fut conservée. Sur le plan architectural, le dictateur s’était probablement inspiré de formules empruntées au monde hellénistique. Quant à la construction de l’édifice, c’est Dion Cassius qui indique que ce fut Lépide qui en eut la responsabilité85 : “Agrippa avait décoré avec des tablettes de marbre et des peintures cet édifice qui avait été construit par Lépide avec un portique tout autour pour les réunions des Comices tributes et on le nommait Saepta Iulia en l’honneur d’Auguste”. L’édifice fut commencé en 46 ou en 45 et n’était pas terminé à la mort de César. Tous les projets du dictateur sur le Champ de Mars ne furent pas entièrement interrompus par sa mort. Les triumvirs, qui se présentèrent comme les héritiers de César en continuèrent quelques uns86. Ce fut à ce titre que Lépide poursuivit des travaux entre 42 et 40, date de son départ pour l’Afrique. Ils furent décorés et inaugurés par Agrippa en 2687. Il faut noter que les Comices perdant peu à peu de leur importance politique, les Saepta tendirent à devenir, et ce dès l’époque triumvirale puis, à partir d’Auguste, un véritable musée et un lieu de promenade pour les Romains88 tout en accueillant certaines manifestations religieuses89. Reste à s’interroger sur leur localisation.
32On a longtemps situé les Saepta sur la rive gauche de la via Lata, parce qu’on avait découvert à plusieurs endroits les restes d’un grand édifice90. Mais grâce notamment aux travaux de G. Gatti91 on sait aujourd’hui que les Saepta étaient situés beaucoup plus à l’ouest, le long du Panthéon qu’ils jouxtaient par un portique et sur le front duquel ils étaient alignés au nord. Les vestiges archéologiques permettent de délimiter plus précisément l’étendue de l’édilice à l’époque augustéenne. Il se dressait entre Vaqua Virgo au nord, et le Circus Flaminius au sud, l’Iseum Campense et la Villa Publica à l’est et le panthéon et les thermes d’Agrippa à l’ouest et formait un rectangle de 300/95 m, bordé sur ces deux grands côtés par un long portique et terminé, au sud, par un bâtiment, le Diribitorium92.
33La seconde construction à laquelle Lépide fut associé fut le temple de la Felicitas93. Il faut d’abord rappeler que Félicitas était une abstraction ancienne associée à Fortuna et proche de la Tyché grecque94. Lorsque Felicitas fut promue au rang de déesse, un premier temple lui fut édilié en 146 par L. Licinius Lucullus, à la suite d’un vœu formulé durant sa carrière militaire en Espagne en 151/15095. Les imperatores au cours du ier siècle évoquèrent à leur tour Fortuna et Felicitas, tout en inaugurant une nouvelle théologie de la victoire. Sylla reçut le cognomen Felix qui signifiait “chéri des dieux”96 et mit au compte de sa Felicitas ses succès militaires sur ses adversaires plutôt que sur celui de ses vertus97. Pompée, à son tour, choisit la Fortuna populi romani98 et lorsqu’il construisit son théâtre permanent en 55, il créa le culte de Felicitas, en même temps que celui de Venus Victrix, de Victoria, d’Honos et de Virtus99.
34La Fortuna de César a suscité bon nombre d’études et beaucoup d’historiens sceptiques ont avancé que la Fortune n’était pour César que le “hasard aveugle”100. Il a fallu attendre S. Weinstock qui a réhabilité la Fortuna Caesaris en la plaçant parmi les “nouveaux cultes” fondés ou inspirés par le dictateur101. César s’attacha réellement Fortuna au début de la guerre civile et avant de quitter Rome en décembre 49102, il lui offrit un sacrifice. En janvier 48, il put traverser l’Adriatique à Brindisi grâce à Fortuna qui apaisa la mer. Puis quand il revint à Brindisi surveiller un second transport de troupes, il rappela à ses soldats effrayés par la tempête qu’ils n’avaient rien à craindre parce qu’ils “transportaient César et la Fortuna Caesaris”103. Cette phrase symbolisait aux yeux de tous sa destinée exceptionnelle et à partir de là, le futur dictateur s’appropria la Fortuna du peuple romain. En 47, il attribua sa victoire sur le Nil à sa chance104 et Felicitas fut le cri de guerre à la bataille de Thapsus en 46105. C’est dans ce contexte qu’il décida l’érection d’un temple à Felicitas106. Nous le savons par Dion Cassius107 qui fait référence à plusieurs mesures votées par le Sénat en l’honneur de César. Parmi celles-ci, la construction d’une nouvelle Curie. L’ancienne, la Curia Cornelia fut détruite parce que le bâtiment était lié au nom de Sylla qui l’avait restaurée en 80 et au nom de son fils Faustus qui l’avait également restaurée après l’incendie de 52108. La démolition de la vieille Curie eut lieu après l’inauguration du Forum de César en 46109. C’est sur l’emplacement de la Curia Cornelia que fut “construit le temple de la Felicitas qui fut achevé lorsque Lépide était maître de la cavalerie”110. La consécration du temple eut peut-être lieu en 44 comme le laisse penser une lettre de Cicéron datée de la fin du mois de décembre 45111 :
“Ma lettre était déjà écrite, et voilà-t-il pas que Lépide me demande de venir ? il veut des augures, je suppose ‘pour définir’ un temple. Allons-y surtout pas d’histoires”.
35La construction de ce temple avait une signification très particulière. D’abord parce que le souvenir de Sylla par le biais de la Curia Hostilia se trouvait définitivement effacé. Le nouvel édifice religieux remplaçait le vieux symbole de la liberté républicaine et permettait à César la construction de la nouvelle Curie sur le Forum Iulium. Félicitas n’était pas étrangère à Lépide, puisque ce fut son arrière-grand-père qui, en 179, dédia pour son parent décédé, le temple des Lares Permarini avec une inscription dédicatoire qui y faisait référence. Par cette construction, Lépide, et également les Aemilii se trouvaient associés au programme urbanistique de César, puisque la Curia lidia était située entre le temple de Felicitas et la Basilica Aemilia112.
36Nous avons peu de renseignements sur ce temple et on insiste généralement sur le fait qu’il a dû être détruit peu de temps après son érection113. En effet, le Sénat vota en 43 la reconstruction de la Curia Cornelia, reconstruction qui d’ailleurs n’a jamais vu le jour. Peut-être comme le suggère F. Coarelli, le temple a-t-il été détruit à cette occasion114 ? Pourtant nous n’en avons aucune preuve115. Quelques souvenirs archéologiques (mur en opera quadrata, fragments de décoration architectonique et chapiteau) ont été retrouvés sous l’angle de l’église baroque Sante Luca e Martina, près de l’arc de Septime-Sévère116.
37Lépide a été un exécutant des décisions de César comme le sera plus tard Agrippa pour Auguste117. César avait besoin de collaborateurs pour ses projets d’urbanisme et d’architecture. Ainsi, Cicéron et Oppius avaient été amenés à aider le futur dictateur, par l’achat de terrains. Lépide, présent à Rome de 46 à 44, a pu superviser et suivre les travaux du nouveau Forum et ceux du temple de Vénus Genitrix. A-t-il aidé au financement de certains bâtiments comme le suggère R. D. Weigel118 ? Cela semble assez improbable. Certes, en 45 Lépide devait être relativement aisé, comme le laisse penser son acquisition récente d’une maison à Lanuvium et une autre à Antium119. Il avait peut-être rapporté du butin d’Espagne. Mais il paraît difficile de penser qu’il ait fait acte d’évergétisme pour des projets qui tenaient tant à cœur à César. Les réalisations césariennes furent réalisées avec le butin rapporté des Gaules, mais aussi avec les taxes et les impôts exigés des nouveaux vaincus.
38Parallèlement aux travaux d’urbanisme de Rome, Lépide s’est intéressé également à l’Italie.
2.4. Lepide à Alba Fucens
39C’est F. Coarelli120 qui a démontré récemment le lien qui existait entre Lépide et la cité d’Alba Fucens dans les Abruzzes.
40Cette cité était une colonie latine fondée dans le territoire des Eques à la frontière de celui des Marses en 303 a.C. an moment de la pause entre la deuxième et troisième guerre samnite. L’histoire de la ville est mal connue et on suppose qu’Alba Fucens contrôlait les populations des Abruzzes actuels entrées depuis peu dans l’alliance avec Rome121. A la fin de la République, Alba Fucens fut au centre de trois épisodes importants de l’histoire de Rome : en 91 lors du siège mis par les socii italiens pendant la guerre sociale, en 77 pendant les combats qui opposèrent Lépide et Pompée et en 49, au début de la guerre civile entre César et Pompée.
41La ville a été fouillée à partir de 1949 par une équipe belge qui a dégagé un secteur important du centre de la cité et découvert également un monument tout à fait exceptionnel aux marges septentrionales de la ville. Ce monument appelé “terrasse nord” est un ensemble grandiose long de 157,50 m (187,60 m avec l’appendice méridional), large de 48,40 m au nord, 20 m au sud. Au nord-est de cette terrasse, on mit au jour un monument (appelé monument A) qui faisait penser aux piliers funéraires qui étaient nombreux en Italie centrale à la fin de la République et au début de l’Empire. A l’est du monument A on identifia une petite construction rectangulaire (enclos B et podium C). Pour les archéologues, le monument A d’une part, et l’enclos B et le podium C d’autre part, appartenaient à deux phases de construction différentes, le monument A étant plus ancien que le second ensemble. La "terrasse nord” a été identifiée à un campus122. Toutefois, il ne s’agissait pas d’un campus ordinaire mais d’un gymnasium, selon un modèle qui sera à l’origine des Caesarea123. Le mausolée (monument A) et l’enclos B-C constituaient un heroon, c’est-à-dire une tombe héroïque avec un petit sanctuaire destiné au culte du titulaire de la tombe. A l’opposé de la terrasse se trouvait une grande salle absidée dont l’axe était dans l’alignement du tombeau, l’abside étant certainement un espace sacré en l’honneur du personnage enterré dans le mausolée. La découverte d’un portrait tardo-républicain124 et d’une statue acéphale d’homme en toge confirme l’hypothèse. Il faut ajouter qu’on a retrouvé dans les parages le portrait d’un jeune homme qui pouvait appartenir au même ensemble.
42F. Coarelli, en s’appuyant sur deux passages d’Orose, a démontré qu’en 78-77, lorsque M. Aemilius Lepidus tenta de constituer une armée en Étrurie, son fils aîné adopté par L. Cornelius Scipio Asiagenus le suivit et essaya de mettre sur pied un noyau de résistance à Alba Fucens et non à Alba Pompeia comme on le croit généralement125. La cité, après un long siège, se rendit à Pompée qui mit à mort le fils adoptif de Scipion. Certes, nous ignorons la position politique d’Alba Fucens en 78-77, mais on peut raisonnablement penser que Lépide y avait trouvé des soutiens en proposant de restituer à leurs propriétaires les terres prises par Sylla pour les redistribuer à ses vétérans126. Ces événements de 78-77 sont à mettre en relation avec le monument qui est daté des premières décennies du ier siècle avant Jésus-Christ et qui ne pouvait appartenir qu’à un personnage important qui connut plus tard un processus d’héroïsation. Il devait s’agir du fils aîné du consul de 78 et on pouvait peut-être aussi attribuer au même Scipion le portrait héroïsé provenant de la terrasse.
43Quelques décennies plus tard, en 49, la cité fut de nouveau le théâtre d’affrontements entre Pompée et les populares. César réussit à conquérir la ville où stationnaient des cohortes pompéiennes. Une inscription rappelait ces événements et faisait du futur dictateur le patronus de la cité127. Or, la dédicace fut faite en 46, en son absence, lorsque Lépide était à Rome magister equitum. Si nous admettons que le tombeau de la terrasse septentrionale fut celui du fils aîné du consul de 78, il y a de fortes présomptions pour que Lépide soit le constructeur du monument dans lequel on peut identifier le Caesareum de la cité, c’est-à-dire le monument du culte dynastique du dictateur associé à la mémoire des Aemilii Lepidi. Ce grand complexe du gymnasium-campus d’Alba Fucens apparaît comme un des derniers témoignages de la culture hellénistique en Italie, où est exalté avec l’accord du dictateur le rôle héroïque et semi-divin d’un des membres d’une des plus grandes familles de l’aristocratie romaine. Cette construction, associant le dictateur et les Aemilii Lepidi prouve l’ancienneté et la profondeur des liens qui existaient entre César et Lépide. En 46, Lépide consul et maître de la cavalerie était à l’apogée de sa carrière ; c’était le moment le plus favorable pour effectuer une telle opération qui visait à réaffirmer la gloire des Aemilii, et à exalter la mémoire de son frère malheureux et la victoire de César sur Pompée128. Pour F. Coarelli, la date comprise entre 47 et 46 paraît correspondre aux données archéologiques examinées précédemment129.
44Reste l’identification du portrait de la terrasse130 (fig. 1) : Il s’agit d’un homme d’une quarantaine d’années aux traits marqués. Le front a quelques rides dont une particulièrement profonde au centre : deux autres marquent les côtés de la bouche. Les tempes sont dégagées et les cheveux sont indiqués par de petites mèches plates qui forment une calotte homogène. La partie postérieure n’est pas travaillée, ce qui prouve que la statue était placée dans une niche ou contre un mur. Le style permet de la dater de la fin de la République, vers le milieu du ier siècle a.C. On a d’abord identifié ce portrait à Sylla parce que celui-ci avait reconstruit la cité après la guerre sociale et aussi parce qu’avait été trouvée une inscription du dictateur sur une base de statue en travertin. Cette hypothèse est aujourd’hui abandonnée. En revanche, de manière très convaincante, F. Coarelli propose d’y voir un portrait de Lépide, datable de 46, qui aurait été exposé, avec celui de son frère aîné, et même, probablement avec celui de son père, le consul de 78, dans l’abside de la salle méridionale du bâtiment. F. Coarelli, pour étayer sa démonstration, insiste sur le fait qu’il existe un autre portrait du même personnage, ce qui prouve qu’il ne s’agissait pas d’un particulier, mais d’un membre de la nobilitas131. De plus, la ressemblance est saisissante avec un portrait en bronze du Musée National de Naples, identifié par L. Curtius au triumvir Lépide132. De même, le portrait de Lépide sur ses monnaies montre une évidente affinité avec la tête d’Alba Fucens : on y retrouve un traitement semblable des cheveux en petites mèches qui dégagent les tempes, les mêmes rides profondes aux côtés de la bouche, l’ensemble suggérant l’identification avec le futur triumvir. Enfin, la découverte à Alba Fucens d’un fragment d’inscription tardo-républicaine, portant le nom de Lépide apporte une ultime confirmation à l’hypothèse de F. Coarelli133.
3. Lépide au début de l’année 44 (de janvier aux Ides de mars)
45Après la victoire de Munda. César était au faîte de sa gloire. Il concentrait sur sa tête l’ensemble des pouvoirs traditionnellement répartis entre les magistrats de la République, et entre la fin de l’année 45 et le début de 44, le Sénat le couvrait d’honneurs. Il recevait la dictature à vie et le consulat pour dix ans, il avait la sacrosainteté des tribuns de la plèbe (sans le titre de tribun de la plèbe) et les pouvoirs censoriaux (sans revêtir la censure). S’ajoutait un ensemble de privilèges riches en symboles comme le droit de parler le premier au Sénat, de siéger auprès du consul sur un siège curule, d’être accompagné de licteurs portant des faisceaux dorés, le droit de porter en permanence la toge pourpre du triomphateur et l’utilisation du titre d’Imperator comme d’un prénom exclusif. Sur le plan religieux, la question de l’hérédité de la charge de Pontifex maximus se posait134 et le Sénat voulait lui rendre un culte avec des jeux qui étaient desservis par un prêtre ou un flamine et par un college, ce qui l’assimilait à un être divin deus ou diuus. Sur le plan militaire, il disposait de vingt-six légions et sur le plan politique, toute opposition semblait être domestiquée, puisqu’il avait l’appui des populares comme celui des optimates. A l’aube de l’année 44. il avait toutes les prérogatives d’un monarque, tout en refusant de se faire appeler rex. Ce fut dans ce contexte que César prépara une campagne contre différents peuples d’Orient dont les Parthes. Les Romains avaient encore le souvenir du désastre de 53 à Carrhes où périt Crassus. César désirait certainement venger le triumvir et récupérer des prisonniers romains restés dans ces régions. Il y avait peut-être également des raisons idéologiques, le dictateur désirant mobiliser toutes les forces disponibles pour des conquêtes grandioses. La durée de la conquête étant prévue pour trois ans, en l’absence de César, un ensemble de mesures furent prises pour gérer Rome. Le Sénat accepta la désignation par anticipation des magistrats pour éviter des élections pendant l’absence du dictateur135. Les consuls et les tribuns furent nommés par avance pour 43 et 42 et les préteurs et les édiles pour 43. César choisit les candidats officiels au consulat et pour les autres magistratures plébéiennes et patriciennnes, il désigna les candidats pour la moitié des places de chaque collège. Dion Cassius précise qu’en réalité il nomma tous les candidats136. Ce fut dans ces circonstances qu’Antoine connut la fin de sa disgrâce et devint collègue de César au consulat pour 44. Lépide, dans la distribution des charges et des fonctions, ne fut pas oublié. Il reçut deux provinces, la Gaule Transalpine et l’Espagne Citérieure137 et fut encore nommé maître de la cavalerie. Toutefois, cette dernière charge fait l’objet de discussions.
3.1. Le renouvellement à la maîtrise de la cavalerie en 44
46Dion Cassius pour le début de l’année 44 écrit 138: “César est dictateur pour la cinquième fois avec Lépide comme maître de la cavalerie”. Puis139 : “César lui-même ayant l’intention d’être dictateur pour les deux années suivantes désigne comme maîtres de la cavalerie un autre homme et Octave, quoique ce dernier était à cette époque un jeune homme”. Enfin140 : “A Lépide il donna la Gaule Narbonnaise et l’Espagne Citérieure et choisit deux maîtres de la cavalerie pour gouverner à sa place séparément”. Quant à Appien141 : “Et il (César) désigna comme consuls à venir lui-même et Antoine, son maître de la cavalerie, confiant, pour remplacer Antoine, cette charge à Lépide, commandant de l’Espagne, mais qui la gouvernait par l’intermédiaire d’amis”. Mais dans un autre passage142 : “Or Octave, petit-fils de la sœur de César, avait été désigné maître de la cavalerie de César lui-même pour un an, vu que César, attribuant cet honneur tour à tour à ses amis, lui avait donné parfois cette durée”. Enfin Pline l’Ancien143 : “Il (Octave) ne réussit pas à se faire nommer maître de la cavalerie par son oncle qui, malgré sa candidature, lui préféra Lépide”.
47Il faut tenir compte également d’un fragment bien incomplet des Fasti Capitolini qui concernent l’année 44144 :
VT QVM M [...]IDVS PALVDATV]...
CN DOMITI VS M F M CALVIN].
IN INSEQUENTEM ANN]...
ERAT NON INIIT
C IVLIUS C F] C [N CAESAR V]..
P COR]...
48Si nous reprenons les sources littéraires, les récits de Dion Cassius et d’Appien apparaissent contradictoires. Dans un premier temps, les deux auteurs sont d’accord pour dire que Lépide fut nommé maître de la cavalerie pour l’année 44, puis leur récit diverge. Chez Dion Cassius, lorsque Lépide reçoit les provinces, deux hommes sont nommés maîtres de la cavalerie à sa place et l’un de ces deux personnages est Octave. Chez Appien, seul Octave est maître de la cavalerie. Enfin Pline dit clairement qu’Octave a demandé à être magister equitum, mais César lui a préféré Lépide. Une clé de lecture de ces différents passages apparemment contradictoires est fournie par les Fastes Capitolins. Le passage retrouvé est très incomplet, mais il a été reconstitué par Th. Mommsen et A. Degrassi. Leurs interprétations semblent convaincantes au moins en ce qui concerne Lépide. La première ligne ne pose pas de difficulté, il s’agit bien de Lépide (M […]DVS). Le mot paludatus concerne comme on l’admet habituellement la mission de Lépide, c’est-à-dire l’administration des deux provinces. Ce mot est d’ailleurs fréquemment utilisé par Cicéron au sujet des gouverneurs de province145. La phrase au conditionnel qui est intercalée (ut qum) signifie que si Lépide assume sa charge de gouverneur, il devra être remplacé par quelqu’un. Il ne peut s’agir de Cn. Domitius Caluinus puisqu’il est dit expressément que sa nomination est faite pour l’année suivante (in insequentem annum). Il y a un vide de plusieurs lignes devant ut qum et en reprenant les sources littéraires il y a de fortes chances pour qu’il s’agisse de la personne d’Octave. Th. Mommsen et A. Degrassi ont reconstitué l’inscription de la façon suivante :
[C.Iulius C.f.C.n. Caesar in perpetuum dict(ator) rei gerundae caussa]
[M. Aimilius M.f.Q.n. Lepidus III mag(ister) eq(uitum)]
[C. Octavius C.f.C.n.. qui postea lmp. Caesar Divi f.]
appellatus est, magister equitum designatus erat,
ut, qum M. [Lep] idus paludatu[s exiisset, iniret. Non iniit]
Cn. Domitius M.f.M.n. Calvin[us mag(ister) eq(uitum)]
in insequentem ann[um-----designatus]
erat. Non iniit
C. Iulius C.f.C.n. Caesar V [in m(agistratu) M. Antonius M.f.M.n]
occ(isus) e(st). In e(ius) l(ocum) f(actus) e(st)]
P. Cor[nelius P.f.-n. Dolabella]
49Il ne fait aucun doute que Lépide fut bien nommé maître de la cavalerie au début de l’année 44 et qu’il l’était toujours au moment de l’assassinat de César. Octave devait certainement lui succéder lors de son départ pour les provinces et devenait en quelque sorte un magister equitum suffect. Certains historiens ont émis des doutes sur la réalité de cette désignation146. Il semble toutefois qu’Octave ait bien été nommé magister equitum par son grand-oncle147. En effet, César avait certainement remarqué l’habileté et l’ambition précoce de ce petit-neveu et lui avait déjà confié plusieurs fonctions, peu après la prise de la toge virile. Il fut d’abord intégré dans le collège des pontifes148, à la mort de L. Domitius Ahenobarbus, tué à Pharsale. En 46, il fut désigné praefectus Vrbis feriarum latinarunt causa, puis il reçut la présidence des jeux grecs149. Le jeune Octave prétendit en 44 à la charge de maître de la cavalerie, mais comme on l’a vu. César lui préféra Lépide qu’il devait ensuite remplacer. Le dictateur devait également emmener le jeune homme en Orient pour l’initier peut-être à la vie politique et militaire. Lépide resta donc à Rome de janvier à mars. Il devait attendre le départ de César vers l’Orient pour partir à son tour vers ses provinces. Le dernier épisode politique dont Lépide fut le témoin avant l’assassinat de César fut donc la fête des Lupercalia.
3.2. Lépide et la fête des Lupercalia
50L’épisode est bien connu et a été longuement commenté150. Il s’agissait d’une fête religieuse traditionnelle151 qui avait lieu tous les ans le 15 février. L’un des rites consistait pour les Luperques à faire le tour du Palatin en courant et en dansant en l’honneur du dieu Faunus. Les coureurs étaient nus et brandissaient un fouet fait de lanières en peau de chèvre dont ils frappaient les passants, en particulier les femmes qui désiraient avoir un enfant. Cette fête attirait beaucoup de monde et le 15 février 44 César y assistait, assis sur son siège doré, depuis la tribune aux harangues qui dominait le Forum. Antoine appartenait au collège des Luperques et prit part à la course autour du Palatin152. Quand il entra en courant sur le Forum, il tenait à la main une couronne de lauriers autour de laquelle il avait enroulé un diadème. Le symbole était clair, il s’agissait de l’insigne royal des monarchies hellénistiques. Parvenu au pied des Rostres, Antoine soulevé par les autres Luperques, monta sur la tribune, s’approcha de César et voulut lui poser la couronne sur la tête. César refusa cette consécration qui le faisait roi. A la vue de son geste une partie de la foule applaudit. Antoine insista encore et César repoussa à chaque fois le diadème, acclamé par le public. A la fin. César donna l’ordre de porter la couronne au Capitole pour l’offrir à Jupiter. Cette fête a évidemment fait l’objet de différentes interprétations153. Il était bien évident qu’Antoine n’avait pas monté tout seul cette mise en scène. L’affaire avait été préparée avec l’accord de César154. Mais dans quel but ? S’agissait-il d’un test pour voir si le peuple romain était prêt à accepter un roi ? Ou César avait-t-il voulu dissiper les craintes de la mise en place d’une royauté sachant que les Romains abhorraient le titre de rex ? On a rappelé155 le fait que César a toujours refusé le titre de roi. A Rome et sur le territoire italien, il n’en avait pas besoin puisqu’il en avait tous les pouvoirs et tous les honneurs. D’ailleurs dans les jours qui suivirent, selon Cicéron156 il lit inscrire “qu’à l’occasion des Lupercales, le consul Marc Antoine, déférant à la volonté du peuple, avait proposé la royauté au dictateur perpétuel C. César qui l’avait refusée”.
51Lépide était également présent à cette fête. Nous le savons par Cicéron qui fait référence à sa présence dans la Ve et XIIIe Philipiques, et parmi les historiens, Nicolas de Damas est le seul à le mentionner157. Les deux témoignages vont dans le même sens : ils font ressortir l’hésitation et l’indécision de Lépide devant le geste d’Antoine. Les historiens contemporains ont généralement interprété l’attitude de Lépide comme une forme d’opposition à Antoine158. Il nous semble important d’insister sur le témoignage cicéronien, et de voir de quelle manière Cicéron a su utiliser et exploiter sur le plan politique, ce qui n’était somme toute qu’un "micro-événement”. Pour mieux en apprécier la portée, il faut replacer cet événement dans son contexte politique et historique.
52Après la mort de César, Cicéron tenta une ultime restauration sénatoriale. Dès septembre 44, il entreprit à la fois de diriger le parti sénatorial et de servir de conseiller politique au jeune Octave. Dans les derniers mois de l’année, sa position à l’égard d’Antoine devint de plus en plus violente et lors de la séance du 20 décembre 44, il tenta en vain de le faire déclarer hostis publicus. Le premier janvier 43, les deux nouveaux consuls, A. Hirtius et C. Vibius Pansa, deux anciens césariens, réunirent le Sénat pour examiner la situation politique et décerner les honneurs et récompenses prévus lors de la séance du 20 décembre. Ce fut à cette occasion que Cicéron prononça sa Ve Philippique. Il proposa de décréter le sénatus-consultum ultime qui donnait les pleins pouvoirs aux consuls et implicitement mettait Rome en état de guerre contre Antoine, puis il honora tous ceux qui s’opposaient à ce dernier. Après avoir adressé les plus grands éloges à D. Brutus, il passa à Lépide :
53“A Lépide aussi, par les éminents services qu’il a rendus à l’État, mon avis est qu’il y a lieu de décerner les honneurs les plus grands. Toujours il a voulu la liberté du peuple romain et il a donné un témoignage éclatant de ses sentiments et de son opinion le jour où, tandis qu’Antoine posait un diadème sur la tête de César, il détourna les yeux et manifesta par une acclamation douloureuse et par sa consternation combien il haïssait la servitude, combien il désirait la liberté du peuple romain et combien sa soumission au régime d’alors était due à la contrainte des circonstances plus qu’à un libre consentement”159.
54En mars 43, Cicéron dans la XIIIe Philippique lit de nouveau allusion aux Lupercalia. Le contexte politique avait évolué. Lépide avait passé un accord avec Antoine et voulait la paix avec le Sénat. Cicéron blâma et critiqua sèchement son attitude. Il essaya de lui faire entendre raison et lui rappela ses bonnes dispositions à l’égard de la République.
55"Qui donc a plus de fortune que Lépide, comme je l’ai dit plus haut, qui a plus de bon sens ? Il a montré sa tristesse et ses larmes au peuple romain pendant les Lupercales, il a montré son abattement et sa consternation quand, en plaçant un diadème sur la tête de César, Antoine aimait mieux être son esclave que son collègue"160.
56Dans la Ve Philippique, Cicéron essaie de se rallier Lépide dans la défense de la cause républicaine et sénatoriale. Il est donc à l’égard du maître de la cavalerie de César, extrêmement flatteur. Dans la XIIIe Philippique, le ton a changé, Cicéron est beaucoup plus critique envers Lépide. Mais ce qui reste commun aux deux discours, c’est l’attitude de Lépide aux Lupercalia. Dans les deux extraits, les termes employés par Cicéron sont forts : Lépide est consterné, attristé, abattu, il manifeste une acclamation douloureuse et verse des larmes. Mais les motifs invoqués par le vieux consulaire ne sont plus les mêmes dans les deux Philippiques. Dans la Ve Philippique, si l’on croit Cicéron, Lépide est consterné, non pas à cause du geste d’Antoine, mais parce qu’il déteste le régime césarien qu’il subit, alors qu’au fond de lui-même il préfère la libertas. Dans la XIIIe Philippique, Lépide est attéré à cause d’Antoine qui pose le diadème sur la tête de César et qui accepte la tyrannie.
57Comment comprendre ces contradictions dans le discours cicéronien ?
58Il devait y avoir à la base un fond de vérité. Lépide a dû avoir une réaction de surprise lors de la fête des Lupercales. Peut-être n’était-il pas au courant de la mise en scène préparée par Antoine et César. Cette réaction de surprise fut d’ailleurs évoquée par Nicolas de Damas161 : “César, pour se débarrasser des entreprises de Lieinius, appelle à son secours Lépide, maître de cavalerie ; mais tandis que celui-ci hésite, Cassius Longinus...”. Cicéron eut connaissance de l’attitude de Lépide et selon les circonstances politiques l’expliqua différemment. En janvier 43, lorsque Cicéron a besoin de Lépide dans son projet de reconquête sénatoriale, il le fait passer pour une victime de la tyrannie. En mars 43, lorsqu’il sait que Lépide a passé un accord avec Antoine, Cicéron lui rappelle sa tristesse lorsqu’il a vu Antoine poser le diadème sur la tête de César. Par l’intermédiaire de Lépide, Cicéron critique Antoine qui préfère la tyrannie à la libertas, et félicite Lépide qui a compris les intentions politiques d’Antoine. Cicéron espérait donc ramener Lépide vers le droit chemin, celui de la cause républicaine et le faire rompre avec Antoine.
3.3. L’élimination de Lépide et d’Antoine
59La fête des Lupercalia venait à la suite d’une série “d’incidents” rapportés de façon différente par les historiens162. Ce fut d’abord, à la fin de décembre 45 ou janvier 44, une main anonyme qui déposa sur la statue de César un diadème ou une couronne de lauriers163. Le 26 janvier 44, au retour des Fêtes Latines, des spectateurs acclamèrent et saluèrent César du titre de roi164. Un mois plus tard, le 14 février, le Sénat lui remit le décret le nommant dictator perpetuus. Et le 15, le même jour que la fête des Lupercalia, César reçut les sénateurs assis dans le temple de Vénus Génitrix, comme un patron reçoit ses clients. A ces événements s’ajoutèrent des rumeurs165, comme celle du transfert de la capitale à Alexandrie où se trouvait Cléopâtre ou celle d’un oracle qui aurait prédit que seul un roi pouvait vaincre les Parthes.
60En conséquence, il semble bien que l’idée de l’assassinat de César soit née après le 15 février166. Les deux principaux conjurés, les préteurs C. Cassius Longinus167 et M. Iunius Brutus168 étaient deux anciens Pompéiens repentis et ralliés à la cause césarienne depuis Pharsale. La cause principale du complot était politique, le pouvoir personnel exercé par César était ressenti comme une tyrannie et était devenu insupportable. Enfin, existaient des motifs personnels, certains conjurés estimaient que leur valeur n’était pas suffisamment reconnue169.
61Restait à trouver la date et le lieu. César devait partir vers l’Orient le 18 mars, le 15 mars du même mois, il devait se rendre à la Curie de Pompée où se réunissait le Sénat. Or, au cours de la séance, l’oncle du dictateur, Aurelius Cotta lui proposerait la royauté qui lui permettrait de battre les Parthes. C’était une rumeur mais elle fut invérifiable pour une simple mesure de procédure. Les convocations adressées aux sénateurs spécifiaient bien la date et le lieu de la séance mais jamais l’ordre du jour. Or, César fut assassiné, dès son arrivée, avant d’avoir parlé.
62Les deux principaux conjurés C. Cassius Longinus et M. Iunius Brutus avaient avec Lépide des liens familiaux étroits. M. Iunius Brutus était le fils de Seruilia et de son premier mari, M. Iunius Brutus, le compagnon du consul de 78170. Seruilia eut trois filles avec son second mari, D. Iunius Silanus et Lépide et C. Cassius Longinus en avaient épousé deux171. Brutus était le demi-frère de l’épouse de Lépide Iunia. Lépide était le beau-frère des deux futurs tyrannicides, mais pour la période césarienne, il n’existe aucun témoignage sur les relations de Lépide avec ses beaux-frères.
63Les historiens Dion Cassius172, Appien173 et Nicolas de Damas174 mentionnent, bien que leurs récits soient divergents sur certains points, que les conjurés pensèrent éliminer Antoine et Lépide en même temps que César. Leurs témoignages sont d’abord discordants dans le temps puisque d’après Dion Cassius et Appien, certains conjurés désiraient tuer les amis de César au même moment que le dictateur tandis que Nicolas de Damas suggère la même chose, mais après le meurtre de César. Les récits de Dion Cassius et d’Appien semblent plus vraisemblables sur ce point que celui de Nicolas de Damas. Il paraît en effet, plus logique d’éliminer les amis du dictateur en même temps que lui-même, plutôt que de le faire après. Quant aux amis, φίλoι, à assassiner. Dion Cassius est le seul à mentionner les noms de Lépide et d’Antoine. Chez Appien, on doit éliminer Antoine et les amis de César. Nicolas de Damas ne donne aucun nom, il fait allusion à des amis, φίλoι, de César sans autres précisions. Raisonnablement on peut en conclure qu’Antoine et Lépide, les deux meilleurs amis de César selon Plutarque, faisaient partie des personnes dont il fallait se débarrasser. Quant aux raisons, seul Nicolas de Damas fait allusion à une vengeance ou à des représailles de la part des amis de César.
64A l’exception de Nicolas de Damas, les historiens sont restés muets sur les raisons qui pouvaient motiver les conjurés à vouloir tuer Antoine et Lépide. D. R. Weigel avance qu’Antoine et Lépide étaient dans l’esprit des conjurés les deux héritiers possibles au pouvoir de César et qu’il fallait les assassiner parce qu’ils pouvaient se venger. Sur un plan strictement constitutionnel, il n’y avait pas de successeur de César, mais Antoine comme consul pouvait provisoirement conserver le pouvoir. La situation de Lépide était plus délicate : le dictateur mort, le maître de la cavalerie n’existait plus, Lépide n’était plus que gouverneur de province. Or, au moment du meurtre de César, Lépide n’était pas dans la Curie de Pompée, il était soit à proximité de Rome175, soit dans file tibérine176. Dans les deux cas, il préparait son départ pour les provinces et avait sous ses ordres une légion qu’il emmena, sitôt la nouvelle connue de l’assassinat de César, au Champ de Mars. C’était probablement la seule légion stationnée en Italie en mars 44177. Les conjurés le sachant, certains d’entre eux pouvaient craindre que Lépide se serve de sa légion pour se venger. Toutefois Brutus empêcha ses amis de tuer Antoine et Lépide, ne voulant frapper que le seul tyran qui menaçait la République.
65La veille des Ides de mars. César dînait chez Lépide. Plutarque178 le rappelle d’une manière qui laisse à penser que c’était habituel : “La veille il dînait chez Marcus Lepidus et scellait des lettres, selon son habitude, tout en étant étendu à table, lorsque la conversation tomba sur le point de savoir quelle était la meilleure mort ; César, devançant tous les autres convives, s’écria : celle à laquelle on ne s’attend pas”. La même version est rapportée par Appien179 qui ajoute que Decimus Brutus, l’un des conjurés était aussi présent : “La veille de cette convocation César alla souper chez Lépide, son maître de la cavalerie, et amena Decimus Brutus à souper avec lui. Pendant le repas on agita la question de savoir quelle est pour l’homme la meilleure mort. Chacun ayant discuté cette question, les uns d’une façon, les autres de l’autre, César dit qu’à son avis la mort la plus subite était la meilleure”.
66Après cette soirée Lépide ne revit plus César vivant.
67Au moment de la mort de César, Lépide était un personnage important de la vie politique romaine. Il appartenait à ce petit groupe d’hommes fidèle au dictateur. Il avait eu plus particulièrement la gestion et l’administration de Rome et de l’Italie. Il supervisa pour César les travaux d’urbanisme auxquels le dictateur était attaché. Il ne faillit pas à sa tâche puisqu’il resta pendant trois ans le magister equitum de César et fut associé, avec sa famille, au culte du dictateur. Aux Ides de mars 44, il était le seul homme politique de Rome qui disposait de troupes et il était évident que, dans ce contexte, il était appelé à jouer un rôle politique.
Notes de bas de page
1 Pour l’histoire événementielle, on peut utiliser le volume IX de la CAH 1994, et Roddaz dans Hinard 2000, 806-823.
2 Voir le résumé des différentes thèses chez Yavetz 1990.
3 D.C. 42.55.4 ; MRR, II, p. 286.
4 D.C. 43.1.1 et 43.33.1 ; MRR, II, p. 293.
5 Plut., Ant., 10.2 : “C’est pour cette raison que César, à son retour, pardonna à Dolabella et nommé consul, pour la troisième fois, ne choisit pas comme collègue Antoine mais Lépide”.
6 La bibliographie qui concerne Antoine est évidemment abondante. Citons : Rossi 1959 ; Bengston 1977 ; Chamoux 1986 ; Huzar 1986.
7 Plut., Ant., 8.4 ; D.C. 42.21.
8 Plut., Ant., 9-10 ; D.C. 43.27-33. Sur la question des dettes : Simelon 1985a, 388-405 ; Simelon 1985b, 73-100.
9 Plut., Ant.. 8.4 ; D.C. 42.21.
10 Plut., Ant., 10.4 : “... il apparaît d’ailleurs que César ne resta pas insensible à ses débordements et le corrigea en grande partie de sa grossièreté et de son libertinage”.
11 D.C. 48.5.1 présente Lépide comme manquant de caractère ou, 48.13.3, comme un paresseux. App., BC., 3.12.84 formule un jugement semblable : “Cet homme sans capacité et sans caractère”.
12 Yavetz 1990, 190-192.
13 Yavetz 1990, 193. Les autres consuls, Q. Fultus Calenus, C. Trebonius, P. Vatinius et C. Caninius Rebilus étaient des “hommes nouveaux” qui avaient gagné leur position en Gaule.
14 D.C. 43.26 ; Suet., Caes., 40.
15 Cic., Fam., 13.26.3 : à Seruius Sulpicius Rufus.
16 Sur le rôle du gouverneur et du consul dans les affaires opposant un provincial à un citoyen romain ou a un sénateur voir Schackleton Bailey 1077,447-448. Sur les lettres de recommandation voir Deniaux 1993.
17 Weigel 1992,33-34.
18 D.C. 43.33.1.
19 Pour l’année 46. Appien ne fournit aucun renseignement. Eutrope. 6.23.1 place la nomination en 47, ce qui est manifestement une erreur, puisque Antoine était le maître de la cavalerie de César et Lépide le gouverneur de l’Espagne Citérieure. D.C. 43.14.4 indique que César après la victoire de Thapsus reçoit du Sénat la dictature pour dix ans. Puis, D.C. 43.33.1 : “il (César) fut désigné consul, après que Lépide, qui était maître de la cavalerie, eut convoqué le peuple à ce sujet” et ajoute “qu’il se serait fait lui-même magister equitum lorsqu’il était consul, ce qui est contraire à la tradition”. Il est évidemment invraisemblable de penser que Lépide se soit nommé lui-même maître de la cavalerie, le choix de l’homme et la durée de la fonction dépendaient avant tout de César.
20 Chez les auteurs anciens, il existait déjà deux versions différentes pour ce qui concerne l’origine de la dictature et celle de la maîtrise de la cavalerie. Cicéron dans le De Republica et le De Legibus considère que la dictature trouve son origine dans la royauté. Tite-Live, 4.4, tout au contraire, présente la dictature comme une forme de gouvernement “datant de nos pères”. On peut se référer pour ces questions à : Mommsen 1893, 198-207 ; Richard 1978 ; Martin 1982 ; Hinard 1988.
21 Mommsen 1893, 198-207.
22 Hinard 1985b : Huriet 1993.
23 MRR, II, p. 272. D.C. 42.21.1.
24 Plut., Ant., 8.4-5.
25 Yavetz 1990, 145 ; MRR, 11, p. 272.
26 D.C. 43.14-15.
27 D.C. 42.20.3.
28 D.C. 43.45.2.
29 D.C. 42.55.4 ; MRR, II, p. 286. Il s’agit de Q. Fufius Calenus et de P. Vatinius élus en septembre 47.
30 D.C. 43.33.1 ; MRR. II. p. 304.
31 D.C. 43.46.2 ; Suet., Caes., 76.2 ; MRR. II, 304-305. Q. Fabius Maximus mourut le 31 décembre 45. Il fut remplacé pour la dernière journée de l’année par C. Caninius Rebilus.
32 D.C. 43.51.8 ; Plut., Ant., 11.2 ; App., B C., 2.122.
33 Suet., Caes., 80.
34 D.C. 42.30.1.
35 App., BC., 2.92.
36 D.C. 43.28.2 et 43.48.1-4. Cf. Mommsen 1892, 340-354 ; MRR. II, p. 315. Nicolet 1974, 1. 435-439 : Vittucci 1956 ; Alföldi 1974. 1-14 ; Yavetz 1990, 139-143 ; Welch 1990, 53-69.
37 D.C. 43.28.2.
38 D.C. 43.48.1-4.
39 Suet., Caes., 76.2.
40 Tac.. Ann., 6.11.
41 D.C. 42.30.1.
42 Alföldi 1974, 5.Voir également MRR, II, p. 295.
43 Id., 7. Il s’appuie sur la monnaie suivante : Avers : Tête voilée de Pietas : C. CAESAR COS. TER. Revers : La hache du dictateur, le simpulum sacrificatole et le lituus augurai. A. HIRTIVS. PR. La fin de la légende pouvait être complétée par pr(aetor) ou par pr(aefectus urbi). Hirtius étant les deux à la fois.
44 Alföldi 1974, 5. Titres de l’office : P.V. Aedilis Cerialis.
45 Id., ibid., Titres : III. VIR.
46 Id., ibid.
47 Id., ibid., 7. Avers : Buste de la Victoire. C. CAESAR DIC. TER. Revers : Cruche sacrificatoire. L. PLANC. PRAEF. VRB.
48 Id., ibid., 5. Titres de l’office : P. V. Aedilis Cerialis.
49 Id., ibid. Titres : III. VIR.
50 Id., ibid. Pas de titres.
51 MRR, II, p. 293.
52 Münzer 1900 : RE, IV. I, s.v. Cluvius, col. 120.
53 Sydenham 1952, 170, no 1025. Sur le revers : C. CLOVI. PRAEF.
54 Nicolet 1974, 1, 435-439 ; II. 843-844.
55 Nicolet 1974, 1, 436.
56 Welch 1990, 53-69.
57 Id., ibid.. 61. Elle s’appuie essentiellement sur une monnaie émise en 45. Avers : C. CAES. DIC. TER. Revers : L. PLANC. PRAEF. VRB. Cf. RRC, p. 485, no 475.1a.
58 Welch 1990, 61. REGVLVS F. PRAEF. VR. Cf. RRC 1974, p. 507, no 494/31.
59 Id., ibid., 62-69.
60 Drumann & Groebe 1899, 10.
61 Yavetz 1990, 143. D.C. 43.51.1-5.
62 Carcopino 1968, 492-494.
63 Étienne 1997, 168.
64 Des Bosc 1994,7-35.
65 Yavetz 1990, 195.
66 Carcopino 1968, 492.
67 Id.ibid.
68 Id.,ibid., 493.
69 Cic.. Fam., 6.8.1. Rome, vers le milieu de décembre 46.
70 Cic., An.. 5.19.2.
71 Cic., Fam., 6.18.1.
72 Tac., Ann., 12.60.
73 Yavetz 1990, 195.
74 Cic., Att., 13-47a.
75 Bonnefond-Coudry 1989. Voir le tableau p. 214 consacré au calendrier des séances.
76 D.C. 43.42-43. Willems 1885. II, p. 736, considérait que le Sénat avait voté très rapidement une série de décrets après le retour de César.
77 Cic., Att., 4.16.8. César se rendit acquéreur sur fonds privés et par l’intermédiaire de Cicéron de tous les terrains qui se situaient entre la Curie et l’ensellement qui reliait le Capitole au Quirinal.
78 Coarelli 1994,201-202 ; id. 1997,539-580.
79 Sur les antécédents : Balty 1991. 286-296. Sur le Forum de César et sa signification : Amici 1991 ; Ulrich 1993,49-80 ; Westall 1996, 83 I 18 ; Gros 1996,212-213.
80 Le culte de Vénus connut un nouvel essor après Pharsale puisqu’elle avait été sollicitée pendant la bataille. Cf. Schilling, 1954, 301-324 ; Albert 1995,49-50 ; Pollini 1996,757-785.
81 Hinard 1992, 113.
82 Sur les Saepta Iulia : Gatti, s.v. Saepta lulia. LTUR, 4. 1999, 228-229 ; Coarelli 1997, 155-165 ; id. 2001,37-51.
83 Coarelli 1997, 159.
84 Cic., Att., 4.16.4 : “Nous accomplirons une œuvre qui nous fera le plus grand honneur : car nous allons construire au Champ de Mars des clôtures de marbre pour les Comices tributes avec abris couverts, et nous entourerons l’ensemble d’un haut portique qui n’aura pas moins de mille pas. On reliera aussi à cet édifice la Villa publica”.
85 D.C. 53.23.2.
86 Coarelli 1997. 590. On pense en particulier au temple d’Isis et de Sérapis in campo.
87 Roddaz 1984, 256-260. Selon Plin., Nat., 16.201 ; 36.29 ; 34.14. Agrippa embellit encore l’édifice en ornant ses murs d’incrustations de marbre et en installant, dans les portiques qui l’entouraient, diverses œuvres d’art.
88 Roddaz 1984,257 ; Mari., 2.14.5-6 ; 10.87.9 10.
89 Certaines manifestations eurent lieu aux Saepta Iulia pendant les jeux séculaires de 17 a.C., et en 7 a.C., lors des jeux commémoratifs du cinquième anniversaire de la mort d’Agrippa. Cf. D.C. 55. 8. 5.
90 Roddaz 1984,257.
91 Gatti 1934, 123-149.
92 Roddaz 1984,258-259.
93 Coarelli 1983, 135 et 154 ; id. 1985,235-236.
94 Otto 1909 : RE, 6,2, s.v. Felicitas, col. 2164 ; Weinstock 1971,112-113 ; Champeaux 1987,215-220. A l’origine, Fortuna était une vieille déesse populaire à Rome et en Italie. Ses dédicaces étaient nombreuses parce qu’elle aidait aussi bien les citoyens, commerçants, paysans que les femmes qui accouchaient. Plaute et Ennius y font souvent référence. Il n’est pas aisé de traduire cette notion. Champeaux 1987, 216 traduit Felicitas par chance. Le Bohec 2001,440 préfère le terme de prospérité.
95 Champeaux 1987, 206-207. Ce temple se situait dans le quartier du Vélabre, sur le parcours triomphal. Voir Palombi, s.v. Felicitas Aedes, LTUR, 11, 1995, p. 245 ; Coarelli 1988, 85.
96 Hinard 1985b, 237.
97 Plut., Syll., 6.8. Felix et dictateur, il confisquait à son profit lu totalité du pouvoir politique et de la faveur divine. Il détenait désormais seul la Félicitas collective du peuple romain.
98 Champeaux 1987,236-259.
99 Coarelli 1997,567-570.
100 Voir les différentes thèses rapportées par Champeaux 1987, 259-261.
101 Weinstock 1971, 112-127.
102 Id., ibid., 1 16 : D.C. 41.39.2.
103 id., ibid., 116-117 ; Plut.. Caes., 38.5 ; App.. BC., 2.57.
104 Id., ibid., 117.
105 Id., ibid., 117 ; App., BC., 2.97.
106 Tortorici, s. v. Felicitas naos, LTUR, 2, 1995, 245-246.
107 D.C. 44.5.2-3.
108 D.C. 50.25.
109 Coarelli 1985,236.
110 D.C. 44.5.2.
111 Cic., Att., 13.4.3. Grimal 1986, 371-372 y voit plutôt une désacralisation qu’une consécration. Cicéron comme augure doit participer aux opérations religieuses qui doivent “désacraliser” le sol où se trouvait la Curie qui était un “templum”, un espace consacré religieusement. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les mots “effari templum”.
112 Wiseman 1991.189.
113 Tollerici, s.v. Felicitas naos. LTUR, 2. 1995, 245-246.
114 Coarelli 1983. 135, n. 58.
115 Tortorici, s.v. Felicitas naos. LTUR. 2. 1995, 246.
116 Id., ibid.
117 Roddaz 1984, 231.
118 Weigel 1992, 36.
119 Dans deux lettres datées. d’août et de septembre 45. Cicéron fait mention de deux propriétés appartenant à Lépide. La première, la maison de Lanuvium avait été achetée à Balbus (Att.. 13.46.2), la seconde à Cicéron (Art. 13.47a.1). Le ton des lettres laisse penser que l’achat des deux propriétés était récent. Cf Shatzman 1975, 289, suggère qu’il a pu les acquérir avec le butin rapporté d’Espagne.
120 Coarelli & La Regina 1984.96-98 ; Torelli 1991,39-63 ; Coarelli 1998,461-475.
121 Liv. 9.45.18.
122 Van Wonterghem 1991, 283-295.
123 Delorme I960.
124 Il s’agit du portrait d’un homme d’une quarantaine d’années qui est actuellement exposé au Musée archéologique de Chieti.
125 Orose 5.22.16-17 : Albanorum ciuitas, obsidione oppugnata atipie excruciate fame ultima, miserabilium reliquiarum deditione seruata est ; ubi tunc Scipio, Lepidi filius, captus atque occisus est. Certains historiens dont Criniti 1969, 872 ont identifié la ville mentionnée comme Alba Pompeia en Cisalpine. Cette ville avait été fondée par le père de Pompée et était philo-pompéienne. Il paraît étonnant que Lépide et son fils s’y soient réfugiés. La solution à ce problème d’identification est fournie par Orose. 5.24.16, qui affirme plus loin : nam Lepidus et Scipio in Italia, Brutus in Gallia...bella excitantes... Donc, Alba se situait en Italie, c’est-à-dire à cette époque aux sud des Apennins et ne peut correspondre qu’à Alba Fucens.
126 On connaît d’ailleurs une inscription de Sylla (CIL. F, 724) et une seconde avec une dédicace à Hercule de la part des milites Africani Caecilianis (CIL, I2, 1815) qui avaient obtenu des lots sur le territoire d’Alba Fucens après la fin de la première guerre civile.
127 CIL. 12, 2966 ; de Visscher 1964, 98-107.
128 Coarelli 1998,474.
129 Id., ibid.
130 Nous reprenons la description faite par Coarelli 1998, 474.
131 Id., ibid., 475, n. 37. Il s’agit d’une collection privée.
132 Curtius 1932, 265-268.
133 Van Wonterghem 1991 (…Aemilius.../....)n. Lepid(us).
134 Une discussion sur ce point est faite au chapitre consacré au Grand Pontificat de Lépide.
135 D.C. 43.51 ; Suet., Caes., 76. Pour une discussion de ces mesures, Yavetz 1990, 149-151.
136 D.C. 43.51.
137 D.C. 43.51.X ; App., BC., 2.107.
138 D.C. 43.49.1.
139 D.C. 43.51.8.
140 D.C. 43.51.8.
141 App., BC., 2.107.
142 App., BC., 3.9.
143 Plin., Nat., 7.147.
144 Degrassi 1947, 58-59.
145 Cic., Att., 4.13. 2, au sujet de Crassus ; Fam., 15.17.3, au sujet de Pansa.
146 Schmitthenner 1952 ; Alföldi 1976, 20 : Malitz, 1984, 39.
147 Rawson dans CAH 1994, p. 466 ; Gesche 1973, 468-478.
148 Cic.. Phil., 2,71 ; Nic. Dam. 4,9.
149 Nie. Dam. 5,13.
150 Le récit le plus complet sur cette fête a été rapporté par Nic. Dam. 20.67-70. Mais également : Suet., Caes., 79 ; Plut., Caes., 61 ; Ant., 12 ; D.C. 44.1 1 ; App., BC., 2.109 ; Vell. 2.56 ; Liv. Per. I 16.2.
151 Sur les aspects religieux et sociologiques, voir Benoist 1999.
152 Fraschetti 1985, 165-186.
153 Sur la signification symbolique du diadème et sur les interprétations : Ritter 1965 ; Wclwei 1967. 44-69 ; Kraft 1969 ; Weinstock 1971,331-341.
154 Martin 1988.77
155 Étienne 1973, 184.
156 Cic., Phil., 2.87.
157 Nic. Dam. 20.67-70 : “Ce jour étant arrivé, on choisit Marc Antoine pour conduire la pompe. Suivant l’usage, il s’avança dans le Forum, escorté de la foule du peuple. César, revêtu d’une robe de pourpre, occupait un siège d’or sur la tribune aux Rostres. D’abord Licinius, tenant à la main une couronne de laurier sous laquelle on entrevoyait un diadème, monta, soulevé par les bras de ses collègues, auprès de César (car l’endroit d’où ce dernier haranguait était assez élevé) ; il déposa la couronne à ses pieds ; mais, encouragé ensuite par les clameurs du peuple, il la lui mit sur la tête. César, pour se débarrasser des entreprises de Licinius, appelle à son secours Lépide, maître de la cavalerie. Mais, tandis que celui-ci hésite, C. Cassius Longinus, un des conjurés, voulant cacher ses mauvais desseins sous une apparence de dévouement à César, s’empresse de lui ôter la couronne de la tête pour la déposer sur ses genoux”.
158 Hohl 1941, 107 ; Hayne 1971. 110 ; Weigel 1992, 38-39.
159 Cic., Phil., 5.14.
160 Cic., Phil., 13.8.
161 Nie. Dam. 20.67-70. Voir le commentaire de Scardigli 1983, 159.
162 Le Bohec 2001,457-459.
163 Hohl 1941,92-1 17.
164 Suet., Caes., 79 ; Plut., Caes., 60.3 ; D.C. 44.10 ; App„ BC„ 2.108.
165 Yavetz 1974,35-65.
166 Étienne 1973, 164 ; Cic., Diti., 2.52 ; Liv. Per. I 16 ; Vell. 2.56.3-4 ; Suet., Caes., 59 ; 78.1 ; 79.1-4 ; Plut., Caes., 62-66 ; Brut., 9-13 ; App., BC., 2.11 1-115 ; D.C. 44.2-19 ; Orose. 6.17.2-3.
167 Rawson 1986, 101-119 ; Dettenhofer 1992, 100-103 pour Brutus et 123-126 pour Cassius.
168 MRR, II. 319-320. Plusieurs bibliographies ont été consacrées à Brutus. Bengston 1970 ; Wistrand 1975 ; Clarke 1981.
169 Sur la prosopographie : Étienne 1973 ; Epstein 1987, 566-570.
170 Sur la soi-disant origine adultérine de Brutus : Syme 1980.422-437.
171 Syme 1967, 74-75. La troisième fille épousa P. Seruilius Isauricus, le consul de 40. Voir également Münzer 1920, 352-354.
172 D.C. 44.19 : “Lorsque César fut entré au Sénat, Trébonius occupa Antoine au dehors ; car les conjurés avaient songé un instant à le tuer ainsi que Lépide, mais craignant que le nombre de victimes ne les lit accuser de viser au pouvoir suprême et non à l’affranchissement de Rome, ainsi qu’ils le prétendaient en tuant César, ils ne voulurent pas qu’Antoine fût présent au meurtre”.
173 App. BC., 2.114 : “Les uns soutenaient qu’il fallait aussi éliminer Antoine, collègue de César au consulat, le plus puissant de ses amis, et le plus populaire auprès des soldats. Mais Brutus objecta que, pour le meurtre du seul César, ils seraient perçus comme des tyrannicides, qui auraient abattu un roi, tandis que pour celui de ses amis, ils le seraient comme des adversaires politiques, qui auraient agi en partisans de Pompée”.
174 Nic. Dam. 25.91-94, après le meurtre de César : “Enfin parurent les conspirateurs et à leur tête Marcus Brutus qui apaisait le tumulte et rassurait le peuple en disant qu’il n’était rien arrivé de funeste. Le sens général de ses discours était qu’on avait tué un tyran. Telles étaient les prétentions dont se glorifiaient les autres meurtriers. Quelques uns proposaient de mettre à mort ceux qu’ils croyaient disposer à se lever contre eux, et à leur disputer de nouveau le pouvoir. Mais on assure que Marcus Brutus s’oppose à cette résolution, disant qu’il n’était pas juste que, pour quelques obscurs soupçons, on fit périr au grand jour des hommes contre qui ne s’élevait aucune charge évidente. Cet avis prévalut”.
175 D.C. 44.19.
176 App., BC., 2.118.
177 Brunt 1971, 477-478. Nous reprendrons l’étude de cette légion dans le prochain chapitre.
178 Plut., Caes., 63.7.
179 App., BC., 2.115.
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