Chapitre II. Le début du cursus honorum de Lépide
Années 62-52
p. 31-44
Texte intégral
1A l’extrême fin de la République romaine, un aristocrate était toujours défini par ses ancêtres. Seuls appartenaient à la nobilitas et avaient “droit aux images” ceux qui avaient exercé une magistrature suprême, c’est-à-dire le consulat1 M. Aemilius Lepidus faisait partie de ces hommes. L’étude de son cursus honorum nous fait penser qu’il naquit probablement aux environs de 89 ou 88, et qu’il le commença à la fin des années 60, au moment où se mit en place le premier Triumvirat et où Rome connut une nouvelle génération d’hommes politiques comme Crassus, Pompée, Cicéron et César. Il exerça les magistratures à intervalles réguliers jusqu’en 49, date à laquelle il devint préteur.
1. L’élection au collège des pontifes
2Lépide fut élu au collège des pontifes probablement pendant l’été 622. Ce collège, placé sous l’autorité du Grand Pontife, conseillait les magistrats, le Sénat et les autres collèges sacerdotaux sur les rites et les coutumes du culte traditionnel et sur le droit sacré3. Les pontifes fournissaient également aux particuliers des conseils sur les conflits éventuels entre les rites privés et le droit sacré public. Le collège était composé de neuf membres depuis la loi Ogulnia de 300, puis il passa à quinze à partir de la loi de Sylla en 82. Sa composition nous est connue grâce à deux listes pontificales4, l’une donnée par Macrobe pour l’année 69, la seconde par Cicéron pour 57. Pour le premier texte, il s’agit d’une liste dressée par Metellus Pius, Grand Pontife, à l’occasion de l’entrée en charge de L. Cornelius Lentulus comme flamen martialis5. La seconde liste concerne le collège de 57, lorsque Cicéron demanda aux pontifes de déclarer le site de sa maison non sacré6. Dans les deux cas, nous y trouvons le nom de M. Aemilius Lepidus, et les historiens, pour la liste de Macrobe, y ont identifié Mam. Aemilius Lepidus Liuianus, le consul de 77 plutôt que M. Aemilius Lepidus7. En effet, en 69, comme nous le verrons, le jeune Lépide n’aurait pu être coopté pontife. En revanche, à la mort de Mam. Aemilius Lepidus, probablement avant 62, Lépide lui a succédé8. Ce collège, à la fin de la République, fit l’objet, comme celui des augures, d’une récupération politique par les différentes factions du moment. Les élections des prêtres de la religion d’État devinrent de véritables batailles politiques et les membres des grandes gentes désiraient souvent obtenir un sacerdoce pour leur fils au début de sa carrière. Pour ce qui concerne la procédure de recrutement des pontifes, il faut se souvenir que la lex Domitia de 104, prévoyait l’élection des pontifes par le peuple dans le cadre des tribus. Cette loi fut abrogée par Sylla, et désormais les pontifes furent cooptés par leurs pairs. En 63, le tribun Labienus, avec l’aide de César, présenta une loi qui restaurait les droits du peuple pour l’élection des pontifes. Depuis Sylla, ce collège était devenu le fief traditionnel des optimates parce que la cooptation empêchait tout renversement de tendance9. Le nouveau système mis en place en 63 permit aux influences politiques de s’exercer plus aisément et L. R. Taylor note qu’après cette date tous les pontifes élus étaient partisans d’un des triumvirs10. Ce fut certainement dans le cadre de la loi Labiena que Lépide fut élu. En effet, il paraît improbable que son nom ait été retenu par le collège des pontifes, collège encore composé d’opposants de son père11. Par ailleurs, il n’existait pas de liens particuliers entre Crassus12 et les Aemilii et comme il était impossible qu’il reçoive le soutien de Pompée, la seule personne qui ait pu l’aider restait donc César. Ce qui nous amène à nous interroger sur les relations de César et de Lépide.
3Dans les années 63-60, il ne semble pas que César ait contrôlé une factio au même titre que Pompée et Crassus, même s’il s’était déjà constitué un réseau important de relations avec des membres de l’aristocratie romaine13. Il était considéré comme popularis, et ce choix n’était pas nouveau, puisqu’il remontait aux années 80 quand, tout jeune. César avait été distingué par Marius et Cinna et qu’il avait épousé, probablement en 84, la fille de ce dernier, Cornelia. En 65, lors de son édilité il avait fait rétablir les trophées et les images de Marius et en 64, il avait profité de la présidence de la quaestio de sicariis pour faire condamner certains assassins des marianistes proscrits par Sylla. En 63, il réaffirma ses positions populares en s’opposant à l’exécution des complices de Catilina. Enfin, il était aussi sensible au sort des liberi proscriptorum et favorable à ce qu ils assument des charges. Comme l’a très bien montré R. Syme14. César se présentant comme popularis, les historiens ont eu tendance à insister sur les éléments non sénatoriaux de son entourage. Or le parti de César comptait aussi beaucoup de sénateurs et de nobiles, et parmi ces derniers des nobiles patriciens. On comprend que dans ce contexte César ait appuyé Lépide15. Tous les deux étaient patriciens et appartenaient à une famille sacerdotale16. Bien que nous soyons ignorants des relations de jeunesse de Lépide, le futur triumvir ne pouvait être a priori Proche des optimates17. Peut-être, aussi faut-il tenir compte du rôle de Seruilia, maîtresse et amie de César18 dans la rencontre des deux hommes. Cette femme a beaucoup travaillé à restaurer le pouvoir et la dignité de sa famille et le mariage de ses filles fut l’une de ses armes. Les liens entre les Aemilii et les Sentila étaient anciens, ces deux familles ayant formé une alliance pour exercer le pouvoir avec les plébéiens quand ces derniers furent admis au consulat19. Lépide épousa l’une des filles de Seruilia à une date inconnue, mais avant février 50, comme le prouve une lettre de Cicéron20. C’est donc peut-être à partir de l’obtention de la charge de pontife que les relations politiques entre César et Lépide commencèrent.
2. Lépide triumvir monetalis
4Lèpide apparaît a la même époque dans les sources, comme triumuir monetalis21 II obtint probablement cette charge vers 6122. C’était une magistrature exercée à partir du IIe siècle a.C. par de jeunes hommes d’environ vingt-sept ans et qui durait deux ans. Cette charge faisait partie du vigintivirat et se trouvait au début du cursus honorum23. Pour la période 78-49, C. D. Hamilton a montré chiffres à l’appui, que cette magistrature était pour 50 % des monétaires un tremplin pour une brillante carrière politique24. De même, entre 69 et 58, sept des dix triumuiri monetales de la période, appartenaient à des gentes prestigieuses25. Pour le dernier siècle de la République, plusieurs membres de la gens Aemilia furent monétaires, comme L. Aemilius Paullus, le frère aîné de Lépide, triumuir monetalis en 62, et M. Aemilius Scaurus, monétaire en 5826.
5Trois séries de monnaies nous sont parvenues27. Elles sont du plus grand intérêt parce qu’elles permettent de connaître les thèmes de propagande de Lépide. A partir du Ier siècle a.C., les symboles traditionnels de l’État romain, comme l’effigie de la Dea Roma casquée ou les effigies tutélaires de l’État (comme Jupiter) tendent à disparaître peu à peu et font place à des symboles gentilices et personnels. Cette nouvelle symbolique fut élaborée par les hommes politiques ou les monétaires dont le but était d’affirmer la légitimité des intérêts qu’ils défendaient. Les hommes politiques rappelaient leurs bienfaits et les monétaires, qui étaient au début de leur carrière, ceux de leurs ancêtres. Le Ier siècle a.C. reste donc une période très riche sur le plan des symboles choisis à cause de la lutte acharnée pour le pouvoir.
6Les monnaies de Lépide répondent à ces nouveaux critères, parce que le triumuir monetalis fit référence à l’origine divine de sa famille et rappela la carrière d’un ancêtre prestigieux.
7Un premier type de monnaie28 représente sur l’avers une tête de femme diadémée et parfois laurée ; c’est probablement Roma. Sur le revers est représentée une statue équestre avec un trophée. Un nom. M. LEPIDVS. figurait sur le socle de la statue, tandis que sur le champ, de manière circulaire, était gravée l’inscription suivante qui peut être lue de deux manières : AN(nis) XV PR(ogressus) H(ostem) O(ccidit) C(iuem) S(eruauit) ou AN(nis) XV P(opuli) R(ontani) H(ostem) O(ccidit) C(iuem) S(eruauit)29. Il s’agissait de l’arrière-grand-père de Lépide, déjà présenté, et qui à l’âge de quinze ans, avait tué un ennemi et sauvé un citoyen. C’est d’après Valère-Maxime30 que l’on interprète avec certitude cette légende concise. En l’honneur de cet acte héroïque, une statue équestre lui fut érigée sur le Capitole. Cet exploit a été discuté par les historiens, et en particulier par H. Gesche31 qui voit dans ces monnaies une récupération idéologique du futur triumvir en voulant donner a des actes légendaires, l’apparence de la réalité historique. En revanche, R. D. Weigel32 et surtout T. R. S. Broughton33 ont bien démontré que cet acte héroïque avait bien pu se produire à la fin de la seconde guerre punique, lorsque le recrutement de jeunes gens de moins de dix-sept ans n’avait rien d’exceptionnel.
8Un deuxième type de monnaie34 représente sur l’avers une tête de femme diadémée et tourrelée avec la légende suivante : ALEXANDREA ou ALEXSANDREA (fig. 1). Sur le revers se trouve un homme debout en toge posant un diadème sur la tête d’un enfant vêtu d’un costume grec et tenant un sceptre. L’inscription est la suivante : M. LEPIDVS TVTOR REG(is) S(enatus) C(onsulto) PONTIF(ex) MAX(imus). Lépide évoquait l’ambassade d’Egypte de 201. juste avant le début de la deuxième guerre de Macédoine. Le Sénat envoya à Alexandrie, auprès de Ptolémée V Épiphanès, C. Claudius Nero, le vainqueur de Métaure. P. Sempronius Tuditanus, le négociateur de la paix de Phoiniké, et le jeune M. Aemilius Lepidus. Justin35, Valère-Maxime36 et Tacite37 rapportent l’événement et font allusion à la tutelle, tandis que Tite-Live38 mentionne seulement l’ambassade et ne dit rien de la tutela de Lépide. Pour cette raison, et également à cause du jeune âge de Lépide, mais aussi parce qu’il n’était pas encore sénateur39, beaucoup d’historiens ont rejeté la tradition et considéré la tutela comme invraisemblable40. Pourtant, à la lecture d’analyses nouvelles, il y a de fortes présomptions pour que Lépide ait bien été envoyé en Égypte comme tuteur de Ptolémée V41. La référence à un épisode de l’histoire diplomatique de Rome de la part de Lépide n’est pas neutre. En effet, ce fut au début des années 60 que Rome décida du sort de l’Égypte42, et le jeune triumuir monetalis, pouvait démontrer, par le biais de cette monnaie, que son ancêtre avait déjà contribué à implanter l’influence de l’Vrbs sur les bords du Nil.
9La dernière série est particulièrement riche43. Sur l’avers est représentée la tête laurée et voilée d’une femme qui était la vestale Aemilia. Devant sa tête se trouvait un simpulum et derrière une couronne. Sur le revers était représentée la facade latérale de la Basilica Aemilia avec la légende suivante : M(arcus) LEPIDVS AI MILIA REF(ecta) S(enatus) C(onsulto) (fig.2). Sur l’avers. Lépide tenait à valoriser sa gens en ayant recours à des images mythiques44. Comme il a été dit précédemment, Plutarque assimilait Aemilia à Rhéa Silvia qui fut malgré elle enfermée dans le collège des vestales et qui devint mère de Romulus et de Rémus. En effet, entre la lin de la dictature de Sylla et le début de celle de César, beaucoup de monnaies évoquaient un âge d’or de la royauté et du début de la République45. Par exemple, pour cette période, C. Memmius reproduit une effigie barbue qui semblait être assimilée à Quirinus, en qui il faut probablement voir Romulus divinisé46. L. Marcius Philippus se réfère au roi Ancus Martius et T. Vettius Sabinus au roi Ninna, puisque les Vettii faisaient remonter leur arbre généalogique jusqu’à l’interrex Sp. Vettius47. Ce qui lie toutes ces monnaies, c’est d’abord le souvenir d’un âge d’or royal, mais aussi l’évocation de thèmes sabins et le rappel de théories pythagoriciennes et numaïsantes48. Notons également pour ce qui concerne la vestale Aemilia que cette monnaie renvoie à une forme de légende qu’ignore l’historiographie officielle, telle que nous la lisons chez Tite-Live, mais que connaît Plutarque49.
10Sur le revers Lépide mettait en valeur le lien qui existait entre sa famille et la Basilica Aemilia50. Or. la basilique Aemilia a fait l’objet de très nombreuses controverses et l’une d’entre elles concerne son emplacement. Jusqu’en 1987, date de la parution de l’article d’E. S. Steinby, “Il lato orientale del Foro romano, proposte di lettura”51, on pensait que la Basilica Aemilia se situait sur un des grands côtés du Forum. En effet, Tite-Live52 écrit que les deux censeurs de 179, M. Aemilius Lepidus et M. Fuluius Nobilior construisirent différents monuments publies. Parmi ceux-ci, Fuluius lit bâtir une basilica “post argentarias nouas” derrière les boutiques des changeurs. En 159, Varron53 rapporte que P. Cornelius Scipion Nasica, lorsqu’il devint censeur, fit installer une clepsydre dans la Basilica Aemilia - Fuluia. Le double nom Aemilia et Fuluia semblait indiquer, en dépit du témoignage de Tite-Live, l’égale responsabilité des deux censeurs dans la construction de l’édifice. Ce qui confirme cette hypothèse, ce furent les travaux de restauration entrepris par M. Aemilius Lepidus en 7954. Or, E. M, Steinby, propose une autre localisation du monument. La Basilica Aemilia n’aurait pas été construite en 179, mais en 164, par Paul-Émile, lors de sa censure, et se trouverait à côté du mémorial érigé pour la victoire de Pydna, et se situerait donc devant la Regia et le temple de Vesta. Elle aurait été restaurée en 55 par L. Aemilius Paullus en même temps que le fornix Fabianus et aurait été détruite pour laisser la place à l’aedes diui Iulii. Cette basilique ne doit pas être confondue avec celle de Fuluius qui fut aussi restaurée par le même L. Aemilius Paullus et qui est connue à partir des années 50 sous le nom de Basilica Fuluia-Paulli. Nous serions donc en présence de deux Basilicae Aemiliae55. Dans cette hypothèse, les travaux de réfection de 79 ainsi que le denier émis en 61 concerneraient la basilique du petit côté du Forum et non celle située in medio foro. Cette thèse certes séduisante nous paraît critiquable. Nous ne mettons nullement en doute l’existence d’un bâtiment ancien sous les substructions du temple du divin César, en revanche, nous ne sommes pas convaincus qu’il s’agisse de la Basilica Aemilia, parce qu’il nous semble que certains éléments d’ordre idéologique, socio-politique et religieux ont été sous-estimés et n’ont pas été suffisamment pris en compte.
11Il ne fait aucun doute aujourd’hui que l’origine des basiliques républicaines est à mettre en relation d’une part avec le portique royal (στoὰ βασίλειoς) de l’agora d’Athènes, et d’autre part avec 1’atrium regium mentionné dans cette zone56. M. Gaggiotti57 a démontré que la Basilica Aemilia du IIe siècle prenait la suite de l’atrium regium qui l’avait précédée au même endroit et dont l’origine devait être un local ouvert au public et utilisé à l’époque royale. Les Aemilii proclamaient ainsi leur ascendance numaïque. La réfection de 79 est également à son tour riche en symboles. Pline rapporte que M. Aemilius Lepidus entreprit de décorer à la fois la Basilica Aemilia et sa somptueuse domus58. Il avait été frappé par les magnifiques colonnes phrygiennes de la basilique et par le fait qu’elle soit décorée d’imagines clipeatae au même titre que sa demeure59. La monnaie de 61 représente justement la facade de la basilique avec la série d’imagines clipeatae fixée sur l’épistyle de la galerie inférieure. Comme l’a bien montré G. Sauron, le décor semble respecter la tradition60 parce que l’utilisation de boucliers n’était pas nouvelle. Les tabernae nouae avant d’être absorbées dans le portique de la basilique, avaient été ornées en 310 de boucliers samnites61 et d’un scutum Cimbricium peint à l’effigie d’un Gaulois et placé par Marius62. Ces ornements étaient à leur emplacement normal, c’est-à-dire sur le parcours triumphal63. Mais, le décor de M. Aemilius Lepidus présentait aussi un caractère tout à fait novateur. Les imagines clipeatae exaltaient ses illustres ancêtres. Les personnages représentés sur les clipeatae étaient assimilés à une étoile ou à une planète64, et de cette manière le consul de 78 utilisait l’apothéose astrale en faveur de ses maiores à la manière des dynasties hellénistiques. Il faut également insister sur le fait que la signification d’une telle décoration était d’ordre militaire et liée au triomphe, puisque la basilique se trouvait sur le parcours triomphal, le long de la Via sacra65. Si nous admettons l’hypothèse d’E. M. Steinby, nous ne comprendrions plus très bien la signification de la décoration de la basilique, et les boucliers n’auraient plus leur place à cet endroit, puisque le cortège triomphal ne passait pas par ce côté du Forum.
12Il nous semble nécessaire également de reprendre certains éléments qui touchent à la construction et à la restauration du bâtiment66. La construction de 179 s’était faite dans le cadre normal de l’activité censoriale, c’est-à-dire, grâce à des fonds publics octroyés par le Sénat67. Il n’en fut pas de même pour la restauration de 79. M. Aemilius Lepidus, avec l’accord du Sénat, avait entrepris ses travaux de réfection et de décoration avec des fonds privés68. Cette pratique inhabituelle s’explique essentiellement à cause de l’essoufflement de l’activité censoriale en matière de construction publique, puisqu’il partir de Sylla, il n’y avait pratiquement plus de travaux publics menés à bien par les censeurs69. Pour remédier à ce manque, le Sénat avait dû trouver des systèmes palliatifs70 et avait accepté les actes d’évergétisme privé comme il en existait dans les cités provinciales. C. Bustany explique très justement qu’il y eut pour la basilique Émilienne, une “forme d’appropriation gentilice d’un monument public cautionnée par le Sénat’’71. Mais ces restaurations ou reconstructions faites à titre privé étaient soumises à certaines conditions. C’étaient les descendants et héritiers directs qui pouvaient les effectuer72. Ce fut L. Aemilius Paullus, le second fils du consul de 78, qui reprit les travaux en 5473, puis le fils de Paullus, Lucius en 3474 pendant son consulat, ainsi qu’en 1475. La dernière réfection fut effectuée en 22 p.C.76 sous Tibère, par le fils du consul suffect de 34, M. Aemilius Lepidus, et c’est ce bâtiment restauré qui fut remarqué pour sa beauté par Pline77. Le principe de la continuité familiale s’était donc appliqué sur plusieurs générations. Donc, en 79. il paraît fort improbable que le Sénat ait accepté les autorisations de transfert en faveur de M. Aemilius Lepidus, et que ce dernier ait engagé des fonds personnels pour un bâtiment construit par un cousin très éloigné78. On ne voit pas par ailleurs, en 79-78, de lien idéologique entre M. Aemilius Lepidus et le vainqueur de Pydna. C’est pour cet ensemble de raisons que nous pensons que la basilique restaurée en 79 fut celle du côté nord du Forum et non celle construite sur le petit côté par Paul-Émile.
13Il faut constater qu’à travers cette série monétaire, Lépide faisait référence d’une part aux travaux d’urbanisme entrepris par son arrière-grand-père, et que d’autre part, il évoquait aussi la restauration faite par son père. C’était d’abord un bel exemple de piété filiale. Mais il y avait certainement des arrières pensées politiques. Depuis la fin de l’année 62, Pompée était rentré à Rome et on peut raisonnablement penser, que Lépide à travers cette monnaie, rappelait qu’il avait été le responsable de la défaite finale de son père et de la mort de son frère aîné. Il pouvait se permettre d’évoquer son père, parce que depuis une dizaine d’années, c’est-à-dire depuis 71 ou 70, à travers des leges et des rogationes, bon nombre d’hommes politiques essayaient de trouver des solutions pour réhabiliter les compagnons de Lépide, de Sertorius et les liberi proscriptorum79.
14Enfin, pour les trois séries de monnaies, la charge de Pontifex Maximus, dignité exercée par l’arrière-grand-père de Lépide en 180, fut rappelée régulièrement, soit par l’inscription PONT. MAX. ou par les instruments du culte comme le simpulum. Le Grand Pontificat était une des dignités les plus importantes dans la religion romaine traditionnelle, et c’était sans doute l’importance de cette charge dans la vie politique et religieuse de la cité que tenait à faire ressortir Lépide. Mais, avec le simpulum représenté sur quelques monnaies, Lépide faisait peut-être allusion à son propre pontificat acquis depuis 6280.
15Lépide développait ainsi une propagande particulièrement riche et cohérente où s’entrecroisaient plusieurs thèmes. Il faisait référence à une ancêtre mythique (Aemilia), à son arrière-grand-père qui fut héros à quinze ans, qui eut un rôle important dans l’histoire diplomatique de Rome, sans oublier la construction et la restauration de la Basilica Aemilia.
3. L’élection a la questure et à l’édilité
16Lépide fut questeur probablement en 58 ou 57. R. D. Weigel pense qu’il fut peut-être envoyé en Gaule comme légat ou questeur81, mais aucun témoignage ne le prouve et César ne l’a pas cité dans la Guerre des Gaules. Ce qui est certain, c’est que Lépide était à Rome en 57, parce que Cicéron le mit dans la liste des prêtres publics qui avaient déclaré que le site de sa maison n’était pas sacré82. En effet, Clodius, un des tribuns de la plèbe de 58, avait profité de l’exil de Cicéron, pour faire voter une loi qui prévoyait que le site de la maison de l’orateur serait sacré83. La mesure était claire, à son retour d’exil, Cicéron se trouverait exproprié. Lorsqu’il revint à Rome en septembre 57, il fut obligé de faire appel au collège des pontifes pour retrouver ses biens. Le vote de Lépide en faveur de Cicéron ne semblait pas être politique, parce que la décision des pontifes fut unanime à l’égard du consul de 6384. En effet, les pontifes lui rendirent un verdict favorable parce que la procédure pour rendre le sol sacré n’avait pas été entièrement respectée85.
17Lépide fut probablement édile en 53, quoiqu’aucun souvenir n’ait été gardé de cette charge qui restait d’une grande importance pour continuer le cursus et briguer le consulat, à cause des dépenses occasionnées pour les jeux et pour les constructions. En 52, Lépide fut interroi. Or, pour être interrex, il fallait avoir exercé une magistrature curule. C’est ce qu’avait remarqué P. Willems, qui avait constaté que sur les trente-cinq interrois connus et recensés depuis le début de la République, trente-trois étaient magistrats curules86. Les deux restants étaient justement M. Aemilius et Ap. Claudius. Lépide devint préteur en 49 et il fallait généralement quatre ans d’intervalle entre la charge d’édile et celle de préteur. De plus, les édiles de 54 et de 52 sont connus87, ce qui laisse penser que Lépide fut bien édile en 53, année où justement ces derniers sont ignorés88.
18Au sujet de l’édilité de Lépide, R. D. Weigel89 écrit qu’il fut peut-être été impliqué dans la reconstruction de la Basilica Aemilia. En effet, en 54 son frère aîné. Paullus, comme édile, avait commencé des travaux de réfection de la basilique, puis pour une raison qui nous est inconnue, lit une nouvelle locatio90. A notre avis, il est fort improbable que Lépide ait été concerné par la Basilica Aemilia, parce que, comme nous l’avons vu, il existait pour les réfections et les reconstructions de ce type d’édifice une nécessaire continuité familiale. L’histoire de la basilique le prouve puisque ce fut le fils de Paullus, le consul suffect de 34, qui termina et dédicaça l’édifice.
4. L’interregnum de Lépide
19Au début de l’année 52 Lépide fut choisi interrex par le Sénat91. Rome connaissait des violences consécutives à la rivalité qui existait entre Milon et Clodius. Le premier désirait le consulat, le second la préture, et la situation était si troublée qu’il fut impossible de procéder aux élections consulaires. Dès 54 Milon annonça sa candidature au consulat pour 53. La campagne fut d’une extrême violence. Les candidats procédaient non seulement par corruption et distribution de deniers, ce qui était habituel, mais n’hésitaient pas à utiliser les armes et à perpétrer des crimes qui rappelaient la guerre civile. Les magistrats de l’année 53 ne furent pas élus à la date réglementaire et entrèrent en charge avec six mois de retard. Les Comices pour l’élection des magistrats ne furent pas tenus et l’année 52 commença sans que Rome ait de consuls ni de préteurs. Pour compliquer la situation, le 20 janvier 52, Clodius fut assassiné par les hommes de Milon.
20Ce fut dans ce contexte particulièrement difficile que le Sénat vota le sénatus-consulte ultime et nomma Lépide premier interrex pour qu’il puisse mener à bien les élections en convoquant et en présidant les Comices centuriates.
21Plusieurs difficultés existent au sujet de cet interregnum. La première concerne l’identité de Lépide.
22J. S. Ruebel92 considère qu’il ne s’agit pas de Marcus Aemilius Lepidus mais de Manius (M’) Aemilius Lepidus, le consul de 66. Son argumentation est fondée sur le fait qu’un passage d’Asconius93 précise que l’épouse de Lépide s’appelait Cornelia. Or, à notre connaissance l’épouse de Lépide était une des trois filles de Seruilia et de D. Iunius Silanus94. Nous avons déjà fait mention des relations entre les Aemilii et les Seruilii, et il existait aussi des relations familiales entre les Aemilii et les Iunii. Le père de Lépide et D. Iunius Silanus avaient combattu ensemble la constitution syllanienne. Leur alliance fut renouvelée par le mariage de leurs enfants, à une date inconnue, mais avant février 50.
23Deux sources attestent l’identité de Iunia. La première fut une lettre de Cicéron adressée de Laodicée à Atticus et datée du mois de février 5095. Le passage dit de façon claire et sans ambiguïté qu’il s’agit de la sœur de Brutus. Pour comprendre le passage, rappelons le contexte. P. Vedius était allé à Laodicée voir Cicéron et était descendu avec ses affaires personnelles chez Pompeius Vindullus. Ce dernier mourut, et ses biens qui devaient revenir à Pompée, furent mis sous scellés. Ce fut en ouvrant les bagages de P. Vedius que furent trouvés : quinque imaginulae matronarum. in quibus una sororis amicis tui hominis “bruti” qui hoc utatur, et illius “lepidi” qui heac tam neglegenter ferat. “Il y trouve cinq petits portraits de matrones romaines, et parmi eux, celui de la sœur de ton ami ‘brute’, le bien nommé, et femme du fameux ‘mollasse’ qui supporte si complaisamment son infortune”. Cicéron jouait naturellement sur les noms de Brutus et de Lépide.
24Le second texte est de Velleius Paterculus96. Le passage concerne le fils de Lépide : ‘‘Un jeune homme dont les dons physiques étaient supérieurs aux capacités intellectuelles, M. Lepidus, fils de ce Lépide qui avait été triumvir pour la réorganisation de l’État et de lunia, sœur de Brutus”.
25Toutefois, l’argumentation de J. S. Ruebel ne manque pas d’intérêt. En effet, il paraissait plus vraisemblable que Manius soit interrex plutôt que Marcus, d’autant plus que ce dernier n’avait pas encore accédé à la préturc. Pourtant les témoignages d’Asconius et de Cicéron sont concordants, il s’agit bien de Marcus et non de Manius. Peut-être avait-t-il été choisi, comme le suggère R. D. Weigel97. parce qu’il était à cette époque un personnage qui paraissait relativement neutre dans une campagne électorale particulièrement agitée. Quant à l’épouse de Lépide, E. S. Gruen a émis l’hypothèse suivant laquelle Lépide avait pu être marié deux fois, bien que l’union avec Cornelia ne soit pas certaine. Il semble pourtant que Iunia fut la seule épouse de Lépide, bien que les informations données par Asconius n’aient pas à ce jour été réglées de façon claire98.
26De l’interrègne de Lépide pratiquement rien n’a été rapporté. Dion Cassius99, en parlant de l’année 52 reste dans le vague puisqu’il dit seulement qu’il n’y eut ni consuls, ni préteurs, ni préfet de la ville, ni interroi, et que ce ne fut qu’après le meurtre de Clodius que le Sénat décida l’élection d’un interrai. Par Asconius100, nous savons que le Sénat nomma Lépide premier interrex pour une période de cinq jours (du 19 au 23 janvier 52 probablement, selon la chronologie de J. R. Ruebel101). Le texte d’Asconius mérite attention, il nous dit :... M. Lepidi interregis is enim magistratus curulis erat. Cette phrase a une signification particulière et doit être expliquée en reprenant le cursus honorum de Lépide. Pour être interroi, il fallait remplir deux conditions, être patricien et avoir exercé une magistrature curule. En 53, pendant six mois se succédèrent de nombreux interrois et Lépide ne faisait pas partie de la liste. Il était probablement, comme nous l’avons mentionné, édile. A la fin de 53, ayant fini sa charge, il était donc magistrat curale et pouvait dorénavant devenir interroi. Reste à savoir pourquoi le Sénat l’avait choisi comme premier interrex en 52. P. Willems102 a donné une explication astucieuse, malheureusement difficilement vérifiable. Le premier interroi (toujours un sénateur curule patricien) était choisi par les patres puis il désignait son successeur et ainsi de suite jusqu’à ce que les Comices centuriates aient élu les consuls. Pour la fin de la République, il ne semble pas que les interrois aient eu la liberté de choix de leur successeur mais durent le nommer sur la liste sénatoriale. Pour l’interrègne de 53 il y eut au moins trente-six interrois et les sénateurs patriciens exerçant des magistratures curules présents à Rome étaient au maximum vingt-quatre103. Si tous les sénateurs curules patriciens étaient à Rome lors de la première moitié de l’année, la moitié d’entre eux a dû gérer deux fois la fonction. P. Willems considère qu’après la désignation du premier interroi par les patres, les sénateurs s’entendirent entre eux pour déterminer d’avance l’ordre de succession des interrois. Cette succession était réglée par le rang sénatorial, et elle commençait soit par le premier, soit par le dernier sénateur. I1 semble justement que pour l’interrègne de 52, la succession commença par le dernier sénateur. L’interrègne débuta le 19 janvier et finit cinquante-six ou cinquante-sept jours plus tard. Douze interrois se succédèrent et M. Aemilius Lepidus était le dernier en rang des sénateurs curules patriciens. En tenant compte de l’ordre sénatorial, nous trouvons : L. Aemilius Paullus, Q. Fabius Maximus, M. Aemilius Scaurus, Sex. Quinctilius (Varus), L. Lentulus Crus, A. Postumius Albinus, Cn. Cornelius Clodianus, M. Valerius Messala, L. Valerius Flaccus, C. Sulpicius (Gaius), Ser. Sulpicius Rufus. Or, Ser. Sulpicius Rufus était le dernier interrex de 52, coïncidence assez curieuse, remarque P. Willems, mais qui semble confirmer sa démonstration104.
27Nous ne savons rien de l’action de Lépide pendant cet interrègne. En revanche, sa maison fut attaquée dans un contexte bien particulier105. A la suite de la mort de Clodius, le peuple transporta son corps dans la Curie où il y fit un bûcher et le feu gagna rapidement le bâtiment ainsi que la Basilica Borda. Parallèlement à ces événements les partisans de Clodius s’en prirent aux maisons de Lépide et de Milon qui était absent. A. W. Lintott106 voit dans cet acte de violence la mise en place de la vieille procédure d’occentatio. Cette coutume ancienne remontait, si l’on croit Cicéron107, à la Loi des douze Tables où les attaquants apportaient par le feu l’infamie sur leur ennemi. Plusieurs exemples sont rapportés pour la fin de la République : en 82, Fabius Hadrianus fut presque brûlé vivant à son quartier général à Utique108, et déjà en 57, la maison de Milon fut attaquée par les partisans de Clodius109. Pourquoi choisir la maison de Lèpide ? Certainement parce qu’il était interrex ? Et ce fut d’ailleurs le seul magistrat dont la maison ait été, à notre connaissance, attaquée. Le Sénat ne resta pas indifférent à cet acte puisqu’il décida le 27 janvier, que l’attaque de la maison de Lépide, l’incendie de la Curie et le meurtre de Clodius constituaient des crimes dirigés contre l’État110.
28Entre 52 et 50, aucune source ne mentionne Lépide. Son frère Paullus fut consul en 50. Lors de son consulat, il continua la reconstruction de la basilique Émilienne avec 1500 talents reçus de César. Cet argent provenait du butin des Gaules. En effet, César, qui désirait proroger son imperium en Gaule, avait besoin de soutiens111.Toutefois. Paullus ne fut jamais un Césarien convaincu sans choisir pour autant le camp pompéien. Il était surtout proche des optimates et avait de très bonnes relations avec Cicéron112.
29Bien que nous n’ayons pas de renseignements sur les relations entre les deux frères, il semble que très tôt Lépide et Paullus prirent des voies différentes sur le plan politique. A la fin des années 60, Paullus était proche des optimates, puis dans les années 50, il préféra garder une certaine neutralité tandis que Lépide choisit délibérément le camp de César pour devenir l’un de ses plus fidèles partisans.
Notes de bas de page
1 Gelzer 1912 ; Taylor 1977,40, n. 7.
2 Taylor 1942, 392 ; MRR. Il, 186-187, n. 2 ; Szemler 1972, 134. En revanche, Gruen 1974, 103 situe cette élection “by the early 50s”.
3 Scheid 1998, 112.
4 Les deux listes pontificales ont été étudiées de manière très approfondie par Moreau 1982. 65-80.
5 Liste de Macrobe : Q. Lutatius Catulus, Mam.( ?) Aemilius Lepidus (Liuianus), D. lunius Silanus, C. Iulius Caesar, N. rex sacrorum, P. Mucius Scaevola, Sex. (Quinctilius Varus ?), L. Cornelius Lentulus Niger, flamen Martialis, Q. Cornelius, P. Volumnius, P. Alhinouanus, pontifices minores.
6 Liste de Cicéron : P. Cornelius Lentulus Spinther (cité hors rang en tant que consul), P. Seruilius Vatia Isauricus, M. Terentius Varro Lucullus. Q. Caecilius Metellus Creticus, M’. Acilius Glabrio, M. Valerius Messala, L. Cornelius Lentulus Niger, flamen Martialis, P. Sulpicius Galba, Q. Caecilius Metellus Pius Scipio Nasica, C. Fannius. M. Aemilius Lepidus, L.( ?) Claudius, rex sacrorum. M. Aemilius Scaurus. M. Licinius Crassus. C. Scribonius Curio. Sex. Iulius Caesar, flamen Quirinalis, Q. Cornelius, P. Alhinouanus, Q. Terentius Culleo, pontifices minores.
7 Le texte de Macrobe porte M. et non Mam. Cf. Taylor 1942. 392-393 ; Summer 1964,44-47 ; Szemler 1972,129.
8 Taylor 1942,392 ; MRR, II, p. 187, n. 2.
9 Le recrutement se faisait en fonction des liens de parenté. Voir Szemler 1972, 31 et 103 ; Parr isti 1977, 630-631.
10 Taylor 1942, 408-41 I. L’auteur montre que César et Crassus entre 62 et 60 avaient favorisé l’élection de Crassus (le fils) et de Curion. M. Aemilius Scaurus, quant à lui, aurait été aidé par Pompée. Moreau 1982, 66, note 164, rappelle que ce point de vue a été partiellement contesté par Parrish 1977 pour qui, même après la loi Labiena, les relations personnelles avec les membres du collège restaient capitales. Enfin, même si les pontifes pouvaient présenter des candidats, il faut tenir compte des Comices qui avaient le pouvoir décisionnel.
11 La liste de 62 a été reconstituée par Moreau 1982, 74, et l’on observe qu’à cette date, beaucoup de pontifes étaient des optimates convaincus. Catulus, Varro Lucullus, Vatia Isauricus et Metellus Creticus étaient des imperatores syllaniens.
12 Gruen 1974,66-68.
13 Gruen 1974,75-76.
14 Syme 1967,74-75.
15 Il faut rappeler également que César connaissait le père de Lépide, le consul de 78 Ce dernier avait d’ailleurs sollicité César qui avait repoussé ses propositions. D’après Suétone, l’homme ne lui inspirait pas confiance et il doutait, à juste titre, de la réussite du projet.
16 Syme 1967,74.
17 Comme nous le verrons dans le prochain paragraphe, la propagande monétaire de Lépide prouve l’attachement à sa famille et à son père. Nous ne sommes pas du tout en accord avec l’article de Welch 1995, 443-454, qui présente Lépide comme partisan des optimates.
18 La liaison entre César et Seruilia était connue. Plut., Brut., 5 ; Syntc 1967,44. Voir Porte 1994 465-484
19 Münzer 1920, 23-25 ; Syme 1967,73-74.
20 Cic.,Att„ 6.1.25.
21 Babelon 1885, 125-129 ; Zehnacker 1973. 193, 510, 513 ; RRC 1974.443-444 ; Perez 1986,58 n. 64 et 65, 91, n. 174, 1 10, 261, n. 63 ; Perez 1989.53, 101, 108, 113 114 ; MRR. III. p. 7.
22 En faveur de cette date : Babelon 1885, 125 ; RRC, p. 443. En revanche, Sydenham 1952, 136, pense que Lépide fut monétaire en 66. La date de 61 nous paraît préférable pour la raison suivante. Une des monnaies évoqué M. Aemilius Lepidus, le consul de 187 envoyé en Égypte vers 201 comme ambassadeur et qui devint tuteur de Ptolémée V. Or, au début des années 60, Rome, de nouveau, s’intéressa aux affaires égyptiennes. On peut raisonnablement supposer que Lépide tenait à rappeler le rôle déterminant de son arrière-grand-père dans l’implantation de l’Vrbs en Égypte.
23 Babelon l885, 35 ; Hamilton 1969. 181-199. De nombreuses interrogations demeurent sur cette charge. Nous ne savons pas si les triumvirs monétaires étaient élus ou nommés. On sait, grâce à Cicéron dans un passage du Pro Fonteio, 3.5, que le triumvirat monétaire comportait avec “la questure le maniement et l’administration de sommes considérables”. Bien qu’on n’en ait pas la preuve. l’État devait prétendre à des garanties financières de la part des titulaires de ces postes.
24 Hamilton 1969, 192.
25 Hamilton 1969, 191.
26 RRC. 446-447 ; Perez 1989,401.
27 Nous utiliserons l’ouvrage de Crawford 1974 : RRC
28 RRC. p. 443, no 419/1.
29 La seconde lecture proposée par Ph. Moreau est préférable à la première.
30 V. Max. 3.1.1: Aemilius Lepidus puer etiam tum progressus in aciem hostem interemit, ciuem seruauit. Cuius tam memorabilis operis index est in Capitolio statua bullata et inciela praetexta senatus c onsulto posita.
31 Gesche 1968, 25-42. Pour cet auteur, ces monnaies furent émises à un moment où il existait une rivalité politique entre les Marcii et les Aemilii. Elle considère que l’exploit attribué à M. Aemilius Lepidus est une “reine Vermutung”, une pure supposition (p. 38), et qu’il s’agit plutôt d’un haut fait attribué à un Aemilius de la période légendaire. Par ailleurs, elle trouve des similitudes avec l’histoire du jeune fils de Tarquin, Priscus qui, à l’âge de 14 ans, tua un ennemi et gagna des récompenses (Macr. 1.6.8).
32 Weigel 1973, 53.
33 Broughton 1989, 15-16.
34 RRC, p. 443, no 419/2.
35 Justin. 30.2.7.8 : “Pensant que la mort du roi et le supplice des courtisanes avaient expié l’infamie du royaume, les Alexandrins envoyèrent des ambassadeurs aux Romains pour les prier de se charger de la tutelle du jeune prince et défendre le royaume d’Égypte, que Philippe et Antiochos, d’accord entre eux s’étaient partagé” et 30.3.4 : “Ils (les sénateurs) envoient aussi à l’Égypte M. Lepidus pour administrer à titre de tuteur, les états de leur pupille”. Justin, à un autre passage, 31.1.1.4 précise : “Ptolémée Philopator, roi d’Égypte avait laissé en mourant, dans l’espoir qu’il lui succéderait sur le trône un tout jeune enfant”.
36 V. Max. 6.6.1 : “Quand le roi Ptolémée avait confié à Rome la tutelle de son fils : le Sénat chargea M. Aemilius Lepidus, qui était grand Pontife et qui avait exercé deux fois le consulat d’aller exercer la tutelle de cet enfant à Alexandrie”.
37 Tac., Ann., 2.67 : “Et comme ceux-ci n’étaient pas en âge, la régence est confiée à Trébellenus Rufus, ancien préteur, conformément au précédent créé par nos ancêtres quand ils avaient envoyé en Égypte M. Lepidus, comme tuteur aux enfants de Ptolémée”.
38 Liv. 31.2.3-4 : “Pour lors, on envoya à Ptolémée. roi d’Égypte, trois ambassadeurs, C. Claudius Nero, M. Aemilius Lepidus et P. Sempronius Tuditanus, pour lui annoncer la défaite d’Hannibal et des Carthaginois, le remercier d’être fidèle dans une situation à l’issue incertaine etc...”.
39 Willems 1885,491-492.
40 Se référer à : Holleaux 1921 ; Walbank 1936, 20-22 ; Bikermann 1940, 124-126 ; Badian 1958. 63-64, 107 et 109-110 ; Scullard 1973, 94 et 237 ; Gruen 1984. plus particulièrement le chapitre 18. 679-685.
41 Rich 1967 ; Clemente 1976, 319-352 ; Braund 1983, 16-57 ; Gaggiotti 1985 ; Broughton 1989 ; Wiseman 1991 ; Zevi 1994 ; Lampela 1998, 92-95 ; Gaggiotti 1985, 68, remarque que le silence de Tite-Live s’analyse par le fait qu’il aurait été très imprudent de la part de l’historien contemporain d’Auguste de rappeler au princeps le rôle des Aemilii en Égypte. Pour ce qui concerne le jeune âge de Lépide (à peine 20 ans) et son appartenance au Sénat. Rieh 1967, 73-87, a démontré que les règles qui touchaient au choix des ambassadeurs avaient été assouplies. Braund 198.3. 32. a réétudié la nature de la tutela de Lépide en la comparant avec d’autres tutelae de la fin de la République. Il propose une autre lecture de l’événement. Lépide n’avait pas été choisi tutor pour administrer l’Égypte, ce qui était à cette époque inconcevable, mais pour protéger l’enfant contre les agressions extérieures de Philippe V et d’Antiochos. Zevi 1994, 67, a émis l’hypothèse selon laquelle, pour que Lépide soit choisi comme ambassadeur, il fallait certes qu’il ait l’appui des Scipions mais aussi qu’il existe des liens d’amicitia ou de clientela entre les Aemilii et les Ptolémées. Or, quelques années auparavant, une intense activité diplomatique s’était développée entre Rome et l’Égypte. D’après Pol. 9.11a, à une date inconnue, mais probablement vers 210, le roi d’Égypte envoya du blé aux Romains. Zevi conclut, bien que ce soit invérifiable dans l’état actuel de nos connaissances, que le père de Lépide, le préteur de 213 fut peut-être envoyé en Égypte établir des liens d’amicitia avec Ptolémée IV, ce qui expliquerait le choix de son fils par le Sénat. Enfin, Gaggiotti 1985, 68-69, fait état d’un portrait de Ptolémée V découvert à Terracine, cité où se trouvait la villa maritime des Aemilii.
42 Bertrand dans Nicolet 1978, 831-833. En 65, Crassus, censeur, désirait intégrer l’Égypte au catalogue des Vectigalia du peuple, ce qui impliquait une annexion formelle. En 64-63, Pompée fut sollicité par les Alexandrins pour qu’il favorise le fils de Ptolémée IX, mais trop occupé, il se désintéressa de l’affaire. En 63, la rogatio Seruilia proposa de lotir le pays, ce qui impliquait une provincialisation de fait. Et ce ne fut qu’en 59 que César, consul, donna le titre de roi au candidat Ptolémée XII Aulète. Voir également, Gruen 1984, II, 682.
43 RRC, p. 444, no 419/3.
44 Babelon 1885, 127 ; Perez 1986.59-60.
45 Zehnacker 1973, 509.
46 Zehnacker 1973,510. Se référer au récit de Plut., Num., 7.1 ; Liv. 1.17-18, donne une version différente des événements.
47 Zehnacker 1973, 510.
48 Ferrary 1988, 535 ; Morel 1962, 29-31.
49 Zehnacker 1973,511.
50 Walton 1928. 155-178 ; Platncr & Ashby 1929 ; Coareili 1985, 201-209 ; Gaggiotti 1985, 53-80 ; Steinby, s.v. Basilica Aemilia, LTUR. 1, 1993. 167-168 : Coareili 1994,42 ; Allély 2000a, 135-147.
51 Steinby 1987, 139-184.
52 Liv. 40.51 : “Voici les travaux qu’ils firent exécuter avec l’argent qu’on leur avait alloué et qu’ils s’étaient partage (opem ex pecunia attributa diuisaque inter se lutee confecerunt) : Lepidus construisit une digue près de Terracine, réalisation qui fut critiquée, car il possédait des propriétés à cet endroit, et avait fait supporter une dépense privée par la collectivité... Marcus Fuluius mit en adjudication des travaux plus nombreux et plus utiles :... une basilique derrière les nouvelles boutiques de changeurs”.
53 Var., L. 6.4 : Quod Cornelius in basilica Aemilia et Fuluia inumbrauit.
54 Plin., Nat.. 35.13.
55 Le plan dans Wiseman 1991, 191, rend bien compte de cette hypothèse.
56 Coareili 1994,42.
57 Gaggiotti 1985,53-64.
58 Plin., Nat., 36.109 : M. Lepido Q. Catulo cos., ut constat inter diligentissimos auctores, domus pulchrior non fuit Romae quam Lepidi ipsius. “Sous le consulat de M. Lepidus et de Q. Catulus, le fait est établi par les auteurs les plus sûrs, il n’y eut point à Rome de maison plus belle que celle de Lépide lui-même”.
59 Parmi les merveilles (miracula) de Rome, Plin., Nat., 36.102 :... non inter magnifica basilicam Pauli columnis e Phrygibus mirabilem... ? “Ne reconnaîtrons-nous pas parmi les choses magnifiques la merveilleuse basilique de Paullus avec ses colonnes phrygiennes ?”. Sur les imagines clipeatae : id., 35.13 :... non in basilica modo Aemilia uerum et domi suae posuit, id quoque Martio exemplo. Scutis enim, qualibus apud Troiam pugnatum est, continebantur imagines, unde et nomen habuere clupeorum. “M. Aemilius, qui géra le consulat en même temps que Q. Lutatius Catulus, plaça des écus non seulement dans la Basilica Aemilia, mais aussi dans sa propre demeure, s’inspirant là d’un usage militaire : en effet, les portraits se trouvaient sur des boucliers semblables à ceux qui servirent à combattre à Troie”.
60 Sauron 1994, 175-177. Sur les clipeatae, 62-78.
61 Liv. 9.40.16.
62 Cic., Orat., 2.66 ; Plin., Nat., 35.25.
63 Coarelli 1985,208-209.
64 Sauron 1994, 176, n. 35.
65 Coarelli 1982, 724-740 a montré qu’il existait deux acceptions pour la Voie sacrée à la fin de la République. La première correspondait à un tracé restreint allant du Forum au soi-disant temple de Romulus ; la seconde, moins connue, désignait un chemin plus long se prolongeant à travers le Forum jusqu’aux Scalae Gemoniae. Le cortège abordait bien le Forum le long de la Basilica Aemilia et il ne fait aucun doute que le triomphe devait suivre la Via sacra. Sur le parcours triomphal : Bastien 2000, 156-158.
66 Nous utilisons pour cette analyse les conclusions de Bustany 1992.
67 Bustany 1992,357-361.
68 Cette somptueuse réfection s’est probablement faite grâce aux profits des biens provenant de la proscription syllannienne et aux exactions commises en Sicile.
69 Les censeurs de 70 furent les derniers censeurs de la République à accomplir intégralement leur mandat. Les seuls travaux publics menés à bien par les censeurs au ier siècle a.C. furent des travaux de bornage des rives du Tibre, du pont Miluius au deuxième mille sur la nia Flaminia vers l’aval. Voir Bustany 1992,49.
70 Bustany 1992, 439. Ce furent les magistrats à imperium qui prirent le relais et la réfection des sanctuaires. Ils envisageaient cette pratique comme un acte politique qui couronnait un succès militaire.
71 Bustany 1992, 51.
72 Bustany 1992, 48-50. Un second exemple, celui de la restauration de la Curia Hostilia vient étayer cette hypothèse. La Curia Hostilia, reconstruite par Sylla, fut incendiée en 52 a.C. Dion Cassius 40.50 fournit l’indication suivante sur sa restauration : “Le Sénat s’assemble hors du pomérium...et chargea Faustus, fils de Sylla, de rebâtir son palais”. Ce fut comme fils du reconstructeur de la Curia Hostilia, c’est-à-dire à titre privé, que le fils de Sylla fut choisi par le Sénat. Pour C. Bustany : “Tout se passe donc comme si l’État abdiquait volontairement par décision sénatoriale une partie de ses responsabilités concernant l’entretien du patrimoine monumental de l’Vrbs au profit d’une privatisation implicite”. Hinard 1992, 57-72 fait état d’un autre exemple pour l’extrême fin de la République. Il s’agit de la consécration du temple d’Apollon Sosius en 34 a.C. Fr. Hinard démontre qu’Octavien, même après Actium, ne pouvait pas consacrer seul le temple d’Apollon Sosius. Il “négocia” avec C. Sosius, qui était partisan d’Antoine, en lui laissant la vie sauve, mais en lui demandant de renoncer à la consécration du temple.
73 Cic., Ait., 4.16.
74 D.C. 49.42.2 : “Aemilius Paullus fit construire à ses propres frais le portique dit de Paullus et le dédia pendant son consulat, car il fut consul une partie de cette année”.
75 D.C. 54.24.2. La basilique fut incendiée en 14 a.C., et fut restaurée par Auguste et les amis de Paullus.
76 Tac., Ann., 3.72.
77 Plin„ Nat., 36.102. Selon Pline, la Basilica Aemilia, avec le Forum d’Auguste et le Forum de la paix, constituait une des plus belles constructions de l’Empire (pulcherrima operum quae umquam uidit orbis).
78 L. Aemilius Paullus, le vainqueur de Pydna, et M. Aemilius Lepidus, le consul de 187 étaient cousins éloignés. Le grand-père de Lépide, cos. 232, était M.f. M.n., et le grand-père de Paullus, cos. 255, était M.f. L.n.
79 Hinard 1985a. On pense à la lex Plautia de 71 ou de 70 et aux rogationes de 63.
80 Hoffman-Lewis 1950, 10-1 1. n. 21. Le simpulum est le symbole des pontifes comme celui du Grand Pontife ; RRC, p. 444 ; Perez 1989, 114.
81 Weigel 1973, 178.
82 Cic., Har., 12,
83 Sur les relations de Cicéron et de Clodius : Seager 1965, 519-531 ; Lacey 1974, 85-92 ; Tatum 1990, 187-194.
84 Weigel 1992, 23 ; Welch 1995, 445 pense que le vote en faveur de Cicéron, prouve que Lépide à cette époque était proche des optimates.
85 Grimal 1986,212-213.
86 Willems 1885, 12 ; Seidel 1908, 70 ; Münzer 1920, 353.
87 MRR, II, p. 223, pour l’année 54, il s’agit de Cn. Plancius et de A. Plautius et p. 235, pour l’année 52 de M. Anfidius Lurco et de M. Fauonius.
88 MRR, II, p. 228. T. S. R. Broughton propose justement Lépide pour 53.
89 Weigel 1992,23.
90 Cic., An., 4.16.8. : Paulus in medio foro basilicam iampaene texerat iisdem antiquis columnis, illam autem quam locauit facit magnificentissimam. "Paulus avait déjà presque complètement couvert, en utilisant les mêmes anciennes colonnes, la basilique du milieu du Forum ; mais il fait de celle qu’il a donnée en adjudication quelque chose de tout à fait magnifique”.
91 Asc., Mil., 33 et Cic., Mit., 8 : Domus quoque M. Lepidi interregis is enim magistratus curulis erat et absentis Milonis eadem illa Ciadiana multitudo oppugnavit. Sur Asconius, se référer à Marshall 1985, 169-170.
92 Ruebel 1979,234. Sur ces questions de transcription, lire Sumner 1964,43, n. 19.
93 Asc., Mil.. 43 :...uxoris eius Corneliae....
94 Münzer 1920, 352-354.
95 Cic., An.. 6.1.25.
96 Vell. 2.88.
97 Weigel 1992,24. Voir également, Staveley 1954, 197, n. 3.
98 Münzer 1920,354.
99 D.C. 40.47-49.
100 Asc. Mil.. 33 et 43.
101 Ruebel 1979,234-236.
102 Willems 1885, 14-16.
103 Voir la liste reconstituée par Willems 1885, 10 12.
104 Willems 1885, 19.
105 Cic. Mil.. 13 ; Asc. Mil.. 29 : obpugnationem aedium M. Lepidi.
106 Lintott 1968,8-9.
107 Cic., Rep.. 4.12 : Si quis occentauisset siue carmen condidisset, quod infamiam faceret flagitiumue alteri. La procédure est développée à la Table VIII. Sur cette procédure : Crawford 1996,677-679.
108 Liv. Per. 86.
109 Cic.. Att.. 4.3.3.
110 Asc., Mil., 44 : contra rem publicam facta. Bonnefond-Coudry 1989,527-530.
111 Plut., Caes. ; 29.3 : “Après le consulat de Marcellus, César laissa désormais tous les hommes politiques puiser abondamment dans les richesses qu’ils avaient amassées en Gaule ;...(il) remit à Paullus qui était consul, quinze cents talents, avec lesquels celui-ci orna le Forum d’un monument célèbre, la basilique qui fut bâtie à la place de la basilique Fuluia”. App., BC., 2.26 : “... Mais Paullus, pour 1500 talents, garantit qu’il n’offrirait ni collaboration ni résistance... Et c’est avec l’argent de cette opération que Paullus construisit, en la dédiant aux Romains, la basilique de Paullus, bâtiment très célèbre”.
112 Hayne 1972b, 148-155 : Weigel 1979, 637-646. Cicéron dont Paullus avait favorisé le retour, correspond avec lui et en dit le plus grand bien. Voir : Fam.. 15.12.13 : Mil., 24.
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