« Deux mondes qui ne peuvent plus s’ignorer... ». Quelques réflexions sur l’histoire des relations entre la France et la Chine, et la contribution qu’y ont prise les écrivains français
p. 13-19
Texte intégral
1 Dans son allocution d’ouverture officielle du colloque franco-chinois sur « Les écrivains français du XXe siècle et la Chine », le 5 octobre 1999 à l’Université de Nankin, Son Excellence Pierre Morel, Ambassadeur de France en Chine, a exposé avec autant de sensibilité littéraire que d’érudition historique et diplomatique quelques réflexions sur l’histoire des relations entre la France et la Chine, et sur la contribution qu ’y ont prise les écrivains français. Avec son accord, nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de ce discours qui a constitué une magistrale présentation du colloque, dans ses orientations, ses objectifs et ses enjeux. Que S.E. Pierre Morel veuille bien trouver ici l’expression de notre admirative gratitude pour l’exceptionnelle qualité de l’ambassade des lettres françaises qu ’il illustre en Chine, ainsi que pour la chaleur de son soutien à nos différents projets de coopération universitaire franco-chinoise, et notamment de développement partenarial entre l’Université d’Artois en France et l’Université de Nankin en Chine.
Je voudrais vous livrer quelques réflexions sur l’histoire des relations entre la France et la Chine dans laquelle s’inscrivent les auteurs qui vont faire l’objet de votre étude tout au long de ce colloque. Je commencerai par rappeler très sommairement quelques noms, ceux qui les premiers se sont réellement intéressés à la Chine. Je pense à Montaigne, à sa fascination pour l’administration chinoise et pour le système des concours. Il y a ensuite toute l’expérience des Pères Jésuites, et la mission scientifique envoyée par le roi Louis XIV, puis Montesquieu qui inclut la Chine dans son étude des systèmes de gouvernement, et Voltaire, plein d’admiration pour la tolérance chinoise.
2La Chine est déjà un objet d’étude, mais les échanges sont intermittents. Il n’y a pas de rencontre durable, de partage. L’aventure des Jésuites reste exceptionnelle, et son échec final confirme bien que chacun reste chez soi.
3Le XIXe siècle marque une nouvelle tentative de rencontre qui va déboucher sur la confrontation que nous connaissons bien, mais qui, malgré tout, va permettre de nouer une véritable relation, et pas simplement pour des raisons strictement commerciales. C’est une histoire compliquée, souvent douloureuse, quelquefois tragique, mais quand même importante pour la Chine moderne, qui inclut la tentative religieuse des missions catholiques dans toute la Chine, fortement appuyée par la France. Leur dévouement est admirable, mais leur manque de compréhension peut aussi être pathétique, et la confrontation s’installe le plus souvent avec les autorités chinoises qui refusent l’émergence d’un pouvoir parallèle.
4Dans le même temps apparaît une autre dimension, très importante pour le sujet qui nous intéresse, à savoir l’étude approfondie de la Chine. L’enseignement de la langue chinoise en France commence avec l’École des Langues Orientales en 1834 : l’étude de la langue et de la civilisation stimule les voyages et les premières missions. Il faut d’abord citer le père Évariste Huc qui joue un rôle déterminant parce qu’il présente une synthèse extraordinaire de la Chine au milieu du XIXe siècle, comparable à celles de Tocqueville pour les États-Unis et de Custine pour la Russie, qui paraissent au même moment.
5On assiste à l’émergence d’une véritable sinologie française avec Édouard Chavannes, professeur au Collège de France. Il est le premier à apporter une démarche scientifique dans l’étude du monde chinois, la méthode des sciences humaines, comme Renan l’applique au même moment aux études bibliques.
6Ce rappel très bref du fond d’expériences qui s’est constitué pendant le XIXe siècle permet de mieux comprendre le tournant remarquable qui se produit autour de 1900.
7On assiste d’abord au développement des voyages et expéditions menés par des hommes audacieux, impatients de découvrir l’immense Chine. Il faut citer un nom qui n’est pas souvent mentionné ici aujourd’hui, celui de Paul Pelliot, qui est sans doute l’un des plus grands sinologues occidentaux. Après Aurel Stein, le Britannique qui le précède de quelques années dans le Turkestan chinois, il est le deuxième à faire la découverte des manuscrits des grottes de Dunhuang. On a aujourd’hui en Chine une vision critique de sa démarche, mais je voudrais simplement rappeler que lorsqu’il a trouvé et acquis ces manuscrits dans toutes les langues de l’Asie Centrale qu’il connaît, Pelliot revient à Pékin et rassemble ses amis chinois pour les leur montrer, pour faire partager sa découverte. C’est aujourd’hui un sujet sensible, je le sais bien. Mais nous sommes dans un colloque de recherche et de réflexion, et il faut essayer de comprendre ce qui s’est passé. La relation intellectuelle, scientifique, est inégale, difficile, incomplète, mais on assiste quand même aux débuts d’un véritable échange sur le terrain de la connaissance.
8À côté de ces expéditions, de ces recherches et de ces études, un autre événement irremplaçable est au cœur de ce colloque : le regard et l’expérience des créateurs, des écrivains français qui découvrent vraiment la Chine.
9Quelques grandes figures de notre littérature vont en deux ou trois décennies éprouver par leur découverte et leur expérience de la Chine un choc qui va les transformer chacun à sa façon. Pourquoi ? Parce qu’ils font l’expérience d’un autre monde, d’un ailleurs, déconcertant, impressionnant, inépuisable, parce qu’ils découvrent une ampleur historique dont ils n’avaient pas la mesure, et parce que cet ébranlement se produit dans un moment de crise de la conscience européenne.
10Les puissances européennes triomphantes se sont engagées avec ardeur, avidité et bonne conscience dans l’aventure coloniale. Mais la Chine ne pouvait évidemment pas être réduite à une colonie, pour de nombreuses raisons. Deux poètes doivent être cités à cet égard : Victor Hugo d’abord, qui, dans sa fameuse lettre du 25 novembre 1861 condamnant sur le champ le sac du Palais d’été, récuse déjà la supériorité des puissances européennes face à la civilisation chinoise ; Arthur Rimbaud ensuite qui, cessant d’écrire, est allé jusqu’à Java, puis a rejoint l’Éthiopie : geste d’épuisement et de rupture, mais aussi jugement sur son époque. Son aventure finit mal, le Harrar désertique n’est pas un recours, il revient en France pour mourir. Mais le geste garde toute sa force, et marque les jeunes esprits de l’époque et notamment Claudel, Segalen et Saint-John Perse, qui avoueront chacun leur fascination pour Rimbaud.
11Ce que découvrent ces poètes qui choisissent la Chine pour sortir de leur univers culturel, c’est la conscience que celle-ci n’est pas un objet, une curiosité, une évasion mais un sujet, un monde en soi. Les « Huit Puissances », comme on les appelle à l’époque de la guerre des Boxers, exercent à ce moment-là leur domination, mais les créateurs marquent à leur façon une prise de conscience, la reconnaissance que la Chine est aussi une « puissance », mais autrement.
12Je voudrais m’arrêter maintenant à cinq des écrivains qui seront étudiés dans ce colloque. Chacun à sa façon, ils reçoivent de la Chine une sorte de révélation personnelle, différente, accordée à leur nature profonde, et qui les oriente de façon irréversible. Il y a là un phénomène extraordinaire, assez peu étudié jusqu’à présent, qui marque pourtant toute la littérature française du XXe siècle.
13Je commence par trois poètes déjà cités et étroitement reliés : ils se sont connus, sont venus à peu près au même moment, et chacun va faire évoluer la poésie française : Paul Claudel, Victor Segalen, Alexis Léger dit Saint-John Perse.
14 Pour essayer de les comparer, de différencier leur attitude devant la Chine, je dirais que Claudel s’arrête devant la Chine. Il est étonné, fasciné. Il y a un blocage de sa conscience d’écrivain catholique, occidental, devant le monde chinois, et en même temps une adhésion de la personnalité profonde du créateur baroque qu’il est malgré tout, devant le plus baroque des mondes. Ceci ressort admirablement dans son ouvrage révélateur, Connaissance de l’Est. On y trouve des pages malheureuses sur le Bouddha « risible », mais également des pages magnifiques sur les paysages, et sur ce qu’il nomme la « religion du signe » qui prévaut en Chine. Elles ont gardé toute leur actualité.
15Pour Segalen, c’est différent. Il a été très influencé par Claudel, qui l’a mis un peu sur le chemin, et il trouve en Chine enfin un sujet à sa mesure, quelque chose qui répond à son aspiration profonde. Si Claudel reste devant le monde chinois, Segalen va y entrer, s’y jeter pour devenir lui-même. Il va apprendre la langue, ce qui est fondamental. Il travaille son chinois tous les jours, et aspire à devenir un lettré. Il compose ses « stèles », forme poétique personnelle qu’il tire de la Chine. Et il va aussi s’épuiser, choisir d’aller jusqu’au bout, dans une sorte de déperdition, d’inachèvement, qui en fait un écrivain moderne, dont l’audience croît peu à peu. Il prend le risque de la perte chez l’autre, par l’autre, il se construit un mythe inaccessible, avec Thibet sa dernière œuvre chinoise, restée inaboutie. Mais il a aussi ouvert la voie de l’archéologie chinoise avec beaucoup d’intelligence. Peu après les découvertes de Pelliot au Turkestan, il est à l’origine des premières grandes redécouvertes des sites funéraires de l’antiquité chinoise autour de Xian, des premiers inventaires photographiques, et de la première étude sur la statuaire Han.
16Alexis Léger, jeune diplomate à Pékin, va y devenir Saint-John Perse, car c’est à partir de ce moment-là qu’il conquiert ce nom poétique définitif. C’est un jeune poète déjà reconnu par les initiés, qui a composé quelques pièces éclatantes liées à son origine antillaise, encouragé par Claudel à choisir la carrière diplomatique et à partir en Extrême-Orient, et son séjour en Chine va également opérer une mutation. Il arrive en 1916 et repart en 1921, différent, avec son grand poème Anabase, paru en 1924, qui va fasciner toute l’Europe littéraire. Là aussi, transformation, révélation. Mais Saint-John Perse ne se perd pas dans la Chine. Il n’apprend pas le chinois. Il la traverse en quelque sorte moralement pour atteindre son propre objectif à lui, qui est, à ce moment-là, la Haute Asie, les marches immenses plutôt que la Chine civilisée. Il faudra y revenir.
17Je continue avec un autre poète encore, Henri Michaux, qui vient un peu plus tard, dans les années 20, en passager certes, mais le choc suscite une œuvre majeure, Un Barbare en Asie, qui reprend, étend, modernise le renversement amorcé par Victor Hugo : la civilisation est là-bas, et c’est nous qui sommes des barbares. Ce n’est pas l’intuition d’un moment, mais une expérience définitive, qui se retrouve dans toute son œuvre écrite, puis dans sa peinture. Il y a là une empreinte dont il ne se défera jamais, comme en témoigne un petit texte écrit vers la fin de sa vie, exceptionnel dans sa compréhension de la tradition lettrée et de l’écriture, Idéogrammes en Chine.
18Malraux est évidemment tres différent lui aussi, mais il est également transformé par la Chine. Son expérience réelle est certes l’Indochine, mais il intègre les thèmes chinois, avec deux romans, Les Conquérants et La Condition Humaine. Il y trouve la première forge des mythes qui vont faire toute son œuvre, comme si l’Indochine française n’était qu’une antichambre qui le conduit au foyer central. La fraternité révolutionnaire, le combat politique comme forme de la tragédie moderne, l’impossibilité de l’amour, le mensonge de toute existence, le choc des civilisations dans la vie quotidienne comme dans les événements politiques, toute la dramaturgie de Malraux prend forme autour des convulsions de la Chine des années vingt.
19Chacun de ces écrivains part ainsi d’une fascination très forte pour en tirer une vision, plus large et plus riche, de la Chine mais aussi du monde. La Chine n’est plus une curiosité, une étrangeté, c’est un immense sujet. Elle est à la fois plus réelle et plus fabuleuse, réalité et mythe, elle offre une autre façon d’être au monde.
20Comment ce tournant s’est-il produit, et pourquoi ? Devant une telle succession de rencontres fécondes, on ne peut s’empêcher de chercher encore.
21Prenons trois exemples, trois expériences. On peut comprendre qu’une rencontre prolongée avec la Chine à cette époque ait un retentissement durable, mais pourquoi un tel ébranlement ? Que se passe-t-il ?
22Je repars du jeune Alexis Léger, diplomate et poète à Pékin, de 1916 à 1921. Une fois par semaine, le soir, à l’ambassade, dans le quartier des légations, un groupe d’amis se réunit pour se retrouver et dîner chez le médecin de l’Ambassade de France, le docteur Bussière qui va rester près de quarante ans attaché à l’ambassade. Dans ce cercle choisi défilent les personnalités de passage, dès lors qu’elles partagent un intérêt commun pour l’étude du monde chinois, des sinologues reconnus, mais aussi des voyageurs, des explorateurs. Le jeune Alexis Léger est associé pendant cinq ans à ce cercle de lettrés-voyageurs, qui bien sûr racontent leurs parcours, lisent les traductions des textes qu’ils ont trouvés, ou présentent l’état de leurs recherches. Cela tient à la fois de la causerie, du séminaire de recherche, du cercle littéraire, et de la halte au caravansérail.
23La Chine occupe une place prédominante, mais on voit défiler aussi d’autres peuples, des royaumes oubliés, des mondes perdus. Segalen, auparavant, y a participé. Gustave Charles Toussaint, qui est juge consulaire à Shanghai, revient ainsi régulièrement à Pékin, présente ses dernières traductions d’un grand manuscrit tibétain qu’il a acquis dans une lamaserie, le Padma Thanyig, histoire des existences de Padmasambhava, le fondateur du lamaïsme tibétain. Bacot, grand voyageur, parle de ses expéditions, souvent dangereuses, aux confins du Yunnan et du Tibet. Ces récits et ces récitations hebdomadaires, ce partage des recherches et des voyages devient ainsi le point commun de ces soirées à chaque fois différentes, et tout cela réapparaît dans Anabase, d’une autre façon. Ces « leveurs de camp dans le petit vent de l’aube » dont parle Saint-John Perse, ce sont des nomades d’il y a deux mille ans, des généraux d’il y a mille ans, mais aussi des voyageurs de son temps qu’il côtoie à Pékin, où ils racontent leurs étapes et leurs travaux.
24À la fin de son séjour en Chine, au bout de cinq ans, Saint-John Perse va participer à une modeste expédition de quinze jours, en traversant le désert de Gobi jusque vers Ourga (Oulan-Bator aujourd’hui), avec Gustave Charles Toussaint et le docteur Bussière. Cette reprise de tout ce fond d’étude et de voyage accumulé puis éprouvé personnellement, débouche ainsi sur le grand poème d’une expédition mythique.
25Prenons maintenant un exemple très différent, mais important aussi, celui de Lucien Bodard, fils du consul général de France à Chongqing, puis à Chengdu. Entre cinq et dix-douze ans, il vit dans un monde chinois où il n’y a pratiquement pas d’Européens, il est totalement imprégné de la vie chinoise au cœur du pays. Il fait l’expérience de l’étrangeté, de la beauté, de la cruauté de cette vie très dure, de tout l’environnement chinois, tout en bénéficiant des protections d’un foyer de vie française perdu au fond du Sichuan.
26Doté d’une grande sensibilité presque maladive, et en tout cas exacerbée par le contraste avec ce qui l’entoure, il perçoit les drames domestiques, la tension entre ses parents, mais aussi le monde environnant grâce au personnel chinois qui veille sur lui, et il comprend enfin la partie dangereuse qui se joue chaque jour entre le consul et les notables chinois. Cet éveil précoce de sa conscience de la Chine, est bien son éveil de créateur, de romancier, qui fonde ses livres Monsieur le Consul et Le Fils du Consul, et apporte un témoignage impressionnant sur la vie chinoise au début du siècle.
27À partir de là, il faut bien le dire, il a beaucoup écrit, trop sans doute, à propos d’une Chine reconstruite, mise en scène dans des ouvrages qui n’étaient plus tirés de son expérience personnelle. Il reste que ses souvenirs sont exceptionnellement vivants et recoupent au demeurant ce que l’on trouve dans les correspondances de nos consulats à l’époque, ou encore les photographies du consul de France à Kunming à la même époque, Auguste François, qui procurent un véritable portrait de la Chine du sud au début du siècle.
28Prenons un troisième auteur, lui aussi complètement différent, et souvent méconnu dans sa dimension chinoise, le père Teilhard de Chardin, géologue et paléontologue dont l’œuvre considérable débouche sur une vision, je dirais cosmique, de réconciliation entre la religion et la science.
29 Teilhard de Chardin a vécu en Chine pendant plus de vingt ans, de 1925 à 1947-48. Il a fait des va-et-vient, mais il a essentiellement travaillé et vécu en Chine. Dans les années vingt, c’est un des plus grands voyageurs français en Chine. Il est géologue, il coopère avec le gouvernement chinois pour faire la carte géologique de la Chine. Il voyage pendant des mois à travers le Gansu, le Ningxia, le Sliqanxi. Il va ensuite participer au développement de la recherche préhistorique, et à la découverte du fameux homo pekinensis de Zhoukoudian, qui à ce moment-là représente une révolution scientifique, puisqu’il précède les premiers hommes identifiés sur le sol africain à cette époque. Il participe à l’expédition automobile Citroën de la « Croisière jaune », de Pékin jusqu’à Aksu et retour. Ce long séjour chinois est aussi une épreuve, parce que sa réflexion religieuse est critiquée par l’Église, en sorte qu’il n’a pas le droit de publier. Il connaît également l’épreuve de l’occupation japonaise qui, à Pékin à partir de 1937, le bloque et complique son travail de recherche. Mais dans le même temps, avec cette vision optimiste qu’il a de la vie, de l’histoire, il fait le choix de la coopération avec les jeunes scientifiques chinois qu’il forme. Entre Pékin et Tianjin isolées, occupées, il fait partie d’une équipe de recherche multinationale, qui associe Chinois et étrangers dans la même recherche scientifique, ce qui est fort nouveau pour l’époque.
30À la fin de la guerre, Teilhard compose l’une de ses grandes œuvres, Le Phénomène humain, synthèse de sa longue réflexion sur l’émergence puis la diversification des formes de la vie sur la terre. Autant la pensée est rigoureuse, autant le style est lyrique, porté par un élan inlassable qui accompagne le récit de l’émergence de l’esprit au cœur même de la matière. Mais il faut surtout relever ici les convergences remarquables avec la pensée chinoise traditionnelle : approche globale, holistique de la vie, intuition des étapes de la croissance organique, dépassement des oppositions, approche indirecte, subtilité. La très intéressante correspondance de Teilhard dans ses années chinoises manifeste au demeurant une vive sympathie pour le monde chinois, même s’il ne va pas jusqu’à l’étudier en tant que tel, requis par la géologie et la paléontologie, et ensuite par sa vision cosmique. Comment ne pas voir toutefois que son long séjour a suscité une sorte de symbiose des formes de pensée, et stimulé l’émergence de cette pensée visionnaire ?
31Symbiose, imprégnation. Tel est bien le phénomène que l’on retrouve dans chacun de ces trois cas que j’ai voulu singulariser. Le choc initial se prolonge en initiation, la prise de conscience débouche sur la création immédiate ou différée d’œuvres exemplaires, certes très différentes, parce que très personnelles, mais également portées par une intensité, une exaltation comparables, qu’il s’agisse du poème, du récit ou de l’essai. L’empreinte de la Chine est bien là, directe ou indirecte, mais indélébile. Chacun d’eux vit alors de façon intensément personnelle la rencontre longtemps reportée et désormais inexorable entre deux mondes qui ne peuvent plus s’ignorer.
Auteur
Ambassadeur de France en Chine
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