Chapitre 17. G. Meyrink : L’enjeu de l’occultisme
p. 203-217
Note de l’éditeur
Première parution dans Recherches Germaniques, 16, 1986.
Texte intégral
À la mémoire de Bernard Gorceix.
« [...] Un courant parcourt l’histoire de la pensée allemande du XVIe au XIXe siècle. Parlons d’ésotérisme chrétien, ou bien de théosophie de langue allemande. La cohérence, la permanence de ses structures et de ses formes, sur plus de trois siècles, [...] lui confèrent une véritable autonomie... Les influences de cette théosophie, d’une part sur la philosophie, de Leibniz à Schelling, d’autre part sur la littérature, du baroque au romantisme, ne sont pas encore réellement étudiées... »
Bernard Gorceix1
1Gustav Meyrink appartient à la famille des écrivains que l’on dit « initiés ». Mais cette dimension, jusqu’à présent, ne semble pas avoir été évaluée à son juste prix. Les uns tentent, sinon de l’évacuer, du moins de la contourner : la critique, l’histoire littéraire, en général, sélectionne dans l’œuvre meyrinkienne ce qui lui sied, ce qu’elle garantit comme authentiquement « littéraire » (la plupart du temps, le recueil de nouvelles Le Cor enchanté du petit-bourgeois allemand, 1913, et, non sans réserve parfois, le roman Le Golem, 1915) le reste étant réputé, selon le cas, futile ou abscons, à tout le moins déplacé. Les autres prétendent la sanctifier : les zélateurs de l’ésotérisme qui se sont emparés de la postérité de G. Meyrink revendiquent l’exclusivité herméneutique de son œuvre et déclarent d’emblée sacrilège toute lecture profane ou « laïque »2.
2 Les uns et les autres ont leurs raisons mais, à notre sens, se font la part trop belle. On ne peut feindre d’ignorer l’événement qui, aux dires de G. Meyrink, « changea le cours de sa vie » : ce jour de 1891 où le destin glissa sous la porte de sa chambre, à Prague, une brochure spirite sur « La vie après la mort »3. Mais on ne peut non plus négliger que son œuvre se compose avant tout de romans et de nouvelles, donc de textes « fictionnels », et qui se donnent pour tels. Il convient de poser le problème de l’enjeu de l’occultisme, pour G. Meyrink. C’est-à-dire, au-delà de la question de savoir ce qu’il croit, se demander ce qu’il peut y chercher, en tant qu’écrivain, et le bénéfice qu’il en retire, dans son œuvre narrative.
1. « Un travail de Sisyphe »4
3Un rappel, d’abord, de la pratique occultiste de G. Meyrink. À la différence de certains « fantastiqueurs » du XIXe siècle – Hoffmann et le mesmérisme, Villiers et le spiritisme, Poe et le magnétisme –, il ne s’agit pas là pour lui d’un (simple) objet de curiosité intellectuelle, encore moins d’une toquade. C’est au contraire, à l’en croire, la raison de son existence : « J’avais vingt-quatre ans lorsque j’ai commencé à m’occuper des choses de l’occultisme ; plus j’ai progressé dans l’étude de ces questions et plus importantes, plus intéressantes elles me sont apparues »5. « Une passion », « une vocation », donc bien antérieure à la découverte, à l’exercice de son talent d’écrivain (le premier texte de sa plume, le récit Le Soldat brûlant, paraîtra en 1901 dans le Simplicissimus), qui remonte à l’époque où G. Meyrink ne s’appelait encore que M. Meyer, banquier pragois, et qui ne s’est ensuite jamais démentie (même pendant les silences de son activité littéraire), où il puisera même, d’une certaine façon, le courage de la mort, pour suivre de quelques jours son fils Harro (1932).
4Une autre caractéristique de l’occultisme meyrinkien est son caractère œcuménique. Il n’est aucun domaine qu’il n’ait abordé, aucune voie où il ne se soit avancé : le spiritisme, l’alchimie, l’astrologie, la théosophie, la parapsychologie, le Hata Yoga, la Kabbale, le Tao... Dans son panthéon cohabitent William Crookes, Helena Blavatsky, Camille Flammarion, Swedenborg, Paracelse, etc. Au fil des années, G. Meyrink se convertit et abjure, adhère et se rétracte, passe de l’un à l’autre, corrige les uns par les autres, pour mûrir, peu à peu, sa propre doctrine, construire son propre évangile.
5Enfin l’occultisme prend pour G. Meyrink valeur « existentielle ». Le savoir livresque, aussi vaste soit-il (Meyrink s’enorgueillit d’avoir lu tous les ouvrages disponibles sur le sujet)6, ne le satisfait pas. L’occultisme, au sens où il le conçoit, ne saurait rester lettre morte. Il se vérifie, s’exerce, se vit. D’où son goût, au temps de son séjour pragois, pour le spectacle de « séances », sa passion à expérimenter personnellement, dans le cercle de ses amis, toutes sortes de recettes, plus ou moins sérieusement, de la convocation d’esprits frappeurs, le jeûne et l’abstinence prolongés, jusqu’à l’usage d’hallucinogènes... D’où sa recherche de relations personnelles, de noviciat, auprès de possibles maîtres à penser : correspondance avec Alois Mailänder, Annie Besant, certain yogi tibétain disciple de Ramakrishna. D’où sa manie des rites initiatiques, son habitude des sociétés secrètes : membre, dès sa fondation (1891), de la Loge Théosophique Pragoise (dite « Loge zum blauem Stern ») de K. Weinfurter, il s’inscrit également dans d’autres ordres, faisant preuve d’un éclectisme étonnant : « Royal Oriental Order of Ape & of the Shat Bahai », « Bruderschaft der Alten Riten vom Heiligen Gral im Grossen Orient von Patmos », « Orden der Illumination », « Altgnostische Kirche von Eleusis », etc... Plus sérieusement (?), G. Meyrink se fait prosélyte de l’occultisme en assumant, à partir de 1921, la direction de la collection « Romane und Bücher der Magie », pour le compte des éditions viennoises Rikola Verlag.
6En tout état de cause, donc, l’occultisme accompagne toute la biographie meyrinkienne. Quel sens donne-t-il à cette « idée fixe » ?
2. Une parole subversive
7C’est la donnée fondamentale : l’occultisme a toujours été compris, vécu, évalué par G. Meyrink comme une sorte de « contre-culture ».
8Déjà au premier degré de la pratique mondaine. Pour le banquier pragois qui s’affiche en dandy, la curiosité pour les choses de l’occultisme s’inscrit dans la recherche délibérée et ostentatoire de l’extravagance, la démonstration d’un parti pris « antibourgeois ». Paul Leppin rapporte que les familiers du cercle qui se retrouvait chez lui et où se côtoyaient artistes, écrivains et bourgeois, obéissaient à la mode du temps en tenant des séances spirites et en fumant le « haschich »7. L’occultisme s’affiche. Il entre dans un décor, une pose. Il est une pièce dans la mise en scène privée d’une excentricité.
9Avec le recul des années, G. Meyrink sourit de ses « frasques » de jeunesse8. Mais si l’occultisme meyrinkien, au fil du temps, s’épure, s’intellectualise en quelque sorte, il s’exhibe encore, avant toute chose, comme une idéologie contestataire. L’écrivain ne manque jamais, dans chacun de ses écrits sur le sujet, de rappeler ce principe.
10Dans la préface de sa traduction de Camille Flammarion, Rätsel des Seelenlebens (1909) :
Si un savant, de nos jours, montre le courage de s’intéresser aux « choses métaphysiques », comme on dit aujourd’hui, et s’il s’exprime plutôt en accord avec cette vision, soit on le considère comme atteint de folie passagère, soit l’on passe cette lubie sous silence ou encore on lui cloue le bec, comme avec Crookes. Il est tout à fait étonnant de voir la pugnacité avec laquelle tous les esprits les plus médiocres, jusque dans la plus insignifiante université, se défendent contre les choses de ce genre !9
11Dans sa présentation de la collection « Romane und Bücher der Magie » :
J’ai bien conscience, en inaugurant une série d’ouvrages sous ce nom, de donner un coup de pied dans la fourmillière. Rien ne peut davantage mettre en fureur les maîtres d’école bornés que d’agiter sous leur nez le chiffon rouge de la mystique et de l’occultisme... Ils s’abritent toujours derrière le souci qu’ils ont du bien du peuple...10
12La force de subversion de l’occultisme – au sens où le conçoit G. Meyrink – tient à la reconnaissance, à l’admission de la notion de « suprasensible » (das Uebersinnliche’), point commun, selon lui, de toutes les chapelles. Le suprasensible (ou ce qu’il appelle encore « l’invisible »– die unsichtbare Welt11) se construit à travers une double contestation. Contestation du positivisme étroit :
Il existe, même si cela arrive rarement, des phénomènes qui mettent en quelque sorte cul par-dessus tête tout ce que la science prétend nous enseigner sur les lois de la matière. La vie quotidienne, avec le retour des mêmes événement bien connus, a conduit la grande masse des gens à poser l’hypothèse fallacieuse et superficielle que ne serait réel que ce qui se perçoit avec les cinq sens.12
13Contestation également (Meyrink insiste, revient sans cesse sur ce point) de la vision théologique (il dit aussi « mystique ») du monde :
On confond souvent occultisme et mystique, ce qui explique que l’on se comprend rarement lorsque l’on débat de ces sujets. Croire que l’occultisme signifie la fin d’une vision du monde matérialiste serait une erreur. L’occultisme ne constitue une « méta « -physique que dans la mesure où les phénomènes qu’il étudie transgressent les limites de la connaissance que nous pouvons avoir actuellement des lois de la nature. Les « esprits », les « spectres » qui l’intéressent sont d’une nature tout aussi matérielle que le corps humain, appartiennent autant au domaine du réel que la radiologie. Ils n’ont rien à voir avec une pure essence spirituelle, une cause première et originelle...13
14Pourvu que l’on comprenne bien cette double résistance de l’occultisme, voici finalement une doctrine qui aboutit à une promotion de la personne, dotée d’une autonomie supérieure, puisqu’on lui reconnaît une dimension surhumaine, sans la réduire en esclavage des « dieux et des démons »14. L’occultisme, pour G. Meyrink, est émancipeur. « Il se nourrit de l’instinct de liberté qui est au cœur de l’homme »15.
15On aperçoit l’intérêt stratégique, pour G. Meyrink. L’occultisme, dans l’acception qu’il lui prête, est une pierre dans le jardin du « petit-bourgeois allemand », la cible favorite de ses satires grotesques. Entendons qu’il représente, à ses yeux, une pensée qui est sans doute plus importune, plus intempestive au sein de la culture allemande qu’ailleurs. Si l’Orient demeure selon lui, fondamentalement, la terre d’élection de l’occultisme, les Anglo-Saxons (parrains du spiritisme, de la théosophie moderne), même les Français (qui peuvent compter Jacolliot et Flammarion) ne sont pas mal notés. Ils ne sont pas vraiment rebelles à l’occultisme, ou le sont tout au moins à un moindre degré que les Allemands. Car c’est un trait de caractère de ceux-ci, affirme G. Meyrink, de se dérober au fond à toute philosophie émancipatrice, soit pour se réfugier dans les certitudes confortables d’un positivisme borné, soit pour se laisser tenter par la spéculation métaphysique. Fiers d’être à la fois les « inventeurs du gramophone, de la vaccination obligatoire » et « un peuple de penseurs »16.
16G. Meyrink, ici, peut se réclamer, explicitement, de Nietzsche17. On reconnaît l’esprit du collaborateur du Simplicissimus. L’occultisme est bien l’instrument d’une remise en cause des valeurs culturelles en vigueur.
3. Impostures, contrefaçons
17Le plus féru d’occultisme est également le plus vigilant, le plus critique.
18G. Meyrink est le premier à dénoncer le charlatanisme qui sévit en certaines pratiques. En particulier l’escroquerie de la majorité des « séances » spirites, auxquelles il a assisté et s’est parfois même prêté de bonne grâce : « ou les témoins sont abusés, ou, dans le meilleur des cas, ils s’abusent eux-mêmes », « pas un médium sur cent qui soit sincère »18.
19Il ne s’arrête pas à un simple conseil de défiance, de suspicion devant certaines performances publiques qui relèvent du « théâtre » occultiste. Il aperçoit dans ces doctrines – ce qui est plus grave qu’un spectacle truqué – un possible danger culturel, pour ne pas dire politique :
Le mouvement qui s’intéresse aux questions de l’occultisme est né voici environ soixante ans et n’a cessé de s’amplifier. Qui le connaît en profondeur ne peut aujourd’hui que dresser avec une certain effoi – et peut-être même un plaisir malin devant l’aveuglement des foules – le constat suivant : une épidémie spirituelle est à nos portes et peut se répandre parmi nous du jour au lendemain, au point de nous faire croire que le temps des croisades d’enfants, des camisards et des anabaptistes est revenu. Les journaux voudraient nous persuader que les siècles d’obscurantisme sont derrière nous ; ils ne soupçonnent même pas que les gens qui croient en la sorcellerie sont aujourd’hui dix fois plus nombreux qu’au Moyen Age.19
20Motif ou indice de la dérive, de la dégénérescence de l’occultisme en « épidémie spirituelle », selon G. Meyrink, « la mode théosophique », qu’il renie désormais (ces lignes sont écrites en 1907), bien qu’il y ait lui-même naguère encore sacrifié. Il estime pernicieuse la conception répandue (tout au moins entretenue) par le blavatzkysme selon laquelle l’initiation à l’invisible passe nécessairement par la médiation d’un Maître doué de facultés supérieures et exerçant une autorité absolue sur ses adeptes. « Voici que pullulent, autour de nous, mages et gourous ! »20. La soumission qu’ils réclament est tout à fait contraire à l’idéal occultiste meyrinkien de l’émancipation du sujet. « Quelle que soit l’aspiration qui anime ceux qui se sentent irrésistiblement attirés par l’occultisme : ils seront toujours insatisfaits, iront au devant de déceptions tant qu’ils chercheront auprès de tierces personnes ce qu’ils ne peuvent trouver qu’en eux-mêmes, dans le secret de leur âme »21. Il y a plus grave : ces « pseudo-prophètes qui prolifèrent comme la mauvaise herbe », vendent aux esprits naïfs leur « sagesse de bazar », loin d’être détachés de ce bas-monde, sont en réalité en quête de pouvoir. Pour leur propre compte ou au service d’autres intérêts, ils « racolent » des âmes. Et G. Meyrink de dénoncer par exemple, en 1907, certaine collusion entre le théosophisme et le nationalisme raciste :
On trouve tout dans ces ouvrages théosophiques qui nous tombent du ciel : où se trouvent les mondes engloutis comme l’Atlantide ou Lemure, de combien de principes spirituels l’homme se compose... ; ils répandent également la bonne Nouvelle selon laquelle s’est enfin rassemblée en Allemagne, sous l’obédience de quelques adeptes blonds aux yeux bleus, une cohorte de pratriotes-théosophes réformés..22
21Gustav Meyrink a vécu l’ascension de l’hitlérisme. C’est dans ces années, précisément, qu’il multiplie les mises au point, les mises en garde contre les hérésies, les perversions de l’occultisme : Charlatanerie mystique (Hochstapler der Mystik, 1927), Chasse aux démons au Tibet (Dämonenfang in Tibet, 1932). Imposture occultiste et imposture politique se rejoignent, dans la descrtiption : « Quelqu’un se présente, qui affirme avec arrogance : je suis votre “Führer” et ceux qui s’en remettront à moi seront exaucés »... L’ultime leçon de G. Meyrink tient en cet avertissement : « Gardez-vous des prétendus “Führer” »23 !
22Lorsque, quelques mois après sa mort, les sbires du national-socialisme vouent l’œuvre de G. Meyrink aux gémonies, ils savent ce qu’ils font. L’occultisme qu’il professe, à la différence peut-être d’autres discours « irrationnels », est irrévocablement rebelle à leur récupération idéologique.
4. L’épreuve de l’Histoire
23Comment l’occultisme meyrinkien se comporte-t-il face au siècle ? Concrètement : comment ses convictions résistent-elles aux soubresauts de l’Histoire, en particulier, pour toute cette génération, le traumatisme de la Grande Guerre ?
24Cet événement est la pierre de touche de sa vision du monde : il la parachève au risque de l’ébranler, la conforte au risque de la ruiner, in extremis. De là sa « fécondité », dans la création de l’écrivain.
25« J’avais l’impression que la catastrophe était due à l’influence occulte de forces hostiles qui se jouaient des hommes comme de marionnettes... »24 : tel est le sentiment profond de G. Meyrink. Autrement dit : voici un phénomène qui, par sa démesure, échappe à toute rationalisation, ne relève plus des lois de la causalité mais obéit à une autre logique, dite « interne » ou « occulte »25, et qui par conséquent vient apporter en quelque sorte la preuve irréfutable de l’existence, de l’efficacité, de « l’invisible », postulat de toute la doctrine meyrinkienne.
26Chaque volet de la trilogie romanesque qui a fait la célébrité de G. Meyrink – Le Golem (1915), Le Visage vert (1916), La Nuit de Walpurgis (1917) – est une mise en scène de cette « impression » devant l’événement. Trois romans de fatalités (une suite de coïncidences apparemment inexpliquées, mais qui manifeste pour qui sait la deviner une finalité profonde, d’un autre ordre que les lois de la causalité), en l’occurence, chaque fois, la vérification d’une légende. Et chaque légende, au cur de chaque roman, est une légende sur le thème de l’irruption de la violence dans la société. Telle qu’elle est exploitée dans la narration, la légende reçoit ainsi une fonction mythique : elle livre une explication du monde fondamentalement a-historique, reposant sur l’abolition du temps chronologique, la négation du devenir, faisant des actes humains la répétition d’un modèle antérieur immuable. La « mythification » de l’Histoire est chez Meyrink la traduction de sa lecture occultiste de la Grande Guerre. Il y a naturellement des nuances, selon la légende qui est convoquée.
27Le Golem, dit-on, c’est « cette créature au visage glabre, jaunâtre, de type mongol, [...] drapée dans des vêtements démodés et passés de ton », qui, tous les trente-trois ans, surgit dans les ruelles du ghetto pragois et sème « un vent de panique » en menaçant de tout détruire sur son passage, puis s’évanouit brusquement, en disparaissant dans « une très vieille maison » de la Altschulgasse, sans qu’on puisse suivre sa trace. Traduisons, sur le sujet violence et culture : l’irruption de la fureur destructrice, au sein de la société, est un phénomène cyclique – un Éternel Retour –, qui correspond à l’émergence soudaine d’un élément apparemment étranger (autre race, autre temps), mais qui n’est en réalité que ce que cette société cache en son sein sans pouvoir en percer le secret (la maison interdite), ce qu’elle tente de « refouler ». Cette émergence de la fureur destructrice est peut-être liée à une lointaine faute, le péché d’orgueil de ce rabbin qui, au XVIIe siècle, joua au démiurge en animant, grâce à des formules magiques de la Kabbale, une figurine de terre glaise « afin qu’elle lui servît de domestique ». Quoi qu’il en soit – le roman a été écrit alors que la guerre menaçait, publié alors qu’elle venait seulement d’éclater – la fureur destructrice est encore, ici, relativement inoffensive. C’est un phénomène à la fois limité (circonscrit à la société du ghetto) et passager. Il joue même, à la limite, la fonction d’une nécessaire « catharsis » ; « comme par les journées de chaleur torride, l’électricité qui s’accumule dans l’air finit par engendrer l’éclair », l’apparition du Golem est comme le résultat d’une « explosion spirituelle » qui se produit dans « l’atmosphère empoisonnée et confinée » du ghetto26. Nous sommes en 1914-15 : on peut encore effectivement penser (ou espérer) que le fléau meurtrier n’est en vérité qu’un fantôme « à la démarche hésitante »27 qui se volatilise aussi inopinément, aussi furtivement qu’il apparaît.
28La légende requise par Le Visage vert pour dire la violence dans l’Histoire raconte, elle aussi, la fatalité d’une apparition fantomatique. Mais sa signification est différente de celle du Golem. L’apparition du Visage Vert signe une Fin du Monde, une Apocalypse : son heure est celle « où un déluge spirituel emportera tout ce que la main de l’homme a jamais érigé, balaiera les dernières assises de l’humanité »28. La destruction promise ici n’est plus limitée à un milieu particulier, enclavé, mais prend une dimension cosmique. Ce n’est plus, également, un Éternel Retour, mais un cataclysme unique – trait distinctif, selon M. Éliade29 de l’eschatologie judéo-chrétienne. Il est cependant remarquable que cette Apocalypse n’est pas liée à un quelconque péché des hommes qui aurait appelé un châtiment divin, mais seulement le résultat d’une irréversible décrépitude culturelle.
29La Nuit de Walpurgis, pour expliquer le déchaînement, la propagation de la « folie meurtrière », convoque la figure légendaire de Jan Ziska, le chef hussite : « La Bohême est le foyer de toutes les guerres. Elle l’a été encore cette fois-ci et elle le sera toujours... C’est Jan Ziska, notre chef Jan Ziska... Sais-tu pourquoi il y a tant de sangsues dans la Moldau ? Depuis sa source jusqu’à l’Elbe, on ne peut retourner une pierre sur les rives sans découvrir d’innombrables petites sangsues. C’est qu’autrefois le fleuve n’était que sang. Et elles attendent, parce qu’elles savent qu’un jour elles auront de nouveau leur pâture... »30. On retrouve, comme dans Le Golem, la loi d’un Éternel Retour. Avec cette différence qu’il ne s’agit plus simplement d’un fantôme de la destruction, à la démarche hésitante, et que la « folie » n’est plus circonscrite, mais s’étale hors de Prague et de la Bohême. Cet Éternel Retour, en outre, n’est ni le prix d’une lointaine faute, ni le résultat d’une décrépitude culturelle, mais seulement l’effet d’une violence gratuite, une endémique « soif de sang ». Il ne prépare aucune catharsis, n’installe pas même un répit : les sangsues de la Moldau réclament inlassablement leur pâture.
30D’un livre à l’autre, la vision du monde de G. Meyrink s’assombrit, à mesure que la guerre s’intensifie, s’éternise. Quelle que soit la légende requise, toutes procèdent néanmoins du même geste : il s’agit pour G. Meyrink d’interpréter l’Histoire en fonction de ses convictions occultistes. Il y a cependant un écueil, dans cette entreprise de mythification de l’Histoire : dans chaque scénario, l’individu est réduit au rang d’involontaire instrument, de « marionnette » d’une fatalité. Comment concilier cette humilité avec l’ambition meyrinkienne d’un occultisme émancipateur ?
31Justement, G. Meyrink s’efforce de démontrer qu’il n’y a pas là contradiction, mais au contraire congruence :
On entend souvent exprimer l’opinion selon laquelle la guerre, avec son cortège de misère et de destruction, aurait eu pour effet de voir l’humanité se tourner à nouveau vers l’occultisme, pour rechercher consolation et secours dans un domaine qu’elle a longtemps négligé et traité avec mépris. Il me semble que si les deux choses arrivent l’une après l’autre, la seconde n’est pas la conséquence de la première. Toutes les deux relèvent de la même « heure »... Lorsque l’on recherche ce qui est à la racine de toute forme d’occultisme, l’on arrive toujours à la même conclusion, à savoir que tout ceci est le produit de l’instinct de liberté qui est au cœur de l’homme.31
32La situation historique, loin d’éteindre ou même d’émousser la pertinence des interrogations de l’occultisme, ne fait au contraire que l’aiguiser. Elle rend en effet plus que jamais urgente la revendication de la liberté spirituelle de l’individu. Si l’Histoire est régie par des fatalités – fatalités de la violence –, et si personne, par définition, ne peut y échapper, il appartient encore à l’individu de tenter de sauver son identité, comme l’enseigne l’occultisme authentique. Dans sa présentation de la collection « Romane und Bücher der Magie » G. Meyrink conduit un raisonnement analogue, pour convaincre que l’Allemagne, précisément dans ces années difficiles qui suivent la défaite (nous sommes en 1921), aurait encore besoin d’écouter la leçon de l’occultisme :
Nos doctes maîtres d’école s’abritent derrière le souci du bien public. « Nous autres Allemands, s’exclament-ils, n’avons pas le droit, aujourd’hui encore moins qu’hier, de quitter la plancher de la réalité ». Tout doux, mes beaux messieurs ! Regardez donc les Américains ou les Anglais : direz-vous qu’ils ont perdu le sens de la réalité ?32
33Pas plus qu’une fuite devant la réalité (offrant compensation ou consolation), l’occultisme n’est un « oubli » de celle-ci. C’est pour G. Meyrink, profondément, une doctrine d’actualité, c’est-à-dire qui répond aux exigences du temps.
34Telles sont, globalement, les données de l’occultisme meyrinkien. Regardons maintenant du côté des retombées littéraires de ce choix doctrinal.
4. Sermon, fiction
35Commençons par le plus évident. Il y a dans les romans de G. Meyrink (qui constituent la seconde « période » de sa création, inaugurée par la publication du Golem, en 1915) un discours occultiste affiché, désigné en tant que tel dans la narration, c’est-à-dire porté par une instance qui a pour fonction de discourir.
36À chaque fois, le discours qui est tenu semble ressortir à une origine idéologique singulière : la Kabbale pour Le Golem, le yoga pour Le Visage vert, le védisme pour La Nuit de Walpurgis, le taoïsme pour Le Dominicain blanc... C’est le poids de ces références qui a en quelque sorte autorisé les adeptes (de toute obédience) à s’emparer de ces textes, au point d’affirmer que G. Meyrink n’avait jamais utilisé la forme romanesque que comme prétexte, enveloppe ou manteau pour habiller le message d’une sagesse.
37Nous ne nous hasarderons pas à vérifier l’authenticité, décider de l’originalité de cette « sagesse ». Notons seulement que si d’aucuns multiplient ici les louanges – qui découvrent chez G. Meyrink « une doctrine du salut qui ne trouve guère son pareil, au sein de la culture allemande, que dans l’œuvre du grand Paracelse »33 ou encore l’érigent en « philosophe allemand dont l’œuvre s’élève aux sommets de l’intuition mystique »34 –, d’autres sont plus sceptiques. Ainsi G. Scholem qui, à propos de la présentation de la kabbale dans Le Golem, souligne le caractère tout à fait approximatif et superficiel des références doctrinales de l’auteur35. Ou encore H. Juin, qui estime que « ces mille choses empruntées... sont des défroques..., des masques dont s’affuble Meyrink : miroirs aux alouettes pour les naïfs du jour, et qui sont, un peu, à Meyrink, ce que les appâts scientifiques étaient pour Jules Verne : des prétextes »36.
38Comment dire, à propos des romans de G. Meyrink, ce qui, de la fiction ou du discours occultiste, sert de « prétexte » à l’autre ? Avant d’installer la prépondérance de l’un ou de l’autre, regardons le jeu qu’ils jouent.
39Le discours occultiste est prêté, dans le récit, à un personnage dont est reconnue (et signifiée) l’incontestable autorité spirituelle. L’archiviste Hillel dans Le Golem, le vieux juif érudit Sephardi dans Le Visage vert, l’acteur illuminé Zrcadlo dans La Nuit de Walpurgis, le baron von Jöcher dans Le Dominicain blanc, John Dee en personne dans L’Ange à la fenêtre d’Occident (Der Engel vom west lichen Fernster). Ils usent de la même rhétorique magistrale : solennité et obscurité calculée d’une pédagogie ésotérique. Sous des vocabulaires différents, avec des images et des symboles qui leur appartiennent, ils disent tous, finalement, la même chose. Ils prêchent ce qu’ils appellent « l’Éveil » du moi, la patiente conquête du salut, de l’immortalité, par la connaissance de soi-même couronnée par les « noces magiques » d’un amour idéal, la perfection du mysterium conjunctionis, inscrite dans la nostalgie de l’androgyne, de l’hermaphrodite, du Baphomet... Au fond, les mages meyrinkiens rappellent que la vie est un roman d’apprentissage.
40Quoi qu’il en soit, leur sermon est un élément dans la fiction, de la fiction. Ce n’est pas la raison du narrateur, mais un épisode, parmi d’autres. Une exhortation qu’entend le héros. Sans doute celui-ci est-il toujours un héros « positif » : après faux pas, embûches et mécomptes, il finit par suivre la voie qui lui est tracée. Chaque roman célèbre, en son dénouement, l’union du « couple alchimique » : Pernath-Mirjam (Le Golem), Hauberrisser-Eva (Le Visage vert), Flugbeil-Liesel (La Nuit de Walpurgis), Taubenschlag-Ophélie (Le Dominicain blanc), John Dee-Jane (L’Ange à la fenêtre d’Occident). Mais ce n’est qu’à lui-même que le héros doit son « couronnement », sa « renaissance spirituelle » : « ta vie suit une voie, mais une voie que tu as librement choisie, même si tu ne le sais pas : l’appel vient de toi-même »37. La parole du mage est à la fois vraie et vaine.
41Il est abusif de réduire les romans de G. Meyrink aux sentences qu’ils véhiculent ; mais il est peut-être également désinvolte de ne voir là que des « défroques ». Il serait plus juste de considérer ces récits comme une « mise en abyme » du discours occultiste. Ce jeu de références est, en tout état de cause, l’aspect le plus tapageur des retombées littéraires de la « religion » de G. Meyrink. Ce n’est peut-être pas le plus déterminant, le plus intéressant.
5. « Vis imaginativa »
42Plus que des citations, des pans de doctrine, il nous semble que G. Meyrink retire de sa fréquentation assidue de l’occultisme – ce qui est plus fondamental pour son écriture – certain statut de l’imagination, de l’activité imaginaire, qui entre dans une poétique du fantastique.
43Nous avons vu la méfiance de G. Meyrink envers le spiritisme, en tant que pratique et philosophie de l’invisible. Il y trouve cependant un bénéfice, qui vient confirmer l’idée qu’il se fait de l’occultisme en général : les expériences de William Crookes reposant sur la conjoncture du spiritisme et de la photographie38. Elles apportent en effet la preuve que les productions, les projections de l’esprit peuvent être saisies (puisque fixées sur la plaque) comme un phénomène objectif, tangible. Qui veut bien tirer toutes les conséquences de ces expériences ne peut manquer de s’interroger : où passe la limite entre ce qui est dit « réel » et le « non-réel » ?
Au cours des nombreuses années que j’ai passées à étudier les phénomènes occultes, et pas seulement ceux relevant du spiritisme, je me suis forgé une théorie dont je ne prétends en aucun cas affirmer qu’elle est nécessairement exacte du point de vue philosophico-scientifique, mais qui me permet de trouver une logique dans tout ce que j’ai vécu et étudié en ce domaine. Je n’en donnerai que le point le plus saillant, que l’on peut résumer dans cette simple phrase : il n’y a pas de réalité objective, il n’y a jamais qu’une réalité subjective... Aussi irréelle que peut apparaître – au sens de réalité objective – la vie après la mort, aussi peu réel est également tout ce qui nous semble appartenir à la vie terrestre. L’une relève autant de l’hallucination que l’autre.39
44L’objectivité phénoménale de certaines productions spirituelles démontre, par ricochet, l’inconsistance de ce que l’on tient pour la réalité ordinaire. Esprit, matière : lequel est l’illusion, lequel est la réalité, par rapport à l’autre ? Il y a un point, un moment où la frontière s’efface, où les contraires s’échangent, où nous ne savons plus si l’image dans le miroir est le reflet de notre monde ou si c’est nous-mêmes qui ne sommes que le reflet de ce que nous voyons dans le miroir. Vertige décrit dans Effets de miroir (Spiegelbilder) :
On songe trop peu souvent combien il est étrange qu’à une main droite que l’on présente devant un miroir, réponde immédiatement une main gauche ! Lorsque vous vous regardez tout entier dans un miroir, vous n’êtes jamais tout à fait celui que vous voyez, mais davantage un fantôme qui vous est plus étranger que toute autre chose sur cette terre... Il est angoissant d’accepter l’idée selon laquelle notre monde terrestre ne serait en définitive rien d’autre que la projection satanique d’une réalité dont nous ignorons tout !40
45Pour désigner ce point, à la fois précieux et inquiétant41, où basculent le réel et le non-réel – évanescence de l’un, présence de l’autre –, G. Meyrink emploie encore la métaphore du « seuil » (Die Schwelle). Et de rappeler, incidemment (?), que le nom de Prague se dit en tchèque Praha, qui signifie, littéralement, le seuil et « qu’aucune autre ville ne porte mieux ce nom... tant il est vrai que le seuil entre l’ici-bas et l’au-delà semble ici plus étroit qu’en tout autre lieu »42.
46De fait, les récits meyrinkiens sont construits comme une mise en scène de l’expérience du vertige du miroir ou du « passage du seuil »– on peut d’ailleurs remarquer que les héros des romans, souvent, passent des ponts, s’y arrêtent pour méditer, tel Pernath qui, dans Le Golem, sur le « Steineme Brücke » qui enjambe la Moldau, contemple « les flots bouillonnants » et prend conscience « qu’il n’est chez lui sur aucune des deux rives ». Une structure narrative exemplaire est celle de L’Ange à la fenêtre d’Occident. Structure à deux étages, faite de renvois entre « histoire » et « discours » : nous lisons les écrits autobiographiques de John Dee en même temps que le narrateur qui les reçoit en héritage. Se dessine tout un réseau de coïncidences entre les deux niveaux narratifs, le passé et le présent, la légende et le réel. Chaque personnage intervenant dans la vie de John Dee trouve un correspondant, un « parent » dans la vie du narrateur (Jane-Johanna, Gardener-Gärtner, Mascee-Lipotin, etc.). Celui-ci, bientôt, en décryptant, recopiant les écrits de son lointain aïeul (cf. le travail sur le manuscrit légué qui échoit à Pernath dans Le Golem, à Hauberrisser dans Le Visage verf), est entraîné dans le vertige de l’identité : il ne sait plus quand il est lui-même ou un autre, s’il est encore vivant ou déjà mort, si les images ne sont que de « très lointains souvenirs », « si l’instant présent n’est pas autre chose que la somme des instants passés, dans un moment de lucidité », si chacun n’est pas à soi-même à la fois son propre ancêtre et son propre héritier.
47Par le biais de la réflexion sur l’occultisme, G. Meyrink rejoint ainsi l’essentiel de l’esthétique de la littérature fantastique décadente – celle d’un Villiers de l’Isle-Adam, par exemple – qui utilise les lois du genre (admettons que le fantastique soit « cette fraction de la littérature dont le propre est de jouer sur les limites du vérifiable et de l’invérifiable, du possible et de l’impossible »43) dans l’esprit particulier de « faire triompher la vision idéaliste du monde sur toute la ligne », d’affirmer la suprématie, l’omnipotence de l’esprit sur la matière.
48Cela dit, la leçon poétique que G. Meyrink tire de l’occultisme est fragile, comme il le concède volontiers, rigoureusement « personnelle » et sans caution « philosophico-scientifique ». Aussi remet-il toujours l’ouvrage sur le métier, pour la défendre face à des idéologies totalitaires, globalisantes qui la menacent, comme la psychanalyse.
49Dans Zaba44, le narrateur raconte comment, lors d’une promenade dans les environs de Prague, il s’arrêta naguère quelques instants au lieu-dit « le rocher de Prokop », du nom d’un saint venu d’Asie qui, selon la légende, aurait vécu à cet endroit il y a plusieurs siècles. À peine s’était-il étendu sur la mousse pour prendre quelque repos que lui apparut la vision d’un cloître tibétain perché au sommet d’une montagne. Il fixa cette image sur le papier et soumit son dessin à un médecin psychanalyste : « Tout cela est fort clair, mais je n’ai malheureusement pas le temps de vous l’expliquer en détail ; votre vision est le reflet de certains souvenirs d’enfance d’origine sexuelle, comme le prouve manifestement l’image des anges qui volent en direction du cloître, avec leurs croix, trompettes et calices... » Le narrateur : « Je ne vois pas le rapport. J’ai une meilleure explication. Serait-il absurde d’admettre que ce saint Prokop, au cours de son séjour en cet endroit, s’est souvenu avec nostalgie de son Tibet natal et que cette pensée s’est imprégnée dans l’atmosphère du lieu ? »
50Sans doute la théorie psychanalytique de l’imaginaire est-elle ici caricaturée. Mais l’hypothèse occultiste (de la force, de la « réalité » des pensées), à vrai dire, ne vient pas la contester sur le fond. Elle procède, simplement, d’un autre choix. C’est le parti pris de l’artiste, qui est, scientifiquement, peut-être tout aussi gratuit que celui du médecin... Le discours psychanalytique, à côté de la fable occultiste, n’est pas faux – il est trivial.
51G. Meyrink fit un jour un aveu aux allures de provocation (certes à la troisième personne !) :
Position par rapport à la littérature : aucune. Les textes qu’il écrit n’ont selon lui rien à voir avec celle-ci. Ils relèvent de la « magie » et sont par conséquent très loin de ce que les doctes esprits de toute obédience entendent par l’art de la littérature..45
52Ce propos a naturellement convaincu, servi tout le monde : les uns, initiés et consorts, pour adopter définitivement G. Meyrink dans leur famille, les autres, gens de lettres, pour l’exclure résolument de la leur. Il est vrai que G. Meyrink, un moment, s’est plu à prendre une pose « anti-littéraire », surtout d’ailleurs lorsque ses collègues écrivains, après avoir naguère encore admiré en lui l’auteur du Cor enchanté du petit-bourgeois allemand, ont dédaigné ses œuvres « à succès », à commencer par Le Golem. Mais ils connaissent mal G. Meyrink ceux qui sont prêts à prendre chacun de ses mots au premier degré. Nous croyons pouvoir dire, au terme de cette analyse, que lorsque G. Meyrink parle d’occultisme, c’est encore (ou tout au moins également) de littérature qu’il s’agit.
Notes de bas de page
1 « Karl von Ekartshausen », in : Études Germaniques, Paris, Didier, 1972, p. 245.
2 Exemplaire de cet anathème, Eduard Frank, Gustav Meyrink – Werk und Wirkung, Büdingen-Gettenbach, Avalun-Verlag, 1957.
3 « Der Lotse », repris dans le volume Das Haus zur letzten Latern, op. cit., p. 289-291.
4 Ibid., p. 289.
5 « Das Zauberdiagramm » (1928), repris dans Das Haus zur letzten Latern, op. cit, p. 264.
6 Der Lotse, op. cit.
7 Paul Leppin, « Der Okkultist Gustav Meyrink », op. cit.
8 Cf. « Wie ich in Prag Gold machen wollte », repris dans Das Haus zur letzten Latern, op. cit.
9 Stuttgart, Julius Hoffmann, 1909, p. 6-7.
10 Wien, Rokola Verlag, 1923, p. 5 (préface du roman de Franz Spunda, Der gelbe und der weisse Papst).
11 G. Meyrink, « An der Grenze des Jenseits », repris dans Das Haus zur letzten Latern, op. cit., p. 379.
12 Ibid, p. 372.
13 Ibid, p. 378.
14 Ibid.
15 Ibid.
16 « Fakire », repris dans Dos Haus zur letzten Latern, op. cit., p. 218.
17 Ibid, et « An der Grenze des Jenseits », op. cit., p. 378.
18 « An der Grenze des Jenseits », op. cil., p. 376.
19 « Fakire », op. cit., p. 230.
20 « Fakirpfade », repris dans Das Haus zur letzten Latern op. cit., p. 234.
21 « Hochstapler der Mystik », repris das Das Haus zur lezten Latern, op. cit., p. 364.
22 « Fakirpfade », op. cit., p. 232-233.
23 « Hochstapler der Mystik », op. cit., p. 365.
24 Fledermâuse, op. cit., p. 222.
25 « Ich gübelte darüber nach, was wohl die innere Ursache des scheusslichen Weltkrieges gewesen sein müsste... Ich setzte mich also hin und verfasste die Novelle Das Grillenspiel in der ich die okkulte Ursache des Krieges schilderte », « Meine merkwürdigste Vision », d’après Das Haus zur letzten Latern, op. cit, p. 282.
26 Cité d’après la réédition, Zürich, Rascher Verlag, 1946, p. 44-45.
27 Ibid.
28 Op. cit., p. 78.
29 Aspect du mythe, op. cit.
30 Leipzig, Kurt Wolff Verlag, 1917, p. 57-58.
31 « An der Grenze des Jenseits », op. cit., p. 374.
32 Op. cit., p. 5.
33 Herbert Fritsche, « In memoriam Gustav Meyrink », in Zeitschrift für metaphysische Forschung, Berlin 1933.
34 L. Pauwels et J. Bergier, Le Matin des Magiciens, op. cit.
35 Cf. G. Scholem, Zur Kabbala und ihrer Symbolik, Frankfurt a. Main, Suhrkamp, 1973, p. 209.
36 « Les perversités de Gustav Meyrink », in Le Magazine littéraire n° 98, mars 1975.
37 Der Golem, op. cit, p. 77.
38 Voir sur cette question, M. Milner, La Fantasmagorie : Essai sur l’optique fantastique, op. cit., p. 153-154.
39 « An der Grenze des Jenseits », op. cit., p. 292-293.
40 Texte de 1928, repris dans Das Haus zur letzten Latern (op. cit., p. 207) et traduit dans Histoires fantastiques pragoises, op. cit.
41 Ce second caractère est une condition du fantastique. Voir M. Milner : « le fantastique se nourrit du désir de franchir les limites qui circonscrivent l’existence humaine, conjugué avec l’angoisse de pénétrer dans un univers où le jeu des pulsions ne rencontre pas les mêmes entraves et les mêmes régulations que dans la vie réelle » (La Fantasmagorie, op. cit., p. 193. C’est nous qui soulignons).
42 « Die geheimnisvolle Stadt », texte de 1929, repris dans Das Haus zur letzten Latern, op. cit., p. 162, traduit dans Histoires fantastiques pragoises, op. cit.
43 M. Milner, La fantasmagorie, op. cit., p. 213.
44 Texte de 1930, repris dans Das Haus zur letzten Latern, op. cit., traduit dans Histoires fantastiques pragoises, op. cit.
45 « Selbstbeschreibung des Autors Gustav Meyrink, op. cit., p. 25.
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