« Poison poison ! » Infection de l’esprit et guérison par le rêve dans Le Conte d’hiver et Cymbeline de Shakespeare
p. 220-233
Texte intégral
1Les deux pièces choisies pour parler du problème du poison et de l’antidote, Cymbeline et Le Conte d’hiver, se ressemblent beaucoup. Outre deux tentatives d’empoisonnement qui échouent, Shakespeare met en scène un dieu (païen) qui, soit directement, soit indirectement, promet de tout remettre en ordre. Dans les deux pièces figurent également les aventures suivantes : les héritiers du roi font leur réapparition à la fin de la pièce, après presque deux décennies d’absence, alors qu’on les croyait disparus depuis leur naissance ; des personnages exilés quittent la cour d’un pays anglo-saxon pour se rendre dans un pays méditerranéen, ou vice-versa ; malgré des péripéties dignes d’une sanglante tragédie dans les premiers actes, tout se termine bien avec les toutes dernières scènes, comme par miracle. Contrairement à d’autres pièces où le poison figure en bonne place, Cymbeline et Le Conte d’hiver ne sont pas des tragédies comme Hamlet, mais des « romances », où l’action du poison est contrecarrée par l’« inspiration », un antidote d’un genre particulier.
2J’aimerais montrer que l’on passe d’une cour infectée, qui menace de propager son poison à tous ceux qui y demeurent, à un monde pastoral où l’on respire, au sens propre, comme au sens figuré. J’analyserai donc le contraste entre la progression d’une infection physique et mentale qui affecte la cour, dont l’empoisonnement est un point culminant, et la révélation d’un « antidote » venant de la campagne où l’on peut inspirer l’air frais, mais aussi être inspiré par les dieux et par le rêve. Pour lutter contre les effets du « dram » de poison, c’est-à-dire une petite dose de substance mortifère, il faut un « dream » ou rêve thérapeutique, « un souffle d’air tendre » (« a piece oƒ tender air »).
« Une infection de mon cerveau »
3Le Conte d’hiver, plus encore que Cymbeline, semble divisé en deux parties antithétiques. La première est plutôt angoissée, sombre, aux relents tragiques. Le Conte d’hiver met en scène la jalousie destructrice du roi de Sicile, Léonte, qui cherche à se débarrasser de son ami d’enfance, Polixène, roi de Bohême, qu’il soupçonne de l’avoir trompé avec son épouse, Hermione, qui accouche de Perdita, que Léonte croit être le fruit des amours adultères de Polixène et d’Hermione. On assiste, dans les premiers actes, à une tentative d’empoisonnement et à deux morts : Camillo, l’homme de confiance de Léonte, doit empoisonner Polixène, mais refusant d’obéir au souverain, il préférera s’exiler auprès de Polixène à qui il conseille la fuite ; le fils du roi, Mamillius, et la reine, Hermione, meurent coup sur coup, peu après que le roi ait refusé d’accepter l’oracle d’Apollon qui exonérait tous les personnages des torts que Léonte leur attribuait. Quant à Perdita, le nourrisson est abandonné à son sort au milieu des bois par Antigonus, qui suivait en cela les ordres du roi. Antigonus ne reviendra pas de cette honteuse mission : il sera dévoré par un ours.
4Après un hiatus de seize ans, la seconde partie du Conte d’hiver verse plutôt dans le comique avec l’irruption d’un personnage inventé de toutes pièces par Shakespeare, Autolycus1. Cette figure du gueux (« rogue ») gravitera autour du monde pastoral où l’on retrouve Perdita, devenue une belle jeune femme que des bergers ont recueillie et élevée comme leur fille, que courtise Florizel, le fils de Polixène. Il est inutile, pour le moment, de détailler les péripéties qui suivent. L’important, c’est que, malgré un commencement qui n’augurait rien de bon, la pièce se termine bien, quoique de façon peu vraisemblable : Léonte retrouve Perdita, la mésalliance présumée de Florizel s’avère être une alliance parfaitement politique entre les héritiers de deux royaumes, et même Hermione, que l’on croyait morte, refait son apparition. L’oracle d’Apollon se réalise.
5Cymbeline procède suivant un schéma et des procédés comparables ; j’y reviendrai. J’aimerais insister ici sur le fait que les deux pièces se situent d’abord dans le monde de la cour, un monde malade (« diseased »), pestilentiel : la cour est infectée et infecte à son tour tous ceux qui s’y trouvent. L’infection part du sommet et atteint progressivement la périphérie du pouvoir, illustrant le dicton, que rapporte Randle Cotgrave, selon lequel : « Le poisson commence à sentir tousiours par la teste »2. La « teste » infectée, c’est celle de Léonte qui, dès son apparition sur scène, dit qu’il a vu quelque chose « qui a pour effet d’infecter [son] cerveau » (il parle de « infection of my brains », I, 2, 145)3 ce qui, on l’a vu, entraînera la destruction autour de lui, en un mouvement centrifuge, affectant son héritier, sa femme, ses amis, ses conseillers et, in fine, le pays tout entier. Cette infection de l’esprit, c’est aussi celle que décrit Francis Bacon lorsqu’il parle du soupçon, dans un essai posthume, publié en 1625. Pour illustrer son propos, Bacon ne parle pas de poissons pourris, mais de chauves-souris :
Les soupçons sont parmi les pensées comme les chauve-souris parmi les oiseaux ; ils volent toujours dans le demi-jour. [...] Ils offusquent l’esprit ; ils détachent de nous nos amis, et ils traversent les affaires, les empêchant d’aller leur train droit et continu. Ils portent les rois à la tyrannie, les maris à la jalousie, les sages à l’indécision et la mélancolie. Ce sont des faiblesses non du cœur, mais du cerveau.4
6Léonte, jaloux, nous dit que l’« infection de son cerveau » a été provoquée par sa femme, dont la vie est infectée, « infected » (305). Il ajoute : « Nul remède à cela. [...] Des milliers d’entre nous / Ont ce mal et l’ignorent »5. À en croire le roi, tout le monde est infecté, sans le savoir. La tortueuse syntaxe de Léonte dans les premières scènes du Conte d’hiver, que de nombreux éditeurs ont cherché à gloser pour expliciter un raisonnement souvent elliptique et qui avance, pour ainsi dire, « dans le demi-jour », est à l’image du type d’infection qu’il décrit et qui procède à l’abri du regard : dans l’esprit, « the brains ».
7Comme toute infection, cette maladie est contagieuse. Ainsi, le discours de l’interlocuteur du roi, Camillo, qui qualifie les soupçons de Léonte d’« idées malsaines », « diseas ’d opinion » (297), est infecté à son tour et commence à parler, lui aussi, d’« infection ». Lorsqu’il demande au roi : « Mais qui peut la pourrir » (« Who does infect her ? », 306), le roi le sait dorénavant infecté. On peut alors procéder à l’étape suivante : l’empoisonnement proprement dit.
8Le soupçon est, en effet, le premier degré d’une infection, et le poison, son degré ultime. Ce rapport de degré entre infection et poison est attesté à cette époque : ainsi, dans son dictionnaire anglo-italien, John Florio traduisit le mot veléno (sic) d’abord par « poyson », puis par « infection », suivant une gradation qui va du venin le plus puissant au moins nocif6. Entre infection et poison, tout est question de degré. Paracelse n’en disait pas moins en affirmant déjà : « tout est poison, rien n’est sans poison ; seul la dose fait le poison »7. Les poisons peuvent être plus ou moins expéditifs : l’empoisonnement peut mener à la mort soudaine, ou à une affection mortelle, mais non fatale, qui emporte sa victime progressivement. Dans Cymbeline, la reine espère user des deux types de poisons, méritant ainsi le qualificatif de « diabolique » que plusieurs personnages s’accordent à lui attribuer. Elle destine le poison violent à sa belle-fille, Imogen, et le poison sournois à son mari, Cymbeline. Cornelius, le médecin, décrit ainsi le poison lent :
Elle a avoué qu’elle vous préparait un poison minéral qui, une fois pris, devait, minute par minute, ronger votre vie, et, fibre à fibre, vous consumer de langueur (Cym, V, 5, 49-52).8
9Quant au poison violent que la reine compte utiliser, on sait d’entrée que ce n’est rien d’autre qu’un puissant somnifère pour la victime, et un placebo pour la commanditaire. Le médecin refuse, comme Camillo dans Le Conte d’hiver, d’obéir aux ordres de la reine, mais, contrairement à Camillo, Cornelius préfère faire semblant d’obéir à la reine, pour mieux contrôler la situation. Il décrit ainsi l’effet de sa concoction :
Elle croit tenir de merveilleux poisons lents [...] celles que je lui ai remis peuvent stupéfier et amortir momentanément les sens. Sans doute elle les éprouvera, d’abord, sur des chiens et sur des chats, puis, plus tard, sur des espèces plus hautes. Mais il n’y a dans la mort apparente qu’elles causent, d’autre danger qu’une léthargie passagère des esprits (Cym, I, 6, 33-41).9
10Un type de poison mène nécessairement à la mort et à la tragédie, comme dans Hamlet, l’autre type permet d’éviter, ou de retarder une issue fatale. Comme nous le verrons, le poison lent est une stratégie dilatoire qui permet au dramaturge de transformer le poison, ce concentré d’infection et de soupçons, en antidote. Cette stratégie dilatoire passe d’abord par un processus d’éloignement et de déplacement physique de l’objet visé par l’empoisonneur.
« Par qui a-t-elle été infectée ? »
11Avant d’aller plus avant, revenons un instant sur la question de Camillo : « Who does infect her ? » Par qui la reine a-t-elle été infectée ? Cette question, qui indique déjà qu’on ne remet pas en doute l’existence de l’infection, exige que l’on s’interroge sur l’origine de l’infection, si l’on veut rendre compte de la chaîne causale qui mène du soupçon au poison, en passant par l’infection. En d’autres termes, il nous faut chercher à décrire l’étiologie de l’infection mortelle dont souffre la cour de Sicile.
12À en croire Bacon, les soupçons favorisent le développement de la jalousie et de la tyrannie, mais ils n’en sont pas la cause. D’après Bacon, la cause première du soupçon est l’ignorance : « Rien ne nous porte à soupçonner beaucoup comme de savoir peu »10. Soupçonner beaucoup, c’est savoir peu, ou pas assez. Au problème du degré, s’ajoute celui de la connaissance. Comme le crépuscule ou demi-jour dont parle Bacon, qui n’est ni jour, ni nuit, et qui permet de deviner des formes sans qu’on puisse réellement les distinguer sans équivoque, les soupçons dépendent d’une méconnaissance ou, plus exactement, d’une connaissance insuffisante.
13De fait, on peut arguer que ce qui rend le poison efficace d’un point de vue dramatique, c’est la connaissance qu’on en a, ou, plus exactement le soupçon d’empoisonnement11. Sans cela, l’artifice est inefficace, et l’infection est, pour ainsi dire, invisible. Au lieu de demeurer secret, ce qui est sa vocation première, pour être efficace sur scène le poison doit être montré. C’est ainsi que Léonte joue sur la dialectique entre connaissance, ignorance, et vision d’horreur, dans sa célèbre tirade sur l’araignée :
Ah ! Que n’en sais-je moins ! – Quelle malédiction
Que d’être ainsi béni ! Une araignée peut être
Dans la coupe, et l’on peut boire, et s’en aller,
Sans être empoisonné, parce que la connaissance
N’en est pas infectée ; mais qu’un autre présente
L’ingrédient abhorré, dise ce qu’on a bu,
Et l’on se rompt la gorge et la poitrine par
De violents haut-le-cœur. J’ai bu, et vu cette araignée. (WT, II, 1,38-45).12
14L’araignée, c’est la femme adultère dont le sang fait l’effet d’un venin. Léonte, on l’a vu, nous avait déjà prévenu que les hommes étaient infectés sans le savoir. La réaction de Léonte, qui crachera le venin, c’est-à-dire son épouse adultère, met en œuvre littéralement le mot araignée, « spider », qui signifie, par paronomase, « spit(e) her », c’est-à-dire à la fois : « crachez-la », mais aussi « faites-lui du mal ».
15C’est ici qu’on doit ajouter, à la cause première des soupçons, c’est-à-dire le problème épistémologique, une autre cause, d’ordre génétique ou génésiaque : l’inconstance féminine, un topos moraliste que Shakespeare n’hésite jamais à exploiter, souvent pour s’en moquer. Dans ses pièces, les hommes sont toujours prompts à accuser les femmes de tromperie, même s’ils n’hésitent pas à en user eux-mêmes. Hermione, pourtant défendue par tous les personnages sur scène, n’échappe pas à la règle : malgré sa réputation irréprochable, il n’y a guère que sa suivante, Paulina, pour oser la défendre contre le roi, les courtisans préférant se taire plutôt que de s’attirer l’ire du monarque. Hermione prend, en ce sens, le même chemin que Hero dans Beaucoup de bruit pour rien, une ressemblance soulignée par leur proximité onomastique, et redoublée par la ressemblance onomastique entre le père de l’un, Léonatus, et l’époux de l’autre, Léonte. Comme Hermione, Hero est une femme fidèle qui mourra sous le coup des calomnies. Comme Hermione, Hero renaît à la dernière scène, une fois son innocence proclamée et son amant contrit. Les hommes sont prompts à croire en l’adultère des femmes, même si celles-ci sont réputées chastes, car les femmes sont faibles de nature, et les hommes naturellement prompts à les soupçonner. Et, comme le montre Harry Berger Jr., c’est toujours de la faute des femmes : « La rapidité avec laquelle Léonato, Claudio, et le Prince affirment la culpabilité de Hero confirme ce qu’ils soupçonnaient déjà, ce qu’ils étaient prédisposés à soupçonner [...] La différence entre les hommes et les femmes [...] tient au fait que l’ont tient les femmes responsables de leurs péchés, au contraire des hommes »13.
16Le deuxième enseignement que l’on peut tirer de l’épisode de l’araignée est le rôle que joue le regard dans le processus d’empoisonnement. Dans le cas de l’araignée dont parle Léonte, le poison passe par le regard, puisque c’est parce qu’il a vu l’araignée que le buveur se rend compte qu’il est empoisonné. Ainsi, Léonte s’adresse à Camillo et cherche de cette façon à attirer son regard sur la conduite de sa femme, dont le caractère honteux ne peut manquer de lui échapper :
N’avez-vous donc pas vu, Camillo –
Mais cela est certain : vous avez vu, ou bien
Votre œil est plus opaque que corne de cocu – ou entendu
Car la rumeur, devant un fait si évident,
Ne peut se taire – ou pensé – car la cogitation
Ne se rencontre pas chez qui ne le pense pas –
Que ma femme est volage ? (WT, I, 2, 267-273).14
17Ce besoin d’une preuve oculaire, qui confirme ce qu’on soupçonnait déjà-toujours, correspond, dans les pièces de Shakespeare, à la jalousie que Bacon définit, dans son essai « De l’envie », comme « une façon de gangrène » provoquée par une « éjaculation ou irradiation de l’œil »15. La preuve de l’infidélité passe d’abord par des preuves oculaires : nous l’avons vu avec Léonte ; c’est aussi le cas de Posthumus, le mari exilé d’Imogen, dans Cymbeline. Iachimo le convainc que sa femme l’a trompé en donnant des « renseignements physiques », ou « corporal signs » (Cym, II, 4, 119), de son infidélité, signes qui ne sont en réalité que des « enseignes », ou « outwardly witnesses » (I, 2, 35), suffisamment marquants pour forcer Posthumus à « imaginer », pour ainsi dire, sa femme adultère16.
18Pisanio, qui joue le même rôle que Camillo, cherche à comprendre d’où vient l’infection qui empoisonne son maître, et reprend les mêmes questions et les mêmes termes que le conseiller de Léonte. Comme si la ressemblance lexicale n’était pas suffisante, Shakespeare choisit d’apostropher Posthumus par son nom de famille, Leonatus, comme pour insister sur les liens entre Posthumus et la lignée d’hommes jaloux que j’ai évoqué : le père de Hero dans Beaucoup de bruit pour rien, Léonatus, et Léonte, le mari de Hermione dans Le Conte d’hiver :
Et pourquoi ne pas nommer le monstre qui l’accuse ?... Léonatus, ô mon maître, quel étrange venin est donc tombé dans ton oreille ? Quel est le perfide Italien qui, crachant le poison comme il le verserait, a ainsi surpris ta trop facile crédulité ? (Cym, III, 2, 2-6).17
19Je ne reviendrai pas outre mesure sur la question de l’Envie ou de la Calomnie, traditionnellement liée à celle du poison dans les emblèmes les représentant comme des vieilles crachant du venin18. Ce qui m’intéresse ici, c’est d’étudier la progression de l’infection de l’esprit et ses effets : l’infection, en devenant poison, affecte non plus seulement l’esprit, mais le corps tout entier, politique et naturel. Comment y échapper ?
De « l’air tendre » à mulier
20Pour fuir l’infection, il n’est d’autre moyen que de quitter l’air pollué de la cour : l’éloignement est une mesure de précaution. Cymbeline prévient du danger que représente la cour en bannissant Posthumus qui, s’y attardant, devient un poison :
Cymbeline : Arrière, être infâme ! va-t’en ! hors de ma vue !
Si après cet ordre tu encombres encore ma cour de ton indignité, tu meurs !
Fuis ! Tu es un poison pour mon sang !
Posthumus : Que les dieux
Vous protègent et bénissent les gens de bien qui restent à la cour !
Je pars (Cym, I, 1, 56-61)19.
21S’attarder à la cour est une condamnation à mourir d’une mort lente, comme pour Cymbeline et sa reine, ou violente, comme pour le fils et l’épouse de Léonte. Pour survivre, il faut la quitter, comme le feront Camillo et Polixène, Imogen et Posthumus. Il semblerait que, contrairement à la tragédie (grecque), ou plutôt précisément parce que ces pièces ne sont pas des tragédies, on n’expulse pas le poison de la cité comme on expulse un pharmakós20.
22Ce besoin de se protéger de l’infection de la cour correspond également à une réalité historique : la peste, endémique à Londres à l’époque élisabéthaine, obligeait les théâtres à fermer lorsqu’on dépassait un certain nombre de morts hebdomadaires. Or, le taux de mortalité était notoirement plus élevé pendant les mois de chaleur, c’est-à-dire à un moment de l’année déjà naturellement propice à l’exode des classes aisées vers des résidences d’été, et tout indique que Le Conte d’hiver et Cymbeline, malgré leur titre, se déroulent à la belle saison. En visitant la campagne, Shakespeare offre aux spectateurs un bol d’air frais ou, pour reprendre le terme de la prophétie que Jupiter dépose auprès de Posthumus, « un souffle d’air tendre », « apiece of tender air » (Cym, N, 4, 140). J’aimerais montrer que cet air est le plus efficace antidote à l’infection qui ravage la cour.
23Cet exode urbain correspond, enfin, à une fiction littéraire : la pastorale, un genre qui prend sa source dans les idylles de Théocrite et les Bucoliques de Virgile, et qui fut immortalisé en Angleterre par The Shepheardes Calender de Spenser (1579) et VArcadia de Sydney (1590), qui dépeignent une version idéalisée de la vie de cour, où les aristocrates sont figurés sous les traits d’honnêtes bergers et bergères21. Shakespeare avait déjà exploité ce genre littéraire dans d’autres comédies comme Comme il vous plaira, non sans une pointe d’ironie. Belarius, ancien courtisan-soldat devenu « mountaineer », reprend un des topoï du genre, lorsqu’il oppose la campagne au dangereux monde de la cour, et dit à ses compagnons : « nous n’aurons pas peur du poison, qui est d’étiquette en plus haut lieu » (Cym, III, 3, 77-78)22.
24Cette fiction littéraire répond également à un imaginaire judéo-chrétien qui fait des bergers des figures christiques23, et de la campagne, un monde quasi-édenique. Dans Cymbeline et Le Conte d’hiver, ceux qu’on appelerait aujourd’hui les forces vives de la nation, c’est-à-dire les jeunes hériters aux trônes (d’Angleterre, de Sicile ou de Bohême), se retrouvent en effet dans un cadre champêtre semi-paradisiaque, un peu par hasard, souvent sans bien comprendre ce qui leur arrive et ignorant parfois leur réelle identité (une identité définie à, et par, la naissance). La campagne apparaît comme le monde de l’ignorance de soi et des autres, une ignorance qui, loin de nourrir des soupçons comme à la cour, entretient une saine innocence, celle du Jardin d’Eden d’avant la Chute, à un moment où ses habitants n’ont pas encore goûté au Fruit de l’arbre de la connaissance.
25Le désir de connaissance, suivant le récit biblique, est à l’origine de tous les maux : il est à l’origine des soupçons qu’insinua le serpent dans l’esprit d’Ève ; il « ouvre les yeux » d’Adam et Ève à des vérités qu’il aurait mieux valu ignorer (leur nudité) ; il est, enfin, une condamnation à mort pour l’humanité. La fable de l’araignée dans Le Conte d’hiver est ainsi une fable génésiaque. L’araignée, comme le serpent, transporte du venin ; Ève est au serpent tentateur ce que l’araignée est à la femme adultère ; le Fruit « ouvre les yeux » des hommes qui s’aperçoivent de leur nudité, comme l’homme à qui l’on révèle la présence de l’araignée dans son verre se rend compte qu’il est empoisonné ; enfin, comme le serpent, qualifié d’« animal le plus rusé du jardin » (Gen 3 : 1), l’araignée tisse sa toile en cercles concentriques pour attraper sa proie, c’est-à-dire qu’elle procède par des voies détournées.
26Les deux animaux rappellent ainsi le mode opératoire de l’empoisonneur : on ne désigne le poison que par association, « by Twilight », à demi-mot, de manière détournée, jamais directement. Ainsi, Léonte ne parle pas de « poison », mais demande à Camillo de « mettre des épices » dans la boisson de Polixène :
Tu pourrais épicer une coupe
Qui plongerait mon ennemi dans un somme étemel,
Et serait mon cordial (WT, I, 2, 316-318).24
27De même, la reine dans Cymbeline ne prononce jamais le mot « poison », mais préfère parler de « drogue » (Cym, I, 6, 4 ; III, 5, 58). Ce glissement lexical (paradigmatique), qui fait que l’on ne désigne pas le poison directement, mais par association, est la preuve linguistique de l’infection de la langue. Malade, la langue ne doit pas exprimer directement le désir de l’empoisonneur et dire, tout simplement : « je veux que tu empoisonnes mes ennemis ». Elle doit procéder par détours. Ainsi, lorsque Léonte demande à Hermione, non sans malveillance, « Pas un mot, notre reine ? » (« Tongue-tied our queen ? », WT, I, 2, 27), c’est un piège qui cherche à réduire la reine au silence et à l’enfermer, autrement dit : à lui lier la langue. À l’inverse, Léonte se plaint des langues « dé-liées », celles qui osent lui dire ses quatre vérités, comme celle du personnage le plus résistant à l’infection dans Le Conte d’hiver, Paulina, qu’il appelle « Une ribaude / À la langue sans frein », une « femme insolente » dont la langue amère, le poursuivra jusqu’à la fin de la pièce25. La langue de Paulina est tout le contraire de la langue de l’envie et de la calomnie26.
28Ce n’est que lorsque l’empoisonneur repenti abandonne toute velléité meurtrière qu’il peut prononcer le mot « poison » ou ses variantes. Dans ces pièces, refuser de jouer le jeu de l’empoisonneur c’est oser prononcer le mot « poison ». Le poison ainsi « délié » de la langue infectée devient alors un contre-poison. De la même façon, parler de ses soupçons permet, selon Bacon, d’en conjurer les effets néfastes et de mettre fin à la contagion, en renversant le mode de transmission qui, de secret, devient franc et ouvert :
Assurément, le meilleur moyen d’élaguer la route dans cette susdite forêt des soupçons est de les communiquer franchement à la personne soupçonnée. Car on s’assurera ainsi d’en mieux connaître l’exactitude qu’on ne faisait auparavant, et l’on rendra en outre la personne plus circonspecte à n’en plus donner d’autre cause.27
29Il reste maintenant, à l’instar du conseil prophylactique de Bacon au sujet du soupçon, de trouver l’antidote à l’infection qui ronge la cour. En permettant à son public d’accompagner les personnages hors de la cité, j’ai parlé du désir de Shakespeare de lui faire prendre, pour ainsi dire, un bol d’air frais. Ce n’est pas là une simple mesure préventive et transitoire, c’est précisément le mode de communication de la divinité, et l’antidote à l’infection de la cour : par « inspiration », la divinité choisit « de communiquer franchement », et c’est ainsi, comme le dit Léonte, « Que les dieux bienheureux / [Peuvent] purifier notre air de toute pestilence » (WT, V, 1, 168)28.
30Dans ces pièces, l’inspiration divine, c’est donc d’abord, littéralement, prendre l’air, mais prendre l’air, c’est aussi prendre femme, et pas n’importe laquelle. D’après la prophétie de Jupiter dans Cymbeline, tout s’arrangera le moment où Posthumus aura été littéralement « embrassé par un souffle d’air tendre », soit « embrac’d by apiece oƒ tender air » (Cym, V, 4, 139-140), ce que le devin interprète comme suit (il s’adresse d’abord à Cymbeline) :
« Le souffle d’air tendre » est ta vertueuse fille : pour « air tendre », nous disons mollis aer ; et de mollis aer nous faisons mulier, femme. Cette femme, je le devine, c’est la plus constante de toutes, c’est la vôtre. Tout à l’heure encore, justifiant la lettre de l’oracle, sans le savoir et sans le vouloir, elle vous étreignait de l’air le plus tendre (V, 5,447-453).29
31L’air tendre, c’est la jeune femme, mais c’est aussi, comme le rappelle l’autre oracle, celui d’Apollon, l’héritière du royaume, « heir », lorsqu’il dit : « Le roi vivra sans héritier si celui qui est perdu n’est pas retrouvé » (WT, III, 2, 133- 135)30. Comme le devin paraphrase le nom de Posthumus et dit : « Toi, Léonatus, tu es le lionceau, ainsi que la construction logique de ton nom : “Léonatus”, nous l’indique » (Cym, V, 5, 444-446)31, de même, le nom de Perdita est déterminé par sa naissance, ce que Hermione révèle à Antigonus, comme Jupiter à Posthumus, en rêve : « Et comme / On [tient le bébé] pour perdu à jamais, nomme-le, / Je te prie, Perdita » (WT, III, 3,32-34)32.
32La chaîne homonymique air / heir / mollis aer / mulier, qui rend compte des différents sens de l’inspiration divine dans ces pièces, a pour complément une autre chaîne, paronomastique celle-là. L’inspiration, ce n’est pas seulement prendre l’air et épouser l’héritière du royaume : ce sont aussi des rêves prémonitoires ou un sommeil qui sont presque du poison, mais qui répondent, en réalité, à une stratégie dilatoire « deferment » qui transforme le poison en antidote.
33Les effets du poison passent, semble-t-il, par le rêve ou le sommeil « empoisonné ». Dans Cymbeline, on assiste au sommeil d’Imogen à deux reprises. La première fois, on la voit dans sa chambre, et ce sera l’occasion pour Iachimo de l’empoisonner par la parole, par la calomnie. La seconde fois, elle se trouve à la montagne, et son sommeil de mort est provoqué par la « drogue » de la reine, dont Imogen dira qu’elle l’a « empoisonné » (« It poison ’d me », Cym, V, 5, 243), avant d’être contredite par Cornelius. Dans Le Conte d’hiver, les soupçons de Léonte lui sont communiqués dans des rêves33, des rêves qu’il prend pour la réalité, ce qui lui fait dire à Hermione :
Mes « chimères » sont vos actes
Vous avez eu de Polixène une bâtarde,
Et je l’aurais rêvé ! (III, 2, 82-84).34
34Mais, en vérité, ces rêves ou sommeils a priori mortifères sont la premiere dose de l’antidote. Dans chaque pièce on passe imperceptiblement, et par paronomase, d’une dose infime de poison au rêve, du « dram » au « dream »35, avant de retrouver la santé. Ce n’est pas un hasard si, dans le corpus shakespearien, les occurrences du mot « dram » se concentrent dans trois pièces, Cymbeline, Le Conte d’hiver et Roméo et Juliette, où des femmes meurent apparemment empoisonnées36.
35Le glissement de « dram » à « dream », de la substance empoisonnée au rêve inspiré, contrebalance le déplacement du lieu de l’infection de l’esprit à la campagne, où l’air est frais, les corps jeunes, et où l’on peut manger sans craindre l’empoisonnement. On pourrait presque y voir un retour au Paradis, si ce n’est qu’on nous prévient que tout n’est peut-être qu’un rêve. Ainsi, Posthumus se demande à son réveil : « Ceci est encore un rêve ou quelque absurdité, comme les fous en profèrent sans y réfléchir. De deux choses l’une : ou ce livre n’a pas de sens ou il est inexplicable à notre sens » (Cym, V, 4, 146-147)37, et le Chœur dans Le Conte d’hiver, « Time », nous dit que, pour croire à ce qui suit, il faut croire que nous avons dormi : « Je vais, si vous voulez, / Tourner mon sablier, tant ma pièce avancer / Que vous croirez avoir dormi » (WT, IV, 1, 16-17)38. Qui nous dit que Posthumus, ou le public, est bien réveillé ? Ces deux avertissements permettent, en tout cas, de rendre compte du caractère peu vraisemblable des révélations des dernières scènes (et de mettre en doute leur efficacité).
36Par ailleurs, le rôle providentiel des femmes n’est peut-être pas si convainquant. Est-ce un hasard si ceux que l’on veut empoisonner sont d’abord des rois qui sont des rivaux ? Ainsi la reine veut empoisonner Cymbeline, et Léonte, Polixène. En cela, nous sommes bien dans un monde déchu, où la seule manière de lutter contre la déchéance, c’est de régler sa succession et de se débarrasser de ses rivaux. Est-ce que l’exil d’Imogen et Perdita répond à un phantasme de castration des rois, qui refusent de reconnaître la légitimité des filles qui sont censées leur succéder ? Après tout, l’équilibre n’est rétabli que lorsque le roi reconnaît un fils qui pourra lui succéder : Cymbeline retrouve ses deux fils qu’il croyait morts ; Léonte trouve en Florizel, fils de Polixène et époux de Perdita, un beau-fils digne de lui succéder. Peut-être que l’interprétation de « tender air » par le devin ne devait pas désigner mulier, mais bien ce « rêve creux », ou « airy nothing », que sont les rêves et l’inspiration du poète39 ?
Notes de bas de page
1 On peut aussi arguer que la comédie prend le dessus avec l’apparition de l’ours sur scène. D’après Maurice Hunt : « Il est probable que l’ours chassant Antigonus de la scène était joué par un acteur en costume, plutôt qu’un ours domestiqué du Paris Garden avoisinant, et cet effet a peut-être semblé comique aux yeux des spectateurs » (traduction personnelle). « It is likely that the bear chasing Antigonus off the stage was a suited actor rather than a tame animal from nearby Paris Garden, and this effect may have struck spectators as especially comical », Maurice Hunt, « “Bearing hence” Shakespeare’s The Winter’s Taie », Studies in English Literature, 1500-1900, vol. 44, Spring 2004, n° 2, p. 339.
2 Randle Cotgrave, A Dictionarie of the French and English Tangues, 1re édition. London, Adam Islip, 1611.
3 William Shakespeare, The Winter’s Taie, éd. John H.P. Pafford, London / New York, Routledge, 1963, Arden Second Series, ci-après WT. Pour la traduction française : Le Conte d’hiver, traduit par Louis Lecocq in Tragicomédies II, éd. Michel Grivelet et Gilles Monsarrat, coll. Bouquins, Paris, Robert Laffont, 2002. Nous n’indiquons l’acte et la scène du texte que dans l’édition Arden.
4 Francis Bacon, Essais, éd. Maurice Castelain, Paris, Aubier, 1948, p. 171. Texte anglais : « Suspicions amongst Thoughts, are like Bats amongst Birds, they ever fly by Twilight. [...] They cloud the Minde ; they leese Frends ; and they checke with Businesse, whereby Businesse cannot goe on, currantly, and constantly. They dispose Kings to Tyranny, Husbands to Iealousie, Wise Men to Irresolution and Melancholy. They are Defects, not in the Heart, but in the Braine », Francis Bacon, A Harmony of the Essays, etc. of Francis Bacon, éd. Edward Arber, London/New York, AMS Press, [1597, 1625, 1871] 1966, English reprints, v. 7, p. 528.
5 « Physic for ’t there ’s none [...] many thousand on’s /Have the disease, and feel’t not » (WT, I, 2, 200, 206-207).
6 « Veléno, poyson, venim, infection, baine, any thing that doth alter the nature or colour that it is mixed with. Also vsedfor witchcraft or sorcerie by drinks », « Veléno, poison, venin, infection, fléau, tout ce qui altère la nature ou la couleur d’une mixture » (traduction personnnelle), in John Florio, A Worlde oƒ Wordes, Or Most copious, and exact Dictionarie in Italian and English, London, Printed by Arnold Hatfield, for Edward Blount, 1598.
7 « alle ding sind gifft und nichts ohn gifft. Allein die dosis macht das ein ding kein gift ist », Theophrastus Philippus Aureolus Bombastus von Hohenheim (Paracelse), Sieben Defensiones, Verantwortung über etliche Verunglimpfungen seiner Miβgönner (Sämtliche Werke), Karl Sudhoff et Wilhelm Matthieszen (éd.), vol. 11, Munich, R. Oldenbourg, 1538, 1928, p. 138.
8 « She did confess she had / For y ou a mortal mineral, which, being took, / Should by the minute feed on life and ling’ring/By inches waste you ». William Shakespeare, Cymbeline, J.M. Nosworthy (éd.), Walton-on-Thames, Thomas Nelson and Sons, 1955, Arden Second Series, ci-après Cym. Pour la traduction française : Cymbeline, traduit par François-Victor Hugo in Œuvres II, éd. Henri Fluchère, coll. Pléiade, Paris, Gallimard, 1963, p. 1382. Nous indiquons l’acte et la scène du texte dans l’édition Arden, et la pagination dans la traduction française.
9 « She doth think she has / Strange ling’ring poisons [...] Those she has / Will stupefy and dull the sense awhile ; / Which first (perchance) she ’ll prove on cats and dogs, / Then afterward up higher : but there is /No danger in what show of death it makes. » Citation française p. 1321.
10 Bacon, op. cit., p. 173. « There is Nothing makes a Man Suspect much, more then to Know little », p. 528 pour le texte anglais.
11 J’ai examiné plus en détail les liens entre poison et connaissance dans Le Conte d’hiver in The Spider and the Statue : poisoned Innocence in The Winter’s taie, Paris, PUF, 2010, p. 127-156. L’ouvrage reprend quelques uns des arguments proposés ici, notammentp. 145-151.
12 « Alack, for lesser knowledge ! how accurs ’d / In being so blest ! There may be in the cup / A spider steep’d, and one may drink, départ, /And y et partake no venom (for his knowledge / Is not infected) ; but if one present / Th ’abhorr’d ingredient to his eye, make known / How he hath drunk, he cracks his gorge, his sides, / With violent hefts. I have drunk, and seen the spider. » Dans son article « Recounting Gains, Showing Losses : Reading The Winter’s Taie », Stanley Cavell a étudié ce passage sous l’angle du scepticisme, in Disowning Knowledge : In Six Plays of Shakespeare, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, p. 193-221, en particulier p. 197.
13 Traduction personnelle. « The alacrity with which Leonato, Claudio, and the Prince seize on Hero’s guilt confirms what they already suspect, and what they seem happy to suspect [...] The difference between men and women [...] is that women are responsible for their sins but men are not », Harry Berger Jr., « Against the Sink-a-pace : Sexual and family politics in Much Ado », Shakespeare Quarterly, 1982, n° 33, p. 307. Berger commente la chanson dans Beaucoup de bruit pour rien, « Men were deceivers ever » (II, 3).
14 « Ha ’notyou seen, Camillo ? / (But that’s past doubt : you hâve, oryour eye-glass/Is thicker than a cuckold’s horn) or heard ? / (For to a vision so apparent rumour/Cannot be mute) or thought ? (for cogitation / Resides not in that man that does not think) / My wife is slippery ? »
15 Bacon, op. cit., p. 45, 37. « A disease [...] like to Infection », « Ejaculation, or Irradiation of the Eye », p. 516,511 pour le texte anglais.
16 Ces soi-disant preuves oculaires seront contredites dans Le Conte d’hiver par la preuve oraculaire d’Apollon. Voir Howard Felperin, « The deconstruction of presence in The Winter ’s Taie », in Shakespeare and the Question oƒ Theory, éd. Patricia Parker et Geoffrey H. Hartman, New York, Methuen, 1985, p. 6.
17 « What monster ’s her accuser ? Leonatus ! / O master, what a strange infection / Is fall’n into thy ear ! What false Italian / (As poisonous tongu ’d as handed) hath prevail’d/ On thy too ready hearing ? »
18 J’ai déjà étudié les liens entre poison et « Envy » à propos de Coriolan dans « ‘The sweet which is their poison’ : of venom, envy and vanity in Coriolanus », in Lectures d’une œuvre : The Tragedy of Coriolanus de William Shakespeare, éd. Charlotte Coffin et Lætitia Coussement-Boillot, Nantes, Éditions du Temps, 2006, p. 141-158.
19 « Cymbeline : Thou basest thing, avoid ! hence, from my sight ! / If after this command thou fraught the court / With thy unworthiness, thou diest. Away ! / Thou ’rt poison to my blood. / Posthumus : The gods protect you, /And bless the good remainders of the court ! / I am gone. »
20 « Le roi divin, purificateur et sauveur de son peuple, rejoint le criminel souillé qu’il faut expulser comme un pharmakós, un bouc émissaire, pour que la ville, redevenue pure, soit sauvée », Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce Ancienne, vol. 1, Paris, La Découverte, 1972, p. 114.
21 Sur les sources du Conte d’hiver et de Cymbeline, voir Geoffrey Bullough, Narrative and Dramatic Sources of Shakespeare, London, New York, Routledge & Kegan Paul / Columbia UP, 1964-1975, vol. VIII.
22 « We will fear no poison, which attends/In place of greater State ». Traduction française p. 1344.
23 On pense au sermon du Christ : « Je suis le bon pasteur » (Jean 10 : 11 sq.).
24 « bespice a cup, / To give mine enemy a lasting wink ; / Which draught to me were cordial ».
25 « A callat / Oƒ boundless tongue » (II, 3, 90-91), « lewd-tongu’d wife » (171), « bitter tongue », (V, 1, 18-19).
26 Voir en particulier les contributions de Pascale Drouet, « ‘If I prove honey-mouthed, let my tongue blister’ (II, 2, 32) : Paulina figure de parrèsiaste dans The Winter’s taie », p. 137-147, et de Nathalie Vienne-Guerrin, « ‘Sicilia is a so forth’ : la rumeur dans The Winter’s taie », p. 149-163, in ‘4 sad tale’s best for winter’ : Approches critiques du Conte d’hiver de Shakespeare, éds. Yan Brailowsky, Anny Crunelle et Jean-Michel Déprats, Nanterre, Presses Universitaires de Paris Ouest, 2011.
27 Bacon, op. cit., p. 173. « Certainly, the best Meane, to cleare the Way, in this same Wood of Suspicions, is franckly to communicate them, with the Partie, that he Suspects : For thereby, he shall be sure, to know more oƒ the Truth oƒ them, then he did beƒore ; And withall, shall make that Party, more circumspect, not to give further Cause of Suspicion », p. 529 pour le texte anglais.
28 « The blessed gods /Purge all infection ƒrom our air ».
29 « The piece of tender air [is] thy virtuous daughter, / Which we call mollis aer ; and mollis aer / We term it mulier : which mulier I divine / Is this most constant wife, who even now, / Answering the letter oƒ the oracle, / Unknown to you, unsought, were clipp ’d about / With this most tender air. »
30 « The king shall live without an heir, iƒ that which is lost be not ƒound ».
31 « Thou, Leonatus, art the lion ’s whelp, / The fit and apt construction oƒ thy name, /Being Leo-natus, doth impart so much. » Citation française p. 1391.
32 « and for the babe / Is counted lost for ever, Perdita, / Iprithee, call ’t ».
33 « Tu communiques avec les rêves », ou « Communicat’st with dreams » (WT, I, 2, 140).
34 « Your actions are my dreams. / You had a bastard by Polixenes, / And I but dream’d it ! »
35 Camillo dit à Léonte, « Je le pourrais, et sans une potion brutale, / Mais d’une drogue lente, qui n’opérerait pas / Violemment, comme un poison » (« I could do this, and that with no rash potion, / But with a ling’ring dram, that should not work / Maliciously, like poison », WT, I, 2, 319-331). Quant à Imogen, on la croit morte « Après qu’elle eût avalé l’elixir de la reine » (« By the queen ’s dram she swallow ’d », Cym, V, 5, 382).
36 Ce qui fait que Roméo et Juliette se termine mal est sans doute le fait que c’est Roméo lui-même qui demande « A dram of poison » au pharmacien (Rom, N, 1, 60), se privant de toute possibilité d’intervention d’un agent tiers (les dieux) pour diluer, et contrecarrer, les effets du poison.
37 « ’Tis still a dream : or else such stuff as madmen / Tongue, and brain not : either both, or nothing ».
38 « I turn my glass, and give my scene such growing /As you had slept between ».
39 « L’imagination prête souvent un corps/Aux choses inconnues ; la plume du poète / Leur donne et confère à des rêves creux / Un lieu pour résider en même temps qu’un nom » (« And as imagination bodies forth / The forms of things unknown, the poet’s pen/Turns them to shapes, and gives to airy nothing / A local habitation and a name. »), Le Songe d’une nuit d’été (V, 1, 14-17), traduction française de Jean Malaplate, in Comédies I, éd. Gilles Monsarrat et Michel Grivellet, coll. Bouquins, Paris, Robert Laffont, 2000. Voir aussi Marjorie Garber, Dream in Shakespeare : From Metaphor to Metamorphosis, New Haven, London, Yale University Press, 1974, p. 160 : « L’utilisation du mot toujours signifiant de “rien” par Imogen rappelle ces “rêves creux” qui prennent forme grâce à l’imagination créatrice » (« [Imogen’s] use oƒ the always significant word “nothing" recalls Theseus’s “airy nothing" rendered into dream shapes by the Creative imagination »), traduction personnelle.
Auteur
Université Paris Ouest Nanterre La Déƒense Centre de Recherches Anglophones – EA 370
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