Thériaque et triacleurs chez Pierre-André Mathiole
p. 34-48
Texte intégral
1L’obsession de la tromperie, et en particulier du charlatanisme, parcourt toute la littérature médicale du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle. Cette période voit fleurir des ouvrages qui prétendent dénoncer les abus des empiriques de la rue en insistant sur l’aspect technique de leur langage et de leurs trucages. Ce n’est en effet que dans la deuxième moitié du XVIe siècle et dans le premier tiers du XVIIe, alors que le milieu médical « autorisé », venu de l’Université, essaye de mieux encadrer la médecine populaire1, que fleurissent des productions dont la vocation est explicitement plus pratique : cet intérêt pour les abus des charlatans peut se présenter comme une charge virulente émanant de l’orthodoxie médicale, soit à l’intérieur de traités médicaux généralistes, comme les Erroripopolari d’Italia de Scipione Mercurio (1603) dont quelques chapitres ont été traduits en français sous le titre Discours de l’origine des mœurs des charlatans (1622)2, soit dans des productions plus spécifiques comme La Satyre contre les charlatans de Thomas Sonnet de Courval3 ; il se manifeste aussi dans des traités plus généralistes qui font une large part au récit facétieux, cherchant à dresser une typologie des mendiants et colporteurs de tous bords, dont le charlatan n’est qu’une espèce, pour mieux les tenir à distance : c’est le cas du Vagabondo de Rafaele Frianoro (1621), à la suite du Speculum Cerretanorum de Teseo Pini qui circule sous forme manuscrite dès la fin du XVe siècle4. Le mélange de fascination et d’indignation devant le monde des bateleurs donne encore sa tonalité à un ouvrage plus encyclopédique, avec une coloration très moralisante, comme la Piazza Universale de Tomaso Garzoni5. Il n’y a pas d’opposition stricte entre la représentation littéraire comique du charlatanisme et sa dénonciation par des autorités médicales et morales : on peut certainement établir un rapprochement entre ces productions savantes et l’intérêt, relativement nouveau, partout en Europe, pour la littérature de gueuserie qui prétend, elle aussi, mettre en garde contre les confréries de mendiants en enseignant au lecteur leur jargon6. C’est dans ce cadre général, visant à démystifier les « abus » des guérisseurs, que s’inscrit le discours de Pierre-André Mathiole.
Mathiole et sa conception du poison dans les Commentaires sur Dioscoride
2Pietandrea Mattioli est né à Sienne en 1500 ou 1501. C’est un médecin et botaniste très réputé au milieu du XVIe siècle, qui exerce en Allemagne, au service de l’empereur Maximilien II. Animé du goût pour la controverse, il est impliqué dans des débats savants concernant son œuvre maîtresse : un commentaire du De materia medica de Dioscoride. Les Discorsi7 de Mathiole sont publiés pour la première fois en 1544, en italien, puis traduits en latin en 1554 sous le titre de Commentarii8 : c’est cette version latine, diffusée partout en Europe, qui assurera à l’œuvre son succès dans les milieux scientifiques. Mathiole devient très vite la référence internationale en matière de botanique. D’autres traductions voient rapidement le jour en français9 et en allemand, à partir de la version latine10. Mathiole ne se contente pas de donner à lire le texte du médecin grec Dioscoride en le glosant, comme d’autres l’ont fait avant lui, mais il décrit toutes les plantes qu’il connaît, y compris des espèces que Dioscoride semblait ignorer mais que les médecins arabes ont décrites ou que lui-même dit avoir découvertes. Il recoupe ses observations avec d’autres sources antiques, arabes et médiévales. Plus neuves encore sont les illustrations qu’il ajoute à ses explications et qu’il veut très précises. Les éditions de la fin du XVIe siècle contiennent jusqu’à 1200 illustrations. Au fil des rééditions, Mathiole amplifie le paratexte de son commentaire, étoffe la préface, répond à ses adversaires dans des postfaces. Il s’oppose notamment à Conrad Gesner, à partir de 1555, sur l’identification de l’aconit11.
3Les cinq premiers livres de Dioscoride sont consacrés aux simples, c’est-à-dire aux matières brutes qui servent de médication. L’auteur grec en recense 868 : 690 végétaux, 88 simples d’origine animale et 90 d’origine minérale. La structure du traité témoigne d’un classement selon des critères qui peuvent se recouper : les matières médicales y sont regroupées selon leur vertu mais aussi selon des ressemblances de nature, selon un rapport aux éléments fondamentaux de la cosmogonie : en premier, viennent les pharmaka chauds et aériens, historiquement proches des dieux dans la cosmogonie grecque ; à la fin, les remèdes minéraux, froids et lourds, venus de l’Âge de fer12.
4Le livre VI sur les poisons et venins occupe une place particulière. La toxicologie est la grande affaire des médecins. C’est d’ailleurs l’intérêt accru pour la toxicologie qui explique les progrès faits dans la connaissance des médicaments d’une manière plus générale. En abordant ce sujet, Mathiole ressent le besoin de se justifier : il y a une gravité particulière à traiter de ce sujet parce que les empoisonnements, contrairement aux maladies ordinaires, ne peuvent pas se résorber par la seule aide de la nature, par un simple régime. C’est bien dans le cas des empoisonnements et envenimements – Mathiole traite les deux situations comme un même cas de figure – que la compétence du médecin est le plus visiblement en jeu. Aborder un tel sujet est un point d’honneur pour Mathiole, précisément parce que c’est une question de vie et de mort :
Je connus ouvertement que si je ne commentais ce sixième Livre, on me pourroit reprocher d’avoir obmis la partie de Medecine qui est la plus requise, et la plus necessaire à la vie de l’homme. Joint qu’ayant déjà de long temps traduit en Italien ce sixième Livre, et ayant écrit dessus, je pourrai estre cause par ce moyen qu’une infinité de personnes se pourront non seulement preserver de poison : mais aussi pourront échapper la mort. Car tout homme qui entendra l’Italien ou le Latin, et qui lira nos Commentaires, peut estre asseuré, que encores qu’il ne soit Medecin, neantmoins il en pourra faire son profit et celuy des autres.13
5Sa démarche générale consiste à expliquer en premier lieu le mode d’action général des poisons, puis à les catégoriser en fonction du mode de contact avec l’organisme et de leurs qualités (froids ou chauds, humides ou secs), enfin à donner des recettes d’antidotes simples ou composés.
6En premier lieu importe la différence de nature entre le poison et l’aliment, différence qui correspond à deux modes d’action à l’intérieur de l’organisme :
Tout poison qui est dans le corps est directement contraire à la viande que nous mangeons, en toutes sortes, en toutes forces et proprietez. Car comme la viande, qui est nostre corps, se convertit en sang, et se rend entierement semblable, aux membres qu’elle nourrit particulierement, occupant tousjours le lieu de la substance qui continuellement se resout en nos corps : ainsi au contraire, le poison transforme et convertit en sa nature venimeuse tout le corps, et les membres ausquels elle s’attache premierement ainsi que plus amplement nous déduirons cy-après. C’est pourquoy tout ainsi que les animaux et fruits que la terre produit, et que nous mangeons, se convertissent en notre nourriture : aussi au contraire, toutes choses venimeuses, étans dans le corps rendent tous les membres de nostre corps infectez et venimeux. Car comme l’agent est plus vertueux que le passif : aussi le poison, par la force de son action, surmonte nostre substance, la convertissant en sa nature venimeuse par la même raison que le feu consume et convertit la paille en son naturel, par la violence de son action.14
7Alors que la nourriture est assimilée par l’organisme, on assiste, dans le cas du poison, à une forme de contamination. Un infiniment petit est doté d’une puissance illimitée. La notion de puissance, au sens de la dynamis aristotélicienne, est clairement mise en évidence, lorsque Mathiole déclare que « l’agent est plus vertueux que le passif » ou lorsqu’il parle de « violence de l’action ». Le poison agit par contamination et par une forme de réduction à l’identique, de conversion au même que soi. Le mal attire la chair dans sa sphère, au lieu de se convertir en quelque chose d’autre. Ce type de conception adoptée dans la toxicologie des envenimements relève de la théorie aristotélicienne du changement, compris en termes de continuité du substrat matériel15.
8Après avoir expliqué le mode d’action général des poisons, Mathiole présente diverses classifications possibles. Au partage entre poisons végétaux, animaux et minéraux se superpose une classification en fonction du mode de contact : ceux que l’on prend par la bouche comme une nourriture, ceux qui sont toxiques par le contact avec la peau, ceux qui sont toxiques par leur seule odeur, et – plus étonnant encore pour nous – ceux qui tuent par le simple regard, pouvoir attribué au serpent mythique qu’est le basilic, par exemple. À ces typologies s’ajoute encore un classement en fonction de la nature froide, chaude, humide ou sèche des poisons.
La thériaque
9Mathiole évoque ensuite les antidotes, que les grecs nommaient alexipharmakes et que lui nomme « défensifs » ou parfois simplement « médicaments », en commençant par les antidotes simples pour aller vers les composés. C’est dans cette catégorie que l’on trouve un long développement sur la thériaque et les problèmes qu’elle pose.
10La thériaque16, dont le nom vient du grec theriakos signifiant « relatif aux bêtes sauvages » (therion, la bête sauvage), est une substance composée très ancienne, utilisée au départ comme antidote aux morsures de serpents, de chiens (la rage est conçue comme un empoisonnement) et d’autres animaux venimeux, mais qui sert finalement contre tous les poisons, voire contre toutes les maladies redoutées (Mathiole cite des cas de guérison surprenante de la peste grâce à la thériaque). La recette originelle est attribuée à un médecin de Néron, nommé Andromachos. La préparation de la thériaque est une variante améliorée du fameux mithridateion, inventé par Mithridate VI le grand (120-63 av. J.-C.), Roi du Pont, qui avait découvert une certaine adéquation entre le venin et l’anditote. Le principe de la mithridatisation repose en effet sur l’idée que poison et contrepoison entretiennent une affinité, si bien qu’en absorbant chaque jour une quantité infime du poison, on parvient à s’immuniser. Cette prophylactique suppose non seulement l’accoutumance mais postule aussi une forme de similarité entre les substances. Andromachos ajoute quelques ingrédients à la recette de Mithridate et en supprime d’autres pour faire la thériaque. L’adjonction de chair de vipère est son apport décisif qui fait de la thériaque un remède plus efficace que le mithridateion contre les morsures de serpent. Un poème de 87 distiques transmis par Galien17 en donne la recette en énumérant près de 70 ingrédients différents, dont les principaux sont la valériane, la cardamone, le gingembre, la gentiane, l’aristoloche, la casse, l’iris et l’opium. Mais l’ingrédient spécifique reste la chair de vipère, considérée à la fois comme un poison et un remède. Galien rapporte plusieurs cas de cures miraculeuses avec de la chair de vipère fortuitement ingérée. Dans la thériaque, seule la chair de la vipère et non la vipère toute entière doit être utilisée18.
11Cette panacée devient une préparation officinale, c’est-à-dire « officiellement approuvée par les collèges de médecine », à partir du Moyen Âge. Son efficacité n’est mise en doute qu’à la fin du XVIIIe siècle. Elle demeure même inscrite au Codex pharmacologique en France jusqu’à la fin du XIXe siècle. Elle a connu des variantes populaires, vendues sous d’autres noms, comme le fameux Orviétan, remède à succès jusqu’au milieu du XVIIe siècle, dont le charlatan italien Girolamo Ferranti19 va faire commerce sur le Pont Neuf. Le vendeur de thériaque devient une figure de la littérature comique, au théâtre, dès la fin du Moyen Âge20 puis dans le roman satirique de l’Âge classique21.
12Du point de vue de Mathiole, la thériaque est le meilleur antidote contre les envenimements et empoisonnements, avec le mithridateion. Le problème est que la véritable thériaque semble introuvable. Le discours du naturaliste et médecin ne cesse d’enregistrer une déperdition de l’expérience, déperdition qui se dit sur plusieurs plans. Les temps modernes devraient accepter que l’Âge d’Or de la thériaque soit dernière nous, renvoyé à une Antiquité associée à une abondance et une pureté de la substance. L’horizon indépassable n’est pas devant nous mais derrière nous :
Quant aux medicaments composez, je ne doute point que si on pouvait trouver de Theriaque bien preparée, qu’il ne faudroit user d’autre remede contre quelque poison que ce fût. Mais à mon advis, il est impossible d’en trouver qui soit composée comme il faut, attendu que nous manquons de cinnamome, de baume, de petroselinum de Macedoine, de myrre, de folium, de chaclitis (combien que j’en pense avoir rencontré), d’amomum, d’aspalatus, et de calamus odoratus. Et par ainsi je ne croiray jamais que la Thériaque commune puisse tenir lieu de la Theriaque des Anciens : veu que même du vivant de Galien, auquel temps les Romains estaient dominateurs quasi de tout le monde, il estoit impossible (hormis aux Empereurs) de pouvoir faire de la Thériaque parfaitte.22
13À l’intérieur même de la période antique, des différences qualitatives apparaissent. L’époque romaine de Galien ne connaissait déjà plus qu’une version approximative de la recette grecque : la rareté du remède est associée à l’autorité de grands personnages historiques. Les temps modernes sont ceux de la perte et de l’altération de la nature.
14Comment comprendre ce constat ? On peut l’interpréter comme l’observation relativement neutre des changements d’une Nature en perpétuelle métamorphose : certaines espèces sont perdues ; d’autres, que ne connaissait pas Dioscoride, sont apparues depuis. On peut aussi déceler dans cette déclaration de Mathiole un regard plus pessimiste, influencé par une conception chrétienne du temps humain, qui pense toute expérience présente en fonction du péché originel, par opposition à une mythologie de l’origine. Dans l’imaginaire de la Renaissance, des contaminations se produisent entre la conception chrétienne du temps et la cosmogonie antique. La lecture de Mathiole donne l’impression qu’au monde antique, à la source grecque, est associé un certain édenisme, une nostalgie adamique de l’Âge d’Or. Pour reprendre, une formulation très synthétique de Claude Gilbert-Dubois, « l’idée est courante et généralement implicite que ce qui est le plus proche du commencement est le plus proche de la divinité »23. Tout se passe comme si la coupure que Mathiole observait entre l’expérience grecque et les temps présents était l’analogon d’une coupure plus fondamentale encore entre deux états de l’humanité, un avant et un après de la Chute. Les contrepoisons ne s’offrent plus à nous aussi facilement, ils sont difficiles à trouver et à fabriquer. Le même type de raisonnement reparaît lorsque le naturaliste évoque des groupes humains qui seraient « naturellement » immunisés contre les poisons. Il allègue certains exemples antiques qu’il tient de Pline et de Varron, cas qu’il pense crédibles : les Ophiigènes, vivant du côté de l’Hellespont, qui manient les serpents sans jamais être mordus et qui peuvent aussi guérir les morsures par le simple toucher ; les Psylliens, d’Afrique, qui « par leur présence et odeur seule [...] amortissent les serpents » ou qui jettent les nouveaux-nés parmi les serpents pour tester la fidélité de leurs femmes, car un vrai Psyllien résistera naturellement à cette épreuve ; ou encore les Marses, descendants de la magicienne Circé, vivant dans les Abruzzes. En revanche, aux yeux de Mathiole, ceux qui se présentent aujourd’hui comme leurs descendants sont de toute évidence des imposteurs, notamment ces manipulateurs de serpents appelés Pauliani, qui prétendent descendre de la race de « saint Paul » et fondent leur autorité sur un récit des Actes des Apôtres, selon lequel saint Paul, débarquant sur l’île de Malte, aurait tué une vipère qui l’avait mordu à la main, sans aucun dommage. Mathiole se complaît à dévoiler les trucs de métiers de ces imposteurs : se graisser les mains avec un onguent répulsif, faire cracher le venin des vipères en leur donnant avant la démonstration un morceau de viande à mordre, et autres préparatifs techniques du spectacle public.
Un remède « sophistiqué »
15La thériaque est devenue l’apanage des charlatans qui sont non seulement de mauvais médecins mais aussi des fabulateurs. Plusieurs expressions reviennent pour nommer ces médicaments frelatés : « i medicamenti [...] contraƒatti e gli adulterini »24, dit l’italien ; mais le verbe, utilisé aussi bien en italien que dans la traduction française pour dire cette entreprise de composition frauduleuse du remède, est le plus souvent le verbe sofisticare, « sophistiquer » :
Galien prit cette matière si à cœur (aussi ne pouvoit-il s’attirer le nom de Medecin, sans cette connaissance) que sans avoir égard ny à perils ny à danger, il navigea en Stalimene, en Cypre, en Surie, et en plusieurs autres regions, seulement pour apprendre à discerner les vrais medicamens d’avec les autres faux, et sophistiquez.25
Il faut donner garde des Theriaques sophistiquées, que ces colporteurs vendent ordinairement par les foires et marchez, encores que le peuple les estime meilleures que toutes les autres, parce qu’il voit ces trompeurs manger d’arsenic et du reagal, sans s’en ressentir, à raison de la Thériaque qu’ils prennent par après.26
16De même, parlant d’une pratique courante des apothicaires, le quid pro quod, qui consiste à substituer un ingrédient à un autre dans une préparation, Mathiole parle de « sophistiquer les drogues ». Employé en doublet, comme quasi-synonyme de « sophistiquer », on trouve dans la traduction française les verbes : « falsifier » ou « brouiller », ce dernier venant rendre l’italien « contaminare »27. Ces verbes sont relayés par l’image de la peinture ou du fardage : « donner couleur à leur tromperie28 », « donner plus grande couleur à leur dire29 ».
17Ce lexique n’est pas sans rappeler un des sens de pharmakon30, en grec : « teinture, couleur, peinture, fard », sens qui découle du premier, « remède », qu’il s’agisse d’une potion, d’un onguent ou d’un emplâtre. Mais bien évidemment, l’origine du verbe sophistiquer, vient de l’art sophistique, pris dans un sens dépréciatif : un rapport d’analogie est posé entre le brouillage de la vérité qu’est capable d’organiser le discours sophistique et l’art du mélange, mélange des couleurs ou des substances dans la pharmacopée. Cette analogie a été magistralement analysée par Jacqueline Lichtenstein dans La Couleur éloquente31 où elle étudie les rapports de la rhétorique et de la peinture en partant de la critique platonicienne : au livre X de la République, la sophistique est condamnée au nom d’une équivalence avec la peinture, qui permet la réversibilité des jugements. La sophistique et la peinture chercheraient les mêmes effets : flatter, tromper. Tout art de la coloration, du mélange se trouve dès lors rejeté.
18Cette sophistication, mélange frauduleux, brouillage, art de l’équivoque, Mathiole la dénonce en décrivant le trucage du réel qu’organisent les charlatans pour faire croire à l’efficacité de leur thériaque. Il insiste sur le caractère opératoire, purement technique de la manipulation qui trompe le regard. Ce sont en fait les mêmes trucs de métier qui sont racontés par Mathiole32 et par la plupart des médecins inquiets du succès des charlatans : manger des aliments « gras », que ce soit de la salade à l’huile, des trippes grasses ou du bouillon gras, afin de boucher ses conduits, prendre la supposée thériaque comme préservatif, puis ingérer un poison quelconque, qui n’est pas assimilé grâce au lit de graisse déposé dans l’estomac, enfin se faire vomir après le spectacle ; ou bien, avec un garot caché dans la manche d’un assistant complice, faire arrêter le pouls de cet assisant en faisant croire que c’est l’effet du poison ; lui donner ostensiblement la thériaque puis, à l’insu du public, faire repartir le sang : tout le monde peut constater que le pouls est revenu sous l’effet de la thériaque.
19Plus fondamentalement, dans le discours de Mathiole, transparaît l’idée que la perte de qualité de la thériaque « sophistiquée » a pour corrélat une déperdition qualitative dans la nature même du discours. Ce qui est brouillé, c’est la parole même. Aux remèdes impurs correspond une langue impure. Les remèdes sophistiqués, frelatés, vont de pair avec un langage sophistique, frauduleux. Le venin du serpent ne serait-il pas aussi bien linguistique que pharmacologique ? Car c’est bien sous une forme langagière qu’apparaît le venin du premier serpent. L’essence maléfique du reptile dont on se prémunit mais avec lequel on peut aussi se soigner, ce pharmakon, agirait jusque dans la séduction verbale du manipulateur de serpents, à la fois menteur et délectable. Cette équivalence entre entre la substance du venin et le venin du langage, référé au modèle du « premier serpent », celui de Genèse 3, est explicitée par Scipione Mercurio, l’auteur des Erroripopolari d’Italia33, qui déclare que les charlatans sont des descendants du diable. Selon lui, tous les objets, toutes les substances que ces derniers manipulent ont un rapport analogique avec le serpent du Paradis terrestre. Dans la traduction française de 1622, on lit :
[...] j’ose dire qu’elles [les diverses pratiques des charlatans] furent inventees du diable, puis que jadis par luy practiquees au paradis terrestre : et qu’ainsi ne soit, il se masqua ayant pris la forme d’un serpent : s’il n’est monté sur un theatre, il est monté sur l’arbre, duquel se font les tables, et de celles-cy les theatres : il a proferé mensonge, disant, Nequaquam moriemini : il s’est mocqué d’eux, et eritis sicut dii, leur vendit sinon quelques boulettes, au moins des pommes qui en ont la ressemblance. C’est donc à bon droit que le Diable et les Ciarlatans conspirent à mesmes effects, doüez et ornez de mesmes mœurs [.., ].34
Répulsion, fascination, imitation
20L’attitude de Mathiole à l’égard des triacleurs qu’il dénonce est assez ambiguë. Ils le fascinent autant qu’ils suscitent sa colère. La proximité qu’il entretient avec eux se dit de plusieurs manières dans ses Commentaires.
21Cette proximité est d’abord physique. Mathiole ne les méprise pas au point de ne pas souhaiter apprendre quelque chose d’eux. Ainsi, alors qu’il vient de raconter en détail comment s’y prennent les triacleurs pour arrêter le pouls de leurs complices et faire croire que c’est un effet de l’arsenic, il ajoute :
Voylà comment en usent ces bourreaux de triacleurs. A quoy je me suis assez longuement arresté, à fin de faire apparoir de leurs piperies à un chascun, pour s’en savoir garder d’ores en avant. Et de fait, j’en dois savoir gré à la verolle. Car un des plus asseurez Triacleurs de toute nostre Italie, et qui avoit usé de dix mille piperies en cest endroit, me declara tout son secret, pendant que je le pensoye d’une verolle, qui a bon droit luy rongeoit les os : et me desbagoula dix mille sortes de mechancetez dont use telle belistraillerie de gens. Quant aux tromperies de ceux qui se vantent d’avoir la grace de saint Pol, et d’estre de sa race (en quoy ils mentent malheureusement) je me passeray d’en parler pour le present : me reservant neantmoins d’en parler au traité des bestes venimeuses. Au reste, à ce que on ne trouve nos commentaires despourveus de preservatifs et contrepoysons, il m’a semblé bon, par vray devoir de Medecin, de rediger icy par escrit certains preservatifs, que j’ay eu à grande peine, lesquels sont singuliers contre toutes poysons, et venins, estans souverains et aux poysons que on prent par la bouche, et à toutes pointures et morsures des bestes venimeuses : ainsi que moy mesmes ay souventesfois expérimenté. Et combien qu’on trouve peu de Médecins qui veulent declarer leurs inventions et secrets, quand ils se rencontrent bons : ce neantmoins attendu que tout mon dessein, de tout temps a esté de servir en general à un chascun de mon petit labeur, on me trouveroit fort estrange, et inhumain, si maintenant par quelque envie, ou avarice, je laissoye couler un seul poinct que j’estimasse proffitable au faict de la medecine.35
22Dans ce passage, est troublant l’enchaînement entre l’aveu du contact avec le milieu des charlatans, le bénéfice qu’il en tire, et la revendication d’une posture éthique – et partant rhétorique – qui est aussi souvent celle des vendeurs de drogue de la place publique. Mathiole dit plusieurs choses dans un même énoncé : même s’il méprise la pratique du triacleur, il soigne volontiers celui-ci de sa vérole et se dit finalement bien satisfait d’avoir appris quelque chose de lui. Or, juste après, il a recours à un lieu commun rhétorique de tous les vendeurs de secrets, que l’on trouve aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, dans les discours de charlatans tels qu’ils ont pu être imaginés et consignés ou dans les préfaces des recueils de recettes médicales dus à des médecins empiriques : ce lieu commun, c’est celui du devoir de « révélation » des secrets pour le bien de l’humanité. Révéler des secrets qui, du coup, n’en seront plus.
23On retrouve dans la préface les mêmes topoi montrant une affinité avec le style des charlatans, lorsque Mathiole énumère les pays par lesquels il est passé, les efforts qu’il a consentis à faire dans le souci non seulement d’accroître son savoir mais surtout de servir l’humanité toute entière, et en premier lieu son lecteur. Un discours du même type se trouve, par exemple, chez un vendeur d’herbes comme l’Erbolato de l’Arioste, publié, un an plus tôt en 154536 ; mais c’est surtout, quelques années plus tard, à partir de l’auteur qui va fonder la tradition des recueils de secrets, Alessio Piemontese37 – pseudonyme derrière lequel se cache le très lettré polygraphe, Girolamo Ruscelli – que ce discours préliminaire devient topique. L’œuvre à grand succès d’Alessio Piemontese, rapidement traduite, connut 17 rééditions jusqu’à la fin du XVIe siècle38. Mathiole, comme le font ceux qu’on appellera ensuite les vendeurs de secrets, et comme le font aussi plus ou moins discrètement tous les médecins empiriques, met l’accent sur la caution de l’expérience vécue. Le voyage est justifié en tant qu’expérience sensorielle et existentielle. Mais l’argument scientifique est habilement noué à des remarques visant au pathétique ; le thème des voyages lointains s’entrelace à l’évocation redondante des peines et du sacrifice de sa propre santé, thème que la prétérition ne fait que souligner :
Et vrayement aussi nostre promptitude et affection n’a jamais eu autre but que le bien et avancement du public et le soulagement du siecle advenir : tesmoing l’insupportable peine et diligence que j’ay employée cinq ans durans à faire pourtraire et tailler les herbes, et les grandissimes fraix qu’il y a convenu faire, qui ne me sont aucunement griefs. Et neantmoins quel detriment et eschec ma santé a receu, et dequoy s’en sera ressenti mon âge ja caduc, j’aime mieux le taire, qu’en remplir les oreilles des lecteurs : à fin qu’on ne pense que je die cecy plustost pour me plaindre, et captiver la bien-veillance d’une chacun, que pour aider et soulager la postérité. Mais ce qui me console, est que plusieurs l’ont veu et cognu, qui en pourront porter assez tesmoignage : joint qu’il se trouvera peut estre quelqu’un, qui ayant pris garde à la difficulté et grandeur de l’œuvre, pourra facilement imaginer, en quelle peine, soing et diligence, et en combien de temps j’en suis venu à bout. Je laisse là les voyages, les fascheries que j’ay enduré visitant les montagnes, vallees, forests, et prairies : les dangers où me suis mis montant sur mer, visitant les lacs, rivieres, palus et fontaines de plusieurs provinces e païs : mesmes allant voir plusieurs jardins, tantost cy, tantost là, en plusieurs villes renommees : recherchant les vieilles mazures, les cavernes, les mines, les fourneaux où en fond les metaux, pour y trouver la calamine, la tutie, le spodium, la fleur de bronze, la litharge et plusieurs autres medicamens metalliques. Je laisse à penser les moyens, et fatigues que j’ay eu pour recouvrer d’Asie, de Grece, de Syrie, d’Egypte, d’Arabie, et de Numidie, force belles plantes estrangeres, et non coustumieres à nostre Italie. Ceux qui liront nos commentaires, en sçauront à mon jugement que dire. Or puis-je bien asseurer, que ni les fascheries, ni mesmes les inconveniens, ausquels j’eusse esté en danger de tomber allant par païs et sur mer (à l’imitation de Galien) fut à m’embarquer pour aller à Chypre, Candie, et Stalimene : fut pour circuir la Surie et l’Egypte, et autres regions, afin de voir et trouver les plantes et autres simples mineraux qui nous defaillent, en m’en ont aucunement destoumé : ains les affaires de ma maison, le lien de mariage, la charge que j’avois des malades, ensemble ma fort petite complexion, qui ne m’eust permis de supporter tant d’assaux et injures.39
24Visant un effet pathétique, le scripteur a bien conscience qu’il risque de « remplir les oreilles des lecteurs », d’être trop bavard, ce que sont précisément les bonimenteurs de la place publique. La recherche du contact, l’imitation de topoi, montrent la proximité entre la rhétorique du vendeur de secrets et celle de l’humaniste savant qui veut le progrès de la vérité. Cette affinité trouve son expression la plus manifeste dans l’insertion d’un discours de promotion commerciale à l’intérieur des Commentaires de Mathiole. Le naturaliste fait l’éloge d’une thériaque particulière, celle de M. Calzolarius, apothicaire de Vérone :
Or s’il y a Theriaque en Italie, dequoy je doive faire estime, c’est vrayement celle que M. François Calzolarius, Apothicaire de Verone, et Simpliste bien experimenté, se tenant à l’enseigne de la Cloche d’or, a accoustumé de preparer.40
25L’accointance du discours médical et de la promotion commerciale ne doit pas nous étonner. Elle est très commune à l’époque, en particulier chez les médecins empiriques, qui citent volontiers le nom de bons apothicaires. C’est plutôt la longueur de cet éloge qui est frappante. L’éloge de Calzolarius est construit sur la pure et simple accumulation de témoignages de médecins, de malades, dont les noms sont donnés, comme si Mathiole ne pouvait se justifier que par la multiplication d’épreuves tests.
26Mathiole imiterait, comme par contamination rhétorique, certains moments du discours du triacleur. Il semble donc qu’au milieu du XVIe siècle, il n’est pas encore possible de tenir un discours médical convaincant sans passer par des « histoires », par le récit de merveilles et la rhétorique qui lui est associée. Cependant, cette nécessité embarrasse le naturaliste. Matthiole a conscience que son discours dérive parfois dans une direction périlleuse, qu’il se rapproche dangereusement de la rhétorique des bonimenteurs, que la différence de statut entre le médecin et le charlatan – qui est certainement pour lui une différence de nature – s’estompe. Après avoir donné des dizaines d’exemples de cures miraculeuses opérées grâce à la thériaque de Calzolarius, cures qu’il a vues lui-même ou qui sont attestées par plusieurs médecins qu’il connaît et nomme, se livrant à une débauche d’anecdotes toutes plus frappantes les unes que les autres, il s’interrompt :
Enfin pour ne pas ennuyer le Lecteur, j’omettray beaucoup de personnes que ce contrepoison a guery, ainsi que m’a écrit M. Jean Baptiste Susi, Médecin Mantuan, ensemble quelques autres histoires, non moins surprenantes. Car ma profession est plus de m’arrêter aux facultés des medicamens tant simples que composez, qu’à reciter des histoires.41
27Dans ce brusque retour à la déontologie professionnelle (« je suis un médecin et pas un raconteur d’histoires »), il y a de toute évidence l’expression d’une gêne. Implicitement, Mathiole reconnaît qu’il éprouve le sentiment désagréable de l’identification à l’adversaire dont il veut précisément dépeindre les vices. L’immunité dont l’assure a priori sa « profession », autorisée par l’université, reconnue par des diplômes, n’est pas suffisante pour le prémunir contre la tentation de parler comme ces charlatans. Ce qui est intéressant, c’est que cette proximité rhétorique n’est pas appréhendée d’une manière neutre, que le recours aux « histoires » n’est pas seulement perçu comme une pratique stylistique partagée par beaucoup d’auteurs savants de son temps, dans des champs disciplinaires variés, mais qu’il est vécu sur le mode de la culpabilité, comme une tentation dont il faudrait se garder. Aussi peut-on voir dans le locuteur des Commentaires un sujet scindé : un médecin assuré de son autorité professionnelle, d’un côté ; de l’autre – ou plutôt, concomitamment – un auditeur curieux, imitant malgré lui, une rhétorique qui le séduit.
28Les commentaires d’un naturaliste et médecin autorisé comme Mathiole sur les poisons, contrepoisons et ceux qui les manipulent sont l’occasion d’une réflexion sur sa propre méthode d’exposition et sur la manière dont il entend agir sur son lecteur. On observe des zones de turbulences dans le discours de l’humaniste qui veut dire la vérité mais qui reconnaît presque le risque qu’il y a à faire la promotion de ses convictions : le risque d’être assimilé, voire converti au style des charlatans. Ceux qui manipulent les poisons et leurs antidotes font-il nécessairement de leur langage un venin ? C’est implicitement la question que se pose Mathiole, dans ces moments troublés de son discours, moments qui témoignent de la conscience aiguë que la rhétorique peut être le vecteur d’un possible dévoiement éthique. C’est bien cette analogie entre poison et discours persuasif qui est intéressante, d’autant plus qu’elle n’apparaît pas, dans l’esprit de Mathiole, comme « simplement » métaphorique. On peut la décliner sur différents modes : pour les substances naturelles comme pour le langage, réversibilité du toxique en remède, que le sens amphibologique de pharmakon consacre ; possibilité de « trafiquer », de « sophistiquer » les substances premières comme les mots ; effet d’accoutumance aux poisons comme aux discours quotidiennement entendus.
29Dans ce cas précis, l’analogie ne relève pas seulement de la métaphore parce que, chez un homme comme Mathiole, on trouve l’idée qu’il existe une force du discours comme il existe une force des substances naturelles. Que le dernier exemple de la préface au Livre VI des Commentaires concerne l’efficacité contre les poisons des paroles proférées par un ermite connu de Mathiole n’est sans doute pas un hasard. Au bout de la chaîne des contrepoisons, c’est la vertu particulière, la propriété intrinsèque d’une parole – sans doute inspirée – qui prime. Un tel raisonnement, qui suppose que des forces communes agissent aussi bien dans le verbe que dans des substances naturelles, relève, pour les contemporains que nous sommes, de la pensée magique. Mais dans le contexte d’une médecine renaissante qui n’est pas uniformément rationaliste, le poison versé comme la parole adressée peuvent être conçus en terme de dynamis, puissance demandant à se réaliser : un infiniment petit, un « presque rien » prend une ampleur très grande, dans un sens positif ou négatif. La pharmacopée ancienne valorise tout ce qui paraît une force, une énergie, un illimité. Comme l’explique François Dagognet, « toute la thérapeutique ancienne équivaut à une dynamogénie qui manie l’intense et utilise le fort »42. Cet illimité, cet infini potentiel, l’imaginaire de la Renaissance le recherche aussi bien dans ses conceptions médicales que dans sa réflexion sur le langage.
Notes de bas de page
1 Sur l’histoire des relations de l’orthodoxie médicale et de la médecine de rue, des études sont fournies pour le domaine italien par les ouvrages de David Gentilcore, Healers and Healing in early modem Italy, Manchester University Press, 1998 ; Medical charlatanism in early modem italy, Oxford University Press, 2006 ; et Gianna Pomata, La promessa di guarigione : malati e curatori in antico régime (Bologna XVI-XVIII secolo), Roma-Bari, Laterza, 1994. Pour la France : Laurence Brockliss et Colin Jones, The Medical world of early modem France, Oxford, Clarendon Press, 1997 ; pour l’Angleterre : Roy Porter, Disease, Medecine and Society in England (1550-1860), Cambridge University Press, 1995, voir aussi R. Porter (ed), The Cambridge History of Medecine, Cambridge University Press, 2006.
2 Scipione Mercurio, De gli erroripopolari d’Italia libri 7..., Venise, G.B. Ciotti, 1603 ; Discours de l’origine des mœurs, fraudes et Impostures des Charlatans..., Paris, Denys Langlois, 1622.
3 Thomas Sonnet de Courval, Satyre contre les charlatans..., Paris, Jean Millot, 1610.
4 Ces textes sont reproduits et présentés par Piero Camporesi dans II libro dei vagabondi [1973], Milano, Einaudi, 2e éd., 1980.
5 Tomaso Garzoni, La Piazza Universale di tutte leprofessioni del mondo [1585], a cura di G.B. Bronzini, Firenze, L.S. Olschki, 1996.
6 Voir Bronislaw Geremek, Les Fils de Caïn. L’image des pauvres et des vagabonds dans la littérature européenne du XVe au XVIIe siècle, Paris, Seuil, 1987 ; Roger Chartier, Lectures et Lecteurs dans la France d‘Ancien Régime, Paris, Seuil, 1987.
7 Di Pedacio Dioscoride Anazarbeo Libri cinque della historia et materia medica tradotti in lingua volgare italiana di M. Pietro Andrea Matthiolo Sanese Medico. Con amplissimi Discorsi..., Venetia, Niccolo Bascarini, 1544. Nous nous référerons à cet ouvrage en parlant des Discorsi.
8 Petri Andreae Matthioli Medici Senensis Commentarii, in libros sex Pedacii Dioscoridis..., Venetiis, Vincentium Valgrisium, 1554.
9 Les Commentaires de M.P. Matthiole... sur les six livres de la matiere médicinale..., trad. Antoine du Pinet [Lyon, 1572], dernière éd., Lyon, J.B. Deville, 1680. Les notes suivantes renvoient à cette traduction.
10 L’œuvre de Mathiole est éditée en Allemagne par Joachim Camerarius, d’abord en latin, sous le titre de De Plantis Epitome utilissima (1586), puis en allemand sous le titre de Kreutterbuch, Frankfort, 1590.
11 Voir Candice Delisle, « The controversy between Conrad Gesner and Pietrandrea Mattioli over Dioscorides’ aconitum primum », Gesnerus, 61, 2004, p. 161-176.
12 Voir Alain Touwaide, « Stratégies thérapeutiques : les médicaments », in Histoire de la pensée médicale en Occident, vol. 1 (Antiquité et Moyen Âge), sous la dir. de M. Grmek, Paris, Seuil, 1995, p. 227-237.
13 Les Commentaires de M.P. Mathiole..., livre VI, p. 547.
14 Ibid.
15 Comme l’explique A. Touwaide (art. cit.), on trouve cette conception, bien avant Dioscoride, chez un Dioclès de Caryste, au IVe siècle av J.-C., dans Des animaux venimeux et dans De l’hygiène.
16 Nous résumons les explications fournies par Véronique Boudon dans « La thériaque selon Galien, poison salutaire ou remède empoisonné », in Le Corps à l’épreuve. Poisons, remèdes, et chirurgie : aspect de la pratique médicale dans l’Antiquité et au Moyen Age. Etudes réunies par F. Collard et E. Samaya, Prez-sur-Mame, Dominique Guéniot éd., 2002, p. 45-56.
17 Galien, Sur les Antidotes, chap. 6 ; La Thériaque à Pison, chap. 6 et 7. La recette est mise en prose par Andromaque le jeune, fils du précédent. Les différences sont minimes entre la version en vers et la version en prose. Galien explique qu’Andromachos nommait aussi cette préparation du nom poétique de Galénè, « le calme de la mer après la tempête ».
18 Selon Galien, la tête et la queue doivent être coupées. La chair est bouillie avec du sel et de l’aneth en grande quantité pour atténuer la force du venin obtenu. Au départ de la préparation, des pastilles sèches, confectionnées avec les différents ingrédients incorporés dans du miel utilisé comme liant, sont dissoutes dans du vin. Le mélange doit être remué souvent et doit fermenter. La chair de vipère bouillie est ajoutée à la fin, quand le mélange est liquide. La thériaque se présente au final comme un électuaire, c’est-à-dire une pâte un peu plus solide que le miel.
19 Sur l’Orviétan, voir David Gentilcore, Healers and Healing in early Modem Italy..., p. 96-101. Cette figure célèbre du Pont Neuf est un personnage d’une pièce satirique de Boulanger de Chalussay visant Molière, Elomire Hypocondre (Paris, 1670) : Molière, malade, appelle à son secours deux célèbres charlatans, l’opérateur Barry et l’Orviétan.
20 Voir, par exemple, dans le vol. 2 de l’Ancien Théâtre français (Paris, Plon, 1854), la farce à trois personnages intitulée Le triacleur, le pardonneur et la tavernière.
21 Voir notre article, « Le médecin empirique dans les romans comiques des XVIe et XVIIe siècles : l’expérience en question », dans Savoirs et savants dans la littérature et dans les arts (Moyen Age-XXe siècle), Actes du colloque des 20-22 nov. 2008 à l’Université de Paris-Est Mame-la-Vallée et Paris III-Sorbonne Nouvelle, sous la dir. de Pascale Alexandre-Bergues et Jean-Yves Guérin, Paris, Classiques Garnier, 2010.
22 Les Commentaires de M.P. Matthiole..., livre VI, p. 553.
23 Claude-Gilbert Dubois, L’Imaginaire de la Renaissance, Paris, PUF, 1985, p. 130.
24 Discorsi..., p. 3.
25 Les Commentaire de M.P. Matthiole..., préface, n.p. Nous soulignons.
26 Ibid.
27 Discorsi, p. 3 : « [...] in quanti varii et diversi modi gli contaminano et sofisticano coloro, che tutti insieme sottosopra li comprano ».
28 Les Commentaires de M.P. Matthiole..., livre VI, p. 553.
29 Ibid.
30 Les quatre sens attestés de pharmakon sont : 1) remède, qui permet la guérison ; 2) teinture, couleur, peinture, fard ; 3) breuvage magique, sortilège ; 4) poison. Voir Evelyne Samama, « Empoisonné ou guéri ? Remarques lexicologiques sur les pharmaka et venena », in Le Corps à l’épreuve..., p. 13-27.
31 Jacqueline Lichtenstein, La Couleur éloquente. Rhétorique et peinture à l’âge classique, Paris, Flammarion, coll. « Idées et Recherches », 1989, p. 45-63.
32 Les Commentaires de M.P. Matthiole..., livre VI, p. 553.
33 Voir note 2.
34 Discours de l’origine des Charlatans..., p. 20-21.
35 Les Commentaires de M.P. Matthiole..., livre VI, p. 554.
36 L’Erbolato de l’Arioste se présente comme le long monologue d’un marchand d’herbes fictif, Antoine de Faenza, vendant son électuaire miraculeux. Ce discours est publié en 1543 par un charlatan bien véritable, Jaccopo Coppa. Voir Ariane Bayle, Romans à l’encan. De l’art du boniment dans la littérature au XVIe siècle, Genève, Droz, THR, 2009, p. 165-182.
37 Secreti del reverendo donno Alessio Piemontese..., Venise, Valgrisi, 1555.
38 Sur la vogue des recueils de secrets, voir William Eamon, Science and the secrets of nature, Princeton University Press, 1996.
39 Les Commentaires de M.P. Matthiole..., Épître dédicatoire.
40 Ibid., livre VI, p. 586.
41 Ibid., p. 587.
42 François Dagognet, La Raison et les remèdes, 2e éd., Paris, PUF, 1984, p. 94.
Auteur
Université Jean Moulin – Lyon 3 Centre de Recherche en littérature Jean Prévost – EA 3712
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