Conclusion
p. 363-370
Texte intégral
1Si l’audience du spectacle sportif et les déviances qu’il abrite parfois procèdent d’incertitudes et d’identifications, alors faire une sociologie des supporters revenait à objectiver ces deux notions. Voilà un exercice qui aura été difficile à mener. J’ai pourtant cherché dans plusieurs directions. On pourra dès lors me reprocher de ne pas avoir suffisamment investi l’une d’entre elles. On pourra me reprocher aussi d’avoir été constamment motivé par l’ambition explicative, par la découverte de relations causales1. On me reprochera encore d’avoir traité conjointement d’une popularité et de ses débordements. Mais s’agit-il vraiment de déviances ? Pas vraiment si je me place du point de vue des groupes autonomes, des plus passionnés, des plus jeunes, des plus emphatiques. On ne peut en effet prétendre mieux comprendre le supporterisme en faisant l’économie de son registre d’actions spectaculaires, contrariantes, belliqueuses mais mêlées de provocations. Je comprendrai volontiers les critiques, essentiellement celles qui me permettront d’avancer autrement pour avancer mieux. Tout n’est cependant pas à oublier dans cette recherche.
2L’explication des mobilisations collectives dans les stades a d’abord fait l’objet d’une analyse de nature macrosociologique, globalisante : les énoncés liés à l’influence des contraintes sociales, de la généralisation des loisirs et de l’avènement des sports ont ouvert ce livre. Il ne se ferme pas sur la validité des ces hypothèses. En empruntant de larges voies à la fois déterministe et fonctionnaliste, je me suis passé d’une sociologie proche des acteurs dont j’ai cherché à comprendre une partie des activités. Mais une telle stratégie de réflexion et d’écriture avait aussi pour ambition d’amener le lecteur, progressivement, au cœur des passions partisanes et de leurs lieux d’expression. Il reste que l’essai de contextualisation n’a de valeur qu’à la condition d’en confronter les résultats aux connaissances issues de démarches plus empiriques. Que dire ? Les mobilisations collectives dans les stades de football ne peuvent être appréhendées, uniquement, comme une manifestation de nouvelles formes de socialisation comme elles ne s’inscrivent pas non plus dans la mouvance de la montée de la pratique sportive. Deux catégories de raisons le montrent. Tout d’abord, les énoncés d’une crise du liant social et d’une explosion des activités physiques et sportives restent bien difficiles à démontrer : si les grands vecteurs de socialisation évoluent cela ne signifie pas qu’ils traversent une crise. Bien sûr, les formes traditionnelles d’attachement social et de constructions identitaires subissent la « concurrence » d’un renouvellement de leurs modalités. Mais qui peut dire que l’Ecole, la famille, le travail, la religion, les médias ne contiennent plus ces expériences à l’intérieur desquelles l’individu moderne se construit et se reconstruit ? Qui peut soutenir que ces compartiments sociaux accélèrent le repli sur eux-mêmes de nos contemporains au point de les amener à trouver refuge dans les systèmes des sports ? Comme cette ficelle me paraît grosse, comme je regrette d’une certaine façon d’avoir perdu ce temps dans la phase de contextualisation. Bien qu’elle ne soit pas totalement inepte, elle crée un sentiment de compréhension mais elle n’explique pas voire peu. Certes, quelques entretiens montrent qu’être supporter apporte aux uns et aux autres de quoi souffler c’est-à-dire de quoi mettre les quotidiens (professionnels, familiaux, scolaires aussi...) entre parenthèses. Mais cela ne signifie pas que la quotidienneté est en crise. De même on sait que la participation aux expériences de provocation, d’intimidations et de violences attribuent temporairement une sorte de « supplément identitaire » chez certains autonomes. Toutefois, encore, cela ne signifie pas que ces jeunes partisans (le plus souvent) vivent une crise sociale en dehors de leur pratique supporteriste. On doit plutôt avancer l’hypothèse interprétative selon laquelle le supporterisme trouve son terrain fertile dans la dimension festive et événementiel qui l’accompagne ; on peut aussi ajouter qu’être supporter relève d’une espèce de tradition sinon d’habitude. Entres autres. Je ne crois pas que les significations du supporterisme s’éloignent franchement de celles qui entourent d’autres pratiques sociales : ce n’est pas parce que la partisanerie sportive appartient au domaine de la passion que l’intrigue sociologique qu’elle soulève se détache du registre des actions. L’essai de contextualisation contenait également l’idée selon laquelle la mobilisation des spectateurs repose sur une popularité croissante des pratiques sportives, sur un « âge du sport ». Là encore, rien n’est moins sûr : on ne peut effectivement soutenir que l’audience du spectacle footballistique illustre une augmentation généralisée des intérêts individuelles pour le sport, comme pratique et comme spectacle. Mais la timidité d’une telle hypothèse ne réside pas seulement dans l’hétérogénéité des popularités attachées à telle ou telle activité des systèmes des sports : il faut aussi s’interroger sur la validité des données comptables sur lesquelles on s’appuie pour caractériser l’affluence des différentes pratiques. L’architecture de la construction statistique relative aux sports pose effectivement problème, notamment en raison des techniques d’investigation utilisées et de la jeunesse de cette fonction statistique2. Quant au bilan comptable propre aux niveaux de pratique des spectacles sportifs, on ne dispose à ce jour d’aucune source officielle sinon celles qui seraient produites au cas par cas et présentées dans les presses spécialisées. Tout cela reste fragile et empêche d’interroger sérieusement la relation causale entre la popularité d’une pratique sportive (fédérale ou non) et celle de sa mise en spectacle, qu’elle soit assurée par une élite ou non. Qui peut affirmer que les taux de pratique constituent un déterminant de l’audience du spectacle sportif ? Pourquoi ne serait-ce pas l’inverse ? Ne serait-ce pas une relation causale à double sens ?
3La vérité est que l’intrigue du supporterisme ne peut être levée à l’aide d’interprétations globalisantes, de celles qui concernent sans distinction tous les partisans de quelque stade qu’ils soient. Le supporterisme, c’est-à-dire la face la plus théoriquement formalisée de l’audience du spectacle sportif et de ses débordements, n’a rien à voir avec l’idée d’une nostalgie ou d’une résistance. Il n’est pas non plus l’expression d’un âge des loisirs en général et des sports en particulier ; sur ce point de récentes enquêtes montrent même le caractère limité de l’hypothèse d’un avènement des loisirs3. Il fallait bien se tourner vers davantage d’empirie, se rapprocher des tribunes et je ne crois pas que la circonscription du terrain aux situations lensoises et lilloises puissent être discutable dans la démarche. Je ne crois pas que les « petites histoires » de cet ouvrage soient si petites que cela, qu’elles ne représentent que le détail d’un « sol raboteux » apportant peu de crédit au chercheur puisque « la perte de lucidité est un gain d’envergure »4. Il n’y a pas de relation de causalité suffisamment démontrée entre nos généralisations fondées sur des hypothèses post factum et les mobilisations des supporters, il n’y a d’ailleurs pas de réel intérêt heuristique à vouloir nécessairement exposer de grandes théories de la popularité des sports et des violences qu’elle dissimule. Je suis ennuyé de constater que l’on peut d’un côté souligner la trajectoire irrégulière d’une « grande » explication (par exemple celle du procès de civilisation) et, de l’autre, continuer à surtout en véhiculer des résultats qui la confirment (par exemple celui qui voit dans l’absence de conflit armé une condition de la popularité des sports et de leurs violences dans le « monde occidental »)5. Le « modèle » d’analyse retenu ici montre plutôt que les mobilisations dans les stades ne sont pas déterminées par telle ou telle « grande cause », ne sont pas l’addition de rôles déjà plus ou moins écrits. Les supporters agissent selon des logiques plus ou moins rationnelles et contraignantes, ils sont des acteurs parmi d’autres et leurs comportements restent aussi influencés par l’action d’autres personnes. Socialement constituées, intentionnelle et orientée par des valeurs relevant de plusieurs registres, les activités de ces passionnés ne pouvaient être comprises qu’à l’aide de multiples éclairages. Si supporter une équipe de football correspond à une activité sociale qui n’a pas d’unité, ce n’est pas seulement parce que le public des tribunes est hétérogène sociologiquement ; d’autres influences ont été découvertes. Elles nous viennent des configurations sociales et culturelles des villes abritant les stades et les spectateurs, de l’histoire des clubs, de leurs ressources financières, du confort offert aux clients que sont les partisans, des politiques de gestion et d’organisation du supporterisme, de son inscription dans les plis sociaux c’est-à-dire dans plusieurs générations, de ce que vivent les passionnés en dehors de leur pratique, de ce qu’ils vivent pendant leur engagement. Je dois souligner en quoi la combinaison de ces diverses influences donne davantage de sens aux conduites des supporters, aux raisons qui se muent en passions.
4Le lecteur a pu constater combien certaines caractéristiques de l’environnement des lieux de mobilisation – et de vie – des supporters permettaient de participer à la compréhension du goût pour le spectacle sportif. En tant qu’elles conditionnent plus ou moins directement la configuration d’un tissu associatif, les municipalités par exemple jouent un rôle dans les socialisations récréatives d’un grand nombre de personnes. Même si un espace de sociabilités dense et hétérogène ne conduit pas nécessairement les acteurs à s’y engager6, le fait est qu’il y a moins d’occasions d’occuper son temps libre à Lens qu’à Lille (je veux dire dans une association sportive et autrement récréative)7. Un tel déterminant reste cependant limité puisque tous les spectateurs ne résident pas à Lens. Par ailleurs et à l’inverse de ce que l’on a observé à Lille, le stade de Lens se situe dans la ville comme l’essentiel des voies qui y mènent restent jalonnées de cafés. Ces derniers constituent, nous l’avons vu, un espace populaire chez les supporters qui y trouvent de quoi attiser et/ou réparer leur passion. Mais l’emplacement du stade n’explique pas tout : les deux rénovations apportées au stade Bollaert depuis le début des années 1980 ont participé à l’activité supporteriste. Cette donne montre d’une certaine façon l’implication, conséquente, des politiques lensois dans la vie du football au plan local. Peut-on en dire autant pour ce qui concerne la situation lilloise ? Au moment des enquêtes au moins, le terrain lensois amenait en fait plus facilement une partie des populations locales à Bollaert que l’environnement lillois vers Grimonprez-Jooris. Mais si la configuration des réseaux de supporters diffère autant d’un club à l’autre, c’est aussi parce qu’ils procèdent de dynamiques organisationnelles plus ou moins efficaces. Bien sûr la santé financière d’un club explique l’état des mobilisations, comme l’emplacement d’un stade et son capital d’accueil. Je ne peux pourtant pas affirmer que le club central des partisans lensois doit d’abord son efficacité à de telles variables, et je ne dispose pas de preuves irréfutables montrant le poids des tissus socioculturels environnant les sections. Tout cela explique certes. Je crois toutefois qu’il faut s’approcher au plus près des objets dont on cherche à examiner le « fonctionnement », c’est la raison pour laquelle il convenait d’expliquer l’efficacité de l’organisation lensoise en se préoccupant de la politique de ses dirigeants et des rapports qu’ils entretiennent avec les membres des sections. N’ai-je pas montré combien le club lensois entretenait de relations avec les membres des sections de supporters ? N’ai-je pas montré que leurs responsables s’inscrivaient dans la structure de concurrence installée par les dirigeants du RCL ? N’ai-je pas montré que ces derniers avaient associé l’histoire économique et sociale locale à l’image du club, de ses professionnels, de ses supporters, de ses sponsors même ? Pourtant si le club peut s’appuyer sur un organe de supporters satisfaisant les attentes et/ou les précédant, si il attire les foules dans les tribunes et les sections, je reste convaincu qu’il le doit à une combinaison de facteurs plus ou moins « calculés ». Les dirigeants du RCL sont-ils les premiers responsables de l’absence de concurrence sur le marché régional des spectacles sportifs ? Les difficultés rencontrées par le LOSC et la plupart des clubs de la région (qu’ils appartiennent au monde du football ou pas) ont sans doute favoriséla popularité du ballon rond à Bollaert, comme celle-ci n’a pas facilité le redressement de l’audience des organisations en crise ou en reconstruction.
5L’idée que l’audience du spectacle footballistique procède d’une combinaison de facteurs se vérifie évidemment au niveau du terrain lillois, c’est-à-dire lorsque la popularité demeure limitée. L’imprécise politique lilloise en direction des sections de supporters et des spectateurs en général n’explique pas tout, les difficultés financières non plus, l’offre locale d’occupations des temps libres non plus, la timide implication municipale non plus. Ce qui est intriguant dans la compréhension de la dimension quantitative du supporterisme tient à la hiérarchie des déterminants, ce qui est intriguant se trouve dans l’organisation et la dynamique des déterminants. Qui peut dire « le football est populaire parce que » à la lecture de cette recherche ? Autrement dit, qui peut énoncer un modèle explicatif ici ? On ne peut guère rendre compte de façon générale du goût de nos contemporains pour le spectacle du football à Lens, à Lille et ailleurs ; il en va de même sans doute pour ce qui concerne le spectacle sportif en général. Mais tout cela vaut aussi lorsque nous parlons de débordements dans et autour des stades : il n’y a pas une raison, il n’y a pas la raison. A ce titre, je n’ai d’ailleurs pas cherché à expliquer causalement les violences entre supporters pour attribuer des responsabilités. Expliquer les heurts entres partisans est un exercice difficile pour le chercheur, surtout si on lui demande de proposer un avis définitif ; il en va de même pour ce qui concerne l’audience du spectacle sportif. Il se complique dès lors que les rationalités liées aux engagements individuels se combinent et se superposent parce qu’il n’existe pas une homogénéité des formes de groupement, parce qu’un supporter peut passer d’un état à l’autre, parce que les attitudes des uns et des autres sont toujours produites dans l’interaction. Donner l’origine de l’existence même du processus des violences revient finalement à rappeler que l’organisation de la vie sociale engendre et appelle la déviance. Il faut sans doute davantage de compréhension, c’est-à-dire d’entretiens plus compréhensifs encore, et biographiques peut-être pour comprendre autrement. Pour comprendre mieux. L’étiologie des violences de supporters entraîne inévitablement le sociologue dans le doute. Il en va de même pour ce qui concerne les raisons du succès du spectacle offert par les footballeurs professionnels.
6Par ailleurs comme les goûts « sont le produit d’une rencontre entre des biens et un goût »8, tout ne s’explique pas en fonction de ce qui permet de satisfaire les attentes. Il faut s’écarter de l’image d’un acteur en liberté surveillée, déterminée ou hautement façonnée par l’environnement de ses activités sociales. Les déterminants du supporterisme -que je parle de popularité ou de déviances- ne peuvent être uniquement ces biens que sont les clubs, les dirigeants, les politiques municipales, les actions des forces de l’ordre ou celles des groupes de supporters liés aux équipes adverses. C’est en réalité l’action des supporters qui rend tout cela déterminant. Qu’elles soient organisées ou non, officielles ou autonomes, les conduites des supporters ne peuvent être rangées dans une seule catégorie interprétative. Les entretiens et les observations l’ont montré, être supporter revêt des significations hétérogènes et kaléidoscopiques. Etre supporter appartient bien évidemment au monde du spectacle sportif, à ses résultats et les différents types de personnes qui s’y trouvent. Mais tout ne se joue pas dans les gradins et sur le terrain. Pour certains passionnés c’est plutôt ce qui se passe avant ou après le match qui prime, c’est se retrouver entre amis dans un café ou faire la fête par exemple. Le lecteur a compris tout ceci et il sait que cela n’a rien à voir avec une existence dénuée de relations sociales, de temps de fêtes. Il n’y a pas nécessairement d’équivalence fonctionnelle. Pour que le supporterisme se développe il faut cependant que plusieurs conditions soient réunies, il faut que s’installe autre chose et qui concerne ce que les supporters auront à mettre en commun à un moment ou à un autre de leur activité. Mais certains passionnés trouvent grand intérêt à vivre des situations dans lesquelles ils ne partagent rien avec les autres, ni avec eux-mêmes parfois. Ils s’oublient dans une activité récréative et viennent chercher cet oubli quand d’autres, les plus nombreux, viennent chercher ce qu’ils ne trouvent que dans l’activité de supporter. On peut reproduire ce point de vue s’agissant des « violences » entre supporters.
7Il y a effectivement plusieurs formes de débordements : ceux que les supporters travestissent pour participer au jeu de la provocation, ceux qu’ils utilisent comme une ressource pour eux-mêmes et/ou pour leur groupe, ceux dans lesquels ils s’engagent pour vivre des émotions proches du risque. Comme il n’existe pas une cause de la popularité du spectacle sportif, les heurts entre supporters n’ont pas à être rangés dans une interprétation unique. Ils procèdent eux-aussi de déterminants locaux, organisationnels, structurels mais se construisent également en dehors de l’activité supporteriste. Les conditions de la passion, qu’elle soit plus ou moins proches des normes comportementales partagées par le plus grand nombre, sont d’abord accrochées aux existences individuelles. Qu’est-ce que le supporterisme, quelle est l’intrigue de ce phénomène contemporain ? Pour la découvrir il faut chercher du côté de ce que les supporters vivent quand ils ne sont pas supporters, quand ils le sont, quand ils s’y préparent, quand ils s’en échappent pour quelques temps. Je me suis concentré sur ces personnes et sur ce qui les fait agir, j’ai démontré alors que la passion du football ne venait pas combler une sorte de vide social ou remédier aux ratés de la socialisation : soutenir une équipe selon telle ou telle modalité n’a d’ailleurs pas forcément d’autre fonction que le fait de croire en quelque chose, que le fait de vivre quelque chose pleinement et en liberté. Ce ne sont pas les acteurs « en crise » qui se mobilisent le plus ou qui sont les plus « violents », tous les supporters ne le sont pas pour ressentir ce que leur quotidien ne leur apporte pas ou plus.
8Que de doutes et d’incertitudes au terme de cette recherche, que de pistes inexplorées. Tout cela est d’autant plus vrai que le phénomène supporteriste évolue, que les passions individuelles changent avec leurs environnements, que la médiatisation du football s’accélère, que les joueurs participent de moins en moins au jeu de l’identification et que la pratique du football elle-même écarte toujours plus les amateurs des professionnels9. Tous ces vecteurs compliqueront la tâche des futurs chercheurs soucieux de questionner les activités des supporters qu’ils soient de Lens, de Lille et d’ailleurs. A moins que, à moins que cet ouvrage ne permette d’entrer moins difficilement dans un monde complexe où l’apparente gratuité des conduites cache tout un réseau de rapports plus construits. La démarche utilisée n’a pas nécessairement à être confinée au petit monde des supporters de Lens et de Lille. Elle pourrait même s’avérer pertinente dans la compréhension d’objets considérés comme triviaux. Peut-être le sont-ils en raison de leur inscription dans les temps libres, c’est-à-dire ces temps non contraints et peu formalisés « vus de l’extérieur ». Pourtant, et cette étude sur les supporters le montre, des engagements supposés gratuits ne le sont pas du point de vue de ceux qui s’y adonnent. Comment pourrait-il en être autrement puisque tout cela relève bien souvent du registre de la passion ? Sans doute faut-il y voir le peu de profit que l’on retire lorsque l’on décide de s’y intéresser.
9Cambrai, le 3 avril 2003.
Notes de bas de page
1 J’entends tout le bien fondé d’une littérature « sceptique à l’égard de l’explication », déstabilisante dans ses « spéculations explicatives », mensongère parce que ce qu’elle croit éclairer s’obscurcit. Mais je tiens ici à rappeler que le sens même de cet ouvrage n’appartient pas en totalité à la dimension heuristique, à la démarche scientifique liée aux phénomènes supporteristes : ce livre est aussi un premier livre, le premier résultat d’une trajectoire professionnelle et en quelque sorte la photographie d’un savoir à un moment donné. Rien ne dit que je ne suis pas conscient des « défauts » dans ma méthode, dans mon écriture, dans ma compréhension, dans mon interprétation, dans mon organisation. Tout cela va, je le souhaite, évoluer. Je sais que tout cela doit évoluer. A propos de ce qui sépare la description de l’explication mais en voulant m’éloigner du point de vue de Raymond Boudon dans La logique du social, cf. François Laplantine, La description ethnographique, Paris, Nathan, coll. 128, 2000 1996), chapitre 8.
2 Cf. Brigitte Belloc, « La statistique au ministère des Sports », Courrier des statistiques, n° 103, 2002, p. 33-39.
3 Cf. Alain Chenu, Nicolas Herpin, « Une pause dans la marche vers la civilisation des loisirs ? », Economie et Statistique, n° 352-353, 2002, p. 15-37.
4 Sur l’abus des généralisations et les généralisations abusives, cf. Bernard Lahire, L’homme pluriel. Les ressorts de l’action, Paris, Nathan, 2001 (1998), p. 241-254.
5 Cf. Eric Dunning, « Culture, civilisation et sociologie du sport », Les Cahiers de la sécurité intérieure, déjà cité. Le fait d’interroger conjointement l’audience et les déviances attachées aux spectacles sportifs n’assure pas le chercheur contre les problèmes d’interprétation. Me voilà averti.
6 Cf. Michel Forsé, « La fréquence des relations de sociabilité : typologie et évolution », déjà cité.
7 On a pu le voir dans la section consacrée à l’interrogation de la répartition géographique des sections, il n’y a pas plus d’associations récréatives à Lens que dans une cité de moins de 10000 habitants (selon un échantillon de vingt villes de la région Nord – Pas-de-Calais). Dans les chiffres au moins, la politique municipale lensoise privilégiait les loisirs sportifs (60 % des associations récréatives sont des associations sportives).
8 Cf. Pierre Bourdieu, « La métamorphose des goûts », déjà cité, p. 162.
9 Sur la complexité du football comme pratiques et comme spectacles, cf. Didier Demazière et Williams Nuytens (dir.), « Un monde foot, foot, foot ! ». Panoramiques, n° 61, 2002.
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