Le rugby féminin : un rugby à part entière ou un monde entièrement à part ?
p. 151-174
Texte intégral
1« Gina est délicieuse en tenue de Pinsonnette. Un béret basque, un maillot noir orné d’une feuille d’acanthe, une culotte courte, des bas rouges et des gros souliers. Le maillot et la culotte laissent apercevoir des bras et des jambes, sans doute un peu robustes, mais point déplaisants »1. L’héroïne de ce feuilleton hebdomadaire des années vingt illustre le paradoxe passé et actuel du rugby féminin oscillant entre le respect voire les mimétismes de la pratique masculine et la revendication d’une identité féminine. En effet, si l’équipement constitue l’artifice d’une identification au rugby des hommes, l’imaginaire social rappelle que la joueuse doit rester une femme délicieuse. Dans ces conditions, la question du statut du rugby féminin dans un jeu culturellement ancré dans les traditions masculines devient une source de réflexion particulièrement légitime pour penser les particularismes du monde du rugby.
2Si le rugby est un monde à part, quelle est la place des femmes dans ce jeu ? La pratique féminine peut-elle être considérée comme un rugby à part entière dans un milieu cultivant la spécificité de ces particularismes sociaux, culturels voire sexuels ? La spécificité du combat corporel, l’exaltation des valeurs de virilité, les débordements festifs du jeu semblent des conditions antinomiques à une participation des femmes à ce jeu. Pourtant, la réalité montre une féminisation de la pratique. En dix ans, le nombre de licenciées à la Fédération Française de rugby est passé de 1103 à 4179 joueuses2. Au regard des chiffres et de son statut institutionnel, le rugby féminin semble donc une pratique fédérale à part entière. Néanmoins, ce constat n’objectivant qu’une forme d’intégration à la communauté rugbystique, il convient de réfléchir à propos des stratégies mises en œuvre par ces rugbywomen pour pérenniser leur pratique dans ce milieu. Conscientes d’une nécessaire identification aux valeurs du jeu, les femmes ne cultivent-elles pas pour autant des différences pour exister dans ce monde ? Dans ces conditions, le rugby féminin n’est-il pas aussi un monde à part ? Les formes d’accès au jeu, les enjeux liés à sa pratique, leurs singularités physiques et culturelles ne sont-ils pas des facteurs entretenant la particularité d’un rugby féminin ?
3Au regard de ce questionnement, il conviendra de montrer que si les prémisses d’un rugby féminin s’appuient sur la structuration d’une pratique particulière la barrette, la logique de développement suivante montre une volonté des joueuses d’intégrer à part entière la communauté rugbystique. Toutefois, dépendante de la réalité d’une population de joueuses culturellement singulière, cette stratégie d’intégration ne se traduit pas par une seule logique de conformisation. Le rugby féminin entretient des particularismes s’objectivant dans l’identité des joueuses ainsi que dans les logiques de formation et d’entraînement mises en œuvre.
4Dans un premier temps, nous observerons les conditions historiques d’émergence et de développement du rugby féminin pour comprendre l’ambivalence d’une pratique originellement singulière qui s’institutionnalise progressivement dans le monde fédéral à la fin du XXe siècle. L’observation historique de cette évolution nous conduira ensuite à analyser la spécificité culturelle de cette pratique à travers une typologie de ces pratiquantes et des motifs de leur investissement. L’identification de ces singularités culturelles nous permettra de dégager des orientations de formation conformant les joueuses aux particularités fondamentales du rugby tout en respectant leurs spécificités. Enfin, à partir du récit d’une expérience de club, nous montrerons une dynamique de gestion et d’entraînement d’une équipe féminine pour les intégrer à part entière dans le monde du rugby tout en cultivant l’image d’une pratique entièrement à part.
De la barrette au rugby féminin fédéral
5Si la course de W. Webb Ellis en 1823 et la rédaction d’un premier règlement du rugby par les élèves du collège de Rugby3 en 1845 sont les premières formes d’institutionnalisation du jeu, il faut attendre près d’un siècle pour observer une pratique féminine identique. En effet, c’est au début des années 1920 que la barrette féminine se développe dans le milieu sportif français. Par conséquent pour saisir la réalité de ce rugby euphémisé, nous en observerons les caractéristiques en montrant qu’il s’agit d’un jeu spécifique se situant aux frontières du rugby masculin. La mise en évidence du caractère spécifique de cette pratique nous permettra d’identifier les premières raisons de sa singularisation dans le monde du rugby. La compréhension des conditions d’émergence de la barrette nous conduira enfin à analyser les enjeux liés à sa difficile institutionnalisation dans une fédération culturellement masculine.
La barrette : un rugby aux frontières du monde masculin
6Après des expériences individuelles et isolées dans les domaines de l’alpinisme ou du cyclisme4, les femmes du début du XXe siècle s’engagent dans une gestion autonome et originale de leur pratique sportive. La création de sections féminines de gymnastique (Enfants du Havre en 1900) puis la fondation de l’Union Française de gymnastique féminine (1912) constituent les premières formes particulières d’organisation du sport féminin. Parallèlement, d’autres groupements féminins tentent d’accéder à une libre pratique compétitive des sports athlétiques. La fondation de la Fédération des Sociétés Féminines Sportives de France en 1917 caractérise les débuts d’une organisation sportive féminine. C’est dans ce contexte que les premiers jeux de balle féminins se développent à l’image de la pratique du football association dont le premier championnat officiel est organisé lors de la saison 1918-19195.
7Au cours de la même période, les sociétés féminines s’initient à la barrette avec la bienveillance de la Fédération Féminine et Sportive de France. Mais la pratique reste sous surveillance... En effet, la Présidente Mme Milliat donne son accord pour la pratique de la barrette à condition qu’elle ne dépasse pas les forces physiques de la constitution féminine6. Décrite par la Doctoresse Marie Houdré comme un « jeu vif, animé, très varié, sans brutalité et qui convient admirablement au tempérament de nos jeunes françaises »7, la barrette semble répondre aux précautions eugéniques de la société française au contraire du rugby. Certains considèrent que les techniques rugbystiques sont peu adaptées aux caractéristiques physiologiques des femmes et des jeunes filles. « Tout plaquage entraînant une chute est un danger grave pour les organes internes de la femme, dont le rôle naturel est la maternité. Cette lutte rude, ce talonnage spécial, ne semblent pas faits pour le sexe faible »8. Dès lors, en interdisant le dribbling (pour préserver les joueuses des dangers de bousculades inhérents à son arrêt) et en limitant le plaquage9, la barrette réduit au minimum les possibilités d’affrontement corporel pour valoriser les situations de courses et de passes10. « Le plaquage interdit, les dimensions du terrain et la durée du jeu diminuées, les mêlées transformées, les championnes abandonneront donc les moyens brutaux. Leurs mouvements jouiront alors de toute leur grâce, la souplesse, l’élégance, qui sont leurs caractéristiques naturelles et que la foule acclame »11. La barrette est donc un jeu de balle ressemblant au rugby sans être véritablement du rugby. L’organisation du combat est d’ailleurs significative de cette illusion. Les femmes peuvent combattre mais à distance, comme le montre la réglementation de la technique de la mêlée fermée. La mêlée est jouée seulement avec deux joueuses (une de chaque camp) qui se place sur le lieu de la faute à deux mètres l’une de l’autre et celle qui appartient au camp fautif envoie le ballon dans les bras de l’adversaire par un tout petit coup de pied donné au ballon posé à terre12.
8Malgré tout la volonté de différenciation n’est pas totale. Le désir de faire partie ou de se rapprocher de la réalité du monde rugbystique masculin reste latent. Ainsi pour les sportives confirmées, une barrette plus athlétique est proposée. De sept joueuses sur un terrain d’une dimension de 60 sur 45 mètres, le jeu passe à une opposition à douze sur un espace de 80 sur 55 mètres. Outre l’augmentation du nombre de joueuses et l’agrandissement du terrain plus conformes au type de jeu masculin, cette forme de barrette intègre des techniques identiques aux hommes. Les joueuses peuvent utiliser les coups de pied de volée et surtout elles réalisent des mêlées opposant cinq joueuses. Même s’il est interdit de pousser et de disjoindre les lignes adverses, la composition en deux lignes (une première avec trois avants dont une joueuse centrale qui talonne et une deuxième ligne avec deux joueuses) est identique à celle des hommes. Cette référence au jeu masculin n’est pas unique. En plus de comparer des joueuses, les journalistes reconnaissent des propriétés identiques entre le rugby masculin et la barrette féminine. Celle-ci « développe la rapidité de coup d’œil et de décision, la précision des gestes, la vitesse de la course (...) L’esprit d’équipe qui est en somme une première forme de l’esprit social »13. Ainsi, sans dénaturer les belles qualités féminines, le jeu développe des qualités et des valeurs identiques. Cultivant des formes et des valeurs à la fois conformes et différentes au rugby masculin, la barrette se développe et s’expose dans la capitale sous l’impulsion de Mlle Suzanne Liébrard, Mlle Jeanne Brulé ou Melle Marguerite Curabet. D’ailleurs, le 2 avril 1922, deux équipes de Fémina Sport14, font une démonstration publique du jeu au stade Élisabeth à Paris, en présence de M. Strauss, ministre de l’Hygiène. « Moins violent que le football (rugby) dont il est issu et comme tout celui-ci il connaît des triomphes »15 . Les photos de l’époque témoignent d’un certain engouement populaire pour la barrette, suscitée tout à la fois par la curiosité du spectacle sportif et les qualités esthétiques du jeu. Par conséquent aux frontières d’un rugby masculin connaissant son âge d’or, les équipes de barrette féminine se développent dans la capitale puis dans les villes de province. Dans la région parisienne, les « Hirondelles », « Nova Fémina » et les « Cadettes de Gascogne »16 concurrencent progressivement la domination de l’équipe Fémina Sport. L’extension géographique se poursuit par la création de clubs provinciaux comme « Tolosa Fémina Sports », l’ASPTT de Nancy, Fémina Sports Quillanais ou le Lille Rugby Athlétic Club. Sur les bases de ce développement provincial du jeu une compétition nationale de barrette féminine se met alors progressivement en place. Cependant, la diffusion du jeu n’est pas identique à celle la pratique masculine. Alors que l’élite tend à se déplacer vers le sud de la France17 en limitant sa percée dans le Nord de la France à Compiègne (club exsangue après la première guerre mondiale), la barrette féminine met en valeur une équipe nordiste. En 1924, l’équipe du Lille Rugby Athlétic Club conquiert le titre de champion de France18 avec à sa tête Mme Labrousse-Halsey19 (journaliste sportive et demi d’ouverture) et les sœurs Jacquet20. Ce premier titre est singulier dans l’histoire du rugby nordiste et positionne un peu plus le rugby féminin à part de la réalité culturelle de la pratique masculine. Ce rugby est bien différent puisqu’il voit la supériorité de Nordistes alors qu’historiquement (si ce n’est pas idéologiquement) la pratique reste l’apanage de sudistes. Depuis 1900, les titres de champion de France ne sont-ils pas remportés exclusivement par des équipes sudistes ? Et l’équipe de France n’est-elle pas composée de parisiens et de sudistes ? Indépendamment du caractère partisan et subjectif de ces considérations, l’implantation d’une pratique féminine forte peut s’expliquer à la fois par un espace de liberté favorable à l’expression d’une telle pratique et par la position sociale et culturelle de ces femmes dans le monde sportif lillois21. L’état d’organisation des pratiques sportives dans la région lilloise, la proximité de la culture parisienne combinée au statut de ces pionnières (journaliste sportive ou membre de familles aisées et culturellement sportives) favorisent cette implantation rugbystique au détriment des hommes dont le statut et l’influence (économique, politique ou culturelle) restent mineurs. Ainsi par sa diffusion géographique au cours des années vingt, le rugby féminin donne déjà des signes d’un monde particulier par rapport à la démocratisation du rugby masculin. Malgré ce développement singulier, la diffusion du rugby féminin rencontre tout un ensemble d’obstacles, qui le condamnant à disparaître à la fin des années vingt. À l’image du football féminin22, la persistance des représentations d’une femme maternelle faite pour procréer, le devoir d’être belle gracieuse renforcent l’hostilité envers ce type de pratique féminine apparemment disgracieuse et virile. La rupture des relations rugbystiques avec la Grande-Bretagne et la crise économique et sociale (conduisant à des restrictions budgétaires et à un retour à des activités plus traditionnelles) des années 1930 portent un coup fatal et définitif au rugby féminin. Le 7 mars 1929, l’organisation d’un match féminin en lever de rideau de la rencontre opposant le XV Paris à l’Armée Française au Stade Jean Bouin constitue l’un des derniers signes de cette excroissance disgracieuse pour les dirigeants fédéraux. Ainsi au cours des années 1930, si le rugby doit avoir un intérêt pour la femme c’est qu’il « a la force de conduire cet être mobile, impulsif, nerveux qu’est la femme à passionner celle-ci par son beau jeu »23. Elles constituent une bonne clientèle capable de « crier, s’insurger, abreuver l’arbitre de mots choisis », motivées par l’envie de « voir des hommes forts... de voir des hommes se manger le gésier »24. Dans le monde du rugby, la place de la femme est donc reléguée dans les tribunes et l’accès au terrain est seulement réservé aux hommes. Jusqu’à la fin du XXe siècle, l’article 101 du règlement de l’International Board ne stipule-t-il pas que tous les joueurs présents sur un terrain de rugby doivent être impérativement du même sexe et que celui-ci doit être impérativement masculin ?
Vers une lente et difficile institutionnalisation fédérale
9Après une mise en sommeil d’environ trente ans, des pratiques informelles semblent s’organiser de manière ponctuelle. À l’occasion de journées sportives de clubs omnisports ou lors d’actions caritatives, les femmes tentent à nouveau de s’immiscer dans le monde du rugby. Toutefois, comme l’observe N. Biè25, ces pratiques sont mixtes en opposant de manière amicale et festive des anciens et des jeunes joueurs. En 1965, les lycéennes de Bourg en Bresse organisent un match au profit de la lutte contre la faim dans le monde. Les deux équipes sont constituées par des femmes encadrées par des juniors et seniors de l’Union Sportive Bressane26. Dans la continuité et d’une manière identique au football féminin27, des rencontres rugbystiques s’organisent par voie de presse en utilisant le canal du Midi Olympique. Sur la base de cette bourse aux matches, des équipes féminines se réunissent pour jouer voir s’entraîner. En 1966, les équipes de Châteaurenard et de l’ASV Lyon se constituent avant les Oursonnes de Tarbes, les Violettes de Bourg en Bresse et le Fémina Sport de Toulouse l’année suivante28. Si les instances olympiques semblent, à priori, favorables au développement d’une telle pratique, ce n’est pas le cas des dirigeants de la Fédération Française de Rugby. « Peut-être ces messieurs déploreront-ils que les femmes n’y jouent pas. En effet, quel dommage ? »29.
10En effet, alors que l’Association Française de Rugby Féminin (AFRF) est créée en 1969, elle reste à l’écart de la « toute-puissante » Fédération Française de Rugby (FFR), dont les membres purement « masculins » considèrent cet amusement féminin comme malsain. Cette position institutionnelle est même relayée par les pouvoirs publics qui condamnent fermement cette pratique. « Mon attention a été appelée sur le développement du rugby féminin. Je pense que le rugby, sport de contact exigeant des qualités d’endurance, de robustesse foncière et de virilité, est contre-indiqué pour les jeunes filles et les femmes pour des raisons physiologiques évidentes. En outre, il semble bien que les organisateurs des rencontres de rugby féminin recherchent – comme avec le catch féminin – à faire passer le plus de monde possible par les guichets des stades en misant, avec succès d’ailleurs, sur une curiosité assez malsaine (...) Il est évident que cette pratique présente dès lors des dangers sur le plan physique et sur le plan moral. Aussi je vous demande instamment de ne pas aider, ni à plus forte raison patronner, les équipes de rugby féminin »30. Reprenant l’idéologie et les représentations de la fin des années vingt qui avaient mené à la disparition du rugby féminin, les politiques relayent une conception fédérale surannée de la pratique sportive féminine. Si les instances fédérales rugbystiques tiennent les femmes à distance pour un temps, le mouvement ne périclite pas. S’inscrivant pleinement dans un contexte social et culturel de la fin des années soixante où les femmes revendiquent le droit à des activités sportives tradition-nellement masculines, les rugbywomen s’engagent dans une lente et difficile institutionnalisation de leur pratique.
11Dépassant la logique festive inhérente à cette reprise sportive31, les membres de l’AFRF organisent un premier championnat officiel de rugby au cours de la saison 1971-1972. La pérennisation de la compétition s’avère difficile au regard de la fluctuation importante des équipes engagées. De 35 équipes inscrites pour 1972-1973, le championnat ne regroupe que 16 clubs lors de la saison 1977-1978. La diffusion d’un jeu féminin est rendue d’autant plus difficile que la fédération ignore totalement les pratiquantes, à l’opposée du monde footballistique. En créant dès le 28 mars 1970 une commission d’étude chargée de l’organisation nationale du football féminin, la Fédération Française de Football institutionnalise la pratique féminine. En rugby, la barrière entre les deux mondes est beaucoup plus tranchée. « Les femmes ont le droit de faire ce qu’elles veulent. Moi, je suis pour les femmes, surtout dans la 3e mi-temps. Le rugby est un jeu viril. Une femme n’y est pas à sa place. Je préfère celles qui sont caressantes et peu viriles »32. Toutefois, la pression politique s’inversant en reconnaissant le droit des femmes à des pratiques égalitaires, le rugby féminin s’engage dans la voie d’une lente et difficile institutionnalisation. Après une première reconnaissance comme organisme affinitaire de la FFR en 1979, l’AFRF obtient son agrément par le Ministère de la Jeunesse et des Sports en 1983. Puis la conjoncture sportive marquée plus particulièrement par la nécessité d’une augmentation du nombre de licenciés conduit les hommes de la fédération à introniser les femmes en leur sein. Ce monde, si particulier, rentre enfin dans la grande famille du rugby en 1988. En effet, le potentiel représenté par les joueuses apparaît comme le moyen de réaliser les objectifs fédéraux d’élévation des effectifs33 et de répondre à la politique sportive égalitariste impulsée par la loi Avice de 1984. L’institutionnalisation nationale de la pratique féminine s’accompagne également d’une reconnaissance internationale du jeu. Après l’organisation officielle d’un premier match international contre la Hollande à Utrecht, en 1982, les membres de l’AFRF participent à la mise en place de compétitions internationales. En 1991, une première Coupe du Monde de rugby féminin est organisée officieusement à Cardiff avant que la compétition de 1998 à Amsterdam marque son officialisation institutionnelle.
12D’un monde à part, le rugby féminin devient une partie prenante du rugby national et international. L’élection de Wanda Noury au Comité Directeur de la FFR en 1995 constitue une affirmation forte de cette nouvelle identité institutionnelle. Profitant d’une politique sportive revendiquant l’égalité des sexes et la parité dans le mouvement sportif, le rugby féminin renforce sa position statutaire en identifiant sa pratique aux normes du mouvement sportif34. En effet, au début du XXIe siècle, le Ministère de la Jeunesse et des Sports inscrit pour la première fois des joueuses de rugby sur les listes de Haut-Niveau (2000) tout en nommant un entraîneur national chargé du développement du rugby féminin en la personne de Jacky Bonnieu-Devaluez (le 1er janvier 2002). L’instauration d’une épreuve de rugby féminin au Certificat d’Aptitude au Professorat d’Éducation Physique et Sportive (CAPEPS) par le Ministère de l’Éducation Nationale à partir de 2002 relève du même processus d’institutionnalisation. Ainsi, en se parant de signes institutionnels reconnus, le rugby féminin semble rapprocher son monde des modèles proposés par le mouvement sportif fédéral. Mais si ce rugby est institutionnalisé comme un sport, il n’est pas sûr que la pratique féminine ne soit pas encore et toujours un monde singulier dans le rugby des hommes.
Les particularités féminines d’une culture rugbystique spécifique
13Du passage de la barrette à l’institutionnalisation du rugby féminin, les femmes montrent une volonté très nette de faire reconnaître leur pratique comme un jeu à part entière. Si les débuts du jeu mettent en évidence une nécessité sociale et culturelle d’adapter les contraintes du rugby aux caractéristiques physiques et morales de la population féminine, l’institutionnalisation du jeu à la fin du XXe siècle témoigne d’une forte indentification aux normes fédérales et sportives, légitimant un rugby féminin à part entière. Mais l’assimilation nécessaire de ces normes n’exclut pas une accommodation spécifique de celles-ci. En effet, les discours portés sur ce jeu ainsi que la spécificité de la population de joueuses sont significatifs d’une pratique cultivant des particularismes discriminants. L’analyse de certains discours à propos du rôle des femmes dans le rugby et des conditions de l’évolution des effectifs nous conduira à construire une typologie des joueuses pour comprendre les motifs de leur investissement.
La femme : un rôle à part et un jeu particulier
14L’intégration institutionnelle des femmes au sein de la Fédération Française de Rugby témoigne d’une reconnaissance avancée de leur statut dans la pratique, mais la question de leur rôle ne répond très certainement pas au même processus de légitimité. L’utilité de la femme est beaucoup plus conçue à partir de son activité de bénévole dans la vie associative du club que dans son statut de joueuse. D’ailleurs, c’est à cet effet que les discours relayés par la revue fédérale vantent les mérites et les compétences pédagogiques de la femme. « Il faut une certaine expérience des préoccupations de cet âge pour supporter le laçage des crampons, le boutonnage des maillots, etc...., préoccupations qui usent plus vite la patience masculine. Les éducateurs n’étant pas toujours attentifs à ce genre de contingences matérielles »35. Si la femme doit exister au rugby, c’est avant tout pour ses talents maternels. Elles constituent la caution affective de l’éducation des jeunes joueurs. Mais comme l’observe A. Saouter36, les mamies du rugby peuvent également occuper des responsabilités au sein de l’organigramme administratif. Le symbole de leur âge confère aux membres du club la dimension maternelle suffisante et légitime pour assurer la bonne existence de la famille rugbystique. Dans ces deux cas de figures, la femme n’est pas acceptée comme une joueuse mais plutôt comme un rouage essentiel dans la gestion des hommes, des jeunes aux plus âgés37. De toutes les façons, lorsqu’elle endosse le rôle de joueuse, elle ne fait pas véritablement partie de la famille du rugby. En étant dans l’incapacité de pratiquer un jeu semblable à celui des hommes, le sens commun le classifie comme un ersatz de rugby. « Avec les femmes, on est au pays du rugby flan caramel, du mou, du tout à la louche, c’est du rugby à une passe. Un beau match de rugby masculin, c’est un spectacle extraordinaire, c’est le nirvana et le Moulin-Rouge à la fois, on ne touche plus terre ; avec les femmes, ce qu’on regarde, c’est d’abord les femmes. Et là, on est plutôt au parc Astérix. Elles jouent petit bras. En fait, on n’arrive pas à faire abstraction du fait que ce sont les femmes, le jeu passe après »38. D’ailleurs C. Louveau39 indique que le fait de ne pas jouer comme les hommes avec virilité constitue le premier reproche. Dans ces conditions, le jeu féminin ne peut-être qu’un rugby à part. La particularité s’exprimerait dans l’art des joueuses à proposer un jeu différent en compensant la force par la technique. « Les joueuses ont un style aisé, fluide, des gestes naturels, précis (...). Les filles jouent davantage à la main ; il faut disent-elles “faire vivre le ballon” »40. On peut néanmoins s’interroger à propos des raisons objectives de cette représentation du jeu. Est-elle une réalité effective liée aux capacités des joueuses ou bien est-ce une identité attribuée reposant sur des idées préconçues. En effet, est-il possible de légitimer un discours affirmant que l’agressivité n’étant pas naturelle chez la femme, les joueuses privilégieraient l’évitement à l’affrontement ? La compréhension objective du choix de ces formes de jeu ne peut se résumer à cette seule logique explicative. Le poids culturel de l’esthétisme féminin modélise certaines manières d’être légitimant une virilité féminine à part. Contrairement aux hommes, cette virilité ne s’exprime pas dans les corps à corps, mais plutôt dans la dignité de mener un combat à distance. Dans l’évitement, la joueuse fait valoir toutes ses qualités de maîtrise en ne tombant pas dans la bestialité des affrontements frontaux. En limitant les percussions et les regroupements au profit des courses et des passes, elle montre une autre forme de courage et d’énergie qui semble plus adaptées à l’idéal féminin. Si le joueur viril rentre « bille en tête » dans son adversaire, la joueuse s’épargne cette œuvre destructrice en cultivant la dignité des techniques d’évitement. La distance n’est pas utilisée pour fuir son adversaire, au contraire elle doit permettre de mieux le maîtriser et l’éliminer. L’énergie ne s’exprime pas alors seulement dans la seule force physique, mais dans la gestion intellectuelle et affective de ce duel. La joueuse exprime donc sa virilité d’une manière différente de celle du joueur. L’expression de cette spécificité est d’autant plus nécessaire que le jeu féminin n’est jamais considéré en lui-même mais toujours comparé à celui des hommes. D’ailleurs, la responsabilité de l’entraînement des équipes féminines n’est-elle pas confiée de manière majoritaire et dominante à des hommes ? À l’exception de la période où Jacky Bonnieu-Devaluez à la coresponsabilité de l’équipe de France féminine avec D. Dupouy, la préparation technique et tactique de cette équipe a toujours été confié à des hommes : G. Ricq, J. Macou et aujourd’hui B. Oszustowicz et P. Laurent. Le schéma est identique dans le championnat national où les staffs techniques sont composés, de manière dominante, par des hommes. À titre d’exemple, au cours de la saison 1999-2000, les dix équipes de première division nationale sont entraînées exclusivement par des entraîneurs masculins41. Ainsi, alors que le rugby féminin n’apparaît pas interchangeable avec celui du sexe fort, la culture de ses entraîneurs le ramène irrémédiablement aux références techniques du rugby des hommes42. Consciemment ou inconsciemment, la référence masculine s’impose dans le domaine de l’entraînement et par voie de conséquence dans les formes de jeu adoptées. Dès lors la compatibilité de ces modèles reste posée au regard de la réalité culturelle et sociale des pratiquantes. En effet, la confrontation de cette culture technique masculine à une population féminine particulière n’entretient-elle pas les conditions d’un rugby à part, aussi bien dans les pratiques que dans les discours ?
Une évolution des effectifs apparemment singulière
15Pour comprendre la construction particulière du rugby féminin, encore sous la tutelle technique et tactique masculine, il convient d’observer l’évolution des effectifs au cours de la dernière décennie (cf. tableau n° 1). En effet, au regard de l’évolution quantitative et qualitative des femmes dans les autres pratiques sportives, il semble que le rugby féminin présente des développements singuliers.
16En multipliant le nombre de joueuses par 4, la progression des effectifs est particulièrement significative. Elle répond à une double logique institutionnelle et culturelle. Si l’intégration des joueuses participe à la réalisation des objectifs fédéraux d’augmentation (ou plutôt de stabilisation) des effectifs pour obtenir une meilleure représentativité dans le mouvement sportif, la croissance s’explique également par une féminisation des pratiques43. L’évolution sensible de l’image traditionnelle des pratiques, la transformation du statut et du rôle social de la femme sont des facteurs dynamiques favorisant l’engagement des pratiquantes dans le rugby. Par contre, cette augmentation des effectifs s’accompagne d’une grande hétérogénéité culturelle et sportive qui contribue à singulariser la pratique féminine. La singularité s’exprime, en premier lieu, par l’évolution des effectifs en fonction des catégories d’âge. Bénéficiant de la dynamique liée à la mixité des écoles de rugby (favorisée par l’absence de véritables différences morphologiques et culturelles entre les enfants), les clubs arrivent à attirer une certaine population féminine. Toutefois les effectifs restent relativement faibles et expliquent la forte déperdition des joueuses lors du passage de l’école de rugby vers la catégorie cadette, lorsque la mixité n’est plus possible. Malgré cette perte d’effectifs, les joueuses restantes resteraient fidèles à la pratique et se singulariseraient des autres jeunes sportives de 12 à 17 ans44. Contrairement aux 9 % de pratiquantes abandonnant la danse ou la gymnastique au cours de l’adolescence, le pourcentage d’abandon serait inférieur à 3 % en rugby. L’ambiance, la dimension ludique (un jeu qui n’est pas seulement centré sur la compétition) expliqueraient cette fidélité féminine au rugby au cours de l’adolescence. Au cours de ces dernières années, il est même possible d’observer une augmentation des effectifs. Mais l’évolution la plus significative s’observe au niveau des adultes. Si les femmes représentent seulement 1,8 % des 255 982 licences de la FFR45, la catégorie senior (+ de 19 ans) constitue près de 50 % des licenciées en se distinguant nettement des autres classes d’âge. En effet, les effectifs seniors sont 4 fois supérieurs à ceux des juniors (– de 19 ans)46 et témoignent d’un triplement des effectifs en l’espace d’une dizaine d’année. Outre la politique d’ouverture fédérale favorisant l’accueil de nouvelles joueuses, la croissance repose sur d’autres facteurs explicatifs. Les caractéristiques singulières du rugby n’offrent-elles pas de nouvelles perspectives sociales et sportives aux femmes (anciennes ou nouvelles sportives) ?
Le rugby féminin comme pratique de resocialisation sportive et culturelle
17L’engouement tardif des femmes pour la pratique du rugby témoigne d’une certaine singularité qui peut se comprendre à partir de l’analyse des enjeux conduisant ces joueuses à s’investir dans un tel jeu. Si dans les années 80, C. Louveau47 observe que les rugbywomen constituent un groupe hétérogène (un capital culturel et scolaire éclectique) en rupture par rapport à la population féminine (des caractéristiques sociales remarquables et contrastées, une conception peu usuelle des rôles sociaux, une forte influence d’un entourage familiale masculin), d’autres caractéristiques singularisent cette catégorie de sportives. En effet, sur la base d’une approche empirique, nous observons trois types de pratiquantes les passionnées, les ludiques et les polyvalentes.
18Les passionnées constituent un premier groupe de joueuses, intégré totalement dans la communauté rugbystique48. « Elles sont dans leurs trajectoires sociales, ni marginales, ni déclassées ; elles participent comme tout à chacun des héritages socioculturels quand ce n’est pas la reproduction »49. Par des liens de parenté ou par affinités amicales. Elles cultivent une tradition sportive dans la lignée familiale tout en contribuant à préserver les traditions. Elles assument le choix d’une pratique inhabituelle en y recherchant des valeurs ou des significations différentes. Ces joueuses ont pénétré rapidement et durablement le milieu en s’appropriant une partie de la culture rugbystique. « Une femme peut d’autant plus probablement jouer au rugby qu’elle a côtoyé cette pratique, qu’elle a, si l’on peut dire vécu quotidiennement et de longue date par “homme interposé” »50. Leur investissement est donc lié à une sorte de vocation “universelle”dans laquelle le rugby une partie intégrante de soi. « Depuis que je joue au rugby et cela fait une douzaine d’années, on me demande souvent pourquoi, en tant que femme, je pratique ce jeu. Je dois avouer que cette question, pourtant maintes fois répétée, m’a souvent prise de court tant cette activité m’est de tout temps apparue naturelle, comme ancrée en moi (...) j’éprouve pourtant le sentiment d’avoir toujours en moi porté le rugby (...) on joue au rugby pour le plaisir qu’il apporte »51. Cette vocation « universelle » les conduit à intégrer et assimiler l’ensemble des codes de la communauté rugbystique tout en construisant une identité spécifique particulière du rugby féminin. Elles possèdent une connaissance du rugby à travers la maîtrise des techniques essentielles du rugby, et elles sont capables d’aborder les problèmes tactiques posés par les rapports de force inhérents aux matches. Toutefois, ce type de joueuses reste une minorité dans l’ensemble des clubs, même s’il est possible d’observer ces dernières années une génération de jeunes joueuses issues des écoles de rugby. Mais la déperdition est grande dans le passage entre l’école de rugby et le groupe senior. À partir de 13-14 ans, ces joueuses ne sont plus mélangées avec les garçons pour des raisons physiques et psychologiques, et il n’existe pas de compétitions spécifiques pour ces catégories d’âge en raison de leur faible effectif et de leur dispersion géographique. C’est d’ailleurs aujourd’hui un des axes politiques de la Fédération Française de Rugby qui désire « œuvrer pour les 15-16 ans »52 afin de ne pas perdre ces filles issues des écoles de rugby et assurer une continuité dans la logique de formation de ces joueuses. En effet, actuellement, leur intégration précoce dans les groupes seniors féminins ne leur permettent pas de construire une culture tactique et technique cohérente pour des raisons psychologiques et physiques compréhensibles.
19La deuxième catégorie de joueuses est représentée par les ludiques. Elles retrouvent dans le rugby une famille d’adoption et leur intégration dans la communauté rugbystique est surtout la conséquence d’une grande curiosité. Elles sont le plus souvent sollicitées et parrainées par des amies, déjà présentes au club. Dans un premier temps, le jeu de rugby n’est qu’un prétexte pour vivre des moments conviviaux et festifs. Ce sont en priorité des débutantes sportives qui doivent « faire preuve de courage socialement et physiquement (...) rejeter le confort de la dépendance et devenir autonomes »53. Leur adaptation aux exigences de combat et de contact est souvent difficile et détermine la durée et la qualité de leur investissement. Pour ces joueuses, les premiers problèmes étant d’ordre affectif, il est nécessaire de leur donner les moyens techniques et tactiques de vivre le rugby en toute sécurité tout en conservant un aspect ludique. Les polyvalentes constituent la troisième catégorie de joueuses. Issues de milieux sportifs relativement éclectiques, ces filles vivent le rugby comme un moyen de resocialisation sportive. Arrivées aux limites de leur performance ou de leur expérience dans d’autres pratiques sportives (le plus souvent des sports individuels), elles restent motivées par la compétition et la performance. Le rugby apparaît un moyen de se relancer dans l’aventure sportive, tout en restant dans une pratique de proximité54. Si elles possèdent des pré-requis physiques intéressants pour la pratique du rugby, leur culture technique et tactique reste relativement pauvre. Dans le jeu, elles restent prioritairement centrées sur le rapport joueuse contre joueuse et se retrouvent en difficulté pour s’informer et se positionner dans des situations de mouvement général. La formation de ces joueuses doit alors s’organiser autour de la construction de repères dans le jeu. Au regard de cette catégorisation, les joueuses présentent une certaine hétérogénéité culturelle et sportive qui les singularise des autres pratiquantes et des rugbymen. On peut d’ailleurs se demander si la classification construite par C. Pociello55, à propos de la répartition des postes en fonction du capital socioculturel des joueurs est transférable aux joueuses. En effet, la spécificité des pratiquantes laisse à penser que l’attribution des postes pourrait relever d’une logique différente et renforcerait la singularité de leur jeu. Bien que la singularité d’un jeu féminin s’identifie à partir de ces diversités, le niveau de pratique atténue ou affirme les facteurs de l’hétérogénéité.
Un consensus autour d’une pratique de performance et de compétition
20Ainsi, les groupes de filles évoluant en première division du championnat de France de rugby semblent se retrouver autour d’un consensus qui contribuerait à réduire les effets de leur diversité culturelle et physique. Parallèlement à la recherche de convivialité (qui demeure sous la responsabilité des joueuses), le projet sportif constitue logique fédératrice des filles face aux rigueurs et aux contraintes de la compétition sportive. De ce fait, elles apparaissent capables d’élever « le niveau d’exigences réciproques »56 sans pour cela entraîner des conflits majeurs et irréversibles entre les joueuses.
21Comme dans l’ensemble des groupes de sports collectifs masculins ou féminins, la concurrence demeure un aspect premier dans la logique de progrès des joueuses, mais cette concurrence semble être mieux acceptée et construite avec des féminines. Il existe une forte volonté individuelle et collective de progresser sur les plans technique, tactique et physique. Cela semble s’expliquer par la faculté de chacune des filles à se fixer des projets individuels de qualité pour rester titulaire dans le groupe ou bien pour faire partie des sélections nationales. D’une manière générale, les joueuses font preuve d’un niveau de réceptivité important et d’une application permanente. L’exemple de leur investissement, à raison de trois entraînements collectifs par semaine et de 6 à 7 matches en moyenne tous les deux mois, avec un déplacement total de 13 000 km au cours de l’année, témoigne de cette persévérance. L’investissement est d’autant plus difficile qu’il n’existe aucune indemnité financière (à l’exception des internationales lors des rencontres de l’équipe de France) et qu’elles poursuivent leur activité professionnelle ou leurs études à plein temps (même si des aménagements commencent à se mettre en place pour certaines joueuses). Malgré ces contraintes, les joueuses s’engagent activement dans la pratique pour gagner en connaissance et accéder parfaitement au langage du rugby. « La connaissance ou le savoir étant le pouvoir suprême, celui qui a le savoir devient puissant, il ne peut plus être dominé »57. La reconnaissance d’un rugby féminin à part entière se construit par conséquent sur la maîtrise de la connaissance rugbystique. D’ailleurs, D. Dupouy58 n’explique-t-il pas les progrès de l’équipe de France à partir de leur progrès dans la théorisation du jeu ? « Elles ont acquis beaucoup de choses dans l’intelligence du jeu. Elles peuvent parler théorie »59. Toutefois, l’accès à ces savoirs suppose des adaptations aux singularités de ce monde féminin.
Le rugby : culture ou contre culture féminine
22Lorsque les journalistes interrogent A. Jardel (entraîneur de l’équipe de France féminine de Basket-ball) et O. Krumbholz (son homologue pour le Hand-ball)60, tous les deux s’accordent pour dire que les filles ne fonctionnent pas avec les mêmes ressorts psychologiques que les garçons. Elles ont besoin d’être rassurées tout en sollicitant des images fortes et émotionnelles susceptibles de les faire vibrer. Si les rugbywomen font appel à des processus psychologiques identiques, leur rapport à la culture rugbystique nécessite cependant une approche particulière du jeu les différenciant des autres sportives. La faiblesse de leur patrimoine culturelle rugbystique et l’absence de représentations affirmées sur le jeu contribuent à la mise en œuvre d’une formation particulière de la joueuse.
Une vacuité culturelle intéressante
23Marquées par leur statut féminin, les filles semblent moins influencées que les garçons par la culture rugbystique. En contact passif ou actif avec le milieu rugbystique, ces derniers accèdent à un niveau de connaissances plus ou moins empiriques les situant déjà comme des initiés bien avant d’avoir réellement joué au rugby. Le rapport d’une fille à la pratique est différent. Tant qu’elle n’a pas couru avec un ballon et affronté l’épreuve de la charge adverse, elle reste complètement novice sans a priori tactique ni technique. Loin de représenter un obstacle, cette vacuité culturelle devient une richesse. En effet, ce vide permet d’éviter l’étape de déconstruction culturelle du jeu nécessaire et incontournable dans la formation des joueurs. Les convictions masculines sur le jeu reposant sur des représentations ancestrales et fantasmées du jeu sont le plus souvent un facteur de résistance à la progression tactique et technique du joueur. Les joueuses ne présentent pas cette culture d’opposition sur la connaissance du jeu. Ainsi, est-il plus facile d’accorder les représentations des joueuses et celle de l’entraîneur. Par contre ce niveau de connaissances constitue un obstacle à la formation. Les joueuses ne possédant pas forcément toute la logique culturelle du rugby (formes de jeu, culture du poste), il est nécessaire de reconstruire avec elles tout un langage rugbystique, qui doit être le plus imagé et le plus significatif possible. Les notions de largeur et de profondeur n’ont au premier abord que très peu de sens pour ces joueuses. La construction des évidences techniques et tactiques est donc une des premières étapes. Ces évidences se construisent parallèlement à l’intégration des règles. Centrées prioritairement sur les règles fondamentales, les joueuses sont plus respectueuses de leurs devoirs, en particulier au niveau des lignes de hors-jeu et des conditions de jeu au sol. Les fautes réglementaires semblent alors s’expliquer par un manque de maîtrise technique, à l’image du jeu autour des points de fixation, où les filles arrivent le plus souvent en déséquilibre et avec un manque de tonicité. Dans ces conditions, il convient de renforcer cette tonicité chez les joueuses. Celle-ci constitue un pré-requis important à construire, pour assurer à la fois leur sécurité mais aussi une continuité du jeu. Car, s’il est vrai qu’au regard des critères masculins, le rugby féminin présente un engagement physique, une puissance et une vitesse moins importantes, il n’est pas sûr que dans la logique du rapport de forces, l’intensité ne soit pas proportionnellement aussi importante. C’est donc la différence de puissance et de vitesse qui nécessite des adaptations particulières. Ainsi si l’essence du jeu reste identique (jeu de décision et de combat), la spécificité féminine suppose de ne pas prêter attention aux mêmes facteurs d’efficacité et de réussite que chez les hommes. La gestion psychologique et les problèmes techniques à résoudre font partie de cette différence de formation à opérer entre ces deux populations.
Des ressources motrices et psychologiques spécifiques
24La pratique du rugby pour une fille est une décision qui l’engage à contrecourant de la normalité culturelle et sociale. « Le corps féminin ne semble pas pouvoir trouver sa place dans la pratique du rugby sans risquer de perdre tout esthétique, sinon toute féminité »61. Cette image peu “conventionnelle” est à l’origine d’une certaine fragilité des joueuses par rapport à la légitimité de leur investissement. Cela implique qu’elle soit rassurée en permanence et qu’elle réussisse rapidement. Des réactions de fragilité s’observent aussi dans les situations d’instabilité liées à la compétition et au jeu. La rapidité des prises d’information à réaliser en match, l’enjeu d’une rencontre décisive sont des facteurs d’inconfort moral que certaines joueuses vivent très difficilement. À l’opposé des garçons l’apprentissage de ces situations d’instabilité n’a pu se réaliser dans le cadre des compétitions de jeunes. Elles doivent alors gérer l’ensemble des problèmes affectifs, cognitifs et moteurs au cours du même temps de formation. Par ailleurs, cette formation ne s’effectue pas toujours dans des conditions socialement sécurisantes. En effet, la pratique féminine restant une activité minoritaire, ces dernières vivent le sentiment d’une certaine situation d’isolement, qui n’est pas pour autant remise en cause. L’isolement semble intériorisé. « Lorsque nous avons contacté des journalistes pour les interroger au sujet des difficultés que rencontre le rugby féminin dans ses tentatives d’accès à davantage de visibilité médiatique, beaucoup nous ont dit ne pas très bien savoir où était le problème. Il n’y avait pour eux, en définitive, rien que de très normal dans la façon dont cette activité est montrée dans les médias. Dans l’état actuel des choses expliquaient-ils, ce sport n’est tout simplement pas assez développé pour mériter mieux »62. Mais la position d’isolement peut avoir des effets positifs sur la dynamique de groupe. Dans ces conditions, la situation conduit les filles à se rassurer en restant solidaires et en réalisant le projet collectif fixé63.
25Si la formation de la joueuse nécessite de remettre en jeu son équilibre psychologique, la motricité même du rugby est aussi un facteur de déséquilibre. La motricité du coup de pied comme celle de la passe semble poser un certain nombre de problèmes aux joueuses. Le paradoxe d’un jeu vers l’avant tout en se faisant des passes vers l’arrière suppose une certaine dissociation des ceintures dont la construction paraît encore plus longue et difficile à construire chez les joueuses. Encore une fois, il est légitime de penser qu’une des causes de cette lacune s’explique dans la discontinuité ou l’absence de formation initiale de la joueuse. Les spécificités motrices des joueuses semblent donc limitées l’efficacité de certains gestes techniques rugbystiques des débutantes aux joueuses les plus confirmées. « Elles restent limitées dans la réalisation des intentions, la gestuelle technique, la maîtrise du ballon »64.
26Le niveau culturel des joueuses, leur spécificité motrice et psychologique apparaissent comme des facteurs favorisant la singularisation d’un jeu féminin. Si les fondamentaux restent identiques dans les deux formes de pratique, les particularités du rugby féminin supposent de mettre l’accent sur des aspects techniques et tactiques différents des garçons. En effet, le projet de formation doit permettre aux joueuses d’être reconnues comme compétentes sans que les valeurs du jeu en soient dénaturées.
La formation de la joueuse et d’un collectif de joueuses
27Rugby au féminin ou rugby féminin ? La question divise les différents passionnés du rugby. Pourtant lorsqu’on a la chance d’approcher ce monde “à part”, la passion et la rigueur de ces joueuses ne peuvent qu’inspirer le respect. Si « dans les faits, les entraîneurs sont sans doute les mieux placés pour porter un jugement équilibré sur le rugby joué par les femmes »65, ces dernières restent les principales dépositaires de leur jeu. La formation consiste alors à apporter aux filles les éléments nécessaires à la réalisation de leur projet rugbystique qu’il soit compétitif ou ludique. L’exemple de l’équipe féminine de Villeneuve-d’Ascq (Comité des Flandres) évoluant en première division nationale du championnat de France de Rugby nous permettra de montrer une certaine logique de formation66. Dans cette perspective, nous identifierons les fondements du projet villeneuvois, pour ensuite exposer les principes qui ont organisé la construction d’une identité sportive et rugbystique.
Entre formation et reconnaissance
28À l’image de la situation nationale, le rugby féminin dans le comité des Flandres reste une pratique relativement minoritaire. Au cours de la saison 2000-2001, les joueuses représentent 188 licenciées sur les 6334 joueurs du Comité. Par contre, il est intéressant à noter qu’au cours des cinq dernières années, les effectifs régionaux sont stables et se situent entre le 5e et le 9e rang national.
29Le nombre des licenciées et la relative stabilité des effectifs montraient un ancrage certain du rugby féminin dans la région qu’il paraissait intéressant de faire fructifier. Le problème posé était alors de deux ordres. Il était nécessaire de faire reconnaître la pratique féminine comme un rugby de haut-niveau à part entière aussi bien à l’intérieur du club que vis-à-vis de l’ensemble des institutions sportives et politiques régionales. Dans un premier temps, la cohabitation avec la section masculine n’était pas une évidence d’autant que ces derniers possédaient des ambitions sportives avec la volonté d’accéder au championnat de troisième division nationale. Il était donc nécessaire de construire une apparente alliance objective permettant le fonctionnement des deux structures. Le deuxième problème était plus complexe dans la mesure où la métropole lilloise est riche en pratiquantes sportives de haut-niveau. Il fallait donc se construire une place entre les volleyeuses de Wattignies (Ligue professionnelle), les basketteuses de Villeneuve-d’Ascq (Ligue professionnelle), les hockeyeuses de Lambersart (1ère division nationale participant aux compétitions européennes). Dans ces conditions, le premier objectif était de construire une structure proposant aux joueuses le maximum de facilité pour qu’elles puissent s’investir avec plaisir et réussite dans une pratique de haut-niveau. Une des premières étapes a donc consisté à fédérer un maximum de compétences (administrative, médicale et sportive) autour du groupe féminin pour répondre aux difficultés éventuelles des joueuses. L’objectif était de permettre aux filles de dépasser le statut d’une pratiquante de loisir pour accéder à celui de sportive à part entière. En s’appuyant sur cette structuration matérielle, nous avons proposé un projet de formation construit sur trois années en fonction d’objectifs sportifs précis. Il s’agissait de pérenniser l’action sportive dans le temps pour confirmer le rugby féminin comme une pratique à part entière du club et de la région. Néanmoins pour réaliser le projet, nous avons dû nous adapter aux fluctuations contraignantes de la compétition sportive et à la culture de la section féminine. Si, la première année du projet, ponctuée par un titre de champion de France de Deuxième Division nationale (Saison 1998-1999) a permis de prendre le temps d’assurer une formation sans pression temporelle, la logique de formation des deux autres années sportives a été soumise à la nécessité de former rapidement les joueuses aux exigences de la Première Division Nationale. Cette pression temporelle s’explique par une modification de la structure du championnat (Saison sportive 1999-2000) réduisant l’élite nationale à un championnat à 10 clubs au lieu de 12, répartis en deux poules de 6 équipes. À l’obligation de répondre aux exigences techniques et tactiques du jeu de l’élite est venue s’ajouter celle d’enchaîner 18 matches dont les 10 premiers se sont déroulés durant les quatre premiers mois de compétition. Par conséquent, la formation s’est effectuée sous la pression du résultat et l’obligation de ne pas perdre trop de matches pour éviter la relégation. Or, ce genre de situation psychologique n’est pas forcément favorable à des expérimentations et à une pleine expression des joueuses. De plus, contrairement à une majorité de clubs accédant à la Première Division Nationale, le club n’a pas eu la maturité et la volonté d’effectuer le recrutement de joueuses internationales ou d’expérience nationale pour encadrer un effectif relativement inexpérimenté. De jeunes joueuses (surtout au niveau du vécu rugbystique) ont dû par conséquent devenir ces leaders de jeu dans des situations de pression maximale. L’expérience était difficile à vivre pour les joueuses qui ont besoin d’être rassurées. Or chaque dimanche présentait son lot d’incertitudes et de nouveaux problèmes techniques, tactiques à gérer. Ainsi pour répondre à la logique du résultat, il a été nécessaire de donner très rapidement des réponses tactiques sans que les joueuses soient forcément mûres pour intégrer efficacement ces principes de jeu. La question de l’efficacité de leur formation à long terme se posait avec acuité. En effet, il fallait gérer tout à la fois la nécessité de bons résultats sportifs à court terme pour préserver notre crédibilité sportive et entretenir la confiance des joueuses ainsi qu’assurer la formation et le perfectionnement de toutes les joueuses sur le long terme pour pérenniser la section féminine dans le monde rugbystique et sportif local.
Quel jeu ? Entre résultats à court terme et formation à long terme ?
30Pour gérer ces logiques apparemment contradictoires, nous avons assuré la formation des joueuses autour des principes fondamentaux organisant le rugby. « Le rugby féminin n’échappe pas à la logique de ce jeu, on y plaque, on y joue dans l’axe frontal, encore très peu de jeu au pied, on y combat férocement, on y fait circuler le ballon »67. Au regard des oppositions adverses, il s’agissait, dans un premier temps, de préparer les filles à assurer le combat aussi bien dans la lutte pour le ballon que dans le gain de terrain. L’objectif était alors d’avancer avec ou sans ballon dans une logique d’exploitation optimale des règles du hors-jeu et du tenu. Les filles se sont donc construites une culture du jeu à partir de cette dynamique de combat et d’une préparation physique régulière. La participation à trois entraînements semaines les rapprochait donc du monde du haut-niveau. Elles se démarquaient des garçons fréquentant épisodiquement le terrain une à deux fois par semaine tout en se rapprochant de la culture sportives des basketteuses, volleyeuses ou hockeyeuses. Elles étaient des rugbywomen à part entière tout en étant des sportives de haut-niveau encore à part68. Si l’investissement à l’entraînement rapprochait les filles des réalités du haut-niveau, les matches du dimanche soulevaient d’autres problèmes. Grâce à une bonne organisation défensive, les joueuses rivalisaient avec leurs adversaires. La différence de niveau s’exprimait alors dans la capacité des joueuses à conserver le ballon suffisamment longtemps tout en prenant progressivement un temps d’avance sur la défense. En effet, les villeneuvoises ne possédaient pas le niveau de maîtrise dans la conservation du ballon pour jouer des séquences suffisamment longues pour déstabiliser les défenses. De plus, l’insuffisance du jeu au pied (coup de pied de déplacement et coup de pied placé) limitait l’utilisation d’autres possibilités tactiques. La puissance et la précision des coups de pied ne permettaient pas d’aller défier l’adversaire dans l’espace profond, en évitant les défenses de premier rideau compactes et organisées. C’est pourquoi, une partie de l’entraînement était consacrée à ce renforcement technique du jeu au pied susceptible d’apporter aux filles des réponses tactiques, non pas dans le court terme mais plutôt pour les échéances à plus long terme. Au regard de ces faiblesses techniques, le rugby villeneuvois constituait un monde à part face à la culture technique des autres équipes mais aussi par rapport au potentiel technique des garçons du club.
31Selon une logique complémentaire à la formation physique et technique des joueuses, nous avons cherché à construire des repères dans le jeu pour répondre aux incertitudes des situations d’opposition69. Il s’agissait de transmettre aux joueuses des repères spatiaux et sociaux pour se situer dans le désordre du jeu. L’objectif était qu’elles se décentrent du rapport immédiat avec l’adversaire et qu’elles puissent utiliser efficacement les repères de jeu en les rendant signifiant. Dans cette perspective les étapes de formation ont été progressives. Dans un premier temps, nous avons cherché à ce que les joueuses puissent se repérer dans l’espace de jeu par rapport aux lignes de but, aux lignes de touche et de se situer par rapport à la position du ballon afin de juger de ses possibilités de jeu (principe d’utilité). À partir de ce repérage, nous avons essayé de leur faire comprendre les rôles qu’elles pouvaient occuper efficacement dans ce rapport de force. Au sens d’A. Quilis (1998), la mise en rapport entre les repères spatiaux et sociaux permet au joueur d’envisager les alternatives de jeu momentanément disponibles. L’apprentissage de ce repérage s’est effectué dans des situations d’opposition allant du collectif total au jeu fille contre fille (Deleplace 1965, 1979). Les situations de fille contre fille nous permettaient d’insister et de renforcer certaines constructions techniques liées à la passe, à la percussion et à la libération de balle. Si ce moment de formation est apparu très important, nous avons dû tout de même formaliser certains choix de jeu pour répondre à la pression des résultats. Cette formalisation nous permettait de réduire au maximum les incertitudes, et de répondre aux demandes des joueuses qui se posaient souvent la question de savoir si elles avaient effectué le bon choix. Par conséquent, notre logique de formation n’a pas été de former des joueuses à part mais de leur transmettre, en tenant compte de leurs spécificités, une culture rugbystique leur permettant de réussir, de prendre du plaisir et d’être reconnue à part entière comme joueuse de rugby.
32En définitive, le rugby féminin est-il un jeu à part entière ou un monde à part ? Les réponses ne se trouvent pas dans des conclusions définitives et catégoriques mais plutôt dans la détermination d’hypothèses permettant d’éclairer comment les joueuses investissent historiquement la pratique et de quelles manières elles assimilent le jeu à partir de son institutionnalisation. En effet, au cours de l’analyse nous observons des logiques féminines particulières dans la mesure où les joueuses assimilent les valeurs et les techniques du jeu selon une double dynamique de conformisation et de différenciation au rugby des hommes. Ainsi l’œuvre de reconnaissance passe inévitablement par l’intégration des normes originelles du jeu qui sont historiquement et universellement masculines. Cependant derrière cette apparente soumission à l’ordre masculin, les femmes font valoir leur singularité dans les modes d’accès à la pratique et leurs manières d’être au jeu. La prise en compte de ces singularités paraît alors essentielle pour assurer la formation des joueuses. Il ne s’agit pas de jouer un autre jeu mais plutôt d’adapter le rugby à leurs spécificités. L’absence d’un patrimoine culturel, leurs ressources physiques et psychologiques conditionnent la transmission des valeurs et des techniques du rugby. Contrairement aux idées reçues, le rugby féminin n’est pas seulement un jeu d’évitement. Il est également et surtout un jeu de combat où les différentes cultures féminines peuvent s’exprimer. Si la pratique féminine reste toujours un rugby à part entière, les particularités s’expriment à travers les choix de formation et les formes de jeu adoptées.
Notes de bas de page
1 Lehman René, « Gina Tortosa », Fantasio, 1924.
2 Chiffres présentés par la Commission Féminine de la Fédération Française de Rugby lors de sa réunion du samedi 31 octobre 2001.
3 Vincent Joris, Le crochet, la passe et la mêlée : une histoire des techniques en rugby de 1845 à 1957. Thèse de Doctorat STAPS : Sciences du sport non publiée, Université Claude Bernard de Lyon 1, 2003.
4 Durry Jean, « Le combat des femmes et l’évolution des structures », dans : Hubscher Ronald (Dir.), L’histoire en mouvements. Le sport dans la société française (XIXe-XXe siècle), Armand Colin, avril 1992, p. 287 à 313.
5 Prudhomme Laurence, « Sexe faible et ballon rond. Esquisse d’une histoire du football féminin » dans : Histoire du Sport féminin, Arnaud Pierre, Terret Thierry (Dir.), Histoire et identité, tome 1, Espaces et Temps du Sport, L’Harmattan, 1996, p. 111 à 126.
6 Vincent Joris, op. cit.,
7 Dr. Houdré, Ma Doctoresse. Guide pratique d’hygiène et de médecine de la femme moderne, tome 1, chapitre : L’exercice physique. Éditorial Argentor, Strasbourg, 1928, p. 397.
8 Salmson-Creak, Football association et rugby ..., op. cit., p. 139.
9 L’arrêt au cou et aux jambes sont interdits, seules les saisies au niveau de la taille sont autorisées.
10 Lorsque la joueuse est immobilisée à hauteur de la ceinture, elle doit obligatoirement passer son ballon dans les deux secondes qui suivent (si elle le peut).
11 Bredeaut Maurice, « Le rugby féminin ne sera pas le “rugby” », La Vie au grand Air, Revue n° 861, 23e année. 20 janvier 1921, p. 27.
12 Midi sportif, « Encore et toujours du rugby ! Pour tous les goûts ! ... 24 femmes sur le ground », n° 420, 20 mai 1926.
13 Dr. Houdré, op. cit., p. 398 à 399.
14 Fémina Sport, créée en 1912, est un des premiers clubs sportifs féminins à se structurer dans le monde sportif français.
15 Bredeaut Maurice, op. cit., p. 27.
16 Cette équipe est composée uniquement de joueuses méridionales employées des Postes et affectées à Paris.
17 Pociello Christian, Le rugby ou la guerre des styles, éditions Métailé, 1983, p. 25 à 100.
18 Les sportives, journal illustré féminin, n° 71, troisième année, samedi 26 janvier 1924.
19 Mme Labrousse (1893-1943) est journaliste dans l’hebdomadaire illustré Les sportives sous le pseudonyme de Mme Halsey. Elle occupe le poste de demi d’ouverture. Résistante au cours de la seconde guerre mondiale, elle disparaîtra à la suite de sa déportation en 1943.
20 Comme un bon nombre de joueuses parisiennes, Suzanne Jacquet est une sportive polyvalente puisqu’elle est notamment championne des Flandres du lancer de javelot.
21 Vincent Joris, « Sport de haut niveau et culture lilloise : une certaine lecture historique », Colloque Sport et Culture : convergence et/ou rupture, Marcq-en-Barœul, jeudi 29 janvier 2004.
22 Prudhomme-Poncet Laurence, « Les obstacles à la diffusion du football féminin », chapitre 2, Histoire du football féminin au XX siècle, Espaces et Temps du Sport, L’Harmattan, mai 2003, p. 107 à 170.
23 Walter L., « Les femmes qui délaissent le rugby », France Olympique, n° 1115, vendredi 13 janvier 1933, p. 1.
24 Ibidem.
25 Bié Nathalie, Sociohistoire de la pratique du rugby par les femmes de 1966 à 1989 : l’institutionnalisation du rugby féminin à travers l’étude sociale de ses acteurs. Thèse de doctorat en cours, Orsay.
26 Leduc Gaston. Violets... à plus d’un titre, Texto éditions, 2001, 250 p.
27 Prudhomme-Poncet (Laurence), op. cit., p. 107 à 170.
28 Le Grand livre du rugby français : 1981-1982, F.T.M. cop., Belleville-sur-Saône, 1981, p. 718.
29 Correspondance du 31 mai 1957 entre le Comité International Olympique et la Fédération Française de Rugby. Archives du Musée Olympique de Lausanne.
30 M. Crespin, Circulaire du secrétariat d’État à l’éducation physique et aux sports adressé aux préfets, octobre 1972.
31 Prudhomme-Poncet Laurence, op. cit, p. 188.
32 Basquet Guy, Vice-Président de la FFR, Drop, Revue n° 13, juin 1985.
33 Louveau Catherine, « Talons aiguilles et crampons alus ... », dans : Sport et changement social. Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, avril 1987, p. 293 à 301.
34 Il est légitime de penser que les nécessités politiques de l’élection de Bernard Lapasset à la présidence de la FFR et surtout la nomination de Pierre Villepreux à la Direction Technique Nationale (2000) ont constitué des facteurs particulièrement favorables à la reconnaissance institutionnelle du rugby féminin.
35 « L’encadrement au féminin à Colmar. Une affaire de famille », Rugby, Revue n° 775, mai 1977, p. 24 à 26.
36 Saouter Anne, « La gloire des anciennes », dans : « Etre Rugby » Jeux du masculin et du féminin, Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 2000, p. 153.
37 Il est cependant intéressant de noter ces dernières années que certains postes dans l’encadrement des équipes professionnelles sont confiés à des femmes. L’équipe de la Section Paloise emploie une kinésithérapeute Noëlle Matichard. Le Sporting Union Agenais a confié la gestion du Service Communication à Lise Marie Guignard.
38 Darron Jean Jacques, « Les super rugbywomen », Cosmopolitain, juillet 2000, p. 94 à 99.
39 Louveau Catherine, op. cit., p. 92.
40 Le Matin de Paris, 7 avril 1986, cité par Catherine Louveau, op. cit., p. 26.
41 Les femmes occupent des postes de dirigeantes où leurs missions concernent la gestion administrative et matérielle des équipes.
42 D’ailleurs dans le domaine du Basket-ball, A. Jardel (entraîneur de l’équipe de France féminine) affirme qu’il « leur dit sciemment de ressembler à un basketteur. Elles peuvent faire des progrès en s’inspirant de leurs attitudes techniques » dans : « Des Hommes à femmes », Le Journal du Dimanche, 17 août 2000.
43 Pociello Christian, Sports et sciences sociales, Éd. Vigot, 1999, p. 208.
44 « Le sport chez les jeunes de 12 à 17 ans », Sports STAT – Info, Ministère des Sports, n° 02-04, octobre 2002.
45 « Les licences sportives et les clubs des fédérations françaises agréées en 2001 », Sports STAT – Info, Ministère des Sports, n° 04-02, février 2004.
46 Si les deux catégories d’âge ne regroupent pas le même potentiel de pratiquantes (des joueuses dépassant la trentaine sont encore licenciées), la différence n’est pas pour autant moins significative.
47 Louveau Catherine, op. cit., p. 33 à 40.
48 Saouter Anne, op. cit., p. 182.
49 Louveau Catherine, « Talons aiguilles et crampons alus ... », dans : Sport et changement social. Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, avril 1987, p. 294.
50 Louveau Catherine, op. cit., p. 91.
51 Huffer Elyse, « Jeu “du Sexe” ? », dans : Rugby Parabole du monde, coordonné par Pierre Duboscq, Éd. L’Harmattan, 1998, p. 187.
52 Noury Wanda, Rugby, revue n° 998, novembre 2000, p. 17 à 19.
53 Huffer Elyse, op. cit., p. 189.
54 Si les expériences sportives de ces pratiquantes sont assez éclectiques, un certain nombre de filles issues du judo semble s’investir dans la pratique du rugby.
55 Pociello Christian, op. cit., p. 177 à 232.
56 Brochard Fabrice, « Le versant mental de la performance en rugby : de l’école à la Coupe du Monde », dans : Rugby : le jeu, les joueurs et la performance, Les entretiens de l’INSEP, 17-18 février 2000.
57 Huffer Elyse, op. cit., p. 189.
58 58 Daniel Dupouy a été l’entraîneur de l’équipe de France féminine de 1997 à 2002.
59 Dupouy Daniel cité par : Le Cœur Philippe, « Daniel Dupouy rêve d’une équipe de France féminine “parfaite” », Le Monde, 7 avril 2001.
60 Joly Olivier, « Hommes à femmes », Journal du dimanche, 17 août 2000.
61 Saouter Anne, op. cit., p. 177.
62 Lemieux Cyril, « Les blocages sociaux dans l’accès de la pratique sportive féminine aux médias. Autour de l’exemple du rugby féminin », Groupe d’étude « Femmes, Sports et Médias ». Ministère de la Jeunesse et des Sports, janvier 2000, p. 3.
63 Alain Jardel indique qu’« elles savent aussi que la meilleure façon de se protéger est de rester groupées, un peu comme le banc de poissons qui se protége du prédateur. Celui qui quitte le banc est mangé », op. cit.,
64 Le Cœur Philippe, « Daniel Dupouy rêve d’une équipe de France féminine "parfaite” Le Monde, 7 avril 2001.
65 Saouter Anne, op. cit., p. 178.
66 Il est à noter que l’analyse proposée ne représente qu’une réalité du rugby féminin national issue d’une expérience vécue plus ou moins théorisée.
67 Devaluez Jean, Pour un nouveau Rugby, Éd. Chiron, Paris, novembre 2000, p. 173.
68 Le nombre des entraînements reste encore inférieur aux autres pratiquantes, mais leur investissement reste largement au-dessus de la moyenne au regard de leurs contraintes sociales et professionnelles.
69 Quilis André, « Nouveaux repères dans le désordre du mouvement propre au rugby moderne », dans : Rugby Parabole du monde coordonné par Pierre Duboscq, Éd. L’Harmattan, 1998, p. 121 à 132.
Auteur
Est professeur agrégé d’éducation physique et sportive (FSSEP de Lille) et titulaire d’une thèse de doctorat des STAPS de l’université de Lyon 1. Il poursuit ses travaux sur le rugby en se souciant des « Grands anciens » dans le cadre des activités de la cellule recherche de la Fédération Française de Rugby.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Rugby : un monde à part ?
Énigmes et intrigues d’une culture atypoque
Olivier Chovaux et William Nuytens (dir.)
2005
50 ans de football dans le Pas-de-Calais
« Le temps de l’enracinement » (fin XIXe siècle-1940)
Olivier Chovaux
2001
L’Idée sportive, l’idée olympique : quelles réalités au XXIe siècle ?
Olivier Chovaux, Laurence Munoz, Arnaud Waquet et al. (dir.)
2017
Un pour Mille
L'incertitude de la formation au métier de footballeur professionnel
Hugo Juskowiak
2019