La pratique du rugby en « terre de football » : facteurs historiques d’une confidentialité bien énigmatique (fin XIXe-début XXe)
p. 89-110
Texte intégral
1La répartition géographique des pratiques sportives de large diffusion1, établie à partir du nombre de clubs et de licenciés recensés, confirme pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais et à propos du rugby, l’expression de Jean Pierre Bodis : La France « non méridionale » est bien une « terra incognita » qui souligne « l’étrange distribution géographique » de la pratique rugbystique dans l’hexagone. L’histoire et la géographie des sports soulignent d’ailleurs cette partition. Selon Jean Paul Callède, elle tient (pour partie seulement) à la structuration du système des sports : Lorsque l’un des deux sports « de grand jeu » (en l’occurrence le football et le rugby) occupe majoritairement un espace sociogéographique déterminé, le second lui abandonne la place et se contente de jouer les « seconds rôles », renonçant ainsi à toute fonction emblématique2. Les approches cartographiques de Daniel Mathieu, Jean Praicheux et Jean Pierre Augustin confirment l’image assez convenue d’un football suzerain dans une France du Nord où le rugby n’aurait guère d’espace, et d’un Sud terre d’élection de « l’ovalie », où le football peinerait à défendre son pré carré. La présence incongrue du football dans la France méridionale et l’hégémonie rugbystique relevant de complexes facteurs historiques et culturels3. Dans la même veine, l’hypothèse d’une « symbolique du territoire ». échafaudée par Christian Pociello pourrait expliquer cet enracinement indéfectible et irrémédiable de la pratique rugbystique au sud d’une diagonale La Rochelle/Bourg en Bresse : « Dans le même temps, l’implantation du rugby laisse aux ethnologues, culturalistes et socio géographes (sic), étonnés parce que la pratique de ce sport s’est constituée comme la pièce maîtresse d’une culture régionale, en même temps que le signe indiscutable d’appartenance à cette culture ; en bref, comme l’élément essentiel d’une identité et d’une identification culturelle régionale »4. Échappant au poids du déterminisme, Jean Lacouture évoque pour sa part un « triple paradoxe », historique, sociologique et ethnologique, dont l’heureuse conjonction aurait permis l’installation du rugby dans le Sud-ouest : la pratique du jeu au sein de certains établissements scolaires et dans les Écoles Normales d’instituteurs dès la fin du XIXe, le rôle déterminant d’hommes providentiels, « initiateurs entraîneurs » charismatiques d’origine britannique, autant attirés par le négoce du vin que le climat aquitain sont autant de faits avérés. Sans doute faudrait-il y ajouter le rôle controversé du Dr Philippe Tissié, fondateur de la Ligue Girondine d’Éducation Physique en 1888, coupable selon Jean-Pierre Bodis d’avoir propagé un « rugby émasculé » où placage et chocs violents étaient proscrits5.
2La région Nord – Pas-de-Calais et les départements limitrophes (Somme, Aisne, Ardennes) formant aujourd’hui le Comité des Flandres ne constituent pourtant pas l’élément le plus remarquable de ce « désert français » rugbystique, que les méridionaux observent d’un œil parfois condescendant. Jean Pierre Bodis reconnaît que, « si les nordistes ne sont pas inaptes au rugby, ils sont peu nombreux par manque de possibilité »6... Ces considérations physiologiques (à moins qu’elles ne soient liées à la compréhension des subtilités d’un jeu éminemment complexe...) seront plus loin développées. Par contre, les faibles possibilités évoquées interpellent l’historien et le somment d’apporter, sinon des explications convaincantes, au moins des hypothèses que de prochains travaux, au-delà de cet ouvrage, pourront ou non confirmer. Combinée à l’approche sociologique7, mais récusant une lecture « socio-historique » dont les enjeux autant que les méthodes demeurent opaques, cette contribution vise à identifier quelques déterminants historiques pouvant expliquer la confidentialité contemporaine de la pratique du rugby en « terre de football ». Ce qui renvoie l’historien à une double difficulté, au demeurant fort stimulante. Le regard quelque peu distancié des historiens contemporanéistes aura provoqué un « retard français » dommageable et limité les travaux et recherches consacrés à ce sport8. La littérature rugbystique est pourtant impressionnante, mais révèle là encore un héliotropisme caractéristique de l’enracinement méridional de la pratique et des acteurs de l’ovalie9. Il faut également tenir compte du caractère parcellaire de sources limitées à un triptyque assez classique (archives départementales et municipales, fonds des institutions et des clubs, fonds privés), mais dont une infime partie peut être exploitée pour la période considérée. La consultation des annuaires de l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA), d’une presse sportive émergente et des registres des associations déposés en Préfecture constituent dès lors les auxiliaires indispensables à l’ajustement des pièces du puzzle. Largement reconstitué pour la France du sud, ses éléments demeurent épars au pays du « satrapique ballon rond ».
Un rugby confidentiel et dispersé au Nord de la France
3La région Nord – Pas-de-Calais et les départements limitrophes qui constituent aujourd’hui le Comité des Flandres de Rugby (Somme, Aisne, Ardennes) s’inscrivent dans une aire géographique où le football association domine naturellement. Face aux 150 000 licenciés et 1107 clubs affiliés à la Ligue du Nord, le rugby fait effectivement figure de parent pauvre, avec ses 48 clubs et 7000 licenciés10. Soit un rugbyman pour mille habitants en région... Sans doute faut-il relativiser cette hégémonie footballistique et irréductible opposition instituée par l’histoire et la géographie des pratiques sportives. Sébastien Darbon et Jean-Paul Callède ont démontré, à l’échelle de villes comme Marseille et Bordeaux, que les facteurs historiques d’enracinement du football rugby et du football association autorisent au contraire une cohabitation réelle entre deux pratiques sportives certes autonomes, mais parfois bien imbriquées dans leur processus de diffusion11. Chacun sait également, depuis les ouvrages d’Alfred Wahl, combien la pratique de la « combination », aura entretenu en France, dans les années 1880-90, une troublante proximité entre ces deux sports, aux limites de la confusion12. Si l’histoire du football association dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais est relativement bien connue13, celle du rugby semble débuter au lendemain de la seconde guerre mondiale. Observant, dans un article pionnier14, les « terres de mission » que sont l’Allemagne, les Pays-Bas la Belgique et cette France « non méridionale », Jean Pierre Bodis confirme l’intérêt de l’intrigue ici posée : les facteurs qui président à l’installation d’un rugby « monolothiquement méridional » peuvent être observés dans le Nord de la France dès la fin du XIXe siècle. Pourtant, en 1908, seul le Rugby club industriel du Nord s’inscrit dans une carte des pratiques sportives déjà investie par le football association. La consultation de l’édition 1913 de l’annuaire de l’USFSA confirme la présence des comités de haute Normandie et de Picardie15, mais ne mentionne pas d’organisation similaire pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Est-ce à dire que le football association aurait, tel un Minotaure sportif, dévoré son rival ?
4Cet état de précarité rugbystique se confirme dans les années vingt. Elles correspondent d’ailleurs à la densification de la pratique au Sud, à partir des foyers originels que furent les villes moyennes16. Dans le Nord, l’entre-deux-guerres voit la consécration du football association, assurée par un maillage serré de clubs et de compétitions, le tout orchestré par une LNFA animée par Henri Jooris. En contrepoint, la pratique du rugby est moribonde : L’Olympique de Dunkerque, l’Iris Club de Lambersart, l’Olympique Lillois, l’Excelsior de Tourcoing, le Lille Université Club, et le Racing-club d’Arras disputent des rencontres amicales contre des clubs voisins (Saint Quentin, Compiègne, Amiens), voire plus excentrés (Le Havre, Évreux, Elbeuf, ou encore des équipes parisiennes). En 1920, l’activité est également pratiquée au sein de l’AS Liévin17. L’exemple du RCA est par ailleurs assez significatif. Société omnisports fondée en 1903, le Racing Club d’Arras ne mentionne explicitement dans ses statuts la pratique du rugby qu’au moment de leur réécriture en 1942. Associé à la natation, au cross-country, basket, hockey, escrime, football, athlétisme et tennis, le rugby, combiné à « tous exercices physiques » et pratiqué sous forme de « séances d’entraînement et de compétitions », doit participer « à la préparation physique et morale des jeunes gens ». Cette déclinaison maréchaliste n’est guère surprenante lorsqu’on connaît l’inclination de Vichy pour « cet admirable sport de combat, si éducateur », désormais « mis à l’honneur »18. Pour la même période, un extrait du « guide de tous les sports nordistes » (1943) avance de possibles explications à cette difficile greffe du ballon ovale en terre de football :
Le rugby a suivi à peu près les mêmes phases que le rugby national et a eu tantôt des hauts et des bas ; comme un graphique de fiévreux, il est arrivé parfois à des températures assez élevées (...). Si le rugby nordiste n’a jamais atteint le niveau d’excellence, ce n’est pas tellement le manque de joueurs, mais c’est parce que les équipes n’étaient pas assez denses dans notre région pour animer le championnat et parce que l’engouement du public n’y était pas (...)
Dans notre région où il y peu de connaisseurs, il est souvent taxé de brutalité ; or ce sport qui est complet entre tous nécessite de la vitesse, des réflexes, de la décision ; il est viril tout simplement. Évidemment, il ne peut pas être pratiqué par des gens qui initialement ont reçu une mauvaise éducation. D’abord, il ne supporte pas la médiocrité, ensuite il nécessite de la part des pratiquants un certain niveau intellectuel et une éducation sportive parfaite.
5Cette résurgence du rugby en zone interdite est davantage l’effet de la politique volontariste de Vichy que le résultat d’un lent « take off » amorcé à la fin du XIXe. A l’aube d’une éphémère saison 1943-44, cinq clubs assurent sa promotion : Lille, Amiens, Valenciennes, Béthune et Arras. Au lendemain de la guerre, l’histoire du rugby nordiste se conjugue avec celle du rugby arrageois. L’Association Sportive des PTT d’Arras, lors de sa fondation en mars 1945, ne compte pourtant qu’une équipe de football et de basket-ball. Participant à la reconstruction d’organismes meurtris par quatre années de guerre et de privations, les fondements de l’ASPTT sont résolument hygiénistes : « il est indispensable (...) de donner le goût de l’éducation physique et du sport dès le plus jeune âge, si vous désirez les voir prendre facilement le chemin du Stade. Seriez-vous l’ennemi du stade et de l’air pur ?... ». Il s’agit en effet, moins de participer à la détection ou la formation de futurs champions, que de dispenser, hors du cadre scolaire et en complément de celui-ci, une pratique physique formatrice et éducative :
Notre modeste écho n’a nullement la prétention de vouloir fixer le rang occupé par notre pays dans le monde sportif et approfondir les causes d’une faiblesse qu’ont souligné les maigres résultats obtenus durant toute une saison et au cours des derniers jeux olympiques (...) A notre avis, une raison primordiale à ces défaites : la mauvaise condition physique. (...) Combien de pratiquants dans la masse ? Donne-t-on le goût du sport aux enfants ? Procure-t-on les moyens aux dirigeants de former des éléments ? Pour remonter la pente et prétendre lutter avec chance sur le plan international, ne devrait-on pas avant tout se pencher sur la jeunesse et songer à sa formation physique ?
N’entrons pas dans le domaine scolaire et en imaginant que l’enfant qui a fréquenté l’école ou le lycée se soit adonné à l’éducation physique et au sport, ne doit-on pas dès son entrée dans le monde du travail poursuivre cette formation physique ? Que ce soit à l’usine, au bureau ou dans l’administration, il s’avère indispensable de grouper ces jeunes et de leur donner la possibilité de s’ébattre en plein air à nouveau sur un terrain de sport ou de jeu. En cette période, il est vraiment regrettable de devoir constater que le jeune ne se dirige plus de lui-même vers le stade, à moins vraiment d’être le « mordu » ou de posséder des moyens exceptionnels qui lui donneraient la certitude de percer et de devenir une vedette (...) Un club qui n’aurait pas d’autre souci que de permettre aux jeunes et même aux adultes de connaître longtemps les joies et les bienfaits du stade19.
6La création d’une section rugby en 1960 est le point de départ d’une trajectoire effectivement singulière dans le monde de l’ovalie. Accédant en 3e division fédérale en 1970, puis en 2e dès 1973, le club arrageois rejoindra l’élite nationale en 197720. Dans ce cas précis, la réussite sportive de l’AS PTT d’Arras tient davantage à la présence d’enseignants d’Éducation Physique et Sportive originaires du Sud et mutés dans l’Académie de Lille qu’à l’efficacité d’une pyramide rugbystique régionale reposant en 1971 sur 13 clubs et près d’une trentaine d’équipes, seniors, juniors et cadets confondus :
Quinze ans déjà que le rugby a acquis droit de cité chez les atrébates. Rien ne destinait pourtant ces terres brumeuses du Nord de la France à accueillir, ou même à trouver à domicile, des volontaires prêts à se rouler dans la boue pour y disputer un ballon ovale. Mais quelques « sudistes » passionnés, en exil temporaire, apportèrent leur virus et surent le communiquer21.
7L’aventure arrageoise souligne combien l’histoire du rugby dans la France du Nord est particulièrement discursive. Les quelques clubs çà et là recensés depuis le début du XXe montrent que les facteurs d’enracinement du rugby au Sud, pourtant présents au Nord de la ligne de partage sportive La Rochelle – Bourg en Bresse, n’ont guère fait la preuve de leur efficience dans cette France non méridionale.
Une « prédestination sportive » pour le moins sélective
8L’enracinement précoce du football association dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais est une explication classique au rejet de la greffe du rugby. Cette « prédestination sportive » sélective mérite cependant que l’on s’y arrête davantage dans la mesure où elle se construit sur des facteurs qui au Sud, ont assuré la consécration de l’ovale dès la fin du XIXe. Conjuguée aux formes spécifiques de la sociabilité méridionale, l’influence anglaise a été déterminante dans le processus d’implantation du rugby dans le Sud-Ouest. Jean Paul Callède rappelle ainsi que la situation portuaire de Bordeaux est à l’origine de l’installation d’une communauté britannique, dont quelques membres fondent, en 1877, le Bordeaux Athlétic Club. Pareille présence peut être observée sur le littoral de la côte d’Opale, et ce dès la Monarchie de Juillet. Les villes de Boulogne-sur-Mer et de Calais connaissent ainsi, dès la seconde moitié du XIXe, le développement d’activités balnéaires de type récréatif, foncièrement distinctives : le golf, les régates, courses hippiques, le lawn-tennis sont pratiqués par les élites locales, françaises et britanniques. D’autres groupes sociaux investissent des pratiques sportives moins mondaines, telles la boxe, le football association ou encore les courses cyclistes. Déclinées sur le mode compétitif, elles proposent un spectacle original et moderne, qui rompt avec les formes de sociabilités ludiques traditionnelles.
Les anglais ne se contentaient pas de bains de mer. Ils avaient l’habitude de pratiquer toutes sortes de sports et, dans ce domaine, ils furent les éducateurs des français et firent de Boulogne une station d’avant garde. Les équipes anglaises et françaises rivalisaient dans les courses de yachts entre Douvres et Boulogne, et lors des régates sur la Liane qui attiraient les foules tous les ans en août. Les meilleurs chevaux anglais et français disputaient des courses variées chaque année sur l’hippodrome d’Hodengues, près de Wimereux, inauguré en 1836 (...) L’hiver, le football était devenu populaire et les matchs opposaient les joueurs français et anglais. Pendant la belle saison, les rameurs boulonnais s’entraînaient à la Société d’Emulation Nautique et au Boulogne Club et les régates sur la Liane étaient disputées par des équipes françaises, belges et anglaises. Les fêtes des sociétés de gymnastique et les courses cyclistes attiraient également les foules. La haute société s’adonnait maintenant au tennis et au golf (...), l’équitation restait le sport aristocratique par excellence...22
9Pour autant, la pratique du rugby n’est pas mentionnée. L’explication tient sans doute à l’absence d’hommes providentiels qui, à la différence du Sud, n’auront pas constitué les relais indispensable à la promotion du rugby au Nord de la France. Les expérimentations hasardeuses d’un Pierre de Coubertin, au plan national, rappellent le poids des résistances politiques et culturelles à la pénétration de sports athlétiques importés. Sans doute les premiers temps du football association sont-ils placés sous le signe de la confusion : si la « combination » autorise la pratique d’un jeu hybride dans les années 1890, le doute ne subsiste plus à l’aube du siècle pour les premiers clubs nordistes : l’Union Sportive Boulonnaise (1898) puis le Racing Club de Calais (1902) optent dès leur fondation pour « l’association ». Ce que l’on peut connaître des premières rencontres disputées confirme ce choix : la répartition des joueurs sur le terrain (un gardien, deux arrières, trois demis et cinq avants) annonce un football offensif, rugueux et engagé. Si les formes de conquête du ballon peuvent rappeler certains traits de la pratique rugbystique, l’interdiction de l’usage des mains lève tout ambiguïté. La présence anglaise aura donc, au Nord, contribué à une greffe sélective des sports athlétiques et n’aura pas permis au football rugby de l’emporter. Sans doute conviendra-t-il également de mieux explorer la piste de ses fondements amateurs, imposés dès 1886 par la Rugby Football Union. Pour Robert Fassolette, ils érigent un véritable « mur social » qui interdit aux milieux modestes d’investir un sport n’autorisant une quelconque forme de rémunération23. À contrario, l’amateurisme marron, très tôt pratiqué par les clubs nordistes de football association, pourrait justifier un ancrage populaire précoce, synonyme de démocratisation.
10Si l’influence anglaise ne paraît donc pas significative, un détour par les sociabilités s’impose maintenant. Dans la France du Sud Ouest, ses formes particulières, alliant convivialité et virilité masculine, ont favorisé l’implantation du rugby. Si la part des sociabilités ne peut être contestée dans l’émergence de cette culture de « l’entre soi » spécifique aux clubs ou associations sportives, on peut en revanche interroger le poids des particularismes locaux et des singularités régionales, surtout s’il exclut les régions les plus septentrionales. Pierre Arnaud a d’ailleurs montré, pour la France méridionale, et plus particulièrement les départements des Alpes maritimes, du Var24 ou des Landes avant 1914, les limites d’une stricte corrélation. Une forte sociabilité n’implique pas nécessairement une forte densité des sports athlétiques, et a fortiori, du rugby.
11Au pays des beffrois, les formes de sociabilité collective, et en particulier les jeux qualifiés aujourd’hui de « traditionnels », font partie du paysage des communautés rurales ou urbaines. Il suffit de rappeler la large place occupée par ces pratiques festives et récréatives dans la chronique de Chavatte, ouvrier sayetteur lillois contemporain de Louis XIV, pour mesurer l’antériorité de ces pratiques culturelles25. Le programme des fêtes de Lille en 1884 témoigne également de la vitalité des exercices corporels alors pratiqués (tir à l’arc, tir au fusil, jeux de balle, jeux de boule, jeu de palet, billard anglais, mât de cocagne, joutes sur l’eau, etc.). Pour autant, leur densité et dimension populaire n’auront pas constitué un obstacle majeur à la diffusion des sports athlétiques. C’est au contraire sur ce terreau particulièrement fertile des sociabilités ludiques que le football association prendra racine.
12Passons pudiquement sur cette virilité masculine qui constituerait le strict apanage des méridionaux. Associée à la tristesse du climat du Nord et de ses hommes, elle participe de représentations tenaces. Marie Ceggarra a justement démontré que les jeux traditionnels avaient très tôt imposé la figure de la masculinité et participé localement, aux processus de construction de la virilité26. La morphologie des joueurs et les comptes-rendus des premières rencontres de football association confirment cette intuition. Les athlètes nordistes, non seulement possèdent les qualités physiologiques et morales à un engagement physique « total », mais les revendiquent. L’homme du sud, parfois sceptique, pourra se reporter aux études récentes portant sur le football minier27. Le récit par La France du Nord d’une rencontre opposant, en janvier 1909, le RC Calais à l’USB, témoigne d’un engagement physique assez radical : « Une séance de lutte et de Jiu-jitsu plutôt que de football (...) Peu habitués à un jeu aussi brutal, les boulonnais eurent tort de ne pas répliquer du tac au tac ». Ce que l’hebdomadaire Calais Mondain confirmera à sa façon : « Il est du dernier comique de voir les boulonnais, dont la brutalité est légendaire, reprocher aux autres de jouer dur... »
13Cette masculinité portée par « l’homo sapiens rugbysticus » doit toutefois être nuancée. Thierry Terret a en effet montré que le virilisme ne peut, dès la fin du XIXe, se définir par la seule manifestation de la force physique28. La recherche du contact, le choc frontal des mêlées, la brutalité des engagements se conjuguent progressivement avec d’autres facteurs, techniques et tactiques : sens de l’esquive, de la feinte, rapidité et mouvement... Certes, la dimension agonale du collectif demeure. Mais elle se combine à la performance athlétique individuelle, pour reprendre la topographie des modèles d’excellence corporelle définis par Jacques Defrance29. Sans doute, l’ancrage rural de la pratique rugbystique au Sud aura enraciné et perpétué un « culte de la castagne » constitutif des identités communautaires locales.
14Il faut enfin s’attarder quelque peu sur la formidable densité des sociétés conscriptives, de tir et de gymnastique, effectivement observées au Nord d’une ligne Le Havre-Lons le Saunier. Dans le département du Pas-de-Calais, et notamment en pays minier, la forte concentration des sociétés gymnastiques a sans doute différé l’essor des associations de sports athlétiques30. Ce souci collectif d’une « mise en mouvements d’un corps patriotique » est le résultat d’un contexte particulier : la guerre franco-prussienne de 1870, l’occupation et les réquisitions allemandes pratiquées au sud d’Arras, la défaite de Faidherbe devant Saint-Quentin, l’impréparation de l’ Armée du Nord et de la garde mobile du Pas-de-Calais... Les évènements militaires ont incontestablement installé une gymnastique patriotique, républicaine et préparationniste, sur fond d’un sentiment de « revanche » diffus, largement inscrit dans le champ des représentations31. Dans le Pas-de-Calais, pour 67 sociétés recensées entre 1890 et 1914 et bénéficiant d’un agrément, 61 % ont une appellation à connotation patriotique32. À partir de 1907, la création d’associations scolaires de tir dans les établissements scolaires et sa pratique dans les Écoles Normales d’instituteurs « afin d’éclairer les esprits, armer les jeunes bras, faire vivre le sentiment républicain33 » renforcent cette tonalité. Ce que confirme le recensement des sociétés arrageoises affiliés en 1914 :
Les Carabiniers d’Artois, constitués en 1870, et forts de 32 membres, visent à développer et vulgariser le goût et la pratique du tir (...) Le Racing Club d’Arras, fondé en 1903 et affilié à l’USFSA. a pour objet la préparation des jeunes gens au service militaire par l’exercice des sports utiles à leur développement physique. Il compte 216 membres et 7 équipes (...) La Société de gymnastique et d’Armes d’Arras, constituée en 1903 et affiliée à l’USGF prépare les jeunes gens au service militaire, les fortifie physiquement, et les assouplit en même temps à une forte discipline (...). Les élèves cavaliers d’Arras (1909) préparent les jeunes gens au service militaire et à l’apprentissage de la gymnastique, de 13 à 20 ans. En 1909, la fédération des Sociétés de tir à longue portée de la région du Nord réunit les sociétés de quatre départements (Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne), et cherche à développer et vulgariser le goût et la pratique du tir (...)34.
15Les statuts des sociétés des arrondissements de Saint-Pol sur Ternoise et Béthune associent également objectifs préparationnistes et enjeux civiques : La société de tir des anciens élèves de Roclincourt (1903) souhaite « maintenir entre les anciens élèves de bonnes relations d’amitié nouées sur les bancs de l’École, et apprendre le tir aux jeunes gens ». À Vaulx Vraucourt (1911), il convient de « développer l’habitude au tir et l’adresse, la souplesse de nos futurs soldats, et faire de ces hommes de bons citoyens ». La Fraternelle de Bucquoy (1910), société de tir et de gymnastique, propose « une préparation au service militaire, protecteurs de l’enfance et de l’École Laïque, afin de former de bons soldats et de bons citoyens »35. Ce fort continuum patriotique assuré de l’École à l’Armée peut aussi expliquer l’essor tardif des sports athlétiques36. En privilégiant les exercices gymnastiques, ces sociétés relèguent les pratiques sportives au rang d’activités de complément, placées en aval d’une préparation physique à forte coloration républicaine.
16Sur ce point, les liens entre rugby et politique méritent d’être creusés. Dans le Sud Ouest, sa pratique a été un instrument efficace de diffusion d’un idéal laïc et républicain. Les instituteurs des Écoles Normales auront été les propagandistes infatigables d’un jeu dont les valeurs épousent, peu ou prou, les idéaux progressistes. Jean-Pierre Bodis souligne combien les superpositions de la carte du rugby, de structures foncières (notamment de la petite propriété rurale), et de la montée de l’idée républicaine, pour la France méridionale, affichent des coïncidences troublantes. La conquête du département du Pas-de-Calais par les républicains opportunistes lors des élections législatives de 1881 résulte d’autres facteurs : implantation locale d’élus exerçant une profession favorable au développement du clientélisme et de réseaux, liens étroits avec les loges maçonniques, contrôle par les édiles des associations locales37. Sans que l’on puisse établir de stricte hiérarchie entre ces différents facteurs, tant les situations locales doivent être isolément appréciées, il semble que le paramètre de l’association, gymnique ou sportive, puisse être considéré moins comme un facteur déterminant que comme l’un des éléments d’un ensemble composite. Il convient par contre de rappeler, au moins pour le Pas-de-Calais, le rôle non négligeable de l’USGF (Union des Sociétés de Gymnastique de France, fondée en 1873). Les nombreuses fêtes fédérales organisées avant guerre dans la région illustrent cette persistante « obstination de la République à allier capital humain et puissance nationale », selon l’heureuse formule de Jean-Pierre Rioux. Sous couvert d’une neutralité politique et religieuse affichée, l’USGF demeure un vecteur performant de l’idée républicaine :
l’Union des Sociétés de gymnastique de France est convaincue de respecter la neutralité en matière religieuse ou politique, et, en même temps, de faire acte, comme c’est son devoir, de loyalisme républicain envers les institutions de son pays, en déclarant que nulle Société ne peut être admise dans ses rangs, si elle a une appellation politique ou religieuse, ou si elle appartient à un groupement l’ayant lui-même, ou notoirement connu comme hostile au gouvernement de la république38.
17Relevant de l’initiative privée mais notoirement encouragées par les pouvoirs publics, ces fêtes et autres manifestations collectives participent d’une frénésie commémorative alors nécessaire39. À l’instar des clubs de rugby dans le Sud Ouest, elles renforcent les identités locales et les sociabilités, notamment en zone rurale40. Dans la France du Nord, la participation des associations sportives à ce processus paraît faible. En revanche, le maillage des sociétés de gymnastique, puis des sociétés conscriptives ne peut être négligé. Leur fonction politique mérite quelque attention. Dans le Sud Ouest, on sait en effet combien le rugby aura participé à la diffusion des idéaux républicains. L’image d’un « rugby laïc », investi par les instituteurs après que les évêques eurent interdit sa pratique en 1907, souligne l’implication des sociétés sportives dans les processus de captation de la jeunesse au lendemain de la séparation des Églises et de l’État. Dans le département du Pas-de-Calais, le rôle de ces associations mériterait d’être étudié davantage. La déchristianisation et l’anticléricalisme que connaît le département peuvent expliquer la délicate implantation des associations catholiques sportives, en particulier la Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France (1898). Yves Marie Hilaire souligne d’ailleurs que des mouvements de jeunesse tels l’ACJF ou le Sillon de Marc Sangnier, dans leur lutte contre cette « chrétienté en désagrégation » exploitèrent peu le filon sportif41. Le « camp d’en face » sera davantage préoccupé par la constitution d’un réseau associatif au sein des écoles élémentaires, où les sociétés de gymnastique voisinent avec les caisses d’épargne scolaires, les associations d’anciens élèves, amicales laïques ou sociétés préparatoires d’instruction. Structures bien peu favorables à l’essor de quelque pratique sportive que ce soit.
Un rugby décidément bien furtif... Le conservatisme des pratiques scolaires
18Si la pénétration du rugby en France constitue un « puzzle dont toutes les pièces ne sont pas ajustées », le rôle des institutions scolaires paraît néanmoins déterminant. Au Royaume Uni, elles contribuent au processus de sportivisation des jeux traditionnels42. Héritier des jeux de balle violents pratiqués dans l’Europe du Nord Ouest, à l’image du Hurling pratiqué en Cornouailles, le rugby s’en distingue au début du XIXe, lorsqu’il revêt les attributs d’une pratique éducative. L’expérience menée au Collège de Rugby par Thomas Arnold, de 1828 à 1849 marque les débuts d’une scolarisation déterminante, également observée en France. Jean Lacouture rappelle que les étudiants anglais faciliteront la diffusion du jeu au sein des Universités françaises43. Déjà évoqués, la Ligue Girondine d’Education Physique et Philippe Tissié propagent à l’occasion des lendits le jeu de la barrette, à partir de 188944. Ce « football rugby » euphémisé s’inscrit plus dans une logique de francisation et de promotion des jeux de plein air, en résistance à l’irruption des sports athlétiques anglais :
Ce qui ne peut, en tout cas, échapper à personne dans cet exposé forcément succinct, c’est l’ensemble des qualités physiques et morales nécessaires au bon footballer. Dans la lutte saine où les rares horions que l’on peut recevoir entre jeunes gens courtois et bien élevés trempent davantage le corps et l’âme, l’athlète met en jeu toutes les parties complètes de son organisme ; il faut de bons poumons pour pouvoir résister à l’essoufflement amené par une série d’efforts musculaires violents ; il faut de bonnes et solides jambes pour échapper aux adversaires lancés à votre poursuite, du poids pour arrêter le gaillard qui fond sur vous portant la balle vers le camp, de l’élasticité et de la souplesse, soit pour tordre son corps et échapper aux étreintes, soit pour se couler entre deux adversaires, après d’habiles crochets. Mais croyez-vous que les qualités psychologiques du joueur ne lui soient pas aussi nécessaires. On peut dire qu’elles sont surtout indispensables (...). À côté du sang-froid, la décision, l’à-propos, l’intelligence tiennent une grande place, l’intelligence surtout : Vous n’avez pas d’exemple d’un homme inintelligent qui soit devenu un bon joueur45.
19Institutions scolaires et voie associative assurent conjointement la diffusion du rugby par l’organisation de compétitions. Encore convient-il de distinguer les championnats interscolaires des compétitions interclubs. De 1890 à 191246, les premiers sont remportés par des établissements parisiens (au moins jusque 1900), tandis que les secondes semblent indiquer une supériorité des équipes du Sud Ouest, en particulier le Stade Bordelais47. Au-delà des enjeux sportifs, les palmarès soulignent une réussite relative de la greffe du rugby en dehors de son berceau originel. Au Nord de la France, les établissements scolaires semblent avoir été moins perméables à l’introduction des jeux scolaires. L’absence d’homme providentiel et de relais institutionnel peut expliquer que les lendits aient été organisés de 1892 à 1894 dans huit collèges ou lycées : sept dans le Nord (Cambrai, Saint-Amand-les-Eaux, Douai, Valenciennes, Condé sur Escaut, Avesnes et Dunkerque), un dans le Pas-de-Calais (Saint-Omer). Difficultés structurelles conjuguées à des conceptions pédagogiques peu progressistes. L’étude menée par Richard Héméryck pour les écoles congréganistes dans le dernier quart du XIXe montre que les jeux n’ont de place reconnue qu’à l’occasion des récréations. Encore s’agit-il de jeux d’émulation où les exercices jugés trop violents sont bannis48. Signalons enfin que l’association scolaire la plus ancienne du département semble avoir rapidement opté pour le football association, après le temps de la combination. Fondée en 1889, la Société des jeux de plein air du collège d’Arras49 (devenue en mars 1890 la Société des jeunes collégiens d’Arras) rencontre les élèves du collège de Douai le 3 mai 1896 pour disputer une partie de football : « Nous voici rentrés de Douai. Le vent était très fort et nos adversaires ont été favorisés. Nous avons laissé bêtement prendre un but. Mais ils l’ont bien dit tous (arbitres, maîtres, répétiteurs, censeurs) ; ils n’ont pas gagné. Nous n’avons eu qu’un tort. C’est d’avoir pris des bottines blanches alors que Douai avait des souliers ferrés et des jambières »50.
20Bien implantée au nord d’une ligne Bordeaux-Lyon-Besançon, le rôle de l’USFSA dans la propagation des sports athlétiques scolaires ne peut non plus être ignoré51, même si ces sociétés représentent environ le tiers des sociétés affiliées de 1891 à 189752. Pierre Arnaud rappelle combien la répartition de ces sociétés épouse la classique ligne de partage Saint-Malo-Genève de l’enquête Maggiolo. Pour le département du Pas-de-Calais, cette lecture supporte quelques nuances dans la mesure où la moindre progression du taux d’alphabétisation se conjugue pourtant avec une forte densité des sociétés de gymnastique. Néanmoins, le nombre de clubs civils ou associations scolaires sportives affiliées en 1891 demeure confidentiel, inscrivant la France du Nord dans une aire de faible diffusion et de forte dispersion : Les clubs civils sont repérés à Lille, Berck, Saint-Omer, Noyon, Dieppe, Elbeuf, Péronne. Les associations scolaires sont un peu plus nombreuses : Charleville, Caen, Saint-Amand-les-Eaux, Cambrai, Douai, Valenciennes, Béthune, Boulogne sur mer, Rouen, Évreux, Saint-Omer53. En 1894, un premier comité régional de l’USFSA est constitué à Arras, qui réunit douze sociétés. En 1909, il compte 59 associations affiliées. Enfin, à la veille de la première guerre mondiale, l’étude comparée des sociétés affiliées au Nord de la Seine confirme une répartition moins dense pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais54 :
21Aussi précise soit-elle, cette longue énumération ne renseigne pas sur la nature des sports pratiqués. Tout juste peut-on affirmer que l’implantation toute relative des sociétés affiliées à l’USFSA n’aura pas permis un essor précoce et conséquent des sports athlétiques. On sait également que le football association fut privilégié, au détriment du rugby et sans doute d’autres pratiques. Pour Jean-Pierre Bodis, ce choix s’explique par une pesanteur de la tradition catholique, dans une France scolaire depuis peu laïcisée. Le football association, « où on ne met pas les mains », aurait été jugé plus convenable par les enseignants. Hypothèse qui impose un détour par les pédagogies.
22Celles touchant à l’éducation physique scolaire ont déjà fait l’objet de nombreux travaux55. La récente étude consacrée par Édouard Solal à l’enseignement des pratiques physiques dans l’enseignement primaire depuis le XVIIIe ne fait que confirmer l’impossible cohabitation des gymnastiques. des jeux et des sports athlétiques pour des élèves de même âge, mais en reconnaît toutefois l’utilité : ainsi, « Il y a une éducation physique comme il y a une éducation morale et une éducation intellectuelle. La gymnastique a pour but le perfectionnement physique de l’homme. Elle ne se propose ni la recherche exagérée de la force musculaire, ni l’habileté excessive à vaincre des difficultés exceptionnelles, mais elle est l’une des conditions nécessaires de l’harmonie de l’être humain »56. C’est seulement à partir de 15 ans que le manuel d’exercices gymnastiques et de jeux scolaires (1891) autorise la pratique de jeux sportifs : barrette, longue paume, ballon français, paume au filet (ou lawn tennis), rallye-paper. Le manuel d’exercices physiques et de jeux scolaires de 1909 n’autorisera la pratique des jeux sportifs qu’à « l’occasion de séances spéciales qui pourront exceptionnellement remplacer la leçon ».
23Dans les écoles primaires du Pas-de-Calais, l’organisation pédagogique approuvée par le Conseil Départemental le 26 juillet 1891, réduit d’ailleurs l’enseignement de la gymnastique à ½ h quotidienne pour les garçons et les filles, généralement en fin d’après midi. Si les exercices militaires ont été remplacés par des jeux d’intérieur et de plein air conformément à l’arrêté ministériel du 8 août 1890, les jeux sportifs proprement dits demeurent absents des programmes : la commission recommande une pratique quotidienne d’une demi-heure de gymnastique de 15 h 50 à 16 h 30, suivie d’une demi-heure de travaux manuels pour les garçons. Pour les filles, ¼ d’heure de gymnastique au moment de la petite récréation (le matin de 10 h à 10 h 15 et l’après midi de 15 h à 15 h 15 précèdent ¾ h de travaux d’aiguille. Les conceptions officielles auront donc contribué à imposer un modèle gymnique dominant.
24La réticence des instituteurs et institutrices à promouvoir des jeux athlétiques à caractère sportif doit aussi être prise en compte : en 1894, le journal « l’Instruction Primaire », destiné aux enseignants et directeurs d’écoles plaide en faveur des jeux scolaires de plein air. Mais ils ne peuvent être éducatifs qu’à la condition de ne pas succomber à des formes compétitives :
Les jeux scolaires peuvent se diviser en deux parties : ceux qui, à la portée de tous les enfants, demandent peu de place et peu de temps et s’accommodent du cadre restreint des cours de récréation (barres, courses, jeux de balle, rondes, etc.) et ceux qui, toujours différents d’eux-mêmes et passionnants par l’incertitude du résultat, exigent de l’adresse, de la vigueur, de l’ingéniosité et du sang froid (barrette, lutte, paume, ballon, croquet, jeu de grâces, etc.) Ces derniers, régis par des règles précises, développent en même temps l’esprit d’initiative, avec le sentiment de la solidarité et celui de la discipline militaire. Ils se pratiquent généralement sur des pelouses et à l’air libre. En Angleterre, en Belgique, en Allemagne, en Hollande et surtout en Autriche, les jeux de plein air sont très répandus parmi les écoliers.
Autant nous sommes l’adversaire des jeux soi disant scolaires, à noms plus ou moins exotiques, transformés en véritables sports pour la galerie, et qui font ressembler nos enfants à de jeunes acrobates, autant nous sommes partisans de la marche, des exercices et des jeux réduits à de justes propositions, mais pratiqués en plein air, loin des centres, sous la direction des instituteurs. Ces jeux n’excluent d’ailleurs pas l’enseignement de la gymnastique : ils le complètent et en sont l’application rationnelle Le grand air et l’exercice sont indispensables au développement normal des enfants. La gymnastique, à l’exclusion du reste, est insuffisante57.
25La formation initiale des instituteurs explique cette préférence accordée aux gymnastiques et aux « jeux nationaux ». L’arrêté du 10 janvier 1889 fixant les programmes d’études des ENI au cours des trois ans de formation n’accorde aucune place aux sports : « les exercices d’éducation physique qu’on désignait à l’époque sous le nom de gymnastique étaient sanctionnés à la fin de la 3e année par un examen qui comprenait des interrogations sur l’anatomie, les fonctions des organes du corps humain, surtout des muscles, que nous devions connaître impeccablement, des exercices à tous les agrès et des explications sur un exercice de gymnastique exécuté par des enfants »58. L’année suivante, toutes les ENI disposent d’ailleurs d’un enseignant en gymnastique, généralement un ancien militaire titulaire du CAEG, souvent issu de l’École de Joinville. Il faut attendre le décret du 4 août 1905 et la définition de nouveaux programmes d’éducation physique pour que les élèves instituteurs bénéficient, au cours de leur première année d’études, de deux heures hebdomadaires « de jeux régionaux, barres, jeux de paume et de ballon, et football association ». À compter de 1893, nombre de témoignages confirment l’irrésistible ascension du jeu de balle au pied :
Le jeudi après midi, promenades en rangs avec un surveillant. En première année, j’ai fondé avec deux autres calaisiens (Heruy et Avenard) une section de football et ce jeu, sur le terrain de Beaudimont, remplaçait pour nous la promenade (1893-96).
Les recréations ont été souvent contrariées par la pluie, le vent et le froid. Néanmoins, aussi souvent que possible, les élèves ont été employés à des jeux qui leur procurent une réelle distraction et un moyen de favoriser leur développement physique. Comme par le passé, j’ai accordé la formation de sociétés de football (1901-02).
Depuis, le beau temps est revenu, la plupart des élèves en profitent pour se livrer à divers jeux : le football, la balle au tamis, la balle à la main. Ce dernier me paraît à tous égards le plus recommandable, mais pour des raisons que je n’explique pas, il n’a jamais des partisans aussi fidèles que le football (...) Cette année encore, j’ai autorisé dans les mêmes conditions que par le passé la société de football (1905-06). Faute de moniteurs, nos équipes de football (le seul sport collectif pratiqué alors) étaient dirigées par leurs capitaines, avec le précieux concours de l’assistant anglais. Notre équipe première était de taille à lutter fort honorablement contre celle du collège d’Arras, des militaires et des élèves des autres établissements (1908-1911)59.
26La prééminence des pratiques gymnastiques au sein de l’institution scolaire peut expliquer que les sports athlétiques ne s’y soient que tardivement développés. Relayée par les médecins hygiénistes, l’idée d’une éducation physique « propédeutique aux sports » imposera longtemps une dichotomie des exercices du corps interdisant la pratique du football association ou du rugby à ceux n’ayant pas atteint la « maturité physiologique » nécessaire. Jean-Pierre Bodis observe ainsi une timide scolarisation du jeu dans les établissements secondaires du Sud Ouest. La pertinence éducative d’une pratique violente et virile est loin d’être admise, face à l’efficacité éprouvée de modèles gymniques littéralement institués au sein d’une l’École républicaine construite sur le primat accordé aux disciplines intellectuelles. Aussi les sports athlétiques relèvent-ils largement de l’initiative privée, à l’image du père Didon, pour l’École Albert le Grand d’Arcueil60.
27Ainsi, cette non greffe du ballon ovale dans la France non méridionale tient sans doute à la conjonction de facteurs qui auront permis son enracinement au Sud. Ce paradoxe apparent s’explique en fait par la déclinaison singulière de ces facteurs en « terre de football » : une présence anglaise qui n’aura guère été déterminante, une hégémonie des sociétés civiles de tir et de gymnastique, la confidentialité des pratiques sportives au sein de l’école, l’absence de « missi dominici » et de relais institutionnels efficaces auront différé l’ancrage rugbystique au Nord de la France. À ce titre, Christian Pociello rappelle que 63 % des clubs importants sont fondés entre 1901 et 1911, période correspondant à l’intronisation du football association dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Cette concurrence indéniable permet au football d’investir progressivement, outre le club, l’École, l’usine, la caserne et (dans une moindre mesure) la paroisse. Cette patiente conquête des lieux de sociabilité relègue le rugby, au moins pour la période considérée, au rang de pratique marginale, voire exotique. Sans doute faut-il y voir les causes de ce « tropisme culturel » désormais inscrit dans la géographie des pratiques sportives. Sans doute ces explications valent-elles mieux qu’une masculinité méridionale exclusive. Sans doute ce « satrapique football » aura-t-il littéralement phagocyté une pratique rugbystique bien erratique, au moins jusque dans les années trente.
28Encore conviendrait-il de poursuivre les investigations étayant l’hypothèse de cette « non prédestination » bien singulière, mais peut-être moins énigmatique qu’il n’y paraît. La consultation des archives du Comité des Flandres de Rugby et celles des clubs affiliés pour une période plus contemporaine peuvent donner lieu à de précieuses monographies. Elles infirmeront peut-être ce « sentiment d’abandon » éprouvé par ces hommes de la « France d’en haut », curieusement passionnés par ce jeu de la « France d’en bas ».
Annexe
Documents annexes
(*) Établi à partir de : l’organisation pédagogique des écoles primaires. Nouveaux programmes soumis au conseil départemental, 26 juillet 1891 (nouvelle édition des programmes de 1884), ADPC, T2281/F.
Notes de bas de page
1 Sur la géographie des pratiques sportives, consulter : Vigouroux Michel, Dir., Atlas de France. Sociétés et culture (volume 5), Reclus, la Documentation Française, 1997, p. 64-82.
2 Sur ces questions, se reporter à : Callède Jean Paul, Le rugby : une culture propre à la France du Sud. Dans : Sagnes Jean, Dir., Le sport dans la France contemporaine, Presses Universitaires de Perpignan, 1996, p. 90 et suivantes.
3 Augutin Jean Pierre, Le rugby démêlé. Essai sur les associations sportives, le pouvoir et les notables, éditions Le Mascaret, Bordeaux. 1986, 355 p.
4 Pociello Christian, Le rugby ou la guerre des styles, éditions Métailié. Paris, 1983.
5 Promoteur des lendits et des jeux scolaires, il réintroduit dans certains établissements scolaires de l’Académie de Bordeaux la pratique de la barrette, version euphémisée mais « française » du football-rugby : « La barrette ou ballon au pied s’est jouée de tous temps dans la France méridionale et centrale, aussi bien en Picardie, Artois, et en Bretagne. Elle prend seulement des noms divers selon les régions et s’appelle tantôt choule, soule, tantôt melle, tantôt ballon, tantôt barrette », dans : Le Petit Français Illustré, n° 15, juin 1889.
6 Bodis Jean Pierre, Le rugby dans les terres de mission du nord de l’Europe continentale : Allemagne, Belgique et France non méridionale, dans : Jean-Marc Silvain, Noureddine Séoudi, Regards sur le sport. Hommage à Bernard Jeu, ibid., p. 165-182.
7 On se reportera à la contribution de Williams Nuytens dans ce même ouvrage.
8 Sur la trentaine de sujets de thèse soutenus entre 1990 et 2000 consacrés au rugby, la moitié concerne les traumatismes liés à la pratique. À l’exception de la thèse d’État de Jean-Pierre Bodis (« rugby, politique et société dans le monde. Des origines du jeu à nos jours. Etude comparée »), les travaux en sciences humaines et sociales demeurent confidentiels.
9 Le lecteur voudra bien se reporter à la bibliographie indicative.
10 Source : Comité Régional Olympique et Sportif Nord – Pas-de-Calais, année 2000.
11 À Marseille, l’antériorité de la greffe du football association n’empêche pas l’implantation de clubs de rugby (l’ASPTT en 1921, le Stade Marseillais Université Club en 1923). Consulter : Darbon Sébastien, Marseille : du côté des manchots, dans Rugby d’ici. Une manière d’être au monde. Autrement, n° 183, février 1999, p. 171- 183. Sur l’implantation du rugby à Bordeaux : Callède Jean-Paul, Histoire du sport en France. Du Stade Bordelais au SBUC (1889-1939), MSH Aquitaine. 1993, 210 p.
12 Wahl Alfred, Les archives du football : sport et société en France (1880-1980), Gallimard, coll. Archives, 1989, 342 p. Le terme « football » (dictionnaire Larousse, 1890) désigne à la fois un « ballon fait avec une vessie recouverte de cuir ou de caoutchouc, et qu’on lance ordinairement avec le pied », mais aussi un « sport qui consiste à lancer le ballon avec le pied ». « La mode du rugby » (qui autorise l’usage des mains et des pieds ») et la « mode de Londres » (usage seul des pieds) sont mentionnés.
13 Olivier Chovaux, Cinquante ans de football dans le Pas-de-Calais. Le temps de l’enracinement (fin XIXe-1940), Artois Presses Université. 2001, 378 p.
14 Jean-Pierre Bodis, Le rugby dans les terres de mission... Ibid.
15 Pour le comité de haute Normandie : Evreux Athletic club, les Francs joueurs du lycée Corneille de Rouen, l’Union sportive du lycée d’Évreux. Pour le comité de Picardie : l’AS du collège de Compiègne, l’AS du lycée d’Amiens, le Vélo-club beauvaisien.
16 Jean-Paul Callède distingue les clubs « des grandes villes » de la première génération, avant 1914 (Paris. Bordeaux, Toulouse, Perpignan, et Lyon), complétés au lendemain de la première guerre mondiale par des villes moyennes, à l’image de Narbonne et Béziers.
17 C’est à ce moment que l’USFSA disparaît, au profit de fédérations unisports autonomes. On recense alors en France 173 sociétés ou clubs de rugby.
18 Extraits des instructions officielles du 1er juin 1941, publiées par le Commissariat général à l’Education Générale et aux Sports. Sur les destinées idéologiques du rugby, consulter : Fassolette Robert. Monarchiste ou républicain : le rugby au service du pouvoir. Comparaison entre la France et la Grande-Bretagne, dans : Simonet Pierre, Veray Laurent, Dir., L’empreinte de Joinville. 150 ans de sport, les cahiers de l’INSEP, hors série, 2003, p. 199-215.
19 Bulletin de l’ASPTTd’Arras, août 1948, ADPdC, PB 274.
20 La trajectoire sportive de l’ASPTT d’Arras est précisée dans la contribution de Jean Bréhon.
21 Extrait de l’éditorial du Bulletin de l’ASPTT d’Arras, 1983, ADPdC, PB 274.
22 Sur les activités sportives pratiquées à Boulogne-sur-Mer à la fin du XIXe, se reporter à : Lottin Alain, Dir., Histoire de Boulogne-sur-Mer, éditions le Téméraire, 1998, p. 289-310.
23 Fassolette Robert, Monarchiste ou républicain, le rugby au service du pouvoir, Ibid. Attitude intransigeante à l’origine de la scission entre le XV et le XIII, qui dès 1895, reconnaît le principe du manque à gagner.
24 Sur les origines du sport dans ce département, consulter : Gaugain Jean Claude, Jeux, gymnastiques et sports dans le Var (1860-1940). Essai d’histoire sociale et culturelle, l’Harmattan, 2000, 404 p.
25 Consulter : Lottin Alain, Chavatte, ouvrier lillois. Un contemporain de Louis XIV, Flammarion, 1979, p. 304-368. Sur la sociabilité au Nord de la France, se reporter à : La fête au cœur. Jeux, fêtes et sociabilité au pays des beffrois (XIVe-XXe), Revue du Nord, n° 274, Université Charles-de-Gaulle – Lille 3, juillet-septembre 1987, p. 473- 706.
26 Cegarra Marie, Le Nord, ombres et lumières, dans, Cultures régionales. Singularités et revendications, revue d’Ethnologie française. PUF, juillet-septembre 2003, p. 465- 470.
27 Pour achever de le convaincre : Cooper Richet Diana, Le peuple de la nuit. Mines et mineurs en France (XIXe-XXe), Perrin, coll. Terres d’histoire, 2002, 441 p. Egalement : Chovaux Olivier, Football minier et paternalisme sportif. Le cas exemplaire du Racing Club de Lens dans : Varaschin Denis, Dir., Travailler à la mine. Une veine inépuisée, Artois Presses Université, coll. Histoire, 2003, p. 185-210.
28 Terret Thierry, Rugby et masculinité au début du siècle, STAPS, n° 50, automne 1999, p. 31-47.
29 Defrance Jacques, L’excellence corporelle. La formation des activités physiques et sportives modernes (1770-1914), Presses universitaires de Rennes, AFRAPS, 1987, 207 p.
30 Les recherches entreprises par Jean Bréhon (« Le poids des influences sur les gymnastiques dans le Nord (1852-1914) », thèse de Doctorat en cours, Université de Montpellier, Dir. Jacques Gleyse) » devraient permettre de mieux comprendre les raisons d’une hégémonie gymnique tenace.
31 Sur l’histoire du Pas de Calais de 1870 à 1914, consulter : Le Maner Yves, Histoire du Pas-de-Calais (1815-1914), Mémoires de la Commission Départementale d’Histoire et d’Archéologie du Pas-de-Calais, Arras, 1993, 265 p. Sur les sociétés de gymnastique, les sociétés conscriptives et de tir, se reporter à : Hubscher Ronald, Dir., Ibid., p. 47-56.
32 Le mot « patrie » est présent dans 9 sociétés (« pro Patria, honneur et patrie, la jeunesse patriotique... »), 6 sociétés s’intitulent « la Revanche » ou « l’Espérance », 4 prennent le nom de « Jeanne d’Arc », d’autres enfin adoptent diverses appellations : « l’Avant-garde, le Réveil, la Gauloise, etc. » Consulter Ronald Hubscher, Ibid.
33 L’arrêté du 27 juillet 1893 introduit les exercices de tir dans les programmes des Écoles Normales. La circulaire du 18 mars 1907 indique « que le tir à l’arme de guerre sera donné par les soins de l’autorité militaire locale dans toutes les Ecoles Normales dont le siège est une ville possédant une garnison », ADPdC, T63.
34 Établi à partir des dossiers d’agrément des sociétés sportives du Pas-de-Calais (1909-1933), ADPdC, Tsupp/145.
35 Seuls les dossiers de ces deux arrondissements ont été à ce jour dépouillés. ADPdC, Tsupp/145.
36 Une interrogation demeure cependant pour le département du Pas-de-Calais, si l’on considère le rôle joué par les bataillons scolaires, dans la propagation des pratiques gymniques. En 1886, on dénombre en effet un seul bataillon scolaire pour le département, regroupant 300 inscrits (soit 2,1 % de la population scolaire). Situation radicalement différente dans le Nord, qui en compte 28 en 1886 (soit 6 174 élèves), ce qui place le département au deuxième rang national, avec 15,7 % des effectifs (soit 26,3 % des enfants de 12 à 16 ans inscrits dans les établissements scolaires). 190 communes (sur 665) sont concernées, notamment dans le bassin minier. Consulter : Marchand Philippe, Les petits soldats de demain. Les bataillons scolaires dans le département du Nord (1882/1892), Revue du Nord, Université Charles-de-Gaulle – Lille 3, n° 266, juillet-septembre 1985, p. 769-803.
37 Se reporter à : Le Maner Yves, ibid., p. 301-317. Sur la politique sous la IIIe République, consulter : Jean-Marie Mayeur, Les débuts de la IIIe République (1871- 1914), Seuil, Coll. Points histoire, 1973, 254 p. La vie politique sous la IIIe République (1870-1940), Seuil, Coll. Points histoire, 1984, 445 p.
38 In. Bulletin de la 35e fête fédérale de l’USGF, Angers, 30-31 mai 1909.
39 Sur ce point, Ihl Olivier, La fête républicaine, NRF Gallimard, coll. Bibliothèque des histoires, 1996, 402 p.
40 Sur les fêtes et manifestations sportives, consulter : Camy Jean, Fêtes et banquets : quelques formes de sociabilité dans les sociétés sportives vers 1900, dans : Arnaud Pierre, Dir., Les athlètes de la République. Gymnastique, sport et idéologie républicaine (1870-1914), l’Harmattan, 1997, p. 250-258.
41 Se reporter au chapitre V (une chrétienté menacée : religion et incroyance) dans : Hilaire Yves Marie, Histoire du Nord – Pas-de-Calais de 1900 à nos jours. Privat, 1982, p. 135-157.
42 Consulter : Vigarello Georges, Des jeux sportifs d’univers sociaux différents dans la France d’Ancien Régime, dans : Sport et démocratie, catalogue de l’exposition, Assemblée Nationale, 1998, p. 19-25.
43 Sur la diffusion du rugby et des pratiques sportives par la voie des associations et fédérations, consulter : Arnaud Pierre, Dir., Le sport et ses espaces (XIXe-XXe), éditions du CTHS, 1998. En particulier : l’USFSA ou la constitution de l’espace sportif dans la France métropolitaine (1887-1897), p. 289-312.
44 « À Bordeaux, la Ligue girondine d’Education Physique (...) a cru bon de modifier en l’atténuant le football rugby pour éviter d’une manière absolue les accidents qui ne manqueraient pas de se produire, car les collégiens du Sud Ouest ont un tempérament d’une ardeur trop excessive, et souvent, dans le Midi, cette fierté naturelle et instinctive qui distingue nos scolaires les ferait trop vite passer, dans la chaleur de la lutte, de l’échange de bons procédés à l’échange d’arguments... trop marquants. L’épreuve tentée avec le nouveau jeu que la Ligue girondine désigne sous le nom de barrette, en reprenant le vieux mot français, a donné des résultats merveilleux... ». Cité par : Tissié Philippe, L’éducation physique au point de vue historique, scientifique, technique, critique, pratique et esthétique, Larousse, 1901, 180 p.
45 Extrait de : Philippe Tissié, ibid., p. 47.
46 Le premier championnat interscolaire réunit en 1890 les équipes du lycée Lakanal, de l’École Monge et de l’École Alsacienne. En province, sont identifiées l’association de sports athlétiques du lycée de Brest, du Stade Bordelais (deux équipes de rugby) et de Grenoble.
47 Le détail du palmarès du palmarès des championnats de France de football-rugby (1890-1912) dans : E. Saint Chaffray, football-rugby, éditions de la revue EPS, 1999, 108 p. (réed.)
48 Héméryck Richard, Il est défendu de ne pas jouer, dans Jeux et fêtes dans les écoles congréganistes (troisième quart du XIXe), Revue du Nord, Université Charles-de-Gaulle – Lille 3, n° 274, juillet-septembre 1987, p. 623-643.
49 « Le but de la société est de fournir à la France des hommes capables de bien servir. L’École, le Collège font l’éducation morale des jeunes gens, tandis que nous, voulons faire leur éducation physique. Les membres de l’association, internes et externes, se réuniront au champ de courses, les jeudis et dimanches, de deux à quatre heures. La commission remercie la Société Hippique, qui a bien voulu laisser à discrétion le libre accès à la belle pelouse de son hippodrome ». Cité par Nord Sportif, 30 septembre 1922, ADPdC, G 95.
50 Cité par Nord Sportif, ibid., ADPdC, G 95.
51 Arnaud Pierre, L’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques, ou la construction de l’espace sportif dans la France métropolitaine (1887/1897), dans : Arnaud Pierre, dir., Le sport et ses espaces (XIXe-XXe), congrès national des sociétés historiques et scientifiques d’Aix en Provence (octobre 1995), éditions du CTHS, 1998, p. 287-311.
52 En 1891, 38 % des sociétés affiliées à l’USFSA sont des associations scolaires, pour 33 % en 1897. Les activités répertoriées sont l’équitation, le tir à l’arc, la boxe française, le lawn-tennis, le football et le rugby. Consulter : Solal Edouard, L’enseignement de l’éducation physique et sportive à l’école primaire (1789-1990). Un parcours difficile, éditions de la revue EPS, 1990, 352 p.
53 Cité par : Arnaud Pierre, l’USFSA ou la construction de l’espace sportif..., ibid.
54 Tableau réalisé à partir de : Ronald Hubscher, ibid., p. 94.
55 Consulter : Gleyse Jacques, Archéologie de l’éducation physique au XXe en France, PUF, coll. Pratiques corporelles. 1995, 272 p. Thibault Jacques, Les aventures du corps dans la pédagogie française, Vrin, 1977. Solal Edouard, ibid.
56 Extrait de : l’organisation pédagogique des écoles primaires. Nouveaux programmes soumis au conseil départemental. 26 juillet 1891 (nouvelle édition des programmes de 1884), ADPdC, T2281/F.
57 Extrait de : L’instruction primaire. Journal d’éducation pratique pour les instituteurs, institutrices et directrices d’écoles maternelles, 1896. ADPdC, T2281/F.
58 Témoignage de Camille Blond, élève-instituteur à l’ENI d’Arras de 1897 à 1900. Cité par Jean Thomas Raymond, L’Ecole normale d’instituteurs du Pas-de-Calais, Amicale des anciens élèves, Arras, 1965, 156 p. Les lignes qui suivent doivent beaucoup aux recherches d’Émilie Hervé, Le processus de scolarisation de l’éducation physique à l’ENI d’Arras. Essai de monographie (1890-1914), mémoire de maîtrise STAPS, Université d’Artois, juin 2001. Dir. Olivier Chovaux.
59 Témoignage d’Eugène Duminil, du directeur de l’ENI d’Arras, et de Jules Bréant. Cité par Jean Raymond Thomas, ibid.
60 Se reporter à : Bodis Jean-Pierre, Rugby et enseignement en France jusqu ’au début de la seconde guerre mondiale, dans Education et politique sportives, congrès du CTHS, Clermont Ferrand (octobre 1992), éditions du CTHS, 1995, p. 128-136.
Auteur
Est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université d’Artois. Ses recherches portent sur les pratiques et le spectacle sportif dans la France du Nord. Il a récemment coordonné un numéro de la Revue du Nord sur ce thème et a publié Cinquante ans de football dans le Pas-de-Calais (fin 19e-1940). Avec Williams Nuytens, il est co-fondateur de l’atelier Sherpas.
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